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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

LE COMITÉ SÉNATORIAL PERMANENT DES AFFAIRES SOCIALES, DES SCIENCES ET DE LA TECHNOLOGIE

TÉMOIGNAGES


OTTAWA, le mercredi 28 février 2018

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 16 h 15, pour poursuivre son examen de questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, plus précisément la question de la santé mentale des enfants et des adolescents.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

[Traduction]

Je m’appelle Art Eggleton. Je suis sénateur de Toronto et président de ce comité. Je demanderais à mes collègues de bien vouloir se présenter à leur tour.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, Montréal, vice-présidente du comité.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, Nouveau-Brunswick. Bienvenue.

[Français]

La sénatrice Mégie : Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

Le sénateur Dean : Tony Dean, Ontario.

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, Ontario.

[Français]

La sénatrice Petitclerc : Chantal Petitclerc, du Québec

[Traduction]

Le président : Nous tenons aujourd’hui une rencontre préliminaire en prévision d’une étude sur la santé mentale des jeunes. Le comité a manifesté son intérêt pour ce sujet lors d’une séance qui remonte à un certain moment déjà. De nombreux efforts sont déployés dans ce dossier un peu partout au pays, aussi bien par vous que par d’autres. Nous ne voudrions pas faire double emploi avec tout cela. Nous souhaitons donc déterminer dans quel angle il convient pour nous d’aborder la question. Quelle pourrait être notre contribution la plus utile relativement aux enjeux liés à la santé mentale chez les jeunes?

Si notre comité a choisi de s’intéresser à la question, c’est parce que les chiffres à ce sujet sont particulièrement inquiétants. Nous vous avons convoquées aujourd’hui pour nous aider à orienter notre démarche.

Nous recevons les représentantes de trois organisations. Nous accueillons d’abord Mmes Louise Bradley et Nancy Reynolds de la Commission de la santé mentale du Canada, laquelle a été créée à la suite d’une étude menée par notre comité alors que le sénateur Michael Kirby en assumait la présidence. Il a d’ailleurs été le premier président du conseil d’administration de la commission. Nous souhaitons également la bienvenue à Mme Stephanie Priest, directrice exécutive, Division du bien-être et de la santé mentale, à l’Agence de la santé publique du Canada. Sont également des nôtres les représentantes du Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents, Mme Purnima Sundar, directrice, Mobilisation du savoir; et Mme Heather Ennis, gestionnaire des Communications.

Je cède d’abord la parole à Louise Bradley, présidente et directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada.

Louise Bradley, présidente et directrice générale, Commission de la santé mentale du Canada : Merci beaucoup de nous avoir invitées à comparaître devant vous au nom de la Commission de la santé mentale du Canada. Comme vous l’avez souligné, c’est en quelque sorte un retour au bercail pour nous, car nous devons notre existence à un rapport produit par le comité en 2006. Nous sommes ravis d’être des vôtres. Un grand merci d’avoir mis sur pied la Commission de la santé mentale du Canada.

Croyez-le ou non, nous avons célébré l’an dernier notre 10e anniversaire en voyant notre mandat être renouvelé pour une période de deux ans par Santé Canada. Nous nous réjouissons également du financement quinquennal additionnel annoncé dans le budget déposé hier aux fins d’une étude sur les impacts de la légalisation et de la réglementation du cannabis. C’est une question qui touche de près les jeunes, et plus particulièrement les adolescents et les jeunes adultes.

Les campagnes de lutte contre la stigmatisation comme celles menées par notre commission ont fait en sorte que les Canadiens sont plus conscients de leurs besoins aujourd’hui qu’ils ne l’ont jamais été. Je pense que vous conviendrez tous avec moi que l’on entend beaucoup plus parler maintenant de santé mentale dans la vie de tous les jours. Il n’en demeure pas moins que 40 p. 100 des parents ne voudraient pas avouer à qui que ce soit, et même pas à leur médecin de famille, que leur enfant a des problèmes de santé mentale.

La stigmatisation demeure donc une source de préoccupation contre laquelle nous devons continuer le combat.

Dans le cadre de cette évolution, nous sommes confrontés à de nouveaux défis. La plus grande sensibilisation a non seulement réduit la stigmatisation, mais aussi fait grimper la demande de services, alors même que ceux-ci ne sont pas toujours accessibles. Les gouvernements sont quelque peu malhonnêtes lorsqu’ils exhortent les gens à obtenir les soins en santé mentale dont ils ont besoin, alors qu’ils savent très bien qu’ils risquent fort de se faire dire qu’il y a une liste d’attente de 18 mois pour obtenir des traitements. Ce n’est rien d’inhabituel. C’est ce que nous ont confirmé des responsables de cliniques de santé mentale pour enfants, et c’est justement des enfants dont nous parlons aujourd’hui. On leur répond qu’ils vont devoir attendre un an et demi, ce qui est une véritable éternité pour un jeune de cet âge. C’est même une éternité pour ceux qui ne sont plus si jeunes.

Nous ratons ainsi une occasion en or d’intervenir hâtivement, alors qu’il a été établi que cela produisait de meilleurs résultats. Au Canada, environ 1,2 million d’enfants et de jeunes souffrent de problèmes de santé mentale, mais moins de 20 p. 100 d’entre eux obtiennent l’aide dont ils ont besoin.

Les engagements financiers importants permettent d’espérer un avenir meilleur, mais de sérieuses lacunes restent à combler. Nous avons besoin de fonds supplémentaires non seulement pour régler les problèmes actuels, mais aussi pour développer au Canada des solutions novatrices en prévision des problèmes qui nous attendent dans un contexte où la demande continue de croître. Nous nous réjouissons donc d’autant plus de voir tous ces nouveaux programmes qui sont offerts pour assurer le bien-être des enfants. Je pourrais citer par exemple Partir d’un bon pas pour un avenir meilleur, un programme ontarien de prévention qui permet au système d’économiser près de 25 p. 100 par enfant en services publics. Ces économies découlent de visites moins fréquentes chez le médecin et d’une réduction des coûts associés aux programmes sociaux et à l’éducation.

En Nouvelle-Écosse, l’Institut des familles solides représente également une importante source d’innovation. De plus, la commission a publié une série de documents démontrant que les investissements en santé mentale rapportent bel et bien des dividendes.

Les gouvernements peuvent aussi investir, à un coût très raisonnable, dans des initiatives d’intervention précoce comme LA TÊTE HAUTE qui produisent des bénéfices à long terme.

Honorables sénateurs, je pourrais continuer à vous parler d’autres pratiques et programmes tout aussi prometteurs — et je pourrai certes le faire en répondant à vos questions — mais je veux maintenant céder la parole à ma collègue Nancy Reynolds qui va vous fournir matière à réflexion sur d’autres aspects de la problématique. Merci.

Nancy Reynolds, présidente, Comité consultatif sur les enfants et les jeunes, Commission de la santé mentale du Canada : Merci, Louise. Honorables sénateurs, la santé mentale des enfants et des jeunes est une responsabilité collective qui nécessite l’engagement des parents, des enseignants, des professionnels de la santé, des organismes communautaires, et des jeunes eux-mêmes.

Changer les orientations, changer des vies, la stratégie du Canada en matière de santé mentale, a notamment comme objectif prioritaire de faire en sorte que les familles, les écoles, les établissements d’enseignement postsecondaire et les organismes communautaires soient mieux à même de favoriser la santé mentale chez les enfants et les jeunes, et de réduire le plus possible le nombre de cas de maladie mentale et de suicide.

Il faudra intervenir sur plusieurs fronts pour améliorer la santé mentale des jeunes Canadiens. Les mesures prises ne doivent pas se limiter au secteur de la santé; les facteurs sociaux, culturels, économiques et environnementaux doivent aussi être pris en compte. Les besoins sont particulièrement criants dans les secteurs ruraux et éloignés ainsi que dans les collectivités autochtones, des populations qui ont toujours été mal desservies. Les jeunes Autochtones sont de cinq à six fois plus susceptibles de se suicider que les autres Canadiens du même âge. C’est une véritable crise générationnelle.

Des innovations récentes, comme la santé mentale en ligne, pourraient donner l’accès à de toutes nouvelles ressources, notamment en matière d’information, et permettre même certaines interventions. Grâce à des applications technologiques fondées sur des données probantes, les jeunes et les familles seront mieux aptes à prendre eux-mêmes la situation en main. Nous avons besoin d’un leadership national. Pour sa part, la Commission de la santé mentale se fait le porte-voix des adultes en devenir pour contribuer à l’élaboration du plan d’action en matière de santé mentale pour les enfants et les jeunes.

L’énoncé consensuel sur la santé mentale des adultes émergents — l’appellation choisie de préférence à jeunes — est le fruit d’une mobilisation véritable des jeunes, à partir de l’élaboration conjointe du processus de concertation jusqu’au rapport final. On y formule de nombreuses recommandations relativement aux principaux enjeux liés à la transition vers l’âge adulte, une période cruciale pour ceux qui éprouvent des problèmes de santé mentale.

Mais la voie à suivre pour l’avenir n’est pas tout à fait claire. Il nous faudrait davantage de données, surtout des données permettant des comparaisons fiables aux fins de l’évaluation des besoins dans les différentes régions du pays et de la recherche de solutions adaptées.

L’Institut canadien d’information sur la santé a mené de nombreux travaux en vue de recueillir ce genre de données. Si nous voulons pouvoir compter sur une base d’information suffisamment probante en matière de santé mentale chez les enfants et les jeunes, nous avons toutefois besoin de données en provenance de différents secteurs comme les services à l’enfance, les services sociaux, l’éducation et la justice, en plus des données sur la santé. Il nous manque encore un tel ensemble de données intersectorielles pertinentes qui devraient servir de fondement à toute étude sur les besoins des enfants et des jeunes en matière de santé mentale.

La Commission de la santé mentale continue d’aller de l’avant en misant sur des innovations prometteuses, comme celles dont Louise vous a parlé, et s’emploie à favoriser les améliorations au système en place dans la mesure des ressources disponibles. À ce titre, on peut citer l’exemple récent du partenariat entre la commission et le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador pour lancer l’initiative « Enraciner l’espoir ». Ce projet amorcé le mois dernier se poursuivra au cours des cinq prochaines années en mettant à contribution quelques-unes des innovations les plus porteuses d’espoir.

On veut ainsi réduire les répercussions du suicide et bonifier la base de données disponible pour la prévention dans le but d’en faire un jour un projet d’envergure nationale.

Honorables sénateurs, nous estimons en être rendus à un point tournant de notre histoire. En s’engageant à s’attaquer aux problèmes de santé mentale et à établir un véritable partenariat avec les peuples autochtones, le gouvernement a envoyé des signaux fort prometteurs pour l’amélioration de la santé mentale de nos jeunes Canadiens.

Nous sommes heureuses d’être ici aujourd’hui pour vous aider à orienter votre étude. Nous serons ravies de répondre à vos questions à titre de représentantes de votre commission.

Stéphanie Priest, directrice exécutive, Division de la santé mentale et du bien-être, Agence de la santé publique du Canada : Merci de me donner l’occasion de discuter avec vous de la santé mentale des jeunes Canadiens.

Mon intervention portera sur le rôle de l’Agence de la santé publique du Canada dans l’amélioration et le maintien de la santé mentale des Canadiens, en mettant l’accent sur notre travail dans le domaine de la prévention du suicide.

Je tiens d’abord à souligner l’importance d’une bonne santé mentale comme partie intégrante de la santé globale. Les Canadiens doivent se sentir bien pour pouvoir s’épanouir pleinement, profiter de la vie et composer avec le stress et les aléas de la vie quotidienne. Tout cela est également primordial pour les jeunes. Nous savons toutefois qu’un Canadien sur trois sera atteint d’une maladie mentale au cours de sa vie, et nous constatons aussi certaines tendances inquiétantes chez les jeunes.

Je crois qu’il serait bon que je vous cite quelques-unes de nos données d’enquête à ce sujet. Moins de la moitié des jeunes de 15 à 17 ans estiment avoir une forte capacité d’adaptation. Le quart des élèves de la sixième à la douzième année déclarent avoir été intimidés par d’autres élèves au cours des 30 derniers jours. Près de 30 p. 100 des jeunes de 15 à 17 ans révèlent qu’un membre de leur famille a des difficultés émotionnelles, des troubles de santé mentale ou un problème de consommation d’alcool ou de drogues.

L’Agence de la santé publique du Canada intervient à toutes les étapes de la vie pour renforcer les facteurs de protection de la santé mentale, comme la résilience et la capacité d’adaptation, et pour réduire les facteurs de risque de maladie mentale et de suicide, comme la violence entre partenaires et les mauvais traitements infligés aux enfants.

L’approche axée sur le parcours de vie accorde une attention particulière aux grandes périodes de transition, comme la petite enfance et la transition vers l’école; l’adolescence et la transition vers le secondaire; et le début de l’âge adulte et la transition vers l’autonomie.

Notre travail comprend également la surveillance en matière de maladie mentale et de suicide; la mise à l’essai d’interventions de promotion de la santé mentale pour les enfants, les jeunes et les familles en vue de découvrir ce qui fonctionne dans des collectivités et des milieux différents et pourquoi cela fonctionne; et le soutien de programmes communautaires destinés aux enfants et aux parents vulnérables.

En ce qui concerne le suicide, nous adoptons une approche axée sur la santé publique, ce qui signifie que nous mettons l’accent sur la prévention dans l’ensemble de la population et que nous nous inspirons des connaissances et de l’expérience acquises dans plusieurs secteurs.

Nous savons qu’une moyenne de 11 personnes par jour se suicident au Canada, ce qui représente plus de 4 000 décès prématurés chaque année. Le suicide est la deuxième principale cause de décès chez les jeunes de 10 à 24 ans.

Ces chiffres ne sont que la pointe de l’iceberg lorsqu’il s’agit de comprendre le suicide. En premier lieu, tous les suicides ne sont pas classés comme tels, et la collecte de données varie d’une administration à l’autre. Les données existantes sur la mortalité par suicide ne disent rien du contexte dans lequel ces décès se produisent, et nous n’avons pas accès à des données normalisées et en temps réel pour le Canada. Chaque décès par suicide a des répercussions sur plusieurs autres personnes. Certains auront des pensées suicidaires ou feront des tentatives de suicide. D’autres sont endeuillés par la perte d’un proche. Malheureusement, la stigmatisation liée à la santé mentale fait en sorte que beaucoup de personnes ne demandent jamais d’aide. Il n’y a pas de cause unique du suicide. Une combinaison de facteurs biologiques, psychologiques, sociaux et culturels entrent en jeu. La santé mentale et le risque de suicide peuvent être influencés par la cooccurrence de dépression, d’anxiété, de consommation problématique de substances, d’exposition à des abus ou à des traumatismes, en plus des facteurs de stress personnels, familiaux ou culturels et des expériences de vie de chacun.

Nous savons aussi que les déterminants sociaux clés de la santé, comme le logement, l’éducation, l’emploi, le développement de la petite enfance, l’accès aux soins de santé et l’autodétermination de la collectivité, sont des facteurs importants.

Les efforts de prévention du suicide de l’Agence de la santé publique sont orientés par le Cadre fédéral de prévention du suicide. Ce document fournit des principes directeurs qui harmonisent nos activités fédérales de prévention du suicide, tout en complétant les travaux importants entrepris par nos partenaires. Le cadre est issu de la Loi concernant l’établissement d’un cadre fédéral de prévention du suicide, qui est entrée en vigueur en décembre 2012. Trois grands objectifs stratégiques orientent nos efforts. Premièrement, nous voulons réduire la stigmatisation et sensibiliser la population. Deuxièmement, nous souhaitons diriger les Canadiens vers l’information et les ressources dont ils ont besoin. Troisièmement, nous désirons accélérer l’utilisation de la recherche et de l’innovation. Nous avons des travaux en cours pour l’atteinte de chacun de ces objectifs.

Par exemple, nous collaborons avec des partenaires clés, comme le Centre de prévention du suicide, ainsi qu’avec des personnes qui ont une expérience vécue pour créer des outils pratiques qui aideront les Canadiens à parler du suicide de façon ouverte, sécuritaire et responsable.

Nous appuyons en outre Services de crises du Canada dans la mise en œuvre d’un Service canadien de prévention du suicide qui regroupera les services de ligne de détresse et de crise offerts dans les différentes régions du Canada. Il permettra aux Canadiens d’accéder en tout temps à des services de soutien sans frais assurés, par téléphone, message texte ou clavardage, par des intervenants formés à cette fin.

En ce qui concerne l’accélération de la recherche, nous collaborons étroitement avec la Commission de la santé mentale du Canada pour établir un programme national de recherche et d’application des connaissances pour la prévention du suicide. Ce programme permettra de cerner les lacunes et les priorités en matière de recherche sur le suicide et de mettre en commun les connaissances à des fins d’utilisation pratique par les collectivités, les chercheurs et les décideurs de tout le pays.

Nous nous employons également à optimiser les données existantes sur le suicide et à explorer de nouvelles sources d’information.

Nous prévoyons faire le point sur ces initiatives et sur d’autres activités du gouvernement fédéral dans notre prochain rapport d’étape qui devrait être publié d’ici décembre 2018.

En terminant, j’aimerais souligner l’importance des démarches collectives dans tout le continuum de la promotion, de la prévention et du traitement de la santé mentale, y compris le dépistage précoce et le traitement des maladies.

Pour que ces efforts soient utiles et efficaces, surtout lorsqu’il est question de la santé mentale des jeunes, il est impératif de mobiliser les jeunes Canadiens et les personnes ayant une expérience vécue afin qu’ils contribuent à l’élaboration et à la mise en œuvre de solutions qui ont une incidence sur leur santé.

Je vais terminer sur cette note. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions tout à l’heure. Merci.

Purnima Sundar, directrice, Mobilisation du savoir, Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents : Monsieur le président, honorables sénateurs membres du comité, je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole devant vous aujourd’hui.

Depuis 2004, notre centre s’emploie à regrouper les gens et les connaissances afin d’optimiser les résultats en matière de santé mentale et de mieux-être des enfants, des jeunes et des familles de l’Ontario. À l’époque, soit il y a 14 ans à peine, bien des gens croyaient encore qu’il était tout simplement impossible que des enfants puissent souffrir de problèmes de santé mentale. Comme vous le savez, les mentalités ont changé depuis, et le travail de votre comité en est en bonne partie responsable.

En 2006, le rapport De l’ombre à la lumière a sonné l’alarme quant à notre incapacité à relever l’un des plus grands défis socioéconomiques pour notre pays, à savoir répondre aux besoins en santé mentale des Canadiens, et ce, du berceau jusqu’au tombeau. Depuis lors, les enjeux liés à la santé mentale retiennent l’attention plus que jamais auparavant, et l’on discute sur toutes les tribunes des moyens à prendre pour en faire davantage à cet égard.

Il est bien évident que les gens n’hésitent plus à parler de santé mentale en 2018. C’est une bonne chose en soi, bien que cela entraîne des coûts inattendus pour les citoyens, les collectivités et les systèmes. D’après ce que nous avons pu constater en Ontario, ces conversations qui auraient dû avoir lieu depuis longtemps déjà ont mené à une augmentation de la demande qui pèse très lourd sur des services déjà en manque de ressources, comme mes collègues l’ont souligné avec justesse. On n’arrive plus à suffire à la tâche. Nous devons pouvoir en faire davantage et, ce qui est encore plus important, nous devons faire encore mieux.

Nous sommes donc un centre d’excellence qui appuie différentes activités de recherche, d’innovation, d’évaluation, d’apprentissage et de mobilisation qui aident le secteur de la santé mentale pour les enfants et les jeunes à progresser à pas de géant. L’excellence demeure toutefois difficile à atteindre dans l’ensemble du système. Il faut d’abord pouvoir définir ce qu’on entend par excellence, de manière à être capable de la mesurer. Nous devons faire en sorte que tous ceux qui travaillent à favoriser la santé mentale et le mieux-être des enfants et des jeunes disposent des outils et des ressources nécessaires dans leur quête incessante de l’excellence. Il faut pour ce faire investir à la fois du temps, de l’argent et de l’attention.

Les problèmes de santé mentale des enfants et des jeunes servent de baromètre pour mesurer l’état global de santé mentale et de bien-être de nos familles et de nos collectivités. Alors que les coûts personnels, sociaux et économiques de l’inaction sont énormes, les investissements en la matière vont rapporter des dividendes pendant des générations à venir. Les possibilités d’investissement en faveur de la santé mentale des enfants et des jeunes sont infinies, mais nous souhaiterions porter à l’attention du gouvernement quatre secteurs d’interventions stratégiques qui pourraient paver la voie vers l’excellence.

Nous devons investir dans nos enfants. Nous devons investir dans les données. Nous devons investir dans la qualité. Et nous devons investir dans l’innovation.

Vous avez tous entendu les statistiques. Environ 70 p. 100 des maladies mentales dont nous allons souffrir dans le courant de notre vie apparaissent avant l’âge de 18 ans, mais il faut aussi savoir que 50 p. 100 d’entre elles prennent naissance avant 14 ans. Nous savons que c’est en offrant à nos enfants le meilleur départ possible dans la vie et en intervenant rapidement dès que des problèmes surgissent que nous avons les meilleures chances de leur assurer une vie plus saine et de réduire les coûts à long terme pour les particuliers, les familles, les collectivités et les services publics.

De grands progrès ont été réalisés au cours des dernières années dans le domaine de la santé mentale des jeunes. Des indications récentes nous portent toutefois à croire qu’il est tout de même peut-être déjà trop tard. Notre cerveau se forme dès la petite enfance, une étape de la vie où la fenêtre vers l’avenir est grande ouverte. Il peut alors se produire toutes sortes de choses, aussi bien des bonnes que des mauvaises. Lorsque nous faisons ce qu’il faut pour la santé mentale des très jeunes enfants, le système dans son ensemble s’en trouve transformé. Si l’on néglige d’intervenir systématiquement auprès de ces enfants, c’est leur santé mentale qui pourrait en souffrir pendant le reste de leur vie. En réduisant les facteurs de risque et en favorisant la résilience des Canadiens les plus jeunes, nous pouvons faire en sorte qu’il soit moins souvent nécessaire de leur offrir par la suite des services intensifs qui entraînent des coûts considérables. Ce faisant, nous allons aussi contribuer au développement d’une nouvelle génération qui sera bien équipée pour mener notre nation vers un avenir sain et prospère.

Comme mes collègues l’ont indiqué, il est également grand temps d’investir dans les données. La santé mentale est peut-être sortie de l’ombre, mais la plupart des fournisseurs de services, et plus particulièrement ceux qui aident les enfants, les jeunes et les familles, travaillent encore dans l’obscurité. On vous a cité de nombreuses statistiques aujourd’hui, et nous ne manquons pas de nous en servir nous aussi. Il faut toutefois avouer que les données disponibles sont souvent désuètes ou issues d’études régionales, ce qui entraîne un manque d’uniformité dans les mesures et les définitions utilisées. À ce sujet, nous sommes fiers de participer en Ontario à une ambitieuse initiative visant à moderniser les systèmes provinciaux de production de données et de rapports sur la santé mentale des enfants et des jeunes.

Pour définir l’excellence, il faut mesurer ce qui compte, et les gouvernements ont besoin de données pour investir en conséquence. Les collectivités ont besoin de données pour planifier et mettre en œuvre des services intégrés, et les organismes ont besoin de données pour comprendre les gens à qui ils offrent des services, pour savoir s’ils les aident et pour s’améliorer au quotidien.

Nous avons besoin de systèmes uniformes et intégrés qui favorisent une amélioration continue de la qualité à partir de la première ligne, jusqu’au Cabinet du premier ministre. Notre centre a récemment évalué l’état de préparation des organismes de santé mentale pour les enfants et les adolescents de l’Ontario à recueillir, gérer et utiliser les données pour créer un système de services qui offre des résultats pour les enfants, les jeunes et les familles qu’ils aident. La bonne nouvelle, c’est que tous sont d’avis qu’il faut utiliser des données de grande qualité pour orienter la planification et la prestation des services. Malheureusement, nous avons aussi appris que les organismes n’ont pas les bonnes infrastructures, les bonnes ressources ou les bons processus en place pour réussir.

Il n’est donc pas seulement question de technologie. Pour faire fonctionner un système fondé sur les données, il faut les bonnes personnes qui ont la bonne formation et qui ont le temps de l’améliorer. Il est maintenant temps d’investir dans la qualité. Nous savons que seule une petite minorité d’enfants et d’adolescents qui ont besoin de services en santé mentale les reçoivent: les estimations actuelles sont de l’ordre de 20 à 25 p. 100. Malheureusement, même pour ceux qui ont accès aux services, rien ne garantit que les interventions offertes seront efficaces ou qu’elles se fonderont sur les meilleures données probantes disponibles. Le Canada doit avoir une compréhension universelle de ce qui fonctionne pour qui et comment.

Les services fondés sur les données probantes misent sur les meilleurs résultats de recherche de même que sur la sagesse des experts et le jugement des cliniciens, et respectent les besoins et préférences individuels des enfants, des adolescents et des familles. Bien qu’il n’y ait pas de solution universelle, il existe des interventions efficaces, fondées sur des données probantes, qui devraient être offertes à tous les Canadiens. Nous avons besoin d’un registre national d’interventions efficaces dans le contexte canadien, associé à un système exhaustif, afin de veiller à ce que les cliniciens et les organismes aient les outils nécessaires pour les mettre en œuvre.

Enfin, il est temps d’investir dans l’innovation. Nous devons miser sur les exemples d’excellence. Il n’y a pas de problème d’innovation au Canada, mais nous avons de la difficulté à soutenir l’innovation suffisamment longtemps pour que les Canadiens puissent en profiter. Dans le domaine de la santé mentale des enfants et des adolescents seulement, il y a de nombreux exemples d’initiatives à petite échelle qui entraînent des résultats importants pour les gens qui y ont accès. Pour favoriser l’excellence, les innovateurs doivent avoir accès aux ressources pour diffuser leurs découvertes et offrir des programmes et des modèles qui touchent un plus grand nombre de Canadiens.

Pour être efficace, le système de santé mentale pour enfants et adolescents doit avoir recours à la recherche appliquée, et non seulement à la recherche théorique. Les enfants, les jeunes et les familles qui sont confrontés à des problèmes de santé mentale ont besoin d’aide aujourd’hui; il faut absolument combler les écarts en ayant recours à des données probantes d’application immédiate.

Je vous remercie de nous avoir accordé votre temps et de tenir compte de nos points de vue. Nous avons hâte de discuter avec vous.

Le président : Merci à vous tous. Si vous me permettez de poser la première question, j’aimerais qu’on parle des mesures que peut prendre le comité. Vous nous avez donné de nombreuses statistiques très étonnantes. Vous pouvez nous en donner plus. Vous faites du bon travail, mais il faut en faire encore beaucoup plus. Je dois savoir quelles sont les lacunes précises en matière de connaissances et d’intervention.

En ce qui a trait aux connaissances, nous avons beaucoup entendu parler des lacunes relatives aux données. Que ce soit pour les connaissances ou les interventions, il faut plus de données pour améliorer les services et l’accès pour les jeunes. Pourriez-vous nous en parler davantage de sorte que le comité puisse prendre des mesures concrètes à cet égard, pour compléter votre travail? Qui veut parler en premier? Allez-y, Louise Bradley.

Mme Bradley : Je vais commencer par faire des remarques générales et je laisserai les experts vous donner d’autres idées.

Je tiens à souligner le grand besoin d’innovation et de créativité. Il est tout simplement inutile de continuer d’offrir les mêmes services de la même façon qu’avant. Cela étant dit, il y a des lacunes sur le plan du financement au Canada, puisqu’il s’agit du pays développé qui consacre la moins grande partie de ses dépenses en matière de santé à la santé mentale. Dans le document « Changer les orientations, changer des vies: Stratégie en matière de santé mentale pour le Canada », nous avons demandé une augmentation du financement afin qu’il passe de 7 à 9 p. 100, ce qui est assez modeste étant donné que d’autres pays comme le Royaume-Uni et l’Australie y consacrent 12 et 14 p. 100.

Je félicite le gouvernement d’avoir intégré les fonds en santé mentale aux accords avec chaque province. Je crois que cette mesure était absolument nécessaire. Étant donné mon expérience à titre d’administratrice d’hôpital, je sais qu’il faut se battre pour obtenir des fonds pour les soins de santé. Lorsqu’on se retrouve à la table des négociations du budget et qu’il faut choisir entre investir dans la santé mentale et investir dans un robot Da Vinci pour le bloc opératoire, il y a fort à parier que c’est le robot qu’on choisira.

Je crois que ce dernier effort représente un pas dans la bonne direction, mais dans mon exposé, j’ai fait référence au coût de l’investissement, qui se trouve sur le site web de la commission et que je peux vous transmettre avec plaisir. Toutes les données probantes montrent la présence d’une stigmatisation structurelle.

Aux fins du présent comité, je tenais à souligner l’importante lacune en matière de financement. Si l’on ne comble pas cette lacune, je crois que le besoin en matière de services continuera de croître.

Mme Sundar : En Ontario, pour que les gens comprennent ce que nous faisons, il faut mesurer les choses de la même façon. Il faut des outils et des mesures uniformes. C’est la seule façon de comprendre notre situation actuelle et de savoir si nous nous améliorons ou s’il faut nous améliorer. À l’heure actuelle, les mesures ne sont pas uniformes et ne sont pas faites avec les mêmes outils; on ne les utilise pas selon la même fréquence, et cetera. Je crois qu’en investissant dans une infrastructure qui permet à tous les intervenants du secteur de mesurer les mêmes résultats à l’aide des mêmes outils, nous aurons une bonne idée de notre situation et des prochaines étapes à franchir.

Heather Ennis, gestionnaires des communications, Centre d’excellence de l’Ontario en santé mentale des enfants et des adolescents : En ce qui a trait à votre question au sujet des lacunes, à un niveau beaucoup plus fondamental, je crois qu’il est très difficile de comprendre et de quantifier les lacunes, à moins d’obtenir des données. À l’heure actuelle, la chose la plus importante à court terme serait de comprendre où nous en sommes. C’est difficile à faire pour le moment, étant donné les systèmes dans lesquels nous évoluons, les données dont nous disposons et la façon dont nous comprenons l’information.

En ce qui a trait aux solutions à long terme, je vais revenir à ce qu’a dit Purnima au sujet de la santé mentale des nourrissons. Il s’agit d’une stratégie à long terme pour changer le visage de la santé mentale au Canada. Si nous pouvons aider une génération de sorte qu’elle n’ait pas besoin des services intensifs que nous devons offrir à l’heure actuelle — et que nous n’arrivons pas à offrir, pour être honnête —, alors je crois qu’il s’agit d’une stratégie à long terme dont il faut absolument tenir compte.

Mme Reynolds : J’insisterais sur la nécessité d’obtenir des données et d’être en mesure de savoir quels efforts conjoints doivent être déployés au Canada. Il y a d’excellents exemples de travail et d’innovation, mais nous n’avons pas de mécanismes robustes pour les regrouper et créer une synergie dans l’ensemble du pays. Encore une fois, c’est parce que nous ne nous entendons pas sur la façon de recueillir les données et d’aller de l’avant, ce qui est essentiel.

Un autre volet de la santé mentale des nourrissons qui arrive rapidement dans la conversation vise à comprendre les expériences négatives au cours de l’enfance, c’est-à-dire l’incidence de ces expériences sur le cerveau en développement. Nous savons qu’il s’agit d’un élément clé en vue d’aller de l’avant. Il nous faut comprendre ce que nous devons faire pour prévenir ces expériences qui entraînent des problèmes de santé mentale chez les enfants. Elles entraînent aussi des problèmes intergénérationnels. Si nous voulons prendre les devants, il faut commencer à étudier la transmission intergénérationnelle des traumatismes.

Mme Priest : En fait, c’est à peu près ce que je voulais dire, mais vous l’avez exprimé beaucoup mieux que moi. Ce qui me frappe, c’est que les exemples d’excellence dans ce domaine sont nombreux. C’est le cas en santé publique également. Nous parlons toujours des façons de réunir ces exemples et d’en élargir la portée. L’Agence de la santé publique est dotée d’un programme pour étudier les possibilités d’accroître la promotion de la santé mentale, mais aussi pour comprendre pourquoi les choses ne fonctionnent pas bien.

En ce qui a trait à la collecte de données, je crois que nous étudions les données sur la surveillance et l’utilisation des services, mais il faut aussi tenir compte de nos expériences et de nos programmes. Il faut savoir ce qui fonctionne et comprendre pourquoi. Il ne faut pas se limiter à constater qu’un programme a bien fonctionné, mais aussi comprendre pourquoi on n’a pas réussi à l’élargir. Quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour qu’on puisse élargir les interventions efficaces en matière de santé mentale?

Le deuxième point que j’aimerais aborder — et Nancy en a parlé brièvement aussi — ce sont les difficultés que l’on rencontre lorsqu’on tente de trouver le bon équilibre entre les investissements et la capacité en ce qui a trait à l’accès aux services de santé mentale et aux traitements, qui sont essentiels pour les personnes en crise et dans le besoin, bien sûr, en vue d’une intervention précoce qui, nous le savons, permet de changer la trajectoire. Ensuite, comme l’ont fait valoir mes collègues, il faut travailler en amont avec les nourrissons, afin qu’ils aient un bon départ dans la vie.

Le vrai défi consiste à décider quelle portion d’un investissement de 1 ou 100 $ sera consacrée à l’accès au traitement et quelle partie sera consacrée aux solutions à long terme. Comment trouver le bon équilibre? Je n’ai vu nulle part la réponse à cette question.

Je ne crois pas qu’il y ait de réponse facile, comme 50/50 ou 60/40. Je crois qu’il faut tenir compte de certaines conditions et je crois aussi que c’est une question qu’on se pose partout dans le monde. Nous avons tenu de nombreuses conversations. Nous commençons à recueillir de meilleures données. Nous avons une idée de ce que nous voulons faire. Il faut franchir la prochaine étape, lancer une intervention, l’élargir et en mesurer l’incidence.

La sénatrice Seidman : Nous vous remercions d’être ici pour contribuer à notre séance de remue-méninges.

Ma question ressemble beaucoup à celle que vient de poser le président. J’aimerais la pousser encore plus loin, si vous me le permettez.

Je sais que pour des questions de compétence, tout ce qui touche à la santé est plutôt complexe pour nous, à l’échelon fédéral, mais le comité a fait un travail pertinent dans le domaine de la santé, que ce soit pour la santé mentale, la pharmaceutique, l’obésité ou la démence. Nous étudions ici la question globale de la santé mentale des enfants et des adolescents.

C’est l’occasion pour nous de braquer les projecteurs sur vous — du moins, c’est ainsi que je vois les choses — et de vous poser la question: quelle serait, selon vous, la meilleure étude possible qui aiderait vraiment le Canada à aborder la question de la santé mentale des enfants et des adolescents? À quoi ressemblerait cette étude du point de vue des décideurs fédéraux?

J’aimerais que vous pensiez à cela un instant, que vous pensiez à votre sujet préféré ou à la façon d’aborder la question. Quel serait l’objectif de votre étude, par exemple?

Mme Sundar : Pour moi, il faut faire une étude longitudinale pour comprendre la trajectoire de vie des jeunes. Nous parlons beaucoup de l’importance d’investir dans les premières années de vie des enfants, mais je crois qu’il serait très utile de comprendre toute la portée de ces investissements pour faire la lumière sur les domaines où il faut investir, comme l’a fait valoir Stephanie. Donc quelle part doit-on investir dans les premières années de vie et dans les années suivantes 

Pour moi, une étude longitudinale serait très importante. Il faudrait aussi que les données utilisées dépassent certaines frontières. La vie des jeunes, nous le savons, ne se limite pas à un seul secteur. Il est donc important pour les secteurs de la santé, de l’éducation et de la santé communautaire des enfants et des adolescents, entre autres, de collaborer. À l’heure actuelle, dans notre province, il y a plusieurs domaines de services. Les conseils touchent donc plusieurs secteurs; la santé mentale des enfants et des jeunes vise divers secteurs. Il faudrait donc harmoniser tout cela et veiller à se centrer sur les jeunes, et non sur les frontières. Ce n’est peut-être pas une question de recherche très claire, mais je crois que ce serait l’approche que je souhaiterais adopter.

Mme Bradley : Je ne vais pas répondre à votre question. Je ne ferais que compliquer les choses. Mais au début de votre question, vous avez parlé de la difficulté associée à un système fédéré et je sais que lorsque nous préparions la stratégie en matière de santé mentale pour le Canada, nous tentions de trouver des façons de déterminer si la situation s’était améliorée. Pour faire suite au commentaire de mes collègues au sujet de la collecte de données, je dirais qu’elle est très difficile. Je ne suis pas tout à fait certaine; je crois qu’il y aurait moyen de recueillir des données au-delà des frontières provinciales et territoriales si l’on donnait ce mandat à quelqu’un. Parce que sinon, on compare des éléments qui sont complètement différents.

C’est donc très difficile. À l’époque, nous avions dit aux provinces que nous allions recueillir des données, ce qu’elles avaient accepté. Elles ont toutefois refusé que nous produisions un rapport pour comparer les provinces. Nous n’avons pas réussi à les convaincre d’accepter cela. C’est donc très difficile à faire. À moins de trouver une façon de contourner ce problème, nous aurons du mal à le faire.

Mme Priest : Pour répondre à votre question au sujet d’un titre, je n’ai pas d’idée pour le moment, mais nous en trouverons peut-être un d’ici la fin de la séance.

Je crois que je vous recommanderais de faire un examen approfondi. Ce qui arrive parfois, c’est qu’on se centre sur un volet de la santé mentale et qu’on omet de tenir compte du rôle des déterminants sociaux de la santé et de leur incidence sur les jeunes, sur le développement des enfants et sur notre parcours de vie.

Je pense que c’est un élément très important qui nous manque. Pour répondre à votre argument sur le rôle du gouvernement fédéral, nous n’avons pas tous les leviers, mais il y en a, et plus particulièrement si vous commencez à définir les limites et à examiner les rôles de certains autres domaines sociaux au gouvernement fédéral auxquels nous n’avons peut-être pas pensé pour améliorer les revenus ou les logements et revenir à la discussion que mes collègues tiennent sur les données. Sommes-nous en mesure d’examiner les données ou les répercussions sur la santé mentale de nos jeunes et de nos enfants dans certains de ces autres programmes d’envergure? C’est une question. Je ne dis pas que ce serait facile, mais ce pourrait être un moyen d’examiner la santé mentale de façon plus exhaustive, et pas seulement à l’échelon fédéral mais à tous les ordres de gouvernement, car je pense que nous avons une véritable occasion de travailler non seulement avec nos homologues provinciaux et territoriaux mais aussi avec nos collègues municipaux. De nombreux travaux sont en cours à l’échelon municipal concernant la santé mentale dans nos milieux et notre environnement bâti, de même que nos programmes sociaux.

Ce n’est donc pas notre responsabilité au gouvernement fédéral, mais je pense que nous pourrions, ensemble, adopter une approche plus globale qui pourrait être un peu différente que celle que nous avons adoptée dans le passé.

Le président : Bons points.

Mme Reynolds : Pour poursuivre dans le même ordre d’idées, l’une des mesures extrêmement importantes que le gouvernement devrait prendre, à mon avis, et où il pourrait et devrait faire preuve de leadership, c’est de définir très clairement quels sont nos résultats communs dans ce secteur et les mesures et les indicateurs de rendement qui nous aideront à aller de l’avant. Sans ces définitions communes, sans cette orientation commune, il devient très difficile de décortiquer bon nombre de ces problèmes complexes.

Quand je parle de « résultats communs », je ne fais pas seulement allusion au système de santé. Quels résultats sont importants pour les jeunes? Quels résultats sont importants pour les familles? Quels résultats sont importants pour les collectivités, les écoles? Tout le monde a sa place.

Je pense que lorsque vous commencez à parler de ces résultats communs, d’établir un discours commun entourant les données et de créer la capacité de recueillir des données, on peut vraiment commencer à tenir un dialogue sur les secteurs où nous devons investir, sur les progrès que nous pouvons accomplir et sur la façon dont nous pouvons aller de l’avant ensemble pour régler un problème aussi important pour nos jeunes et nos familles à l’heure actuelle.

La sénatrice Petitclerc : Vous avez tous parlé des données et des données désuètes. Je veux me concentrer davantage sur cette question mais je veux qu’on me parle des recherches. Je pense que vous avez mentionné qu’il y a 14 ans, les gens ne pensaient même pas que les problèmes de santé mentale chez les jeunes existaient. Je pense donc que de nombreuses recherches qui ont été appliquées chez les jeunes sont issues d’études effectuées auprès d’adultes, ou nous n’avons peut-être pas suffisamment de recherches selon l’âge. Est-ce exact, ou est-ce un secteur sur lequel nous devrions nous pencher? Je ne le sais pas. Qui veut répondre à cette question?

Mme Reynolds : Je vais commencer, mais je suis certaine que d’autres auront leur mot à dire à ce sujet.

Il y a certainement de plus en plus de données probantes entourant la santé mentale chez les enfants et les jeunes. L’un des grands problèmes, c’est que les recherches ne sont souvent pas reliées. Là encore, elles ne regroupent souvent pas les secteurs des services sociaux, de l’éducation et de la santé. Même dans le cadre des travaux de recherche, les chercheurs ont tendance à étudier la question dans un cadre étroit. C’est certainement important pour obtenir d’excellentes données probantes, mais nous devons comprendre quelles seront certaines des répercussions collectives.

Je voulais mentionner qu’il y a deux exemples de données harmonisées dans des secteurs, d’ensembles de données disponibles. En Alberta et au Manitoba, il y a des laboratoires de données qui recueillent les données de différents secteurs. Elles sont anonymes mais intégrées. Ce faisant, on peut procéder à des analyses longitudinales rétrospectives où l’on peut commencer à décortiquer ces données et à examiner les répercussions stratégiques éventuelles. C’est un outil très puissant. Il est très compliqué de regrouper ces données, mais les renseignements que l’on peut obtenir sont très importants et utiles pour accomplir des progrès.

L’un des problèmes avec les recherches dans ce secteur, c’est qu’il est parfois très difficile pour les chercheurs d’obtenir les données. Il y a donc une situation d’œuf et de la poule également.

Mme Sundar : Je peux faire écho à ce que Nancy a dit également au sujet de la croissance et des connaissances liées à la santé mentale chez les enfants et les jeunes. Je me concentre surtout sur la façon dont vous remettez les recherches entre les mains des gens qui offrent les services. C’est là où il y a une lacune.

Des données probantes existent. Elles ne sont tout simplement pas compréhensibles pour bon nombre des intervenants qui travaillent aux premières lignes. Nous consacrons beaucoup d’énergie à mener des recherches qui paraissent parfois très théoriques et érudites et à les mettre en pratique pour que les fournisseurs de services puissent comprendre. Il faut également tenir compte des expériences des jeunes et des familles qui reçoivent ces services pour que ces expériences permettent de soulever d’autres questions de recherche.

On s’assure donc que les recherches génèrent des changements dans la pratique et que ces changements sont évalués, et nous constatons que ces évaluations soulèvent de nouvelles questions de recherche. C’est un cycle constant.

La sénatrice Petitclerc : Pour mettre les choses en perspective et déterminer à quel point cette étude pourrait être importante, vous avez mentionné le suicide comme deuxième cause de décès. Je veux qu’on mette les choses en perspective. À l’échelle internationale et peut-être de façon plus générale, en ce qui concerne les jeunes et la santé mentale, sommes-nous meilleurs que d’autres pays? Sommes-nous pires que d’autres pays développés? Est-ce standard? Donnez-nous un peu de contexte.

Mme Priest : Je vais commencer. Je n’ai pas de données comparables pour les jeunes dans d’autres pays, mais ce que je peux dire sur nos données sur le suicide, c’est qu’elles sont très désuètes. Lorsque les données sont disponibles, que ce soit par l’entremise de sondages sur la santé des collectivités ou de statistiques de l’état civil, elles sont habituellement dépassées depuis environ trois ans. Mais si l’on examine les tendances, les nôtres pour le suicide n’ont pas changé à l’échelle nationale. Elles ne se penchent pas sur des groupes précis où nous savons qu’il peut y avoir des changements, mais à l’échelle nationale, elles sont restées passablement les mêmes.

Ce que l’on commence à voir dans certaines de nos données sur les jeunes, c’est que le suicide est la deuxième cause de décès après les accidents de la route. À mesure que les interventions dans les accidents de la route changent ce taux, le suicide grimpe dans les statistiques. Il est difficile de dire comment nous nous comparons par rapport à d’autres pays. Je n’ai pas ces données. Je ne sais pas si mes collègues ont ces données.

Mme Ennis : Je ne les ai pas non plus. Elles existent, et j’ai vu des renseignements à ce sujet, mais j’hésite à vous dire quoi que ce soit car je ne veux pas vous induire en erreur.

Le président : Si vous avez des renseignements que vous pouvez nous fournir plus tard, veuillez les transmettre à la greffière.

Mme Ennis : J’ai vu une information récemment selon laquelle il y avait eu un changement.

Mme Sundar : J’ai une observation à ajouter à ce que vous avez dit, Stephanie. Nous savons que la prévention est importante et nous espérons qu’elle fonctionnera. Il est très difficile de mesurer dans quelle mesure les investissements et la prévention permettent de prévenir le suicide car on ne peut pas mesurer quelque chose qui n’est pas arrivé. Nous espérons que cette situation ne se produise pas.

C’est une autre question liée aux données où nous devons déterminer comment nous pouvons mesurer le mieux possible les efforts de prévention.

La sénatrice Poirier : Merci à vous tous de vos exposés. J’ai quelques questions. La première porte sur la déclaration de Mme Bradley. Dans votre exposé, vous avez mentionné que les gens qui veulent se faire traiter peuvent devoir attendre jusqu’à 18 mois. Dans le paragraphe suivant, vous dites qu’environ 1,2 million d’enfants et de jeunes souffrent de problèmes de santé mentale, mais que moins de 20 p. 100 d’entre eux reçoivent l’aide dont ils ont besoin.

Ces données m’ont étonnée, malheureusement, car j’ai pensé que si 20 p. 100 de ces enfants doivent attendre 18 mois, si le taux d’enfants qui se font traiter augmente à 30, 40 ou 50 p. 100, le délai d’attente augmentera, et il sera peut-être trop tard. C’est vraiment inquiétant lorsque j’y pense.

Pourquoi doivent-ils attendre 18 mois? Est-ce à cause d’un manque de financement pour payer les professionnels de la santé, ou est-ce à cause d’un manque d’experts formés pour offrir les services de santé mentale aux gens qui en ont besoin? Et entre les régions urbaines et rurales au Canada, le délai d’attente varie-t-il? Je vais m’arrêter ici pour la première question.

Mme Reynolds : C’est une excellente question. Je pense que c’est une combinaison de tous les facteurs que vous avez soulevés. Il y a une énorme pénurie de psychiatres au pays. L’Ontario est la première province à intervenir pour examiner le financement des services d’aide psychologique car de nombreuses personnes ne sont pas couvertes par le régime de soins de santé.

Il y a donc une combinaison de facteurs, dont la portée restreinte des régimes de soins de santé et, comme je l’ai mentionné dans mes remarques, le manque d’innovation. Nous avons quelques programmes de télésanté mentale. Je sais que la commission étudie très soigneusement certains de ces facteurs. Par exemple, l’initiative que j’ai mentionnée, l’Institut des familles solides en Nouvelle-Écosse, a réduit considérablement le temps d’attente. Elle permet aux familles qui ont des enfants en difficulté de pouvoir accéder à de l’aide et à du soutien pendant leurs temps libres, sans que les parents aient à s’absenter du travail, et cette initiative a fait l’objet d’une évaluation et a produit d’incroyables résultats. Elle a été mise en œuvre dans quelques provinces, mais pas toutes. Elle a été mise en œuvre en Nouvelle-Zélande, mais pas dans toutes les provinces.

C’est donc aussi la façon dont nous administrons les services et le nombre de professionnels qui ne profitent pas des services de soutien par les pairs et d’autres innovations comme la télésanté mentale. C’est une combinaison de facteurs. D’autres témoins veulent peut-être intervenir à ce sujet.

La sénatrice Poirier : Je suis également la vice-présidente du Comité des langues officielles. Nous entendons entre autres parler que la reddition de comptes et la transparence dans les transferts fédéraux peuvent poser problème. D’après ce que les autres comités nous disent, ils se demandent souvent s’il y a un manque de reddition de comptes et de transparence dans les transferts fédéraux pour l’éducation en français. Les provinces reçoivent du financement, mais il n’y a aucun moyen de savoir si elles l’utilisent aux fins prévues. Y a-t-il des problèmes de reddition de comptes ou de transparence, et y a-t-il des mesures en place pour savoir si vous recevez le montant que vous devriez obtenir pour le financement des services de santé mentale et si les fonds sont utilisés aux fins requises?

Mme Priest : Pour vous répondre brièvement, je ne peux pas répondre à cette question aujourd’hui, mais je peux peut-être en saisir des fonctionnaires et voir s’ils peuvent vous fournir une réponse.

La sénatrice Poirier : S’ils ont une réponse, pourriez-vous la transmettre à la greffière du comité, s’il vous plaît? S’agit-il de transferts fédéraux aux provinces, si les provinces vous remettent ces fonds et s’il y a une reddition de comptes?

Mme Priest : C’est une excellente question.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le président.

[Français]

La sénatrice Mégie : Je vais poser ma question en français, et vous pourrez répondre en anglais si vous le désirez.

J’aimerais attirer votre attention sur un point en particulier au sujet duquel on a de la difficulté avec les données. Il existe certains tabous. On voit des parents qui ne veulent pas amener leurs enfants chez les professionnels de la santé de crainte qu’ils collent à ces enfants une étiquette de maladie mentale. Je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Existe-t-il des moyens pour aller chercher ces enfants, soit à l’école ou dans les familles? Sinon, pourriez-vous vous pencher sur cette question lors de vos réunions en comité? J’entends beaucoup parler de ce phénomène.

[Traduction]

Mme Bradley : Là encore, c’est une excellente question, mais difficile. Nous connaissons déjà l’incidence des préjugés sur les gens au Canada qui ne demandent pas d’aide à cause de la stigmatisation et de la discrimination.

Je pense que lorsqu’on ajoute les populations diversifiées, les difficultés augmentent de façon exponentielle. C’est vrai pour les enfants et les jeunes de même que pour les adultes. C’est un secteur que la commission a commencé à examiner au cours des dernières années, en travaillant avec diverses populations et en essayant de comprendre quelques-uns de ces tabous. Ils sont bien réels. Ils rendent la situation extrêmement difficile. Par ailleurs, si vous amenez une personne à un centre où elle peut obtenir de l’aide, les services ne seront probablement pas offerts dans la langue qu’elle comprend.

Il est formidable de voir au Canada tant d’immigrants réfugiés, de personnes issues de communautés ethnoraciales, mais lorsqu’on veut leur offrir des services de santé mentale, c’est déjà un problème de taille. Nous venons juste de commencer à nous pencher sur ce problème. Nous avons un merveilleux comité de consultation composé de membres issus de différentes cultures et communautés qui nous aide, mais ce ne sera certainement pas un problème facile à régler. C’est donc un sujet très pertinent que vous soulevez.

Mme Sundar : Je peux répondre. Nous savons que c’est un problème. Pour ce qui est de formuler une réponse, il doit y avoir un engagement de la part de ces communautés culturelles à essayer de comprendre comment mieux venir en aide aux jeunes d’une manière respectueuse des différences culturelles et en collaboration avec des partenaires des groupes confessionnels, des partenaires des groupes culturels et des dirigeants de ces communautés.

Pour les jeunes qui grandissent dans ce type d’environnement, en tant que jeunes Canadiens de la deuxième génération qui sont issus de communautés racialisées, c’est une situation unique car ils grandissent en tant que Canadiens mais ont également une histoire culturelle qui fait partie intégrante de leur famille.

Il doit y avoir différentes solutions. Je pense que l’on devrait investir dans ce genre de recherches ou pratiques pour essayer de comprendre comment nous pouvons mieux travailler en partenariat avec ces communautés pour soutenir leurs jeunes. Lorsque vous travaillez en partenariat avec des gens, vous éliminez certains des obstacles et parfois certains des préjugés également.

La sénatrice Omidvar : Merci à vous tous d’être ici.

Je veux me concentrer sur un groupe démographique parmi les jeunes, et c’est en lien avec leurs expériences avec le racisme. Nous connaissons le lien entre la race et la santé. Nous connaissons également le lien entre le racisme et la santé mentale. Je me demande si vous avez des données probantes que vous pouvez nous fournir. Je me demande ce qui peut être fait et par qui, d’après vous. J’aimerais que vous nous disiez ce que le comité devrait faire précisément sur cette question particulière.

Mme Sundar : Il y a plusieurs années, mes recherches portaient sur les jeunes de la deuxième génération qui sont racialisés et la façon dont ils évoluent dans les systèmes de santé mentale plus particulièrement. L’un des constats très intéressants que j’ai relevés, c’est que les jeunes sont incroyablement résilients. Si vous leur en donnez l’occasion, ils se montreront à la hauteur et déploieront différentes stratégies selon la situation.

Toute intervention avec les professionnels de la santé doit respecter le fait que les jeunes ne sont pas définis par leur race. Ce que des professionnels de la santé m’ont dit dans le passé, c’est qu’il faut adapter les services à la communauté culturelle. Comprendre une communauté culturelle particulière et déployer un ensemble de pratiques n’est pas vraiment la solution car les gens sont uniques, et leur culture, leur langue, leurs priorités, leur sexualité et tous ces facteurs différents de leur identité entrent en ligne de compte, y compris leur santé mentale. Une approche qui tient compte de tous les éléments différents de leur identité est essentielle. Au centre, nous avons adopté une approche anti-oppressive et nous encourageons les organismes à utiliser une approche semblable.

Ce serait l’une des stratégies qui seraient utilisées. Je pense qu’il faut mieux comprendre les expériences précises des jeunes car le racisme est assurément une situation qu’ils vivent lorsqu’ils veulent obtenir des services de santé mentale, et quand d’autres éléments de leur identité entrent en ligne de compte comme leur sexe ou leur orientation sexuelle, c’est plus problématique. C’est encore plus compliqué lorsqu’ils sont confrontés à des préjugés à la maison ou dans leur collectivité.

Toute mesure qui se concentre précisément sur la personne et vise à résoudre les problèmes à l’aide d’une approche anti-oppressive est une excellente façon d’aborder la situation.

Mme Bradley : Je pense que vous avez le mauvais groupe de témoins pour répondre à cette question. Vous l’avez peut-être déjà fait, mais je crois fermement à la pratique que nous utilisons à la commission où nous entendons les témoignages de gens qui ont personnellement vécu ces expériences. Je pense que si vous interrogez les gens qui ont vécu ces expériences, vous obtiendrez une réponse très différente.

Si nous pouvons vous aider en ce sens, nous avons le conseil des jeunes le plus exubérant à la commission qui est composé de membres de différentes origines. Nous pouvons vous aider. Si vous n’avez pas encore consulté ces jeunes, je vous encouragerais à le faire.

La sénatrice Omidvar : J’allais vous demander d’expliquer l’approche anti-oppression que vous utilisez, mais je ne le ferai pas car de nombreux autres sénateurs posent des questions. Pourriez-vous nous envoyer un document sur cette approche pour nous aider dans les travaux du comité?

Mme Sundar : Oui, absolument.

La sénatrice Omidvar : Ce sera utile. Merci.

Le sénateur Dean : Merci d’être ici. J’ai quelques questions, dont une qui est assez facile, je pense. Pouvez-vous nous parler des dépenses nationales annuelles que l’on consacre aux services de santé mentale au Canada? Pourriez-vous également nous donner une idée du coût de l’inaction en aval lorsqu’on ne traite pas les problèmes de santé mentale chez les enfants?

Pendant que vous réfléchissez à ces questions, vous avez parlé d’exemples phares de programmes novateurs dans ce secteur. Pourriez-vous nous décrire les indicateurs de réussite dans ces exemples phares? Cela m’intéresse particulièrement.

Mme Bradley : Je vais essayer de répondre à votre première question. Comme je l’ai mentionné — et je pense que c’est ce dont vous parlez, mais si ce n’est pas le cas, veuillez m’interrompre —, le Canada dépense beaucoup moins d’argent pour la santé mentale que d’autres pays développés.

En ce qui concerne l’analyse de rentabilisation pour l’investissement — et je me ferai un plaisir de vous envoyer le document ou le lien —, nous avons utilisé une approche de modélisation, ce qui nous a permis de voir le coût de l’inaction sur une période de 30 ans. Elle nous montre aussi qu’une petite intervention, plus particulièrement auprès des enfants et des jeunes, peut avoir une incidence considérable.

Si vous voulez que quelqu’un vienne vous parler de ces documents, je me ferai un plaisir de vous envoyer quelqu’un, mais cela répond à la question sur le coût de l’inaction.

À l’heure actuelle, il en coûte au Canada plus de 50 milliards de dollars par année en perte de productivité, notamment. Sur une période de 30 ans, ce sera des billions de dollars. Ce document l’explique très bien.

Le sénateur Dean : Pourriez-vous sélectionner un exemple phare et nous en parler? Choisissez l’une de ces innovations et dites-nous ce qui a changé la donne dans cette situation. Vous avez dit que c’était difficile à mesurer. Je ne veux pas savoir cela. Je veux savoir ce qui a fait de l’un de ces exemples une innovation, et je veux connaître les facteurs de réussite et les raisons de cette réussite.

Le président : Qui répondra à cette question?

Le sénateur Dean : Si vous voulez fournir une réponse par écrit plus tard, c’est correct. C’est une question qui m’intéresse.

Mme Priest : À l’Agence de la santé publique du Canada, nous pouvons assurer un suivi pour vous fournir des exemples de quelques-uns de nos programmes de promotion de la santé mentale dans le cadre de notre stratégie d’innovation. Ce pourrait être utile de vous fournir ces renseignements. Ce sont de petits programmes à certains égards, mais ils étudient la progression. Certains d’entre eux travaillent plus particulièrement dans un milieu scolaire. Je me ferais un plaisir de vous faire parvenir un aperçu de ces programmes.

Un exemple, comme vous l’avez demandé, est le programme « Fourth R », qui est un programme bien connu mené dans les écoles qui se penche sur les relations. On prend un programme qui était mis en œuvre en Ontario et on examine comment il pourrait être amélioré et adapté pour être mis en œuvre dans différents programmes et différents groupes.

Je me ferais un plaisir de vous fournir des renseignements sur les conditions d’une amélioration réussie et de ce qui se fait dans le programme. Je peux communiquer ces renseignements au comité si cela peut vous être utile, histoire d’épargner du temps.

Le président : Oui, ce serait utile. Merci.

Mme Priest : Je suis certaine qu’il y en a d’autres également.

Le sénateur Dean : Les améliorations sont intéressantes — les facteurs de réussite —, mais j’aimerais en savoir plus sur quelques-unes des innovations, les micro-innovations et ce qui a fait qu’elles ont été fructueuses.

Mme Bradley : Je pense notamment aux programmes de santé mentale en milieu scolaire, qui offrent des services de santé mentale directement dans les écoles. Il y a un excellent exemple au Nouveau-Brunswick. Il y a un programme scolaire intégré où il y a non seulement une collaboration, mais les intervenants font front commun pour les divers budgets pour l’éducation, les services sociaux, les soins de santé, et ils ont combiné les budgets. C’est très courageux. Les gens aiment conserver leur propre budget. Mais le programme scolaire intégré qu’ils mènent est un exemple que je connais qu’il vaut la peine d’examiner.

Le sénateur Dean : C’est la bonne chose à faire lorsque nous constatons que les gens travaillent en vase clos.

Mme Bradley : Oui.

La sénatrice Bernard : Merci à vous tous de vos exposés. J’ai quelques questions qui sont liées aux questions que mes collègues ont posées. J’aimerais approfondir quelques points.

Le sénateur Dean a posé des questions sur les programmes novateurs. Je pense aux jeunes transgenres et autochtones. Lorsque vous nous donniez des exemples, j’aimerais savoir s’il y a des programmes particuliers qui s’adressent à ces collectivités qui ont un taux de suicide élevé.

L’autre point de la sénatrice Omidvar portait sur la race et le racisme et l’incidence sur la santé mentale. Vous, madame Priest, avez parlé des déterminants sociaux de la santé. Le racisme n’est pas considéré comme étant un déterminant social. Pensez-vous qu’il devrait l’être?

Mme Priest : Excellente question.

La sénatrice Bernard : Permettez-moi de reformuler la question.

Mme Priest : D’accord.

La sénatrice Bernard : Y a-t-il des arguments pour ou contre l’idée d’en faire un déterminant social de la santé?

Mme Priest : C’est une excellente question. Je pense à la façon de répondre à cette question car je réfléchis à un argument qui serait contre l’idée, mais pour être honnête, il faudrait que je m’en remette à des experts en la matière. Il y a peut-être des éléments dont je ne suis pas au courant, mais cela m’amène à réfléchir.

La sénatrice Bernard : Des recherches laissent entendre que le racisme est un déterminant social, mais j’aimerais entendre l’avis des experts dans ce domaine.

Le président : Vous avez dit que vous nous fournirez des détails plus tard.

Mme Priest : Je vais me rétracter. À l’Agence de la santé publique du Canada, nous avons une équipe qui étudie les déterminants sociaux et la façon de mesurer les disparités dans le secteur de la santé et certains outils que nous avons récemment créés pour examiner les disparités, notamment en ce qui a trait à la santé mentale et le suicide. Il faudrait que je vous fournisse une réponse plus tard pour vous expliquer si des données ont été ventilées et quels sont les avis à ce sujet. C’est une bonne question.

La sénatrice Bernard : C’est l’un des autres points que je voulais soulever concernant ces données ventilées. Quelques-uns d’entre vous ont mentionné les jeunes Autochtones dans vos déclarations, mais je n’ai pas entendu parler d’une ventilation des données. Je ne sais pas si ces données sont ventilées. Si ce n’est pas le cas, pensez-vous qu’elles devraient l’être, et comment feriez-vous en sorte que ce soit possible?

Mme Ennis : Je ne sais pas si je vais répondre à votre question, mais je voulais vous parler d’un projet auquel nous sommes emballés de participer en Ontario qui pourrait nous fournir des renseignements sur ce dont nous discutons à l’heure actuelle. Vous en avez peut-être entendu parler, mais c’est l’initiative des carrefours bien-être pour les jeunes de l’Ontario. Je ne peux pas vous en dire beaucoup à ce sujet et je me ferai un plaisir de vous fournir des renseignements à une date ultérieure, mais l’annonce n’a pas encore été faite. C’est un projet interministériel excitant entre le ministère de la Santé et le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse et, en Ontario, il y a une situation délicate où les services de santé mentale pour les enfants et les jeunes sont financés par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse et tout le reste est financé par le ministère de la Santé. C’est donc deux ministères différents.

Ils travaillent ensemble à ce projet pour créer des centres du bien-être dans la province, peu importe l’emplacement géographique, où des services pour les jeunes âgés de 12 à 24 ans seront offerts. Des services sociaux, des services de logement, des services communautaires, des services de santé mentale, des services de première ligne et des services jeunesse seront offerts au même endroit. Ce qui est intéressant à propos de ce projet depuis le début, c’est qu’il se concentre délibérément et expressément à veiller à ce que les problèmes liés aux collectivités qui veulent rétablir l’équité soient réglés puisque c’est un projet de recherche également.

Les collectivités autochtones et francophones en Ontario sont des groupes qui militent en faveur de l’équité et des communautés racialisées. C’est donc une priorité de produire des renseignements sur la façon dont ces services peuvent fonctionner dans ces collectivités. Il n’y a aucune réponse. Aucune mesure n’a été entreprise pour l’instant.

La sénatrice Bernard : J’ai fait un petit voyage dans le temps car j’ai travaillé dans le secteur de la santé mentale chez les enfants il y a de cela 40 ans. C’était dans un programme de traitement en résidence. L’intervention en soi était traumatisante. En tant que travailleuse sociale, j’étais toujours frustrée par la façon de procéder. Il y a 40 ans, nous examinions bon nombre des enjeux que vous avez soulevés ce soir.

Nous avons essayé de travailler abondamment avec les parents. Je ne vous ai pas entendu parler des parents. Pour répondre aux besoins en santé mentale des enfants, l’intervention des parents et des pourvoyeurs de soins est essentielle. En fait, dans le cadre du travail que j’ai accompli au fil des années, les problèmes de santé mentale chez les enfants mènent souvent à des situations de crise familiale, si bien que ces enfants finissent par être placés dans des familles d’accueil et des foyers de groupe. Bon nombre d’entre eux font ensuite la transition vers le système de justice pénale. Est-ce que l’une d’entre vous peut faire des suggestions quant à la façon dont nous pouvons intervenir de façon plus efficace et plus holistique auprès des familles?

Mme Sundar : Notre centre a collaboré de près avec un groupe de parents de l’Ontario, appelé Parents for Children’s Mental Health. Il s’agit d’un groupe de défense des intérêts qui met l’accent sur la collaboration avec des organismes de santé mentale pour les enfants et les jeunes afin de promouvoir la mobilisation familiale. Notre centre a présenté une optique axée sur la recherche, les données probantes, la mise en œuvre et l’évaluation dans le cadre des pratiques exemplaires de plus en plus nombreuses en matière de mobilisation familiale.

Nous avons élaboré un modèle, en collaboration avec les familles, pour aider les fournisseurs de services à considérer les parents à leur juste valeur — c’est-à-dire comme des experts en ce qui concerne la vie et la santé mentale de leurs enfants et des intervenants clés dans l’appui à leur santé mentale. Ainsi, quand on offre des services de santé mentale aux enfants et aux jeunes, il ne faut pas considérer les parents comme des gens qui s’ingèrent dans la relation client ou qui y sont externes; il faut plutôt voir la famille entière comme le point de mire et se concentrer sur la façon optimale d’appuyer les familles pour qu’elles participent activement à la planification des traitements de leur enfant, à son rétablissement, et cetera.

Par conséquent, la mobilisation familiale signifie qu’il faut faire participer les familles à tous les échelons d’un organisme de santé mentale pour les enfants et les jeunes, des traitements jusqu’à la gouvernance et à la prise de décisions au sein de l’organisme. Nous savons que si les familles ont voix au chapitre à tous ces niveaux, cela favorise des résultats positifs chez les enfants et les jeunes.

Mme Bradley : J’aimerais faire un bref commentaire à ce sujet. C’est un point extrêmement important. J’ai parlé de Familles solides, en Nouvelle-Écosse, qui fait un travail extraordinaire. Cet organisme travaille complètement avec les familles des enfants. Comme je l’ai mentionné, il permet que les enfants restent auprès des parents afin que ces derniers fournissent eux-mêmes les interventions. C’est donc un programme formidable.

La sénatrice Bernard : Je vais devoir y jeter un coup d’œil.

La sénatrice Petitclerc : J’ai une petite question. En ce qui a trait à la stigmatisation et à la santé mentale des jeunes, en faisons-nous assez sur plan de l’éducation et de la sensibilisation, par exemple, dans les écoles? Vous avez parlé un peu de la famille. En faisons-nous assez? Y consacrons-nous suffisamment d’argent? Est-ce bien le cas? Est-ce bien ce qui doit s’imposer?

Mme Bradley : Je vous remercie d’avoir posé cette question. En fait, j’espérais que quelqu’un la soulèverait.

Nous avons un programme appelé LA TÊTE HAUTE, qui est le fruit d’une recherche que nous avons commencé il y a 10 ans. Un des volets de notre mandat portait sur la stigmatisation et la discrimination.

Nous avons donc choisi quatre groupes cibles. Un des groupes concernait les enfants et les jeunes. Nous nous sommes dit — et, à l’époque, c’était plus par nécessité que par réflexion — qu’il existe peut-être quelques programmes contre la stigmatisation qui fonctionnent déjà. Nous avons donc lancé un appel, et nous avons été agréablement surpris de la réponse. Nous avons alors procédé à l’évaluation des programmes, parce que bon nombre d’entre eux avaient l’air d’être de bonnes idées, mais nous ne savions pas s’ils fonctionnaient réellement.

Nous avons découvert que la méthode qui donne systématiquement de bons résultats dans le cas des enfants et des jeunes, c’est ce qu’on appelle l’« éducation axée sur les rapports directs ». Cela signifie que je pourrais, en tant qu’infirmière, vous parler des signes et des symptômes de la dépression. Je peux également vous dire, en passant, que j’ai moi-même vécu une telle expérience et que je m’en suis sortie d’une certaine façon. C’est ce qui produit l’effet le plus durable.

À partir de cette information, nous avons donc élaboré un programme que les jeunes eux-mêmes ont appelé LA TÊTE HAUTE. Il y a environ quatre ans, nous avons rassemblé pendant une semaine des jeunes du secondaire de l’ensemble des provinces et territoires. Nous les avons exposés à d’autres enfants atteints de maladie mentale. Ensuite, nous leur avons fourni une trousse d’outils qu’ils pouvaient ramener avec eux dans leurs écoles respectives. Certains d’entre eux ont proposé des programmes remarquables pour tendre la main à d’autres enfants.

Nous avons aidé, jusqu’ici, plus de 200 000 enfants. Nous ne recevons pas de financement à cet égard. Alors, la réponse est non, ce n’est pas suffisant. Nous comptons maintenant sur le financement offert par d’autres provinces, des conseils scolaires, des entreprises, des organisations sportives et tout le reste. Nous avons donc un programme qui fonctionne et qui a permis de créer, en quelque sorte, un réseau complexe partout au pays.

Nous aimerions que cela prenne de l’ampleur. Il s’agit d’un excellent programme qui s’est avéré efficace pour ce qui est de réduire la stigmatisation chez les enfants et les jeunes.

Mme Sundar : Je voudrais souligner un programme qui se déroule en Ontario. Il s’agit d’une initiative appelée Équipe d’appui pour la santé mentale dans les écoles. Elle joue un rôle important pour réduire la stigmatisation et améliorer la sensibilisation auprès des élèves eux-mêmes, mais les éducateurs qui vivent avec ces élèves tous les jours ont également besoin de soutien parce qu’ils sont formés pour devenir des enseignants, mais pas nécessairement des fournisseurs de soins de santé mentale. Toutefois, si nous considérons les enfants sous toutes leurs facettes, nous devons reconnaître que les problèmes de santé mentale se manifestent dans les écoles.

L’Équipe d’appui pour la santé mentale est un de nos partenaires. Elle est financée par le ministère provincial de la Santé. Pour notre part, nous sommes financés par le ministère des Services à l’enfance et à la jeunesse. Cependant, nous travaillons en partenariat pour faire en sorte que le même genre de langage soit utilisé et pour appuyer la mise en œuvre des pratiques factuelles dans les écoles. Par conséquent, l’Équipe d’appui pour la santé mentale veille à ce que chaque personne dans une école comprenne un certain niveau de connaissances en santé mentale et qu’une partie des intervenants, qui sont des enseignants ou des travailleurs sociaux en milieu scolaire, possèdent une connaissance un peu plus approfondie en la matière, et ce, aux échelons supérieurs. Certaines personnes sont donc formées pour fournir des services d’appui très approfondis et plus soutenus en matière de santé mentale.

Il s’agit d’un modèle à plusieurs niveaux qui met l’accent sur la sensibilisation générale, les connaissances et le savoir-faire. Je le répète, nous collaborons souvent à des activités de prévention du suicide chez les jeunes, en plus de mettre en œuvre différentes pratiques fondées sur des données probantes en milieu scolaire, et nous savons que ces pratiques fonctionnent également au sein de la collectivité.

Mme Ennis : J’aimerais parler, moi aussi, de la notion de stigmatisation chez les jeunes.

Il y a un point dont personne, je crois, n’a encore parlé aujourd’hui; nous avons demandé aux jeunes, à maintes reprises, de nous indiquer à qui ils parlent lorsqu’ils éprouvent de la détresse. Nous aimerions bien pouvoir dire qu’ils affirment consulter leur médecin de famille ou leur mère ou leur conseiller scolaire, mais le fait est qu’ils ne parlent à aucune de ces personnes. Ils se parlent plutôt entre eux.

Donc, quand on parle d’efforts contre la stigmatisation, je pense qu’il faut vraiment prêter attention à la source de ces messages et reconnaître que les jeunes vont les écouter. Nous avons des preuves assez évidentes que les jeunes s’écoutent les uns les autres, d’où la nécessité de leur fournir l’information et l’appui dont ils ont besoin pour être en mesure de s’entraider.

La sénatrice Poirier : Encore une fois, dans l’un des mémoires que nous avons reçus, il est mentionné que le suicide est la deuxième cause de décès chez les jeunes de 10 à 24 ans. Ailleurs dans le même document, on peut lire qu’il n’y a pas de cause unique du suicide et que c’est une combinaison de nombreux facteurs. Vous les avez tous énumérés dans le mémoire.

Par ailleurs, je remarque que vous avez mentionné que près de 30 p. 100 des jeunes de 15 à 17 ans ont révélé qu’un membre de leur famille a des difficultés émotionnelles, des troubles de santé mentale ou un problème de consommation d’alcool ou de drogues. C’est donc, semble-t-il, une combinaison de nombreux facteurs.

Sachant cela, je me demande si vous pouvez nous dire ce que vous en pensez et si vous avez des inquiétudes. Nous avons beaucoup entendu parler dernièrement du risque que représente la consommation de cannabis pour les jeunes de moins de 25 ans, et j’aimerais savoir quelles sont vos préoccupations à cet égard, s’il y a lieu. Pensez-vous que l’usage du cannabis pourrait entraîner une augmentation des problèmes de santé mentale? Si oui, sommes-nous prêts à y faire face, et savons-nous comment nous allons nous y prendre?

Mme Priest : En ce qui concerne le cannabis, c’est un domaine où nous travaillons en étroite collaboration avec nos collègues dans tout l’appareil gouvernemental, particulièrement en ce qui concerne la santé publique dans le contexte de l’éducation du public, à commencer par les faits concernant les répercussions sur un cerveau en pleine croissance chez les jeunes de moins de 25 ans et le type de messages qu’il faut diffuser à l’intention de ce groupe.

Je voudrais revenir sur ce que Heather a dit à propos des moyens par lesquels les jeunes obtiennent leurs renseignements. Il s’agit, en grande partie, de veiller à ce que les jeunes participent à l’élaboration des messages; autrement dit, tout message en provenance du gouvernement doit être élaboré en collaboration avec les jeunes.

Nous misons donc sur l’éducation du public. Nous avons déjà pris des démarches pour examiner des lignes directrices sur la réduction des risques liés à la consommation de cannabis et pour les rendre accessibles ou les transformer en renseignements utiles non seulement pour les jeunes, mais aussi pour les parents. Ce travail est en cours.

Je ne sais pas si les autres témoins veulent ajouter quelque chose.

Mme Bradley : Ayant travaillé comme clinicienne au fil des années, je suis vraiment préoccupée de voir que, dans le cas des jeunes de 17 à 25 ans qui vivent leur premier épisode psychotique, c’est souvent à la suite d’une consommation de cannabis. Je n’ai pas les compétences voulues pour dire si le cannabis en est une cause, mais chose certaine, cela exacerbe le problème.

C’est pourquoi nous avons été ravis d’entendre l’annonce faite hier dans le cadre du budget. La commission vient de recevoir 10 millions de dollars sur une période de cinq ans pour étudier les effets de la légalisation du cannabis sur la santé mentale des Canadiens, et je suis à peu près certaine, même si cela ne fait pas encore 24 heures, que nous nous pencherons sur ce groupe particulier, à savoir les jeunes et les adolescents.

La sénatrice Poirier : En ce qui a trait à la cyberintimidation, nous savons que ce problème est de plus en plus important chez nos jeunes, notamment en raison des médias sociaux, et cela semble prendre de plus en plus d’ampleur.

Dans vos notes, vous dites que le quart des élèves de la 6e à la 12e année déclarent avoir été intimidés par d’autres élèves au cours des 30 derniers jours. Et nous entendons de plus en plus parler de cyberintimidation.

Comment le gouvernement peut-il mieux vous aider à vous attaquer au problème de la cyberintimidation? Qu’est-ce qui donne de bons résultats? Quelles mesures ont été prises? Que doit-on continuer de faire pour ralentir la vitesse à laquelle les choses se passent actuellement?

Mme Bradley : Je ne peux pas répondre à cette question, mais je porte du rose aujourd’hui parce que c’est la Journée contre l’intimidation. À part cela, je ne peux pas contribuer à la discussion, mais j’espère que mes collègues le pourront.

Mme Priest : Je crois que cela revient un peu à ce que chacune de nous a dit au début sur la nécessité de ne pas examiner certaines des questions isolément. Qu’en est-il des causes profondes, qu’il s’agisse de facteurs de risque ou de facteurs de protection, qui touchent nos jeunes et leurs comportements, notamment la cyberintimidation et l’usage problématique de substances? Nous avons parlé du cannabis, entre autres.

Nous tenons compte des efforts déployés par l’Agence de la santé publique du Canada et de certains des travaux accomplis au sein du gouvernement fédéral pour contrer la violence fondée sur le sexe, y compris la violence dans les fréquentations amoureuses à l’adolescence. Nous allons nous pencher là-dessus dans le cadre de certains de nos programmes pour essayer de comprendre quels types d’intervention s’avèrent efficaces.

Je n’ai donc pas de réponse succincte à vous donner, mais je me contenterai de répéter notre argument de départ, à savoir qu’il faut éviter d’examiner les questions isolément; on doit plutôt commencer à dégager certaines des causes profondes qui se recoupent, c’est-à-dire des facteurs de protection et des facteurs de risque qui entrent en ligne de compte dans certains comportements tels que la cyberintimidation, le suicide, les pensées suicidaires et les tentatives de suicide, les problèmes de santé mentale et la violence.

Mme Sundar : Il y a un groupe à Kingston, sous la direction de Deb Pepler et Wendy Craig, deux chercheuses qui ont reçu du financement par l’entremise du programme des Réseaux de centres d’excellence afin d’établir PREVNet, une organisation qui vise à mobiliser les plus récentes connaissances sur l’intimidation et les moyens de la prévenir. Ce groupe a élaboré un certain nombre de ressources destinées à divers publics cibles pour essayer de fournir aux praticiens, aux parents et aux jeunes eux-mêmes les outils dont ils ont besoin pour gérer certains des problèmes liés à l’intimidation. On accorde une attention particulière à la cyberintimidation, c’est-à-dire l’intimidation en ligne, et à la façon d’appuyer les jeunes dans ce contexte.

La sénatrice Omidvar : Il est dommage que le sénateur Dean s’en aille maintenant, parce que ceci est une question qui l’aurait intéressé. Comme vous le savez, nous étudions le projet de loi sur le cannabis, lequel ne criminalisera pas les jeunes de moins de 19 ans qui ont en leur possession cinq grammes ou moins de cannabis. Nous avons entendu beaucoup d’excellents exposés de la part de pédiatres, de médecins, et cetera, qui nous ont parlé des répercussions du cannabis sur le développement du cerveau et sur le déclenchement de troubles psychotiques.

Je me demande si vous pouvez nous donner quelques conseils puisque c’est nous qui étudierons ce projet de loi au Sénat. En effet, c’est notre comité qui s’en occupera. Que pensez-vous des effets de la consommation de cannabis — peut-être pas de façon périodique, mais plutôt de façon soutenue — sur le cerveau des jeunes, et qu’aimeriez-vous voir dans le projet de loi en ce qui concerne la santé mentale, la consommation de cannabis et les jeunes?

Le président : Il se peut d’ailleurs que vous soyez invitées à comparaître de nouveau, on ne sait jamais. C’est notre comité qui sera saisi de ce dossier.

Mme Bradley : Comme je l’ai dit tout à l’heure, il y a un lien direct entre le premier épisode psychotique et la consommation de cannabis. Il faudra étudier la question plus à fond. C’est vraiment ce qui s’impose. À part cela, je ne sais pas ce que je peux ajouter pour l’instant. Je ne suis pas sûre que nous connaissions l’ampleur des répercussions, mais cette question doit absolument être étudiée de façon plus approfondie.

Mme Sundar : Il y a des gens qui travaillent là-dessus en Ontario. Ainsi, notre organisation établira des partenariats avec divers groupes, dont le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, la Commission de la santé mentale et d’autres organismes qui œuvrent dans ce domaine. Nous visons particulièrement à établir des connaissances et des ressources de formation à l’intention des praticiens en santé mentale des jeunes et des enfants. Nous savons que de nombreux jeunes qui consomment du cannabis illégalement à l’heure actuelle présentent aussi des problèmes de santé mentale, et nous savons que le problème s’accentuera une fois que le cannabis sera légalisé.

Je crois que nous essayons de prendre les devants dès maintenant par la mise au point de certains outils et ressources à l’intention des praticiens afin de les aider à reconnaître les signes d’un éventuel problème, à déterminer comment intervenir, à cerner des mesures de soutien possibles, et cetera. Bref, certaines personnes effectuent déjà un travail à cet égard en Ontario, et nous pouvons certes vous faire parvenir certains de ces renseignements.

Mme Ennis : Il faut dire également que dans certains cas, nous n’en sommes pas certains. À ce stade-ci, il est impossible de le savoir. Il faudra entre autres regarder du côté des administrations l’ayant déjà fait. La plupart des États ayant légalisé le cannabis l’ont fait depuis peu, mais nous pourrions examiner ce qui se passe au Colorado et ailleurs, et même inviter des représentants à nous dire ce qu’ils ont appris au cours de ces quelques années de légalisation. Cela devra faire partie du processus, mais de notre côté, nous pouvons vous dire qu’il reste encore bien des questions sans réponse. La prochaine étape consistera à déployer de réels efforts afin de fournir quelques réponses.

Le président : Et ce sera fait ici, au comité.

Le sénateur Dean : Louise, j’aimerais revenir sur les cas de psychose en fin d’adolescence, chez les 17 à 25 ans. Des recherches menées il y a 40 ans parlent déjà de la prévalence des cas de psychose en fin d’adolescence, c’est donc un phénomène connu depuis des décennies. Cela a été étudié dans le cadre du débat entourant le rôle de la nature par rapport à celui de la culture, de l’inné et de l’acquis. C’était bien avant la prévalence de l’utilisation du cannabis au Canada et ailleurs.

Serait-il juste d’affirmer qu’il y a un parallèle à faire entre la consommation de cannabis et la psychose en fin d’adolescence, sans parler nécessairement de causalité? Qu’en dites-vous?

Mme Bradley : Encore là, nous devons étudier la question de plus près. Mais une chose est sûre, il y a suffisamment de données pour faire craindre un lien entre les deux.

Le sénateur Dean : Parle-t-on d’association ou de causalité?

Mme Bradley : Je ne le sais pas, honnêtement.

Le sénateur Dean : C’est ce que je voulais entendre. Merci.

Le président : Nous ne sommes pas en train de débattre du projet de loi C-45.

Le sénateur Dean : Je n’ai pas lancé le débat.

La sénatrice Omidvar : C’est moi qui l’ai lancé.

Le président : Je n’ai pas protesté, parce que la question m’intéressait, à vrai dire.

Je vais clore le débat avec une question sur ce que font d’autres administrations du Canada ou de l’étranger. Il peut s’agir de provinces, de municipalités ou d’autres entités ayant mis en place des stratégies efficaces en ce qui a trait à la santé mentale des enfants et des adolescents au Canada. L’Ontario étant l’une d’elles, bien sûr. Je veux connaître les pratiques exemplaires.

Je pose la question à Louise, d’abord : y a-t-il des stratégies efficaces ou des mesures qui se démarquent au Canada ou à l’étranger en ce qui concerne la santé mentale des enfants et des adolescents?

Mme Bradley : J’ai bien peur d’être obligée de vous dire que c’est probablement l’Ontario qui mène le bal au Canada. C’est vrai. Vous pourriez en parler mieux que moi.

Presque l’ensemble des provinces et des territoires ont maintenant leur propre stratégie en matière de santé mentale, et les enfants et les adolescents figurent certainement au nombre des priorités visées par ces stratégies.

Bien des efforts sont déployés un peu partout au pays, mais je reste persuadée que personne n’a encore trouvé la solution idéale. Il faut davantage mettre l’accent sur la prévention chez les enfants et les adolescents. Toutes les mesures pouvant y contribuer sont utiles. Je crois réellement que les décisions prises récemment en Ontario placent la province en tête de file à cet égard. En tant que Terre-Neuvienne, j’ai un petit pincement au cœur de l’avouer.

Mme Sundar : Pour ajouter aux commentaires de Louise, nous sommes dans la quatrième année de transition du système ontarien de santé mentale à l’intention des enfants et des adolescents. Je ne suis pas certaine de l’information dont vous disposez. Nous pouvons certainement vous transmettre des renseignements supplémentaires, mais je souligne que nous avons adopté un modèle d’organisme responsable, qui divise la province en 33 secteurs de service. Chacun de ces secteurs est dirigé par un organisme communautaire responsable, qui s’assure d’offrir un continuum de services fondamentaux à l’intention des enfants et des adolescents en matière de santé mentale, allant de la prévention à l’intervention en situation de crise.

Vous vous doutez bien que c’est toute une entreprise de mettre en œuvre une telle structure. Comme je le disais, nous en sommes à la quatrième année, et 31 des 33 organismes responsables sont en fonction. Il en reste encore deux à mettre sur pied.

Dans les secteurs actuellement desservis, on remarque qu’il y a moins de répétitions, les services sont mieux harmonisés, et il y a moins de lacunes. Le temps nous dira si c’était la voie à suivre, mais pour l’heure, nous pouvons affirmer que la structure est aussi efficace que possible dans le contexte actuel.

Mme Ennis : Nous avons aussi appris que cela demande énormément de travail; c’est chaotique et c’est difficile. Pour ce qui est des données et du rendement dont tout le monde parle, je vais vous donner un petit exemple. Notre centre a mis deux ans pour définir les services fondamentaux à offrir dans toutes les collectivités, et à toutes les familles, tous les enfants et adolescents. Il s’agit des définitions dont Purnima a parlé.

Ce qui compliquait les choses, c’est que les différentes collectivités de la province avaient leurs propres définitions. Il devenait ainsi impossible de mesurer les choses de la même manière. Il a même fallu presque deux ans pour qu’on s’entende à l’échelle de la province sur la définition de « thérapie », « services brefs » et « services de gestion de crise », de façon à ce que tout le monde mesure la même chose.

C’est un processus vraiment complexe, mais qui en vaut totalement la peine. Nous avons aussi entrepris de restructurer le système de données, et nous sommes à l’année trois de quatre. Et c’est pour l’Ontario seulement.

Le président : Y a-t-il d’autres provinces ou municipalités qui ont adopté des stratégies dignes de mention? Et je m’intéresse aussi à ce qui se fait dans d’autres pays, comme je le disais tout à l’heure.

Mme Bradley : Je ne sais pas, mais je peux m’informer et vous transmettre ce que j’aurai trouvé. Par cœur, je n’ai pas de réponse à vous donner. Peut-être que d’autres centres d’échange d’information pourraient vous renseigner.

Le président : Je suis convaincu que vous tirez des leçons de l’expérience des autres.

Mme Bradley : Je vais voir ce que je peux trouver, et je vais vous transmettre le tout.

Mme Ennis : On parle beaucoup des lacunes et des besoins, mais pour avoir travaillé à des projets internationaux, je peux vous dire que malgré tout, le Canada est vu comme un leader à bien des égards. La santé mentale des enfants et des adolescents est un enjeu mondial. Le Canada a certainement des atouts en ce qui a trait à la sensibilisation des jeunes et des familles. Nous collaborons de près avec nos homologues de la Suède, de la Grande-Bretagne, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, et je peux vous affirmer que nous avons tous nos forces. Le Canada n’est pas en reste, c’est évident.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais avoir quelques précisions, car la dernière question m’a laissée un peu confuse.

Madame Bradley, vous avez dit que le Canada est un des pays qui investit le moins dans les programmes de santé mentale. Et pourtant, quand on vous demande qui a les meilleures pratiques, vous répondez que c’est le Canada.

Vous affirmez manquer de ressources, et malgré cela, on trouve les meilleures pratiques en Ontario. Pourriez-vous m’aider à éclaircir ce point?

Mme Bradley : Cela démontre que lancer de l’argent à un problème ne règle pas nécessairement les choses. Alors oui, il y a des pratiques exemplaires au Canada. Je fais partie d’un groupe réunissant huit pays, l’Initiative internationale sur le leadership en matière de santé mentale. Stephanie et moi représentons toutes deux le Canada au sein de ce groupe.

C’est sidérant pour nous aussi, à vrai dire, alors je comprends votre confusion. Les autres représentants considèrent le Canada comme un chef de file sur le plan de la santé mentale en milieu de travail, et il l’est. Le Canada était le seul pays à avoir une norme nationale sur la sécurité psychologique en milieu de travail, qui a par la suite été adoptée ailleurs dans le monde.

Notre centre d’échange d’information et notre approche en matière d’application et de transfert des connaissances font des envieux à l’échelle du monde. Imaginez ce que nous pourrions faire avec plus d’argent?

Le président : Merci beaucoup à vous tous, et merci à Nancy Reynolds, qui a dû partir, d’être venus discuter de ce dossier avec nous. Nous allons poursuivre notre réflexion afin de déterminer quelles seront les prochaines étapes. Vos commentaires nous seront d’ailleurs grandement utiles. Et vous pourrez bien sûr transmettre à notre greffière tout complément d’information qui pourrait nous aider dans cette tâche.

Aux membres du comité, je précise qu’il n’y aura pas de réunion demain. Il y aura cependant une réunion du comité directeur, alors les sénatrices Peticlerc et Seidman se joindront à moi, ici, demain. S’il n’y a pas de réunion régulière demain, c’est que nous espérions pouvoir étudier le rapport sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées et le REEI, mais nous n’avons qu’une version unilingue du rapport. Nous attendons la traduction. Et c’est pourquoi nous ne pourrons pas l’étudier demain, comme prévu.

La prochaine réunion aura lieu le mardi 20 mars, à 19 heures, ce qui n’est pas notre horaire habituel. Nous avions convenu de consacrer quatre réunions à l’étude sur l’adoption forcée dans le Canada de l’après-guerre pour les mères célibataires. Nous avons toutefois ramené cela à trois séances, et nous avons dû ajouter cette réunion spéciale mardi soir pour que tout soit terminé durant la semaine, d’ici jeudi.

Et si nous devons procéder ainsi, c’est que la semaine suivante, nous aurons l’étude du projet de loi C-45 à notre programme. Il a donc fallu condenser quelque peu les choses et prévoir une réunion en dehors de notre horaire habituel.

La réunion se tiendra donc de 19 à 21 heures, environ, le mardi 20 mars. C’est une réunion à ne pas manquer, car nous allons entendre les témoignages de mères qui ont vécu cette expérience traumatisante.

Je précise également qu’une motion a été déposée au Sénat afin d’autoriser la tenue de la réunion de mardi soir. Nous avons le droit de le faire; par contre, si le Sénat siège plus longtemps que prévu, la réunion ne pourra pas avoir lieu. Ce n’est peut-être pas nécessaire, mais c’est dans le but d’assurer nos arrières. Il en sera probablement question demain, et je proposerai que la motion soit adoptée en mon nom. Cela se fait fréquemment.

Donc, il n’y a pas de réunion demain, sauf pour le comité directeur.

La réunion du mardi 20 mars, 19 heures, sera la première des trois réunions de la semaine. Les deux autres auront lieu à l’heure habituelle du mercredi et du jeudi. Et l’étude portera sur l’adoption forcée dans le Canada de l’après-guerre pour les mères célibataires.

La séance est levée.

(La séance est levée.)

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