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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule no 61 - Témoignages du 30 mai 2019


OTTAWA, le jeudi 30 mai 2019

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd’hui, à 10 h 30, pour étudier la teneur des éléments des sections 15, 16, 18, 19 et 20 de la partie 4, et des sous-sections C, K et L de la section 9 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures (sujet: section 15), et, à huis clos, pour examiner une ébauche de rapport.

La sénatrice Chantal Petitclerc (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

Je m’appelle Chantal Petitclerc, sénatrice du Québec, et c’est un plaisir et un privilège de présider cette réunion aujourd’hui.

[Traduction]

Avant de donner la parole à nos témoins, j’invite mes collègues à se présenter.

La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.

[Français]

La sénatrice Poirier : Bienvenue. Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Eaton : Bonjour, monsieur le ministre. Nicole Eaton, de l’Ontario.

Le sénateur Ravalia : Mohamed-Iqbal Ravalia, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur Oh : Victor Oh, de l’Ontario.

[Français]

La sénatrice Mégie : Bonjour. Marie-Françoise Mégie, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Omidvar : Ratna Omidvar, de l’Ontario.

La sénatrice M. Deacon : Marty Deacon, de l’Ontario.

La sénatrice Dasko : Donna Dasko, de l’Ontario.

Le sénateur Kutcher : Stan Kutcher, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Moodie : Rosemary Moodie, de l’Ontario.

La sénatrice Forest-Niesing : Josée Forest-Niesing, de l’Ontario.

Le sénateur Munson : Jim Munson, de l’Ontario.

[Français]

La présidente : Merci. Aujourd’hui, nous poursuivons notre étude de la section 15 dans le cadre de notre étude de la teneur des éléments des sections 15, 16, 18, 19 et 20 de la partie 4, et des sous-sections C, K et L de la section 9 de la partie 4 du projet de loi C-97, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 19 mars 2019 et mettant en œuvre d’autres mesures.

L’étude de ce projet de loi va se poursuivre également la semaine prochaine.

[Traduction]

Conformément à l’ordre du Sénat, le comité tiendra sa dernière réunion à ce sujet le 6 juin, puis présentera son rapport plus tard dans la journée. Pendant la deuxième heure de la réunion d’aujourd’hui, nous poursuivrons brièvement nos travaux à huis clos pour discuter des instructions de rédaction.

[Français]

Je suis heureuse aujourd’hui de souhaiter la bienvenue à nos témoins. Merci d’être parmi nous. Nous accueillons l’honorable Ahmed Hussen, C.P., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté. Avec le ministre, nous accueillons, également du ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, Raymond Kunze, directeur général, Bureau de vérification interne et responsabilisation, et Katarina Stephenson, directrice, Politique et programmes sociaux d’immigration. Bienvenue.

Nous recevons aussi, de la Gendarmerie royale du Canada, Erika Sheridan, surintendante et directrice, Intégrité des frontières.

[Traduction]

Chers collègues, nous avons une demi-heure avec le ministre. Toutefois, les fonctionnaires resteront avec nous pendant l’heure entière pour répondre aux questions.

[Français]

Monsieur le ministre, vous pouvez commencer votre présentation.

L’honorable Ahmed Hussen, C.P., député, ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté : Merci de m’avoir demandé de me joindre à vous aujourd’hui pour discuter des propositions incluses dans la Loi d’exécution du budget.

[Traduction]

Plus particulièrement, nous avons le plaisir de discuter de la proposition du gouvernement visant à répondre aux pratiques de certains consultants en immigration non réglementés ou sans scrupule et au préjudice qu’ils peuvent causer dans la vie des gens. Lorsque j’étais avocat en droit de l’immigration, j’ai vu le tort considérable que pouvaient faire des consultants en immigration sans scrupule pour faire de l’argent au détriment des gens vulnérables.

Je tiens également à préciser que beaucoup de professionnels honnêtes, faisant preuve d’éthique, fournissent d’importants services à leurs clients afin de les aider à s’y retrouver dans le système de l’immigration. Eux aussi subissent les dommages causés par les pommes pourries qui ternissent leur profession.

Le cadre actuel n’a pas simplement fourni le mandat et les outils nécessaires pour permettre à l’organisme de surveillance de s’acquitter efficacement de son travail. Par conséquent, le gouvernement a élaboré un plan réfléchi et multidimensionnel pour combler les lacunes, équiper le nouvel organisme et protéger le public grâce à une meilleure surveillance, une conformité accrue et une application plus rigoureuse de la loi.

Pour y parvenir, nous proposons une approche à trois volets. Premièrement, nous proposons de refonte du cadre de réglementation applicable aux consultants en créant un nouveau régime législatif pour la profession. Le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté aura un mandat clair et de nouveaux pouvoirs pour régir la profession, protéger le public et obliger les consultants à respecter des normes strictes de conduite professionnelle et éthique.

Grâce à ce premier régime législatif, les consultants seront sur un pied d’égalité avec les autres professionnels réglementés au Canada, tels que les médecins, les avocats et les travailleurs des métiers spécialisés.

Les clients des consultants agréés qui estimeraient ne pas avoir reçu des conseils fournis de manière éthique ou compétente auraient accès à un mécanisme de règlement des plaintes très rigoureux. En outre, le collège disposerait de nouveaux pouvoirs pour mener des enquêtes efficaces sur les plaintes contre les membres.

Il sera notamment possible d’entrer dans les locaux d’un consultant afin d’enquêter sur des actes répréhensibles soupçonnés, ainsi que de demander des injonctions de tribunaux à l’encontre de consultants non autorisés pour mettre fin à leurs activités.

Le collège serait également tenu, pour la première fois, d’établir un fonds d’indemnisation pour les personnes ayant été exploitées par un consultant. Il y aura un processus d’attribution de permis progressif pour différents types de services. Le collège définira de nouvelles exigences en matière de formation et d’éducation.

Parallèlement, le gouvernement exercera une surveillance rigoureuse. Cela comprend le pouvoir de nommer, au conseil d’administration du nouveau collège, des administrateurs chargés de représenter l’intérêt public. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada élaborerait le code de conduite, désignerait un fonctionnaire observateur au conseil d’administration, interviendrait si le collège ne fonctionne pas comme prévu et prendrait des règlements régissant le code de conduite du collège.

Le deuxième volet est la conformité et l’application de la loi. Le budget de 2019 prévoit 51,9 millions de dollars pour renforcer la protection contre les pratiques de consultation frauduleuses. L’Agence des services frontaliers du Canada aura des ressources accrues pour mener des enquêtes criminelles complexes. Nous proposons aussi de doubler l’amende maximale de 100 000 $ à 200 000 $, et d’établir une nouvelle sanction administrative pécuniaire pour les comportements qui ne sont pas nécessairement criminels, mais répréhensibles.

Nous lancerons une importante campagne de sensibilisation du public au Canada et à l’étranger pour aider les clients à se protéger. La documentation sera offerte en plusieurs langues. De plus, nous affecterions des agents d’information dans nos bureauxdes visas à l’étranger les plus achalandés. Permettez-moi de souligner que je crois qu’il est de la responsabilité des gouvernements de tout faire pour mettre fin au comportement contraire à l’éthique adopté par des consultants en immigration.

Je suis convaincu que la proposition exhaustive que je suis venu vous expliquer aujourd’hui nous permettra de mieux protéger le public contre la fraude et d’arrêter ceux qui s’en prennent aux personnes vulnérables.

La présidente : Nous avons des questions pour vous. Chers collègues, je vous rappelle que l’objectif est de limiter les interventions à cinq minutes, questions et réponses comprises.

La sénatrice Seidman : Monsieur le ministre, merci beaucoup de votre exposé. J’aimerais vous poser une question au sujet du régime législatif pour la profession dont vous avez parlé. Vous avez indiqué que le collège régirait les consultants, de sorte qu’ils seraient sur un pied d’égalité avec les autres professionnels réglementés au Canada, comme les médecins et les avocats. Hier, une avocate venue témoigner au comité, Me Robin Seligman, n’a pas été tendre à l’égard de cette mesure législative. Elle a été très claire lorsqu’on lui a demandé si le collège allait aider à régler les problèmes du système actuel. Elle a dit ce qui suit :

� mon avis, l�organisme de r�glementation repr�sente seulement une partie de la solution aux probl�mes li�s aux consultants. Le pouvoir de l�organisme de r�glementation sera infime s�il n�est pas appuy� par une hausse radicale des exigences en mati�re de formation et la limitation du champ d�exercice des consultants. Je pense que nous nous retrouverons � la case d�part. Je ne compte plus les versions.

Elle a dit qu’il ne devrait absolument pas y avoir de droits acquis.

M. Hussen : Je dirai simplement que je ne suis pas d’accord avec cette opinion parce que nous sommes en train de mettre en place un tout nouveau régime. Nous aurons des attentes à l’égard du collège. L’objectif est de créer le nouveau collège en transformant l’organisme actuel, mais si ce n’est pas possible, nous le créerons de toutes pièces.

Une chose est sûre : le conseil d’administration sera majoritairement formé d’administrateurs d’intérêt public; les autres seront des membres du collège.

Deuxièmement, les membres recevront une formation progressive pour obtenir un permis. Un mécanisme sera créé pour assurer un processus disciplinaire et un processus de traitement des plaintes rigoureux. À l’instar de tout autre ordre professionnel autoréglementé, le collège aura les outils nécessaires pour remplir le mandat que nous lui confierons, soit d’obliger ses membres à rendre des comptes et à satisfaire aux exigences et normes éthiques et professionnelles les plus élevées.

Par le passé, le problème était que l’organisme actuel n’avait jamais reçu les outils nécessaires pour s’acquitter de son mandat. C’est ce que nous faisons enfin. En outre, nous aurons un régime gouvernemental d’application et d’enquête très solide et ambitieux qui donnera aux organismes gouvernementaux compétents des ressources pour poursuivre les personnes non autorisées...

La sénatrice Seidman : Excusez-moi. Notre temps est limité; je ne veux pas être irrespectueuse ou impolie, mais j’aimerais poser une autre question. Elle porte sur les exigences en matière de formation obligatoire.

S’ils veulent vraiment être sur un pied d’égalité avec d’autres professionnels réglementés au Canada, comme les médecins, les avocats et les gens de métiers spécialisés, des exigences en matière de formation obligatoire s’appliquent. Me Seligman recommandait un programme de deux ans à temps plein, de la formation linguistique obligatoire, l’absence de droits acquis et un champ d’exercice limité, évidemment.

Comment ce collège établira-t-il une procédure d’agrément et une trousse pédagogique pour veiller à l’atteinte d’un certain niveau de formation et d’une approche professionnelle?

Katarina Stephenson, directrice, Politique et programmes sociaux d’immigration, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada : Je vous remercie. De nouvelles normes de formation beaucoup plus rigoureuses seront mises en place pour pouvoir pratiquer, soit un baccalauréat. Le collège a un contrat avec deux universités canadiennes, une anglophone et une francophone : la faculté de droit de l’Université Queen’s et celle de l’Université de Sherbrooke. Tout nouveau consultant devra suivre ce programme d’études supérieures de 12 mois et obtenir son diplôme. Cependant...

La sénatrice Seidman : Permettez-moi de vous arrêter. Je le fais uniquement parce que je pourrai revenir à vous après le départ du ministre. Je sais que mes collègues veulent poser des questions au ministre. Nous pourrons peut-être y revenir plus tard. Je vous remercie. Je vous en suis reconnaissante.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci, monsieur le ministre. Ma question porte sur le pouvoir accordé au collège, en vertu du projet de loi C-97, de demander une injonction contre un consultant non réglementé. Cette mesure est-elle suffisante, à votre avis?

M. Hussen : Une seule mesure ne suffit pas. Encore une fois, la question n’est pas seulement liée aux pouvoirs du collège, mais aussi aux mesures que peut prendre le gouvernement pour protéger les Canadiens et les ressortissants étrangers contre l’exploitation. L’augmentation des ressources de l’ASFC pour contrer les consultants non autorisés fait également partie de l’équation.

La sénatrice Forest-Niesing : Je pense que nous convenons tous que ce sont surtout les personnes qui n’ont pas les moyens de retenir les services d’un avocat qui ont recours aux consultants. Étant donné que ce sont probablement eux qui tireront avantage du projet de loi, j’aimerais que vous nous parliez, si possible, du processus de plainte. En cas d’entente, une question peut être soumise au processus de règlement des différends prévu par la loi. Qui devra assumer les coûts associés à cela?

M. Hussen : Vous parlez des coûts associés au processus de traitement des plaintes?

La sénatrice Forest-Niesing : Oui, les frais encourus pour le recours au processus de règlement des différends auquel les parties peuvent recourir, lorsque convenu, en vertu du projet de loi.

M. Hussen : J’aimerais aborder — brièvement, car je sais qu’il reste peu de temps — ce que vous avez mentionné dans la première partie de votre question.

Beaucoup de gens font en effet appel à des consultants en immigration pour obtenir l’accès parce qu’ils n’ont pas les moyens de payer un avocat. Cependant, j’ai aussi vu le contraire, des situations où les consultants en immigration, surtout ceux qui ne sont pas autorisés, exigent beaucoup plus que des avocats. Dans ma pratique privée, des gens venaient me demander de l’aide après s’être fait arnaquer par un consultant en immigration non autorisé et avoir perdu 30 000 $ ou 40 000 $ pour une simple demande. Ces gens allaient ensuite voir un avocat pour obtenir de l’aide; ils devaient recommencer le processus du début. Ils n’ont rien obtenu, même s’ils avaient payé ces sommes colossales. Je tenais simplement à le préciser.

Deuxièmement, à l’instar des barreaux, des collèges des médecins et d’autres ordres professionnels, le collège sera doté d’un processus disciplinaire et de traitement des plaintes très solide. Pour la première fois, le collège exigera aussi que ses membres aient souscrit une assurance responsabilité. Cela s’ajoute au fonds d’indemnisation que j’ai mentionné.

Le processus suivra son cours et, selon le résultat, pour une cause fondée, la personne sera indemnisée par l’intermédiaire du fonds d’indemnisation ou du régime d’assurance, ou les deux, selon les circonstances.

La sénatrice Forest-Niesing : Merci.

La sénatrice Poirier : Selon vous, combien de temps faudra‑t-il pour mettre complètement en œuvre la section 15?

M. Hussen : Je vais laisser mes fonctionnaires répondre à cette question.

La sénatrice Poirier : Je pourrai y revenir; je vais consacrer mon temps au ministre.

L’article 3 de la section 15 du projet de loi précise que le gouverneur en conseil peut désigner un ministre fédéral comme ministre responsable de la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté. Pourquoi votre gouvernement a‑t‑il décidé de ne pas désigner un ministre fédéral responsable?

M. Hussen : Je crois comprendre que le ministre de l’Immigration serait, par défaut, le ministre responsable de la rédaction du code de conduite, de l’établissement du régime législatif et de la nomination des administrateurs chargés de représenter l’intérêt public au conseil du CCIC.

Cela répond-il à votre question?

La sénatrice Poirier : En partie. Je veux avoir des précisions sur la transition. J’ai également posé la question aux témoins, hier. Le projet de loi contient deux scénarios. Soit l’organisme poursuit ses activités en tant que collège, soit il est dissous complètement pour devenir un collège entièrement autonome. Pourquoi n’est-ce pas clairement indiqué dans le projet de loi? Pourquoi ne demande-t-on pas au CICR d’insérer la modification? Ne serait-ce pas plus efficace, en coûts et en temps?

M. Hussen : Oui, et c’est notre position par défaut. L’idée première consiste à déterminer comment opérer la transition de l’organisme actuel au nouveau collège.

Cependant, il faut aussi prévoir le pire. Si ce n’est pas possible et que cela ne fonctionne pas, en fonction des normes que nous souhaitons pour le nouvel organisme, alors nous en ferons la liste, soit par l’intermédiaire de l’organisme actuel ou du nouvel organisme. Ce qu’il nous faut, c’est un Collège des consultants en immigration et en citoyenneté doté de normes éthiques et professionnelles très élevées. Si l’organisme actuel peut être intégré au nouveau collège et au nouveau contexte, tant mieux. Sinon, nous devrons procéder autrement.

La sénatrice Poirier : Très bien.

Dans la même veine que la question de la sénatrice Forest-Niesing, l’avocate que nous avons entendue hier a dit que dans certains cas, les honoraires d’avocat — parce qu’elle fait du bénévolat — ne sont parfois pas plus élevés que les honoraires des consultants. Les consultants perçoivent des honoraires, si je comprends bien?

M. Hussen : Oui.

La sénatrice Poirier : C’est exact. Sont-ils comparables? Les consultants déterminent-ils leurs honoraires, ou doivent-ils suivre une tarification fixe, comme le font les médecins?

M. Hussen : Il y aura une grille tarifaire. Il y a une certaine confusion. Qu’entendez-vous par « consultants »? Parlez-vous des consultants légitimes ou des consultants non autorisés?

D’après mon expérience, du moins, ce sont les consultants non autorisés qui exigent de grandes sommes, qui ne font pas le travail demandé et qui ne présentent même pas la demande, dans la plupart des cas.

Nous cherchons à contrer ces gens de deux façons. Nous donnons au collège le pouvoir de les poursuivre, mais nous allons également donner des ressources à l’ASFC, doubler le montant des amendes pour infractions criminelles et imposer des sanctions pécuniaires pour les actes qui ne sont pas des infractions criminelles. Nous menons une campagne d’information, d’éducation et de sensibilisation sur l’importance de retenir les services de consultants légitimes.

La sénatrice Omidvar : Monsieur le ministre, c’est une industrie en pleine croissance. Nous le reconnaissons. En 2016, on comptait 3 600 consultants en immigration. Aujourd’hui, ils sont 5 500. Il y a 1 000 consultants de plus par année. Je n’ai pas réussi à obtenir de réponse satisfaisante des témoins d’hier concernant les droits acquis.

J’aimerais que vous me disiez si vous comptez accorder des droits acquis des consultants actuels. On parle d’un nombre considérable de personnes. Vous pouvez parler en fonction de votre expérience personnelle, tout comme moi; il y a de très bons consultants en immigration. Cependant, je suis préoccupée par l’intérêt des consommateurs. Comment peut-on protéger ces intérêts lorsqu’une multitude de gens — comment dire — agissent selon des règles différentes, comparativement à la nouvelle cohorte à venir? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

M. Hussen : Pour répondre à votre première observation, sénatrice, la croissance de l’industrie se fait sur les deux fronts. Selon moi, cette croissance est simplement attribuable à l’arrivée d’un nombre croissant de visiteurs et d’étudiants étrangers au Canada. La demande est simplement plus élevée. Comme un plus grand nombre de gens recourent aux services d’immigration, il y a plus de gens qui font appel à des consultants en immigration.

En ce qui concerne les droits acquis, je veux renvoyer la question à mes fonctionnaires.

La sénatrice Omidvar : Nous pourrons y revenir plus tard. C’est une excellente suggestion.

La mesure ne fait nulle mention d’un examen. Compte tenu des préoccupations que nous avons entendues, des inquiétudes exprimées hier et des réponses pour lesquelles nous n’avons pas exactement obtenu de réponses satisfaisantes, envisageriez-vous de procéder à un examen dans un délai de deux ans? Il est question ici de personnes très vulnérables qui se retrouvent sans service après avoir versé des milliers de dollars; leur première interaction avec une institution canadienne leur laisse donc une terrible impression du Canada. Je vous exhorterais à envisager de mener un examen dans un délai de deux ans et de déposer le rapport devant les deux chambres du Parlement.

M. Hussen : Je ferai mieux : nous déposerons un rapport annuel au Parlement afin de faire état de la situation. La grande priorité consiste à protéger les personnes vulnérables. L’industrie doit faire la vie dure aux consulats non autorisés. Je suis convaincu que c’est exactement ce que feront ces mesures.

La sénatrice Omidvar : Proposerez-vous des règlements?

M. Hussen : Nous présenterons un rapport annuel au Parlement, je peux vous en assurer. Nous verrons comment nous procéderons pour le faire.

La sénatrice Omidvar : J’adore quand les ministres nous donnent des assurances, mais je préfère quand les mesures figurent dans une loi ou un règlement.

M. Hussen : Fort bien. C’est inscrit dans le projet de loi, en fait. Ce dernier prévoit le dépôt d’un rapport annuel au Parlement.

Le sénateur Oh : Vous allez maintenant légaliser et réglementer l’immigration. Quand je voyage, j’entre dans des bureaux et je vois des affiches indiquant « consultant canadien en immigration ». Comment régissez-vous les personnes douteuses qui utilisent ce titre? Elles ont maintenant le feu vert pour faire de l’argent et commencent à accroître leurs activités à l’étranger. Comment, avec votre champ de compétences, pouvez‑vous intervenir à cet égard?

M. Hussen : Sénateur, vous soulevez un bon point. En raison des limites de notre champ de compétences, nous ne pouvons pas réglementer les consultants étrangers qui agissent en sol étranger. Cela dit, nous pouvons renforcer notre présence dans les bureaux de visa et d’information où le personnel communique de manière proactive avec les populations dans la majorité de nos pays sources. Nous pouvons informer les gens sur les manières adéquates d’utiliser les services de consultants en immigration.

De plus, ces modifications auront également des répercussions sur les recruteurs qui embauchent des employés au nom de compagnies à l’étranger et qui agissent également à titre de consultants. Nous réglementerons le volet de leur travail qui concerne les services de consultant. S’ils utilisent leurs fonctions de recruteurs pour offrir des services de consultants en immigration et dépouiller les gens, le projet de loi les empêchera de le faire.

Enfin, le collège publiera une liste de consultants autorisés que les gens peuvent engager. Bien entendu, à mesure qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et certains agents d’information procèdent au déploiement, ils communiqueront cette liste aux Canadiens et aux ressortissants étrangers pour s’assurer que les gens ne s’adressent pas à des consultants non autorisés.

Le sénateur Oh : Cette liste sera remise à nos consulats et ambassades?

M. Hussen : Oui.

La sénatrice Eaton : J’aborderai un point qui n’a pas de rapport avec cela, question de changer de sujet. La direction de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié nous a indiqué cette semaine qu’il y aura 100 000 dossiers de demande d’asile en retard d’ici la fin de 2021. Le temps de résolution me préoccupe plus que les chiffres comme tels. Vous accusez maintenant un retard de près de deux ans. Pouvez-vous me dire comment vous pensez que la situation évoluera au cours des 12 à 24 prochains mois?

M. Hussen : En ce qui concerne les retards accumulés au chapitre du traitement des demandes d’asile, sachez d’abord que nous n’avons jamais traité le système d’asile comme un système. Nous avons parfois accordé des fonds à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié et aidé l’Agence des services frontaliers du Canada à l’occasion, mais nous n’avons jamais vraiment traité le système comme un système.

La sénatrice Eaton : Vous n’avez jamais eu à le faire?

M. Hussen : Non. En fait, en 2008, nous avons reçu 30 000 demandes d’asile, mais obtenu du financement pour 10 000. Le système manque de fonds et a toujours manqué de personnel. Les formulaires de planification de 2012 ont perturbé l’horaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, ce qui a entraîné des retards dans le traitement des dossiers de réfugiés. Le budget de 2019 fournit enfin des fonds congruents avec les volumes que le système accueille; la Commission de l’immigration et du statut de réfugié reçoit 208 millions de dollars et 700 employés seront embauchés. Ce nombre s’ajoute à celui des décideurs recrutés en 2018.

Le délai de traitement est maintenant de 21 mois environ. Nous prévoyons une réduction substantielle de ce temps de traitement à mesure que nous investissons des fonds dans le système. C’est aussi une question d’efficacité. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié s’est employée à améliorer son efficacité interne, afin de raccourcir les audiences et d’accélérer le traitement des dossiers dans des cas évidents, par exemple. Il est inutile de tenir des audiences pendant une semaine pour un mineur syrien. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié prend un certain nombre de mesures pour accélérer le processus, et dans les dossiers où la réponse sera manifestement favorable, le temps de traitement sera de six mois.

Nous croyons aux investissements prévus dans le budget de 2019. Le rapport du vérificateur général sur le système d’asile est une véritable mise en accusation du sous-financement qui mine le système depuis 10 ans. Nous finançons enfin le système en fonction des volumes de dossiers qu’il reçoit. Un conseil de gestion examine l’ensemble du système, des demandes d’asile aux expulsions. Pareil examen n’a jamais été entrepris.

La sénatrice Eaton : J’applaudis vos efforts. Si vous réduisez le temps de traitement à 18 ou 20 mois, est-ce que les provinces assument le coût? Est-ce que l’Ontario, le Québec et le Manitoba paient les frais afférents aux soins de santé, au logement et au bien-être des demandeurs d’asile ou est-ce le gouvernement fédéral qui s’en charge?

M. Hussen : Ces coûts ont toujours été une responsabilité partagée. J’ajouterais que grâce à notre investissement dans le budget de 2019, environ la moitié des dossiers — soit quelque 21 000 demandes — seront traités en 12 mois. Le reste prendra plus de temps.

En outre, les coûts associés aux demandes d’asile ont toujours été une responsabilité partagée. Les provinces se chargent du logement temporaire, et le gouvernement les a aidées en fournissant du financement provisoire dans le domaine de la santé en raison de l’augmentation du nombre de réfugiés.

La sénatrice Eaton : Y a-t-il de l’argent pour les provinces?

M. Hussen : Oui. Nous avons versé un montant initial, et des fonds supplémentaires sont prévus dans le budget de 2019 pour aider les provinces à assumer les coûts du logement temporaire.

La sénatrice Eaton : Merci.

Le sénateur Ravalia : Monsieur le ministre, au cours de l’élaboration du projet de loi C-97, a-t-on envisagé de confier à l’Association du Barreau canadien ou à un organe juridique la supervision de la question des consultants en immigration?

M. Hussen : Certainement. L’Association du Barreau canadien a proposé une politique voulant que les consultants en immigration travaillent sous la houlette d’avocats, à l’instar des agents parajuridiques qui travaillent sous la supervision d’avocats en Ontario. J’ai examiné cette proposition avec sérieux, jugeant que c’était une suggestion sérieuse qui avait du bon. Malheureusement, le pays compte un certain nombre de sociétés du Barreau et non une seule. Quand nous les avons consultées, certaines d’entre elles étaient disposées à confier les consultants en immigration à la supervision d’avocats, mais d’autres ont refusé et d’autres se sont montrées réticentes. Les consultants en immigration ne peuvent pas être supervisés par des avocats dans certaines provinces et pas dans d’autres. Voilà où le bât blesse avec la politique proposée.

Le sénateur Ravalia : Merci.

M. Hussen : L’idée était bonne. Si toutes les sociétés du Barreau avaient accepté, nous aurions pu le faire, mais certaines ont refusé.

La sénatrice M. Deacon : Je vous remercie de témoigner aujourd’hui. L’instauration d’un organisme de réglementation n’est pas une mince tâche.

M. Hussen : En effet.

La sénatrice M. Deacon : J’ai personnellement travaillé à ce dossier il y a environ 10 ans et demi, et il y a des leçons à tirer de cela. Quand on envisage de créer un organisme de réglementation et qu’on le met sur pied tout en veillant à délivrer des permis aux gens afin d’offrir la formation, car il faut accorder des permis à différentes personnes pour réussir, le leadership, la gouvernance et tous ces éléments sont essentiels pour mener l’initiative à bien.

Vous avez parlé d’un examen annuel, mais qu’en est-il de la surveillance tout au long du processus? Il faudra du temps pour instaurer un système qui fonctionne, et c’est la bonne façon de faire.

Je me demande toutefois si vous pouvez parler de ce qui est intégré dans le système pour qu’à mesure que le processus progresse, on assure une surveillance dans le cadre de laquelle on évaluera les résultats et fera rapport sur la question.

M. Hussen : J’ai d’abord parlé de la composition du conseil d’administration. Nous pourrons nommer la majorité des membres du conseil. En outre, nous disposerons d’outils pour examiner les activités de l’organisme de réglementation et, au besoin, l’orienter en conséquence. La reddition de comptes à la population et au Parlement sera améliorée; nous présenterons notamment le rapport annuel dont j’ai parlé. Je pense que la présence de représentants de l’intérêt public au sein du conseil d’administration et les outils dont disposera Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour examiner périodiquement les activités de ce conseil et l’orienter en conséquence nous permettront de réagir promptement à toute lacune.

La sénatrice M. Deacon : Avez-vous prévu un mois, une date ou une année d’ouverture pour que le programme soit fonctionnel, si je puis dire?

M. Hussen : Si vous me permettez de terminer d’expliquer les éléments en place, vous aurez un aperçu de la situation.

En plus des représentants de l’intérêt public, des outils et de l’orientation, je peux aussi nommer un fonctionnaire qui agira à titre d’observateur au sein du conseil d’administration non seulement pour qu’il en étudie la composition, mais pour qu’il examine aussi les activités du conseil et du collège. Le ministre de l’Immigration peut donner des directives au conseil d’administration et notamment lui demander d’adopter, de modifier ou d’abroger des règlements. Au besoin, il peut nommer un administrateur temporaire afin qu’il assume une partie ou l’ensemble des responsabilités du conseil.

Il existe donc un éventail d’outils. Je suis déterminé à assurer la réussite du nouveau collège. Un grand nombre de personnes comptent sur un recours, et le conseil et le collège jouent un rôle important à cet égard. Il y a toutefois un deuxième volet à l’initiative, et sont les mesures que le gouvernement prend à l’égard de l’Agence des services frontaliers du Canada, d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et de l’exécution de la loi. Il instaurera notamment un tout nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires imposées en cas de comportement pas entièrement criminel, mais néanmoins inacceptable. Ce régime n’existait pas par le passé, et le doublement des amendes et la capacité d’intervenir directement contre les coupables enverra certainement un message.

La présidente : Monsieur le ministre Hussen, je ne veux pas vous mettre dans l’embarras et je sais que nous étirons le temps que vous pouvez nous accorder, mais il reste trois questions. Nous permettriez-vous de vous les poser?

M. Hussen : Je dispose de cinq minutes. Si les membres du comité peuvent me les poser ensemble, j’y répondrai en même temps.

La présidente : Bonne idée. Nous poserons peut-être toutes les questions ensemble, puis le ministre y répondra.

La sénatrice Dasko : Je vous remercie de témoigner, monsieur le ministre. À titre de sénatrice de Toronto, je peux vous dire qu’il s’agit d’un sujet très important pour cette région, qui constitue le centre d’immigration du Canada. J’ai quelques brèves questions que je tenterai de glisser dans la discussion.

J’aimerais d’abord savoir si, d’après l’expérience que vous avez eue en élaborant ces propositions, certaines communautés visées sont plus aisément la cible des consultants en immigration.

De plus, pour avoir lu sur le sujet au fil des ans, je conclus que certains consultants sans scrupule sont plutôt ingénieux. Pourront-ils poursuivre leurs activités sous une nouvelle catégorie, comme celles de conseillers en établissement ou de conseillers familiaux? Peuvent-ils changer de désignation et esquiver le filet que vous avez tendu pour les attraper? Peuvent-ils se présenter sous un autre titre et continuer de pratiquer, qu’ils soient peu scrupuleux ou qu’ils se pensent au-dessus de tout? Peuvent-ils changer de catégorie et continuer d’offrir leurs services contre rétribution?

La présidente : Si cela vous convient, je propose que les sénateurs Kutcher et Moodie posent leurs questions pour que le ministre puisse ensuite répondre à toutes les questions en même temps.

Le sénateur Kutcher : Bien sûr. Nous avons constaté, en observant le secteur de la santé, qu’il arrive souvent que la présence d’un organisme de réglementation ne soit pas en soi suffisante. Les expériences menées récemment au Canada, particulièrement dans les domaines de la chiropractie et de la naturopathie, montrent que les ordres professionnels ne réagissent pas adéquatement aux plaintes des patients et ont des processus disciplinaires bancals qui permettent à la fraude et aux pratiques néfastes de continuer.

J’aime donc l’idée d’établir un cadre de réglementation, tout en étant conscient que ces cadres ne fonctionnent pas toujours bien.

Je formulerais deux suggestions. Premièrement, quand on établira ce cadre, est-ce que des experts en établissement de ce genre d’organisation et de collège pourront prodiguer des conseils, et ce, pas seulement à titre consultatif? Je propose qu’un membre du conseil d’administration vienne d’un organisme de réglementation bien établi et comprenne comment la réglementation devrait fonctionner afin de protéger la population.

Deuxièmement, même si je suis encouragé de savoir qu’un rapport annuel sera déposé au Parlement, je vous demanderais instamment de faire réaliser un examen indépendant par des personnes qui savent ce qu’elles font, des personnes qui pourraient peut-être venir d’autres organismes de réglementation, afin de voir comment le système fonctionne. La sénatrice Omidvar a proposé des examens aux deux ans. Je vous ferais la grâce de proposer un examen quinquennal. Je pense qu’un examen indépendant s’impose.

La sénatrice Moodie : Je voulais revenir à la structure de tarification que, je suis heureuse de l’entendre, vous entendez mettre en place. J’ai trois questions à ce sujet. Qui l’établira? Fera-t-elle l’objet d’examens réguliers et prévisibles? Qui la surveillera au fil du temps?

Je vous pose ces questions, car nous avons entendu l’Association canadienne des conseillers professionnels en immigration hier et elle ne semblait pas prévoir d’activité à cet égard.

M. Hussen : D’accord. Je commencerai par la première question. Est-ce qu’une communauté est plus vulnérable que les autres? Non. J’ai constaté que, comme nos recherches l’indiquent, les consultants en immigration non autorisés profitent de Canadiens de toute origine et de ressortissants de nombreux pays. Le problème est répandu, en ce qui concerne particulièrement les consultants non autorisés. Ces mesures nous aideront grandement à les empêcher d’exploiter les personnes vulnérables.

Ces consultants pourront changer de catégorie et poursuivre leurs activités, car il est légal de le faire. L’article 19 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés interdit à quiconque n’est pas consultant en immigration autorisé d’offrir des conseils en immigration. Un agent d’établissement peut transcrire les renseignements que les gens lui fournissent sur un formulaire d’immigration, puis aiguiller ces personnes vers nos services, mais à partir du moment où on est rémunéré pour fournir des conseils en immigration, il faut être conseiller en immigration autorisé ou s’abstenir de le faire. La loi impose des sanctions aux consultants en immigration non autorisés.

Ils peuvent adopter tous les nouveaux titres qu’ils veulent, mais une fois qu’ils commencent à offrir des conseils en immigration sans détenir de permis, ils seront visés par les nouveaux outils que nous mettons en place et les ressources que nous fournissons au gouvernement, à l’Agence des services frontaliers du Canada et à d’autres organismes. Ils s’exposent en outre à une amende pénale deux fois plus élevée qu’avant — c’est-à-dire de 2 000 $ une fois que la loi sera en vigueur — et à une sanction administrative pécuniaire à hauteur de 150 000 $.

Pour répondre à votre deuxième question, oui, je conviens que les organismes de réglementation ne sont pas la réponse et que laissés à eux-mêmes, ils peuvent parfois se protéger plus qu’ils ne protègent la population. Voilà pourquoi la majorité des membres du conseil d’administration seront des représentants de l’intérêt public et non des membres du collège. Ils défendront ainsi les intérêts du public et non ceux des membres du nouveau collège.

L’idée consiste à nommer des experts possédant des connaissances et de l’expertise quant au fonctionnement d’un organisme de réglementation de professionnels. Même au cours de l’établissement du régime, nous collaborerons avec des experts du domaine de la réglementation qui nous aideront à faire les choses dans les règles de l’art. Nous avons l’intention de bien faire les choses.

En ce qui concerne le barème des frais, aucune profession autoréglementée n’en a un. Les médecins sont soumis à un mécanisme public. Cependant, les organismes professionnels d’autoréglementation ont des attentes concernant l’échelle des frais qu’une personne peut exiger en fonction de sa compétence et de ses années d’expérience et de pratique. Nous nous attendons à ce que le collège établisse également cela, contrairement à la situation actuelle, où les gens peuvent exiger ce qu’ils veulent. On s’attend donc à ce qu’ils appliquent une quelconque méthode à cette fin.

En outre, le collège aura pour la première fois un processus d’octroi de permis à plusieurs niveaux. Donc, si vous êtes devenu un consultant en immigration hier, vous ne pouvez pas dès aujourd’hui aller représenter quelqu’un devant la commission de l’immigration. Il doit y avoir un processus d’octroi de permis à plusieurs niveaux qui tient compte de vos années de formation et de votre expérience de travail en tant que consultant en immigration. Plus vous avez de l’expérience, plus vous pouvez faire des choses différentes, et l’inverse est aussi vrai. En ce moment, il n’y a aucune limite sur la façon dont ces gens-là peuvent exercer leur profession.

La présidente : Monsieur le ministre Hussen, merci beaucoup de votre temps et de votre aide dans l’étude de ces dispositions du projet de loi. Nous allons continuer de poser des questions aux fonctionnaires. Merci beaucoup d’être venu.

M. Hussen : Merci.

La présidente : J’ai une liste pour le deuxième tour, et nous allons commencer dès maintenant.

La sénatrice Seidman : Je vais poursuivre. Madame Stephenson, je vous saurais gré de nous dire quelles seraient les nouvelles exigences de ce nouveau collège en matière de formation.

Mme Stephenson : Comme j’ai commencé à le dire, quiconque veut offrir des conseils en matière d’immigration devra, dès le début, posséder un baccalauréat qui permettra à cette personne de faire des études supérieures dans ce domaine. L’organisme de réglementation a conclu des contrats avec deux universités, la faculté de droit de l’Université Queen’s et la faculté de droit de l’Université de Sherbrooke, et le permis ne sera octroyé qu’aux personnes ayant obtenu cette formation.

L’organisme de réglementation a d’autres exigences donnant accès à la pratique. Nous travaillerons très étroitement avec le nouveau collège afin de veiller à ce que ces exigences soient comparables et permettent aux nouveaux consultants de fonctionner et de fournir des conseils justes et de qualité.

En ce qui concerne les droits acquis — les 5 000 consultants actuels — c’est une combinaison. Il y a une variété de consultants qui répondent aux exigences actuelles, mais ils sont nombreux aussi à déjà posséder des baccalauréats et des diplômes universitaires. Le collège va veiller à ce que les consultants qui ont des droits acquis puissent, par l’éducation permanente, atteindre un niveau comparable aux consultants qui font leur entrée dans la pratique selon les nouvelles règles. On cherche ainsi à assurer la continuité. Sans cela, nous n’aurions pratiquement aucun accès à des conseils en matière d’immigration. Nous voulons donc ainsi veiller à ce que les consultants actuels bénéficient d’une période de temps donnée pour répondre aux exigences et garder leur permis.

La sénatrice Seidman : Est-ce qu’ils devront tous alors subir un examen qui servira à garantir l’uniformité de l’expertise professionnelle?

Mme Stephenson : Exactement.

La sénatrice Seidman : Y compris ceux qui sont déjà dans la profession?

Mme Stephenson : En effet, oui.

La sénatrice Seidman : Est-ce qu’on va créer un programme académique et professionnel d’études pour le diplôme d’études supérieures dont vous parlez? Ils arrivent avec un baccalauréat, mais dans quel domaine? Vous savez, comment faites-vous…

Mme Stephenson : Oui. Pour entrer aux programmes d’études supérieures, vous devez avoir un prérequis, et ce prérequis est un baccalauréat.

Ce sont les facultés de droit qui travaillent à l’élaboration du programme. Les facultés de droit vont établir le programme d’enseignement sur la base de la discussion avec l’organisme de réglementation actuel. Celui-ci relève aussi les capacités linguistiques exigées de tous les consultants pour continuer dans le domaine, y compris ceux qui ont des droits acquis, et ce, tant en français qu’en anglais.

L’importance sera dans les détails, lesquels se trouveront dans les règlements et les règlements administratifs. Nous travaillerons en très étroite collaboration avec l’organisme de réglementation afin de veiller à la qualité et au niveau requis. En fait, l’organisme de réglementation est très enthousiaste à l’idée de travailler avec nous pour veiller à ce que les conseils fournis soient justes et de qualité.

La sénatrice Seidman : D’accord. Merci. C’est très utile.

La sénatrice Poirier : J’aimerais revenir à la brève question que j’ai posée précédemment. Quel est votre échéancier pour la mise en œuvre complète de la section 15?

Mme Stephenson : Comme la sénatrice Deacon l’a mentionné, c’est un travail de longue haleine. Concernant la façon dont cela se réaliserait, si le projet de loi est approuvé, il recevrait la sanction royale d’ici la fin de juin. À ce moment-là, deux choses prendraient effet : les sanctions seraient doublées et le gouvernement aurait le feu vert pour entreprendre le travail relatif au nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires.

En raison des circonstances actuelles et des élections à venir, après les élections, le gouverneur en conseil donnera le feu vert à l’organisme de réglementation pour la tenue du vote. Le vote est nécessaire pour que l’organisme de réglementation soit soustrait à la Loi canadienne sur les organisations à but non lucratif. Cette loi exige un vote à la majorité des deux tiers des membres pour que l’organisme de réglementation devienne le nouveau collège.

La loi prévoit l’entrée en vigueur et permet à l’organisme de réglementation actuel de tenir le vote et de faire part de la décision au ministre. Pendant ces six mois, l’organisme de réglementation aura le temps de tenir le vote et de se préparer à commencer à fonctionner convenablement.

La période pourrait être de plus ou moins six mois. Tout dépend de la vitesse à laquelle les choses tombent en place.

Au moment où l’organisme de réglementation revient au ministre pour discuter de la date, le ministre fixe la date de prorogation. À ce moment-là, le projet de loi en entier entre en vigueur et le collège est créé; il devient l’organisme de réglementation officiel des consultants en immigration et en citoyenneté. Le nouveau conseil transitoire est alors créé et prend effet également à ce moment-là. Il est composé d’une majorité d’administrateurs chargés de représenter l’intérêt du public, et ce sont des nominations ministérielles.

Durant les six mois de mise en place des processus par l’organisme de réglementation, le gouvernement va travailler très fort à veiller à ce que nous établissions le processus de nomination ministérielle et que nous aidions le ministre à choisir les bonnes personnes, les bons experts, qui siégeront au conseil, de sorte que le conseil soit en place et le collège puisse se mettre à fonctionner dès le premier jour.

L’autre chose à laquelle nous allons travailler avec l’organisme de réglementation, pendant la période d’environ six mois, c’est la prise de règlements. Les règlements prévus et précisés dans le projet de loi pour garantir la mise en place d’une structure pertinente vont alors dicter la façon de mettre en place les règlements administratifs.

La sénatrice Poirier : � la suite de cela, ce sera d�j� six mois et peut-�tre plus. Vous avez la formation ult�rieure au baccalaur�at dont les consultants ont besoin et qui dure 12�mois. Avant que les consultants soient sur le terrain � faire leur travail avec les comp�tences qu�il leur faut dans le cadre du nouveau r�gime, nous pouvons nous attendre � ce que ce soit deux ans environ, n�est-ce pas?

Mme Stephenson : C’est possible. Le diplôme de deuxième cycle va commencer en 2021. Tout sera mis en place. Le contrat vient d’être signé. Dans l’intervalle, l’organisme de réglementation actuel a entrepris de travailler à accroître les exigences en matière de formation continue pour les consultants actuels, y compris le niveau de compétence linguistique qui sera requis en français et en anglais. La formation continue se poursuivra pendant le processus entier. En effet, vous avez tout à fait raison. Il faudra du temps pour les personnes qui vont vouloir faire leur entrée dans le domaine, car les nouveaux détenteurs de permis dans le domaine devront suivre la formation de 12 mois qui est nécessaire pour décrocher le diplôme d’études supérieures.

La sénatrice Poirier : Merci.

La sénatrice Omidvar : Je suis désolée, mais je suis restée collée sur la question des droits acquis. Je pense aux quelque 5 500 consultants auxquels il s’en ajoute un millier chaque année. Donc, quand cela va être en place, il y en aura autour de 6 600. Je connais beaucoup de consultants en immigration, et ils n’ont pas de baccalauréat. C’est ma première question. Qu’est-ce qui arrive dans ce temps-là? Comment fonctionneront les droits acquis dans leurs cas? Pouvez-vous nous donner une échéance concernant la fin des droits acquis?

J’ai une deuxième question. Comment cet argent sera-t-il dépensé, ces 51 millions de dollars et quelque? Qui va obtenir cet argent, et à quelles fins servira-t-il?

Mme Stephenson : Ce que le projet de loi prévoit, c’est la continuité entre le travail de l’organisme de réglementation actuel et celui du collège, afin qu’il n’y ait pas d’écart et que les clients puissent obtenir les services et les conseils d’un consultant en immigration. Pendant cette période, les choses vont changer, il y aura la formation continue et la transition vers le collège, et les consultants vont continuer de faire leur travail et de donner des conseils. Cependant, les exigences en matière de formation changent depuis le rapport de 2017. Il y a donc de nouveaux cours, de nouvelles exigences, de nouveaux examens qui ont commencé en 2017, afin que les personnes qui veulent se lancer dans la pratique reçoivent la bonne formation, les bonnes connaissances et la bonne information.

Il n’y a ni début ni fin, pendant ce processus entier. Le processus se poursuit et l’organisme de réglementation exige que les consultants continuent d’améliorer leur formation. Cela dit, pendant le processus entier, une fois que le collège sera opérationnel, quiconque veut obtenir un permis devra se conformer aux nouvelles exigences.

La sénatrice Omidvar : Je comprends ce qui se passe pour les nouveaux consultants. Ce qui m’inquiète, ce sont les 5 500 consultants actuels, dont le nombre augmente, et vous avez dit qu’il n’y aurait pas d’écart dans les services. Le revers de cela, c’est qu’il ne faut pas d’écart concernant l’exploitation non plus, du point de vue de l’intérêt des consommateurs. Si nous faisons cela — et nous allons manifestement le faire —, je veux juste avoir la certitude que d’ici deux ans, toutes les personnes qui ont un permis pour la prestation de ces services auront atteint le niveau requis. Cependant, ce n’est pas ce que j’entends de vous.

Mme Stephenson : Pour réitérer ce que je viens de dire, pour confirmer de nouveau ce que j’ai dit, la formation continue, les nouveaux examens, les nouvelles exigences garantiront que la qualité, les connaissances et la formation nécessaires vont continuer de s’améliorer.

En ce qui a trait aux détails, nous travaillons avec l’organisme de réglementation à veiller à ce que toute personne qui a des droits acquis en vienne à être au même niveau qu’un nouveau titulaire de permis, et il s’agira d’une combinaison de formation et de pratique.

La sénatrice Omidvar : Je comprends. Avant une certaine date. Je cherche du réconfort à l’horizon.

Mme Stephenson : C’est un détail qui sera résolu quand nous travaillerons à la réglementation. C’est un détail auquel nous allons vraiment accorder beaucoup d’attention.

La sénatrice Omidvar : C’est excellent.

Mme Stephenson : Passons maintenant à votre deuxième question au sujet du budget. Les 51,9 millions de dollars sur cinq ans, avec les 10 millions de dollars en fonds continus, vont strictement au gouvernement fédéral. Ces montants vont à l’Agence des services frontaliers du Canada et à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada. Ils servent à améliorer notre fonctionnement dans trois secteurs : la gouvernance, les enquêtes et l’application de la loi, et la sensibilisation du public. L’ASFC reçoit 10 des 51 millions de dollars, ce qui lui permettra d’améliorer ses enquêtes et ses activités d’application de la loi et d’en hausser le niveau concernant la LIPR et les enquêtes criminelles connexes. Le reste de l’argent ira à IRCC et permettra au gouvernement de mieux coordonner son travail et de mieux travailler non seulement au sein du ministère, mais également avec les divers intervenants et partenaires afin d’améliorer le régime dans son ensemble.

La plus grande partie de l’argent ira à l’établissement du régime de sanctions et de conséquences administratives, qui est tout à fait nouveau. Quand nous avons examiné le régime de réglementation actuel, nous avons constaté qu’en matière d’application de la loi et d’enquête, peu importe les montants d’argent que vous affectez à l’ASFC, il y aura toujours une limite à ce qu’ils peuvent faire. Il y a des consultants en immigration ou des avocats qui s’adonnent à des activités qui ne sont pas légales, mais ces dossiers n’atteignent pas tout à fait le seuil criminel qui amènerait l’ASFC ou la GRC à enquêter.

C’est à cette fin qu’IRCC va concevoir le nouveau régime de conformité et de sanctions et de conséquences administratives qui nous permettra de combler cet écart et de prendre des mesures contre ceux qui ne savent peut-être pas, qui ont commis une erreur ou qui ont fait quelque chose qu’ils n’auraient pas dû faire, si cela n’atteint pas tout à fait le seuil criminel. Nous serions en mesure d’imposer des sanctions. Nous pourrions les interdire. Nous pourrions afficher leurs noms sur le site web. Il y aura divers outils permettant d’enrayer ce genre de comportement et de garantir la conformité.

L’autre partie de l’argent ira à la sensibilisation du public. En ce qui concerne les consultants fantômes, comme on l’a mentionné précédemment, il y a des limites à ce que nous pouvons faire dans d’autres pays. Nous croyons que la sensibilisation du public à l’étranger est un autre élément qui va vraiment changer la donne. En plus des communications améliorées grâce aux médias sociaux, par l’intermédiaire de nos centres de visas à l’étranger, nous allons placer cinq agents de sensibilisation dans cinq missions clés situées dans des endroits où nous voyons ces types d’activités, de manière à nous attaquer à ce problème, à mieux sensibiliser les gens et à leur faire savoir que s’ils doivent utiliser les services d’un consultant ou d’un avocat, ils doivent veiller à retenir les services d’une personne autorisée. Il y a un permis pour ces personnes. Assurez-vous de vous adresser aux bonnes personnes.

La sénatrice Omidvar : Merci.

Le sénateur Munson : J’ai eu l’impression que la représentante de la GRC se sentait bien seule, là-bas. D’après les nouveaux pouvoirs que le collège aurait concernant la réglementation des consultants fantômes — on les appelle ainsi, mais ce sont des escrocs et des fraudeurs, dans certains cas. Nous savons cela. Concernant ceux qui ne respectent pas les règlements, comment la GRC s’y prendrait-elle pour mener des enquêtes et entamer des poursuites contre ceux qui ne relèvent pas du collège? J’aimerais aussi savoir les ressources nouvelles ou supplémentaires que vous aurez pour enquêter sur ces consultants fantômes.

Erika Sheridan, surintendante et directrice, Intégrité des frontières, Gendarmerie royale du Canada : Merci beaucoup. Si je vous ai bien compris, je crois que je vais répondre à la deuxième partie de votre question pour commencer. Comme on l’a indiqué, la GRC n’a pas obtenu de nouveaux fonds pour s’attaquer à ce type particulier d’activités.

Le sénateur Munson : Ce n’est pas une bonne chose.

Mme Sheridan : Quoi qu’il en soit, de ce point de vue, bien sûr, la GRC a toujours son volet de police fédérale et, bien entendu, nous travaillons avec IRCC et l’ASFC jusqu’au point où ils déterminent premièrement le degré de criminalité, lequel a été très bien articulé et présenté à vous aujourd’hui par Mme Stephenson. Si le seuil est dépassé et qu’une enquête criminelle est justifiée, oui, la GRC est consultée. Nous faisons alors notre propre examen du seuil criminel afin de déterminer le meilleur résultat auquel on pourrait s’attendre.

La première étape est naturellement de veiller à ce que toutes les dispositions réglementaires actuelles, ainsi que les nouvelles dispositions adoptées, aient été épuisées, et de déterminer s’il y a un élément criminel qui mérite que nous poursuivions notre enquête. À ce moment-là, nous nous penchons sur le dossier et nous déterminons s’il relève des priorités actuelles de la police fédérale, soit la cybercriminalité, la sécurité nationale ou les crimes graves transnationaux et le crime organisé.

Il n’y a donc pas d’approche universelle pour ces divers types d’infractions. Cependant, nous maintenons une solide collaboration et nous allons prendre toutes les recommandations qui nous sont faites.

Le sénateur Munson : Quelle serait l’accusation portée, et quel serait le barème des sanctions? Je crois qu’il faut transmettre un message très ferme, et c’est probablement ce qui a été fait de diverses manières, concernant les sanctions qui peuvent être imposées. Si vous voyez un commerce qui a pignon sur rue et qui fait des choses irrégulières, pour utiliser un euphémisme, avez-vous le droit de fermer le commerce et de faire des arrestations immédiates afin de vous en servir comme exemple et de montrer qu’on ne s’en tire pas comme cela quand on est coupable de fraude?

Personnellement, mes fils ont des amis qui essayaient de rester au pays et qui n’arrêtaient pas de donner de l’argent à coups de 1 500 $ chaque fois. Je leur ai dit qu’ils devraient rentrer dans leur pays et faire une demande régulière, et qu’ils seraient bienvenus de revenir. Ils voulaient désespérément rester. Au bout du compte, ils n’avaient plus d’argent et se sont retrouvés dans un avion à destination de leur pays. Comment pouvez-vous sévir d’une manière très publique?

Mme Sheridan : Merci. C’est un point très intéressant.

� titre d�information, le r�le de la GRC est de recueillir des preuves et de pr�senter les cas � la poursuite. Ensuite, il revient aux tribunaux de d�terminer la sanction appropri�e. Je comprends ce que vous dites, mais il ne faut pas oublier que dans ce cas-ci, le r�le de la GRC consiste � mener une enqu�te et � recueillir des preuves. Nous collaborons avec les procureurs pour d�terminer si des accusations seront port�es. La responsabilit� relative � la sanction ou � la d�cision revient � notre syst�me judiciaire.

Le sénateur Munson : Je crois que vous souhaitiez ajouter quelque chose.

Mme Stephenson : En effet, j’aimerais ajouter qu’il y a plusieurs facteurs et niveaux liés à la façon d’aborder ce problème. Il y a plus d’une solution. L’ASFC et la GRC sont les organismes responsables en la matière; ils ont des pouvoirs parallèles en vertu de différentes lois. Il s’ensuit que l’ASFC agit conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, et que la GRC suit le Code criminel et la Loi sur la citoyenneté. De plus, dans un cas comme celui que vous avez mentionné, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada sera en mesure d’utiliser le nouveau régime de sanctions administratives en fonction du résultat de l’enquête et selon l’effet des sanctions sur ces types d’activités.

Enfin, les organismes de réglementation eux-mêmes disposeront d’un outil qui leur permettra de s’attaquer aux consultants fantômes. Nous avons parlé d’une injonction judiciaire. En plus de tous ces outils, ils peuvent envoyer une mise en demeure aux personnes qui ne sont pas censées pratiquer sans permis. Cela pourrait graduellement mener à une injonction judiciaire. Il existe donc différents outils en fonction du type d’activité et de la gravité de l’infraction.

Le sénateur Munson : J’aimerais brièvement préciser que la GRC ne semble plus avoir les fonds nécessaires pour mener ses activités à cet égard. C’est très difficile. On vous confie des tâches aux limites de votre capacité. Ce projet de loi prévoit-il suffisamment de fonds supplémentaires pour vous permettre d’accomplir ce que vous voulez faire? Y a-t-il un nouveau budget?

Mme Sheridan : Si vous me le permettez, j’aimerais préciser que nous avons entendu dire que l’ASFC avait obtenu des fonds pour les enquêtes et que la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés lui accordait les pouvoirs nécessaires pour mener ces enquêtes. Selon nos observations, il s’agit d’une approche pangouvernementale. Évidemment, la GRC n’a pas obtenu de financement supplémentaire pour enquêter sur ces activités criminelles précises.

Le sénateur Ravalia : Ma question s’adresse également à Mme Sheridan. Elle concerne les passages irréguliers. Cette question relève-t-elle de vos compétences ou les dépasse-t-elle? L’un de mes électeurs m’a posé la question suivante. Nous avons entendu hier que 51 p. 100 des personnes qui traversent la frontière de façon irrégulière ne satisfont pas, au bout du compte, aux critères pour l’octroi du statut de réfugié et qu’il pourrait s’agir en fait de migrants économiques. Je présume que les Canadiens trouvent cette situation déroutante. Cela signifie que notre capacité réduite de traiter les cas de réfugiés authentiques — c’est-à-dire des gens qui attendent dans des camps dans des pays comme le Liban, et cetera — retarde l’entrée de ces gens au pays. Votre organisme a-t-il les ressources nécessaires pour minimiser ces passages irréguliers et distinguer, de façon plus proactive, les demandeurs de statut de réfugié authentiques de ceux qui ne le sont pas?

Mme Sheridan : Merci. Encore une fois, le rôle de la GRC ne consiste pas à prendre une décision quant au statut d’une personne. Cette décision revient essentiellement à l’ASFC et à IRCC. Nous sommes responsables d’appliquer le Code criminel et, manifestement, d’intervenir en cas de passage irrégulier au Canada. Nous exerçons la diligence voulue dans le cadre de notre mandat qui consiste à déterminer si la personne qui entre au Canada a des antécédents criminels. Encore une fois, si une personne demande l’asile, notre processus actuel reconnaît que c’est le rôle de l’ASFC et d’IRCC de déterminer si cette personne satisfait aux exigences. Je ne sais pas si cela répond à votre question. Encore une fois, la GRC n’a pas le mandat de déterminer si une personne est admissible au statut de réfugié ou si on doit lui accorder l’asile.

Le sénateur Ravalia : Hier, nous avons entendu un dialogue sur les tiers pays sûrs, et cetera. Existe-t-il un moyen concret de fermer cette échappatoire qui permet le passage irrégulier ou prévoyez-vous que cette activité se poursuivra?

Mme Sheridan : C’est une bonne question, mais cette décision ne revient pas à la GRC.

Le sénateur Ravalia : Pour revenir à la structure du collège, avez-vous établi un processus officiel dans lequel les plaintes et les mesures disciplinaires seront administrées de façon structurée? Pourriez-vous me décrire ce processus?

Mme Stephenson : Les grandes lignes de l’objectif du comité des plaintes et du comité de discipline se trouvent dans le projet de loi. Les détails seront réglés dans la réglementation.

Pour répondre à votre question, le comité des plaintes et le comité de discipline auront une composition mixte. L’objectif est d’avoir des membres de l’industrie dans les deux comités, ainsi que des experts et des représentants de l’intérêt public. Ces comités seront assujettis à une transparence rigoureuse. Par exemple, lorsqu’une personne présentera une plainte et que cette plainte sera évaluée, si la plainte n’est pas présentée au comité de discipline, le collège ou le comité des plaintes devra fournir à la personne qui a déposé la plainte les raisons qui motivent cette décision et les dispositions qui seront prises relativement à la plainte écrite.

Lorsque la plainte sera présentée au comité de discipline, les membres du comité auront les pouvoirs nécessaires pour mener une enquête et contraindre des personnes à comparaître et à témoigner. Contrairement à l’organisme de réglementation actuel, ils seront en mesure de mener une enquête. Ils utiliseront des outils telles les sanctions pécuniaires. Ils pourront suspendre ou révoquer des permis. Une partie des sanctions pécuniaires pourra être utilisée dans le fonds d’indemnisation mentionné par le ministre. Les grandes lignes et l’objectif du mode de fonctionnement de ces comités se trouvent dans le projet de loi. Nous collaborerons étroitement avec l’organisme de réglementation pour veiller à établir, dans les règlements, les mécanismes et la structure qui permettront à ces comités de fonctionner efficacement.

Le sénateur Ravalia : Quel est le volume de plaintes et de mesures disciplinaires qui visent ces consultants dans la structure actuelle?

Mme Stephenson : Je crois que les représentants de l’organisme de réglementation pourraient répondre à cette question de façon plus satisfaisante. Il s’agit surtout de la conduite d’un consultant individuel.

Actuellement, l’organisme de réglementation n’a pas les outils dont il a besoin, surtout en ce qui concerne le comité de discipline, pour être en mesure de mener des enquêtes de façon efficace. En effet, les intervenants n’ont pas les pouvoirs nécessaires pour entrer dans les locaux d’un consultant et recueillir des preuves ou prendre des documents qui pourraient servir de preuve dans une audience disciplinaire. Ils ne peuvent pas non plus contraindre des personnes à comparaître et à témoigner, un pouvoir qui leur sera accordé lorsque leur organisme deviendra un collège.

Le sénateur Oh : Je vais passer mon tour, car ma question a déjà été posée.

[Français]

La sénatrice Mégie : Ma question s’adresse à la représentante de la GRC. À l’époque où la vague d’immigrants qu’on appelait auparavant des « immigrants irréguliers » passait par la frontière entre le Canada et les États-Unis, il était question de la possibilité que des criminels entrent au pays, et on disait alors que le Canada devenait une passoire. Je voulais savoir ceci : quel rôle joue la GRC à ce moment-là? Est-ce que vous recevez de l’information avant que ces personnes arrivent au pays ou au moment de l’étude du dossier, et c’est là que vous découvrez qu’ils sont des criminels?

[Traduction]

Mme Sheridan : Je vous remercie d’avoir posé cette question. Dans toute enquête, la GRC compte sur les renseignements auxquels elle a accès au moment de la perpétration du crime. Nous avons nos propres outils d’investigation, nous avons accès aux bases de données et nous faisons nos propres vérifications des antécédents dans les bases de données canadiennes, notamment celles d’autres organismes partenaires d’application de la loi, y compris l’ASFC. À ce moment-là, nous déterminons si nos propres renseignements indiquent qu’une personne a participé à des activités criminelles. Ce processus est effectué au cas par cas. Une décision est prise au moment de l’interaction avec la personne en question et nous exerçons la diligence voulue.

Ai-je répondu à votre question?

[Français]

La sénatrice Mégie : Oui, un peu. Ils disaient toujours que la cause du retard dans l’étude des dossiers était justement ces cas qu’ils devaient étudier pour empêcher que les gens en question entrent au pays ou éviter qu’on leur donne la possibilité d’ouvrir un dossier pour qu’ils deviennent des réfugiés. C’est à ce moment-là qu’on parlait de ces criminels; on disait qu’ils étaient la cause de ces retards. Je me suis donc dit qu’il y avait sûrement un moment où l’étude des dossiers retardait les choses.

[Traduction]

Mme Sheridan : � ce moment-ci, je peux seulement confirmer que lorsqu�une personne pr�sente sa demande et compara�t devant la commission, notre processus actuel nous permet de fournir � la commission les renseignements que nous avons � ce moment-l�. Je crois que dans le cas d�une audience de la commission, d�autres organismes d�application de la loi partenaires ont peut-�tre acc�s � d�autres renseignements. En effet, la GRC n�est pas le seul organisme � avoir acc�s � ces renseignements.

La sénatrice Eaton : Le vérificateur général a déclaré que l’un des gros problèmes avec les arriérés, c’est que les systèmes d’échange de renseignements entre la CISR, le ministère et l’ASFC sont désuets. Cela m’amène au fait que nous avons entamé des négociations de pays tiers avec les États-Unis, en vue d’empêcher les personnes qui entrent au pays de façon irrégulière de demander l’asile si elles l’ont déjà fait. Cela vous inquiète-t-il? Le vérificateur général a-t-il raison lorsqu’il affirme que le système d’échange de renseignements entre vos organismes est désuet? Est-ce la raison pour laquelle vous la regardez maintenant pour lui demander de vous aider à répondre à cette question?

Mme Sheridan : Je ne participe pas aux commissions. Je ne peux pas répondre à cette question.

La sénatrice Eaton : Vos employés sont aux premières lignes. Peuvent-ils obtenir des renseignements facilement? Ces renseignements sont-ils communiqués aussi rapidement que vous le souhaitez?

Mme Sheridan : Encore une fois, il revient aux organismes d’application de la loi de déterminer si la personne…

La sénatrice Eaton : Vous ne répondrez pas à ma question. Je constate que vous devez faire preuve de diplomatie et vous n’y répondrez donc pas. Merci.

Mme Sheridan : Je veux m’assurer que le rôle de la GRC dans le processus de demande d’asile est clairement établi.

La sénatrice Eaton : Dans le cadre de votre rôle à la frontière, vous communiquez des renseignements au ministère et à l’ASFC. Je vous demande si les systèmes sont désuets ou en excellent état, c’est-à-dire que j’aimerais savoir s’ils sont adaptés au XXIe�si�cle.

Mme Sheridan : Je parle seulement des renseignements que la GRC communique à l’ASFC. La communication de ces renseignements est rapide et efficace.

La sénatrice Eaton : Donc, le système est adapté au XXIe�si�cle et le v�rificateur g�n�ral a tort.

Mme Sheridan : Madame, je peux seulement parler pour la GRC. Je ne peux pas parler pour d’autres entités.

La présidente : Souhaitez-vous avoir plus de temps?

Mme Sheridan : Non.

La sénatrice Omidvar : J’aimerais formuler une observation en réponse à la question de la sénatrice Eaton. J’ai visité la frontière l’an dernier, et j’ai vu la façon dont les organismes travaillent ensemble. Je crois que le nouveau système d’échange des renseignements fonctionne bien et qu’on pourrait l’améliorer.

[Français]

La présidente : Sur ce, je remercie nos témoins d’aujourd’hui. Vous avez pris beaucoup de temps avec nous et nous vous en remercions infiniment.

[Traduction]

Nous vous remercions de votre aide dans l’étude de ce projet de loi.

Honorables sénateurs, nous allons suspendre la séance pendant deux minutes et nous nous réunirons ensuite à huis clos pour discuter d’une ébauche de rapport.

(La séance se poursuit à huis clos.)

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