Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 51 - Témoignages du 22 novembre 2018 (séance du matin)


OTTAWA, le jeudi 22 novembre 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 39, en séance publique, afin de poursuivre son étude de la teneur des éléments des sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures, et à huis clos, afin d’étudier un projet d’ordre du jour (travaux futurs).

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bienvenue au comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Mon nom est Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec, et c’est un plaisir pour moi de présider cette réunion.

[Traduction]

Avant de donner la parole à nos témoins, je demanderais à mes collègues de se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, Québec, et vice-présidente de ce comité.

La sénatrice Eaton : Bonjour. Nicky Eaton, de l’Ontario. Merci d’être ici.

Le sénateur Ravalia : Bonjour et bienvenue. Mohamed Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Dasko : Donna Dasko de Toronto, Ontario.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar de Toronto, Ontario.

[Français]

La présidente : Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la teneur des éléments des sections 8, 15, 16 et 21 de la partie 4 du projet de loi C-86, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures.

[Traduction]

J’aimerais maintenant présenter nos témoins.

[Français]

Du Conseil du patronat du Québec, par vidéoconférence, je vous présente Mme Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef.

[Traduction]

De la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, nous avons Monique Moreau, vice-présidente des Affaires nationales; et Emilie Hayes, analyste des politiques.

[Français]

Bienvenue à ce comité.

[Traduction]

Vous aurez sept minutes pour prononcer vos remarques d’ouverture.

[Français]

Nous allons commencer avec vous par vidéoconférence, madame Kozhaya.

Norma Kozhaya, vice-présidente à la recherche et économiste en chef, Conseil du patronat du Québec : Bonjour. Merci à vous de nous avoir donné l’occasion de nous exprimer au nom du Conseil du patronat du Québec (CPQ) au sujet de certaines sections du projet de loi C-86.

Tout d’abord, deux mots sur le Conseil du patronat du Québec. Le CPQ regroupe la majorité des grandes entreprises du Québec, de même qu’un grand nombre d’associations sectorielles, et représente de façon directe et indirecte plus de 70 000 employeurs de toutes tailles — grandes, moyennes et petites — du secteur public et du secteur privé.

J’aimerais commencer par dire que, pour les employeurs, la conciliation travail-famille, ou de façon plus générale, la conciliation travail-vie personnelle est essentielle pour avoir des travailleurs plus heureux et plus productifs. Les employeurs reconnaissent de plus en plus cet aspect et essaient en général d’accommoder leurs travailleurs. Quatre employeurs sur cinq offrent des mesures de conciliation famille-travail d’une façon ou d’une autre. Les observations que je formule aujourd’hui devant vous s’inscrivent dans la perspective où, selon nous, les normes du travail devraient tenter de maintenir un certain équilibre entre les besoins et les attentes des employeurs et ceux des travailleurs.

Les employeurs ont différentes réalités et, selon nous, ces réalités doivent être reconnues pour favoriser des relations de travail harmonieuses, un marché du travail dynamique et performant et une croissance économique propice au progrès social. Dans le contexte de compétitivité mondiale accrue, comme vous le savez, où les employeurs font face à une pénurie de main-d’œuvre, inversement à la situation qu’on a pu connaître par le passé, ce qui est particulièrement vrai au Québec, il faudrait éviter d’alourdir le fardeau financier et administratif et, au contraire, offrir de la souplesse pour permettre l’adaptation à ces nouvelles réalités.

Le Code du travail représente un seuil, donc des normes minimales à respecter, et ce, peu importe le pouvoir de négociation des travailleurs. Il est important de rappeler que les employeurs au Québec, et au Canada en général, en particulier ceux qui relèvent de la compétence fédérale, offrent davantage que ce qui est prévu dans la loi. Dans le cas de ceux qui ne le font pas, c’est parce qu’ils n’ont pas la capacité de le faire, soit pour des raisons financières, par exemple à cause de leur marge de profit, ou pour des raisons opérationnelles.

Il est important d’établir des normes minimales, mais en même temps, il faut veiller à ce que des changements qui se veulent vertueux et qui sont dotés d’objectifs louables ne mènent pas à des conséquences non souhaitables. Il faut s’assurer qu’en fin de compte, l’encadrement n’accroisse pas l’écart de compétitivité des employeurs canadiens et n’engendre pas des défis opérationnels majeurs comme au Québec ou en Ontario, où il y a ce genre d’encadrement. Il faut rappeler que ces changements peuvent être ultimement au désavantage des travailleurs qu’on veut aider et des futurs travailleurs.

J’aimerais aborder quelques éléments plus spécifiques du projet de loi. Bien sûr, je n’aborderai pas tout, parce qu’il y a beaucoup de changements dans ce projet de loi. Je vais m’attarder en particulier à la section 15 qui concerne le Code du travail, pour soulever certains enjeux qui représentent des défis plus importants pour les employeurs.

Tout d’abord, il y a les questions liées à la durée du travail, donc la pause, la période de repos et l’horaire de travail. Ces modifications nuisent considérablement à la flexibilité que recherchent de nombreuses entreprises qui ont des besoins importants en ce qui a trait à la disponibilité de leurs salariés, surtout en période de pénurie de main-d’œuvre, et réduisent la flexibilité des employeurs à ce chapitre, essentiellement pour ce qui est du préavis de l’horaire de travail. Donc, la question des 96 heures de préavis ne tient pas compte de la nature des besoins de l’entreprise, du type d’activité et de facteurs extérieurs qui peuvent entrer en ligne de compte quant au principe de l’importance pour une disponibilité à temps des salariés. Il en va parfois de la survie de plusieurs entreprises. Il est davantage question de tenir compte de la réalité des entreprises qui doivent composer avec des congés légaux imprévus qui s’accroissent et d’un achalandage de la clientèle, qui peut fluctuer et être imprévu.

Les exceptions prévues dans le projet de loi sont beaucoup trop limitées, et les besoins opérationnels et la nature des fonctions de l’employé devraient pouvoir être invoqués pour reporter ou annuler une pause ou la période de repos. Le projet de loi parle de la notion de menaces, d’atteintes graves au fonctionnement normal de l’établissement de l’employeur. Selon nous, c’est très restrictif, et ce concept doit être élargi pour permettre davantage de flexibilité.

Parmi les autres dispositions, les questions liées au taux de salaire et au salaire égal représentent un objectif louable. Il faut savoir toutefois que le salaire dépend de beaucoup d’autres facteurs et qu’il y a un ensemble de conditions de travail qui sont rattachées aux différents statuts d’emploi et qui ont été négociées de bonne foi pour tenir compte des critères organisationnels propres à l’entreprise. On aborde donc un élément, mais on ne regarde pas l’ensemble de la rémunération et des conditions de travail négociées.

Ces dispositions, si elles sont adoptées, peuvent avoir la conséquence de forcer les employeurs à rouvrir leur convention collective actuelle et à la renégocier, ce qui risque de créer des situations de conflit de travail. Ça risque de façon indirecte de limiter l’embauche d’étudiants, de stagiaires et d’employés à temps partiel.

La question du salaire égal est liée à celle des agences de placement, et les mêmes arguments s’appliquent pour ce qui est de la différence qui n’est pas reflétée nécessairement par la nature du travail, mais par l’expérience, l’efficacité et l’engagement envers l’entreprise, qui devraient être reconnus.

Par ailleurs, un autre enjeu est celui de la divulgation des salaires. Il faut rappeler que le taux salarial des employés syndiqués et les échelles salariales des entreprises dont les employés ne sont pas syndiqués sont confidentiels. Les divulguer pourrait comporter un risque au chapitre de la concurrence. Comment une agence de placement pourra-t-elle gérer ses employés qui travaillent pour différents employeurs qui offrent des salaires différents? Les agences de placement peuvent représenter un avantage pour les travailleurs qui ont moins d’expérience et les étudiants.

Un autre élément important, c’est l’ajout de nombreux congés, dont plusieurs sont payés, ce qui occasionne une augmentation substantielle des coûts, mais aussi des enjeux liés à la gestion des absences. L’élimination de l’exigence de six mois avant d’avoir accès à plusieurs congés pose également problème. Dans plusieurs secteurs d’activité, les employés qui ont moins de six mois d’expérience remplacent des employés réguliers. Il faut surtout éviter le cumul de congés personnels, qui sont prévus par la loi, par rapport à ceux qui sont déjà offerts par un grand nombre d’employeurs.

Parmi les autres irritants, brièvement, il y a l’élargissement de la notion de professionnel de la santé et la question des transferts de contrat en continuité d’emploi. On pourra revenir à cet élément pendant la période des questions. Merci beaucoup.

La présidente : Merci à vous.

On poursuit avec Mme Moreau.

[Traduction]

Monique Moreau, vice-présidente des Affaires nationale, Fédération canadienne de l’entreprise indépendante : Merci, chers sénateurs, de me donner l’occasion d’être ici aujourd’hui. Vous devriez avoir une pile de diapositives devant vous, et je vais vous les expliquer dans les prochaines minutes.

Comme vous le savez peut-être, la FCEI est une organisation non partisane à but non lucratif qui représente plus de 110 000 petites et moyennes entreprises partout au Canada. Collectivement, nos membres emploient plus de 1,25 million de Canadiens, et les petites entreprises partout au pays représentent environ 75 milliards de dollars, ou près de la moitié du PIB du Canada. Nos membres représentent des entreprises de tous les secteurs de l’économie et se trouvent dans chaque région du pays.

Comme vous le savez peut-être, ce sont uniquement nos membres qui décident de la direction que nous prenons grâce à une variété de sondages, ce qui nous distingue un peu des autres organisations. Nous savons que les propriétaires d’entreprise sont trop occupés pour venir assister à des comités comme celui-ci, par exemple, donc nous allons leur parler directement et chercher leurs commentaires grâce à ce processus de sondage. De plus, nous avons une force présente sur le terrain qui consiste en environ 220 gérants de district, comme nous les appelons, qui vont cogner aux portes d’environ 4 000 petites entreprises par semaine. Cela nous donne l’occasion de comprendre les réalités de la gestion d’une entreprise au niveau local.

Je suis ici aujourd’hui pour souligner certaines des préoccupations dont les entreprises nous ont fait part concernant les modifications apportées au Code canadien du travail à la partie 4 de ce projet de loi. Nous reconnaissons que la plupart des petites et moyennes entreprises sont réglementées au niveau provincial. Cependant, des changements aux normes du travail fédérales peuvent avoir une incidence directe sur des milliers de PME dans des secteurs comme l’aviation et le transport et peuvent avoir un effet sur des milliers d’autres si d’autres administrations canadiennes emboîtent le pas. C’est dans ce contexte que je ferai mes remarques aujourd’hui.

Sur la diapositive 3, vous verrez que j’ai cerné certains contextes dans lesquels les petites entreprises fonctionnent aujourd’hui au Canada. Elles font face à certains défis, dont des incertitudes entourant le commerce avec les États-Unis ainsi que les augmentations du RPC qui commenceront l’an prochain. Elles ont eu à faire face à certains changements dans le régime d’imposition des petites entreprises pendant la dernière année. Quatre provinces auront de nouvelles taxes sur le carbone à partir du mois d’avril et il y a, bien sûr, les pénuries croissantes de main-d’œuvre à la grandeur du pays dont un témoin a fait mention.

J’aimerais aussi vous montrer sur la diapositive 4 quelques informations sur l’état de l’économie. Comme vous pouvez le voir, un des sondages que nous menons est notre baromètre des affaires mensuelles. Notre dernier baromètre du mois d’octobre montre que la confiance des petites entreprises a baissé d’un point pour terminer le mois à 60,5, ce qui est environ un point de moins que septembre et août. Idéalement, nous voulons voir cet index se situer entre 65 et 70 lorsque l’économie croît à son plein potentiel. Si quelqu’un s’attendait à ce que la résolution d’un accord commercial donne un nouvel optimisme aux petites entreprises au Canada, et bien cela ne s’est pas produit, du moins dans le court terme immédiat.

Sur la diapositive 5, on parle du manque de main-d’œuvre, et vous verrez que les petites entreprises partout au Canada font face à un manque de main-d’œuvre croissant. Nos recherches ont révélé que le taux de postes vacants pour les PME est à un taux plus élevé que jamais et se situe à 3,1 p. 100, ce qui signifie que près de 400 000 postes sont vacants depuis quatre mois ou plus longtemps. Avec ce marché du travail serré, les petites entreprises font tout ce qu’elles peuvent pour s’assurer d’attirer et de retenir les travailleurs. C’est à cause de cela que la FCEI dans ses sondages a démontré constamment que les petites entreprises étaient prêtes, sur une base informelle, à tenir des discussions sur le travail flexible avec ses employés et à essayer de répondre à leurs besoins du mieux qu’elles peuvent.

Nombre de propriétaires d’entreprise vous diront que leurs employés sont comme leur famille. Dans certains cas, ce sont des membres de la famille parce qu’ils travaillent de près ensemble dans des magasins familiaux que les Canadiens connaissent bien dans leurs petites collectivités, mais ils ont aussi tendance à essayer d’apprécier leurs employés comme des membres de leur famille.

J’aimerais parler un peu du genre d’occasions de travail flexible que les propriétaires d’entreprise donnent à leurs employés au Canada. Sur la diapositive 6, vous verrez certaines des mesures que les employeurs ont offert à leurs employés. Quatre-vingt-quatorze pour cent ont offert des congés pour s’occuper de problèmes personnels. Quatre-vingt-treize pour cent offrent de la flexibilité côté vacances. Plus de la moitié offre un horaire de travail flexible, par exemple, en offrant une semaine de travail comprimée. Exactement la moitié permet aux travailleurs de mettre en banque les heures supplémentaires pour les utiliser plus tard comme des vacances, donc on travaille des heures supplémentaires pour gagner des congés plus tard. Quarante-deux pour cent ont permis à des employés de réduire volontairement leur temps de travail et leur salaire, par exemple, en passant d’un travail à temps plein à un travail à temps partiel. D’autres, lorsque c’est possible de le faire, permettent à leurs employés de travailler de la maison.

Je ferais remarquer aux sénateurs que ceci s’est déroulé malgré le fait qu’il n’y ait aucune loi qui les ait forcés à le faire. C’est tout simplement ce que les entreprises font pour leurs employés parce qu’elles apprécient leur travail et qu’elles ont désespérément besoin d’eux.

À la diapositive 7, on a abordé certaines des expériences que les employeurs ont eues concernant les jours de congé pour urgence personnelle, à la section 15, sous-section A du projet de loi. Ces données viennent de l’Ontario, mais elles nous donnent une bonne idée de l’expérience des propriétaires d’entreprise lorsqu’ils ont à gérer ce genre de jours. Près de 70 p. 100 des membres ont fait part d’une incidence négative sur leur entreprise lorsqu’ils ont dû gérer ces jours de congé pour urgence personnelle. Cela peut être à cause d’un départ de dernière minute, mais en général, les propriétaires d’entreprise savent comment gérer cela. Le problème, c’est la paperasse, la bureaucratie et les coûts associés à ces congés payés aux employés.

À la diapositive 8, je parle de l’élimination de la durée minimum des états de service, à la section 15, sous-section B du projet de loi. Cela a des implications pour les petits employeurs, en particulier ceux qui ont moins de 20 employés. Dans des marchés du travail serrés, il est difficile de pourvoir les postes vacants. De permettre aux propriétaires d’entreprise d’engager quelqu’un, pour que cette personne parte peu de temps après en congé de maternité, par exemple, entraîne des effets sur le propriétaire d’entreprise et la productivité.

Avant que la loi ne soit rédigée, nous avons eu une expérience avec des techniciens vétérinaires. L’un de nos membres, qui est vétérinaire en Alberta, avait embauché quatre techniciens vétérinaires qui, en passant, étaient toutes des femmes. Sur une période de deux ans, elles ont toutes pris un congé de maternité sous une forme ou une autre. Ce sont des moments merveilleux pour de jeunes familles ainsi que pour des propriétaires d’entreprise, mais cela signifie que sur deux ans, dans l’Alberta rurale, le propriétaire de l’entreprise a essayé de pourvoir ces postes avec beaucoup de difficulté. C’était à une époque, il y a deux ans, où on ne faisait pas face à des pénuries de main-d’œuvre sévères comme à l’heure actuelle.

J’aimerais aussi vous raconter l’histoire d’un de nos membres ontariens qui œuvrent dans le secteur du commerce de détail. Vous verrez la citation suivante à la diapositive 9 :

J’ai deux employés qui ont travaillé pour moi pendant plus de 10 ans, et l’une d’entre elles a pris deux congés de maternité presque un à la suite de l’autre tandis que l’autre a eu trois congés de maternité sur une période de quatre ans. Je suis propriétaire de petite entreprise, et cela a énormément nui à mon commerce tout en causant beaucoup de stress et de problèmes aux autres employés. Trois de mes employés ont même démissionné en raison des problèmes, tandis qu’un autre a dû prendre six mois de congé à la suite d’une dépression nerveuse avant de finalement donner sa démission. Un congé de maternité d’un an, c’est très bien pour les personnes qui les obtiennent, mais pour tous les autres qui doivent composer avec, c’est très, très difficile et extrêmement stressant.

Encore une fois, il y a des mesures de soutien pour ces moments heureux dans la vie d’un employé, mais cela entraîne des conséquences pour les propriétaires d’entreprise. C’est pourquoi nous avons des craintes quant à l’élimination des exigences liées à la période d’emploi minimale.

Quant à l’équité salariale pour des employés occasionnels, à temps partiel et saisonniers, bien sûr, les propriétaires d’entreprise comprennent les intentions qui sous-tendent les mesures proposées visant à assurer une uniformité dans les niveaux de rémunération. Mais il faut se rappeler que la plupart des petites entreprises comptent 11 employés en moyenne et que cette mesure législative s’appliquera aux entreprises de 10 employés ou plus, si bien qu’elle aura des répercussions importantes.

Ce que nous demandons, c’est que si le projet de loi était adopté, que le gouvernement considère une approche axée sur l’« éducation avant la mise en application ». Si les propriétaires ont de la difficulté à s’adapter à la paperasserie et à vérifier qu’ils ont effectué les bonnes comparaisons pour l’équité salariale, qu’ils puissent obtenir un coup de main du gouvernement afin de s’assurer que tout soit très clair. Lorsque ce type de loi a été adopté en Ontario, même les fonctionnaires du ministère du Travail n’étaient pas en mesure de répondre à certaines questions posées par les propriétaires d’entreprise lorsqu’ils cherchaient à obtenir des conseils. Nous voulons rendre le tout le plus facile possible pour les propriétaires d’entreprise afin qu’ils puissent se conformer à la loi au moment où il y aura des changements.

J’aimerais terminer en résumant les recommandations que nous formulons aujourd’hui. Je demanderais aux sénateurs de tenir compte du contexte économique dans lequel les entreprises exercent actuellement leurs activités au Canada : resserrement du marché du travail et hausse d’impôt à compter de l’an prochain. Les propriétaires de petites entreprises travaillent déjà en collaboration avec leurs employés pour assurer un milieu de travail souple et ils font ce qu’ils peuvent pour gérer leurs relations avec leurs employés de façon informelle. Par conséquent, nous demandons au gouvernement de songer à accorder une plus grande souplesse aux petits entrepreneurs pour qu’ils gèrent leurs relations directement avec leurs employés et de songer à l’incidence des congés personnels d’urgence sur les entreprises de petite taille. La solution serait peut-être d’établir un seuil de conformité pour les congés d’urgence personnels dans les entreprises de 50 employés ou plus. Nous demandons à ce que le gouvernement songe à simplifier les exigences pour améliorer la conformité et la reddition de comptes de la part des petites entreprises, et qu’il sache qu’elles comprennent les intentions qui sous-tendent les mesures d’équité salariale, mais qu’elles ont besoin de temps et de capacités pour se conformer aux exigences liées à la bureaucratie et tout ce que cela comporte.

Je vais terminer ici mon exposé.

[Français]

Notez que je peux également répondre à vos questions en français, au besoin.

La présidente : Merci beaucoup à nos témoins pour leurs remarques préliminaires. C’est le moment de passer aux questions.

[Traduction]

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à vous deux pour vos exposés. Je vais poser ma question et je vais demander à Mme Kozhaya de répondre en premier, puisque vous participez par vidéoconférence. Nous ne voulons pas prendre le risque de vous perdre.

Vous avez tous deux mentionné la nouvelle réalité de la pénurie de main-d’œuvre. Il s’agit d’une réalité et d’un problème croissants au Canada, et les petites et moyennes entreprises doivent être en mesure d’y faire face. J’aimerais commencer par une question très générale à ce sujet et vous demander si ces modifications au Code du travail vous aideront ou vous empêcheront de faire face à cette nouvelle réalité de pénuries de main-d’œuvre.

Mme Kozhaya : Évidemment, elles entraveront la capacité des employeurs de répondre aux pénuries de main-d’œuvre.

[Français]

Il y a plus d’absences et plus de congés. Quelquefois, il s’agit de congés prévus, et d’autres fois, de congés imprévus. Le recours à des travailleurs de remplacement, qu’il s’agisse de travailleurs temporaires, de travailleurs à temps partiel ou d’agences de placement, sera maintenant plus difficile. Cela coûtera plus cher et ce sera plus difficile.

L’autre aspect a trait aux employeurs qui disent en ce moment se faire un peu de concurrence pour attirer et retenir les travailleurs. Pour cela, ils veulent se distinguer par leur offre de conditions de travail et, comme on impose alors un seuil plus élevé à tout le monde, leur capacité d’offrir davantage est réduite. Aujourd’hui, comme on l’a déjà mentionné, plusieurs offrent des conditions plus avantageuses que celles édictées par les normes du travail; parfois, c’est parce que les travailleurs sont plus jeunes ou plus vieux et qu’il faut les accommoder de façon différente. Là où il y a un seuil qui est imposé à tous les secteurs et à toutes les entreprises, peu importe leur réalité, leur capacité de s’adapter est réduite encore davantage.

[Traduction]

Mme Moreau : Je me fais l’écho des sentiments exprimés par le témoin précédent. Essentiellement, tout ce qui entrave l’embauche rendra plus difficile la résolution de ces pénuries de main-d’œuvre. C’est intéressant. Nous avons tendance à traverser ces périodes. Nous étions dans cette situation lorsque j’ai commencé à travailler à la FCEI, il y a environ sept ans, et nous avons vu des membres se tourner vers le programme des travailleurs étrangers temporaires et essayer d’intégrer de nouveaux immigrants dans leur entreprise et d’embaucher des employés contractuels. L’incertitude peut être complexe pour un propriétaire d’entreprise, de sorte que tout ce qui nuit à sa capacité d’embaucher un employé lui causera des difficultés dans son entreprise. Nous avons constaté des répercussions sur le plan financier et sur celui de la productivité, par exemple, lorsqu’il manque de personnel ou qu’il faut retirer des gens de la main-d’œuvre pour les former.

L’un des éléments clés à cet égard est que la formation dispensée par une petite entreprise prend plus de temps. Il n’y a pas tout un cours auquel on peut envoyer un employé pour qu’il en revienne et qu’il soit à la hauteur. Nous savons que les propriétaires d’entreprise dépensent environ 9 milliards de dollars par année en formation informelle, et c’est le genre de formation qu’une personne qui débute un nouvel emploi recevra. C’est un élément important, et cela requiert du temps et de l’argent, si bien que le fait de devoir recommencer à zéro a une incidence.

La sénatrice Seidman : Nous savons qu’il y a eu une période de consultation, je crois, avant la rédaction de ce projet de loi. Hier, nous avons entendu des témoins nous dire que des personnes et des groupes ont été invités à présenter des mémoires. Je me demande si le Conseil du patronat du Québec et la fédération ont présenté des mémoires pendant la période de consultation. Je sais qu’ils étaient thématiques, du moins c’est ce que nous avons entendu hier. Vous ne faisiez pas nécessairement des recommandations, mais vous écriviez sur des thèmes particuliers. Dans votre mémoire, avez-vous souligné ces questions particulières qui sont si importantes pour les petites et moyennes entreprises?

[Français]

Mme Kozhaya : De notre côté, nous n’avons pas eu la chance de nous exprimer sur ces modifications. Cependant, du côté provincial, au Québec, il y a eu plus ou moins le même genre de consultations et le dépôt d’un projet de loi qui va dans le même sens et dans lequel on retrouve beaucoup d’éléments similaires. Le projet de loi a été adopté au mois de juin dernier et, depuis, nous n’arrêtons pas de recevoir des appels de nos membres, grands et petits. Pour les plus petits, cela pose effectivement des défis additionnels, mais c’est aussi le cas pour les grandes entreprises, parce qu’il y a quelquefois des considérations qui les touchent plus spécifiquement.

Comment peut-on s’adapter et comment ces entrepreneurs peuvent-ils gérer tout cela de façon pratique et concrète? Il faut préciser, comme cela a déjà été mentionné, que si on examine une mesure à la fois, chacune d’elle semble pertinente et inoffensive, mais que lorsqu’on cumule toutes les dispositions et tous les enjeux — les absences, les congés, les vacances et le salaire égal —, c’est à ce moment-là que les modifications posent davantage problème, malheureusement, et réduisent la flexibilité.

Permettez-moi de dire que je crois que, dans le cadre de cette consultation, je ne sais pas combien d’organisations qui représentent les employeurs ont été consultées ou entendues comparativement à d’autres organisations qui représentent les travailleurs.

[Traduction]

Le sénateur Ravalia : Ma première question s’adresse à Mme Kozhaya. Vous avez fait allusion au fait que quatre employeurs sur cinq offraient des congés personnels et familiaux. Dans le cas d’un employeur sur cinq qui n’a pas offert ce genre de congé, est-ce qu’il s’agissait d’un groupe démographique particulier, ou est-ce que c’était un métier ou un type d’emploi particulier qui a eu une incidence sur le fait que ce groupe précis n’a pas offert ce type de congé?

Mme Kozhaya : Je n’ai pas nécessairement ce genre de renseignement. Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un type particulier d’employeur ou de secteur. Je pense que dans différents secteurs, les entreprises ont des réalités différentes. Parfois aussi, même s’ils n’offrent pas ces congés, les employeurs peuvent offrir des salaires plus élevés ou d’autres conditions. Malheureusement, je n’ai pas de détail plus précis sur cet employeur sur cinq qui n’offre pas ce genre de congé.

Le sénateur Ravalia : C’est très utile. Il n’y a pas un groupe démographique en particulier que vous ayez remarqué à cet égard.

Ma deuxième question s’adresse à Mme Moreau. Vous avez parlé des défis que doivent relever les petites entreprises et vous avez parlé de l’interaction avec l’indice du baromètre des affaires. Des cinq points que vous avez mentionnés, y en a-t-il un ou deux en particulier qui vous semblent avoir une incidence sur les entreprises? Je sais qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, on a beaucoup parlé des modifications apportées à l’impôt des petites entreprises et de leur incidence sur le moral, la productivité et les résultats financiers d’un certain nombre de petites entreprises familiales. Si vous deviez classer ces cinq facteurs, y en a-t-il qui, à votre avis, ont eu une plus grande incidence que d’autres?

Mme Moreau : Bien sûr. Il importe de rappeler aux législateurs comme vous que ces politiques n’interagissent pas en vase clos. Les propriétaires d’entreprises essaient de respecter les lois non seulement de votre gouvernement, mais aussi des gouvernements provinciaux et des administrations municipales. Ces propriétaires ressentent l’incidence de ces changements. Tout ce qui a une incidence sur les résultats nets d’une entreprise ou sur les coûts est probablement ce qui les préoccupe le plus. Quand on leur demande quelles sont leurs plus grandes priorités, ce sont toujours les impôts, puis les règlements. Compte tenu de cela, je pense que les augmentations du RPC, les modifications apportées à l’impôt des petites entreprises et les taxes sur le carbone dans les provinces qui sont actuellement confrontées au filet de protection contre le carbone feront certainement partie de leurs préoccupations.

Le sénateur Ravalia : Plusieurs intervenants ont fait allusion tout à l’heure à la pénurie de travailleurs, en particulier de professionnels. Votre groupe, dans son ensemble, envisage-t-il de prendre des mesures proactives pour recruter des personnes à l’étranger ou dans d’autres marchés? Cela vous coûte-t-il très cher? Les employeurs ont-ils leur mot à dire sur la façon dont cela fonctionne?

Mme Moreau : Nous appuyons certainement les façons novatrices d’aider les employeurs à trouver des employés. Un projet pilote qui se déroule actuellement dans la région de l’Atlantique permet à un employeur de trouver un employé à l’étranger et de le ramener dans son entreprise. Ils commencent immédiatement et obtiennent leur citoyenneté canadienne dans un délai de six mois. Voilà le genre d’initiative que nous appuyons.

Généralement, lorsque les petites entreprises prennent le temps de former quelqu’un dans leur entreprise et de l’intégrer dans la communauté, elles veulent qu’il y reste. Ces personnes veulent rester. En ce qui concerne le programme des travailleurs étrangers temporaires et d’autres programmes pilotes éventuels de ce genre, nous suggérons qu’il y ait une voie d’accès à la citoyenneté. Nous suggérons ce qu’on appelle le visa d’entrée au Canada. À l’heure actuelle, lorsqu’un travailleur étranger temporaire arrive, il est formé, reste deux ans, puis est renvoyé chez lui. S’il s’est intégré dans la collectivité et comble l’écart au niveau de l’emploi, nous pensons qu’il est logique qu’on lui offre au moins la possibilité de rester s’il le souhaite.

Le sénateur Ravalia : Je sais qu’à Terre-Neuve-et-Labrador, nous offrons également un programme provincial de parrainage qui peut accélérer ce processus.

Mme Moreau : Votre province n’est pas la seule, sénateur Ravalia. D’autres le font aussi. Le Québec, en particulier, fait du bon travail à cet égard. Dans certains cas, il est plus logique que la province s’en charge de la façon dont les programmes ont été conçus, mais nous sommes certainement conscients que l’immigration est une solution à ce problème.

Le sénateur Ravalia : Merci beaucoup.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je pense que vous avez déjà commencé à en dire davantage à ce sujet. Je peux m’adresser à vous deux, madame Moreau et madame Kozhaya. C’est surtout au sujet de l’impact que vous prévoyez qu’aura la loi quand elle sera votée par rapport aux conventions collectives déjà en place. Si la convention collective offre quelque chose, les gens auront tendance à aller vers la loi, qui offre de meilleurs avantages. Comment prévoyez-vous travailler avec tout ça pour que la situation convienne à tous?

Mme Kozhaya : Merci pour la question. C’est une question très importante et qui est au cœur des enjeux liés à ce projet de loi. Notre compréhension est que la convention collective devrait prévaloir, parce que c’est une convention. Les conventions collectives ont été négociées pour prévoir un ensemble de conditions de travail et tenir compte de la réalité de l’entreprise en question et de ses travailleurs. Ça a été négocié de bonne foi. Bien sûr, une convention collective inclut un ensemble de facteurs de conditions de travail, comme les salaires, mais aussi les avantages sociaux, les régimes de retraite et les horaires de travail. La convention collective devrait prévaloir. Il ne faut pas que la loi ajoute à ce qui existe déjà pour cumuler des éléments.

Dans le cas où la convention collective pourrait offrir, par rapport à certaines dispositions spécifiques, des conditions différentes qui pourraient être inférieures, il faudrait à tout le moins, dans ce cas, attendre l’échéance de la convention collective et sa renégociation afin de l’adapter, le cas échéant, à la nouvelle loi.

En ce moment, selon moi, il y a également des entreprises ou des activités qui sont exemptées ou qui ne sont pas assujetties à la loi. Je crois qu’elles devraient demeurer de l’être dans la mesure où c’est la même justification qui est invoquée.

Dans certains cas, malheureusement, on peut s’attendre à des conflits de travail, lorsque la convention prévoyait des conditions qui dépassaient tout de même de beaucoup ce qui était prévu par les normes du travail. Ce qui est prévu dans les normes augmente beaucoup et on peut penser que les syndicats en demanderont davantage. Si l’entreprise ne peut pas en offrir plus, ça risque de se traduire par des conflits de travail.

Mme Moreau : Ma réponse sera très courte, car la plupart de nos membres ne sont pas des employés syndiqués, alors cette partie de l’application de loi avec la convention collective ne nous concerne pas vraiment. Merci.

La sénatrice Eaton : Madame, vous parlez des normes minimales.

[Traduction]

Vous avez parlé des effets dans l’ensemble du Canada. Est-ce que l’une ou l’autre d’entre vous prévoit des pertes d’emplois parce que les normes minimales ont été dépassées? Je pense, comme vous l’expliquiez, que lorsque chaque industrie a une convention collective, cette dernière est vraiment propre à cette entreprise et tient compte des besoins de l’entreprise et de ceux des employés. Prévoyez-vous qu’il y aura des pertes d’emplois dans les petites entreprises et dans les grandes entreprises qui ont des conventions collectives? Si les gens ne sont pas congédiés ou ne perdent pas leur emploi, ces entreprises n’embaucheront certainement pas.

Mme Moreau : Il est toujours difficile de prédire ce genre de choses. La FCEI mène fréquemment des sondages auprès de ses membres, ce qui lui permet de se faire une idée de l’incidence de ses activités. C’est quelque chose que nous saurons peut-être dans trois ou six mois. Nous savons d’après d’autres et d’autres exemples — en Ontario, ils sont passés par là — que les répercussions sont importantes. Les deux tiers de nos membres ont indiqué que cela avait eu une incidence négative sur leurs activités.

La sénatrice Eaton : Oui, on appelait cela un tueur d’emploi.

Mme Moreau : Certes, la terminologie avait un rôle à jouer, mais tout ce qui empêche un propriétaire d’entreprise d’embaucher un employé ou de le garder peut entraîner une perte d’emploi, il n’y a aucun doute là-dessus. Nous devons en être conscients, c’est certain.

[Français]

Mme Kozhaya : Oui, nous aussi, de notre côté, bien sûr, le contexte de la pénurie va peut-être atténuer un peu le résultat, mais plusieurs membres, comme de gros employeurs en particulier, nous ont mentionné que l’impact se manifestera probablement par des pertes d’emploi et davantage d’automatisation.

[Traduction]

L’automatisation est déjà amorcée. À certains endroits, c’était trop coûteux. Maintenant, puisque les coûts de la main-d’œuvre vont augmenter de façon conséquente, peut-être l’automatisation sera-t-elle plus abordable et plus intéressante maintenant.

Certains employeurs ont déjà très clairement signalé qu’en conséquence, il y aurait des pertes d’emploi dans certains cas parce que, comme pour toute autre chose, quand quelque chose coûte plus, on essaie de moins en utiliser. Il en coûtera beaucoup plus d’embaucher des travailleurs pour finir par les remplacer, et il sera beaucoup plus compliqué de pourvoir les postes devenus vacants. Malheureusement, il arrivera que ce soit les gens les plus vulnérables qui soient les plus facilement remplaçables. Alors, il est vrai que cela pourrait entraîner des pertes d’emploi et plus d’automatisation.

Il y a autre chose, qui n’est pas directement liée aux emplois. Plusieurs employeurs nous ont dit qu’ils embauchent maintenant, disons, des travailleurs pour remplacer des employés à temps plein qui prennent des vacances, alors maintenant, ils seraient moins en mesure de répondre aux besoins des employés. On pourrait s’attendre à ce que les prix augmentent, dans certains cas, donc le consommateur en ressentira aussi les effets.

La sénatrice Eaton : Je vous remercie.

Mme Moreau : Dans le document du Baromètre des affaires, que vous avez reçu, si vous regardez le graphique 8, peut-être cela répondra-t-il plus précisément à votre question, madame la sénatrice. La pénurie de travailleurs qualifiés et la pénurie de travailleurs semi-qualifiés ou non qualifiés sont les deux plus importants freins à la croissance des ventes et de la production.

La sénatrice Eaton : Est-ce que les petites entreprises s’intéressent à l’automatisation? Est-ce qu’elle conviendrait à certaines petites entreprises?

Mme Moreau : Je pense qu’elle serait plus appropriée pour les moyennes entreprises. Évidemment, cela dépendrait. On ne va pas automatiser une entreprise de nettoyage à sec ou un restaurant local, par exemple, bien qu’il existe maintenant, je sais, des robots pour faire les sushis et ce genre de choses. Cela s’en vient. Peut-être devrais-je trouver un meilleur exemple. Mais je pense que pour les plus petites entreprises du genre, qui peuplent nos rues principales, nos collectivités et les secteurs où nous vivons, je pense que bien des années s’écouleront avant que cela arrive.

La sénatrice Eaton : Merci.

La sénatrice Omidvar : Je vous remercie toutes les trois d’être ici.

Ma question s’adresse aux deux témoins, qui pourront y répondre à leur guise. J’aimerais savoir ce que vous pensez de l’hypothèse qui suit : de bonnes conditions de travail favorisent le bien-être des travailleurs et entraînent une plus grande productivité et une meilleure fidélisation des effectifs.

Mme Kozhaya : Je suis tout à fait d’accord, et c’est pourquoi je disais que quatre employeurs sur cinq offrent plus d’avantages sociaux que n’en exigent les lois sur le travail. Dans certains cas, il peut arriver que ce soit plus difficile, comme lorsque la marge de bénéfice est plus faible, ou à cause de la cadence du travail. Très franchement, je pense que les employeurs qui n’offrent pas de bonnes conditions de travail disparaîtront à cause de la pénurie de main-d’œuvre et du vieillissement de la population. Cependant, le fait est que la réalité est différente pour certaines entreprises et certains secteurs. L’imposition de certaines normes — mur à mur, comme le veut l’expression — n’aide pas forcément les employés.

Mais vous avez tout à fait raison, et je suis tout à fait d’accord avec vous, de bonnes conditions de travail font que les employeurs sont plus productifs, parce que leurs employés sont plus heureux et leur sont plus dévoués.

Mme Moreau : Je pense que votre hypothèse est juste, madame la sénatrice, et que bien des Canadiens travaillent pour les petites entreprises, parce qu’elles tendent à être des chefs de file en la matière. Elles peuvent créer ces rapports et assurer une certaine flexibilité. Elles le font parce que c’est bon pour leurs affaires et c’est bon pour leurs employés. Ce n’est pas forcément parce que la loi les y oblige.

La sénatrice Omidvar : Vous avez toutes deux utilisé les termes « flexibilité » et « normalisation » — la flexibilité par rapport à la normalisation. La flexibilité est certainement positive puisqu’elle permet aux petites entreprises de s’adapter et de changer. Cependant, elle permet aussi aux institutions — continuons avec l’exemple des petites entreprises — de possiblement exploiter les plus vulnérables. La normalisation vise la protection des travailleurs.

Le Code canadien du travail n’a pas été mis à jour depuis les années 1960, je pense. Ce projet de loi adapte le Code du travail à la réalité du monde du travail d’aujourd’hui. De nos jours, il y a plus d’emplois contractuels et précaires. La sécurité d’emploi n’existe plus. Nous avons entendu parler de ces tendances à maintes et maintes reprises. Aujourd’hui, vous nous avez parlé de pénuries de main-d’œuvre. Nous savons que certains emplois ne sont pas pourvus parce que les conditions de travail ne permettent peut-être pas d’attirer des travailleurs canadiens et de garder les employés. Ce sont des questions avec lesquelles nous sommes aux prises. Pourriez-vous répondre à ces questions?

[Français]

Mme Kozhaya : Oui, tout à fait. Seulement, on dit aussi que les entreprises doivent être compétitives, mais si les conditions de travail deviennent trop onéreuses et que cela ne se reflète pas par la productivité des travailleurs, l’entreprise ne sera pas rentable. C’est d’autant plus vrai dans le cas où il s’agit d’une entreprise en concurrence à l’échelle internationale. Bien sûr, lorsque les coûts augmentent, l’entreprise peut augmenter ses prix pour demeurer rentable, sinon elle risque de disparaître. Cependant, elle ne travaillera pas à perte et pourrait ne plus être en mesure d’augmenter ses prix, parce que si elle les augmente, il n’y aura plus de demande ni à l’intérieur ni à l’extérieur, dans le cas des entreprises qui exportent et qui sont en concurrence à l’échelle mondiale.

C’est pour cela que cet équilibre nécessite des conditions de travail intéressantes, surtout dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, et ce, afin d’attirer des travailleurs. Il y a cependant une limite, et c’est pour cette raison que les conditions de travail ne comprennent pas seulement le salaire, mais bien un ensemble de rémunérations. Comme on le dit, le besoin fait loi et les entreprises qui ont des besoins plus spécifiques et qui ont la capacité de le faire offriront des conditions plus intéressantes, mais celles qui ne pourront pas suivre la cadence vont simplement disparaître, car elles ne pourront plus faire concurrence et survivre.

[Traduction]

Mme Moreau : En ce qui a trait à la normalisation, les lois, qui sont aussi vieilles que le Code du travail, doivent assurément être mises à jour. Nous le comprenons bien. En règle générale, la plupart des petites entreprises ont d’excellentes intentions et tentent d’être compétitives tout en respectant la réglementation qui leur est imposée par les différents ordres de gouvernement. Or, il faut leur donner une période d’ajustement pour leur permettre de se conformer à la réglementation. Malheureusement, lorsque le gouvernement impose une loi qu’il ne comprend pas lui-même et que les fonctionnaires sont incapables de répondre aux questions, cela ne fait que créer plus de confusion. Notre organisation a de l’expérience concrète en la matière. Le gouvernement se montre souvent sévère et punitif plutôt que de dire aux propriétaires d’entreprise : « Nous savons que vous faites de votre mieux. Vous avez commis une erreur. La prochaine fois, faites les choses d’une autre façon. » Lorsqu’un projet de loi prévoit des responsables de l’application de la loi et des sanctions pécuniaires importantes, les chefs d’entreprise sont certainement plus craintifs.

En ce qui a trait à la normalisation, beaucoup des changements que nous avons vus aujourd’hui ont en fait été recommandés dans le rapport Arthurs durant les années 1990. Nous sommes donc en droit de nous poser la question si ces changements reflètent réellement la réalité d’aujourd’hui. Les recommandations sont-elles toujours pertinentes? Nous devons y réfléchir. Quels étaient les objectifs visés par ces recommandations au départ? S’appliquent-elles réellement à la communauté des petites entreprises canadiennes?

La sénatrice Dasko : Je tiens à vous remercier de votre présence ici aujourd’hui.

Madame Moreau, si je me fie au graphique que vous nous avez fourni, je vois que le revenu annuel médian des entreprises qui sont membres de votre fédération se situe tout juste sous la barre du million de dollars.

Mme Moreau : Oui. Cependant, nous demandons rarement à nos membres de déclarer leur revenu annuel. Donc, ce chiffre représente un aperçu ponctuel.

La sénatrice Dasko : Autour de cela. Un million ou moins.

Mme Moreau : Ce chiffre s’applique probablement davantage aux entreprises de taille moyenne.

La sénatrice Dasko : Vous avez fait mention des employés contractuels. Ces dispositions ont-elles des incidences sur la capacité des entreprises de recourir à des employés contractuels? Font-elles en sorte qu’il sera plus facile ou plus difficile d’en embaucher? Je ne sais pas si ces employés contractuels sont une option réaliste pour de nombreuses entreprises, mais y a-t-il une incidence quelconque?

Mme Moreau : Il y a plusieurs volets à cette réponse. Faire la distinction entre un employé et un contractuel cause tout un désordre avec l’Agence du revenu. Cela cause des difficultés aux propriétaires d’entreprise.

Lorsqu’on demande aux propriétaires d’entreprise pourquoi ils embauchent des contractuels, ils disent que c’est pour avoir un accès plus facile à une plus grande expertise et à plus de compétences, et qu’il est aussi plus facile d’apporter des ajustements si la demande change. Il y a aussi moins de paperasserie et de lourdeur administrative. Actuellement, dans notre économie du savoir, les contractuels détiennent l’information. Ils ont tendance à être de passage au sein de l’entreprise. Voilà pourquoi ils choisissent ce mode de travail. La situation est très différente de celle d’un employé à temps partiel payé au salaire minimum qui n’a pas d’avantages sociaux et qui ne voit pas son contrat renouvelé. Dans la plupart des cas, ce genre de contractuels a une expertise précise qui profite à une entreprise pour les aider pendant une courte période de temps.

La sénatrice Dasko : Ces dispositions n’auraient aucune incidence sur cela?

Mme Moreau : S’il s’agit de contractuels. La difficulté peut survenir plus tard en cas d’audit, si on détermine qu’il s’agissait en fait d’un employé. Et cela, c’est une tout autre paire de manches, qui peut finir par coûter très cher aux propriétaires d’entreprise.

La sénatrice Dasko : J’ai une question pour les deux témoins. Quelle disposition du code est la plus difficile pour vos membres? À laquelle tenez-vous vraiment, quelle disposition est vraiment importante? Quelle disposition est la plus problématique, selon vous?

[Français]

Mme Kozhaya : C’est difficile à dire, parce que c’est vraiment le cumul de toutes les dispositions. Par exemple, dans certains secteurs, c’est le préavis de 96 heures qui posera plus de problèmes; dans d’autres secteurs, ce sera les congés additionnels. Je crois que, quelque part, il faut qu’il y ait une notion de flexibilité. Comme je l’ai mentionné, certaines exceptions sont prévues dans différents cas, telle la menace grave à l’établissement de l’employeur. Je crois que c’est restrictif, alors il faut élargir le concept pour tenir compte des enjeux opérationnels.

Je crois que c’est la question des horaires de travail et les exceptions prévues qui sont restrictives, ainsi que la question du salaire égal, parce que les mesures ne reconnaissent pas les conditions de travail et l’ensemble des raisons pour lesquelles c’est le cas. D’autres dispositions sont encore problématiques, mais je crois que ce sont les deux qui ressortent le plus souvent. Ça dépend aussi des secteurs qui peuvent être plus sensibles à un élément qu’à un autre.

[Traduction]

Mme Moreau : Le témoin précédent a donné une réponse très ouverte, que nous appuyons. Encore une fois, il est difficile d’arrêter un choix. En fait, s’il n’y avait qu’une disposition, les propriétaires d’entreprise auraient le temps de s’adapter et d’apporter des modifications. Encore une fois, tout dépend des secteurs. Par exemple, un restaurant aura des difficultés relativement à la période de préavis. J’ai dû faire un tri et faire des choix pour mes sept minutes, alors nous ne sommes pas allés dans les détails. Mais ce serait une difficulté.

La sénatrice Dasko : Le minimum.

Mme Moreau : Le préavis minimum de 96 heures pour changement de quart de travail. Cette mesure va compliquer mon travail, et je crois que ce sera une difficulté pour les propriétaires d’entreprise. Ce genre de mesure complique la situation. Certainement, nous savons qu’en Ontario, lorsqu’on s’est penché sur les congés payés, cela causait des difficultés à certains propriétaires d’entreprise. Encore une fois, tout dépend du secteur. Ce sont les mesures mises ensemble qui vont créer des difficultés. Nous allons encore une fois revenir à la notion d’éducation plutôt que d’application. Que peut faire le gouvernement s’il va de l’avant avec ces mesures pour soutenir le milieu des affaires et veiller à ce qu’il fasse bien les choses? Peuvent-ils proposer des mesures? La période de mise en œuvre sera-t-elle suffisamment longue? Pourrait-on par exemple donner une exemption de 12 mois aux entreprises qui comptent moins de 20 employés pour leur permettre de s’adapter? Voilà le genre d’outils que le gouvernement a à sa disposition, et nous l’encourageons à songer à s’en servir.

La sénatrice Dasko : Je crois que c’est ce que vous avez dit plus tôt, madame Moreau : que ces dispositions ne toucheront pas la plupart de vos membres puisqu’il s’agit du code fédéral.

Mme Moreau : C’est exact.

La sénatrice Dasko : Je vois qu’il y a 42 000 membres en Ontario, ce qui m’intéresse grandement, évidemment. Vous attendez-vous à ce que les provinces emboîtent le pas?

Mme Moreau : C’est pourquoi nous sommes ici. Avec des initiatives comme celle-là, surtout quand elles sont toutes déjà rédigées puis adoptées, on peut faire du copier-coller, si vous me permettez l’expression, et s’en servir de nouveau dans une province. C’est déjà arrivé. Les bonnes idées se transmettent, mais les mauvaises aussi. C’est une préoccupation pour nous.

Nous avons des membres qui exploitent des entreprises sous réglementation fédérale. Elles ne sont cependant pas nombreuses.

La sénatrice Dasko : Vous ne savez donc pas si...

Mme Moreau : Nous avons quelques petits transporteurs aériens dans le Nord qui seront touchés. Évidemment, rien n’empêche une province, une fois le projet de loi adopté, de dire qu’elle veut le mettre en œuvre également.

La sénatrice Dasko : Ou elle peut dire non, et ne pas le mettre en œuvre.

Mme Moreau : Absolument. On peut adopter le statu quo. Cela reste à voir. Nous savons que nombre de ces mesures figuraient déjà dans le projet de loi 148 en Ontario qui a été retiré, mais les mesures ont rapidement réapparu dans ce projet de loi. Voilà ce que je voulais dire. Il y a eu réaménagement.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup d’être avec nous.

J’ai trois questions à poser rapidement à Mme Moreau. Dans votre sommaire de recommandations, il est question d’offrir plus de flexibilité aux petits employeurs. Qu’entendez-vous par flexibilité accrue et qui devrait l’offrir? Le gouvernement, au moyen de mesures législatives? Quand vous parlez de plus de flexibilité pour gérer la relation, qu’entendez-vous par là?

Mme Moreau : Je vous remercie pour cette question. Essentiellement, nous disons que si certaines de ces mesures doivent aller de l’avant, il faudrait peut-être exempter les plus petites entreprises, que nous définissons comme étant celles qui comptent moins de 25 employés.

Le sénateur Munson : Jusqu’à 74.

Mme Moreau : Oui.

Le sénateur Munson : Donc, que devrait être le seuil des congés personnels d’urgence, selon vous?

Mme Moreau : À l’heure actuelle, il est fixé à 10. C’est pourquoi, comme je l’ai signalé dans une autre diapositive, la grande majorité de nos membres ont une moyenne de 11 employés.

Le sénateur Munson : Vous voudriez réduire le seuil?

Mme Moreau : Nous voudrions l’augmenter. Nous proposons un seuil allant jusqu’à 50 employés.

Le sénateur Munson : Quinze?

Mme Moreau : Cinquante. Cela ciblerait la plupart des petites entreprises au Canada.

Le sénateur Munson : Pour ce qui est du congé de maternité, les employés qui ont ces congés sont très heureux puisqu’ils fondent une famille et ont des enfants, mais cela crée beaucoup de stress. J’ai une question toute simple : comment contourner cela dans l’environnement actuel? Cela fait partie du flux et reflux de la vie quotidienne au travail. Quelles sortes d’exigences faudrait-il appliquer pour réduire le stress en général, comme celui que vous avez décrit dans le milieu de travail?

Mme Moreau : Il existe de nombreuses options en matière de politiques, et peut-être faudrait-il en discuter plus longuement pour les mettre en lumière.

Pour en revenir au point que vous avez soulevé, il s’agit tout simplement de la vie au quotidien. Mais, selon moi, tout ce que nous pouvons faire pour permettre aux propriétaires d’entreprise d’embaucher des gens facilement et à peu de frais, pour remplacer ceux qui partent en congé, de créer des emplois intéressants et de le faire facilement, permettra d’alléger une bonne partie du stress des propriétaires d’entreprise lorsqu’ils doivent faire face à de nombreux congés pour diverses raisons. Nous avons soulevé les congés de maternité parce qu’ils figurent sur la liste, mais les gens prennent des congés pour toutes sortes de raisons. Soit ils doivent soutenir leur famille ou bien ils ont des parents vieillissants et malades à qui ils doivent prodiguer des soins. La grande majorité des propriétaires d’entreprise font ce qu’ils peuvent pour accommoder leurs employés dans ces conditions. C’est lorsque la loi impose des minimums qui exigent que les employeurs répondent rapidement aux demandes de congé des employés que les choses se compliquent pour les employeurs.

Le sénateur Munson : Votre fédération a très certainement lutté — je ne dirais pas avec les poings — pour faire valoir sa perspective auprès du gouvernement fédéral, mais vous connaissez les rouages et vous êtes intervenus auprès du gouvernement pendant de nombreuses années. Le gouvernement nuit-il à ce que vous considérez être de bonnes pratiques commerciales qui existent déjà? Le gouvernement cherche-t-il à gérer et légiférer à outrance pour essayer d’aider les travailleurs? Je pense qu’on vous a déjà posé cette question. Que pensez-vous du rôle du gouvernement à cet égard?

Mme Moreau : Je vais vous parler du point de vue des règlements. C’est très difficile de redéposer le stylo une fois qu’on l’a en main. Les propriétaires de petites entreprises essaient de gérer leur commerce au quotidien, mais de plus en plus de lois voient le jour. Certaines d’entre elles sont très importantes. Nous n’avons rien contre les normes environnementales ou les règlements qui visent à assurer la santé et la sécurité. Ils existent pour une raison.

L’une des choses que nous défendons en tant qu’organisation est la réduction de la paperasserie. Nous nous acharnons inutilement, pour ainsi dire, depuis une dizaine d’années. Nous sommes sur le point de célébrer notre dixième Semaine de sensibilisation à la paperasserie ici, en janvier. On encourage tous les ordres de gouvernement à tenir compte, lorsqu’ils prennent des règlements, de l’incidence que cela a, non seulement sur le milieu des affaires, mais aussi, en définitive, sur l’économie. Il peut s’agir de petites choses, comme de compter à chaque fois qu’une mesure législative dit que vous « devez » ou vous « devrez », ou de déterminer le temps qu’il faille aux gens pour remplir les formulaires ou la fréquence à laquelle ils doivent le faire. Il y a des choses que les propriétaires d’entreprise font habituellement à la fin d’une longue journée. Nous sondons nos membres et plus récemment, lors de la grève à Postes Canada, je consultais les résultats du sondage. Ils sont arrivés à toute heure, à minuit et à 2 heures du matin. J’ai de jeunes enfants, j’ai donc pu remarquer ces tendances en temps réel. Cela m’a montré encore une fois que les propriétaires d’entreprise n’ont accès à ces possibilités qu’après avoir travaillé une journée entière. Lorsque vous légiférez et réglementez sans penser à l’incidence globale que ces règlements ont sur les petites entreprises, c’est clair que cela vient s’ajouter au reste.

Le sénateur Munson : Merci beaucoup.

[Français]

La présidente : Je ne sais pas si vous aviez quelque chose à ajouter à ce sujet, madame Kozhaya.

Mme Kozhaya : Oui, brièvement, pour répondre à la question du sénateur. On croit à l’importance d’avoir des normes minimales et de les faire respecter et de sanctionner les personnes qui ne s’y conforment pas. Toutefois, c’est encore une question d’équilibre entre ce qui est minimalement requis et négocié de bonne foi entre les parties prenantes et le gouvernement. Il y a une limite à ce qu’il peut faire dans un contexte de négociation qui touche un ensemble de conditions de travail. Encore une fois, lorsqu’il vient changer les règles du jeu, parfois en cours de route, c’est là que c’est préoccupant.

[Traduction]

La présidente : Si nos invités sont prêts à rester un peu plus longtemps, nous avons le temps de procéder à une deuxième série de questions rapide.

La sénatrice Seidman : Merci beaucoup à vous deux. Vous avez tous les deux parlé du fardeau lié aux changements apportés au Code du travail pour les petites et moyennes entreprises. Ils sont à la fois financiers et bureaucratiques au sens de la paperasserie, des programmes d’éducation et d’autres choses du genre.

Je vais revenir sur la question que vous a posée la sénatrice Dasko. Au lieu d’essayer de trouver la seule chose dans ce projet de loi qui pourrait être la pire, j’aimerais vous demander si vous avez une recommandation à nous faire. Notre comité enverra ses observations dans un rapport au comité des finances, qui examinera les amendements. Tout bien considéré, vous dites des choses assez importantes. Peut-être pourriez-vous nous laisser une seule recommandation quant à la manière de remédier — sinon d’améliorer — la situation des petites et moyennes entreprises. Je pourrais peut-être commencer par vous, madame Kozhaya.

[Français]

Mme Kozhaya : Je dirais que ce n’est pas facile, mais il faut se mettre dans la peau d’un employeur et imaginer comment il perçoit ça. Je l’ai dit auparavant, c’est probablement l’introduction dans les exceptions de la notion des enjeux opérationnels. Souvent, ce sont des questions d’applicabilité des dispositions et des implications qu’elles peuvent avoir. Il est vrai que pour les PME, le défi est important, mais il y a aussi de grandes entreprises. Pour ces entreprises, il y a des opérations en continu qui ne peuvent pas être interrompues ou qui exigent une disponibilité à temps, que ce soit dans le domaine du transport, dans le secteur manufacturier ou dans différents domaines. Les opérations doivent pouvoir continuer.

Je rappelle que ce sont en général des entreprises dans des contextes syndiqués où il y a eu des conventions collectives qui ont été négociées depuis plusieurs années et qui ont évolué avec le temps. Il faut voir dans ces conventions ce qui fonctionne et s’assurer de ne pas cumuler et de ne pas ajouter au-delà de ces conventions. Ça ne sera pas facile, mais c’est important.

[Traduction]

Mme Moreau : Ce n’est peut-être pas tellement un élément de la loi, mais songez à l’analyse d’impact. L’analyse des répercussions économiques, en particulier, vous donnerait une bonne idée de ce que ces mesures coûteraient à l’économie une fois mises en œuvre et de l’incidence qu’elles auraient sur les petites et grandes entreprises. À l’heure où nous essayons de faire concurrence à nos voisins américains et à d’autres pays, cela pourrait être un élément à considérer.

Deuxièmement, je recommanderais une politique qui permette aux propriétaires d’entreprise de se conformer au mieux de leurs capacités, de sorte qu’il y ait un soutien intégré à la conformité et un modèle de ce à quoi cela pourrait ressembler. Nous avons beaucoup d’idées à ce sujet, si cela devait être adopté.

La sénatrice Seidman : Pour enchaîner là-dessus, madame Moreau, dites-vous qu’il devrait peut-être y avoir une évaluation d’impact intégrée suivant l’entrée en vigueur des mesures législatives pour que le gouvernement soit obligé de faire un suivi, ou une espèce de collecte de données pour évaluer les incidences positives et négatives que les changements dans le code du travail amèneraient?

Mme Moreau : Ce pourrait être fait après, mais je crois certainement qu’il y a des avantages à la faire avant, pour voir quelles seraient les incidences avant que celles-ci se produisent. Nous aimons bien prendre des mesures pour nous donner une idée de ce que les coûts ont été. Il existe certains outils, peut-être pas une analyse économique, mais on peut emprunter le prisme de la petite entreprise, par exemple, et une évaluation d’impact réglementée qui donnerait une idée d’une partie de l’incidence sur la communauté des petites entreprises, à tout le moins.

La sénatrice Seidman : Bien. Merci.

La sénatrice Omidvar : Cela revient à la discussion entourant l’évaluation d’impact. Dans bien des projets de loi qu’on voit, il existe souvent un examen intégré après cinq ans. Cette loi ne contient pas pareille disposition. Est-ce que vous recommanderiez que la loi soit révisée dans cinq ans? Sinon, nous avons les années 1960 et le rapport Arthurs. Nous sommes en 2018, et maintenant nous faisons des progrès.

Mme Moreau : Je crois que vous avez répondu à votre propre question, madame la sénatrice. La meilleure façon de le faire est de l’intégrer pour qu’on n’attende pas des décennies avant de refaire des ajustements.

La sénatrice Omidvar : Merci.

La présidente : Madame Kozhaya, êtes-vous d’accord avec cela?

[Français]

Mme Kozhaya : C’est un avantage. En même temps, il faut éviter les incertitudes, parce qu’il faut bien sûr voir les résultats. De plus, il est important d’avoir des études d’impact. Si ça crée plus d’incertitude, ça peut aussi créer certains enjeux.

La présidente : Merci beaucoup. Je pense que nous avons fait le tour de nos collègues qui avaient des questions. J’aimerais remercier chaleureusement nos invitées. Vous avez été très généreuses de votre temps et vous nous avez donné des réponses de qualité qui nous ont été très utiles.

[Traduction]

Je demande aux honorables sénateurs de demeurer ici quelques minutes. Nous allons suspendre la réunion et revenir pour une brève séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)

Haut de page