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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

2e Session, 35e Législature,
Volume 135, Numéro 78

Le jeudi 6 mars 1997
L'honorable William J. Petten, Président suppléant


LE SÉNAT

Le jeudi 6 mars 1997

La séance est ouverte à 14 heures, le sénateurWilliam J. Petten, Président suppléant, étant au fauteuil.

Prière.

[Français]

 

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La santé

La fermeture de l'Hôpital Montfort d'Ottawa

L'honorable Normand Grimard: Honorables sénateurs, depuis mardi, nous avons eu l'occasion d'entendre des déclarations concernant la recommandation de la Commission de restructuration des services de santé en Ontario, de fermer l'Hôpital Montfort d'Ottawa.

En tant que sénateur qui connaît bien les besoins de nos communautés en région, je demande aux membres de la commission de revenir sur leur décision et de ne pas fermer l'unique hôpital de langue française en Ontario.

[Traduction]

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je vais faire une brève déclaration d'ordre personnel. Je suis né à Montréal, au Royal Victoria Hospital. Ma mère y a été soignée en anglais. Plus tard, mon père est tombé malade et a été hospitalisé au Royal Victoria, où il a été soigné en anglais. Ma marraine et ma grand-mère, qui ont toutes deux vécu à Montréal, ont été hospitalisées à l'Hôpital Général de Montréal, où elles ont été soignées en anglais.

Ici, en Ontario, nous avons un hôpital d'enseignement francophone, que le gouvernement provincial songe à fermer. Je souhaite qu'il ne soit pas fermé, mais j'estime en outre que c'est un combat que nos collègues francophones ne devraient pas avoir à mener. Ce sont les anglophones de la province qui devraient le mener. Nous devrions faire comprendre que nous n'acceptons pas l'idée de fermer l'Hôpital Montfort.

  • (1410)

La Journée internationale de la femme

L'honorable Doris M. Anderson: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans ce dossier parce que le Sénat ne siégera pas le 8 mars, soit la Journée internationale de la femme. Par conséquent, je profite de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui pour rendre hommage aux femmes du Canada et du monde entier.

Au niveau international, les femmes ont fait des progrès remarquables depuis la toute première Journée internationale de la femme qui a été célébrée dans de nombreux pays d'Europe et d'Amérique du Nord le 8 mars 1911. C'est en 1975 que les Nations Unies ont officiellement proclamé le 8 mars la Journée internationale de la femme.

Aujourd'hui, lorsque je regarde les visages de ceux qui siègent au Sénat, je remarque 24 femmes, ce qui représente près du quart des sénateurs, et cela me rappelle les luttes que les femmes ont dû longtemps livrer pour atteindre l'égalité. Cela me rappelle les cinq femmes courageuses qui ont lutté si férocement pour convaincre le Conseil privé d'Angleterre que les femmes étaient, en fait, des personnes aux termes de la loi et qu'elles avaient le droit de siéger au Sénat. Avant la décision prise en 1929, il était interdit aux femmes de siéger au Sénat.

Cela me rappelle aussi les braves suffragettes qui ont lutté si âprement pour obtenir le droit fondamental de voter. Ce n'est qu'en 1918 que les femmes ont obtenu au Canada le droit de voter aux élections fédérales, même si ce droit leur avait été accordé dans certaines provinces depuis déjà un certain temps.

Au fil des ans, les femmes se sont intéressées à la politique, elles ont brigué les suffrages et ont été élues, chaque fois en plus grand nombre, aux assemblées législatives provinciales et au Parlement fédéral. À l'heure actuelle, 53 femmes siègent à la Chambre des communes du Canada.

À l'échelle mondiale, le Canada joue un rôle de premier plan dans la défense des droits de la femme. Le nombre de plus en plus considérable de femmes siégeant dans les assemblées législatives partout au Canada a une certaine incidence sur les lois qui sont adoptées. Ces 25 dernières années, de nettes améliorations ont été apportées aux lois touchant les femmes, la famille ainsi que le bien-être social et économique de l'ensemble de notre pays.

Le Code canadien du travail a été modifié en 1971 dans le but d'interdire la discrimination en milieu de travail fondée sur le sexe et l'état civil et de créer le congé de maternitéde 17 semaines. Quelques années plus tard, la Loi canadienne sur les droits de la personne garantissait l'égalité de rémunération pour un travail d'égale valeur. En 1983, on modifiait la loi pour interdire le harcèlement sexuel et la discrimination fondée sur la grossesse, la situation familiale ou l'état civil. L'année suivante, la Constitution du Canada était modifiée afin de reconnaître le fait que les droits ancestraux et issus de traités étaient garantis tant aux femmes qu'aux hommes autochtones.

Honorables sénateurs, les droits de la femme ont grandement évolué. Il ne faut pas oublier cependant qu'il reste encore beaucoup de travail à accomplir.

 

La Semaine nationale du service social

L'honorable Landon Pearson: Honorables sénateurs, pendant que nous, sénateurs, débattons du cadre législatif dans lequel les Canadiens vivent et travaillent, nous ne devons pas oublier les personnes qui sont sur la ligne de front, celles qui sont directement en contact avec les membres les plus vulnérables de notre société. Je tiens à rendre hommage aujourd'hui, en cette septième Semaine nationale du service social, qui a lieu cette année du 3 au 7 mars, aux plus de 14 000 travailleurs sociaux professionnels de tout le Canada.

La profession de travailleur social vise à aider les particuliers, les familles, les groupes et les collectivités et à leur fournir des moyens. Elle est fondée sur des idéaux humanitaires et égalitaires. Les travailleurs sociaux croient dans la valeur et la dignité intrinsèques de tout être humain et sont acquis aux valeurs que sont l'acceptation et l'autodétermination. Ils se consacrent au bien-être et à l'épanouissement des êtres humains, au développement et à l'utilisation disciplinée des connaissances scientifiques sur le comportement des personnes et des sociétés, au développement des ressources répondant aux besoins et aux aspirations individuels, collectifs, nationaux et internationaux, et à la réalisation de la justice sociale pour tous.

Honorables sénateurs, si j'en juge par les nombreuses allocutions que j'ai entendues ici, je sais que nous nous inquiétons tous pour nos compatriotes qui vivent dans la pauvreté ou qui éprouvent d'autres difficultés. Toutefois, je sais aussi que nous sommes très peu à pouvoir les aider directement. Par conséquent, les travailleurs sociaux deviennent nos mandataires dans bien des endroits, tels les hôpitaux, les services d'aide aux familles, les centres correctionnels, les centres de traitement pour les enfants, les centres pour les personnes âgées, les garderies et les écoles, pour n'en nommer que quelques-uns. Leurs fonctions vont des services directs à la défense de causes, des services mélioratifs aux services préventifs, de l'enseignement à l'analyse de la politique, de la recherche à l'organisation communautaire, et de la planification à l'administration de programmes.

En cette septième Semaine nationale du service social, qui est célébrée chaque année, je rends donc hommage aux dix associations provinciales de travailleurs sociaux du Canada, de même qu'à l'Association canadienne des travailleurs sociaux, porte-parole national de la profession.

[Français]

La santé

LA fermeture de l'Hôpital Montfort d'Ottawa

L'honorable Jean-Maurice Simard: Honorables sénateurs,le 3 juin 1985, je recevais un téléphone du premier ministre, M. Mulroney, me demandant si j'acceptais une nomination au Sénat.

L'honorable Marcel Prud'homme: Vous avez dit non.

Le sénateur Simard: Le premier ministre Mulroney m'avait indiqué que, si je venais au Sénat, cela lui plairait que je m'occupe des minorités en dehors du Nouveau-Brunswick et de tout le Canada.

Je pense que je suis demeuré fidèle à mon engagement d'alors. Dans le même contexte, je suis intervenu hier pour poser une question à la période des questions sur le dossier de l'Hôpital francophone Montfort. Mon engagement envers les minorités, la minorité francophone en particulier remonte à 25 ans.

Dans la même foulée, suite à mon engagement du 3 juin 1985, je suis d'accord pour que tous les moyens soient pris, pour que toutes les considérations soient données afin de préserver le seul hôpital francophone en Ontario. Je profite de l'occasion pour dire que, même si je sais, même si tous nos collègues le savent aussi, la santé est du domaine provincial, de compètence provinciale. Cependant, mon interprétation de la loi fondamentale au pays confère une obligation des responsabilités au Parlement du Canada.

Certainement, elle confère une autorité, une obligation au gouvernement fédéral. Cette obligation est de protéger et de promouvoir les minorités lorsqu'elles sont menacées.

Pour conclure au sujet de l'Hôpital Montfort, je rappelle au gouvernement qu'il a l'obligation en vertu de la Charte, de la Constitution canadienne, de ne pas s'en laver les mains vu que ce dossier est du domaine provincial.

Dans le passé, lorsque les minorités étaient en danger dans certaines provinces, les gouvernements successifs sont intervenus et ont créé des programmes pour venir en aide à ces minorités. J'aimerais que le gouvernement Chrétien ne se lave pas les mains de ce dossier et qu'il puisse intervenir si le gouvernement provincial de l'Ontario allait s'apprêter à fermer cet hôpital francophone. J'espère que le gouvernement fera ses devoirs.

[Traduction]

Son Honneur le Président suppléant: Honorables sénateurs, je regrette d'interrompre le sénateur Simard, mais son temps de parole est expiré. La permission est-elle accordée pour que le sénateur puisse continuer?

Des voix: D'accord.

 

  • (1420)
[Français]

Le sénateur Simard: Je rappelle au gouvernement l'obligation constitutionnelle conférée par la Loi constitutionnelle du pays de ne pas se laver les mains de ce dossier et d'assumer sa responsabilité entière, de façon à ce que la minorité francophone de l'Outaouais puisse recevoir à l'Hôpital Montfort ou à d'autres institutions des soins de santé dans sa langue.

[Traduction]

L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, mardi et mercredi, j'ai fait connaître mon intention de prendre part à ce débat. Étant donné qu'un grand nombre de sénateurs semblent avoir la même intention, je me contenterai de faire seulement deux observations aujourd'hui, et je le ferai intentionnellement en anglais.

Hier, un sénateur a tenu des propos sur lesquels j'aurais bien voulu intervenir, mais, pour le bien de l'unité du pays, j'ai décidé de m'abstenir et de me tenir coi pour un certain temps.

Je voudrais maintenant exposer le sujet de la discussion d'hier aux sénateurs, mais dans une optique inverse. Certains de ces sénateurs sont présents, mais je ne vais pas les regarder ni embarrasser qui que ce soit. Je n'ai pas de raison de demander: «Pourquoi ne parlez-vous pas les deux langues?» Cela ne me regarde pas. Je n'oserai jamais dire une telle chose à un autre sénateur. Je me contenterais de demander: «Comment vous sentez-vous?»

Nous approchons tous de l'âge où nous pourrions devoir aller à l'hôpital de toute urgence. Comment vous sentiriez-vous si, en arrivant à l'hôpital, vous disiez au personnel «Oh, it is painful, painful», mais que l'on vous réponde, dans une langue qui n'est pas la vôtre, «Pardon, je ne comprends pas, je m'excuse, voulez-vous expliquer s'il vous plaît, quel est votre symptôme? Qu'est-ce qui ne marche pas?»

Je suis d'avis que - et je vais choisir mes mots avec soin - certains d'entre vous diraient: «What the hell is going on in this country of ours?» Certains d'entre vous le feraient. Nous ne disons pas que l'Hôpital Montfort est unilingue français.

J'ai consacré ma vie à cette question. Le sénateur Fairbairn sait que j'ai changé d'avis. J'ai pris la parole dans son district en Alberta et j'ai rencontré certains de ses amis il ya 30 ans. Je ne demande pas l'unilinguisme, ni français ni anglais, mais que l'on comprenne les deux langues. Je demande aux sénateurs de se mettre à la place des gens qui ont construit cet établissement pour que les gens soient plus à l'aise dans un hôpital. Il n'y a qu'un seul hôpital bilingue en Ontario.

Deux sénateurs m'ont acculé au pied du mur, de sorte que j'irai visiter l'Hôpital Montfort la semaine prochaine. Je veux voir si un unilingue anglais peut se faire servir. On m'a dit qu'aucune infirmière refusera de parler anglais à un unilingue anglais. Voilà le genre de débat que, dans tout notre sagesse, nous pourrions avoir au Sénat sur cette question.

[Français]

La sagesse d'un sénateur, pour moi, c'est celle d'un homme ou d'une femme de réflexion, qui non seulement peut voir et trouver une solution à un problème, mais peut prévoir qu'un problème va prendre de l'ampleur.

[Traduction]

La décision appartient à chacun de nous. Est-ce là un problème grave qui mérite notre attention? Sans imposer mon point de vue à quiconque, j'en suis venu à la conclusion qu'il s'agit effectivement d'un problème grave en raison de ses répercussions, du sort réservé à ceux qui souffrent et des nombreuses personnes qui utilisent ce service. Je pense que nous, en tant que sénateurs, devrions approfondir notre réflexion à ce sujet, individuellement, collectivement, en tant que groupe, en tant que parti ou en tant que région. C'est un problème grave sur lequel nous devons nous pencher.

L'honorable Sharon Carstairs: Honorables sénateurs, la fermeture de l'Hôpital Montfort aura des répercussions bien au-delà de cette ville et de cette province. Je suis certaine que bon nombre d'entre vous seront étonnés d'apprendre que des étudiants du Manitoba seront touchés par cette décision. Le Collège universitaire de St-Boniface, le collège français...

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Lorsque le Collège militaire de Saint-Jean a été fermé, vous ne vous êtes pas portée à sa défense et c'était la seule institution militaire française de notre pays. Tout le monde en face est resté muet.

Parce qu'il y a des élections dans l'air, vous voulez maintenant...

[Français]

...faire de la vitesse politique sur l'Hôpital Montfort, allons-y et aidons-les.

[Traduction]

J'en ai assez de tout cela.

Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je n'étais pas sénateur lorsque le Collège militaire de Saint-Jean a été fermé. Cependant, je ne crains aucune comparaison pour ce qui est de ma fiche dans la défense des droits linguistiques des francophones au Manitoba.

Le Collège universitaire de St-Boniface, un collège d'arts libéraux francophone de Winnipeg qui donne des cours de quatre ans, était en pleine négociation avec l'Hôpital Montfort. Ces négociations visaient à mettre sur pied un programme de stages en français en milieu hospitalier pour les étudiants en sciences du collège. Inutile de dire que ces négociations ont été suspendues.

À une certaine époque, les étudiants auraient pu faire leur stage à l'Hôpital de St-Boniface, au Manitoba, mais depuis que cet établissement sert toute la ville de Winnipeg et a élargi la gamme des services qu'il offre, il accorde beaucoup moins d'importance aux services en français.

Je crains que la même chose n'arrive à l'Hôpital Général d'Ottawa. Il est vrai que beaucoup d'employés de cet hôpital parlent français, mais on peut douter qu'un patient francophone puisse avoir accès à des services en français en tout temps. C'est un aspect dont notre collègue, le sénateur Jean-Robert Gauthier, a parlé dans de récentes déclarations.

Il est évident que, en ce moment, on ne peut pas avoir les services en français en tout temps à l'Hôpital St-Boniface de Winnipeg. Il est vrai que le français est plus répandu à Ottawa. Il est rare d'entendre parler français à Winnipeg. D'ailleurs, les francophones de ma ville sont si sensibles qu'ils passent presque immédiatement à l'anglais lorsqu'un anglophone apparaît dans le portrait, même si leur conversation ne le concerne pas le moins du monde.

Il est compréhensible qu'il y ait plus de francophones à Ottawa et que, par conséquent, il soit plus nécessaire de fournir les services en français. Mais combien de temps ces services seront-ils fournis si nous ne les protégeons pas? Les deux services les plus importants sont incontestablement l'éducation, qui est garantie dans la Constitution, et les services de santé, dont ont besoin les citoyens lorsqu'ils sont le plus vulnérable.

Ceux d'entre vous qui ont essayé d'obtenir des soins de santé - et je pense au sénateur Prud'homme ici - dans une langue étrangère pendant qu'ils étaient à l'étranger savent à quel point cela peut être difficile. J'étais à Mexico avec mon mari peu après notre mariage et, lorsque sa température a commencé à monter et a dépassé les 103 degrés, j'ai cherché désespérément quelqu'un qui parlait anglais pour obtenir les soins nécessaires. C'était extrêmement difficile.

 

  • (1430)
Honorables sénateurs, il y a un seul hôpital qui dessert les patients francophones en Ontario. Il y a un seul hôpital où les cours se donnent en français à l'ouest de la frontière du Québec. Les francophones hors Québec méritent certainement qu'on leur offre ce petit service. J'ai une résidence à Ottawa. Je paie des impôts fonciers à Ottawa. Je paie la taxe de vente provinciale en Ontario. Je voudrais bien que mon argent serve à appuyer cet hôpital.

 


AFFAIRES COURANTES

L'ajournement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à lundi prochain, le 10 mars 1997, à 20 heures.

Son Honneur le Président suppléant: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 


PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

La suppression par le Conseil privé d'un document
déposé dans un procès-La position du gouvernement

L'honorable Michel Cogger: Honorables sénateurs, ma question n'a rien à voir avec l'honorable Mitchell Sharp. Je suis de bonne humeur.

Un problème touchant une action en justice a été portée à mon attention et j'aimerais en informer le leader du gouvernement au Sénat, car la situation prend une tournure de plus en plus étrange.

Les honorables sénateurs se rappelleront peut-être qu'un agent de la GRC qui réside au Québec a récemment été élu maire d'une petite municipalité. Suite à son élection, il a fait l'objet d'une suspension sans traitement à cause d'une obscure règle de la GRC. Il paraît qu'un agent de la GRC ne peut pas être en même temps au service d'une municipalité.

En tout cas, l'agent a intenté une action en justice, qui est en instance devant la Cour fédérale, afin d'être réintégré dans ses fonctions. Il a déposé des documents ainsi que des règles et règlements concernant la GRC. Jusque là, tout va bien. Le tribunal examinera tôt ou tard toute la question.

Ce qui est étrange, c'est qu'environ un an après le dépôt de ces documents, la greffière du Conseil privé, Mme Bourgon, a présenté une requête à la Cour pour empêcher le dépôt des documents ou pour mettre tout le dossier sous scellés. Voilà une mesure pour le moins très étrange. Toutefois, la greffière est habilitée à faire cela en vertu de la Loi sur la preuve au Canada. Le juge Marc Noël a ainsi statué la semaine dernière. Dans sa décision, il fait remarquer à la greffière du Conseil privé que les documents dont elle veut empêcher la divulgation étaient déjà du domaine public depuis au moins un an.

Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement pourrait-elle demander des explications à Mme Bourgon à ce sujet?

À défaut d'une explication convaincante, je crois que toute cette affaire n'est rien de plus qu'une tentative d'empêcher un citoyen d'avoir recours à la justice. Autrement dit, on peut difficilement soutenir qu'un document ne peut pas être rendu accessible au public parce qu'il appartient au Conseil privé et qu'il est d'une importance telle pour le gouvernement canadien et la Couronne que son contenu ne peut être divulgué, alors que ce même document avait déjà été produit en justice et qu'il était par conséquent du domaine public pendant toute une année. N'importe qui aurait pu le consulter s'il le voulait.

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai parlé aujourd'hui à M. Mitchell Sharp. Il se porte très bien et m'a priée de transmettre ses salutations à nous tous. C'est un homme très spécial.

Je dois cependant dire à l'honorable sénateur que je ne suis pas très au courant de la question qu'il vient de soulever. Je serai cependant heureuse d'en discuter avec la greffière du Conseil privé pour obtenir des explications.

Le sénateur Cogger: Madame le leader du gouvernement aimerait-elle que je lui fasse parvenir une copie de la décision du tribunal?

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, j'en serais reconnaissante à mon collègue.

Le sénateur Cogger: Je le ferai donc et je vous prie de faire parvenir mes salutations à M. Sharp.

Le sénateur Fairbairn: Je serai heureuse de le faire.

 

L'agriculture

Les retards dans le transport ferroviaire
du grain à destination de la côte ouest-
Demande de rapport sur l'état de la situation

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Quelles mesures ont été prises au sujet de l'acheminement du grain vers la côte ouest? Y a-t-il du nouveau à signaler sur l'état de la situation? La situation s'améliore-t-elle?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, la situation s'est améliorée depuis les échanges que nous avons eus à ce sujet à la suite de la rencontre qu'a eue le ministre de l'Agriculture avec les personnes concernées il y a environ trois semaines. Je pense qu'il se mettra en rapport demain avec ces personnes pour faire le point des progrès qui ont été faits.

Mon collègue sait peut-être que des efforts considérables ont été faits dans les Prairies pour accélérer l'acheminement du grain. Les compagnies de chemins de fer ont ajouté du matériel supplémentaire. Des efforts ont été également faits pour que les silos terminus restent ouverts sept jours sur sept de façon à pouvoir procéder au déchargement et au chargement le plus rapidement possible et à renvoyer le matériel roulant dans le système. Des efforts ont aussi été faits dans certains cas pour transporter le grain par camion au sud afin qu'il soit acheminé à nos clients en Amérique latine et ailleurs.

Honorables sénateurs, j'ai parlé hier de cette question au ministre de l'Agriculture. Il y a encore énormément à faire. Le ministre pense que chacun fait actuellement son maximum pour faire bouger les choses et il en aura la confirmation demain lorsqu'il parlera aux personnes qu'il a rencontrées il y a environ trois semaines. C'est ce qui est fait dans l'immédiat. Mais le ministre a des plans à long terme. Il pense qu'il aura la coopération de tous les autres intéressés.

Honorables sénateurs, le principal est qu'il y a eu des progrès. Ce n'est pas suffisant, mais nous travaillons très fort à redresser la situation.

Le sénateur Gustafson: Beaucoup d'agriculteurs et, plus particulièrement, la Fédération canadienne de l'agriculture, redoutent que cette situation ne se reproduise, comme cela semble être le cas chaque année. Ils craignent aussi que la non-utilisation des lignes secondaires est un présage de leur fermeture, de sorte que les producteurs n'auront ultérieurement d'autre solution que de transporter le grain par camion aux lignes principales.

 

  • (1440)
Honorables sénateurs, je veux que vous sachiez que la situation nous préoccupe beaucoup. Et je pense qu'elle le devrait. Espérons que le ministre prendra des mesures qui changeront les choses pour les années à venir.

Le sénateur Fairbairn: Honorables sénateurs, je suis d'accord avec mon collègue. Je sais que le ministre de l'Agriculture sera ravi prendre connaissance de ses remarques et de toute autre suggestion qu'il pourrait faire.

 

La santé

La hausse de l'incidence du cancer du poumon
chez les femmes-La position du gouvernement

L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, madame le leader du gouvernement au Sénat sait sûrement que le rapport annuel de l'Institut national du cancer au Canada, présentant les dernières statistiques, tant bonnes que mauvaises, sur le cancer, a été distribué ce matin.

Nous avons appris ce matin aux nouvelles que, même si, globalement, le taux d'incidence de l'ensemble des cancers a baissé depuis environ un an, le cancer du poumon chez les femmes est quatre fois plus fréquent qu'en 1970. Nous devons en conclure que la stratégie et les mesures de lutte contre le cancer au cours des 10, 20 ou 30 dernières années, au Canada, n'ont pas été efficaces dans le cas du cancer du poumon. Nous savons que la cause de certains types de cancer du poumon est la cigarette. La plupart des cas de cancer du poumon se rencontrent chez ceux qui fument plus de 10 à 20 cigarettes par jour pendant deux ans ou plus. L'inhalation de nicotine crée une dépendance. En outre, la fumée de cigarette contient environ 3 000 formes de goudron toxiques, dont 50 au moins sont cancérigènes.

Malheureusement, le projet de loi C-71, le fait saillant de cette année ainsi que de l'année dernière dans le cadre de la stratégie gouvernementale pour lutter contre le tabagisme, ne prévoit rien de direct ou d'explicite pour lutter contre la cause du cancer du poumon, c'est-à-dire le tabagisme et, en particulier, la forte teneur des cigarettes en goudron et en nicotine.

La ministre peut-elle dire à la Chambre si nous pouvons nous attendre, au cours de la présente session ou tôt dans la prochaine après les élections, à ce que le gouvernement adopte une autre mesure législative qui s'attaquerait directement à la cause du pire fléau au Canada, parmi les drames évitables, soit le cancer du poumon dû au tabagisme?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je remercie mon collègue de sa question. Je sais que ce rapport a été publié ce matin, mais je n'ai pas eu la chance de le lire.

J'ai écouté avec un certain soulagement et une certaine ironie les statistiques qui nous font remonter à l'année 1970. C'est vers cette époque que j'ai cessé de fumer mes deux paquets de Buckingham par jour. Si j'avais continué au même train, je ne crois pas que je serais ici aujourd'hui. Un certain nombre de mes amis et collègues de la tribune de la presse parlementaire, qui avaient des habitudes semblables à l'époque, sont morts, comme Marjory Nichols, tandis que d'autres ont terriblement souffert. Je suis heureuse que mon collègue ait soulevé la question aujourd'hui. Il convenait de le faire et de souligner une fois de plus les préoccupations engendrées par cette tragédie évitable.

Nous sommes sur le point d'être saisis du projet deloi C-71 qui traite de la fabrication et de la vente des produits du tabac. Nous en serons probablement saisis lundi soir. Pour l'instant, je ne peux pas dire au sénateur si l'on peut s'attendre à ce qu'une autre mesure soit présentée sur cette question au cours de la présente session, mais je transmettrai personnellement les préoccupations du sénateur au ministre de la Santé.

 

Le projet de loi sur les restrictions relatives aux
produits du tabac-Son état d'avancement-
La position du gouvernement

L'honorable Stanley Haidasz: Honorables sénateurs, j'aimerais également attirer votre attention sur l'impatience que j'éprouve quand je ne vois aucun projet de loi qui s'attaque à une cause précise du cancer, à savoir la consommation de cigarettes et plus particulièrement leur teneur en nicotine et en goudron quand elles brûlent. C'est ce qui m'a poussé l'an dernier, en désespoir de cause, à présenter un projet de loi privé, le projet de loi S-5, qui a été approuvé en principe. Ce projet de loi a été lu une deuxième fois et en est maintenant à l'étape de l'étude en comité. Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire si le projet de loi S-5 a la moindre chance d'être adopté par le Sénat avant la fin de la session?

L'honorable Joyce Fairbairn (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je regrette de ne pouvoir répondre à la question de mon honorable collègue. Dans une grande mesure, c'est une décision qui dépend du comité qui est en train de l'étudier. L'autre chose que je ne peux pas lui dire c'est combien de temps va durer la session. Par conséquent, je suis dans l'impossibilité de prévoir ce qui va se passer.

En tout cas, l'objet du projet de loi de mon collègue est bien connu et je vais une fois de plus communiquer au ministre de la Santé les préoccupations qu'il ne cesse de mettre de l'avant avec grande sincérité et à juste titre.

 

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai les réponses aux questions posées au Sénat le 16 décembre 1996 par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, concernant les affaires intergouvernementales, les futurs accords sur le développement du marché du travail et l'assurance que les services seront offerts aux anglophones Québec, et le 11 février 1997 par l'honorable sénateur Spivak, concernant la vente de réacteurs CANDU à la Chine.

J'aimerais aussi déposer les réponses à plusieurs questions écrites: numéro 28 de l'honorable sénateur Forrestall, numéro 144 de l'honorable sénateur Comeau, et numéro 153 de l'honorable sénateur Spivak.

 

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

Les futurs accords sur le développement du marché
du travail-l'assurance que les services seront
offerts aux anglophones DU QUÉBEC-
LA POSITION DU GOUVERNEMENT

(Réponse à la question posée par l'honorableJohn Lynch-Staunton, le 16 décembre 1996)

Le gouvernement fédéral s'est engagé dans La Loi sur l'assurance-emploi à offrir les prestations et mesures d'emploi dans l'une ou l'autre des langues officielles là où l'importance de la demande le justifie.

Cela ne veut pas dire que la loi fédérale s'applique. Cela signifie que nous allons:

-négocier avec chaque province/territoire un engagement qui respecte cette ligne directrice; et

-assurer que les services dans les deux langues sont offerts là où il y a une demande importante.

La position du gouvernement du Canada sur cette question est très claire: le respect de la disposition sur les langues officielles sera intégral.

Les ententes conclues avec l'Alberta et le Nouveau-Brunswick respectent entièrement les exigences de la Loi sur l'assurance-emploi tout en reflétant les conditions particulières de chaque province.

Nous sommes convaincus qu'il en sera de même avec le Québec.

 

ÉNERGIE ATOMIQUE DU CANADA

La vente de réacteurs CANDU à la Chine-
La poursuite des négociations entre les deux parties-
La position du gouvernement

(Réponse à la question posée par l'honorable Mira Spivak,le 11 février 1997)

Le 26 novembre 1996, le premier ministre Chrétien et le premier ministre chinois, Li Peng, ont assisté à la signature officielle de contrats entre Énergie atomique du Canada limitée (EACL) et la China National Nuclear Corporation (CNNC) pour la vente de deux réacteurs CANDU à la Chine. Ces contrats ont été signés par les présidents d'EACL et de la CNNC.

Une fois un contrat signé, certaines conditions doivent être remplies avant que le contrat entre officiellement en vigueur. C'est la procédure normale. Dans ce cas-ci, les accords de prêt, qui ne peuvent être finalisés avant la signature des contrats commerciaux, devaient encore être négociés entre la Société pour l'expansion des exportations (le prêteur) et la State Development Bank of China (l'emprunteur). Les modalités des prêts sont conformes aux règles de consensus de l'OCDE.

Toutes les conditions nécessaires à l'entrée en vigueur des contrats ont maintenant été remplies. Les parties (EACL et la CNNC) ont échangé des lettres déclarant que les contrats sont officiellement en vigueur, et le travail a commencé.

On s'attend à ce que plus de 100 entreprises canadiennes reçoivent des contrats de biens et de services pour la construction des deux unités en Chine. Lesprojets créeront ou soutiendront approximativement 27 000 années-personnes en emplois au Canada.

 

DÉPÔT DE RÉPONSES À DES QUESTIONS AU FEUILLETON

Transports Canada-Le statut des médecins
examinateurs de l'aviation civile

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 28 inscrite au Feuilleton par le sénateur Forrestall.

 

La composition du groupe de travail sur la jeunesse

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 144 inscrite au Feuilleton par le sénateur Comeau.

 

L'accord entre le Canada et la Chine-
La vente des réacteurs CANDU-
La position du gouvernement

L'honorable B. Alasdair Graham (leader adjoint du gouvernement): dépose la réponse à la question no 153 inscrite au Feuilleton par le sénateur Spivak.

 


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments

TROISIÈME LECTURE

L'honorable Nicholas W. Taylor propose: Que le projet deloi C-60, Loi portant création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit lu une troisième fois.

L'honorable Leonard J. Gustafson: Honorables sénateurs, le projet de loi C-60, portant création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, a été renvoyé au comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts pour étude. Hier, le comité a fait rapport du projet de loi sans proposition d'amendement, mais il a fait des observations et a formulé un certain nombre de recommandations.

Au comité, nous avons discuté en profondeur des recommandations faites au ministre et aux fonctionnaires du ministère qui seront responsables de l'agence. Nous avons aussi engagé des discussions fructueuses au sujet de certaines réserves tout à fait fondées, surtout celles de la Fédération de l'agriculture et bien d'autres. Nous avons aussi fait un certain nombre d'observations et de recommandations durant l'audition des témoins dans le cadre de l'étude du projet de loi.

Le comité a entendu des témoins variés. En particulier, nous avons reçu les observations des fonctionnaires du ministère, des représentants de deux syndicats, l'Institut professionnel de la fonction publique du Canada et l'Alliance de la fonction publique du Canada, ainsi que des représentants de la Fédération canadienne de l'agriculture. Comme c'est souvent le cas, d'autres membres du comité et moi-même avons regretté le peu de temps qui nous a été donné pour étudier le projet de loi.

 

  • (1450)
Celui-ci aura des conséquences pour plusieurs questions critiques pour les producteurs agricoles et les entreprises de transformation du Canada. Par exemple, le projet de loi autorisera la création de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Il est certain qu'un haut degré de salubrité des aliments est nécessaire, non seulement pour les consommateurs canadiens, mais aussi pour les consommateurs étrangers. L'importante contribution du secteur agricole à la balance commerciale est due en partie à notre réputation internationale de fournisseur fiable de denrées agricoles toujours de haute qualité. Même si l'établissement d'une agence unique d'inspection des aliments paraît une façon efficace de procéder aux inspections, et même s'il est probable que cette agence fera en sorte de garantir la haute qualité des denrées agricoles canadiennes, nous avons plusieurs craintes au sujet de cette agence. Certaines sont d'ailleurs mentionnées dans le rapport du comité déposé hier.

Par exemple, la question du recouvrement des frais inquiète les producteurs et les transformateurs. Les frais qu'ils devront payer à la nouvelle agence ne devraient pas être fixés à un niveau qui réduirait la compétitivité de nos producteurs et transformateurs sur les marchés mondiaux. Étant donné l'importance du maintien de notre compétitivité, le comité a trouvé vraiment gênant le fait que l'on n'ait pas fait d'évaluation du montant total que devra payer le secteur agricole dans le cadre du recouvrement des frais. C'est pour cela que le comité a recommandé qu'une telle évaluation soit faite immédiatement. C'est seulement après cela que nous pourrons comparer ce que paieront nos agriculteurs et transformateurs avec ce que paient leurs concurrents étrangers, et déterminer si nous ne les plaçons pas en position désavantageuse sur les marchés mondiaux.

À ce sujet, le sénateur Kenny a proposé qu'il serait important que le comité demande à l'agence un rapport sur ce qui se fait dans ce domaine. Tous les sénateurs devraient réclamer cette forme de rapport.

Le comité de l'agriculture a bénéficié d'une excellente collaboration de ses membres, et ce, pour plusieurs raisons sans doute. Il y avait bien des aspects à considérer; mais en gens réalistes que nous sommes, nous les agriculteurs, nous avons collé aux faits. Je suis reconnaissant de cette collaboration, ainsi que de celle que nous avons obtenue à l'occasion de notre voyage à Washington. D'autres membres du comité en rendront compte plus tard.

Un des sujets d'inquiétude que le projet de loi comporte pour moi, pour d'autres membres du comité et pour certains témoins, c'est le manque de détails sur le comité consultatif proposé. Comme en font état les observations et les recommandations du comité à ce sujet, si le projet de loi précise la taille maximale du comité consultatif, il semblerait que celui-ci ne sera pas tenu d'être représentatif et que son mandat est décidément trop vague.

En particulier, la Fédération canadienne de l'agriculture a suggéré que le comité consultatif proposé procède à un examen annuel du rendement de la future agence et de son barème de frais et qu'il joue un rôle majeur dans l'élaboration des règlements. L'Alliance de la fonction publique du Canada, pour sa part, a suggéré que le comité consultatif proposé soit habilité à examiner les activités de l'agence proposée et à donner des avis, qu'ils soient sollicités ou non. Certes, il se peut - et c'est souvent le cas - que les règlements fassent état de l'obligation qu'a le comité consultatif proposé d'être représentatif, mais le fait est qu'aucun projet de règlements n'a été remis au comité. Cette donnée aurait été précieuse lorsque le comité s'est penché sur le projet de loi.

Quoi qu'il en soit, il est à espérer que les avis ou les recommandations du comité consultatif proposé seront mieux reçus que ne le sont parfois les avis et les recommandations du comité consultatif de la Commission canadienne du blé. Bon nombre de ses recommandations ne sont pas prises en compte par les décideurs.

Les deux syndicats qui ont comparu devant le comité ont également formulé des réserves. L'Institut professionnel de la fonction publique du Canada a dit craindre que les employés ne perdent des droits et des protections lorsqu'ils ne seront plus assujettis à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. L'Alliance de la fonction publique du Canada estime que seuls les employés de l'agence proposée devraient être autorisés à exécuter des activités d'inspection et d'autres fonctions connexes. Ces préoccupations sont légitimes. Il est à espérer qu'en tant qu'employeur distinct, l'agence proposée se pliera à l'esprit des droits et des protections que la Loi sur l'emploi dans la fonction publique accorde aux employés. Mais, surtout, il est à espérer que toute délégation éventuelle des activités d'inspection et autres à des personnes qui ne sont pas des employés de l'agence proposée ne se fera pas aux dépens de l'assurance de la salubrité des aliments.

Au Canada, les aliments sont parmi les plus sûrs au monde. Nous voulons certes poursuivre cette tendance grâce à ces agences d'inspection et nous assurer de ne miner en aucune façon l'importance que revêtent des aliments sûrs pour les Canadiens et pour nos exportations agricoles, puisqu'elles rapportent des avantages énormes.

En conclusion, en cette période de changement dans le secteur agricole, toutes les parties doivent s'adapter. La future Agence canadienne d'inspection des aliments n'est qu'un élément de ce changement. Le comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts surveillera l'agence et ses activités pour veiller à répondre aux besoins des producteurs agricoles et des usines de transformation des produits agricoles, de même que des consommateurs canadiens et des clients des pays étrangers.

Honorables sénateurs, la production alimentaire d'un pays dépend de la prospérité de son agriculture. Nous sommes probablement aux prises avec un problème des plus importants que nous ayons jamais connus. Comme on l'a dit un jour, si l'agriculture s'effondre, les villes en feront autant.

Vous dites peut-être que j'ai un parti pris. Je vois le sénateur Hays sourire. Il a peut-être également un parti pris. Quoi qu'il en soit, le Sénat est conscient de l'importance de l'agriculture. Nous subissons certes beaucoup de changements, comme nous l'avons entendu à Washington, en ce qui concerne la commission du blé, le transport et les organismes, mais il est essentiel que nous, au Sénat, surveillions la situation qui existe dans l'agriculture au Canada pour qu'elle y demeure forte.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)

 

  • (1500)

Le Code criminel

Projet de loi modificatif-Deuxième lecture-
Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Carstairs, appuyée par l'honorable sénateur Milne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel (protection des soignants).-(L'honorable sénateur Lavoie-Roux).

L'honorable Thérèse Lavoie-Roux: Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui pour parler du projet de loi S-13, Loi modifiant le Code criminel concernant la protection des soignants. Cette mesure procède de bonnes intentions, mais elle comporte malheureusement de graves imperfections.

En juin 1995, le comité sénatorial spécial sur l'euthanasie et l'aide au suicide a déposé son rapport. Pendant plus d'un an, nous avons examiné soigneusement une volumineuse documentation et des centaines de lettres et de mémoires. Nous avons entendu des témoignages de la part de nombreux spécialistes venant d'une grande variété d'horizons qui ont traité des problèmes fondamentaux liés aux décisions en matière de fin de la vie dans l'exercice quotidien de leur profession ou dans leur travail de recherche. En dépit de nos meilleures intentions et, pourrais-je ajouter, de notre travail acharné, nous n'avons pas réussi à parvenir à des recommandations unanimes concernant l'euthanasie et l'aide au suicide. Les deux formules ont été rejetées par la majorité des membres du comité.

Nous avons cependant fait l'unanimité en reconnaissant la nécessité d'établir une distinction entre l'euthanasie et l'aide au suicide, d'une part, et la prestation de soins visant à soulager les souffrances ou l'abstention ou l'interruption de traitements de survie, d'autre part. Nous avons conclu qu'il existait une différence fondamentale entre causer la mort, d'une part, et ne pas essayer de prolonger inutilement la vie, d'autre part.

Un certain nombre de témoins ont parlé de la confusion largement répandue aussi bien dans la profession médicale que dans le public en général à propos de l'interruption de traitements de survie et le soulagement de la douleur au moyen d'une médication suffisante et efficace. Certains nous ont dit que, parfois, des professionnels de la santé, de crainte d'être accusés d'euthanasie et souvent faute d'une formation et de connaissances adéquates, administraient des doses insuffisantes de médicaments pour soulager la douleur. Beaucoup de gens qui disaient craindre de mourir dans des douleurs atroces étaient favorables à l'euthanasie en croyant qu'il s'agissait du seul remède à la souffrance physique. Or, on nous a dit à maintes et maintes reprises que de bons soins palliatifs pouvaient venir à bout de la douleur dans 95 p. 100 des cas.

À la suite de cette information, le comité, dans son chapitre consacré aux soins palliatifs, a reconnu leur importance et a fait du développement des soins palliatifs la première et plus importante recommandation de son rapport. Le comité en a donc reconnu l'importance et a recommandé de consacrer de plus amples recherches au dossier des soins palliatifs, surtout en ce qui a trait au contrôle de la douleur et au soulagement des symptômes.

Le projet de loi S-13 propose d'établir un fondement juridique pour légitimer des pratiques médicales fondées sur le droit de refuser des traitements, mais il y manque un élément fondamental. Lorsque le comité spécial a fait sa recommandation, il a précisé que la modification apportée au Code criminel concernant l'abstention ou l'interruption de traitements et l'administration de calmants en doses susceptibles d'abréger la vie devait s'accompagner de lignes directrices. Ces dernières sont totalement absentes du projet de loi.

Le comité a recommandé que ces lignes directrices soient mises au point par la division de Santé Canada qui est chargée de la protection et de la promotion de la santé, de concert avec les provinces, les territoires et les associations nationales des professionnels de la santé. Je trouve renversant qu'il ne soit absolument pas fait mention de ces lignes directrices dans le projet de loi S-13 alors qu'elles constituent un élément crucial de la recommandation unanime du comité.

Il est intéressant de constater que trois recommandations portent sur cette question de la non-administration ou de l'interruption d'un traitement de survie. La première est que le Code criminel soit modifié de façon à clarifier la pratique voulant qu'on administre des calmants en doses susceptibles d'abréger la vie d'un malade, mais il y en a deux autres. La deuxième est, comme je viens de le dire, que des lignes directrices soient établies en consultation avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Dans la troisième, le comité recommande que l'éducation et la formation en matière de contrôle de la douleur soient élargies et améliorées pour tous les professionnels de la santé. Nous avons aussi recommandé qu'une campagne publique informe les Canadiens de leurs droits pour ce qui est de refuser un traitement de survie.

En outre, il faut mener d'autres études pour déterminer quelles méthodes abrègent effectivement la vie afin de pouvoir établir des normes pour les professionnels de la santé. Sans ces éléments importants que sont des normes professionnelles et une éducation et une formation améliorées, rien ne sera clarifié. Nous aurons seulement ouvert la porte aux abus.

Je tiens aussi à signaler une autre grande omission. Le projet de loi ne dit absolument rien de l'obligation qu'ont les fournisseurs de soins de santé d'obtenir le consentement libre et informé du patient ou de la personne la mieux placée pour parler en son nom avant d'administrer au patient tout médicament en doses susceptibles d'abréger sa vie, bien que le projet de loi parle d'un consentement informé en rapport avec des décisions ayant trait à la non-administration ou à l'interruption d'un traitement de survie. C'est encore plus grave si l'on n'obtient pas un consentement avant d'administrer des calmants et cela, sans normes.

S'il est impossible de savoir quelle décision le patient aurait prise s'il avait eu toute sa lucidité, il vaudrait mieux s'en remettre à une équipe multidisciplinaire de professionnels de la santé. Sans lignes directrices ni assurance du consentement, on ouvre la porte à une foule d'abus. Il est clair que la protection des professionnels de la santé ne doit pas avoir préséance sur la protection des droits du patient.

Dans son libellé actuel, le projet de loi semble se préoccuper uniquement de la protection des professionnels de la santé, ce qui se comprend aisément puisque la situation actuelle les empêche assez souvent de remplir pleinement ou adéquatement leurs responsabilités. Peut-être qu'en apportant les modifications nécessaires au projet de loi, on pourrait inclure la protection des patients aussi bien que celle des professionnels de la santé dans le titre du projet de loi.

Je voudrais souligner également que la traduction française du projet de loi laisse beaucoup à désirer. J'ai quelques modifications à proposer et je demande qu'un expert se penche dès que possible sur la question pour que le projet de loi soit modifié en conséquence. Tous conviendront sans doute que lorsqu'il s'agit d'une question risquant d'être aussi controversée que celle-ci, il faut porter une attention particulière au libellé de la version française.

[Français]

Je vais dire quelques mots en français parce que cela touche tout le monde. Le projet de loi que nous étudions aujourd'hui a le mérite d'identifier des pratiques médicales légitimes basées sur le droit de refuser un traitement ou d'obtenir une médication appropriée pour soulager la douleur. La modification au Code criminel proposée établit le fondement juridique qui devra obligatoirement être complété par la mise en oeuvre de lignes directrices ou de normes de pratique élaborées en collaboration avec les provinces, les territoires et les associations nationales de professionnels de la santé. Sans cet encadrement professionnel et sans une formation plus poussée à cet égard, nous n'aurons pas vraiment amélioré les choses sur le terrain.

Je suis étonnée de ne trouver dans ce projet de loi aucune référence à ces lignes directrices et à ces normes qui étaient pourtant des éléments essentiels de la recommandation unanime du comité. Je ne sais pas comment ceci a pu échapper à notre collègue, le sénateur Carstairs, parce que les deux étaient étroitement liées.

Permettez-moi de signaler, par ailleurs, une omission majeure. Le projet de loi passe complètement sous silence l'obligation pour le personnel soignant d'obtenir le consentement libre et éclairé du patient ou de la personne la mieux placée pour parler en son nom avant de lui administrer une médication susceptible d'abréger sa vie. Quand il est impossible de connaître la décision que le patient aurait prise en toute lucidité, c'est l'intérêt du patient tel que défini par l'équipe multidisciplinaire, et non par le médecin seul, qui devrait servir de critère de précision. Il me semble normal que ce projet de loi vise autant la protection du patient que celle du personnel soignant.

[Traduction]

 

  • (1510)
En conclusion, je suis persuadée qu'il vaut la peine de modifier le Code criminel afin de clarifier les actes qui consistent à s'abstenir d'administrer un traitement ou à l'interrompre afin de soulager la souffrance et qui risquent d'accélérer la mort. Cette clarification contribuera à rassurer les soignants, les patients et l'ensemble de la population. Je souscris entièrement à l'objectif du projet de loi qui a été déposé, mais je crois que ce dernier comporte de graves omissions et ambiguïtés qui doivent être corrigées. Par conséquent, je ne peux voter en faveur du projet de loi à l'étude.

En recommandant d'apporter des éclaircissements au Code criminel, les membres du comité ont pensé que, dans le processus devant permettre d'atteindre cet objectif, on tiendrait nécessairement compte des autres recommandations qui avaient été négligées lors de la rédaction du projet de loi.

Il est évident qu'en l'absence de paramètres précis, nous nous exposons à toutes sortes d'abus. Nous devons prendre garde d'adopter un projet qui pourrait indirectement autoriser l'aide au suicide et l'euthanasie. Imaginez quelqu'un qui, sans son consentement ou sans celui de son plus proche parent, reçoit des médicaments susceptibles d'accélérer sa mort. Son consentement n'a pas été demandé, et nous n'avons pas de critères sur lesquels nous fonder. Devrions-nous accepter l'attitude suivante: il souffre, alors allons-y et faisons cesser sa souffrance. Sans disposition de protection, nous autorisons indirectement l'euthanasie.

J'ai l'intention de proposer des amendements lors de l'étude en comité. Je suis certaine que de nombreuses personnes voudront comparaître devant le comité pour exprimer leurs réserves au sujet du projet de loi. Il sera aussi important d'entendre des témoins qui travaillent dans le milieu des soins palliatifs et qui administrent des médicaments pour soulager la douleur.

La documentation a montré que le lobbying en faveur de l'euthanasie n'a pas cessé. C'est dangereux et cela devrait nous amener à redoubler de prudence et à ne pas adopter le projet de loi sans amendements importants.

[Français]

S'il est adopté tel quel, je le répète, c'est vraiment ma conviction profonde, nous sommes devant un projet de loi dangereux qui ouvre la porte à toutes sortes d'abus. Nous ne disons pas qu'il n'y aura pas de projet de loi mais plutôt qu'il devrait être amélioré de sorte que tous, patients et traitants, y trouvent leur compte de la façon la plus juste et la plus efficiente possible.

(Sur la motion du sénateur DeWare, le débat est ajourné.)

[Traduction]

 

Régie interne, budgets et administration

Seizième rapport du comité-Adoption

Le Sénat passe à l'étude du seizième rapport du comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget - comité sénatorial permanent des banques et du commerce), présenté au Sénat le 5 mars 1997.

L'honorable Colin Kenny, président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

 

Dix-septième rapport du comité-Adoption

Le Sénat passe à l'étude du dix-septième rapport du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (budget - comité sénatorial spécial sur la Société de développement du Cap-Breton), présenté au Sénatle 5 mars 1997.

L'honorable Colin Kenny, président du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, propose: Que le rapport soit adopté.

(La motion est adoptée et le rapport est adopté.)

[Français]

 

Le Budget de 1997

La déclaration du ministre des Finances-
Ajournement du débat

L'honorable Roch Bolduc, conformément à l'avis d'interpellation donné par le sénateur Lynch-Staunton, le mercredi 19 février 1997:

Qu'il attirera l'attention du Sénat sur le budget présenté par le ministre des Finances le mardi 18 février 1997.

- C'est toujours avec une grande attention, honorables sénateurs, que j'écoute chaque année le discours du budget, car c'est le moment privilégié durant lequel le gouvernement annonce plusieurs de ses décisions.

Suite, en effet, à ce que l'on appelle la mise à jour économique et financière de l'automne précédent dans lequel le ministre des Finances a établi son diagnostic de la situation, il applique en février ses remèdes à nos maux réels ou présumés en utilisant, selon un certain dosage, les instruments de la politique économique qui sont à sa portée: impôts, programmes de dépenses et nouvelles règles de jeu.

Je voudrais évoquer ici brièvement, en les commentant, l'essentiel des propos du ministre sur les objectifs du gouvernement, ses visées fiscales, ses allocations de dépenses, ainsi que ses stratégies pour combattre le déficit, la dette et le chômage.

Le ministre dit que le gouvernement a comme objectif de renforcer l'économie canadienne. Qui peut être contre cela? Personne, évidemment. Reste à voir les voies et moyens d'y parvenir. C'est là que les politiques sont déficientes ou qu'elles sont même en opposition avec les buts recherchés.

Par exemple, quantité d'études sérieuses sur la croissance économique démontrent que les conditions préalables essentielles sur lesquelles les gouvernements peuvent agir, et donc exercer une influence positive, sont le niveau relatif des impôts, des règlements, des incitatifs à investir, à travailler et à innover. Les travaux d'analyse économique des professeurs Krugman, Lipsey, Gwartney et de beaucoup d'autres vont tous dans ce sens. Quelle est donc la position relative du Canada sur ces divers plans et en quoi le budget 1997-1998 améliore-t-il la situation? Voilà la vraie manière de juger la qualité du budget, en ce qui concerne la stratégie d'emploi, par exemple.

J'ai le regret, honorables sénateurs, de vous dire que le résultat est bien pauvre. Je veux bien admettre que la diminution du déficit et l'accent sur la libéralisation du commerce sont des gestes positifs, mais où sont les autres mouvements créateurs d'emploi?

[Traduction]

La dette fédérale continue d'augmenter et atteint maintenant les 600 milliards de dollars, soit l'équivalent des trois quarts du produit intérieur brut du Canada. Si nous ajoutons à cela les dettes des provinces, qui dépassent les 225 milliards de dollars, surtout en raison des décisions fédérales concernant la santé, l'éducation et les services sociaux, notre dette publique représente 100 p. 100 de notre PIB. Il n'y a pas de quoi s'en féliciter.

 

  • (1520)
Nos impôts nous placent au quatrième rang parmi les pays de l'OCDE, après la Belgique, la Suède et les Pays-Bas.

Il ne faut donc pas se surprendre que, en taxant et en réglementant aussi allégrement que les Européens, nous nous retrouvions avec un taux de chômage dans les deux chiffres, comme en Europe - un taux de chômage qui, soit dit en passant, est deux fois plus élevé qu'aux États-Unis. Allez parler de cela aux gens d'affaires canadiens, qui sont tous d'accord au sujet de cette politique et qui sont bien placés pour le savoir puisqu'ils en sont les principales victimes. Je reviendrai aux autres objectifs de la politique économique du gouvernement plus tard.

Le discours du ministre est également contradictoire. Par exemple, après avoir énuméré des façons de favoriser la croissance économique, ce qui inclut nécessairement des baisses d'impôt, le ministre dit que ce ne sera pas pour cette année. Les baisses d'impôt sont évidemment une des façons les plus efficaces d'encourager les particuliers et les sociétés à investir. Par ailleurs, lorsque le ministre se targue d'avoir réussi à réduire le déficit, il néglige de mentionner que l'impôt sur le revenu des particuliers a augmenté de 15 milliards de dollars depuis 1993.

Un autre exemple, honorables sénateurs, est la déclaration du ministre selon laquelle les ponctions fiscales sous forme de retenues à la source tuent les emplois. Nous nous attendions à un véritable allégement, mais le ministre s'est contenté de réduire de 10 cents les cotisations à l'assurance-emploi. Sans compromettre les résultats souhaités, il aurait pu accorder une réduction d'au moins 50 cents à ces agents économiques. Sur le plan de l'emploi, cette différence représente des centaines de milliers d'emplois. Je reviendrai à la question de l'assurance-emploi plus tard.

Un autre exemple est la fierté mal placée du ministre en ce qui concerne la réduction des dépenses de programmes. Il ne faut surtout pas oublier que cette réduction des dépenses vient principalement de la baisse des taux d'intérêt, de la réduction des paiements de transfert aux provinces, des réductions dans le régime d'assurance-emploi et des initiatives de privatisation entreprises par le gouvernement précédent.

[Français]

Aussitôt que le ministre dit qu'il a fini le grand sabrage dans les programmes, il annonce de nouvelles initiatives de dépenses qualifiées par certains observateurs de saupoudrage, de «Smarties». Imaginez ce qu'il ferait d'activisme, si le déficit était à zéro, car faut-il le rappeler, nous n'en sommes pas encore là.

Alors que le président du Conseil du Trésor parle de la fin du double-emploi, le ministre des Finances annonce de son côté des programmes nouveaux et en plus, dans les champs de juridiction provinciale comme la santé. C'est presque indécent.

Le ministre s'appuie sur les recommandations de groupes de pression pour justifier des interventions dans des champs d'activités qui ne le regardent pas. On voudrait alimenter le sécessionnisme au Québec qu'on ne ferait pas mieux. L'attitude du ministre est la même que celle qui a prévalu ici à Ottawa pendant 40 ans: «We know better than the people what is good for them.» D'ailleurs, le ministre affirme qu'un des objectifs du gouvernement dans sa lutte au déficit est de rétablir la souveraineté de la politique publique au Canada. On croirait entendre nos péquistes quand ils nous parlent de conquérir la capacité de forger notre propre destin.

Comme si l'objectif de la politique économique canadienne, c'était la primauté du gouvernement à faire des politiques. Quand on connaît la capacité limitée des gouvernements, même avec l'avis éclairé de leurs bons économistes au ministère des Finances, à diagnostiquer correctement les situations et les effets pervers des remèdes qu'ils imposent, il n'y a pas de quoi pavoiser et se trouver beau.

[Traduction]

Honorables sénateurs, un gouvernement qui s'est fait élire sur la promesse de créer des emplois et qui, quatre ans plus tard, se vante d'avoir fait baisser le taux de chômage de 1 p. 100 n'a pas de quoi pavoiser.

Dans son discours, le ministre semble s'inspirer de certains présidents américains; il adopte tantôt l'air victorieux du président Clinton, qui se montre satisfait de l'économie intérieure et de la paix mondiale et commence à parler d'éducation, un sujet qui relève de la compétence des États; puis il semble ensuite s'inspirer du président Hoover et de son fameux slogan «La prospérité est à notre portée.» Espérons qu'elle ne s'éloignera pas à mesure que nous tenterons de nous en approcher.

Le ministre adopte dans son discours un ton triomphaliste, mais il ignore des réalités regrettables. Les gens, eux, sont conscients de l'énormité de notre dette. Le Canada se classe au troisième rang des pays les plus endettés de l'OCDE. Le ministre omet cependant de parler d'autres obligations financières toutes aussi importantes quoique dissimulées, notamment le Régime de pensions du Canada, qui ajoute 600 milliards de dollars à la dette. Le ministre parle, avec raison d'ailleurs, de la nécessité d'une réforme du Régime de pensions du Canada. Quoi qu'il en soit, cette réforme va se solder par une forte augmentation des cotisations. Elles vont passer de 5,6 p. 100 du revenu l'an dernier à 9,9 p. 100 au cours des sept années à venir, employés et employeurs payant chacun la moitié. C'est ce qu'ont récemment convenu les premiers ministres provinciaux et le gouvernement fédéral.

Honorables sénateurs, les charges sociales tuent la création d'emplois. Peu importe qu'il s'agisse de l'assurance-emploi, de l'indemnisation des accidents de travail, du RPC ou du RPQ, ou de toutes autres raisons pour lesquelles le gouvernement impose les salaires. Par exemple, à la fin du prochain exercice financier, le surplus accumulé au fil des ans dans le fonds de l'AE s'élèvera à 12 milliards de dollars. À la fin de l'exercice financier 1998-1999, il sera d'environ 17 milliards. Le travailleur moyen aura renoncé à une semaine et demie de salaire de plus pour aider Ottawa à accumuler ce surplus au cours des trois dernières années.

Honorables sénateurs, le point de vue des libéraux sur les charges sociales a changé. Pas plus tard qu'à l'automne 1994, ils pensaient que «les charges sociales font monter le coût relatif de la main d'oeuvre, ce qui décourage les entreprises de créer des emplois». Cela se trouve à la page 28 de «L'innovation: la clé de l'économie moderne». Ils estimaient que les charges sociales font «monter le chômage par rapport à une situation caractérisée par l'absence de charges sociales, ou par des charges moins élevées». Cette citation se trouve à la page 24 de «Un nouveau cadre de la politique économique».

Cet automne la majorité libérale du comité des finances émettait une opinion différente dans son rapport prébudgétaire, et je cite:

Il n'est pas vident que les pertes d'emplois soient attribuables aux charges sociales.

Leur nouvelle position est que les charges sociales actuelles ne causent pas de pertes d'emplois mais qu'il n'en serait pas de même si on les augmentait, et je cite:

Il ne fait aucun doute que l'augmentation des charges sociales risque d'avoir une incidence sur l'emploi.

C'est ce qu'a dit Paul Martin à l'occasion d'un forum télévisé le 20 février 1997 par la SRC. Puisque le ministre des Finances est au moins prêt à admettre que les charges sociales nuisent à la création d'emplois, il pourrait peut-être consacrer quelques minutes à certains calculs. La petite réduction faite par le gouvernement aux cotisations à l'assurance-emploi est largement annulée par la hausse des cotisations au RPC. Depuis 1993, le coût combiné de l'AE et du RPC pour les employeurs est passé de 6,50 $ à 7,12 $ par 100 $ de gains. Pour un salairede 30 000 $, cela représente une augmentation annuellede 184 $ au titre des charges sociales. Dans le cas des employés, le taux combiné s'élèvera à 6 p. 100 l'an prochain, comparativement à 5,5 p. 100 en 1993. Il s'agit donc d'une augmentation de 150 $ pour un salaire de 30 000 $.

Effectivement, honorables sénateurs, des cotisations plus élevées au RPC contribueront à régler le problème du RPC et du RRQ, mais il faut compenser en diminuant les impôts sur le revenu ou les cotisations à l'assurance-emploi. Malheureusement, ces cotisations plus élevées au RPC ne paraîtront même pas dans les livres. La plus importante hausse d'impôt jamais vue dans notre histoire récente demeurera cachée.

[Français]

Quand de tels engagements nous pendent au-dessus de la tête, sans parler du financement du système de santé qui est loin d'être réglé, même si le gouvernement fédéral tend à s'en laver les mains, le ministre nous tire un 100 millions d'aide conditionnelle ici et là pour la santé, pour des allocations familiales nouveau style - il devait penser à son père - pour l'innovation, pour les études supérieures. D'une part donc, nous avons le même fédéralisme paternaliste, dominateur et impénitent des années 1960, 1970 et 1980, et d'autre part, la même satisfaction béate dans les restrictions des programmes et on nous dit que c'est terminé. J'y reviendrai tantôt.

Honorables sénateurs, je dis au ministre des Finances et à son collègue du Conseil du Trésor qu'ils sont loin d'avoir fini leurs devoirs.

Au lieu de nous dire ce que le marché ne peut pas faire, ce que le ministre des Finances s'est pourfendu à nous expliquer, il serait mieux de respecter la Constitution du pays pendant qu'il en est encore temps et de cesser d'empiéter sur le terrain du voisin, en offrant aux provinces à ses conditions, de l'argent qu'il aura d'ailleurs emprunté.

En second lieu, comme marque de bonne volonté, que le gouvernement prenne l'avis de l'Institut C.D. Howe Institute et se sorte de la formation professionnelle, au bénéfice des provinces qui le veulent. Au fait, qu'attend le gouvernement pour signer une entente avec Québec? Cela fait des années que ce problème traîne.

En troisième lieu, je signale au président du Conseil du Trésor que l'examen des programmes de dépenses n'est pas terminé. Je lui suggère, à titre d'exemples, d'analyser les activités suivantes.

La sécurité des anciens combattants: loin de moi l'idée de priver nos valeureux défenseurs des soins et aides qui leur sont dus, mais il reste que depuis 1953, nous n'avons combattu sur aucun front de guerre. Après 45 ans de paix, il serait prudent d'analyser cette allocation croissante qui touche maintenant les deux milliards de dollars.

L'audiovisuel est subventionné pour 1,2 milliard au Canada, alors que l'on coupe les transferts aux provinces en éducation. Où sont les priorités?

Les services correctionnels et la GRC accaparent 2,3 milliards et cela augmente toujours. La technologie ne devrait-elle pas permettre des épargnes quelque part? On se croirait sur le pilote automatique.

Le nombre de bureaucrates aux Pêcheries et à l'Agriculture diminue si peu, même si le nombre de pêcheurs et de cultivateurs diminue. Est-ce normal?

Deux milliards de dollars sont alloués aux travaux publics et aux services gouvernementaux: ne tarde-t-on pas à privatiser des services qui font concurrence au secteur privé, comme on l'a vu l'an dernier dans l'étude du budget?

L'ACDI se voit allouer deux milliards de dollars alors qu'il est démontré que la libéralisation des échanges est une formule plus efficace pour relever le niveau de vie des pays qui ont des difficultés financières.

Les laboratoires gouvernementaux ont déjà fait l'objet d'un regard critique quant à leur façon de répondre à la demande en situation de concurrence. Où en est-on là-dedans?

Est-ce que nos programmes à l'égard des autochtones ne pointent pas vers une culture de dépendance?

Le gouvernement dit qu'il veut cesser ses subventions à l'entreprise; pourtant le ministre du Commerce dispose de quelques milliards à des fins d'aide de toutes sortes et de prêts! Or, il est démontré que les gouvernements sont de mauvais créanciers qui ne savent pas fermer le courant face aux perdants. Mais ils persistent à croire qu'ils peuvent détecter les gagnants.

[Traduction]

Vu la mondialisation actuelle de l'économie et le changement de la nature du travail dans tous les secteurs en raison des nouvelles technologies, le rôle du gouvernement n'est pas de choisir ou d'appuyer une entreprise plus qu'une autre, et je suis tenté d'appliquer la même logique aux centres de recherche. Le gouvernement voudrait aider les étudiants, mais il ne sait pas comment recouvrer les prêts consentis à ces clients. Voilà quelques exemples du travail qui reste à faire avant que le gouvernement puisse dire qu'il n'y a plus de gras dans sa fonction publique forte de 200 000 employés.

Comme le président du Conseil du Trésor dans son document de 1997 intitulé «Repenser le rôle de l'État», le ministre des Finances démontre dans son dernier budget qu'il croit encore à un gouvernement interventionniste. Tous les deux devraient savoir, comme le dit Charles Murray, que les politiciens ne sont pas des dieux. Ils n'ont qu'une connaissance limitée de la situation économique réelle et des répercussions des mesures législatives qu'ils proposent. La seule certitude, c'est qu'un gouvernement interventionniste augmente le pouvoir des politiciens aux dépens de la liberté.

Si le ministre veut de vrais défis, je lui en propose deux: réduire les impôts de 15 p. 100, pour que le Canada soit concurrentiel avec les États-Unis, et ramener la dette à 50 p. 100 du PIB. Si le ministre réussit sur ces deux points, j'accepterai le ton satisfait qu'il a pris en février.

[Français]

Je sais bien que les intentions économiques du ministre sont louables, mais tant que l'on persistera à appliquer des politiques qui ont des effets dissuasifs sur la main-d'oeuvre et sur les entrepreneurs, on va demeurer dans le creux de la vague comme en France et en Allemagne. On ne peut demander aux employeurs de créer des emplois et, en même temps, maintenir à la hausse le coût pour les firmes de l'offre d'emploi ou inciter, par des bénéfices, les employés à se sortir eux-mêmes du marché.

De même, le ministre, suivant en cela la mode dans les milieux sociaux-démocrates, veut que l'on investisse davantage dans le capital humain. Or, le score des politiques pratiquées dans ce sens n'est pas évident, comment le montrent les exemples de la France et de l'Allemagne, précisément. Même en Suède, le taux de chômage s'est multiplié par 4 depuis 1990.

Le ministre a également insisté sur l'importance de l'innovation. Il a raison, sauf que je lui signale que le professeur Lichtenberger de Columbia - une bonne université où le sénateur Stewart a étudié - a inventorié les dépenses en recherche et développement dans 53 pays, pour conclure que le taux de rendement de la recherche et développement subventionné par les gouvernements - et c'est le cas du Canada - est inférieur à celui du secteur privé, il est même négatif dans plusieurs cas.

[Traduction]

Bref, honorables sénateurs, vous pouvez constater que je suis plus sévère que le ministre des Finances lorsque j'évalue le travail qu'a accompli le gouvernement. En ce qui concerne le déficit, si les efforts du ministre ont donné de bons résultats, c'est en grande partie parce que l'inflation a été jugulée, grâce au gouvernement précédent. Pour ce qui est du libre-échange, le gouvernement a changé d'avis à mi-chemin et a adopté la position que nous avions élaborée et défendue avant lui. Par ailleurs, son revirement d'opinion au sujet des transports revient à une mise en oeuvre des orientations du gouvernement précédent.

[Français]

Quant au reste, c'est négatif: sa politique fiscale est inéquitable, en bonne partie parce qu'elle surtaxe tout le monde. Sa stratégie industrielle est celle d'un gouvernement présomptueux, comme je l'ai évoqué tantôt. Sa politique de main-d'9uvre incite au chômage, sa politique culturelle est protectionniste et vache à lait, sa politique réglementaire piétine, les règlements s'accumulent et la bureaucratie règne en maître. Enfin, sa politique constitutionnelle est figée dans le ciment, sans entente par exemple, avec le Québec sur l'emploi, avec des conséquences possiblement néfastes à plus ou moins court terme.

[Traduction]

 

SOCIÉTÉ DE DÉVELOPPEMENT DU CAP-BRETON

AUTORISATION AU COMITÉ SPÉCIAL DE PROLONGER
LE DÉLAI DE PRÉSENTATION DU RAPPORT FINAL

L'honorable Lowell Murray, conformément à l'avisdu 5 mars 1997, propose:

Que, par dérogation à l'ordre adopté par le Sénat le 11 février 1997, le comité sénatorial spécial sur sénatorial la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes, autorisé à examiner, afin d'en faire rapport, le rapport annuel et le plan d'entreprise de la Société de développement du Cap-Breton et d'autres questions connexes, soit habilité à présenter son rapport final au plus tard le 10 avril 1997; et

Que le comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenu dans son rapport final et ce jusqu'au 14 avril 1997; et

Que, le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer son rapport auprès du greffier du Sénat, si le Sénat ne siège pas, et

Que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

- Les honorables sénateurs se rappellent peut-être que, lorsque le comité spécial sénatorial sur la Société du développement du Cap-Breton a été reconstitué, il y a quelques semaines, on lui a accordé jusqu'au 11 mars pour déposer son rapport final au Sénat. Cette motion a pour objet de reporter cette date butoir au 10 avril 1997.

Trois raisons justifient ce report. Premièrement, certains sénateurs qui font partie du comité spécial sénatorial sur la Société du développement du Cap-Breton doivent consacrer pratiquement tout leur temps au comité sénatorial permanent des banques et du commerce, afin d'étudier le projet de loi C-70 sur la taxe de vente harmonisée. Comme les honorables sénateurs le savent, cette dernière mesure a la priorité. Le comité spécial sénatorial sur la Société du développement du Cap-Breton doit donc reporter ses travaux pour que ces honorables sénateurs s'acquittent de leur tâche. Ils ne pourraient absolument pas assister ou participer aux travaux du comité concernant le Cap-Breton si le délai du 11 mars était maintenu.

Deuxièmement, l'autre jour, le Sénat a adopté la motion du sénateur Buchanan, autorisant le comité à se rendre au Cap-Breton. Or, la date la plus hâtive où nous pourrions effectuer ce déplacement serait au cours de la semaine commençant le lundi 17 mars, soit quelques jours après la date butoirdu 11 mars.

Troisièmement, la direction de la Société de développement du Cap-Breton a informé les honorables sénateurs des deux côtés qu'elle préférerait une date plus tardive, puisque ce n'est que vers la fin de mars qu'elle aura des renseignements plus complets concernant les résultats financiers de la société pour tout l'exercice se terminant le 31 mars.

Honorables sénateurs, pour ces trois raisons, je sollicite votre appui à l'égard de cette motion visant à reporter la date butoir du comité. Je formule cette demande aujourd'hui au nom de notre président, le sénateur Rompkey.

Son Honneur le Président suppléant: Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(Le Sénat s'ajourne au lundi 10 mars 1997, à 20 heures.)

 


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