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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 75

Le jeudi 20 février 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 20 février 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Deng Xiaoping

L'ancien dirigeant de la République
populaire de Chine-Hommages

L'honorable Jack Austin: Honorables sénateurs, hier le premier ministre a fait publier le message de condoléances suivant à la suite du décès du dirigeant chinois Deng Xiaoping:

Au nom du gouvernement du Canada et de tous les Canadiens, j'offre mes condoléances à la famille de M. Deng Xiaoping, au gouvernement de la Chine et au peuple chinois. Deng Xiaoping restera dans la mémoire des gens comme l'une des figures marquantes de l'histoire de la Chine, un homme qui a beaucoup fait pour moderniser son pays. Nous avons bon espoir que la Chine poursuivra la politique de réforme et d'ouverture entreprise par Deng Xiaoping.

L'accroissement des relations du Canada avec la Chine a eu des effets importants sur notre politique étrangère et commerciale. Les honorables sénateurs savent que la population de la Chine représente presque le quart de la population mondiale et qu'en ouvrant son économie et sa société à l'Occident ces dernières années, la Chine est devenue un important partenaire commercial. Les échanges commerciaux de la Chine avec le monde atteignent près de 300 milliards de dollars US, soit autant que les échanges entre le Canada et les États-Unis.

En novembre 1994, le premier ministre a dirigé une mission commerciale, baptisée Équipe Canada, qui est allée en Chine. Cette mission, organisée par le Conseil commercial Canada-Chine, comptait neuf premiers ministres provinciaux et quelque 400 gens d'affaires. Elle a grandement contribué à ouvrir des débouchés commerciaux aux Canadiens en Chine, mais également des possibilités de dialogue entre Canadiens et Chinois. Des professeurs et administrateurs du monde universitaire canadien ont élaboré des programmes avec des universités chinoises. Le gouvernement canadien a mis sur pied un programme d'enseignement de la primauté du droit, qui est donné par des juristes canadiens. Nous avons également établi un programme de formation à l'intention des magistrats chinois. Une interaction considérable existe maintenant entre le Canada et la Chine, ce qui est dans l'intérêt du Canada.

Honorables sénateurs, le Canada pratique une politique d'engagement envers la Chine. Nous ne sommes pas d'accord avec la Chine en tout et nous avons des différends majeurs au sujet de questions importantes. Toutefois, l'important est que le dialogue se poursuive et que nos relations se développent. Le Canada espère influencer, quoique modestement, le développement de la Chine pour en faire un État moderne et efficace et un membre actif de la société mondiale.

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, hier est décédé M. Deng Xiaoping, dirigeant incontesté de la Chine depuis deux décennies.

Le Canada est un «vieil ami» de la Chine. Pourtant, en 1989, les événements de la place Tiananmen ont déclenché, au sein de la classe dirigeante de la Chine, des dissensions qui ne sont pas encore tout à fait réglées. Comme la Chine apparaît comme la puissance économique jouissant actuellement de l'essor le plus rapide du monde, les changements dans les rangs des dirigeants de la Chine ont plus d'impact sur la stabilité et le bien-être économiques du Canada.

La Chine a la plus grande armée sur pied du monde et ses forces navales, aériennes et nucléaires se classent au deuxième rang. Au début du prochain millénaire, son produit national brut sera le troisième au monde.

La remarquable carrière de M. Deng est à l'image de l'histoire turbulente de la Chine au cours de ce siècle. C'était un organisateur politique brillant, un héros de la Longue Marche, un chef militaire sans égal et, finalement, un visionnaire pragmatique, quoique plutôt dur, qui a dirigé d'abord les réformes agricoles et, en fin de compte, les vastes réformes économiques qui ont stimulé l'incroyable croissance de la Chine.

D'abord protégé de Mao, puis de Zhou En Laï, il a été par trois fois limogé des officines du pouvoir, mais deux fois M. Chou l'y a ramené après ses disputes avec Mao et ses acolytes pour des questions de politique et de personnalité. Les déclarations colorées de M. Deng au sujet du socialisme, à savoir qu'il importait peu qu'un chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape la souris, lui gagnaient manifestement l'hostilité de Mao, le parfait idéologue.

Selon les écrits de Mao, il était plus important d'être «rouge», pour la continuation de la lutte révolutionnaire, que d'être un «expert» en technologie ou en économie.

En 1967, Mao avait déclaré que la Chine «aimait les luttes». Deng avait rétorqué «Dans la vie, tout n'est pas une lutte des classes!». Pourtant, pendant les premières purges périodiques qui eurent lieu entre 1957 et 1959, Deng s'est joint à la critique contre les «droitistes» et les «partisans du capitalisme», ce qui a donné lieu à la purge brutale de plus de 500 000 bureaucrates, y compris 100 000 enseignants.

 (1410)

Face à l'incertitude provoquée par l'incident de la place Tiananmen, Deng se range aux côtés des dirigeants de la ligne dure sous la conduite de l'actuel premier ministre Li Peng, plutôt qu'aux côtés du groupe plus libéral mené par le premier ministre de l'époque, Zhao Ziyang qui, depuis cet incident, se trouve placé sous une garde étroite et, je crois bien, assigné à résidence à Beijing. Apparemment, Deng craignait plus le spectre des troubles civils que celui de la répression.

Quoi qu'il en soit, on se souviendra de Deng Xiaioping comme de l'une des personnalités les plus remarquables du XXe siècle pour ses réalisations monumentales. Tout ce que nous pouvons espérer, c'est que le côté pragmatique et libéral de sa nature contradictoire inspire un consensus aux dirigeants chinois qui lui succéderont. Avant Tiananmen, Deng disait aux dirigeants du parti qu'il fallait «institutionaliser la démocratie et l'inscrire dans les lois». Si l'on tient compte des cycles de l'histoire chinoise, on peut s'attendre à la réémergence de Zhao Ziyang et à sa réintégration parmi l'élite dirigeante chinoise.

La Chine n'a jamais séparé l'État du peuple. La Chine changera, mais à sa manière. Lu Xun, le plus grand écrivain révolutionnaire chinois, a dit que le progrès de la Chine dépend de sa croissance vers l'intérieur, et non vers l'extérieur. Les futurs dirigeants de la Chine tiendront-ils compte de l'avis de son penseur et militant révolutionnaire révéré, Lu Xun, qui écrivait en 1925:

Quand les Chinois sont confrontés au pouvoir, ils n'osent pas résister mais emploient l'expression «suivre une voie intermédiaire» pour justifier leur attitude et se sentir consolés.

Le Canada doit aider à créer le climat qui permettra à la Chine de suivre «la voie intermédiaire»... une voie modérée qui aidera la Chine à assumer son rôle légitime de promoteur des plus grandes valeurs humanistes de la civilisation. Notre seul espoir est que dans les luttes entre les dirigeants qui vont sans aucun doute suivre la disparition de Deng, la Chine adopte une voie «intermédiaire», libérale et humaine, poursuivant ainsi la politique de «porte ouverte» fixée par M. Deng.

 


Visiteur De Marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un vieil ami, notre ancien collègue l'honorable sénateur Norbert Thériault.

Des voix: Bravo!

 


AFFAIRES COURANTES

Règlement Sur Les Armes À Feu

Dépôt du rapport du comité des affaires
juridiques et constitutionnelles

L'honorable Lorna Milne dépose, au nom du sénateur Carstairs, le 21e rapport du comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles concernant le règlement adopté conformément à l'article 118 de la Loi sur les armes à feu.

 

Société de développement du Cap-Breton

Avis de motion visant à autoriser le comité
spécial à se déplacer

L'honorable John Buchanan: Honorables sénateurs, je donne avis que, le 4 mars 1997, je proposerai:

Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit autorisé à tenir des audiences au Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse.

 

Avis de motion visant à autoriser le comité spécial
à engager du personnel et à permettre la diffusion
de ses délibérations par les médias électroniques

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)f) du Règlement et nonobstant les Directives régissant le financement des comités du Sénat, je propose:

Que le comité spécial du Sénat sur la Société de développement du Cap-Breton soit habilité à retenir les services de conseillers, techniciens, employés de bureau ou autres éléments nécessaires pour l'examen de cette étude; et

Que le comité soit autorisé à permettre la diffusion de ses délibérations publiques par les médias d'information électronique de manière à déranger le moins possible ses travaux.

L'honorable C. William Doody: Est-ce que le budget a été approuvé?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Doody: J'aimerais d'abord poser une question.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Le sénateur Doody: Si je donne la permission, je n'aurais plus de raison de poser une question.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Le sénateur Doody aimerait poser une question.

Son Honneur le Président: On ne peut pas poser de questions maintenant. Si la permission est accordée, la motion sera mise aux voix et on pourra alors poser des questions.

L'honorable Anne C. Cools: Permission de faire quoi? Je viens juste d'arriver.

Son Honneur le Président: La permission est soit accordée soit refusée. Est-elle accordée?

Le sénateur Cools: Non.

Son Honneur le Président: La permission est refusée.

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, est-ce que je pourrais placer un mot?

Son Honneur le Président: Je suis désolé, sénateur Doody. Je ne peux pas entendre de questions maintenant. Si vous avez quelque chose à demander au président d'un comité, vous pouvez le faire pendant la période des questions.

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le budget

Les augmentations de l'aide financière aux étudiants
du postsecondaire-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, j'ai une question pour le leader du gouvernement au Sénat qui concerne les mesures budgétaires relatives à l'enseignement. Les personnes âgées ne sont pas du tout pénalisées par le budget. Lorsque les enfants du «baby boom» sont allés à l'université les frais de scolarité étaient bas et des emplois les attendaient à la sortie. Pendant 25 ans ils ont cotisé au Régime de pensions du Canada à un taux très bas. Ils s'en tirent très bien.

Les jeunes d'aujourd'hui acquittent des frais de scolarité très élevés, ils n'ont pas d'emploi lorsqu'ils finissent leurs études et ils vont maintenant cotiser 60 p. 100 de plus au Régime de pensions du Canada. C'est un exploit assez remarquable pour un gouvernement qui prétend vouloir créer de la richesse et des emplois pour les jeunes Canadiens. Le budget ne traite pas d'enseignement comme tel. Les dégrèvements fiscaux accordés sont les bienvenus, mais ils sont d'une utilité limitée, car que feront ces jeunes lorsqu'ils auront terminé leurs études?

Les paiements de transfert aux provinces ont été réduits de 40 p. 100, ce qui nuit considérablement à l'enseignement et à la santé. Est-ce que le gouvernement pense que ces dégrèvements supplémentaires pour les étudiants vont avoir un effet important sur l'amélioration de l'enseignement? Combien d'étudiants en profiteront?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le gouvernement connaît bien les difficultés auxquelles doivent faire face les étudiants du niveau postsecondaire. C'est pour cette raison que, dès que les finances du pays l'ont permis, il a choisi d'offrir une aide à court et à long terme. Mon collègue prétend que ce n'est pas suffisant. Je suis d'accord avec lui. Toutefois, ce n'est pas négligeable, puisque cela représente 275 millions de dollars sur trois ans.

(1420)

Mon collègue est au courant de la combinaison d'aide aux étudiants, et à leurs parents, et de la proposition de fondation pour l'innovation, la Fondation canadienne pour l'innovation, qui aidera les universités à améliorer leur infrastructure pour faire face au nouveau savoir et à la nouvelle conjoncture économique et qui devrait contribuer à permettre aux étudiants de profiter des emplois disponibles. Je pense que cette combinaison sera utile aux étudiants.

Est-ce suffisant? Certainement pas. Toutefois, le gouvernement doit poursuivre sa lutte contre le déficit, parce qu'elle n'est pas gagnée, sénateur Stratton. Nous avons encore un déficit de 19 milliards de dollars à éliminer. Tant qu'il n'aura pas été éliminé, nous devrons nous contenter de faire de notre mieux pour les étudiants, les handicapés, les enfants vivant dans la pauvreté et leurs parents. C'est cela le budget.

Comme le disait mon collègue et ami, le ministre des Finances, nous maintenons le cap pour faire en sorte que notre économie continue de fonctionner dans l'intérêt de tous les Canadiens, afin de pouvoir aider les étudiants et, en fin de compte, tout ceux qui, dans notre société, ont besoin d'aide.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de continuer je voudrais demander aux sénateurs qui ont des conversations à tenir, de les tenir à l'extérieur. Il est pratiquement impossible d'entendre les questions et les réponses.

Des voix: Bravo!

 

La stratégie de création d'emplois pour les jeunes-
L'accroissement des cotisations au Régime de
pensions du Canada-La position du gouvernement

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question complémentaire si vous le permettez. Je comprends ce que le ministre des Finances essaie de réaliser, mais en suivant cette voie, nous créons à court terme un conflit entre les générations. Les jeunes qui vont à l'école et à l'université et qui essaient d'obtenir des emplois de nos jours nous disent: «Lorsque mes parents sont sortis de l'école, il y avait toutes sortes d'emplois. Leur éducation était peu coûteuse. Ils en ont financé au plus 15 p. 100 et ils ont versé des cotisations très faibles au Régime de pensions du Canada.» Cette génération plus jeune regarde la situation des membres de la génération du baby-boom et les personnes âgées - notre génération - et nous demandent pourquoi on pénalise leur génération.

Je remarque également que dans le budget fédéral, on n'a pas annoncé une épreuve nationale de mathématiques et de sciences, comme on l'avait promis dans le livre rouge. Le gouvernement entend-il tenir cette promesse à l'égard des jeunes pour que lorsqu'ils sortent de l'école, on soit sûr qu'ils sont bien instruits, qu'ils ont réussi toutes les épreuves, qu'ils respectent les normes et qu'ils seront en mesure de se trouver de bons emplois? Ou s'agit-il d'une autre promesse du livre rouge qui n'est pas tenue?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je voudrais parler brièvement de la première partie de la question de mon honorable collègue. Je tiens à lui dire que l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement fédéral et la grande majorité des provinces ont décidé d'unir leurs efforts et, en fait, d'assurer l'avenir du Régime de pensions du Canada, ce n'est pas simplement pour venir en aide à ceux qui touchent une pension à l'heure actuelle ni à ceux qui, comme moi, vont en toucher une dans peu de temps, mais bien également pour les générations plus jeunes.

Mon honorable collègue dit que le Régime de pensions du Canada va coûter davantage. Cette entente entre les gouvernements fédéral et provinciaux nous assure que les cotisations nécessaires pour maintenir le Régime de pensions du Canada, mesure que tous les Canadiens qui ont participé à toutes les consultations ont supplié tous les paliers de gouvernement de faire, vont augmenter beaucoup moins que si on avait laissé la situation continuer de se détériorer au point de détruire complètement le Régime de pensions du Canada.

Il est extrêmement avantageux pour toutes les générations de maintenir ce régime de pension, cette sécurité à la retraite pour tous les Canadiens. Il incombe à ceux d'entre nous qui ont choisi la vie publique, et qui en ont ainsi l'occasion, d'essayer d'expliquer l'importance de maintenir le Régime de pensions du Canada pour toutes les générations, plutôt que d'adopter une position négative, d'affirmer que le régime n'est pas bon, et qu'il ne convient pas de payer davantage pour assurer sa survie comme nous le faisons. C'est important pour tous les Canadiens, qu'il s'agisse des personnes âgées, des Canadiens d'âge moyen, des membres de la génération du baby-boom et des jeunes. Je crois fermement que cette initiative ne menace en rien la sécurité des jeunes au Canada. Il s'agit plutôt de souligner que nous avons intérêt à maintenir cette sécurité.

Mon honorable collègue demande ce qu'on a fait de l'épreuve prévue dans le livre rouge. Comme il le sait, le Conseil des ministres de l'éducation du Canada s'est penché de façon ponctuelle sur la question des épreuves au cours des dernières années. On discute beaucoup de cette question et, en fait, le gouvernement fédéral participe pleinement à ces discussions. Le gouvernement fédéral va-t-il instituer des épreuves à ce stade-ci? Non, sénateur Stratton. Nous poursuivons nos efforts pour favoriser l'enseignement postsecondaire et d'autres domaines de l'enseignement le plus possible. Nous essayons de le faire par étape, en consultation et en collaboration avec les provinces, car cette question relève de leur compétence. Ce n'est que grâce à une coopération réussie de cette sorte, comme cela se fait depuis quelques mois en ce qui concerne l'alphabétisation, les épreuves nationales et l'enseignement postsecondaire par exemple, que nous serons vraiment en mesure d'aider nos jeunes.

 

Les travaux du Sénat

Le retard dans le dépôt des réponses aux questions
inscrites au Feuilleton-La position du gouvernement

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, ma question a trait aux réponses aux questions inscrites au Feuilleton. J'ai demandé à des collègues d'intervenir auprès du leader adjoint, mais ça n'a absolument rien donné, c'en est honteux. Aussi vais-je m'adresser au leader du gouvernement au Sénat.

Il y a des questions qui sont inscrites au Feuilleton depuis, tenez-vous bien, le 19 mars 1996. Répondre aux questions prend certes du temps et de la réflexion, mais il ne s'agit pas de questions pouvant justifier un tel retard. En particulier, il y a des questions qui remontent au 19 mars, au 23 avril, au 7 mai, au19 juin, au 24 septembre et au mois d'octobre. À ma connaissance, c'est la première fois que l'on met autant temps à répondre aux questions inscrites au Feuilleton.

J'aimerais que le leader du gouvernement me fournisse une explication. Pouvons-nous avoir l'assurance que l'on aura répondu, sinon à toutes les questions, du moins à celles qui datent de près d'un an, d'ici à notre retour après notre semaine de congé?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie mon honorable collègue de sa question. Je peux l'assurer que les commentaires qu'il a adressés au leader adjoint m'ont été transmis fidèlement. Je reconnais que ces retards sont scandaleux et je vais tout mettre en oeuvre pour briser ce mur d'inactivité - j'ose espérer qu'il ne s'agit pas d'indifférence - auquel on se heurte dans le système qui est censé nous fournir ces réponses.

Je comprends parfaitement la frustration de mon honorable collègue. Je comprends qu'il soit profondément perturbé et je vais donc tout faire pour tenter de briser cet embâcle.

Le sénateur Lynch-Staunton: Certaines réponses à certaines questions ont déjà été fournies indirectement lorsque d'autres personnes ont posé des questions semblables en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Cela veut dire que les réponses sont disponibles. Chose sûre, quand un parlementaire, qu'il siège à cette Chambre ou à l'autre, pose la même question, la courtoisie veut qu'on lui réponde dans le même délai. Certaines de ces questions ont déjà fait l'objet d'une réponse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information ou bien les renseignements ont été fournis par des journalistes et d'autres. Les sénateurs qui posent des questions en cette chambre doivent attendre un temps fou avant d'obtenir une réponse.

(1430)

C'est de l'insconstance, sinon de l'injustice. C'est peut-être même une politique délibérée de la part de quelqu'un d'étranger à cette Chambre, qui consiste à ne pas fournir de réponses à nos questions.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je ne suis pas d'accord avec la dernière partie des propos de mon honorable collègue. Ce n'est pas délibéré. Je conviens cependant avec ses propos précédents selon lesquels c'était inacceptable et, de concert avec le leader adjoint, je vais faire en sorte que l'on réponde au plus grand nombre de questions possible d'ici la fin du congé. Je ne peux pas garantir une réponse à toutes ces questions.

Par-dessus tout, je partage la frustration du sénateur. Je veux que les réponses soient fournies dans les meilleurs délais.

 

Le processus d'obtention des réponses aux
questions orales-La position du gouvernement

L'honorable Finlay MacDonald: Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire le processus suivi par son cabinet lorsqu'une question orale est posée? À qui transmet-on la question orale?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, lorsqu'on demande une réponse différée, mon cabinet transmet immédiatement le hansard aux cabinets de mes collègues. Je comprends que les autres cabinets ne chôment pas. Nos gens travaillent aussi fort qu'ils le peuvent pour briser l'embâcle. Nous ferons notre possible pour obtenir une meilleure coopération dans ce dossier.

 


[Français]

 

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la taxe d'accise
La Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces
La Loi de l'impôt sur le revenu
La Loi sur le compte de service et de réduction de la dette

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyée par l'honorable sénateur Moore, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-70, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise, la Loi sur les arrangements fiscaux entre le gouvernement fédéral et les provinces, la Loi de l'impôt sur le revenu, la Loi sur le compte de service et de réduction de la dette et des lois connexes.

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, j'aimerais féliciter en premier lieu mes collègues les sénateurs Buchanan et Robertson qui, conformément à leurs habitudes, nous ont fourni des prestations fouillées, réfléchies et tenant compte des besoins des consommateurs de l'Atlantique.

J'invite également d'autres collègues libéraux de l'Atlantique à se faire entendre et à travailler avec nous pour un tant soit peu améliorer ce projet de loi. Je vous donnerai des épithètes décrivant ce projet de loi un peu plus tard au cours de ma présentation.

Le sénateur Kirby nous avait habitués à des discours fouillés, équilibrés, mais il nous a déçus terriblement il y a quelques jours lorsqu'il a tenté de défendre et de trouver les bons points de ce projet de loi infâme. Le sénateur Kirby a tenté de défendre l'indéfendable. J'en suis fort déçu.

Sans doute que mes autres collègues sont déçus de cette présentation. Le sénateur Kirby nous a parlé de ce projet d'harmonisation de TVH. Il a mentionné que c'était la solution pour rationaliser et améliorer le régime fédéral de la taxe de vente.

J'ai ma façon de décrire cette opération du gouvernement libéral. Il serait plus juste de dire que le ce projet de loi C-70 est un effort pour déguiser la TPS et pour tenter de perpétuer un autre hold-up électoral libéral en Atlantique et au Canada.

Je continuerai donc, au cours des prochaines semaines et des prochains mois, à dénoncer ce projet de loi et à démasquer le gouvernement qui nous l'a présenté, jusqu'à ce que le gouvernement, ayant fait ses devoirs, comprenne que ce projet de loi est terrible, cruel et odieux. Je l'invite d'ailleurs à faire ses devoirs. Le 1er avril n'est pas une date magique.

Si on veut protéger les deux millions de Canadiens qui vivent en Atlantique et qui y travaillent, je pense que le gouvernement et certainement les gens de l'Atlantique auraient intérêt à attendre un meilleur produit.

Le sénateur Kirby nous a dit également que le principe de ce projet de loi remontait à une étude menée en 1994 par le comité de l'autre Chambre, étude à laquelle le public a fourni un apport considérable.

Le sénateur Kirby aurait pu nous rappeler que son parti a pris des engagements formels de «scraper» la TPS, et de faire en sorte que la TPS harmonisée soit visible, que les livres soient détaxés, et cetera.

Il nous a dit également que le projet de loi a bénéficié d'un examen minutieux, détaillé et considérable de la population au comité de l'autre Chambre.

Étant donné que le comité que le sénateur Kirby préside ira dans les provinces de l'Atlantique dans les prochaines semaines - l'on devra nous dire que le gouvernement est sérieux dans son désir avoué de rendre le projet de loi plus juste, je pourrais citer la déclaration du sénateur Kirby que l'on pourra retrouver à la page 1558 des Débats du Sénat du 17 février - pourrait-on prendre pour acquis que le gouvernement est sérieux, que ce comité est sérieux et qu'il désire modifier et améliorer le projet de loi devant nous pour le rendre plus juste, plus équilibré, plus réfléchi, à l'égard des consommateurs et des petites entreprises?

Le sénateur Kirby pourrait-il nous dire, parlant au nom de ses collègues, que cet exercice n'est pas uniquement une mise ne scène? Advenant que des suggestions pourraient être faites afin d'améliorer le projet de loi devant nous, son gouvernement consentira-t-il à considérer et à accepter certaines modifications ou suggestions - pas nécessairement toutes - que l'on pourrait retrouver, dénicher?

(1440)

Peut-être que le sénateur Kirby pourrait prendre note de mes propos et y répondre plus tard cet après-midi.

Le sénateur Kirby nous a dit qu'après les élections de 1993, les Canadiens avaient été appelés à chercher des solutions de rechange à la TPS. Il a fait état de 500 témoins qui auraient été entendus, des fiscalistes, des gens d'affaires et des consommateurs de par le pays. Il nous a dit également que 700 mémoires avaient été reçus et étudiés, j'imagine; qu'environ 20 options différentes ont été examinées, et qu'une vaste majorité de citoyens étaient favorables à l'harmonisation de la taxe. Quelle surprise pour le sénateur Kirby et pour le gouvernement libéral!

Au cours de l'intervention du sénateur Kirby il a cité hors contexte, à sa façon, les déclarations de deux de nos collègues de ce côté de la Chambre, les sénateurs Lynch-Staunton et Comeau. Il a cité leurs propos de façon, je pourrais dire, à induire cette Chambre en erreur ainsi que les citoyens qui pourraient lire les Débats du Sénat. Quelle surprise! Il a cité mes deux collègues déplorant sans doute, par allusion, l'inconséquence de ces deux sénateurs, parce que, disait-il, nous avions toujours favorisé une taxe harmonisée. Nous, de ce côté de la Chambre, n'avons pas changé d'idée. C'est le Parti libéral et le gouvernement libéral actuel qui ont changé d'idée. Nous sommes toujours en faveur de l'harmonisation de la taxe en Atlantique et surtout à travers le Canada, mais puisque l'on parle de l'Atlantique, nous sommes toujours en faveur d'un projet de loi qui se tienne. Je dois vous avouer tout de suite que la grande majorité des citoyens de l'Atlantique qui ont pris connaissance de ce projet de loi, n'en sont pas satisfaits.

Après l'audition de 500 témoins, l'étude de 700 mémoires et de 20 options différentes où une majorité était favorable à l'harmonisation de la taxe, comment se fait-il que trois gouvernements de l'Atlantique sur quatre, tous libéraux, auraient vu clair? Non, ces gouvernement libéraux se sont faits acheter avec les dollars des Canadiens. Je ne peux décrire ce simulacre de consultation en 1993, en 1994. Je pense que la semaine prochaine ce simulacre de consultation va continuer. Pire encore, une manigance libérale sera dirigée par le premier chef d'orchestre, Jean Chrétien, accompagné des premiers ministres provinciaux Tobin, Savage et McKenna.

Poser la question, c'est y répondre. Pourquoi seules trois provinces libérales de l'Atlantique ont-elles accepté ce projet de loi?

Ce projet de loi d'harmonisation de la taxe est mal conçu et contient de graves défauts. De là une autre raison de «scraper» la TPS, non pas de maintenir la TPS en Atlantique, à l'Île-du-Prince-Édouard, mais de la «scraper» dans tout le Canada. Pourquoi pas au Québec? Pourquoi pas en Ontario? Pourquoi pas au Manitoba? Pourquoi pas en Saskatchewan? En Colombie-Britannique? Dans les deux Territoires aussi. Pourtant, le premier ministre nous avait promis de la «scraper».

On devrait «scraper» le projet de loi devant nous qui affectera de façon très négative, de façon pernicieuse, injuste et cruelle les provinces de Terre-Neuve et Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick. Je dis au gouvernement de faire leur devoir même si cela prend six mois, un an, 2 ans, cela prendra le temps qu'il faudra.

J'ai une autre question à poser au sénateur Kirby. Je vois qu'il est à son bureau et qu'il prend des notes. Il voudra me répondre plus tard cet après-midi sans doute. À la page 1558 des Débats du Sénat du 17 février, le sénateur Kirby nous a dit et je le cite:

Québec, qui n'adopte pas la mise en oeuvre graduelle, n'a pas encore harmonisé sa taxe de vente avec la taxe de vente du gouvernement fédéral.

Je fais appel aux talents de doreur d'image du sénateur Kirby pour expliquer à cette Chambre, à la presse, aux associations libérales qu'il fréquente régulièrement, ce qu'il voulait dire. À la grandeur du Canada j'imagine que les citoyens qui suivent un tant soit peu la politique, doivent savoir que le Québec a harmonisé sa taxe de vente avec le fédéral il y a quelques années.

(1450)

Son Honneur le Président: Honorable sénateur Simard, je regrette d'avoir à vous interrompre, mais votre période de 15 minutes est écoulée. Demandez-vous la permission de poursuivre votre discours?

Le sénateur Simard: Oui.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Simard: Je vous remercie honorables sénateurs. On retrouve, fidèle à sa réputation, la générosité et l'ouverture d'esprit du sénateur Stewart et des honorables sénateurs. Les doreurs d'image du gouvernement fédéral nous disent que c'est une économie substantielle. Cela vient du gouvernement en place. C'est une économie substantielle pour les consommateurs des provinces de l'Atlantique nous disent ces ténors. Ils nous disent que dans les provinces de l'Atlantique, il y aurait un boum formidable conduisant à des économies de 400 à 700 millions de dollars pour les gens d'affaires, pour les petites et moyennes entreprises et peut-être pour les grosses.

Je pense que les entreprises, magasins, grossistes et manufacturiers, comme c'est la coutume, fidèles à leurs habitudes, voudront refiler aux consommateurs ces économies. Nous savons qu'il en est autrement.

Des membres de l'Association des détaillants du Canada ainsi que d'autres groupes nous ont donné des preuves qu'il en coûtera au coût unique au-dessus de 100 millions de dollars pour s'ajuster à l'étiquetage pour cacher la TPS. Il faudra ajouter au moins 25 à 30 millions de dollars par année à ces grossistes et aux détaillants des trois provinces impliquées qui devront refiler aussi la facture pour l'administration de cette nouvelle taxe.

Vous voyez bien, honorables sénateurs, que nous sommes loin d'une économie de 400 à 700 millions de dollars. En plus de refiler ces coûts additionnels, le gouvernement du Nouveau-Brunswick, à tout le moins, nous a annoncé, il y a quelques mois, qu'il avait pensé hausser les taxes des compagnies, sans doute pour se donner les outils après avoir dépensé sa part des 900 millions de dollars que ces provinces ont reçus l'an dernier. Il y aura un manque à gagner pour ces gouvernement provinciaux.

J'invite le gouvernement à réfléchir, à remettre sur le métier 100 fois si nécessaire son ouvrage et à envisager des amendements. Ce projet de loi sera néfaste quoiqu'en dise le Conseil économique des provinces de l'Atlantique. Ils prédisent un boum économique dans les ventes au détail de 100 millions de dollars dans ces trois provinces au cours des prochaines années.

J'ai présenté une demande au sénateur Kirby par le biais de son comité, afin que ces gens de la région du Conseil économique des provinces maritimes soient entendus. J'ai appelé ce matin le Conseil économique du Nouveau-Brunswick, la contrepartie francophone néo-brunswickoise et j'ai été informé qu'ils sont à prendre une position. Par l'entremise du bureau du sénateur Kirby, j'ai demandé d'inviter l'APEC et, par la même occasion, le Conseil économique du Nouveau-Brunswick.

Je serai à Fredericton lundi ou mardi et jeudi, je serai peut-être à Saint-Jean, Terre-Neuve.

Les études que j'ai consultées dernièrement sur le sujet m'indiquent que la taxe harmonisée frappera davantage les petits consommateurs et les gens défavorisés.

Nous aurons des exemples à citer au comité, lors de notre voyage dans les provinces de l'Atlantique.

Pour conclure, connaissant l'appétit vorace et l'état des finances des trois gouvernements concernés, j'ai la certitude qu'ils voudront hausser les taxes, c'est-à-dire la taxe de vente, d'autres taxes, l'impôt sur le revenu, à la façon libérale, comme cela se fait au Nouveau-Brunswick depuis 9 ans. Ils voudront aussi ajuster à la hausse également les frais imposés aux usagers par le gouvernement.

Nous sommes très loin d'un congé fiscal partiel. Le gouvernement déclenchera une élection fédérale dans les prochains mois. M. Savage ne fera plus partie du groupe de toute façon. On ramassera ensuite les pots cassés. Nous ne pouvons nous attendre à un congé partiel fiscal, mais à une importante augmentation d'impôt et d'autres revenus de la part de ces gouvernements voraces.

(1500)

Le sénateur Kirby nous a parlé des sondages pour tenter d'expliquer que la grande majorité des citoyens de l'Atlantique favorisait une taxe cachée, secrète, qui pourrait être augmentée selon l'avis de ces voraces gouvernements libéraux.

Il s'agit pourtant des mêmes sénateurs. Je vois des sénateurs présents ici qui étaient là en 1990. Nous n'avons pas oublié cela. Lors de démonstrations disgracieuses, ils avaient supplié le gouvernement du temps de détaxer les livres. S'alliant à une certaine presse nationale, ils ont supplié que la TPS soit visible.

Peut-être que le sénateur Kirby pourrait nous dire les raisons de cette volte-face sur ces deux questions: la détaxation des livres et la taxe visible dont il se prétendait le défenseur.

Je me rappelle également que Doug Young, alors porte-parole en matière de finances de l'opposition officielle en Chambre, avait à maintes reprises avec ses collègues fait tout un plaidoyer en faveur d'une taxe visible. Nous savons tous que les libéraux, le gouvernement actuel ne fait pas exception à la règle. Le sénateur Kirby est très près de ce gouvernement. Il est familier avec les sondages. Il sonde sur à peu près n'importe quoi.

Aviez-vous fait un sondage en 1990, lorsque vous aviez préconisé une taxe visible, une détaxation des livres? Premièrement, avez-vous fait ce sondage? L'explication se trouve-t-elle dans les statistiques qui disent que, dans 19 cas sur 20, le sondage est exact et dans un cas sur 20, il est dans l'erreur?

Il nous a dit également qu'il n'était pas fort en calcul mental. Il nous a dit qu'il comprenait les citoyens. Il lui est difficile de calculer 18 p. 100 de 45 ou de 60. Selon son sondage, il préférait accommoder les citoyens parce que c'était plus facile pour eux de calculer le prix final. Le sénateur va peut-être nous éclairer là-dessus.

J'invite donc le gouvernement à repenser, à retourner à ses devoirs avant qu'il ne soit trop tard, de façon à réparer le tort qui adviendra si ce projet de loi est accepté dans sa forme actuelle. Il n'est pas trop tard pour éviter des pertes d'emplois, des fermetures d'usines.

Il est vrai que, dans l'Atlantique, il ne se trouve que 32 sièges libéraux fédéraux ou à peu près. Ils ne constituent pas une menace pour le gouvernement actuel. Mais, il y a plus: que dire des 2 millions de citoyens qui devront composer avec ce système bâtard, insidieux, en plus d'avoir à composer avec un autre programme bâtard également, la réforme de l'assurance-chômage de la dernière année?

Je veux bien croire qu'il n'y a que 32 libéraux de l'Atlantique au Parlement fédéral, mais ne serait-il pas temps pour le gouvernement de châtier d'autres régions? J'ai mentionné la réforme de l'assurance-chômage, la maudite réforme! Je me rappelle qu'il n'y a pas un sénateur libéral en Chambre qui a osé se lever. Ils ont même refusé, tous les sénateurs libéraux d'en face, d'aller entendre les citoyens du Nouveau-Brunswick et de l'Atlantique. Ils ont refusé à trois reprises.

J'espère que certains d'entre vous se mettront debout avant que ce débat ne se termine en troisième lecture. Les citoyens du Nouveau-Brunswick et de l'Atlantique ont été suffisamment pénalisés avec l'assurance-emploi, pour employer l'expression favorite de l'ineffable Doug Young. Nous pouvons parler de 32 sièges libéraux.

Je vais citer avec votre permission des extraits d'un reportage que l'on peut retrouver dans le Telegraph Journal, le journal provincial au Nouveau-Brunswick, en date du 18 février, signé par Jacques Poitras, un jeune journaliste indépendant et brillant, un nouveau venu sur la Colline du Parlement. Il est en poste depuis 15 jours. Je vais vous lire plusieurs extraits de ce texte. Cela en vaut la peine. Vous allez voir que cela se rattache à mes quelques dernières phrases lorsque j'ai parlé des 32 sièges au Parlement canadien sur la scène fédérale. Je cite Jacques Poitras:

[Traduction]

(1510)

L'absence de débat, de tohu-bohu ou de crise concernant la taxe de vente harmonisée à la Chambre des communes, la semaine dernière, prouve sans l'ombre d'un doute que les électeurs du Canada atlantique devraient au moins envoyer quelques députés de l'opposition à Ottawa aux prochaines élections.

En moins de deux jours, le gouvernement a voté deux fois pour faire adopter le projet de loi créant la TVH et le renvoyer au Sénat, et ce, pratiquement sans que personne ne s'en aperçoive à Ottawa.

On dira ce que l'on voudra au sujet de la TVH - qui, à un taux uniforme de 15 p. 100, remplacera la TPS et les taxes de vente provinciales au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve -, mais il aurait été sain d'avoir une vraie bataille politique. La TVH aurait dû faire l'objet d'un effort concerté de l'opposition pour attirer l'attention de la population.

Le Parti réformiste et le Bloc québécois ont formulé d'excellentes critiques à l'endroit de la TVH, la semaine dernière, mettant l'accent sur les paiements de compensation qu'Ottawa versera aux trois provinces en échange de leur signature de l'accord sur la taxe.

«Les gens se souviendront que les provinces n'étaient pas exactement pressées de signer un accord d'harmonisation. C'était avant que le gouvernement ne mette un milliard de dollars sur la table,» a dit le porte-parole réformiste en matière de finances, Monty Solberg. «N'est-ce pas étrange comme un milliard de dollars peut changer les attitudes, particulièrement quand ce montant est destiné aux premiers ministres libéraux du Canada atlantique?»

«Ils disaient qu'ils haïssaient la TPS», a fulminé le député bloquiste Yvan Loubier, rappelant que, dans l'opposition, les Libéraux s'étaient opposés à la taxe quand les Conservateurs l'avaient proposée en 1990. «Ils ont injurié les Conservateurs à propos de la TPS. Ils ont dit qu'il fallait l'abolir, que personne n'en voulait au Canada. En fait, la nouvelle taxe de vente harmonisée n'est rien d'autre qu'une TPS déguisée et accompagnée d'un cadeau d'un milliard de dollars.»

C'était d'excellentes critiques qui auraient pu être très bien accueillies par les contribuables du Canada atlantique... si seulement ces derniers avaient eu l'occasion de les entendre.

Les députés réformistes et bloquistes ont fait leurs observations au cours du débat officiel sur le projet de loi, à un moment où la Chambre était pratiquement vide. En fait, au cours du débat à la Chambre, le reporteur était littéralement seul avec une poignée de députés, les gardiens de sécurité et le personnel de la Chambre. C'est scandaleux, mais la réalité politique à Ottawa, c'est à la période des questions, de 14 h 15 à 15 heures, que tout le monde est aux écoutes. C'est à ce moment que les journalistes qui travaillent à l'échelle nationale apparaissent (ou, de leurs bureaux, suivent les travaux à la télévision), pour faire la nouvelle du jour. Une question qui n'est pas soulevée à la période des questions n'existe pas. Les partis d'opposition le savent et ils l'exploitent, préparant soigneusement leurs attaques.

En critiquant la TVH uniquement au cours du débat, et non pendant la période des questions, le Parti réformiste et le Bloc ont aidé à ce que personne - sauf deux ou trois journalistes du Canada atlantique - ne remarque que le projet de loi était renvoyé directement au Sénat.

Il est vrai que, selon le Règlement de la Chambre, quand un projet de loi est débattu, il ne doit pas être discuté à la période des questions. Mais cette règle n'est pas appliquée rigoureusement. Si le Bloc et le Parti réformiste avaient vraiment voulu mettre la TVH en vedette, ils auraient pu le faire.

La députée conservatrice de Saint John, Elsie Wayne, a fait de son mieux, mais elle est la seule députée conservatrice. Dans le débat abrégé, elle s'est arrangée pour dénoncer, non pas une mais deux fois, le projet de loi. Mais, encore une fois, personne ne l'écoutait. Contrairement aux réformistes et aux bloquistes, elle était certes disposée à parler de la TVH pendant la période des questions, mais, comme les conservateurs ne sont pas reconnus comme un parti aux termes du Règlement de la Chambre, la députée peut rarement poser une question.

«Il n'y a pas de doute, la situation doit absolument changer aux prochaines élections et nous devons revenir au régime solide de deux partis nationaux», a dit Mme Wayne en entrevue. «Nous avons aujourd'hui un exemple de ce qui se passe avec des partis régionaux.»

Dieu qu'elle a raison.

On peut comprendre les motifs des bloquistes et des Réformistes, même s'ils relèvent de la basse politique. Le Parti réformiste, bien qu'il affirme le contraire, est un parti de l'Ouest. Le Bloc, même s'il dit prendre au sérieux son rôle d'opposition officielle du Canada, est un parti du Québec. Ni l'un ni l'autre ne veulent consacrer le temps précieux de la période des questions à une question qui, pour l'instant, ne concerne que trois provinces atlantiques.

La solution, c'est que les électeurs fassent en sorte qu'il y ait un vrai parti national, un parti qui s'intéresse vraiment à notre région et qui remporte au moins 12 sièges dans l'opposition aux prochaines élections fédérales. Quelques conservateurs ou néo-démocrates de cette région aideraient à réaliser ce chiffre magique... et contribueraient à la tenue de débats plus approfondis sur ce qui se passe au Canada atlantique.

Je cite un jeune et brillant journaliste indépendant du Canada atlantique. J'espère que les médias nationaux en prennent note.

[Français]

J'aimerais continuer dans la même veine et ajouter les commentaires suivants: Jacques Poitras et, sans doute, plusieurs Canadiens ont réalisé puisque l'on croit aux sondages - le sénateur Kirby est le champion des sondages - qu'au cours des deux ou trois derniers mois, notre partie a effectué une remontrée. Ce n'est pas fini! Tout comme moi, d'autres Canadiens ont découvert la solution de remplacement au gouvernement siégeant à la Chambre des communes. La solution que les Canadiens vont appuyer davantage au cours des prochains mois, est celle d'une opposition officielle à la Chambre des communes composée d'un parti national. Je pense qu'ils choisiront le Parti progressiste conservateur dirigé par Jean Charest. L'opposition officielle sera composée d'un grand nombre de députés progressistes conservateurs provenant de toutes les régions du pays. Ainsi, lorsque nous aurons un projet de loi comme celui que nous avons devant nous et d'autres de même nature, nous pourrons les examiner au nom de tous les Canadiens.

(1520)

Les autres régions ne sont pas à l'abri de projets désastreux comme celui que nous avons devant nous. Dans ce cas-ci, on parle du Canada atlantique qui est sous attaque par un gouvernement cruel, éloigné des gens. Qui peut nous assurer que d'autres régions ne seront pas affectées par de tels projets de loi à l'avenir?

Mais tout cela est symbolique. Certains membres du gouvernement, pas tous, ont induit la population en erreur, le mot n'est pas trop fort. J'aurais pu employer le mot mensonge, mais ce n'est pas parlementaire.

Le sénateur Prud'homme: Qui s'éloigne de la vérité.

Le sénateur Simard: Je salue le sénateur indépendant, le sénateur Prud'homme, qui voudra certainement voter contre ce projet de loi ineffable, infâme, odieux, pernicieux, injuste, mal conçu. Je termine bientôt. Le sénateur Kirby est mon sénateur préféré aujourd'hui.

Le projet de loi devant nous mérite un avortement de première classe. Dans sa forme actuelle, c'est un projet odieux, frauduleux. S'il est adopté dans sa forme actuelle, il sera l'assassin de l'entreprise et de l'emploi au Nouveau-Brunswick, au Canada atlantique.

Il s'attaque davantage aux contribuables moyens et moins privilégié. Il s'attaque également aux travailleurs dépendants du soutien gouvernemental, du bien-être social et d'autres mesures. Il s'attaque également aux étudiants. En un mot, c'est une mesure législative bâtarde, cruelle, injuste et mal conçue. Elle n'aura même pas le mérite et le succès attendu par le gouvernement actuel parce que ce projet de loi, cousu avec du fil rouge et blanc, n'aura pas sauvé la face du gouvernement actuel qui nous avait promis de la «scraper».

Les gens à l'extérieur de la région de l'Atlantique sauront déceler la manigance libérale. Je prédis que lorsque les lacunes, les échappatoires de cette taxe harmonisée seront connus - comme la Loi de l'assurance-chômage qu'on a adoptée en cette Chambre l'an passé - les Canadiens de l'Atlantique, du Pacifique et du Canada central réaliseront la supercherie du gouvernement actuel. Cela fera en sorte que les Canadiens se rappelleront toujours de la promesse formelle longtemps répétée dans tous les médias, sur toutes les tribunes par les sénateurs en Chambre, par les aspirants-députés, par les députés actuels. Ils ont faussé la réalité. Donc les Canadiens se souviendront de la promesse violée du Parti libéral.

Je vous invite à donner un enterrement de première classe à ce projet de loi que l'on ne peut rafistoler, à court terme et surtout à long terme, malgré les meilleures intentions. Ce projet mérite la mort tout de suite, sinon en deuxième lecture à tout le moins en troisième lecture.

[Traduction]

L'honorable Noël A. Kinsella: Honorables sénateurs, comme mon honorable collègue, le sénateur Simard, je tiens à exprimer catégoriquement mon opposition à ce projet de loi.

Je m'oppose à cette mesure législative pour bien des raisons, et voici certaines questions qui m'ont incité à me prononcer contre le projet de loi. Premièrement, s'agit-il réellement d'harmonisation ou non? Deuxièmement, est-ce une bonne chose d'inclure la taxe dans les prix ou non? Troisièmement, question d'autant plus importante que nous en sommes à l'étape de la deuxième lecture où nous examinons toujours le principe d'un projet de loi, quelle décision politique sous-tend ce projet de loi? Quatrièmement, quelles seront les répercussions de ce projet de loi sur la taxe qu'auront à payer les simples citoyens canadiens qui vivent au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve?

Je voudrais savoir si le gouvernement du Canada ou les gouvernements de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick ou de Terre-Neuve ont reçu de leurs électeurs le mandat d'adopter cette mesure. Je me pose aussi une question au sujet de la somme de 1 milliard de dollars que certains honorables sénateurs qualifient de pot-de-vin. Si le projet de loi n'est pas adopté, cette somme devra-t-elle être remboursée?

(1530)

Honorables sénateurs, il y a là une importante question constitutionnelle. Si je comprends bien, dans le cadre de leur accord, les premiers ministres de ces trois provinces ont conclu qu'un premier ministre ou un gouvernement provincial seul n'est pas en mesure d'apporter une modification. L'Acte de l'Amérique du Nord britannique est très clair au sujet des compétences de chaque province. Il faudrait donc se demander si une province a le droit de se départir d'une responsabilité constitutionnelle qui lui est conférée par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

Honorables sénateurs, les experts ont attribué toutes sortes de noms à cette TVH. Dans ma région, le Nouveau-Brunswick, beaucoup de gens l'appellent la BST. Sans blague, cette taxe coûtera aux Néo-Brunswickois moyens des millions de dollars et beaucoup d'emplois seront perdus. Les intervenants dans ce débat nous ont déjà dit que la taxe comporte un certain nombre d'éléments. Elle a deux conséquences défavorables distinctes pour les habitants de ces trois provinces.

Tout d'abord, en tant que Néo-Brunswickois, je paierai plus cher pour les vêtements, l'essence et le mazout. Tous ces produits et services seront assujettis à une taxe de 15 p. 100. Ensuite, la proposition d'inclure la taxe dans le prix obligera les détaillants et les entreprises à dépenser de l'argent pour aménager des systèmes comptables et informatiques séparés et compliqués. Selon certaines personnes, il en coûtera plus de 100 millions de dollars par année au Nouveau-Brunswick pour appliquer et surveiller cette mesure d'ingérence inutile de la part du gouvernement.

Fait extrêmement important, cette taxe n'existera pas en Ontario. La facture de mazout du sénateur Kirby, qui habite à Manotick, n'augmentera pas. Les gens d'Oromocto, au Nouveau-Brunswick, ne paieront pas 7 p. 100, mais 15 p. 100 de taxe sur leurs vêtements et sur les couches pour bébés. À Manotick, les gens paieront une taxe beaucoup moins élevée sur l'électricité.

Du point de vue de l'harmonisation, si cette taxe ne s'applique pas en Alberta, en Ontario, au Manitoba ou en Colombie-Britannique, quel effet aura-t-elle? Le Nouveau-Brunswick deviendra isolé. Il deviendra une région non économique. C'est la réalité que nous devons envisager.

Déjà, certains magasins Greenberg et Metropolitan ont fermé leurs portes au Nouveau-Brunswick, et ce parce que les gouvernements à Ottawa et au Nouveau-Brunswick tentent de remplir trop rapidement, en préparation des élections, une promesse que le gouvernement fédéral avait faite pendant la dernière campagne électorale sans bien en analyser les conséquences. Il n'a pas bien analysé l'effet, par exemple, qu'une augmentation du coût des vêtements aura sur une jeune famille à revenu moyen, ou sur des personnes âgées à revenu fixe. Cela ne représente peut-être pas beaucoup d'argent pour les gens de l'Ontario, mais une augmentation de 7 p. 100 à 15 p. 100, c'est considérable lorsqu'on achète des vêtements pour enfants. C'est l'effet qu'aura ce projet de loi.

Honorables sénateurs, beaucoup de familles doivent emprunter à saint Pierre pour payer saint Paul afin de joindre les deux bouts. Élargir l'assiette de la taxe sur tous ces produits nuit à leur capacité de gérer leur budget familial. Les gouvernements qui proposent cette mesure n'ont pas tenu compte de cette situation.

Je ne pense pas qu'il soit acceptable que les personnes âgées, dont le revenu est fixe, paient leur mazout et leur électricité plus cher.

Sur quels fondements cette décision repose-t-elle? Qu'en est-il de cette fameuse promesse d'abolition de la TPS? Nous nous souvenons tous de cette pitoyable assemblée publique où le premier ministre a soutenu qu'il n'avait pas promis d'éliminer la TPS. Pourtant, tous les Canadiens l'avaient entendu. Il devait y avoir un problème d'acoustique ce jour-là, honorables sénateurs. Nous l'avons entendu dire qu'il allait sabrer la taxe, mais il aurait dit en fait qu'il allait nous saigner à blanc.

Honorables sénateurs, si nous cherchons sur quelle décision politique cette mesure est fondée, il y a lieu de se demander si la mesure n'a pas été prise parce que le premier ministre fédéral a promis d'éliminer la TPS et que les premiers ministres provinciaux Tobin, McKenna et Savage ont proposé cette solution pour que le premier ministre puisse prétendre qu'il a éliminé la TPS. Si telle était bien la stratégie de départ, elle a certainement pris un peu de plomb dans l'aile lorsque la vice-première ministre a démissionné et que le ministre des Finances a présenté des excuses parce qu'ils pensaient que l'élimination de la TPS avait été effectivement promise. Ils n'auraient pas eu besoin de démissionner ou de présenter des excuses si le premier ministre avait raison de prétendre ne pas avoir fait cette promesse.

Honorables sénateurs, il est regrettable qu'on utilise les provinces les plus vulnérables pour appliquer cette stratégie fédérale qui n'a d'autre but que de lui sauver la face. Il est particulièrement troublant que le gouvernement fédéral ait modifié sa position au sujet de la promesse d'élimination de la TPS. De toute évidence, l'objectif initial était d'éliminer la TPS, mais, devant l'impossibilité d'y parvenir, il a changé d'idée. Entretemps, les trois provinces de l'Atlantique avaient commencé à se préparer pour éliminer la TPS en la remplaçant par cette taxe de vente harmonisée.

Comme plusieurs autres l'ont dit avant moi, le pot-de-vin est arrivé, et l'affaire a été bâclée. Les conséquences de l'accord n'ont fait l'objet d'aucune analyse. L'incidence sur les familles moyennes en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à Terre-Neuve n'a pas été analysée. Il sera extrêmement difficile pour ces familles de payer 15 p. 100 de taxe sur des choses comme les vêtements et le chauffage. Compte tenu de notre climat, de notre environnement et de notre réalité socioéconomique, ce n'est pas reluisant pour la politique sociale du gouvernement. C'est exactement ce que le comité va entendre lorsqu'il va se rendre dans ces provinces-là.

(1540)

Honorables sénateurs, à cette étape-ci du débat, si la position du sénateur Simard n'est pas claire, la mienne l'est parfaitement: je conteste cette mesure.

L'honorable Michael Kirby: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois informer le Sénat que si le sénateur Kirby prend maintenant la parole, son allocution aura pour effet de clore le débat de deuxième lecture de ce projet de loi.

Aucun autre sénateur ne souhaite prendre la parole.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, en intervenant pour clore le débat, je ne puis résister tout d'abord à la tentation de faire une observation aux membres de cette Chambre qui viennent de provinces autres que celles de l'Atlantique. Après avoir écouté ces trois derniers jours les sénateurs Buchanan, Simard, Robertson et Kinsella, vous serez certainement d'accord avec moi pour dire que la tradition orale de la politique, la tradition des discours flamboyants et vibrants d'émotion, n'est certainement pas morte dans la région de l'Atlantique. Je tiens à féliciter les quatre orateurs tout au moins pour leurs interventions divertissantes.

J'ajouterai une note personnelle à l'intention du sénateur Simard. Comme beaucoup de nous le savent, le sénateur Simard a été très malade il y a un peu plus d'un an. Le voir de retour dans son excellente forme habituelle est non seulement tout à son honneur et une merveilleuse chose pour lui et sa famille, mais aussi une importante contribution à notre assemblée.

Dans le cours de son intervention, le sénateur Simard m'a posé plusieurs questions. Vous me pardonnerez si, en l'écoutant, il m'a été difficile de bien comprendre la question, étant donné tous les mots qui intervenaient entre le moment où il disait qu'il avait une question à me poser et celui où le point d'interrogation finissait par apparaître. Je lirai attentivement la transcription de l'intervention du sénateur Simard dans le hansard pour être certain de bien répondre à ses questions lorsque je présenterai le rapport des audiences du comité des banques sur ce projet de loi.

Je vais aborder trois ou quatre des questions qui ont été soulevées par les sénateurs Buchanan et Robertson, mais je commencerai par aborder une question qui a été soulevée mardi par le chef de l'opposition au Sénat, le sénateur Lynch-Staunton. Il a soutenu que j'avais «dénaturé de façon flagrante» certaines de ses paroles, alors que je citais un extrait d'une intervention qu'il avait faite au Sénat le 9 mai 1996.

Mardi, j'ai cité le sénateur Lynch-Staunton, et il a convenu que la citation était exacte. Il a toutefois ajouté qu'elle n'était pas complète, qu'il s'agissait d'un extrait seulement. Voici les paroles que j'ai citées:

Une fois de plus le gouvernement libéral ne s'est pas contenté d'adopter une politique conservatrice [...]

J'ai poursuivi en disant, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a fait remarquer avec beaucoup de justesse, que, dans le contexte dans lequel ces paroles avaient été prononcées, j'avais eu l'impression que le leader de l'opposition au Sénat disait que le Parti conservateur avait lancé l'idée de la taxe de vente harmonisée.

Le sénateur Lynch-Staunton s'est élevé vivement mardi contre ma conclusion en disant:

Le terme «harmonisation» n'apparaît à aucun moment dans mes remarques.

Les paroles que j'ai citées étaient tirées du préambule d'une question posée par le sénateur Lynch-Staunton le 9 mai 1996. Quant au contexte, il y avait eu ce jour-là une série de questions concernant l'annonce faite quelques jours auparavant au sujet de l'accord conclu avec trois provinces de l'Atlantique visant à harmoniser leurs taxes de vente avec la taxe de vente fédérale pour en faire une nouvelle taxe de vente harmonisée. Or, honorables sénateurs, la question du sénateur Lynch-Staunton figurait dans le hansard de ce jour-là sous les titres suivants:

La taxe sur les produits et services, l'harmonisation avec les taxes de vente provinciales - L'efficacité de l'accord conclu avec les provinces de l'Atlantique - La position du gouvernement

Autrement dit, même le hansard était d'avis que la question que posait le sénateur Lynch-Staunton portait sur le sujet de l'harmonisation.

Il est vrai, comme le sénateur Lynch-Staunton l'a dit, que je n'ai pas cité tout le préambule de son discours. J'ai cité plusieurs autres sénateurs qui ont carrément dit que l'harmonisation s'inscrivait dans les orientations du gouvernement précédent et dans la politique du Parti conservateur. Parce que plusieurs autres sénateurs conservateurs adoptaient exactement la même position ce jour-là et que les sténographes du hansard étaient clairement du même avis, vu le titre qu'ils ont donné à la question, je ne pense pas avoir délibérément dénaturé les propos qui étaient attribués au sénateur Lynch-Staunton. J'ai présumé que ses observations - j'ai eu la prudence de ne pas affirmer qu'il avait dit cela - donnaient à penser qu'il appuyait l'harmonisation. Je crois qu'elles donnaient effectivement à penser cela.

Par conséquent, je tiens à lui dire ainsi qu'aux honorables sénateurs que, contrairement à ce qu'il a prétendu, je n'ai certainement pas dénaturé de façon flagrante le sens de ses remarques. En fait, je pensais que ce n'était pas une interprétation déraisonnable de ce qu'il avait dit. Cependant, compte tenu de sa déclaration de mardi, honorables sénateurs, je reconnais avec plaisir le fait que mon hypothèse était peut-être erronée, même si elle s'appuyait sur les déclarations d'autres sénateurs conservateurs, sur la position de son parti durant la campagne électorale et sur la façon dont sa question était formulée. Si tous ces faits m'ont mené à une conclusion erronée et si le sénateur n'appuie pas la politique de son parti à l'égard de l'harmonisation, honorables sénateurs, je lui présente mes excuses pour avoir affirmé le contraire.

Je voudrais maintenant revenir sur quelques questions qui concernent le projet de loi C-70. J'aimerais que le sénateur Buchanan soit ici. J'ai failli l'appeler le «premier ministre Buchanan». C'est dans cette enceinte que j'ai entendu pour la première fois cet orateur - j'ai failli dire intarissable, même si c'est tout à fait de mise - faire un discours très intéressant, ici-même, l'autre jour. C'était très théâtral. Au cours de ses audiences des semaines à venir, le comité aura certainement l'occasion d'examiner certaines réserves que le sénateur Buchanan et certains de ses collègues ont exprimées au sujet du projet de loi. Je voudrais revenir sur une ou deux questions que lui et son collègue, le sénateur Robertson, ont soulevées.

Le sénateur Buchanan a parlé avec éloquence du fait que, dans le cadre de l'harmonisation, les taxes sur le chauffage à l'électricité et le mazout domestique augmenteront. Comme le sénateur Buchanan l'a reconnu, le problème vient du fait que, présentement, ces éléments ne sont pas couverts par l'assiette fiscale de la taxe de vente provinciale de la Nouvelle-Écosse, mais bien par celle de la TPS.

Bon nombre d'entre vous se souviendront que, lors du débat concernant le projet de loi sur la TPS au Sénat, de nombreux sénateurs de ce côté-ci, qui formaient alors l'opposition, se sont vivement opposés à l'inclusion dans l'assiette fiscale de la TPS du chauffage à l'électricité et du mazout domestique. Comme vous le savez, nous avons nettement perdu cette bataille. Le chauffage à l'électricité et le mazout domestique - qu'il est terrible d'avoir assujettis à la taxe de vente harmonisée, de l'avis du sénateur Buchanan - ont été inclus dans l'assiette fiscale de la TPS justement parce que c'est là la position qu'avaient adoptée ses collègues conservateurs de l'époque. Je ne sais plus à quel moment le sénateur Buchanan a été nommé au Sénat, mais il aurait certainement appuyé la position de son parti s'il avait été là à ce moment-là.

Je trouve pour le moins curieux, honorables sénateurs, qu'après avoir réussi à persuader le Parlement - et le Sénat - d'inclure le chauffage à l'électricité et le mazout domestique dans l'assiette fiscale de la TPS, le sénateur Buchanan consacre 10 ou 15 minutes de son discours de l'autre jour à dénoncer le caractère odieux de l'assujettissement de ces éléments à la taxe de vente harmonisée. Ils sont compris dans l'assiette de la taxe harmonisée précisément parce que ce sont les conservateurs qui ont décidé qu'ils devraient toujours l'être.

(1550)

Le sénateur Lynch-Staunton: Je croyais que l'intention était de remplacer la TPS.

Le sénateur Kirby: Je tiens à faire remarquer que, dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, l'essence et le mazout sont déjà assujettis à la taxe de vente provinciale. Dans cette province, à tout le moins, le prix de ces produits va immédiatement diminuer, à raison de presque 5 p. 100.

Le vrai problème, toutefois, sur lequel le sénateur Buchanan s'est éloquemment penché, à mon avis, c'est comment les familles et les particuliers à plus bas revenu vont se débrouiller par suite de l'élargissement de l'assiette de la taxe.

Il importe de souligner que le gouvernement fédéral continuera d'accorder un montant de 2,7 milliards de dollars par année au titre du crédit de TPS aux familles et contribuables à bas revenu admissibles. De plus, la Nouvelle-Écosse a récemment augmenté les avantages prévus par le programme provincial de réduction d'impôt pour contribuables à bas revenu et accordé un allégement fiscal aux familles et particuliers à bas revenu pour leur venir en aide. La Nouvelle-Écosse a également diminué de 2 p. 100 le taux d'impôt personnel, mesure qui entrera en vigueur en juillet.

Dans la même veine, le Nouveau-Brunswick a aussi annoncé qu'il augmentera l'aide aux familles à bas revenu par l'octroi de 20 millions de dollars à une prestation fiscale pour enfants et de 5 millions de dollars à un supplément du revenu gagné.

Honorables sénateurs, en ce qui concerne les questions soulevées par le sénateur Buchanan dans son discours au sujet des effets négatifs que pourrait avoir la taxe harmonisée sur les familles et les particuliers à bas revenu, la réalité, c'est que le gouvernement fédéral et les provinces participantes accorderont un soutien considérable aux personnes qui en ont le plus besoin.

En fait, ce qui importe c'est que, en raison de la réduction du taux de la taxe de vente dans les trois provinces et de la suppression de la taxe de vente provinciale incorporée, ce que j'ai expliqué en détail dans mon discours de lundi soir, la vaste majorité des biens vendus dans ces provinces verront leur prix diminuer. Contrairement à ce qu'a dit le sénateur Buchanan, ce ne sont pas seulement les manteaux de fourrure, les téléviseurs et les voitures de luxe qui diminueront de prix. Le sénateur Buchanan a même dit que le prix d'une coupe de cheveux allait augmenter à cause de l'élargissement de l'assiette de la taxe. Ce qu'il n'a pas dit, et je pense qu'il ne faut pas l'oublier, c'est que le prix d'une coupe de cheveux à Halifax comprend actuellement une taxe incorporée dans les prix des fournitures du salon de coiffure, depuis les ciseaux jusqu'à l'équipement en passant par les shampoings utilisés.

Ces taxes incorporées et cachées vont disparaître sous le régime de la TVH. Il en résultera, ainsi que nombre d'études indépendantes l'ont montré, la plus notable étant celle que le Conseil économique des provinces de l'Atlantique a réalisée récemment, que la plupart des biens et services vendus dans les provinces de l'Atlantique diminueront de prix plutôt que d'augmenter.

Je regrette que madame le sénateur Robertson ne soit pas présente, car je voudrais faire allusion à certains points qu'elle a soulevés. Tant le sénateur Buchanan que le sénateur Robertson ont longuement et éloquemment fait valoir la possibilité de confusion que présente le nouveau régime d'inclusion de la taxe dans les prix.

Contrairement aux sénateurs Buchanan et Robertson, je pense que la population du Canada atlantique est capable de lire des étiquettes sur des bacs ou des tablettes et de comprendre les renseignements donnés sur le prix d'un bien qu'ils s'apprêtent à acheter. Ils peuvent lire et comprendre l'affiche leur disant ce qu'ils devront payer à la caisse. Ce n'est pas compliqué. En fait, c'est beaucoup plus simple que ce qui existe en ce moment. Après l'entrée en vigueur de la taxe de vente harmonisée, le système ne sera pas aussi complexe que le système actuel.

Le sénateur Buchanan a fait allusion à un rapport selon lequel les gouvernements des provinces en cause ont déclaré que les consommateurs voulaient que le prix final soit écrit sur les étiquettes et qu'ils étaient prêts à payer un peu plus cher pour cela. Le sénateur Buchanan a ensuite demandé qui leur avait dit cela, qui avait dit aux gouvernements ce que les consommateurs voulaient. Le sénateur n'a qu'à prendre connaissance du sondage que j'ai déposé mardi à la suite d'une question du sénateur Macdonald. Dans ce sondage effectué il y a trois semaines, les consommateurs nous ont dit clairement qu'ils aimaient l'idée d'avoir le prix final marqué sur un produit lorsqu'ils vont l'acheter. En fait, 80 p. 100 des répondants du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve et au Labrador ont déclaré qu'ils voulaient que la taxe de vente soit incluse dans le prix inscrit sur le produit pour qu'ils sachent automatiquement combien il leur faut payer. Une grande majorité des répondants ont déclaré qu'il devrait être obligatoire d'inclure la taxe dans les prix. D'après eux, les prix incluant les taxes devraient être marqués sur tous les produits, même si cela exige plus de travail de la part des commerçants.

Ce sondage a révélé d'autres faits intéressants et très révélateurs. Soixante-sept pour cent des répondants ont dit qu'ils essayaient de calculer le prix final avant d'arriver à la caisse. Ils se fondent sur le prix indiqué sur le rayon et font des calculs mentaux pour savoir combien ce qu'ils achètent leur coûtera à la caisse. Un même pourcentage ont dit qu'ils étaient désagréablement surpris par la différence entre le prix marqué et le prix à payer.

Le système complexe est le système actuel où la plupart des gens essaient de déterminer combien ce qu'ils achètent leur coûtera et n'y parviennent pas. Ils arrivent à la caisse et y sont désagréablement surpris. Il est évident qu'un tel système est beaucoup plus complexe et beaucoup moins souhaitable qu'un système où le prix marqué inclut toutes les taxes.

J'ai aimé écouter les réflexions des sénateurs Buchanan et Robertson au sujet des risques de confusion chez les consommateurs, mais en fait c'est le système actuel, et non pas le nouveau système, qui est source de confusion.

Je voudrais parler brièvement des chiffres que le sénateur Simard a lancés plus tôt aujourd'hui au sujet de ce qu'il en coûtera aux entreprises pour se conformer au nouveau système de prix incluant la taxe.

Le sénateur Buchanan, citant une déclaration qu'aurait faite le Conseil canadien du commerce de détail il y a plusieurs mois, affirmait que l'application de la taxe de vente harmonisée coûterait 100 millions de dollars à l'industrie canadienne du commerce de détail. J'ai hâte d'entendre les représentants de cet organisme lorsqu'ils comparaîtront devant le comité sénatorial permanent des banques et du commerce, la semaine prochaine, pour leur demander comment le conseil est arrivé à cette conclusion. En fait, honorables sénateurs, il m'apparaît évident que ce montant de 100 millions de dollars a été calculé avant l'entente d'amendement de plusieurs dispositions du projet de loi et avant que n'intervienne l'entente autorisant certains types d'avertissement dans la publicité nationale, l'étiquetage des prix sur les rayons et les caisses, un double système d'étiquetage des prix, etc. Tous ces changements, apportés à la demande du Conseil canadien du commerce de détail et d'autres détaillants au Canada, étaient contenus dans des amendements apportés dans l'autre endroit. C'est pourquoi j'estime, honorables sénateurs, que le montant de 100 millions de dollars, qui a été mentionné avant ces changements, est très exagéré.

Je ne conteste pas qu'il y aura des coûts, mais quels qu'ils soient nous devons les placer dans leur véritable contexte. Dans les provinces atlantiques, les entreprises économiseront 2,8 milliards de dollars en taxes au cours des quatre prochaines années grâce à la taxe fédérale-provinciale harmonisée de15 p. 100. De ce point de vue, les 100 millions de dollars, ou sensiblement moins, ne représentent que la demie de 1 p. 100 de la valeur totale des ventes au détail des trois provinces concernées. Les économies découlant de l'harmonisation s'accumuleront d'année en année, mais le coût de la transition au nouveau système ne s'appliquera qu'une seule fois.

w (1600)

Le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, dans une étude dont il est fait état dans un article publié la semaine dernière dans The Globe and Mail, que j'ai cité lundi soir, a examiné cette question et a été très clair dans ses conclusions. Le conseil a très clairement attiré l'attention dans son étude sur un certain nombre de secteurs qui bénéficieraient directement et immédiatement de la taxe de vente harmonisée. Il s'agit notamment du secteur du bâtiment qui, selon le CEPA, est un élément essentiel des dépenses d'investissements. Les autres secteurs dont le CEPA a dit qu'ils y gagneront en vertu du système proposé incluent les secteurs de la publicité et de la promotion, des fournitures de bureau et de laboratoire, des services commerciaux et des finances, des assurances et de l'immobilier, de la fabrication, des mines et des transports. Et la liste continue.

Honorables sénateurs, tous ces secteurs de l'économie ont été examinés par le CEPA. Le CEPA a la réputation d'être une organisation indépendante rarement d'accord avec les mesures fiscales prises par le gouvernement fédéral. Plusieurs d'entre nous ont reçu des groupes de pression du CEPA au fil des ans et savent que le CEPA n'est ni le pantin, ni le jouet du parti au pouvoir. Le rapport du CEPA dresse une longue liste des secteurs de l'économie qui, de toute évidence, vont profiter de la TVH.

Honorables sénateurs, je trouve intéressant que les sénateurs de l'autre côté n'aient rien dit à propos de ces secteurs lorsqu'ils ont débattu de ce projet de loi. En fait, le sénateur Simard, un ancien ministre des Finances distingué du gouvernement du Nouveau-Brunswick, avait l'habitude de faire des discours dans cette Chambre et de citer régulièrement le CEPA. Je l'ai entendu le faire à maintes reprises lorsque les conservateurs étaient au pouvoir et depuis les dernières élections. Or, je remarque que le sénateur Simard, dans le long discours qu'il a fait aujourd'hui, qui a duré bien plus d'une heure, a étrangement passé sous silence l'étude du CEPA sur la TVH. Je suppose que c'est parce que, aux yeux du sénateur Simard, le CEPA n'est une source fiable que quand il donne des informations qui vont dans son sens.

Honorables sénateurs, nous connaissons tous l'importance de ces secteurs pour l'économie des provinces et la création d'emplois dans la région de l'Atlantique. Le sénateur Buchanan a parlé précisément de la nécessité d'examiner la question des emplois dans l'étude de la TVH.

Je regrette que madame le sénateur Robertson ne soit pas ici. Hier, quand elle a pris la parole, j'ai trouvé qu'elle avait dit quelque chose d'étrange. Elle a dit du mal des différentes estimations publiées par les gouvernements de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick quant aux milliers d'emplois que la TVH créerait. Le sénateur Robertson a nettement laissé entendre que c'était catastrophique de laisser deux gouvernements provinciaux publier des études, l'une indiquant la création de 3 000 emplois et l'autre, de 6 000 emplois. Franchement, honorables sénateurs, je ne sais pas si c'est vrai, mais je vais vous dire ce que je vais faire. Je sais que la création d'un nombre d'emplois de cet ordre, même si ce n'est que de 3 000 emplois, dans la région de l'Atlantique, est un avantage économique important.

C'est le genre d'avantage que, normalement, les sénateurs considéreraient comme une contribution très importante à leur économie régionale. Je trouve passablement étrange que le sénateur Robertson ne soit pas d'accord avec ce chiffre. Elle ne contestait pas le chiffre le moins élevé; elle argumentait pour savoir si ce serait le plus élevé ou le plus petit. Elle a clairement admis que la TVH créera un nombre d'emplois appréciable dans la région de l'Atlantique, et je la remercie d'avoir fait cette concession ou d'avoir admis ce fait au cours de son exposé.

Honorables sénateurs, comme vous le voyez, le problème que me pose le fait de venir après le sénateur Simard, c'est que j'ai tendance à faire digression, comme il le fait aussi dans ses discours. Je pourrais discuter en détail des nombreuses autres affirmations et présomptions incorrectes qu'on a formulées. Toutefois, compte tenu de l'heure et du fait qu'on pourra examiner la question en profondeur au cours des deux prochaines semaines, en rencontrant les témoins et en en discutant entre nous, je crois que je vais m'arrêter là, à l'exception d'un point, cependant.

Je dois corriger une remarque du sénateur Buchanan. Je crois qu'il a dit cela parce qu'il n'était pas au courant d'un amendement qui a été présenté à l'autre endroit. Durant son discours de mardi dernier, le sénateur Buchanan a cité divers documents et notamment une lettre qu'il avait reçue de La Maritime Vie et de l'Assomption Vie. Il s'agit d'un document technique décrivant l'impact éventuel de la taxe sur l'industrie de l'assurance-vie. Le sénateur Buchanan n'a pas réalisé que la question soulevée par La Maritime Vie a déjà fait l'objet d'un amendement, qui a été présenté à l'autre endroit et ajouté au projet de loi à l'étude. En fait, le problème exposé par La Maritime Vie a déjà été réglé.

En terminant, honorables sénateurs, je dois dire que j'ai hâte d'entendre les témoins discuter des questions soulevées durant notre débat. À la lumière du débat des derniers jours, c'est certainement un euphémisme de dire que les audiences seront animées. Je serai heureux de me rendre dans la région de l'Atlantique - à Terre-Neuve, au Labrador, en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick - et d'entendre les consommateurs, les gens d'affaires, les organisations caritatives et les fonctionnaires des trois provinces. Une fois les audiences terminées, nous comprendrons la logique qui sous-tend la politique publique des gouvernements en cause. Nous comprendrons pourquoi le Conseil économique des provinces de l'Atlantique est intervenu dans le volet économique de ce dossier. Nous comprendrons pourquoi tous les sondages révèlent que de 66 à 80 p. 100 de la population de la région sont favorables à la TVH, contrairement à ce que les sénateurs d'en face ont affirmé. Je suis convaincu que lorsque nous aurons terminé les deux semaines d'audiences et réuni tous les renseignements de base et toutes les connaissances qui découlent inévitablement des discussions, le comité reviendra au Sénat et n'aura aucun mal à déclarer que ce projet de loi va effectivement réduire les prix, stimuler l'économie des provinces en cause et créer des emplois dans la région. Par conséquent, le comité présentera son rapport qui recommandera, avec l'aval des sénateurs d'en face je l'espère, l'adoption du projet de loi C-70.

[Français]

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, est-ce que le sénateur pourrait répondre aux questions que je lui ai posées au cours de ma présentation cet après-midi? Sans doute que toutes ces questions ne méritent pas l'urgence habituelle mais une question m'intéresse particulièrement. Est-ce que le sénateur Kirby, président du comité des banques et du commerce, a l'appui du gouvernement pour accepter des suggestions et des modifications, de façon à améliorer et bonifier ce projet de loi?

J'aurai une question supplémentaire. Si ce n'est qu'une charade, je n'ai pas le goût d'y participer. Si le président du comité parle au nom de ses membres et, ayant l'appui de son gouvernement, nous dit que le comité accepte de considérer des modifications, j'aimerais l'entendre.

[Traduction]

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je ne pense pas que je sois dans une position où je puisse parler pour mes collègues. Je voudrais toutefois préciser que ces audiences ne sont en aucun cas de la frime. Je voudrais rappeler deux exemples au sénateur Simard, le premier étant le projet de loi C-5 sur les faillites.

Le projet de loi C-5 a été étudié ici au cours des deux dernières semaines. Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a fait 10 propositions d'amendement. Ces amendements ont été adoptés par le Sénat et le projet de loi a été renvoyé à l'autre endroit.

(1610)

L'autre exemple est celui que l'on a appelé «le projet de loi de Sports Illustrated». Je ne me souviens pas de son titre exact, mais le comité des banques a également proposé un amendement à ce projet qui a, malheureusement, à mon avis, été rejeté par cette Chambre.

Compte tenu de l'histoire du comité sénatorial permanent des banques et du commerce et de sa bonne disposition envers les observations qui sont présentées aux audiences, les deux exemples que j'ai cités, qui se sont produits dans l'année écoulée, viennent immédiatement à l'esprit. Le travail du comité est inattaquable, c'est un comité qui prend les audiences au sérieux et qui, par le passé, a répondu aux observations qui lui étaient faites.

[Français]

Le sénateur Simard: Je suis bien content.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, nous assistons quasiment à un débat.

Le sénateur Simard: La procédure permet quelques questions.

Le sénateur Robichaud: Ce ne sont pas des questions, ce sont des discours.

[Traduction]

L'honorable Eymard G. Corbin: J'invoque le Règlement. Avant que la parole ne soit accordée au sénateur Kirby, Votre Honneur a clairement informé la Chambre que, si le sénateur Kirby prenait alors la parole, cela aurait pour effet de clôre le débat. Or, nous engageons actuellement dans un débat.

Le sénateur Kirby: Non, une question.

Le sénateur Corbin: Cette question peut faire l'objet d'un débat. Nous sommes actuellement engagés dans un débat, et je demanderais à Votre Honneur de rendre une décision.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avant qu'une décision ne soit rendue, nous pourrions débattre du rappel au Règlement.

Le sénateur Corbin: Je ne veux pas me montrer difficile, mais je trouve que c'est abuser du Règlement.

Le sénateur Simard: Je pose ma question intégrale dans le cadre de mon discours.

Le sénateur Corbin: Vous vous lancez dans un débat.

Le sénateur Simard: Je pose ma question intégrale.

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs...

Son Honneur le Président suppléant: À l'ordre, s'il vous plaît. Le sénateur Simard a la parole.

[Français]

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, je suis très heureux de la réponse partielle du sénateur Kirby. J'ai été membre du comité jusqu'à tout récemment.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant: Le sénateur Simard a pris la parole en réponse au rappel au Règlement du sénateur Corbin. S'il veut poser une deuxième question, maintenant que la permission est accordée pour le première question, je dois demander à la Chambre si elle consent unanimement à ce qu'une deuxième question soit posée, une fois que le débat sera clos.

Des voix: D'accord.

[Français]

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, je suis bien au courant de la générosité des membres du comité des banques et du commerce, j'y ai siégé pendant 10 ans.

Le sénateur Robichaud: Posez votre question.

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, ma question supplémentaire est celle-ci: compte tenu de la date butoir du 1er avril - et Dieu sait également que c'est un argument d'urgence, le temps qui nous presse - le président du comité pourrait-il nous dire, si des amendements au projet de loi étaient acceptés, s'il y aurait suffisamment de temps pour l'adoption du projet de loi à la Chambre? C'est ma question, oui ou non?

[Traduction]

Le sénateur Kirby: Sénateur Simard, vous me demandez de répondre. En toute justice, j'ai essayé de vous donner une réponse complète et honnête à votre première question. Dans votre seconde question, vous me demandez de traiter d'une situation théorique basée sur l'hypothèse qu'il y aura des amendements. J'ignore la nature de ces amendements, je ne sais pas non plus combien de temps il faudra pour les apporter. Je ne vais pas faire de conjectures sur la durée du processus.

Comme le sénateur Simard le sait, j'ai essayé de répondre le plus complètement possible à ses questions et je comprends pourquoi il a posé cette question. Cependant, il s'agit clairement d'une question théorique et le sénateur Simard savait que je ne pourrais y répondre.

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby, appuyé par le sénateur Moore, propose: Que le projet de loi C-70 soit lu une deuxième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le sénateur Lynch-Staunton: Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, quand le projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

L'honorable sénateur Michael Kirby: Honorables sénateurs, avant que je ne propose que le projet de loi soit renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce, je souhaite formuler quelques observations.

Un certain nombre d'honorables sénateurs associés au comité comprennent que le comité a accepté de prévoir des audiences. Pour la gouverne du Sénat, je tiens à préciser la date, l'heure et l'endroit où se tiendront ces audiences. Le comité siégera la semaine prochaine, à compter de 9 heures, mardi prochain, à Ottawa, pour entendre des témoins de tout le pays. La semaine suivante, la semaine du 3 mars, il passera toute la semaine dans les trois provinces de l'Atlantique qui adhèrent à la TVH.

Le comité reviendra à Ottawa le 10 mars pour entendre ses derniers témoins et pour procéder à l'étude article par article dans l'intention de présenter son rapport au Sénat soit le soir du 10 mars, si le Sénat siège à ce moment-là, soit le lendemain,le mardi le 11 mars.

Le comité a accepté qu'on télédiffuse ses travaux. Du moins, nous avons décidé de demander à la chaîne parlementaire de le faire. Le comité a également accepté que des gens viennent à la fin des audiences de la journée présenter, de façon informelle, pendant cinq minutes, des instances qui ne seront suivies d'aucune observation ni question des sénateurs.

La principale chose que doivent comprendre les honorables sénateurs, c'est qu'il y aura une série intensive d'audiences durant toute la journée à Ottawa, la semaine prochaine, et qu'il en ira de même la semaine suivante dans les provinces atlantiques.

[Français]

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs, le sénateur Kirby nous informe qu'il avait invité le réseau CPAC à téléviser les débats. Est-ce que l'invitation comprend la télédiffusion des réunions qui auront lieu dans les provinces de l'Atlantique?

[Traduction]

Le sénateur Kirby: Oui, absolument.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Le président du comité pourrait-il nous dire quand le ministre des Finances comparaîtra devant ce comité?

Le sénateur Kirby: Je ne connais pas encore la réponse précise à cette question, sénateur. On m'a demandé d'essayer de persuader M. Martin de comparaître. Je fais tout mon possible pour qu'il comparaisse comme dernier témoin dans la matinée du 10 mars. Quoi qu'il en soit, j'aurai une réponse à ce sujet plus tard.

Malheureusement, comme vous pouvez le comprendre, le ministre est actuellement en voyage dans tout le pays. J'aurai une réponse au début de la semaine prochaine. Je suis optimiste qu'il comparaîtra, mais je ne peux pas le confirmer à 100 p. 100. Cependant, je le saurai d'une manière précise, dans un sens ou dans l'autre, au début de la semaine prochaine et le laisserai savoir à votre bureau.

[Français]

Le sénateur Simard: Honorables sénateurs, je sais que lors des travaux des comités qui ont voyagé ainsi que lors de certaines séances de comités à Ottawa, le comité a permis à des individus, venant de la rue, de se faire entendre. On leur donnait à peu près cinq ou dix minutes pour exprimer leur avis. Est-ce que vous favorisez cette pratique? Est-ce que vous proposez de lancer une invitation, par l'entremise de publicité dans les journaux et à la radio pour faire connaître à la population que les personnes qui veulent se présenter sont les bienvenues?

[Traduction]

Le sénateur Kirby: Honorables sénateurs, je pensais avoir répondu à la première question lorsque j'ai décrit le processus d'audiences. J'ai dit explicitement que des comparutions de cinq minutes, sans invitation, qui sont une tradition dans divers comités sénatoriaux, seront autorisées.

L'honorable sénateur demande si de la publicité sera faite. Le comité a convenu que le greffier et le personnel du comité déploieront tous les efforts possibles pour faire de la publicité dans la région afin que les gens sachent que les audiences auront lieu.

Tout cela n'a été décidé que tard hier. Nous avons l'intention d'aviser les médias dans ces provinces.

Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Sur la motion du sénateur Kirby, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

La Situation des arts au Canada

Interpellation-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Johnson, attirant l'attention du Sénat sur la situation des arts au Canada.-(L'honorable sénateur Pearson).

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, j'interviens brièvement aujourd'hui pour appuyer lesénateur Johnson qui invite le Sénat à se pencher sur la situation des arts au Canada.

Je m'intéresse tout particulièrement à la situation des arts chez les enfants et au rôle essentiel que jouent les institutions culturelles financées par le secteur public, afin de garantir qu'on les encourage et les préserve. En tant que fille, soeur, tante et mère de peintres, de poètes et d'écrivains, je me suis toujours intéressée vivement aux arts et j'apprécie pleinement leur rôle dans l'évolution de l'imaginaire et l'enrichissement de l'esprit. Le nadir absolu de la période soviétique, les années de grande purge, a inclus l'interdiction temporaire des contes de fée, une tentative concertée par l'État soviétique pour étouffer la liberté de l'imagination et faire de tous les enfants des consommateurs passifs des produits du réalisme soviétique. Heureusement, l'Oiseau de feu, la Fée des neiges et Baba yaga ne sont pas disparus dans les goulags et sont restés, magnifiquement illustrés, dans des millions de livres gardés dans des bibliothèques privées disséminées aux quatre coins de ce vaste pays, aidant à préserver l'âme russe.

L'âme canadienne est moins menacée par le goulag que par les divertissements frivoles et vides qui ont la cote partout dans le monde, cette réalité commerciale qui risque d'être aussi néfaste que sa contrepartie russe. Je ne suis pas trop pessimiste, parce que les enfants réagissent de façon remarquable à toute magie, même dans les pires circonstances.

Cependant, je ne voudrais pas les pires circonstances pour les enfants canadiens; je vise les meilleures. Je sais que l'appui du gouvernement, sous une forme ou une autre, est indispensable à la survie, la diversité et l'innovation dans les arts, surtout dans les circonstances où le marché domine ce qui est facilement accessible.

Honorables sénateurs, je voudrais vous faire part de cas de réussites canadiennes. Lorsque mes propres enfants étaient petits, le réservoir de livres canadiens pour enfants était vraiment très limité. Cependant, grâce au soutien du Conseil des arts du Canada à l'endroit des éditeurs, des auteurs et des illustrateurs canadiens de livres pour enfants, grâce à des activités de promotion comme les tournées de lecture d'oeuvres par leurs auteurs, la Semaine canadienne du livre pour enfants, le Canadian Children's Book Centre et Communication Jeunesse, et grâce au Prix littéraire du Gouverneur général pour le texte et les illustrations, une littérature nationale pour les enfants en français et en anglais a vu le jour. Maintenant, quand je vais acheter des livres pour mes petits-enfants, écrits par des auteurs canadiens, qui reflètent les valeurs canadiennes et dont l'action se passe au Canada, je suis ébahie par la richesse et la variété de ce que l'on trouve dans ce domaine.

Le Canada excelle maintenant en littérature pour enfants et est considéré comme un chef de file dans le monde pour la qualité de sa production. Cela n'aurait tout simplement pas été possible sans le soutien du Conseil des arts du Canada et d'autres institutions culturelles.

La même chose est vraie dans le domaine du théâtre pour enfants. Il existe maintenant dans tout le Canada plus de 20 compagnies de théâtre pour jeune auditoire, qui créent des oeuvres de qualité durable inspirées d'histoires canadiennes originales. Ainsi, plusieurs milliers d'enfants dans les écoles et les centres communautaires peuvent se reconnaître, eux et leur pays, sur la scène. Le Conseil des arts du Canada soutient ces groupes depuis les années 1970.

Les festivals pour enfants sont un autre élément du panorama artistique qui est apparu depuis que mes enfants étaient jeunes. Des festivals fleurissent à Vancouver, Prince George, Calgary, Edmonton, Saskatoon, Regina, Winnipeg, London, Toronto, Ottawa et Montréal. Les échanges entre ces festivals permettent aux enfants de Vancouver de voir ce qui se fait de mieux à Montréal et vice-versa. Ces festivals sont souvent soutenus par les conseils des arts locaux, avec l'aide de la province où ils se déroulent, et par le Conseil des arts du Canada, par le truchement de son bureau des tournées. Ils sont énormément populaires auprès des enfants et des parents également et regorgent de contenu canadien.

Un soutien est également disponible pour encourager les jeunes musiciens et promouvoir l'appréciation de la musique chez les enfants. Les Jeunesses musicales du Canada organisent plus de 400 spectacles scolaires par année, adaptés à différents niveaux, primaire et secondaire, en anglais et en français, appelés concertino. Ces manifestations bénéficient elles aussi du financement du Conseil des arts du Canada.

Nous devons remercier l'Office national du film d'oeuvres brillantes qui nous ravissent et nous enchantent. Grâce à la technologie vidéo, aux disques compacts et à Internet, ces films rejoindront un auditoire sans cesse plus vaste. Récemment, l'ONF a produit deux séries exceptionnelles sur les droits de l'enfant, Rights from the Heart et Droits au coeur. Ce sont des courts métrages de dessins animés dont chacun porte sur un droit particulier et est produit par un artiste différent. Cette production fait ressortir les étonnantes possibilités de l'animation, non seulement pour l'humour et la narration, mais aussi pour l'appel aux émotions. Auprès de ces séquences, les films de Disney qui envahissent nos écrans paraissent banals et plats.

Honorables sénateurs, j'ai donné ces exemples pour montrer le rôle efficace que les Canadiens ont joué, par l'entremise des organismes culturels qu'ils financent, pour cultiver l'identité canadienne chez les enfants. Mais toutes ces institutions, tant fédérales que provinciales, ont été soumises à des contraintes si rigoureuses ces dernières années, pendant que nous remettions de l'ordre dans nos finances, que nous sommes nombreux à penser que nous sommes peut-être allés trop loin. La seule manière de nous en assurer et de proposer des orientations pour l'avenir, lorsque de nouvelles ressources seront disponibles, c'est d'étudier la situation à fond.

Comment les politiques culturelles ont-elles fonctionné par le passé? Quelles sont celles qui ont été efficaces ou stériles? Quelle est la situation actuelle des arts et des artistes de tous âges? Que devrions-nous proposer pour garantir au Canada et à tous les Canadiens une vie culturelle dynamique, originale et riche? Nous devons trouver des réponses à ces questions. Nos enfants ne méritent pas moins que cela.

(Sur la motion du sénateur Spivak, le débat est ajourné.)

 

La pauvreté au Canada

Interpellation-ajournement du débat

L'honorable Erminie J. Cohen, ayant donné avis le 12 février 1997:

Qu'elle attirera l'attention du Sénat sur le rapport intitulé: «La pauvreté au Canada: le point critique».

- Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd'hui pour vous entretenir du rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique». J'ai l'ai moi-même rédigé avec Angela Petten, qui se trouve aujourd'hui à la tribune. Je crois qu'il saura intéresser de nombreux Canadiens, tant au Sénat qu'à l'extérieur. Je demande donc la permission de déposer ce rapport.

Son Honneur le Président: Permission accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(1630)

Le sénateur Cohen: Honorables sénateurs, ce rapport a pour but de porter le problème complexe de la pauvreté à l'attention de la population canadienne et du gouvernement, de telle sorte qu'une stratégie globale de lutte contre la pauvreté soit mise au point et appliquée.

Bien que je me suis réjouie de constater que le budget fédéral présenté cette semaine prévoit des mesures bienvenues pour les enfants pauvres et les personnes handicapées, il est clair que le Canada se contente encore d'effleurer le problème. Les solutions fragmentées ne suffisent pas à vraiment faire disparaître pour de bon la pauvreté scandaleuse qu'on trouve au Canada.

Dans un instant, je vais exposer aux honorables sénateurs, les grandes lignes du rapport, mais j'ose espérer que vous prendrez le temps de le lire. D'abord, toutefois, je veux vous faire un bref historique du rapport afin que vous puissiez mieux saisir le contexte et l'esprit dans lesquels je le dépose aujourd'hui.

Le rapport intitulé: «La pauvreté au Canada: le point critique» découle de ma participation, l'été dernier, à un événement qui devait étonnamment constituer un moment clé dans ma compréhension de ce que cela signifie d'être Canadien. «Des voix en action», la conférence du Canada atlantique pour les pauvres, s'est tenue dans ma ville, soit à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. C'était le premier événement du genre à être organisé par les pauvres pour régler leurs problèmes spécifiques. Invité à agir comme présidente honoraire, j'étais là les notes à la main et vraiment fier de passer peut-être pour un «dignitaire» sympathique à la cause des pauvres.

Cette conférence a vraiment changé ma vie et ma perception de la pauvreté, des programmes sociaux et, en fait, du Canada lui-même. Ce que j'y ai vu a profondément changé le contexte dans lequel je voyais mon monde. Comme beaucoup de Canadiens, malheureusement, je ne m'étais jamais arrêté à penser aux pauvres qui vivent autour de moi. Je croyais que les solides programmes sociaux de mon pays assuraient à tous un bon niveau de vie. Toutefois, j'ai été bouleversée d'apprendre que nos programmes sociaux ont été rognés au point où ils n'assurent souvent plus l'essentiel, soit des aliments nutritifs, des vêtements suffisants et un abri sûr et convenable. J'ai été aussi consternée de découvrir que les pauvres sont souvent traités comme des citoyens de deuxième catégorie qui se heurtent à de la discrimination lorsqu'ils veulent louer un appartement, ouvrir un compte de banque et encaisser un chèque du gouvernement.

Les personnes défavorisées qui ont participé à cet événement m'ont émue par la vivacité d'esprit et le courage dont elles ont fait preuve au cours des discussions honnêtes et dignes sur la situation des pauvres au Canada. Bouleversée, mais surtout inspirée par leurs propos, je suis repartie avec un nouveau but précis. J'étais déterminée à joindre ma voix à celles des personnes qui ne peuvent tolérer la pauvreté dans un pays aussi riche que le nôtre. J'étais déterminée à utiliser les ressources à ma disposition, en tant que sénateur, pour aider à sensibiliser les Canadiens et les gouvernements à la véritable situation des pauvres au Canada, de nos jours.

J'ai aussi été inspirée par le travail du regrettésénateur David Croll, dont le dévouement ici-même a véritablement contribué à faire inscrire la question de la pauvreté parmi les questions d'intérêt public. Malheureusement, cette question a depuis longtemps été supplantée par d'autres préoccupations issues des changements rapides qui surviennent dans l'économie canadienne.

On ne s'est guère préoccupé des effets que cette période de bouleversements économiques a sur les plus vulnérables d'entre nous, et le gouvernement fédéral se désengage de plus en plus par rapport à ceux qui sont aux prises avec des difficultés financières. Malheureusement, cela se traduit par un durcissement des positions au Canada à l'égard des pauvres et de leurs difficultés, les pauvres étant maintenant jugés responsables de leurs difficultés économiques. À cause de nos propres peurs et de notre propre vulnérabilité, nous blâmons les victimes au lieu d'examiner objectivement le contexte économique et social plus vaste à l'origine d'une pauvreté davantage généralisée et persistante.

J'espérais, honorables sénateurs, pouvoir sensibiliser les Canadiens au fait que la pauvreté est encore un problème prioritaire et pouvoir ainsi renverser l'opinion publique afin que nous puissions commencer à chercher ensemble des solutions. C'est ainsi qu'a vu le jour le rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique».

Ce rapport présente une vue d'ensemble des aspects les plus importants de la pauvreté durant les années 1990, soulignant les types de changements politiques et économiques qui ont eu les effets les plus préjudiciables sur les pauvres. Il analyse notamment les instruments de mesure de la pauvreté, ceux qui sont considérés comme pauvres, le rôle du marché du travail et l'engagement que le Canada a pris à l'échelle internationale pour lutter contre la pauvreté. Mais surtout, le rapport dresse un portrait des Canadiens qui sont pauvres et de leur famille, des enfants aux aînés. Il étudie les raisons et les conséquences de leur pauvreté, y compris la discrimination et le dénigrement dont les pauvres sont victimes, et il laisse entrevoir un sombre avenir si l'on n'apporte aucun changement prochainement, un avenir où les enfants qui vivent aujourd'hui dans la pauvreté risquent d'être exclus à tout jamais de l'ensemble de la société.

Ce que le rapport ne fait pas, honorables sénateurs, c'est blâmer qui que ce soit. Cela s'explique par le fait que c'est le pays tout entier, et non pas un gouvernement, un parti politique un groupe en particulier, qui est responsable du problème. Le rapport ne propose pas non plus de solutions grandioses aux problèmes des pauvres. Cela s'explique par le fait que, tout comme nous ne pouvons pas blâmer qui que ce soit, les solutions praticables ne peuvent être trouvées par un seul groupe ou une seule personne.

Le rapport intitulé «La pauvreté au Canada: le point critique» ne fait que souligner que le Canada doit avoir la volonté politique d'élaborer une stratégie à long terme qui soit conforme à ses engagements internationaux en matière de lutte contre la pauvreté, et s'engager à le faire. Il fait ressortir que nous avons désespérément besoin d'une vision pour notre pays à l'aube du XXIe siècle. Trop de Canadiens ne croient plus que le gouvernement se préoccupe vraiment de leurs intérêts.

Honorables sénateurs, nous sommes tous fiers du fait que, trois ans d'affilée, le Canada a été considéré par les Nations Unies comme le meilleur pays du monde. Et c'est le cas pour certains Canadiens, voire la majorité d'entre eux. Les Nations Unies utilisent un indice qui se fonde sur des moyennes et se limitent à trois facteurs: l'espérance de vie, les niveaux de scolarité et le revenu par habitant. Étant donné que la majorité de la population canadienne fait partie de la classe moyenne, on peut s'attendre à ce que le Canada soit bien classé. Toutefois, il ne faut pas pécher par complaisance ni oublier les besoins des pauvres, jeunes et vieux, qui sont légion. Après tout, ce n'est pas le fait d'être classé au premier rang qui nous permet de mettre du pain sur la table ni de payer le loyer.

Pensez, par exemple, honorables sénateurs, aux 1,4 million et plus d'enfants qui vivaient dans la pauvreté au Canada en 1995, aux 631 000 Canadiens âgés qui vivaient dans la pauvreté en 1995, aux 24 p. 100 de la population active du Canada qui sont des travailleurs pauvres, aux 60 p. 100 de personnes handicapées qui vivent en dessous du seuil de pauvreté,aux mères célibataires, dont le taux de pauvreté était de56,8 p. 100 en 1995, et aux pauvres des villes qui doivent dépenser jusqu'à 80 p. 100 de leur revenu total uniquement pour se loger.

Gardant ces tristes faits à l'esprit, je voudrais maintenant vous faire part de certaines observations et conclusions clés figurant dans mon rapport. En plus de décrire la triste situation financière de trop de Canadiens, le rapport dont le Sénat est saisi aujourd'hui souligne que la pauvreté empire en raison des compressions fédérales et provinciales des dépenses d'aide sociale. Il fait également ressortir que, les services de santé étant plus populaires que l'aide sociale, on court vraiment le risque que les provinces utilisent leur part du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, qui ne réserve plus de fonds à l'aide sociale, pour soutenir les services de santé au détriment de l'aide sociale.

Honorables sénateurs, ce qui est peut-être le plus important, c'est que «La pauvreté au Canada: le point critique» met en relief le fait que cette grande réalisation qu'est la société canadienne, qui garantit à chacun un revenu dans les moments difficiles, l'accès à l'éducation et des soins médicaux gratuits, est en danger de mort. Le rapport traite aussi du sort des petits salariés, ainsi que des circonstances économiques qui ont poussé beaucoup de travailleurs canadiens dans la classe économique marginale et des forces qui les empêchent d'en sortir.

Le relance économique sans emplois des années 1990 a été marquée par une diminution du nombre d'emplois à plein temps adéquatement rémunérés et par une augmentation du nombre d'emplois à court terme ou d'emplois contractuels mal rémunérés, ainsi que par une augmentation du nombre de travailleurs autonomes, dont beaucoup sont à faible revenu. Est venue s'ajouter à cela une dévaluation importante du salaire minimum fédéral, qui ne représentait que 55 p. 100 du seuil de la pauvreté en 1992.

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Je suis certaine que vous serez d'accord avec moi, honorables sénateurs, pour dire que tous les Canadiens devraient être consternés de voir que des enfants vivent dans la pauvreté dans un pays aussi riche que le nôtre. Cependant, si des changements positifs ne se produisent pas bientôt dans le cadre d'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, cette situation pourrait durer encore pendant des générations, des générations qui seront perdues.

Entre-temps, comme si la pauvreté elle-même n'était pas un fardeau assez lourd à porter, mon rapport fait ressortir le phénomène grandissant du dénigrement des pauvres qui, intensifié par l'hystérie de la dette et du déficit, a malheureusement infecté la société canadienne. Les Canadiens qui dépendent des programmes sociaux sont forcés de se sentir humiliés et méprisés. Le dénigrement des pauvres encourage la discrimination contre les pauvres et leur attribue la responsabilité de leur pauvreté, comme si on pouvait vraiment être pauvre par choix.

Finalement, honorables sénateurs, «La pauvreté au Canada: le point critique» fait ressortir la disparité croissante entre ce que les délégués du Canada signent sur les tribunes internationales et l'absence de résultats réels. Nos législateurs n'ont pas encore fait de la pauvreté une priorité de leurs programmes politiques. Le rapport réclame des mesures contre la pauvreté parce que c'est un impératif national et également parce que le Canada en a l'obligation en vertu des engagements qu'il a pris dans des textes internationaux.

Le Canada a notamment ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 1976. En signant ce pacte, le gouvernement fédéral a reconnu le droit de chaque Canadien à:

[...] un niveau de vie suffisant pour [lui]-même et sa famille, y compris une nourriture, un vêtement et un logement suffisants, ainsi qu'à une amélioration constante de ses conditions d'existence.

Les conditions de vie se sont améliorées pour certains Canadiens, mais il reste que le Canada n'a pas réussi à assurer à ses citoyens les plus démunis un accès à une alimentation, à des vêtements et à un logement décents. En fait, en juin 1993, le comité des Nations Unies sur les droits économiques, sociaux et culturels a publié un rapport qui critiquait sévèrement le Canada pour le manque de progrès dans la mise en oeuvre du pacte.

Honorables sénateurs, à partir de ces constatations troublantes, «La pauvreté au Canada: le point critique» présente quatre recommandations. Il est important de noter qu'aucune de ces recommandations ne nécessite pour le moment de nouvelles dépenses. Tout d'abord, le Sénat devrait exhorter le gouvernement fédéral à respecter les accords internationaux signés par le Canada afin d'améliorer la vie des pauvres

ici et d'élaborer un plan d'action pour enrayer la pauvreté avant la fin de la décennie. Deuxièmement, un comité composé de parlementaires et de citoyens canadiens devrait faire enquête sur le chômage et le sous-emploi et leurs conséquences, compte tenu des réductions dans les transferts sociaux, et présenter son rapport au premier ministre. Troisièmement, les gagne-petit ne devraient pas être assujettis à des impôts trop lourds et le mode de cotisation à la sécurité sociale devrait être restructuré de manière à réduire le fardeau des petits salariés. Enfin, la Loi canadienne sur les droits de la personne devrait être modifiée pour interdire la discrimination fondée sur la situation économique.

Honorables sénateurs, je crois qu'il convient de dire quelques mots sur le moment de parution de mon rapport. Vous savez peut-être que les Nations Unies ont déclaré 1996 Année internationale pour l'élimination de la pauvreté. Si personne ici ne le sait, c'est probablement parce que, malheureusement, cette déclaration a été en grande partie ignorée par les politiciens, les décideurs et la population du Canada.

Honorables sénateurs, il n'est pas trop tard. Les Nations Unies nous ont donné une deuxième chance en déclarant la période allant de 1997 à 2006 la Décennie internationale pour l'élimination de la pauvreté. Je crois que cela nous offre une excellente occasion de mettre l'accent sur la pauvreté pendant assez longtemps pour proposer et mettre en oeuvre des solutions à long terme à ce terrible problème et pour commencer à voir des résultats.

J'espère sincèrement que l'instantané que mon rapport présente de la pauvreté au Canada contribuera à inciter le pouvoir politique à manifester la volonté de s'attaquer à ce fléau. Mon rapport peut aussi servir de point de repère pour la mesure des résultats que nous ferons au cours de la Décennie internationale pour l'élimination de la pauvreté.

À l'occasion de cette décennie internationale, nous devons commencer très tôt à déclarer que notre nation ne peux plus négliger le problème croissant de la pauvreté de ses citoyens ni continuer à se maintenir à la marge du problème en offrant des solutions fragmentaires. Finalement, ça ne serait pas dans l'intérêt du Canada de continuer à se désintéresser des besoins de 20 p. 100 de sa population.

Honorables sénateurs, j'ai décrit l'objectif et le contenu de mon rapport et j'ai expliqué dans quel esprit il avait été conçu et rédigé; j'espère qu'il pourra servir de tremplin à un effort collectif qui sera accompli au nom des Canadiens vivant dans la pauvreté. La Décennie internationale pour l'élimination de la pauvreté a commencé et l'alerte a été donnée. Il est temps que les Canadiens travaillent de concert dans le but de régler véritablement le terrible problème de la pauvreté au Canada.

Des voix: Bravo!

(Sur la motion du sénateur Bosa, le débat est ajourné.)

L'ajournement

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement:

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit au mardi 4 mars 1997, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

(Le Sénat s'ajourne au mardi 4 mars 1997, à 14 heures.)

 


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