Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
2e Session, 37e Législature,
Volume 140, Numéro 77
Le mercredi 24 septembre 2003
L'honorable Dan Hays, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur le règlement des revendications particulières
- Projet de loi sur la protection de l'environnement en Antarctique
- Projet de loi sur la modernisation de la fonction publique
- Le Budget des dépenses de 2003-2004
- Projet de loi sur la protection des phares patrimoniaux
- Projet de loi anti-pourriel
- Les travaux du Sénat
- Projet de loi sur la Journée de l'Amérique
- Le Code criminel
- Le Code criminel
- Les travaux du Sénat
- Affaires étrangères
- Le Sénat
- Les associations parlementaires
- L'Année de l'Acadie 2004
- Le système américain de défense contre les missiles balistiques
LE SÉNAT
Le mercredi 24 septembre 2003
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant de passer aux déclarations de sénateurs, je vous signale la présence à notre tribune d'un groupe dirigé par M. Shamsh Kassim-Lakha, recteur de l'Université Aga Khan du Pakistan. Il est l'invité de l'honorable sénateur Jaffer.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix: Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L'UNIVERSITÉ ST. FRANCIS XAVIER
LE CINQUANTIÈME ANNIVERSAIRE DU FOOTBALL CANADIEN
L'honorable B. Alasdair Graham: Honorables sénateurs, la fin de semaine dernière, j'ai eu l'honneur de coprésider les activités du cinquantième anniversaire du football canadien à l'Université St. Francis Xavier. Bien au-delà de 100 anciens joueurs ayant évolué au cours des 50 dernières années sont revenus sur place pour évoquer des souvenirs, recréer des liens, renouer des amitiés et revivre encore une fois ces incroyables années de triomphe, ainsi que les saisons et les matchs moins fructueux que les autres.
Il n'y avait que des héros pendant cette fin de semaine. Nous étions particulièrement ravis d'accueillir les étoiles et invités spéciaux Russ Jackson, certainement le plus grand joueur de football canadien de tous les temps, et l'ancien entraîneur Don Loney, considéré dans bien des milieux comme le père du football canadien dans le Canada atlantique. Honorables sénateurs, ces personnes ont non seulement connu d'énormes succès individuels et collectifs, mais elles ont aussi contribué par leur exemple à donner à bon nombre de nos fils et petits-fils certaines des grandes leçons de vie que peut nous apprendre le fait de jouer en équipe.
Les activités de la fin de semaine constituent un autre haut fait des festivités marquant sur toute l'année le 150e anniversaire de la fondation de l'Université St. Francis Xavier, événement qui a déjà été souligné par l'émission d'un magnifique nouveau timbre commémoratif par Postes Canada. J'ai eu l'honneur de participer au dévoilement de ce timbre en avril dernier.
Pendant 150 ans, l'Université St. Francis Xavier a accueilli des dirigeants extraordinaires qui croient que l'individu, peu importe sa condition sociale, a le pouvoir d'être maître de son destin.
C'est à cet endroit que Mgr Coady a commencé à répandre son message de libération et d'autonomisation, donnant du même coup un nouvel espoir à de jeunes hommes et de jeunes femmes non scolarisés de tout le Canada atlantique. C'est à cet endroit que l'Institut international Coady a établi un centre d'éducation des adultes ouvert à des gens de toute la planète. C'est à cet endroit que plus de 4 000 dirigeants communautaires venant de 120 pays se sont rassemblés pour se renseigner au sujet de l'éducation, source d'espoir pour les petites gens de toute la planète.
Honorables sénateurs, je dois vous dire une dernière chose à la suite de cette fin de semaine. Je tiens à féliciter l'équipe de football de l'Université de Montréal qui était sur place et qui a quelque peu gâché les festivités en remportant une victoire étonnante de 14 à 9 sur les X-Men dans le cadre du tout aussi nouveau calendrier de football intercollégial Québec-Atlantique.
LA GOUVERNEURE GÉNÉRALE
LES VISITES D'ÉTAT
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, je voudrais attirer votre attention sur une lettre qu'un éminent canadien, M. Milton Wong, président de la société de gestion des actifs HSBC Canada, a écrite au National Post qui l'a publiée en fin de semaine. M. Wong est également chancelier de l'Université Simon Fraser à Vancouver. Il était l'un des délégués qui accompagnaient la gouverneure générale en Amérique du Sud, pendant la tournée de 2001. Après tout le tapage dans les médias au sujet des visites d'État en cours, j'ai trouvé rafraîchissant de lire le compte rendu de quelqu'un qui se trouvait sur place avec la gouverneure générale.
M. Wong a signalé que les délégués ont travaillé extrêmement fort, pendant deux semaines, pour représenter le Canada, participant à des tables rondes, à des débats et à des échanges très stimulants sur le plan intellectuel. Il écrit que ce voyage visait à créer des liens de confiance avec d'autres pays et à jeter les bases d'une meilleure compréhension entre les peuples, et que personne ne le faisait mieux que notre représentante actuelle, la gouverneure générale Clarkson.
M. Wong écrit qu'ils ont «visité des universités, participé à des tables rondes et rencontré d'autres dirigeants représentant ces pays». Il ajoute que «Mme Clarkson a prononcé au moins 35 discours, a travaillé plus fort que quiconque et a fait preuve d'une connaissance impressionnante de l'histoire et de la culture des pays que nous visitions». De quelque point de vue que l'on se place, c'est très impressionnant.
Honorables sénateurs, j'admire le travail que fait la gouverneure générale au Canada lorsqu'elle visite divers groupes ethniques et les fait connaître, eux qui, autrement, resteraient méconnus.
Dans sa lettre, M. Wong écrit que ce voyage visait à «stimuler les débats intellectuels, la coopération internationale et l'échange des idées» et à «trouver des façons de rendre le monde plus accueillant pour tous». Il dit que lui-même et les autres délégués ont:
... rapporté au Canada une connaissance beaucoup plus poussée des problèmes et questions, des réalisations, des objectifs et des identités culturelles des pays qu'ils ont visités, ainsi que des défis et débouchés que nous avons en commun avec ces pays.
Honorables sénateurs, c'est là la raison d'être de ces visites d'État. Celle de cette année ne faisait pas exception. La délégation ne regroupait pas que des gens d'affaires; elle se composait d'un choix de figures dominantes de tout un éventail de secteurs d'activité, dont les arts, la science et la politique.
La gouverneure générale a toujours accordé beaucoup d'importance à la nordicité qui caractérise l'identité canadienne, non seulement auprès des Canadiens, mais aussi dans le cadre de ses précédentes visites d'État et à l'occasion des discussions qu'elle a eues avec des dirigeants étrangers en visite au Canada. Les séjours dans des pays nordiques contribueront à améliorer l'image et la compréhension du Canada à l'étranger et mettront en valeur la dimension nordique de la politique étrangère canadienne.
(1340)
La gouverneure générale Clarkson participera à la seconde ronde de colloques ayant pour thème En quête du Nord moderne, dans les pays du cercle polaire. Pendant les séminaires qui se tiendront en Islande, les participants échangeront des idées sur la culture et la viabilité communautaire à long terme. Ces colloques seront par la suite accessibles en ligne aux étudiants qui entreprennent des études sur la région du cercle polaire à une université virtuelle.
En terminant, honorables sénateurs, je suis convaincu que les personnes qui accompagnent Son Excellence, Mme Adrienne Clarkson, reviendront au Canada avec une appréciation et une compréhension beaucoup plus poussées de la culture unique des habitants du pays du cercle polaire.
Honorables sénateurs, je suis très honoré d'être l'un des Canadiens invités à participer à ce dialogue historique.
LE DÉCÈS DE DONALD DEACON, O.C.
HOMMAGE
L'honorable Catherine S. Callbeck: Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à un Canadien remarquable, un homme hautement respecté, un être humain exceptionnel. Aujourd'hui, je rends hommage à la vie du regretté Donald Deacon, décédé le 16 septembre. Sa vie, marquée au sceau de la détermination, de la dignité et de l'intégrité, est une longue liste de réalisations.
Tandis que certaines personnes font beaucoup dans certains domaines, M. Deacon a beaucoup fait dans beaucoup de domaines. Il a été décoré de la Croix militaire pour avoir servi le Canada de manière exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale.
En tant que président d'une firme de courtage de Toronto, il a fait une brillante carrière dans les affaires. Il a mené une carrière politique illustre, d'abord au niveau municipal puis à titre de député libéral de l'assemblée législative de l'Ontario.
Mû par son courage et sa compassion, M. Deacon a excellé dans des domaines aussi variés que l'armée, les affaires et la politique. Il s'est gagné le respect et la confiance de ses concitoyens et de ses collègues pendant toute sa carrière, qui fut longue et bien remplie.
Il a également contribué de manière importante à notre pays, et de bien des façons y compris par son dévouement intarissable en tant que bénévole. Il a été commissaire national des Boy Scouts du Canada. Il a siégé au conseil d'administration de la Croix-Rouge, service pour lequel il a été nommé humanitaire de l'année par cette dernière.
Très engagé dans la vie communautaire, il siégeait au conseil d'administration de l'Université Mount Allison. Il a été coprésident fondateur du mouvement national des jeunes Katimavik. Il a été administrateur de la Fondation du Sentier transcanadien, organisme national, et président fondateur du Sentier de la Confédération à l'Île-du-Prince-Édouard.
Pour ces contributions et bien d'autres encore, M. Deacon a été récemment promu au rang d'officier de l'Ordre du Canada.
L'Île-du-Prince-Édouard a eu la chance que M. Deacon ait décidé d'y prendre sa retraite, bien qu'on puisse à peine décrire comme une retraite sa participation active et continue à un grand nombre d'activités. Il a eu une influence énorme sur sa province d'adoption où son travail a inspiré nombre de ses concitoyens.
Donald Deacon nous laisse en héritage le souvenir impérissable de son esprit de service à la cause publique. À son épouse Florence et à sa famille, à qui il va cruellement manquer, je présente mes plus sincères condoléances.
LES DROITS DES MÉTIS EN TANT QUE PEUPLE AUTOCHTONE DISTINCT
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME
L'honorable Gérald-A. Beaudoin: Honorables sénateurs, vendredi dernier, le 19 septembre, la Cour suprême du Canada a rendu à l'unanimité un jugement très important et très intéressant sur les droits des Métis.
C'est un arrêt historique.
[Français]
La Cour a reconnu aux Métis des droits ancestraux de chasse pour des fins de subsistance.
La Cour a conclu que l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui reconnaît aux Amérindiens de souche des droits ancestraux de chasse, de trappe, de pêche et de cueillette, permet également aux Métis de chasser sans permis et hors saison pour des fins de subsistance. Il s'agit, comme on le sait, de droits collectifs. Les droits collectifs sont peu nombreux dans notre Constitution.
Jusqu'ici on ne connaît les droits collectifs que pour les Autochtones, les droits confessionnels en matière d'éducation. Cependant, le juge Bastarache, dans l'affaire Arsenault-Cameron, parle des droits linguistiques comme étant des droits collectifs. C'est tout.
La Cour a établi des balises assez précises quant à la reconnaissance de ces droits ancestraux.
Le ministre Goodale a annoncé que le gouvernement a l'intention de rencontrer les Métis pour négocier avec eux, en toute bonne foi, l'entrée en vigueur de ces droits fondamentaux.
Je me réjouis vivement de la décision de la Cour suprême du Canada.
[Traduction]
L'UNIVERSITÉ AGA KHAN
LE VINGTIÈME ANNIVERSAIRE DE LA FONDATION DE L'ÉTABLISSEMENT
L'honorable Mobina S. B. Jaffer: Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à un établissement qui a révolutionné l'éducation postsecondaire et la formation en sciences de la santé dans le monde en développement. L'Université Aga Khan a été fondée par Son Altesse l'Aga Khan et a reçu sa charte en 1983.
Je suis heureuse de noter que le recteur de l'Université Aga Khan, M. Shamsh Kassim-Lakha, se trouve ici, dans notre tribune des visiteurs.
Lors de sa fondation, Son Altesse l'Aga Khan a dit que la nouvelle université s'inspirerait des grandes traditions des civilisations et de l'enseignement islamiques, y compris celles de l'une des plus anciennes universités, Al Azhar du Caire, fondée il y a plus de 1 000 ans par les ancêtres fatimides de Son Altesse.
Il était prévu que l'Université Aga Khan serait un petit établissement laïc, de portée internationale, qui se distinguerait par la qualité de ses programmes, de ses diplômés et de sa recherche, ainsi que par son impact sur les sociétés en développement. Aujourd'hui, 20 ans plus tard, l'Université Aga Khan s'est étendue bien au-delà des frontières du Pakistan, ayant établi 11 campus dans trois continents, en Asie, en Afrique et au Royaume- Uni.
Les universités et les professionnels canadiens ont joué un rôle essentiel dans ce succès. L'Université McMaster, l'Université McGill et l'Université de Toronto ont beaucoup contribué au développement de l'Université Aga Khan.
La création, dès les premiers stades, de l'École de sciences infirmières revêt un sens particulier: il s'agissait de former des femmes professionnelles. Dans les pays en développement, les femmes constituent plus de 80 p. 100 du personnel infirmier et du corps enseignant. Le développement des femmes, grâce à leur habilitation, est un objectif central du Réseau de développement Aga Khan. À cet égard, l'Université Aga Khan est fière du fait que les femmes forment 65 p. 100 de son effectif étudiant et plus de 40 p. 100 de son corps enseignant.
Cette caractéristique est la plus évidente à l'École de sciences infirmières, qui a ouvert ses portes en 1980 dans le but fondamental d'améliorer le statut des sciences infirmières et des femmes professionnelles. Au Pakistan, la profession d'infirmière n'a pasun statut élevé. Le pays a donc souffert de pénuries chroniques bien plus importantes que celles qu'ont connues la plupart des pays en développement. Au Canada, par exemple, on compte environ quatre infirmières pour chaque médecin. Au Pakistan, le rapport est inversé: il y a quatre médecins pour chaque infirmière.
L'Université Aga Khan a réussi à former des leaders en sciences infirmières, en médecine, en éducation et en recherche qui sont équipés des techniques et des outils modernes, mais qui possèdent aussi une vision et un sens développé de la responsabilité. C'est en reconnaissance de ce leadership que le gouvernement du Pakistan s'est adressé à l'Université Aga Khan pour diriger un groupe de travail national chargé de déterminer ce qu'il convient de faire pour améliorer l'enseignement supérieur dans le pays.
Les paroles qui suivent nous éclairent sur les motifs qui ont animé Son Altesse lorsqu'il a fondé l'Université:
Il y a ceux qui viennent au monde dans une telle misère qu'ils sont privés aussi bien des moyens que de la motivation d'améliorer leur sort. À moins qu'ils ne soient touchés par l'étincelle qui fait jaillir l'esprit d'entreprise et la détermination, ils ne pourront que sombrer dans l'apathie, la déchéance et le désespoir. C'est à nous, qui avons plus de chance, qu'il incombe de faire jaillir cette étincelle.
Honorables sénateurs, ces paroles sont aussi valables aujourd'hui qu'elles l'étaient il y a 20 ans.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE DE LA FRANCOPHONIE
DÉPÔT DU RAPPORT DE LA RÉUNION DE LA 29e SESSION ANNUELLE, TENUE DU 6 AU 10 JUILLET 2003
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool: Honorables sénateurs, en vertu de l'article 23(6) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la section canadienne de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, ainsi que le rapport financier y afférent, de la réunion de la 29e session annuelle de l'APF tenue à Niamey, Niger, du 6 au 10 juillet 2003.
(1350)
[Traduction]
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
AVIS DE MOTION VISANT À AUTORISER LE COMITÉ À SIÉGER PENDANT L'AJOURNEMENT DU SÉNAT
L'honorable Peter A. Stollery: Honorables sénateurs, je donne avis qu'à la prochaine séance du Sénat, je proposerai:
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères, conformément à l'alinéa 95(3)a) du Règlement du Sénat, soit autorisé à siéger les 14 et 15 octobre 2003, même si le Sénat s'est alors ajourné pour une période de plus d'une semaine.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'AGENCE CANADIENNE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL
LE RESPECT DU RÈGLEMENT CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE CONTRATS À FOURNISSEUR EXCLUSIF
L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, on a appris que, de 1999 à 2001, les cadres de l'ACDI ont accordé sans appel d'offres des contrats d'une valeur de plusieurs millions de dollars tout en sachant qu'ils enfreignaient ainsi le règlement fédéral. L'ACDI a donc octroyé des contrats à certains de ses fournisseurs sans se soucier de respecter les règles ou de faire preuve de transparence, même si cette agence exige, tant des entrepreneurs que des pays étrangers avec qui elle fait affaire, qu'ils appliquent aux projets qu'elle subventionne une méthode de gestion axée sur les résultats.
Des cadres supérieurs de l'ACDI ont expliqué qu'ils connaissaient les règles, mais qu'ils avaient jugé être en mesure d'accorder des marchés sans suivre les lignes directrices fédérales. À mon avis, c'est pousser le pouvoir discrétionnaire absolu à l'illogisme. L'ACDI a maintenant laissé savoir, par l'entremise de ses hauts fonctionnaires, qu'elle a déjà pris les mesures nécessaires pour corriger la situation.
Étant donné que le Canada exige des pays étrangers qu'ils respectent les règles et que le respect de la loi est souvent l'une des conditions essentielles à l'aide au développement que nous accordons, comment pouvons-nous expliquer à nos homologues du monde entier que nous nous permettons d'enfreindre nos règles mais qu'ils doivent, eux, respecter celles qui s'appliquent dans leur cas?
En outre, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait- elle indiquer quelles mesures l'ACDI a prises pour assurer le respect de la réglementation fédérale concernant l'attribution de contrats à fournisseur exclusif?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Je remercie madame le sénateur de sa question cet après-midi. Je regrette de ne pouvoir lui fournir aucune information parce que je n'étais pas au courant de la question qu'elle soulève cet après-midi. Néanmoins, je l'assure que nous nous pencherons immédiatement sur la question et que nous répondrons aux deux questions qu'elle a posées dans les meilleurs délais.
LA CITOYENNETÉ ET L'IMMIGRATION
LA NOUVELLE RÈGLE D'ÉVALUATION DES DEMANDES D'IMMIGRATION EN FONCTION DES CRITÈRES AU MOMENT DE LA DEMANDE
L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, le gouvernement fédéral a été forcé de modifier ses nouvelles règles en matière d'immigration et a finalement permis que le dossier des candidats à l'immigration soit évalué en fonction des critères en place au moment du dépôt initial de leur demande. Lorsqu'il a annoncé cette modification, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Denis Coderre, a déclaré que le gouvernement a toujours eu l'intention clairement avouée de traiter les immigrants équitablement.
La vérité, c'est que le ministre Coderre a changé d'avis uniquement lorsqu'il est devenu évident que le gouvernement perdrait une série de recours collectifs intentés par les victimes de décisions prises antérieurement par son ministère. Ces personnes demandaient des dommages et intérêts et voulaient qu'on réexamine leur demande d'immigration.
Pourquoi a-t-il fallu tant de temps au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration pour en arriver à cette décision et pourquoi n'a- t-il réagi qu'après avoir honteusement été menacé de poursuites judiciaires par des immigrants?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur a indiqué que le ministère a pris une décision à cause d'une série de recours collectifs. Je préfère croire qu'il a donné suite aux interventions de nombreux Canadiens, notamment l'honorable sénateur qui siège en face et qui a déclaré à maintes reprises dans cette enceinte qu'il estimait le système injuste et inéquitable. De toute évidence, ces commentaires ont été rapportés au ministre et j'espère que ce sont ces doléances plutôt que la menace de poursuites judiciaires qui ont donné lieu à cette modification.
Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, le ministre a enfin modifié les règles, mais les immigrants potentiels doivent toujours être évalués. Nombre de ces personnes attendent déjà depuis très longtemps. Par exemple, un ingénieur en mécanique de Hong Kong a dit à la Cour fédérale qui se penchait sur la question l'année dernière, qu'il avait attendu 44 mois avant qu'un agent des visas réponde à sa demande. À la lumière de la décision de la semaine dernière, madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle dire au Sénat si le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration augmentera son personnel afin de rattraper les retards?
Le sénateur Carstairs: Étant donné que le sénateur a déjà posé cette question, il sait que le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration a augmenté son personnel. Dans le dernier budget, il a obtenu les ressources lui permettant de le faire.
Nous nous entendons pour dire que nous avons un pays magnifique. Il y a des tas de gens qui souhaitent venir s'installer ici. Malheureusement, le processus est beaucoup plus long que le sénateur, moi-même et d'autres, notamment le ministre de l'Immigration, ne le souhaiterions. Bien honnêtement, c'est parce qu'un grand nombre de gens souhaitent venir vivre dans ce pays magnifique.
LA JUSTICE
LE JUGEMENT DE LA COUR SUPRÊME SUR LES MÉTIS—L'EFFET DE L'ARRÊT
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question, qui s'adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat, concerne l'arrêt historique sur les Métis. J'espérais faire un discours à ce sujet aujourd'hui, étant donné que j'avais un empêchement hier.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle décrire exactement toutes les mesures que le gouvernement prendra dans la foulée de l'arrêt historique de la Cour suprême sur la nation métisse?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme il le sait, le sénateur pose une question au sujet d'un jugement que la Cour suprême n'a rendu que vers la fin de la semaine dernière. Le gouvernement, plus particulièrement le ministère de la Justice, a entrepris une lecture et une analyse approfondies de cette décision. Il serait prématuré que moi-même ou quelque autre ministre fassions une déclaration quant à la suite des choses.
Le sénateur St. Germain: Je remercie madame le ministre de sa réponse.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait peut-être nous informer s'il y a des faits nouveaux qui pourraient se produire pendant l'analyse de cet arrêt historique.
LE PATRIMOINE
LE ROYAUME-UNI—LA DEMANDE DES NAMGIS VISANT LA RESTITUTION D'UN MASQUE CÉRÉMONIEL
L'honorable Gerry St. Germain: Honorables sénateurs, ma question complémentaire porte également sur les Autochtones. La bande des Namgis, une petite bande autochtone de la Colombie-Britannique, a demandé au British Museum de Londres de leur remettre un masque cérémoniel de bois qui est actuellement entreposé au musée. Au cours des 35 dernières années, les Namgis ont fait beaucoup d'efforts pour récupérer bon nombre de leurs objets cérémoniels qui sont dispersés un peu partout au Canada et de par le monde. Le British Museum a refusé de restituer le masque, prétendant avoir l'obligation juridique de le détenir en fiducie pour le mettre à la disposition des chercheurs. Ce même musée a également refusé de retourner les marbres d'Elgin à la Grèce avant les Jeux olympiques de 2004. Le Parlement canadien a adopté des motions demandant au Musée de renvoyer les marbres.
Le gouvernement du Canada fera-t-il un démarche spéciale en faveur des Namgis de la Colombie-Britannique pour demander que leur masque leur soit rendu?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme le sénateur le sait bien, nombre d'artefacts appartenant à nombre de peuples de nombre de pays se retrouvent malheureusement dans des pays autres que ceux dans lesquels ils devraient se trouver. Le sénateur a posé une question bien précise. Je ferai très certainement, en son nom, des démarches auprès de la ministre du Patrimoine, qui est la ministre compétente, pour lui faire part de la grande importance que le sénateur accorde à la restitution de ce morceau de l'histoire des Namgis.
LA SANTÉ
LA RÉVISION DE LA POLITIQUE DE PUBLICITÉ À L'ÉGARD DES MÉDICAMENTS D'ORDONNANCE
L'honorable Brenda M. Robertson: Honorables sénateurs, dans le cadre de la révision des lois relatives à la santé et notamment de la Loi sur les aliments et drogues, Santé Canada songe actuellement à lever l'interdiction contre la publicité à l'égard des médicaments d'ordonnance dans les médias écrits et parlés.
À l'heure actuelle, cette pratique n'est acceptable au Canada que si les publicités ne font pas mention des conditions médicales visées par ces médicaments. Si cette politique devait être modifiée, le Canada suivrait ainsi les traces des États-Unis et de la Nouvelle- Zélande qui sont les seuls pays industrialisés à permettre la publicité sur les médicaments d'ordonnance.
Quand le ministère de la Santé doit-il annoncer le résultat de sa révision de cette politique?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme le sénateur le sait, aucune décision n'a été prise dans cette affaire.
En ce qui concerne l'étude menée par Santé Canada, on peut seulement présumer qu'elle sera rendue publique une fois terminée.
(1400)
Le sénateur Robertson: Honorables sénateurs, l'Association médicale canadienne, l'Association des pharmaciens du Canada et l'Association des consommateurs du Canada ont exprimé leur opposition à la publicité des médicaments sur ordonnance qui s'adresse directement au consommateur. Le président de l'Association médicale du Québec a dit que cette publicité ferait augmenter le coût des soins de santé et minerait les efforts des médecins et des pharmaciens, qui tentent de promouvoir des pharmacothérapies peu coûteuses comme celles des médicaments génériques et des antibiotiques appropriés.
Madame le leader du gouvernement au Sénat pourrait-elle nous dire pourquoi le gouvernement envisage de lever l'interdiction de cette publicité malgré une opposition aussi vigoureuse?
Le sénateur Carstairs: Je peux assurer au sénateur que le gouvernement prendra en compte tous les arguments solides qui ont été présentés par des organismes dans lesquels le gouvernement a une grande confiance, mais j'estime qu'il convient que le gouvernement du Canada étudie un certain nombre de questions. Comme on a soutenu que la politique actuelle est peut-être injuste, il convient que cette étude soit menée. Cependant, je ne crois pas que nous devrions préjuger des résultats de cette étude.
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
LE PROGRAMME D'ENREGISTREMENT DES ARMES À FEU—LE VIREMENT DE FONDS DANS LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)
L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, hier, en réponse au sénateur Comeau, madame le leader du gouvernement a dit que le Budget supplémentaire des dépenses ne renfermait pas de nouveaux fonds pour le Centre canadien des armes à feu. Pourtant, en examinant le livre bleu du Budget supplémentaire des dépenses (A), on trouve à trois reprises un montant supplémentaire de 10 millions de dollars.
Je renvoie la ministre à la page 22. Sous «Annexe 1 proposée au projet de loi de crédits» et «Centre canadien des armes à feu», nous trouvons l'autorisation de virer un certain montant du ministère de la Justice au solliciteur général. Comme nous le savons, la responsabilité a été transférée d'un ministère à l'autre. On ajoute: «et pour prévoir un montant supplémentaire de 10 millions de dollars».
À la page 14, intitulée «Sommaire des modifications apportées aux crédits» et dans la colonne «Nouveau crédit, Centre canadien des armes à feu», nous voyons le chiffre 10 millions de dollars.
Enfin, à la page 88 du Budget supplémentaire des dépenses, intitulée «Nouveau crédit pour le Solliciteur général, Centre canadien des armes à feu», crédit 7a, et dans la colonne «Nouveau crédit», nous voyons la mention suivante: «pour prévoir un montant supplémentaire de 10 millions de dollars».
Ma recherche confirme-t-elle qu'en fait, le Budget supplémentaire des dépenses demande 10 millions de dollars de plus, contrairement à ce que madame le ministre a laissé entendre hier?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, mes renseignements sont exactement les mêmes que ceux que j'ai donnés au sénateur Comeau. Même si c'est la façon dont ils figurent dans le budget des dépenses, en réalité, ce n'est pas de l'argent frais. Il s'agit d'un virement de dix millions de dollars du ministère de la Justice au ministère du Solliciteur général, parce que ce dernier est maintenant responsable du registre des armes à feu.
Le sénateur Lynch-Staunton: Honorables sénateurs, je vais demander à madame le ministre de parler à ses recherchistes et de les exhorter à lire la page 14 du Budget supplémentaire des dépenses où il y a, sous la rubrique «Transfert», un montant qui est viré du ministère de la Justice à celui du Solliciteur général pour faire face exactement aux responsabilités qui ont été transférées. Cependant, en plus, sous la rubrique «Nouveau crédit» il y a dix millions de dollars. Je prétends que madame le ministre, relativement à ce point particulier, n'a peut-être pas été aussi bien informée qu'elle l'est d'habitude.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, étant donné les instances des sénateurs Lynch-Staunton et Comeau, je vais vérifier cette information. Cependant, j'ai posé la question à nouveau aujourd'hui, du fait de la question qui a été posée par le sénateur Comeau hier, et on m'a garanti que ce n'était pas de nouveaux crédits. Je ne veux absolument pas transmettre de faux renseignements et si l'information est incorrecte, je ferai part demain au Sénat d'une autre mise à jour à ce sujet.
L'honorable Gerald J. Comeau: Honorables sénateurs, nous avons soulevé cettte question au Comité des finances nationales la dernière fois que nous avons rencontré les fonctionnaires. Nous leur avons signalé que, étant donné qu'il nous incombe de bien contrôler au nom des contribuables l'utilisation des deniers publics, nous avons dit que nous voudrions qu'on nous fournisse un budget des dépenses qui n'est pas trompeur. Nous avons dit cela catégoriquement aux fonctionnaires et ces derniers nous ont garanti que cela ne se produirait pas et qu'ils n'essaieraient pas de nous tromper.
Cependant, si vous lisez le Budget supplémentaire des dépenses dans les deux langues, vous constaterez que la version anglaise dit «new appropriation», et que la version française dit «nouveau crédit» de quelque dix millions de dollars. Alors, de deux choses l'une: ou c'est un nouveau crédit ou ce ne l'est pas. S'il ne s'agit pas d'un nouveau crédit, madame le ministre devra dire à ses fonctionnaires du Conseil du Trésor ou à ceux qui rédigent de tels documents que ce genre d'information trompeuse doit cesser.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je vais obtenir plus de précisions à ce sujet car j'ai promis au leader de l'opposition que je le ferais. Si j'ai bien compris, cet argent représente effectivement un nouveau crédit pour le solliciteur général, mais il provient de l'ancien crédit octroyé au ministre de la Justice. Si j'obtiens des informations à l'effet contraire, je ne manquerai pas de les communiquer demain.
LES NATIONS UNIES
LA NON-PROLIFÉRATION DES ARMES NUCLÉAIRES
L'honorable Douglas Roche: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Hier, à l'Assemblée générale des Nations Unies, le président de la France, Jacques Chirac, a déclaré ceci:
Réunissons le Conseil de sécurité au sommet pour définir un véritable plan d'action des Nations Unies contre la prolifération.
Il n'a pas prononcé ces paroles sous le coup d'une inspiration soudaine. La France et l'Allemagne tiennent de tels propos depuis plusieurs mois. Le président Chirac a formulé son argument très succinctement en ces termes:
Nous devons être unis pour assurer l'universalité des traités et l'efficacité des régimes de non-prolifération.
Le Canada appuie-t-il avec cette position, et je suppose qu'il l'appuie, et quelles mesures entend-il prendre pour promouvoir cette idée de réunir le Conseil de sécurité au sommet pour étudier la question de la menace croissante des armes nucléaires et des autres armes de destruction massive?
Je pose ces questions parce le Canada ne s'est pas exprimé publiquement sur ce sujet et, à mon avis, il est primordial que sa voix se fasse entendre.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, comme l'honorable sénateur l'a lui-même dit, le président français n'a soulevé la question qu'hier, en prononçant un discours. Il n'est donc pas déraisonnable que, à 14 heures aujourd'hui, nous ne sachions pas quelle sera au juste la position du gouvernement du Canada. Il est vrai que, comme l'honorable sénateur l'a dit fort judicieusement, l'orientation du gouvernement devrait aller dans ce sens, puisque nous avons appuyé cette proposition par le passé.
Je communiquerai la question du sénateur au gouvernement et, le moment venu, le gouvernement du Canada fera connaître sa position.
Le sénateur Roche: Je remercie madame le ministre de bien vouloir transmettre cette idée.
LA PARTICIPATION DU PREMIER MINISTRE À LA RÉFORME DES INSTITUTIONS
L'honorable Douglas Roche: Hier, toujours à l'ONU, le secrétaire général, Kofi Annan, a réclamé une réforme du Conseil de sécurité, qui serait élargi, et il a annoncé son intention de former un comité de personnalités éminentes pour étudier la question et lui présenter un rapport assorti de recommandations dans un an.
Hier encore, le premier ministre Chrétien a pris la parole à l'ONU et a réclamé, pour reprendre ses propos, «un renouvellement audacieux aux Nations Unies». Il semble qu'il y ait une bonne correspondance entre les idées de Kofi Annan et celles du premier ministre Chrétien.
Envisage-t-on que M. Chrétien, qui sera bientôt un ancien premier ministre, puisse être membre du groupe de personnalités éminentes? Ce serait une bonne idée, et M. Chrétien pourrait mettre à profit l'engagement qui est le sien depuis longtemps à l'égard des valeurs canadiennes fondamentales pour soutenir les Nations Unies.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): L'honorable sénateur a parfaitement raison. Les déclarations faites hier par Kofi Annan et notre premier ministre s'accordent fort bien. Toutefois, le très honorable Jean Chrétien entend demeurer au poste de premier ministre jusqu'en février 2004. M. Annan a dit qu'il veut mener cette étude très rapidement. Il a souhaité la production d'un rapport d'ici un an. Quiconque veut produire un rapport d'ici un an a intérêt à se mettre en marche relativement vite. Je ne suis donc pas certaine que l'actuel premier ministre sera disponible.
(1410)
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA—LA SÉCURITÉ DU PREMIER MINISTRE
L'honorable Marjory LeBreton: Honorables sénateurs, la dernière réponse concernant le fait que l'actuel premier ministre restera en fonction jusqu'en février 2004 m'amène à poser la question suivante: Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle nous dire si la GRC a l'intention d'offrir au député de LaSalle-Émard des services de sécurité équivalant à ceux offerts au premier ministre maintenant que ce député a remporté l'étape de sélection des délégués de son parti? Le cas échéant, combien coûtera aux contribuables canadiens le fait d'avoir à offrir des services de haute sécurité à deux personnes?
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Comme l'honorable sénateur le sait, nous assurons la sécurité du premier ministre de notre pays. Nous assurons aussi celle des ministres, s'ils en ont besoin. Il arrive même que nous assurions la sécurité de parlementaires, y compris de sénateurs, si les circonstances le justifient.
Les services de sécurité du premier ministre sont offerts au très honorable Jean Chrétien et à personne d'autre, et ils continueront de l'être tant que celui-ci sera premier ministre.
Le sénateur LeBreton: Honorables sénateurs, habituellement, lorsque le chef d'un parti est élu, la sécurité entourant cette personne augmente, pour des raisons évidentes. A-t-on augmenté les mesures de sécurité entourant M. Martin? Le cas échéant, combien cela coûte-t-il aux contribuables canadiens?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, le sénateur LeBreton a répondu à sa propre question. Même si M. Martin a obtenu l'appui d'un grand nombre de délégués samedi dernier, il n'a pas encore été élu chef du Parti libéral du Canada.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je ne partage pas l'avis du sénateur LeBreton. On assure parfois la sécurité d'ex-premiers ministres. Si l'on avait assuré la sécurité de l'ex-premier ministre Mulroney, l'aide d'un sénateur lors du dévoilement de la statue de M. Mulroney, qui était alors accompagné de l'actuel premier ministre et des Présidents des deux Chambres du Parlement, aurait été superflue.
On devrait assurer la protection de certaines personnes, y compris d'ex-premiers ministres, au besoin. Je ne partage toutefois pas l'avis du sénateur LeBreton.
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je peux comprendre pourquoi le sénateur Prud'homme n'est pas d'accord avec le sénateur LeBreton. Comme je l'ai mentionné, dans certaines circonstances, les députés et les sénateurs bénéficient également d'une protection additionnelle. Cela arrive, par exemple, dans des cas où des menaces de mort ont été proférées contre eux. Je n'ai pas entendu dire que de telles menaces avaient été proférées contre le député de LaSalle-Émard. Si cela arrivait, les mesures de protection nécessaires seraient mises en place.
L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, est-ce qu'on donnera à M. Martin, ou peut-être à Mme Copps, la protection qu'on donne habituellement au premier ministre à partir du 15 novembre jusqu'à ce que le premier ministre quitte son poste en février?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, c'est là une question hypothétique. Nous ne savons pas ce qui arrivera le 15 novembre. Lorsque ce jour viendra et lorsqu'il sera décidé qu'une certaine personne dans notre pays a besoin d'un niveau de protection plus élevé, je suppose qu'on prendra les mesures nécessaires.
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je croyais que la pratique voulait qu'on ne discute pas des mesures de sécurité prises par la Gendarmerie royale du Canada. Madame le leader du gouvernement au Sénat ne croit-elle pas qu'il est inopportun de poser des questions détaillées sur la protection dont pourrait bénéficier M. Martin, ou Mme Copps, ou même le sénateur LeBreton, qui en a probablement plus besoin que n'importe qui d'autre sur la planète?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, au risque de me répéter je vous dirais qu'il y a des occasions où, à cause de circonstances indépendantes de leur volonté qui leur sont imposées par d'autres, les députés et sénateurs doivent bénéficier d'une protection spéciale. Il y a des ministres qui, à l'occasion, bénéficient d'une telle protection. À bien d'autres moments, ils n'ont pas ce genre de protection. Je n'ai pas ce genre de protection et je n'en ressens pas le besoin. Cependant, il y a eu des cas où d'autres ministres, à cause de menaces, ont bénéficié d'une protection spéciale, et je crois que cela est tout à fait correct. Je suis certaine que les Canadiens seraient d'accord, même si c'est l'argent de leurs impôts qui est dépensé ainsi. Les parlementaires d'ici et de l'autre endroit voudraient ce genre de protection si des menaces étaient proférées contre eux.
LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
L'ARABIE SAOUDITE—LES MAUVAIS TRAITEMENTS INFLIGÉS À UN CITOYEN CANADIEN INCARCÉRÉ
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, je voudrais demander à madame le leader du gouvernement au Sénat si elle a été en mesure d'obtenir la réponse à ma question concernant la torture subie par un citoyen canadien du nom de William Sampson aux mains de fonctionnaires du royaume d'Arabie saoudite. J'avais demandé si le Canada déposerait une plainte contre le royaume d'Arabie Saoudite pour violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ignore si nous avons utilisé ce recours. Ce que je puis dire à l'honorable sénateur, c'est que le gouvernement canadien est extrêmement déçu du refus du gouvernement de l'Arabie saoudite de lancer une enquête sur le traitement dont William Sampson a fait l'objet, et que notre gouvernement a fait part de sa déception aux autorités saoudiennes.
L'Arabie saoudite a invité M. Sampson à présenter une plainte dans le cadre de son propre système judiciaire. Jusqu'à maintenant, M. Sampson a refusé de le faire, mais il aurait apparemment été informé que le Canada est prêt à l'aider, au cas où il déciderait de porter plainte.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, j'ai pris note de ce que disait hier le ministre des Affaires étrangères, qui se trouvait avec le premier ministre aux Nations Unies, à New York. Il aurait déclaré que, selon lui, M. Sampson devait épuiser tous les recours intérieurs avant que les instances internationales ne puissent intervenir. Je rejette cette opinion. Elle est sans fondement, puisque la communauté mondiale a remplacé le système de maintien de la loi et de l'ordre de type westphalien par un système communautaire mondial.
En vertu du droit international, on peut invoquer la Convention des Nations Unies contre la torture, à laquelle le royaume de l'Arabie saoudite et le Canada adhèrent. Je crois que l'article 12 de la convention s'appliquerait dans le cas de la torture pratiquée par les autorités de l'Arabie saoudite contre M. Sampson, un citoyen canadien.
Par conséquent, si le Canada ne porte pas plainte en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le fera-t-il en vertu de la Convention des Nations Unies contre la torture?
Le sénateur Carstairs: Honorables sénateurs, je soumettrai la question du sénateur Kinsella au ministre des Affaires étrangères.
(1420)
[Français]
RÉPONSE DIFFÉRÉE À UNE QUESTION ORALE
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer une réponse à une question orale de l'honorable sénateur Comeau, posée le 13 mai 2003, concernant le Centre canadien des armes à feu et le congédiement d'employés.
LE SOLLICITEUR GÉNÉRAL
LE CENTRE CANADIEN DES ARMES À FEU—LE CONGÉDIEMENT D'EMPLOYÉS
(Réponse à la question posée le 13 mai 2003 par l'honorable Gerald J. Comeau)
Au cours des derniers mois, le gouvernement a annoncé plusieurs initiatives clés visant à améliorer le Programme et à assurer un meilleur service aux Canadiennes et aux Canadiens partout au pays.
Le 21 février, le ministre de la Justice, accompagné du solliciteur général, a déposé un Plan d'action qui générera un programme de contrôle des armes à feu offrant des avantages importants au chapitre de la sécurité publique, tout en mettant le Programme sur la bonne voie, à moindre coût.
Le Plan d'action trace la ligne qui sert à améliorer les services, la transparence et l'imputabilité du Programme. Il souligne l'engagement du gouvernement du Canada envers le programme de contrôle des armes à feu et répond aux recommandations de la Vérificatrice générale contenues dans son rapport de décembre dernier.
Le gouvernement a déjà entrepris la mise en œuvre de ces mesures. Le Centre canadien des armes à feu a été transféré au portefeuille du solliciteur général le 14 avril 2003. Cela convient très bien au portefeuille du solliciteur général, puisque son objectif primaire est d'accroître la sécurité publique.
Le Plan d'action indiquait également que le gouvernement allait regrouper le rôle de l'administration centrale à Ottawa. Cela a déjà eu lieu.
Le 30 mai, on a nommé un commissaire aux armes à feu. L'autorité légale de tous les éléments du Programme canadien des armes à feu, qui sont gérés par l'échelon fédéral, sont sous la responsabilité du commissaire qui doit rendre compte au solliciteur général. De plus, le poste de directeur de l'enregistrement des armes à feu a été transféré au Centre canadien des armes à feu, alors que celui-ci était traditionnellement comblé par un membre de la GRC. Le directeur relève du commissaire aux armes à feu.
Également, selon le Plan d'action, le poste de chef de la direction financière a été comblé. Ce dernier est responsable de l'analyse des risques et de l'intégrité des données et des rapports, et il doit assurer que les ressources sont utilisées conformément au plan financier du Programme. Il doit aussi faire rapport des résultats.
On a aussi comblé le poste de chef principal des opérations. Cette dernière assume la responsabilité de l'ensemble des opérations du Programme, dont la délivrance des permis et l'enregistrement des armes à feu.
Le 14 mai 2003, le projet de loi C-10A a reçu la Sanction royale. Les modifications apportées au Code criminel et à la Loi sur les armes à feu sont de nature administrative et visent à rationaliser le Programme canadien des armes à feu. Plusieurs de ces modifications nécessiteront l'élaboration de nouveaux règlements ou la modification de règlements existants avant d'entrer en vigueur. En conséquence, quinze règlements proposés ont été déposés devant le Parlement par le solliciteur général le 13 juin 2003. Tous, sauf un, modifient les règlements existants. Le dépôt des règlements proposés constitue une autre étape importante dans l'amélioration continue du Programme des armes à feu.
Des consultations sur les règlements sont en cours avec le Parlement et le grand public par l'entremise du processus de publication dans la Gazette. En outre, les Canadiennes et les Canadiens sont invités à soumettre une rétroaction et des suggestions concernant le Programme canadien des armes à feu et les règlements proposés par le truchement du site Web du Centre canadien des armes à feu.
Le 18 juin 2003, le solliciteur général du Canada a annoncé la mise en place du Comité consultatif du Programme, un des éléments clés du Plan d'action. Le Comité est composé d'experts provenant de l'extérieur du gouvernement qui ont les compétences et les connaissances spécialisées au chapitre de la gestion et des systèmes. Les membres de ce Comité, qui agissent à titre bénévole, donnent des conseils sur les façons d'améliorer la gestion du Programme et la qualité des services offerts au public. Le Comité consultatif du Programme a tenu sa première réunion en juin.
Le Programme canadien des armes à feu présentera au Parlement un rapport annuel qui contiendra des renseignements pertinents concernant le Programme et qui complètera les rapports existants du gouvernement devant le Parlement. Cette mesure est conforme à une recommandation de la Vérificatrice générale et donne suite aux efforts déployés depuis janvier 2002 pour rapporter davantage de renseignements, y compris l'estimation des coûts futurs, dans le rapport sur les plans et les priorités.
Les Canadiennes et les Canadiens veulent des lois sur les armes à feu qui sont rigoureuses et raisonnables. Ils réclament également un engagement de notre part qui garantit que le Programme sera géré le plus efficacement possible. Le gouvernement a pris cet engagement et, comme vous pouvez clairement le constater, nous allons déjà de l'avant avec des mesures pour rationaliser le Programme et le rendre plus efficace.
VISITEURS DE MARQUE
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je tiens à signaler la présence à notre tribune des participants au Colloque de coopération parlementaire, automne 2003, de l'Algérie, du Cameroun, du Gabon, de Madagascar et de la Tunisie. Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
ORDRE DU JOUR
LES TRAVAUX DU SÉNAT
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, à l'ordre du jour, j'aimerais que nous commencions, aux affaires du gouvernement sous la rubrique «Projets de loi», par le point 2, pour ensuite passer au point 3 et au point 1 de la même rubrique.
[Traduction]
PROJET DE LOI SUR LE RÈGLEMENT DES REVENDICATIONS PARTICULIÈRES
TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Robichaud, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Rompkey, c.p., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi constituant le Centre canadien du règlement indépendant des revendications particulières des premières nations en vue de permettre le dépôt, la négociation et le règlement des revendications particulières, et modifiant certaines lois en conséquence, tel que modifié;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Watt, appuyée par l'honorable sénateur Gill: Que le projet de loi, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
L'honorable David Tkachuk: Report du débat.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Question.
[Traduction]
Son Honneur le Président: La mise aux voix est demandée. Si l'honorable sénateur souhaite que le débat sur cette question soit reporté d'un jour, il devra présenter une motion d'ajournement en bonne et due forme.
Le sénateur Tkachuk: Je propose l'ajournement du débat jusqu'au prochain jour de séance du Sénat.
Son Honneur le Président: L'honorable sénateur Tkachuk, avec l'appui de l'honorable sénateur Stratton, propose que le débat soit ajourné au prochain jour de séance du Sénat.
Cette motion n'est pas sujette à débat.
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, j'aimerais obtenir une clarification. Lorsque le sénateur nous parle de reporter cet article à l'ordre du jour à la prochaine séance, je comprends que c'est demain?
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk: Cette motion n'est pas sujette à débat.
Son Honneur le Président: Nous sommes saisis d'une motion du sénateur Tkachuk, qui propose, avec l'appui du sénateur Stratton, que le débat soit ajourné. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Sénateur Cools, souhaitez-vous poser une question?
L'honorable Anne C. Cools: Je faisais remarquer au sénateur Day qu'une petite erreur s'était glissée à son sujet dans les Débats du Sénat d'hier, de sorte que je n'ai pas entendu. De quelle motion sommes-nous saisis?
Son Honneur le Président: D'une motion d'ajournement.
Le sénateur Cools: D'ajournement de quoi?
Son Honneur le Président: Je comprends que notre attention est parfois attirée ailleurs. Si tous les honorables sénateurs écoutent, je vais les informer de la motion du sénateur Tkachuk qui propose, avec l'appui du sénateur Stratton que le débat sur le projet de loi C-6 soit ajourné.
Le sénateur Robichaud:... à demain.
Son Honneur le Président: Je vais maintenant mettre la question aux voix. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: Je vais procéder de manière formelle.
Le sénateur Cools: Le vote vient tout juste d'être pris.
Son Honneur le Président: Il ne s'agit pas d'une question de privilège, mais plutôt d'un recours au Règlement.
Le problème est que nous sommes au milieu d'une procédure. La question a-t-elle trait à cette procédure? Si c'est le cas, je vais vous accorder la parole, sénateur Gill.
[Français]
L'honorable Aurélien Gill: Honorables sénateurs, nous sommes en train de regarder et de réexaminer le projet de loi C-6. Nous savons que beaucoup de questions se posent. Nous savons que ces questions causent beaucoup de tiraillements chez certains, à commencer par les Premières nations. Je pense que nous pouvons peut-être en arriver à offrir une suggestion ou, peut-être, une motion d'amendement. Si on avait une journée de plus pour examiner le projet de loi, nous pourrions, demain, présenter quelque chose qui pourrait peut-être convenir à plus de gens.
Je ne peux pas vous dire exactement le contenu, parce que nous sommes en train de le préparer. Je sais qu'il y a beaucoup de tiraillements parmi les sénateurs et nous respectons cela énormément.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Sénateur Gill, je vous ai écouté attentivement et je ne crois pas qu'il y ait matière à un recours au Règlement. Par contre, peut-être le Sénat voudra-t-il traiter de cette question durant ses travaux, mais cela nécessiterait son consentement unanime. Si vous désirez demander s'il y a un tel consentement, je vais le vérifier.
[Français]
Le sénateur Gill: Honorables sénateurs, je demande seulement le report de cet article afin que nous puissions en discuter demain.
[Traduction]
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, de discuter des travaux de la Chambre?
[Français]
Le sénateur Robichaud: Honorables sénateurs, je crois que l'honorable sénateur Gill semble ne pas saisir le but de cette motion, qui est de reporter le débat de ce jour sur l'amendement au projet de loi C-6 à demain, ce qui aurait pour effet de lui donner la journée à laquelle il fait allusion. Nous n'avons pas refusé. Je pense que Son Honneur s'apprêtait justement à poser la question.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, ce n'est pas ce qu'il a fait.
Le sénateur Robichaud: Je croyais qu'on l'avait fait.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Nous avons interrompu le déroulement des travaux afin d'examiner s'il convenait d'invoquer le Règlement. Le recours au Règlement n'est pas fondé. Nous discutions des travaux de la Chambre, mais je n'avais pas posé la question formellement aux honorables sénateurs.
À cette étape de nos travaux, qui se situe entre la présentation d'une motion et l'examen d'une motion, la permission est-elle accordée de discuter des travaux de la Chambre?
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Il existe, honorables sénateurs, une sérieuse raison d'invoquer le Règlement. Il s'agit de savoir comment nous votons dans cette enceinte. Or, s'il y a quelque chose de sacré, c'est bien de savoir comment nous votons.
Rien dans le Règlement n'autorise l'honorable sénateur qui occupe le fauteuil à mettre aux voix une question à deux reprises.
Le sénateur Cools: C'est juste.
Le sénateur Kinsella: La question a été mise aux voix et un vote par oui ou non a eu lieu. Si deux sénateurs se lèvent parce qu'ils souhaitent un vote par appel nominal pour plus de certitude, c'est permis par le Règlement. Si personne ne s'est levé, peut-on me dire quel article du Règlement prévoit une procédure pour obtenir cette plus grande certitude en déclarant «je vais de nouveau mettre la question aux voix» alors qu'elle l'a déjà été et qu'un vote par oui ou non a déjà eu lieu?
Son Honneur le Président: Je vais d'abord traiter du rappel au Règlement du sénateur Kinsella puisqu'il s'agit en vérité d'une demande d'éclaircissement.
Le sénateur Cools: Non, ce n'en est pas une.
Son Honneur le Président: Si ce n'en est pas une, je l'examinerai en tant que rappel au Règlement. Il arrive souvent au Sénat que des voix se fassent entendre lorsqu'une motion est mise aux voix par le Président. Par exemple, lorsque le Président demande: «Vous plaît-il d'adopter la motion», certains répondent oui et d'autres répondent non en même temps. C'est ainsi que j'interprète ce qui s'est passé. Je n'ai pas dit que la motion était adoptée. J'ai dit, comme à l'accoutumée, que j'allais mettre la motion aux voix de manière formelle. Le compte rendu devra en faire foi. Si les sénateurs le désirent, je peux demander qu'on fasse la lecture du compte rendu. Désirez-vous que l'on fasse la lecture du compte rendu?
Le sénateur Kinsella: Je crois que nous avons besoin d'une décision sur un rappel au Règlement. Je sais que le Règlement du Sénat prévoit le cas où l'honorable sénateur occupant le fauteuil met une question aux voix à deux reprises.
Une fois la mise au voix demandée pour la première fois, le Président indique s'il est d'avis que ce sont les oui ou les non qui l'emportent, ce qu'il n'a pas indiqué en l'espèce. Il aurait dû le faire plutôt que de mettre de nouveau la question aux voix. S'il y a des doutes ou s'il est nécessaire d'avoir plus de certitude, le Règlement prévoit que deux sénateurs peuvent se lever et demander que le vote s'exécute d'une autre façon.
Son Honneur le Président: J'entendrai donc le rappel au Règlement. Je crois qu'il s'agit d'une demande d'éclaircissement, mais entendons ce que les sénateurs ont à dire.
(1430)
[Français]
Le sénateur Robichaud: J'appuie Son Honneur dans la façon qu'il a traité cette question. C'est une pratique que nous employons souvent ici lorsque nous ne comprenons pas clairement l'expression des honorables sénateurs. Lorsque vous avez posé la question ayant trait à la motion d'ajournement, on a eu des oui. Pour ma part, j'ai dit non et j'ai même insisté parce que j'aimerais voir le débat continuer. Son Honneur, afin d'être certain de ce qu'il a entendu, sans poser la question une deuxième fois, a tout simplement répété pour s'assurer qu'il avait bien compris. On ne va pas voter deux fois sur la même question, on va juste s'assurer que le vote est clair sur la question qui avait été posée.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Au sujet du recours au Règlement, je donne la parole à madame le sénateur Cools, qui sera suivie par les sénateurs Prud'homme et Lapointe.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, la question soulevée par le sénateur Kinsella est tout à fait justifiée. Je crois sincèrement que Son Honneur a commis involontairement une erreur, sans aucune mauvaise intention de sa part. C'était une erreur honnête, la conséquence d'une tentative visant à créer un certain désordre, mais c'est une chose à laquelle il est possible de remédier rapidement avec patience et magnanimité.
Le sénateur Kinsella a tout à fait raison. La question a été mise aux voix et il y a eu vote. Certains ont dit oui et d'autres ont dit non.
En fait, nous sommes en présence d'un vote en cours, qui ne peut simplement pas être interrompu au consentement unanime. Il n'y rien de tel qu'un consentement unanime pour permettre à quelqu'un d'autre de parler. Je crois que le sénateur Gill a mal compris ce qui se passait, ce qui constitue une erreur honnête.
Si les sénateurs n'avaient pas entendu Son Honneur mettre la question aux voix, ils auraient pu en demander la répétition. À ce moment, il aurait été parfaitement justifié de répéter la question. Toutefois, il n'a pas du tout été difficile d'entendre la question.
Son Honneur a clairement posé la question. Ceux qui étaient en faveur ont dit oui et ceux qui étaient contre ont dit non. Tout ce qu'il restait à faire pour terminer le processus, c'était que Son Honneur dise: «À mon avis, les oui l'emportent» ou «À mon avis, les non l'emportent». À ce stade, le processus se serait poursuivi ainsi. Si deux sénateurs s'étaient levés, nous serions passés à un vote inscrit. Autrement, les whips auraient pu demander un vote différé.
Honorables sénateurs, une fois que le vote est en cours, il doit aller jusqu'au bout. Ce qui s'est passé, c'est que Son Honneur a involontairement interrompu le processus et suscité une certaine confusion.
Le fait est que la Chambre s'était déjà prononcée et qu'on ne peut pas lui demander de le faire deux fois de suite sur la même question. Il est contraire au Règlement de le faire. J'espère que ces questions pourront être éclaircies pour que les sénateurs puissent comprendre plus clairement ce qui s'est passé.
Je voudrais aussi aborder la question du consentement unanime. Beaucoup de gens croient à tort que le consentement unanime est un moyen d'exprimer notre volonté. Ce n'est pas le cas. C'est seulement un moyen de suspendre temporairement les dispositions de notre Règlement. Si la Chambre souhaite exprimer sa volonté, elle doit le faire d'une façon claire. Toutefois, il est évident que le sénateur Kinsella avait absolument raison.
[Français]
L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Cools. Si elle connaît si bien le Règlement, et si elle aime l'appliquer — qu'elle tienne son écouteur au lieu de parler avec son voisin pendant qu'il se passe quelque chose ici —, qu'elle se présente pour prendre la place de Son Honneur le jour où il quittera le Sénat. Ma deuxième question est très simple, c'est une suggestion.
[Traduction]
Le sénateur Cools: Je peux commencer pour vous, si vous le souhaitez, car vos propos sont très personnels et tout à fait contraires au Règlement...
Son Honneur le Président: Le sénateur Lapointe a la parole.
[Français]
Le sénateur Lapointe: Au lieu de jaser pendant que je parle, écoutez ce que j'ai à dire. Si vous avez une question, vous me la poserez quand j'aurai fini mon intervention, cela me fera plaisir d'y répondre. En attendant, je n'ai pas fini.
[Traduction]
Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement!
[Français]
Le sénateur Lapointe: Votre rappel au Règlement, vous le proposerez lorsque j'aurai fini.
[Traduction]
Le sénateur Cools: Votre Honneur, nul sénateur n'est censé se lever...
Son Honneur le Président: Sénateurs, le Règlement est clair. La parole ne peut être accordée qu'à un seul sénateur à la fois. À vous, sénateur Lapointe.
[Français]
Le sénateur Lapointe: Honorables sénateurs, un point d'ordre serait de faire prendre l'air à l'honorable sénateur pendant 5 minutes pendant que l'autre sénateur parle. Ceci étant dit, le sénateur Tkachuk a demandé l'ajournement. Vous avez demandé si la motion d'ajournement était acceptée et la réponse a été unanime. Mon collègue, le sénateur Gill, n'avait pas très bien saisi le sens. La question n'est pas de revenir sur l'erreur ou le mauvais «timing» de mon collègue le sénateur Gill.
Le leader adjoint du gouvernement au Sénat a posé la question au sénateur Tkachuk, à savoir jusqu'à quand l'ajournement de cet article à l'ordre du jour se ferait, et il a répondu «demain». Je ne vois pas pourquoi l'on passerait une demi-heure à discuter entre nous quand la question est réglée. C'est mon point de vue et je suis très content de ce point de vue.
[Traduction]
L'honorable Sharon Carstairs (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, j'ai passé au Sénat moins de temps que certains d'entre vous, mais sûrement assez longtemps pour avoir une certaine compréhension des dispositions de notre Règlement et des pratiques courantes de cette institution.
Ce qui s'est passé, il y a quelques minutes, était vraiment très simple. Le sénateur Tkachuk a proposé une motion. Son Honneur l'a mise aux voix. Fait intéressant, madame le sénateur Cools s'est levée, quelques minutes plus tard, mais ne semblait pas vraiment savoir de quoi nous parlions à ce moment précis. Tout cela figure au compte rendu.
Je crois qu'il est juste de dire que le sénateur Gill ne savait plus très bien ce que nous tentions de faire.
Son Honneur n'avait de toute évidence pas une idée claire du nombre de oui et de non qu'il a entendus. Il a donc fait ce que tout Président rationnel et responsable aurait fait à sa place: il a mis officiellement la question aux voix. Il nous a demandé de dire d'une façon claire et sans équivoque si nous étions en faveur ou contre la motion. Lorsqu'il a essayé de le faire, il y a eu un recours au Règlement, mais il n'était pas justifié.
Votre Honneur, à mon avis et de l'avis d'une grande majorité de sénateurs présents, vous avez essayé de faire la seule chose logique qui s'imposait.
Le sénateur Tkachuk: Votre Honneur, je voudrais dire que, pour une motion ne pouvant pas faire l'objet d'un débat, celle-ci était particulièrement intéressante.
Son Honneur le Président: Je vous remercie, honorables sénateurs. Je vais faire de mon mieux pour mettre les choses au clair. Je vous suis reconnaissant de vos observations sur le recours au Règlement.
Je vais seulement aborder le point soulevé par le sénateur Kinsella et non la question du consentement unanime. Si les honorables sénateurs souhaitent parler de cette dernière question, je vais en traiter comme d'un sujet distinct.
Au sujet de la question soulevée par le sénateur Kinsella — et je tiens à remercier le sénateur Carstairs et tous les autres sénateurs de leurs observations à ce sujet —, il a tout à fait raison de dire que lorsqu'une motion est mise aux voix, elle ne peut être soumise à un vote qu'une seule fois. Je crois que le sénateur Carstairs a plus ou moins correctement décrit ce qui s'est produit et ce que j'ai fait à titre de président de cette assemblée. Une motion a été proposée, ce qui a déclenché le processus de mise aux voix. La question normale — Vous plaît-il adopter la motion? — a été posée. J'ai entendu des oui et des non, mais je n'étais pas certain de savoir lesquels l'emportaient.
L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Vous ne l'avez pas demandé.
Son Honneur le Président: Je sais que le sénateur Gill a fermement pris position au sujet du projet de loi. Je l'ai donc entendu. Je pensais que son recours au Règlement pouvait être justifié. Cela aurait été inhabituel. Je ne croyais pas vraiment qu'il l'était, et il ne l'était pas. Il voulait simplement intervenir pour réitérer son argument au sujet de l'ajournement. Il n'y a pas eu de consentement unanime, mais nous l'avons entendu quand même. Je crois que cet événement était totalement étranger à la question soulevée par le sénateur Kinsella.
(1440)
La réponse à la question du sénateur Kinsella est soit l'une, soit l'autre possibilité. J'ai dit soit...
Je peux peut-être lui demander si la motion a été adoptée?
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous n'avez exprimé aucune opinion à cet égard.
Son Honneur le Président: Si ma mémoire est bonne, je n'ai en effet pas exprimé d'opinion.
Le sénateur Lynch-Staunton: Vous n'avez pas émis d'opinion.
Son Honneur le Président: Comme plusieurs se sont prononcés, j'ai appliqué la formule que j'applique presque toujours quand je suis en pareille situation. J'ai déclaré que j'allais mettre la question aux voix, selon la procédure.
Lorsque j'estime nécessaire de clarifier les choses, je mets la question aux voix, selon la procédure. En d'autres termes, je demande qui est d'accord et qui ne l'est pas. C'est précisément ce que je m'apprêtais à faire lorsqu'on a parlé de mettre la question aux voix pour une deuxième fois.
Je crois que la solution pour savoir si j'ai dit «la motion est adoptée» ou «la motion est rejetée» est de consulter le compte rendu. Je ne crois pas avoir d'autre choix que de demander que cette partie des délibérations soit relue au Sénat afin d'établir si j'ai dit «la motion est adoptée» ou «la motion est rejetée». Je m'en tiens à cela. De cette façon, la question sera réglée.
Pour autant que je me rappelle, contrairement au sénateur Kinsella, qui n'a pas entendu la même chose, je n'ai pas dit que la motion était adoptée ou rejetée, j'ai plutôt dit que je mettais la motion aux voix, selon la procédure.
Puis-je demander que soit relue la partie des délibérations en cause?
Le sénateur Lynch-Staunton: La quoi?
Son Honneur le Président: Pardonnez-moi, c'est la première fois qu'elle est lue. Est-il possible de lire la partie des délibérations dont il est question?
Qu'est-ce que j'ai dit à ce moment-là? Est-ce que j'ai dit, comme l'a entendu le sénateur Kinsella, «la motion est adoptée» ou ai-je dit «la motion est rejetée»?
Le sénateur Nolin: Non. Ce n'est pas ce que vous avez dit.
L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): Honorables sénateurs, un vote par oui ou par non a été tenu. Contrairement à la pratique courante, Son Honneur n'a pas précisé si les oui ou les non l'emportaient, auquel cas deux sénateurs auraient pu se lever et demander un vote par appel nominal. Son Honneur n'a rien dit, si ce n'est que nous aurions un autre vote.
Son Honneur le Président: Non, ce n'est pas notre usage. Normalement, nous donnons vraiment l'occasion aux sénateurs de se faire entendre dans le cadre d'un vote par oui ou par non. Nous ne prenons pas simplement une fraction de seconde pour nous prononcer. Cela prend un petit peu de temps. J'ai pour habitude de donner vraiment l'occasion aux sénateurs qui veulent dire oui ou non de se faire entendre chaque fois.
Aucune opinion n'a été exprimée par la présidence quant au résultat du vote. Si deux sénateurs s'étaient levés, cela aurait réglé la question. Aucun sénateur ne s'est levé et la présidence n'a pas exprimé d'avis quant à l'adoption de la motion.
Le sénateur Lynch-Staunton: Le rôle du Président est de déterminer si les oui ou les non l'emportent dans le cadre d'un vote par oui ou par non.
Son Honneur n'a pas fait cela. C'est un vote. Il s'agit d'un vote formel sur une motion présentée formellement. Comme la présidence n'a rien dit, je ne peux que supposer que les oui l'emportaient. Personne n'est intervenu pour contester cela. Et maintenant, nous allons tenir un autre vote.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il ne peut y avoir deux votes sur la même question. Si la présidence reste silencieuse, cela ne signifie pas que le vote a été remporté par les oui ou les non. En fait, nos usages veulent qu'en cas d'égalité des voix, les non l'emporteraient. La motion ne serait pas adoptée. Quoi qu'il en soit, cela n'a aucune importance. La présidence n'a pas pris de décision quant au résultat du vote.
Un vote ne sera pas tenu tant que les sénateurs n'auront pas eu véritablement l'occasion de se faire entendre. J'étais sur le point de la leur donner.
Le sénateur Prud'homme a hâte d'intervenir. Je vais l'entendre.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je vais parler en anglais lentement.
Je suis à cette extrémité de la salle et j'ai entendu Son Honneur très clairement. Il a tout à fait raison. Son Honneur a dit «oui» et «non». Il y a eu certains oui et certains non. Son Honneur n'a pas eu le temps de dire «À mon avis» et le reste, soit que les oui ou les non l'emportent. Deux sénateurs auraient pu se lever.
Son Honneur n'a pas eu le temps d'en arriver là lorsque le sénateur Gill est intervenu. Nous sommes allés ensuite dans une autre voie.
Je pense que Son Honneur a absolument raison. Nous n'avons pas eu le temps de terminer notre procédure. Il n'y a aucune confusion. D'après moi, Son Honneur a été très clair. Nous n'étions pas encore parvenus à la partie où la présidence a toujours dit: «À mon avis, les oui l'emportent», ou «À mon avis, les non l'emportent». À ce moment-là, les sénateurs auraient pu se lever ou non. Si deux sénateurs s'étaient levés, nous aurions dû alors procéder à un vote formel.
Nous ne sommes pas allés jusque-là car nous avons été complètement détournés de notre propos par notre bon ami, le sénateur Gill, qui sait maintenant qu'il a agi totalement contrairement au Règlement. Nous ne sommes pas censés exprimer notre opinion pendant un vote. En toute justice pour tout le monde, Son Honneur pourrait dire maintenant: «À mon avis...»
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois mettre fin aux interventions.
Je vais rendre ma décision. Vous pourrez la contester si vous voulez.
Le paragraphe 65(1) du Règlement dit ceci:
Lorsqu'une question est soumise au vote, le Président demande qui est pour et qui est contre et détermine si la question est adoptée.
Dans la pratique, pour les motions, particulièrement les motions d'ajournement, le Président ne se lève pas et ne dit pas: «Que ceux qui sont en faveur de la motion disent oui», «Que ceux qui s'opposent à la motion disent non». Le Président dit: «Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?» Normalement, ou bien c'est le silence ou bien il y a une indication claire d'un vote pour ou contre.
En l'occurrence, ça ne s'est pas produit. Il n'y a pas eu d'indication claire, d'après les voix, d'un vote pour ou contre quand j'ai posé la question: «Désirez-vous adopter la motion?»
Quand je ne suis pas sûr et quand je n'ai pas exprimé d'opinion, ce que je n'ai pas fait, je procède à un vote formel. Je demande alors qu'on dise oui ou non et je tranche. Si le Sénat veut un vote inscrit, il suffit que deux sénateurs se lèvent.
La motion a été mise aux voix, mais il n'y a pas eu de décision car je n'ai donné aucune indication que la motion avait été adoptée ou rejetée.
Le sénateur Lynch-Staunton a pris pour position que si le résultat du vote n'est pas clair ou que si personne ne dit rien, cela signifie que la motion est adoptée. À ma connaissance, cette règle n'existe pas. En fait, nous avons une règle qui dit que lorsqu'il y a égalité des voix, la motion est rejetée.
S'il y avait une décision automatique et que l'on interprétait le silence comme voulant dire oui ou non, il me semble que, d'après nos usages, il serait plus logique qu'il veuille dire non que oui. Quoi qu'il en soit, ce n'est pas ce qui s'est passé et ce n'est pas la question qui se pose en l'occurrence.
Si les sénateurs le veulent, il suffit d'une voix pour faire lire le compte rendu qui confirmera que je n'ai pas exprimé d'opinion quant à savoir si la motion est adoptée ou rejetée. À défaut, je mettrai la question aux voix formellement.
Sur la motion du sénateur Tkachuk, avec l'appui du sénateur Stratton: Que le débat sur le projet de loi C-6 modifié soit ajourné à la prochaine séance du Sénat, que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix: Oui.
Son Honneur le Président: Que tous ceux qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix: Non.
Son Honneur le Président: La motion est adoptée.
(Sur la motion du sénateur Tkachuk, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT EN ANTARCTIQUE
TROISIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Ione Christensen propose: Que le projet de loi C-42, Loi concernant la protection de l'environnement en Antarctique, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, il y a 12 ans, le Canada et des pays partenaires ont convenu d'une série de mesures à adopter pour protéger le patrimoine naturel international, c'est-à-dire l'Antarctique.
Ces mesures figurent dans le protocole pour la protection de l'environnement, adopté aux termes du traité de l'Antarctique qui a été signé en 1991 à Madrid et qui est communément appelé le Protocole de Madrid.
(1450)
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi C-42, Loi sur la protection de l'environnement en Antarctique. Ce projet de loi permettrait au Canada de ratifier et de mettre en oeuvre le Protocole de Madrid.
L'Antarctique est un continent sauvage, balayé par les vents, dont la superficie est plus d'une fois et demie supérieure à celle du Canada. Avec les océans qui l'entourent, le continent antarctique est vraiment la plus grande région sauvage du monde.
Honorables sénateurs, on ne saurait sous-estimer l'importance de l'Antarctique sur le plan environnemental. Tout comme l'Arctique, la région antarctique est un indicateur sensible des changements climatiques. La masse terrestre et les eaux adjacentes de l'Antarctique procurent les nutriments essentiels aux autres océans du monde, soutenant des systèmes de vie qui se trouvent à des milliers de kilomètres du pôle Sud.
Il est stupéfiant qu'une région dont les températures sont les plus froides de la terre accueille autant de mammifères, d'oiseaux et de poissons. Chose remarquable, l'Antarctique abrite beaucoup plus de mammifères marins, comme des phoques et des baleines, que les régions de l'Arctique.
L'Antarctique offre un laboratoire naturel sans égal pour les scientifiques qui étudient les systèmes naturels de la Terre. L'activité humaine dans l'Antarctique augmente, plus de 10 000 touristes se rendant chaque année sur ce continent. Celui-ci compte des dizaines de stations de recherche.
En Antarctique, les activités canadiennes font partie de trois grandes catégories: le tourisme, la science et le soutien logistique. Deux sociétés canadiennes organisent des visites écologiques en Antarctique. Ensemble, elles emmènent quelques centaines de personnes dans la région chaque année. En outre, une quarantaine de scientifiques canadiens effectuent de la recherche en Antarctique.
L'accroissement de l'activité humaine menace l'environement relativement intact de l'Antarctique à cause de la pollution maritime, des dommages causés aux espèces sauvages et, bien sûr, des choses que nous, les humains, laissons derrière, c'est-à-dire les ordures.
Le Protocole de Madrid vise à protéger l'environnement de l'Antarctique contre ces menaces. Le Canada a signé le protocole, mais il n'a pas encore joint les rangs des 30 pays qui l'ont déjà ratifié.
Honorables sénateurs, le Protocole de Madrid est l'un des accords internationaux qui forment le Système du Traité sur l'Antarctique. Le Canada est partie à ce Traité sur l'Antarctique instauré il y a déjà plus de 50 ans.
Le Traité sur l'Antarctique comporte aussi deux conventions: la Convention pour la protection des phoques de l'Antarctique et la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l'Antarctique. Le Canada est partie à ces deux conventions.
La conservation des stocks de poisson, qui touche la pêche commerciale de poissons et d'autres ressources marines, est visée par ces conventions, mais non par le protocole qui se concentre plutôt sur d'autres aspects des écosystèmes de l'Antarctique.
Honorables sénateurs, le Canada a toujours eu l'intention de ratifier le Protocole de Madrid. Les Canadiens qui travaillent dans l'Antarctique demandent au Canada de ratifier le protocole depuis le jour où il l'a signé. Le Protocole de Madrid exige que le Canada réglemente les activités canadiennes dans l'Antarctique.
La ratification du Protocole de Madrid exigeait l'adoption d'une nouvelle loi afin que le gouvernement du Canada puisse accorder des permis pour les activités menées dans l'Antarctique. Le projet de loi C-42 est conforme à l'approche adoptée par d'autres nations pour la mise en oeuvre du protocole, et aux lois fédérales en matière d'environnement.
Aux termes du projet de loi C-42, les permis d'activités dans l'Antarctique sont requis pour tous les citoyens et bâtiments canadiens, ainsi que pour ceux qui participent à une expédition canadienne. Les demandes de permis devront être accompagnées d'une évaluation environnementale, de plans d'urgence et de plans de gestion des déchets.
L'obtention d'un permis sera aussi obligatoire pour les Canadiens désireux d'entreprendre certaines activités qui seraient autrement interdites en vertu du projet de loi, par exemple se trouver dans les zones spécialement protégées ou entreprendre une recherche qui entraînera un contact avec la faune de l'Antarctique.
La réciprocité est une composante fondamentale de l'approche canadienne pour la mise en oeuvre du Protocole de Madrid. Elle signifie que, si l'on obtient une autorisation pour mener certaines activités en vertu des lois d'un autre pays signataire du protocole, les activités en question seront considérées comme autorisées en vertu du projet de loi C-42 et il ne sera alors pas nécessaire de demander un permis.
Le projet de loi interdit complètement certaines activités telles que l'utilisation de substances nuisibles à l'environnement marin, les activités susceptibles de causer des dommages aux lieux historiques et les feux de déchets à ciel ouvert. Toutefois, le projet de loi C-42 prévoit des exceptions à ces interdictions, en cas d'urgence.
C'est qu'il incombe à des agents de l'autorité et à des inspecteurs de faire respecter et d'appliquer le projet de loi C-42. Ces agents de l'autorité et ces inspecteurs seraient désignés, en vertu du projet de loi, pour surveiller les activités canadiennes. Si un inspecteur constatait que des activités canadiennes étaient menées d'une façon incompatible avec le projet de loi, les auteurs de ces activités pourraient être poursuivis au Canada.
Les agents de l'autorité auraient au Canada des pouvoirs semblables aux pouvoirs conférés en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement et de la Loi sur les espèces en péril. Autrement dit, les agents auraient tous les pouvoirs des agents de la paix, notamment les pouvoirs d'inspection, de perquisition et de saisie, de rétention et d'arrêt ainsi que de confiscation. Les dispositions relatives aux infractions, aux peines et à l'imposition des peines seraient semblables à celles d'autres mesures législatives. Étant donné que l'Antarctique est un patrimoine naturel mondial, et que ce sont les parties au Traité sur l'Antarctique qui veillent à sa protection, les agents de l'autorité ne pourraient exercer leurs pouvoirs qu'au Canada.
Honorables sénateurs, il est temps que le Canada fasse sa part des efforts mondiaux visant à protéger l'écosystème fragile de l'Antarctique et qu'il ratifie le Protocole au Traité sur l'Antarctique relatif à la protection de l'environnement.
J'invite tous les sénateurs à appuyer le projet de loi C-42 et la mise en place du cadre juridique dont nous avons besoin.
(Sur la motion du sénateur Lynch-Staunton, le débat est ajourné.)
PROJET DE LOI SUR LA MODERNISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE
TROISIÈME LECTURE—MOTION D'AMENDEMENT—RECOURS AU RÈGLEMENT—DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Day, appuyée par l'honorable sénateur Harb, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-25, Loi modernisant le régime de l'emploi et des relations de travail dans la fonction publique, modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le Centre canadien de gestion et apportant des modifications corrélatives à d'autres lois;
Et sur la motion d'amendement de l'honorable sénateur Murray, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Oliver, que le projet de loi ne soit pas maintenant lu une troisième fois mais qu'il soit modifié, à l'article 12:
a) à la page 145, par substitution, à la ligne 20, de ce qui suit:
«(5) Le gouverneur en conseil désigne, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes»;
b) à la page 151, par substitution, aux lignes 20 à 29, de ce qui suit:
« 110. (1) Dans les meilleurs délais suivant la fin de l'exercice, le président soumet au Parlement un rapport des activités du Tribunal pour l'exercice.
(2) Le président peut, à toute époque de l'année, présenter au Parlement un rapport spécial sur toute question relevant de ses attributions et dont l'urgence ou l'importance sont telles, selon lui, qu'il serait contre-indiqué d'en différer le compte rendu jusqu'à l'époque du rapport annuel suivant»;
c) à la page 168, par substitution, à la ligne 11, de ce qui suit:
«(4) Le gouverneur en conseil désigne, après approbation par résolution du Sénat et de la Chambre des communes».
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je dois rendre une décision à ce sujet. Les exemplaires de ma décision seront distribués dans dix minutes. Puis-je demander aux sénateurs de bien vouloir patienter pendant dix minutes?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: J'entends qu'on est d'accord. Y a-t-il dissidence?
L'honorable Anne C. Cools: Demandez-vous, Votre Honneur, que nous suspendions la séance pendant dix minutes? Est-ce vraiment ce que vous demandez? Ce que vous avez dit, c'est que vous avez besoin de dix minutes pour faire faire des copies de la décision. Je suppose donc que vous nous demandez de suspendre la séance pendant dix minutes.
Son Honneur le Président: Oui, ce serait là une bonne solution, ou nous pourrions passer à autre chose et revenir à cela plus tard, pourvu que j'aie dix minutes pour faire faire des copies de la décision.
Ou encore nous pourrions lire la décision et je pourrais en faire part en partie? Est-ce d'accord?
Le sénateur Cools: Non.
Son Honneur le Président: Ce n'est pas d'accord. Madame le sénateur Cools aimerait connaître la décision avant que nous allions de l'avant.
Le sénateur Cools: Je crois que nous devrions faire les choses comme il se doit, Votre Honneur, et si cela veut dire que vous devez d'abord lire la décision, nous devrions vous accommoder et suspendre la séance pendant quelques minutes pour que vous puissiez faire faire des copies de la décision. C'est très facile de bien faire les choses.
Son Honneur le Président: Je vous remercie, sénateur Cools. Le temps que nous avons pris pour cet échange a permis de faire des copies de la décision, qui peuvent maintenant être distribuées.
Par conséquent, je vais rendre ma décision.
(1500)
Honorables sénateurs, hier le sénateur Cools a fait un rappel au Règlement au cours du débat en troisième lecture du projet de loi C- 25.
L'honorable sénateur a soutenu que le projet de loi C-25 exigeait le consentement royal, mais que le Sénat n'avait pas été informé de l'octroi de ce consentement. Comme je l'ai souligné en tentant de rendre une décision, on peut lire ce qui suit au commentaire 727 de Beauchesne, 6e édition, à la page 221:
On constatera également qu'il est possible qu'un projet de loi franchisse toutes les étapes, sauf la dernière, sans que le consentement royal ait été signifié. Dans le cas cependant où le consentement ferait encore défaut au dernier stade, le Président refuse de mettre la question aux voix.
J'ai maintenant eu l'occasion d'examiner les questions soulevées par le sénateur Cools, ainsi que les interventions des sénateurs Carstairs et Kinsella, et je les remercie de leur apport.
Le sénateur Cools nous a lu le commentaire 727(1) de Beauchesne, où l'on apprend que:
Le consentement de la Couronne est indispensable chaque fois qu'il s'agit de questions mettant en cause ses prérogatives.
[Français]
Madame le sénateur nous a précisé que son objection se limitait à une question de prérogative et n'avait rien à voir avec les biens personnels de la Couronne, à l'égard desquels le consentement royal peut également s'imposer.
[Traduction]
Madame le sénateur a expliqué que, selon elle, «il y a quelque chose de tout à fait répréhensible dans le fait que le projet de loi C- 25 vise à supprimer et abroger le serment d'allégeance. On ne peut tout simplement pas supprimer le serment d'allégeance exigé des employés de la fonction publique canadienne». Elle a fait état du droit du souverain de recevoir l'allégeance, précisant ce qui suit:
On ne peut tout simplement pas abroger le droit du souverain de recevoir l'allégeance ou la loyauté au moyen d'un projet de loi.
Honorables sénateurs, si le sénateur Cools veut faire valoir que les Canadiens doivent allégeance à leur chef d'État, elle a bien raison. Cela dit, pour ce que j'en sais, le projet de loi C-25 ne restreint pas la relation que les Canadiens entretiennent avec leur chef d'État. Le projet de loi C-25 ne concerne pas tous les Canadiens; comme nous l'a fait remarquer le parrain du projet de loi, le sénateur Day, la mesure intéresse la fonction publique et les fonctionnaires.
Le projet de loi C-25 propose d'abroger l'obligation prévue à l'article 23 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, selon laquelle les administrateurs généraux et fonctionnaires ayant été recrutés hors de la fonction publique prêtent et souscrivent, dès leur nomination, le serment ou l'affirmation solennelle d'allégeance. Par ailleurs, le projet de loi ne modifie pas la Loi sur les serments d'allégeance, dont l'article 2 permet à toute personne de prêter le serment d'allégeance de son initiative personnelle. L'article 4 de laloi permet même au gouverneur en conseil de prendre des règlements obligeant toute personne nommée à une charge ou occupant une charge qui relève de l'autorité législative du Parlement à prêter le serment d'allégeance, même quand celui-ci n'est exigé par aucune autre règle de droit.
[Français]
Madame le sénateur Cools nous a fait remarquer à juste titre que le droit de la prérogative est fort complexe. Cela a obligé le Président à consulter d'autres textes en plus des autorités habituelles en procédure. D'après ma propre analyse des autorités en la matière, la prérogative joue parfois un rôle dans la relation entre Sa Majesté et les fonctionnaires.
[Traduction]
Je renvoie les honorables sénateurs aux citations telles que Halsbury, The Laws of England, 1ère édition, 1909, la citation 487, à la page 342 du volume 6; Halsbury, la citation 26, à la page 24 du volume 7; ainsi que M. Paul Lorden, c.r., Crown Law, la quatrième section. J'aimerais aussi renvoyer les sénateurs aux Débats de la Chambre des communes de 1983, à la page 29217, concernant les débats sur le projet de loi C-171, Loi modifiant la saisie-arrêt et la distraction de pensions.
Ces sources, qu'elles soient britanniques ou canadiennes, traitent toutes des cas où la prérogative royale peut avoir une conséquence sur les fonctionnaires. Toutefois, aucune d'elles ne peut nous porter à conclure que la Reine a le droit de prétendre à un serment d'allégeance de la part de nos fonctionnaires.
En conclusion, honorables sénateurs, aucun sénateur n'a pu prouver au Sénat qu'il existe actuellement une prérogative sur les serments d'allégeance des fonctionnaires. Mes propres recherches sont aussi restées vaines, et je n'ai pas réussi à trouver une source fiable pouvant expliciter cette allégation concernant les fonctionnaires en général par opposition peut-être aux titulaires de postes distincts. J'en conclus qu'une telle prérogative n'existe pas au Canada aujourd'hui. Ma conclusion ne déroge en rien au devoir de loyauté auquel doivent se conformer tous les Canadiens, et non seulement les fonctionnaires, envers la souveraine.
Je conclus donc que le rappel au Règlement n'est pas fondé et que rien ne m'empêche de procéder à la mise aux voix à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-25.
Reprise du débat. Le sénateur Mahovlich a la parole.
L'honorable Francis William Mahovlich: Honorables sénateurs, je voudrais signaler au Sénat ce que dit l'opposition au sujet de Jean Chrétien et de ce que renfermait le livre rouge de 1993 à propos des dénonciateurs. Le gouvernement devait légiférer en la matière. S'il ne l'a pas encore fait, c'est qu'il n'a pas trouvé la bonne formule ou la bonne solution. Personne ne l'a trouvée d'ailleurs.
M. Edward Keyserlingk, un des témoins entendus par le comité, a recommandé d'offrir des incitatifs aux dénonciateurs, en ajoutant qu'il fallait auparavant étudier davantage la question. Lorsqu'il entreprendra son étude, il examinera ce qui s'est passé en 1917 et constatera que les bolcheviks, en Russie, notamment Lénine et Staline, étaient tous des dénonciateurs. Voilà comment leur régime a pu prendre de l'expansion. Quant à Khrouchtchev, c'est comme cela qu'il est devenu président. Voulons-nous d'un tel régime? Bien sûr que non. Voilà pourquoi notre premier ministre veut faire preuve de prudence en légiférant dans ce domaine.
Les libéraux ont respecté 99 p. 100 des promesses qu'ils ont faites dans le livre rouge.
Le sénateur LeBreton: Quoi? C'est ridicule.
Le sénateur Mahovlich: Le comité a entendu d'autres témoins. La vérificatrice générale, Sheila Fraser, a dit que son bureau était heureux de constater que le rôle élargi du Conseil du Trésor que propose le projet de loi C-25 comprendrait la présentation de rapports au Parlement sur la gestion des ressources humaines, car cela dissiperait certaines de ses inquiétudes au sujet de la fragmentation dans les rôles, les responsabilités et la présentation de rapports. Elle a aussi expliqué que les modifications proposées dans le régime de dotation correspondaient aux constatations de rapports antérieurs et à celles des vérifications faites par son bureau sur le recrutement.
Beaucoup de témoins, et je pourrais en dresser une longue liste, étaient d'avis que le projet de loi C-25 était une grande amélioration. Je peux conseiller à tous les sénateurs d'adopter le projet de loi.
L'honorable John Lynch-Staunton (leader de l'opposition): J'ai une question à poser au sénateur Mahovlich. Est-il juste de présumer que, s'il a des inquiétudes au sujet des dispositions permettant de siffler les dérapages, c'est parce qu'il a lui-même été trop souvent arrêté par le sifflet au cours de ses montées mémorables sur la patinoire?
Le sénateur Nolin: Vous n'avez pas à répondre. Dites oui.
Le sénateur Mahovlich: S'il est une chose dont nous ne voulons pas trop ici, ce sont des histoires du légendaire arbitre, Red Storey.
[Français]
L'honorable Jean-Robert Gauthier: L'amendement proposé par le sénateur Murray est quasiment cartésien dans le sens qu'il est logique. Toutefois, l'amendement a un petit défaut: il part de la mauvaise prémisse. La motion en question propose d'amender le projet de loi C- 25 en ajoutant au tribunal les attributions qu'il n'a pas. Je m'explique.
(1510)
On a, comme on les appelle sur la colline, les cinq hauts fonctionnaires du Parlement. Je les ai nommés hier. En anglais, le terme est différent, «Parliamentary Officers». Ces hauts fonctionnaires sont nommés par décret et répondent de leurs activités au Parlement, à la Chambre des communes et au Sénat. Il est très important de s'en souvenir, c'est direct. Ils ne passent pas par l'intermédiaire d'un ministre. Un tribunal quasi judiciaire ou autre, lui, doit nécessairement déposer ses rapports annuels, ses rapport ponctuels sur une question particulière, mais toujours par l'entremise d'un ministre, qui dépose le rapport au nom de l'agence ou du tribunal en question.
Nous différons d'opinion, le sénateur Murray et moi, sur son amendement car le projet de loi C-25 crée, de toutes pièces, le Tribunal de la dotation de la fonction publique. Ce tribunal sera chargé d'examiner les plaintes et les griefs lors d'un concours à l'interne, mais pas à l'externe. Toutes les nominations faites à la fonction publique vont relever de la Commission de la fonction publique. Les appels à ces nominations peuvent se faire à cette dernière. Une fois la nomination faite, à l'interne, le tribunal sera chargé de régler le différend ou le problème. Il est important de s'en souvenir.
Or, dans le projet de loi C- 25, on décrit le Tribunal de la dotation de la fonction publique avec tous les détails de son fonctionnement. Le président de ce tribunal sera nommé par décret, approuvé par les deux Chambres, la Chambre des communes et le Sénat.
La raison pour laquelle ce tribunal est différent, c'est qu'il est quasi judiciaire; il a un statut très particulier. Ce n'est pas un agent du Parlement, ce n'est pas un haut fonctionnaire du Parlement. C'est un tribunal administratif, avec un statut différent de celui d'un haut fonctionnaire. Je crois que le tribunal de dotation aura pour mission d'entendre des plaintes d'abus de pouvoir et relatives aux nominations internes. Le Tribunal de dotation de la fonction publique est un tribunal quasi judiciaire, je me répète. Le processus de nomination du président du tribunal de dotation, dans le projet de loi C-25, est le même qui est prévu pour la nomination des autres présidents des tribunaux quasi judiciaires. J'ai une longue liste de ces soi-disant tribunaux fédéraux, de la Commission canadienne de la sûreté nucléaire au Tribunal des anciens combattants. Si les sénateurs sont intéressés, je peux distribuer cette liste.
À l'instar des autres tribunaux, le Tribunal de dotation de la fonction publique doit faire rapport aux deux Chambres du Parlement tous les ans, par l'intermédiaire d'un ministre désigné. Je ne peux pas déposer un rapport sur la table au greffier, il faut que ce rapport soit déposé par un ministre. C'est une différence. Le Parlement pourra recevoir des rapports sur les décisions du tribunal.
La Commission de la fonction publique continuera d'être le protecteur du principe du mérite, point à la ligne. Cette situation est très différente de celle qui existait jusqu'à maintenant. Jusqu'à aujourd'hui, la Commission de la fonction publique entendait les griefs des fonctionnaires qui en appelaient de la façon dont ils avaient été traités par un employeur ou lors d'un concours. Cette responsabilité sera retirée à la Commission de la fonction publique. Le tribunal aura à juger ces causes. C'est très différent.
Je reviens à mon point principal. Le président de la commission et le tribunal ne sont pas des hauts fonctionnaires du Parlement. Ils n'ont pas le même statut. Je prends un exemple classique, la vérificatrice générale du Canada, Mme Fraser. Quand Mme Fraser dépose un rapport au Parlement, nous le recevons et le lisons attentivement. Si un commissaire à la vie privée ou aux langues officielles donne un conseil au Parlement, nous devons faire la même chose et bien souvent, prendre note des conseils que nous recevons. Ce ne sont pas des tribunaux ordinaires. Ils ont un statut particulier. Si le directeur général d'Élections Canada, M. Kingsley, nous dit que telle ou telle chose devrait être changée, nous l'écoutons. Je pense que ses recommandations seront appliquées. Je déplore que ces gens soient ignorés et ne viennent pas assez souvent voir les parlementaires du Sénat et de la Chambre des communes.
J'ai connu un ancien commissaire, M. John Grace. Pendant son mandat de sept années, il n'a jamais été invité au Parlement, il n'a jamais comparu devant un comité parlementaire. C'est difficile à comprendre. J'en ai connu d'autres qui viennent souvent. Mme Fraser, la vérificatrice générale, témoigne souvent au Comité des comptes public et au Comité sénatorial des finances nationales, présidé par mon collègue, le sénateur Murray. Nous rencontrons régulièrement la commissaire aux langues officielles. Une bonne relation s'est établie. Nous commençons à penser que nous pouvons écouter les conseils de ces gens pour améliorer un projet de loi présenté au Parlement. C'est le cas du projet de loi C-25. Nous essaierons de bonifier le projet de loi en suivant les conseils de la commissaire aux langues officielles, Dyane Adam.
En ce qui concerne la motion d'amendement, je dois dire que je ne peux pas voter en faveur de l'amendement parce que je pense qu'il déforme l'objectif du tribunal de la fonction publique. Le tribunal n'est pas un haut fonctionnaire ni un agent du Parlement. Il est un serviteur.
Depuis 1867, une division s'est faite entre le judiciaire, le parlementaire et l'exécutif. On doit la respecter. Il ne faudrait pas qu'un tribunal quasi judiciaire comme celui de la fonction publique soit considéré comme un haut fonctionnaire du Parlement pour la simple raison qu'il doit être séparé de nous. Ce tribunal aura l'obligation d'administrer une loi assez difficile, complexe, et je vous recommande, honorables sénateurs, de ne pas approuver cet amendement, car il est, selon moi, irrégulier.
(1520)
L'honorable Lowell Murray: Étant donné que les fonctions de la nouvelle commission sur la dotation de la fonction publique sont, dans la loi actuelle, sous l'autorité de la Commission de la fonction publique et que cette commission répond au Parlement, ne croyez- vous pas que nous devons placer ces fonctions comme étant la même relation avec le Parlement?
Dans la loi actuelle, la Commission de la fonction publique doit répondre au Parlement quant à l'exercice de ses fonctions; dans le projet de loi, ces fonctions seront remplies par la nouvelle commission. C'est pourquoi j'ai essayé de modifier le projet de loi de sorte que le Parlement aura le dernier mot, encore, sur cette nouvelle commission.
Le sénateur Gauthier: La Commission de la fonction publique est une commission chargée de toutes les nominations. Elle doit faire rapport au Parlement régulièrement. Elle pouvait faire beaucoup d'autres choses, mais avec ses nouvelles fonctions, elle sera plutôt restreinte à la question des nominations.
Je comprends le processus et j'accepte que nous ayons une situation de fait où il n'y aura pas de conflit d'intérêts à la commission. J'ai toujours été mal à l'aise avec une commission qui, d'une part, faisait la dotation, et, d'autre part, pouvait recevoir des griefs. Je n'ai jamais compris cette dualité, ces deux têtes qu'elle avait. Maintenant, on lui donne une fonction importante.
Il y a toujours le risque que le nouveau tribunal et la commission, qui feront rapport à la Chambre des communes et au Sénat tous les ans, aient à vivre des situations stressantes. Il y aura des difficultés à régler. On a cinq ans pour essayer de moderniser le processus.
Cela fait au moins 30 ans que l'on entend parler de ce nouvel effort de modernisation. J'ai été membre de presque tous les comités qui ont étudié ce dossier. Lambert, Davignon, Fickelman, tous se sont entendus sur un nouveau projet de loi qui bouscule un peu certaines gens. Ce projet de loi est un pas dans la bonne direction. Je ne voudrais pas le détruire ni le perdre parce que c'est un bon projet de loi.
[Traduction]
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (Son Honneur la Présidente suppléante): Sénateur Stratton, avez-vous une question à poser?
L'honorable Terry Stratton: Je voudrais proposer l'ajournement lorsque le sénateur Day aura terminé.
Son Honneur la Présidente suppléante: Sénateur Day, voulez-vous prendre la parole?
L'honorable Joseph A. Day: Comme je prendrai position contre la motion et que nous n'avons entendu que des sénateurs qui s'y opposent, il est peut-être temps d'entendre quelqu'un qui l'appuie. Je prendrai la parole après.
(Sur la motion du sénateur Stratton, au nom du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
[Français]
LE BUDGET DES DÉPENSES DE 2003-2004
AUTORISATION AU COMITÉ DES FINANCES NATIONALES D'ÉTUDIER LE BUDGET SUPPLÉMENTAIRE DES DÉPENSES (A)
L'honorable Fernand Robichaud (leader ajoint du gouvernement), conformément à l'avis du 23 septembre 2003, propose:
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, afin d'en faire rapport, les dépenses projetées dans le Budget supplémentaire des dépenses (A) pour l'exercice se terminant le 31 mars 2004.
L'honorable Lowell Murray: J'informe le Sénat que si cette motion est approuvée, j'ai convoqué le Comité permanent des finances nationales à 9 h 30 mardi prochain. Nous aurons comme témoins des hauts fonctionnaires du Conseil du Trésor.
Son Honneur la Présidente suppléante: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
PROJET DE LOI SUR LA PROTECTION DES PHARES PATRIMONIAUX
TROISIÈME LECTURE
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition) propose: Que le projet de loi S-7, Loi visant à protéger les phares patrimoniaux, soit lu une troisième fois.
— Honorables sénateurs, le sénateur Forrestall accompagne actuellement le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. C'est en son nom et à sa demande que j'ai proposé que le projet de loi S-7 soit lu une troisième fois.
Son Honneur la Présidente suppléante: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Le sénateur Robichaud: Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence, et le projet de loi, lu une troisième fois, est adopté.)
PROJET DE LOI ANTI-POURRIEL
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Donald H. Oliver propose: Que le projet de loi S-23, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités, soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Oliver).
— Honorables sénateurs, je suis heureux de parler du projet de loi S-23, Loi visant à empêcher la diffusion sur l'Internet de messages non sollicités. Je souhaite régler un problème grandissant rapidement auquel sont confrontés près de 7,8 millions de foyers canadiens utilisant Internet.
Un sondage publié le 11 juin dernier par Ipsos-Reid démontre que, sur une moyenne de 123 messages électroniques reçus par semaine par les utilisateurs canadiens d'Internet, les messages non sollicités, aussi connus sous le vocable «pourriels», représentent un taux étonnant de 52 p. 100.
Un article paru récemment dans le National Post mentionne qu'il y a deux ans, le pourriel constituait seulement 7 p. 100 de tous les messages électroniques, et qu'il représente maintenant 50 p. 100 et pourrait atteindre un taux de 70 p. 100 en février.
Honorables sénateurs, l'augmentation du volume de messages électroniques non sollicités crée un problème important pour le milieu des affaires, les consommateurs et, éventuellement, l'avenir d'Internet.
Les messages électroniques commerciaux non sollicités représentent un large éventail d'échanges sur Internet. Par conséquent, il est difficile de définir ce concept avec précision. Dans un document de discussion intitulé «Télémercatique: Offrir un choix au consommateur et créer des possibilités d'affaires», Industrie Canada cite l'ébauche de définition de «polluriel» du National Office for the Information Economy de l'Australie, soit «une communication que l'on ne peut raisonnablement présumer être souhaitée ni attendue du destinataire». Toutefois, je suis sûr que les honorables sénateurs ont reçu sur leur ordinateur du courriel concernant le Viagra et le renforcement de certains organes. C'est ce qu'on appelle du pourriel. C'est donc sur la base de cette interprétation du terme que je présente cette mesure législative aux honorables sénateurs.
(1530)
Quels sont les différents types de pourriel qui m'ont incité à déposer ce projet de loi? Le Centre pour la défense de l'intérêt public a présenté une suggestion. Le CDIP est un organisme sans but lucratif qui dispense des services juridiques et de recherche au profit des consommateurs. Le 26 mars 2003, il a publié un document présentant une ventilation des différents types de pourriel que reçoivent les Canadiens. D'après ce document, il y a 33 p. 100 de publicité pour certains produits, comme les cartouches d'encre bon marché, 24 p. 100 d'offres financières d'un genre ou d'un autre, 18 p. 100 d'invitations à visiter des sites pornographiques, 5 p. 100 d'offres carrément frauduleuses ou d'arnaques flagrantes, les 20 p. 100 restants consistant en annonces de divers genres. Les Canadiens reçoivent ces messages sans les avoir sollicités. De plus, ils ne tiennent nullement compte de la possibilité que des mineurs comptent parmi les destinataires de ces messages parfois très vulgaires.
Honorables sénateurs, cela est inacceptable. La plus grande partie du courrier commercial reçu par la poste traditionnelle vient d'entreprises avec lesquelles les consommateurs sont déjà en relation, ou encore d'organismes de bienfaisance, de politiciens, etc. Je ne crois pas que les Canadiens pourraient tolérer de recevoir tous les matins dans leur boite aux lettres des magazines pornographiques ou des échantillons gratuits de dessous comestibles. Je ne crois pas qu'ils apprécieraient de voir le nom de leur fille de 11 ans dans la case destinataire d'un livret de coupons pour des pilules de régime ou des pommades pour développer les seins. Je ne crois pas un seul instant que les Canadiens permettraient que des messages aussi douteux entrent chez eux. Pourtant, c'est exactement ce qui se produit sur le Web.
Internet est à la fois fluide et sans frontières. Il est omniprésent. Nous connaissons tous des enfants, des petits-enfants, des maris, des femmes et des collègues qui vont tous les jours sur Internet. C'est un moyen populaire de communication et, de ce fait, les gouvernements ont été lents à contrôler cette nouvelle frontière technologique. La plupart des gens reconnaissent que les lois canadiennes ne suffisent pas pour remédier à ce problème mondial. Honorables sénateurs, je suis le premier à admettre que seule une approche pluridisciplinaire fondée sur une technologie efficace, l'application de la loi, les pratiques de l'industrie et la coopération internationale peut réussir à mettre un terme à cette utilisation abusive du courrier électronique. À cette fin, j'ai déjà parlé aux représentants de sociétés telles que Microsoft. Ils conviennent que ce genre d'approche holistique constitue le meilleur moyen de combattre le problème du pourriel.
Il est temps que le gouvernement du Canada intervienne et dépose une mesure législative énergique conçue pour protéger les citoyens et leur restituer le contrôle des messages qu'ils reçoivent sur Internet. En gardant ce but à l'esprit, j'ai voulu déposer le projet de loi S-23, qui est le sujet des observations que je vous présente aujourd'hui.
Un nombre croissant de pays élaborent des lois anti-pourriel. Ces pays comprennent la Corée du Sud, l'Australie, la Grande-Bretagne, les États-Unis, l'Italie et les membres de l'Union européenne. Au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques, 30 pays ont déposé des lignes directrices régissant la coopération internationale pour la protection des consommateurs contre le pourriel provenant d'autres pays.
De son côté, le Canada n'a ni lois ni règlements expressément conçus pour réduire le pourriel ou, au moins, retrouver la source des messages commerciaux non sollicités. Heureusement, cela ne veut pas dire que les Canadiens sont complètement à la merci des attaques. L'article 430 de la partie 11 du Code criminel du Canada permet d'inculper des gens de méfait s'il est établi qu'ils ont envoyé d'importants volumes de pourriel qui ont entravé le fonctionnement de systèmes informatiques critiques. En cas de condamnation, une personne ainsi accusée peut être condamnée à une peine maximale de dix ans d'emprisonnement. Toutefois, beaucoup de messages frauduleux envoyés sur Internet viennent d'autres pays, ce qui rend très difficiles les enquêtes et les poursuites. Il y a cependant une jurisprudence récente qui pourrait être utile.
Dans un appel examiné par la Cour suprême de Victoria en octobre 2000, un éditeur Internet ayant son siège au New Jersey a été poursuivi en Australie — j'ai bien dit en Australie et non aux États-Unis — pour publication de propos diffamatoires dans son magazine en direct. Le tribunal australien a soutenu que les propos avaient été tenus dans un lieu sous juridiction australienne puisque c'est là que le message avait été téléchargé. La décision établissait que la publication d'un message électronique se produisait à l'endroit où on accède au message, même si l'expéditeur ne pensait pas particulièrement à cet endroit comme destination de son message. Lorsque le juge qui présidait à l'audience a rendu cette décision, l'appel interjeté par la société du New Jersey a été rejeté. À ma connaissance, la décision constitue un précédent qui fait du Canada un forum conveniens.
Un autre problème du pourriel réside dans la protection des renseignements personnels pendant qu'on est en ligne. Comme les honorables sénateurs le savent, il y a un important marché noir de cartes de crédit et de permis de conduire volés, de numéros de comptes bancaires subtilisés et d'autres renseignements de même nature. Pour obtenir cette information, l'auteur du pourriel envoie un message à des milliers de clients en prétendant appartenir à une institution dans laquelle ils ont confiance. Il y dit que la base de données électroniques de l'institution a des défaillances et que le destinataire du message doit y répondre en renvoyant son code d'accès, son adresse, son numéro de carte de crédit et d'autres renseignements du même ordre. L'auteur du pourriel se sert ensuite de ces codes et numéros pour faire des achats en ligne au nom des personnes en cause.
Un incident de ce genre s'est récemment produit aux États-Unis. Le 21 juillet, l'agence Reuters a diffusé une information selon laquelle la Commission fédérale américaine du commerce avait intenté des poursuites contre un jeune de 17 ans qui s'était servi d'une fausse page Web d'AOL et de messages de pourriel pour recueillir des numéros de cartes de crédit. Dans son message, l'adolescent disait aux destinataires qu'ils devaient mettre à jour les renseignements de facturation d'AOL. Il leur demandait de cliquer sur un faux lien qui devrait en principe les aiguiller vers le «Centre de facturation AOL». Dans la fenêtre qui s'ouvrait, les destinataires étaient invités à inscrire leur numéro de carte de crédit, le nom de jeune fille de leur mère, leur adresse de facturation, leur numéro d'assurance sociale, le numéro d'acheminement de leur banque, la limite de leur carte de crédit ainsi que leur nom d'usager et leur mot de passe AOL. L'adolescent a ensuite utilisé cette information pour faire des achats en ligne de plusieurs milliers de dollars avec les numéros de cartes de crédit ainsi obtenus.
Ces voleurs commettent leurs larcins à l'aide d'un ordinateur personnel et d'Internet. Pour les combattre, le groupe de travail sur la consommation et le commerce électronique a élaboré les «Principes régissant la protection des consommateurs dans le commerce électronique: Le cadre canadien». Le groupe de travail, établi par l'entremise d'Industrie Canada, se compose de représentants du gouvernement, des consommateurs et d'associations d'affaires. Les principes qu'il a définis constituent un code conçu pour protéger les Canadiens contre la fraude électronique. D'après le principe 7:
Les commerçants ne devraient pas transmettre de courrier électronique commercial sans le consentement du consommateur à moins d'être déjà en relation avec ce dernier.
Malheureusement, ce n'est là qu'un principe, une suggestion que les entreprises et les inondeurs ne sont pas vraiment obligés de respecter. Si nous voulons convaincre les Canadiens que leur gouvernement essaie de résoudre le problème, le respect des règlements doit être exécutoire et obligatoire. Voilà pourquoi j'ai le sentiment que nous avons besoin d'une mesure comme le projet de loi S-23.
La Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques est entrée en vigueur le 1er janvier 2003. Elle visait à empêcher que les renseignements ne soient utilisés par les inondeurs et les experts racketteurs via l'Internet. Par ailleurs, elle instaurait un droit à la protection des renseignements personnels recueillis, utilisés ou divulgués dans le cadre d'activités commerciales. Elle disposait que les adresses de messagerie électronique soient considérées comme des renseignements personnels et, par conséquent, protégées. Cette loi sur la confidentialité, cependant, tout comme le Code criminel, s'applique uniquement aux entreprises et aux personnes situées au Canada. Les règles relatives à la collecte et à l'utilisation des renseignements personnels diffèrent grandement d'un pays à l'autre et, de ce fait, l'application de cette loi est, au mieux, difficile, et, au pire, impossible. C'est là une autre raison de rechercher une approche multisectorielle, si l'on veut mettre un frein à l'épidémie de pourriel.
(1540)
On compte d'innombrables exemples de recommandations, lignes directrices, brochures éducatives et sites Web exploités par des fournisseurs de services Internet, des FSI, afin d'éduquer les consommateurs sur la façon de mieux se protéger contre les pourriels. Assez de ces demi-mesures! Le projet de loi C-23 donnera aux FSI, aux organismes d'exécution de la loi et aux particuliers les moyens d'exiger de ceux qui envoient des pourriels qu'ils cessent de le faire. Le projet de loi reconnaîtra également aux utilisateurs d'Internet le droit d'intenter des poursuites au criminel et au civil contre les auteurs de pourriels qui persistent à leur en envoyer.
Je voudrais tout d'abord dire quelques mots au sujet des FSI. Il s'agit de compagnies qui fournissent le lien entre un ordinateur et Internet. En un sens, Internet est comparable à une autoroute: l'ordinateur accède à Internet, comme l'auto à l'autoroute, en empruntant une bretelle. Les FSI font office de bretelle. Comme pour les autoroutes, on compte littéralement des milliers de FSI au Canada. Certains, comme America Online, Earth Link, Sympatico de Bell et Rogers sont des méga-sociétés. D'autres sont des entreprises indépendantes, à vocation très locale et dont certaines peuvent ne desservir que quelques douzaines de clients.
Je voudrais attirer l'attention des honorables sénateurs sur trois aspects de mon projet de loi anti-pourriel, à savoir: les règles recommandées aux FSI, le règlement nécessaire au contrôle des activités de ceux qui envoient des courriels commerciaux en vrac, non sollicités, et les sanctions proposées à l'égard de ceux qui enfreindront la loi.
Comme on peut l'imaginer, de nombreux Canadiens acceptent volontiers de recevoir certains courriels commerciaux. Des entreprises comme MSN, eBay, Victoria Secret et les groupes de discussion qui envoient des bulletins, avis d'abonnement et catalogues à leurs clients en ligne pourront continuer de le faire sans craindre de s'exposer aux recours prévus dans le projet de loi. Ces courriels ne sont pas des pourriels, car les Canadiens ont demandé qu'on les leur envoie lorsqu'ils se sont enregistrés auprès du site Web de la société en question.
La plupart des sociétés sont conscientes qu'il n'est pas dans leur intérêt commercial d'importuner les clients, et c'est pourquoi il existe des dispositions visant à permettre aux clients de faire retirer leur nom d'une liste de destinataires à n'importe quel moment. Ces dispositions comprennent, entre autres choses, une case de désabonnement qui apparaît à la fin de chaque courriel. Lorsque l'utilisateur clique sur cette case, un avis est envoyé à la société pour qu'elle retire l'adresse électronique de cette personne de sa liste de destinataires. Une autre façon de permettre aux clients de retirer leur adresse de la liste des destinataires consiste à fournir un lien de «désabonnement» dans la publicité. Lorsqu'un client active le lien, un courriel est automatiquement envoyé vers la base de données de la société, et l'adresse électronique du client est subséquemment retirée de sa liste de destinataires.
La mesure législative que je propose n'interdirait que les courriels expédiés à un destinataire n'ayant pas donné son consentement explicite préalable. Cette démarche est similaire à celle qu'utilise l'Union européenne, qui implique d'obtenir obligatoirement l'accord du destinataire. La meilleure façon d'expliquer cette démarche fondée sur l'assentiment préalable du destinataire est d'utiliser l'explication et la définition données par la Coalition contre les courriels publicitaires non sollicités, ou CAUCE. CAUCE Canada est un organisme créé par des Canadiens préconisant l'adoption d'une mesure législative pour résoudre le problème des pourriels. Selon CAUCE Canada, l'assentiment est donné lorsque:
... une adresse électronique est fournie à une entreprise pour inscription dans une liste d'envoi. Le propriétaire de l'adresse est avisé de cette mesure et prié de confirmer qu'il désire effectivement que son nom soit inscrit dans cette liste. Ce n'est qu'une fois la confirmation reçue que l'adresse est effectivement inscrite dans la liste d'envoi.
De la sorte, seules les personnes désirant recevoir de l'information demanderont qu'elle leur soit expédiée. Grâce à cette démarche, les pourriels sont facilement repérés. Si l'expéditeur n'a pas obtenu la permission voulue, son message constitue un courriel non sollicité et est interdit en vertu du projet de loi S-23. La solution pourrait être aussi simple que cela.
Le projet de loi exige aussi la création d'une «liste anti-pourriel». Cela permettra de constituer une base de données à laquelle les utilisateurs peuvent communiquer leur désir de ne pas recevoir de courriels publicitaires non sollicités. La liste sera protégée et mise à jour par une régie. Pour inscrire une adresse dans la liste anti- pourriel, un utilisateur se connecterait à un site Web et remplirait un formulaire d'inscription. Une fois celui-ci rempli, il le transmettrait à la base de données. Les utilisateurs obtiendraient un mot de passe qui leur donnerait accès à leur dossier dans l'avenir. Ainsi, si un utilisateur veut que son nom soit retiré de la liste anti-pourriel dans le but de recevoir de nouveau des courriels publicitaires, il peut le faire.
Tous les commerçants de courriels seraient tenus de respecter la confidentialité de la base de données. C'est donc dire que l'on ne pourrait envoyer de courriels publicitaires à un utilisateur ayant fait inscrire son nom sur la liste anti-pourriel. Les expéditeurs de pourriels seraient mis en accusation en cas d'infraction. De même, s'il était prouvé qu'une personne n'a pas respecté la confidentialité de la liste anti-pourriel, des accusations seraient portées contre elle. Autrement dit, s'il était établi que la régie vend ou échange des adresses figurant dans la liste anti-pourriel, celle-ci serait passible de peines au criminel et au civil.
Les honorables sénateurs sont priés de noter que le projet de loi S- 23 est conçu de façon à assurer une grande protection des enfants du pays. C'est pourquoi la liste anti-pourriel comprendrait une option supplémentaire pour les parents. Ces derniers seraient en mesure d'indiquer que l'adresse ou les adresses de leurs enfants appartiennent à des mineurs et de les emmagasiner dans une section désignée de la base de données. Les peines sont plus sévères pour les contrevenants qui expédient à ces adresses de la pornographie, du matériel dans un but de fraude ou tout autre matériel inapproprié.
Les entreprises et les fournisseurs de services Internet commencent à s'attaquer au problème du pourriel, mais il est difficile de trouver une façon de filtrer ce pourriel sans accidentellement bloquer les messages que l'utilisateur veut recevoir. Il n'y a aucun filtre sur le marché à l'heure actuelle qui peut clairement faire la distinction entre le pourriel et les autres courriels. La majorité des Canadiens reconnaissent que le pourriel dérange. Un sondage Ipsos-Reid a montré que quatre utilisateurs canadiens d'Internet sur cinq — 83 p. 100 des personnes sondées — se sont enregistrés pour recevoir des courriels d'au moins un site Web. C'est une augmentation de 39 p. 100 par rapport à décembre 2001. Les sites les plus populaires desquels on reçoit des courriels commerciaux sont les sites Web de nouvelles et d'informations, de divertissement, de voyages et de santé et de conditionnement physique. En donnant aux Canadiens le droit de s'inscrire, les entreprises pourraient adapter leurs messages électroniques pour que cela ressemble à ce qui se fait dans le secteur de l'édition, alors que seuls ceux qui sont abonnés reçoivent l'information.
En plus de la possibilité de s'inscrire, les fournisseurs d'accès Internet élaborent diverses méthodes pour filtrer le pourriel avant qu'il n'atteigne la corbeille d'arrivée de leurs clients. Ces techniques vont du blocage des courriels qui renferment certains mots, comme pénis, à des mesures pour encourager les clients à signaler à leurs fournisseurs les polluposteurs. Aux termes des règlements imposés par ce projet de loi, chaque courriel envoyé à un client doit porter une adresse de renvoi et le nom de l'expéditeur. Chaque courriel doit également contenir un titre et l'information sur le routeur. Comme les honorables sénateurs le savent, un certain nombre de pourriels n'ont pas de titre ni d'information sur le routeur. Tout courriel envoyé par l'entremise d'un fournisseur de services Internet pourrait ainsi être vérifié. Les messages inadmissibles ne seraient pas transmis aux consommateurs.
Les intervenants dans l'industrie d'Internet ont déjà pris des mesures très dynamiques pour réduire le volume des messages commerciaux non sollicités. Je sais que les fournisseurs de services gratuits de courriels ont adopté des politiques plus strictes pour limiter le nombre de courriels envoyés par leurs abonnés. Je me réjouis de ces efforts. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à empêcher que des pourriels n'atteignent des corbeilles d'arrivée. Ainsi, une approche multidisciplinaire à l'égard des pourriels est nécessaire pour y mettre un terme.
De même, le projet de loi S-23 s'attaque à une pratique relativement cachée des polluposteurs qui consiste à recueillir des adresses électroniques sur Internet. Ils le font en installant un programme spécialisé sur un site Web. Le plus souvent, ces programmes sont ce qu'on appelle des mouchards électroniques. Chaque fois qu'une personne entre sur un site Web où un de ces programmes a été installé, le mouchard électronique enregistre l'adresse électronique de la personne ou d'autres informations du genre. Les polluposteurs peuvent ensuite établir des listes de millions d'adresses électroniques et les vendre à profit. Pour résoudre ce problème, le projet de loi dont les honorables sénateurs sont saisis contient une disposition interdisant l'utilisation de ce genre de logiciels, notamment les témoins de connexion.
(1550)
Outre cette disposition, il est possible de se procurer un logiciel qui détecte et supprime ces logiciels de référence et ces témoins. Il est possible de l'obtenir en visitant le site www.ad-aware.com. Le programme lui-même est gratuit, mais comme certains utilisateurs de l'Internet ne sont pas des experts en téléchargement et en installation de ce genre de programmes, son efficacité contre les pourriels s'en trouve un peu amoindrie.
Comme la plupart des pourriels proviennent de l'extérieur du Canada, le projet de loi dont les sénateurs sont saisis comporte une disposition visant les individus qui envoient des pourriels à des Canadiens à partir d'autres pays, notamment le Nigéria. L'article 14 du projet de loi prévoit:
Pour l'application de l'article 11, si une personne, où qu'elle se trouve, est à l'origine d'un pourriel qui peut être reçu au Canada et que reçoit une autre personne au Canada:
a) la personne à l'origine du pourriel est réputée l'avoir envoyé à l'autre personne, qu'elle ait eu ou non l'intention expresse que cette autre personne le reçoive et que le message ait son origine au Canada ou ailleurs;
b) le message est réputé provenir du Canada.
Honorables sénateurs, par son libellé, le projet de loi vise à dissiper la crainte que certains expéditeurs de pourriels ne se livrent à ce genre d'activité dans d'autres pays. Cette disposition a été incluse dans le projet de loi en raison de la poursuite en diffamation intentée en Australie dont j'ai parlé plus tôt dans mon intervention.
Le projet de loi prévoit l'imposition de diverses peines aux expéditeurs de pourriels. Ainsi, quiconque commet une infraction de nature générale prévue aux alinéas 11a) à 11h) et 12a) à 12e) est passible, sur déclaration de culpabilité, d'une amende maximale de 500 $. Ces infractions comprennent entre autres l'envoi d'un pourriel sans l'indiquer comme tel, l'envoi d'un pourriel à une adresse qui figure sur la liste anti-pourriel, l'envoi d'un pourriel qui ne donne pas au destinataire la possibilité d'envoyer un message anti-pourriel pour bloquer la réception d'autres pourriels.
Les peines sont plus sévères à l'égard des expéditeurs de pourriels qui ciblent les enfants et dont les messages contiennent une représentation explicite d'une activité sexuelle ou qui envoient divers autres types de pourriels. Le projet de loi envisage d'imposer aux expéditeurs de ce genre de pourriels une amende maximale de 5 000 $ et un emprisonnement maximal d'un an.
Enfin, les expéditeurs de pourriels qui envoient de la pornographie ou des courriels frauduleux seront passibles de poursuites aux termes du paragraphe 13(2) du projet de loi. Cette disposition prévoit des amendes de 1 000 $ et des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à six mois, ou les deux si le crime est particulièrement répugnant.
Lorsque le projet de loi S-23 entrera en vigueur, les fournisseurs de services Internet devront obtenir un permis d'une association indépendante auto-réglementée et sans but lucratif. L'une des conditions de ce permis serait que le titulaire continue à arrêter ou à filtrer tous les messages commerciaux. Il serait interdit aux fournisseurs de services Internet de vendre ou d'échanger les adresses électroniques de leurs abonnés à des marchands, que ces abonnés figurent ou non sur la liste anti-pourriel. Toute entreprise ou tout fournisseur de services Internet qui permettrait que ses clients soient sollicités sans détenir la preuve que ces derniers ont bien donné leur consentement serait passible d'accusations criminelles.
Les fournisseurs de services Internet reconnus coupables de violation à ces règles encourraient des peines. Ils pourraient perdre leur permis et le droit de fonctionner. Les amendes dont seront passibles les fournisseurs de services Internet qui permettent à répétition l'envoi de pourriels à leurs clients sont fixées par le projet de loi. On suggère qu'elles ne dépassent pas 500 $.
Honorables sénateurs, il importe de noter que le projet de loi S-23 renferme des dispositions protégeant les fournisseurs de services Internet contre les poursuites en dommages et intérêts. Comme dit le vieil adage «Ne tirons pas sur le messager». Il faut que les consommateurs sachent que certains expéditeurs de pourriels arrivent à déjouer les mesures et les filtres mis en place pour faire échec aux envois massifs de courriels.
L'élimination du pourriel ne sera pas une tâche facile. Toutefois, avec l'aide des Canadiens, des fournisseurs de services Internet et du gouvernement canadien, on peut réduire le pourriel, ce problème qui consomme beaucoup de temps et d'argent, à une simple source de contrariété.
Afin de prouver ce que le pourriel coûte à la population, je vais citer un sénateur démocrate américain, Charles Schumer, l'un des deux sénateurs qui représentent l'État de New York. Le sénateur Schumer a récemment présenté un projet de loi anti-pourriel au Sénat américain. Pendant sa présentation, le sénateur a dit:
La firme Ferris Research estime que le pourriel coûte aux entreprises des États-Unis d'Amérique 10 milliards de dollars par année sous les formes suivantes:
I. Perte de productivité. Elle est estimée à 4 milliards de dollars par an.
II. Consommation des ressources IT: temps consacré par le personnel et achat de matériel comme des serveurs plus puissants, une plus grande largeur de bandes et de l'espace disque supplémentaire au coût d'environ 3,7 milliards de dollars par an.
III. Appels aux services de dépannage: les efforts pour éliminer le pourriel ou vider les boîtes de réception gelées coûtent 1,3 milliard de dollars par an aux entreprises.
La situation est très semblable au Canada. Certaines estimations indiquent que le problème du pourriel coûterait plus d'un milliard de dollars par année au Canada.
Honorables sénateurs, c'est précisément pour cette raison que je présente le projet de loi S-23. Malgré tous les efforts des fournisseurs d'accès Internet, aucune solution n'a été trouvée au problème du pourriel. Malgré les lignes directrices et les rappels polis à l'étiquette Internet, le problème du pourriel n'a pas été résolu. Malgré les tentatives accrues d'éducation des consommateurs et d'élaboration de logiciels de filtrage, ce problème n'a pas été réglé.
En présentant au Sénat ce projet de loi d'initiative parlementaire, nous envoyons un message énergique aux polluposteurs: «Pas au Canada!»
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, j'ai suivi avec grand intérêt les propos du sénateur Oliver.
Mais quelle incidence cela aurait-il sur les petites entreprises qui utilisent actuellement Internet pour se faire connaître? Autrement dit, est-ce que cela donnerait une position privilégiée à celles qui, comme eBay ou Amazon, ont déjà leur place sur Internet parce qu'elles ont déjà leur liste de clients et leur consentement? Ainsi, est- ce que cette mesure désavantagerait injustement les entreprises en démarrage, en particulier au Canada, lorsqu'elles font appel à cette méthode pour accroître ou lancer leurs activités de façon rentable?
Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, cela n'influerait en rien les activités d'une petite ou d'une nouvelle entreprise. Un intervenant déjà présent sur Internet comme eBay n'en tirerait aucun avantage.
Si vous et votre famille ne voulez pas recevoir d'appel de sollicitation à la maison pendant le dîner, vous pouvez désormais vous inscrire à une liste pour refuser ces appels. Cela ne veut pas dire que eBay ou une entreprise en démarrage n'auront pas d'autres moyens de se faire connaître. Mais vous avez l'option de refuser de recevoir de tels appels. Même eBay ne pourra pas communiquer avec vous si vous refusez ces appels.
La liste ne donne aucun avantage à un intervenant déjà présent.
[Français]
L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, j'ai porté une attention toute particulière à l'allocution du sénateur Oliver, et pas une fois il n'a fait mention des virus informatiques. Ma question est la suivante: Est-ce qu'un virus peut s'infiltrer à travers les courriels non sollicités?
Par la même occasion, j'avise les honorables sénateurs qui sont à l'écoute qu'un virus très dangereux circule présentement. Il s'intitule «Microsoft» et se présente sous forme d'attachement qui contient une mise à jour.
[Traduction]
Le message dit ceci: «Utilisez cette rustine immédiatement». N'ouvrez surtout pas cette page, faute de quoi le virus infectera le système.
Les virus sont-ils propagés par les pourriels?
Le sénateur Oliver: Absolument. Nombre de virus informatiques sont propagés par des pourriels. C'est pour cela qu'on ne doit pas ouvrir ces pourriels.
Le problème c'est qu'ils ont souvent l'air inoffensif. Par exemple, ils peuvent dire «cher Pierre, j'ai besoin de ton aide», ou «monsieur le sénateur, veuillez ouvrir ceci. J'ai lu votre discours. J'ai besoin de votre aide». Une fois le message ouvert, on se rend compte que c'est un virus. Il n'y a aucun moyen de le savoir.
La réponse à votre question est oui. Ces pourriels renferment souvent des virus.
Son Honneur le Président: C'est mercredi. J'aimerais que le débat soit ajourné, si vous êtes d'accord, sénateur Robichaud.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous passons maintenant au reste des articles inscrits à l'ordre du jour.
[Français]
Je suggère qu'on obtienne le consentement pour que les comités qui siègent aujourd'hui puissent le faire même si le Sénat siège.
(1600)
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Honorables sénateurs, de notre côté nous sommes d'accord pour que les comités siègent aujourd'hui. En même temps, j'aimerais rassurer tous les sénateurs: s'il y a un point d'intérêt particulier à l'ordre du jour, nous ne prendrons aucune décision définitive sur ce point.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Avant de demander la permission, je donne la parole au sénateur Prud'homme.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, cela touche le cœur de la question, soit que nous nous absentions pour aller siéger à un comité, soit que nous accomplissions notre devoir et que nous participions aux débats très importants qui se tiennent dans cette enceinte. Par respect pour mes collègues, je porte attention au moindre point, car c'est la seule façon qui me permette de m'informer davantage sur des sujets que je connais moins bien.
Toutefois, je suis membre du Comité des banques. Je sais ce que des gens méchants peuvent me faire si je ne me présente pas à ce comité. Ils vont dire: «Il veut siéger au Comité des affaires étrangères», comité dont je souhaite être membre depuis neuf ans. Mon souhait ne s'est pas réalisé et je siège au Comité des banques. Ces gens diront: «Il ne se présentera pas.» Je serai compté au nombre des absents au sein d'un comité très important à 16 heures. C'est là que mon devoir m'appelle, mais je tiens à écouter certains points qui seront soulevés ici, puis à formuler mes commentaires, même si on a donné la permission aux comités de siéger. Combien de fois allons-nous acquiescer à pareille demande? Il s'agit de questions importantes, et, par respect, les sénateurs devraient être ici.
Je ne parlerai jamais de l'absence d'un sénateur. Je suis ici, et le sénateur, dans toute sa gentillesse, m'aide dans ma réflexion, mais il me fâche encore un peu plus lorsqu'il dit par exemple que s'il y avait deux questions d'intérêt inscrites à mon nom, il serait prêt à le faire. Je le remercie beaucoup de la courtoisie dont il fait preuve en affirmant que nous ajournerons sur ces deux questions. Je vous remercie beaucoup, sénateur Kinsella, mais je m'intéresse aussi aux autres débats. Certains d'entre eux sont importants pour le sénateur Joyal ou pour le sénateur Grafstein qui a également deux questions à son nom. Je pourrais nommer tous mes collègues. J'accorde autant d'importance, de mérite et de respect à chacun. Je ne fais pas de choix. Le Règlement précise que ce ne doit pas être plus tôt que 15 h 30 et c'est la raison pour laquelle les comités se réunissent à 16 heures. Vous nous mettez maintenant dans la situation embarrassante de devoir dire non à nos collègues qui attendent de prendre la parole. Ils pourront le faire demain.
Le sénateur Kinsella: Non, je ne le pourrai pas.
Le sénateur Prud'homme: Si le sénateur ne peut pas prendre la parole demain, il aurait pu me demander de lui faire cette faveur. Il m'aide à me décider à dire non. C'est comme un autre de nos collègues qui a parlé aujourd'hui de «la prochaine séance». J'ai hâte de voir qui sera ici demain et la semaine prochaine.
Nous avons un Règlement, honorables sénateurs, et je regrette de devoir refuser.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, tous doivent être d'accord. Il n'y a donc pas consentement unanime.
Reprise du débat, la parole est au sénateur Poulin.
(Sur la motion du sénateur Poulin, le débat est ajourné.)
LES TRAVAUX DU SÉNAT
Son Honneur le Président: Le sénateur Gauthier a demandé la parole pour demander une permission.
[Français]
L'honorable Jean-Robert Gauthier: J'aimerais faire une remarque sur le projet de loi C-25 et sur l'amendement du sénateur Murray. Je voudrais rectifier mes commentaires de façon claire et précise.
J'ai dit que le président de la Commission de la fonction publique doit être nommé par le gouverneur en conseil et approuvé par les deux Chambres. Je me suis un peu mêlé au sujet du tribunal. Dans le cas de celui-ci, c'est une nomination par décret et le Parlement n'est pas appelé à se prononcer.
[Traduction]
Son Honneur le Président: Les sénateurs sont-ils d'accord pour que les propos que le sénateur Gauthier a échangés avec le sénateur Murray soient ajoutés au compte rendu?
Des voix: D'accord.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, nous étions censés ajourner pour nous rendre au comité. Je n'ai pas donné mon consentement pour que le comité commence à siéger à 16 heures. Le Comité des banques siège actuellement et, si ma mémoire est bonne, il doit avoir l'autorisation de siéger. Nous terminons habituellement à 15 h 30. Nous avons continué jusqu'à 16 heures, car nous pouvions encore nous précipiter au Comité des banques, ou à d'autres comités. Le sénateur a posé la question et j'ai dit non. J'aurais peut-être dû m'exprimer en français, mais mon anglais vaut bien mon français. Je ne vois pas pourquoi il devrait procéder — qu'il y ait accord ou non.
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader ajoint du gouvernement): Le mercredi, on demande si tous les points à l'ordre du jour peuvent être reportés afin de permettre aux comités de siéger. Les avis des comités mentionnent une heure précise, mais aussi, avec la note «à la levée de la séance du Sénat».
Le sénateur Prud'homme: Mais pas avant 15 h 30.
Le sénateur Robichaud: Nous n'avons pas obtenu le consentement, donc les comités n'ont pas la permission de siéger. Nous allons continuer notre travail en Chambre et les comités siègeront lorsque la séance sera levée.
[Traduction]
PROJET DE LOI SUR LA JOURNÉE DE L'AMÉRIQUE
DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Jerahmiel S. Grafstein propose: Que le projet de loi S- 22, instituant la Journée de l'Amérique, soit lu une deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi S-22, qui vise à désigner le 11 septembre de chaque année «Journée de l'Amérique» au Canada. Certes, honorables sénateurs, le 11 septembre 2001 est resté gravé dans toutes les mémoires comme une journée qui a changé le monde. Il demeurera à jamais une autre «journée d'infamie». Il ne fait aucun doute que le monde américain a changé. Il ne fait aucun doute que le monde canadien a changé. Le monde a changé. Nous en avons la preuve tous les jours. Qu'on lise n'importe quel journal dans le monde aujourd'hui, ou quotidiennement, et il nous rappellera avec force le 11 septembre, les conséquences du 11 septembre.
Ainsi, ne convient-il pas de désigner le 11 septembre Journée de l'Amérique au Canada? Le 11 septembre devrait être une journée de sobre commémoration et de mûre réflexion, voire de célébration de nos valeurs communes, et d'exégèse manifeste de nos différences complexes et des nuances que comportent ces différences.
Certains ont dit que nous devrions nous distinguer des États-Unis. Ils soutiennent que nous devrions exercer notre «pouvoir discret» pour tourner le dos à l'Amérique et à ses visées «hégémoniques» et adopter d'autres alliés. Selon eux, nous devrions nous sevrer de notre attachement aux États-Unis. Et pourtant, nous ne sommes pas liés aux États-Unis uniquement par la géographie. Nous sommes liés par les liens du sang, les relations personnelles, le commerce et la culture bien entendu, mais aussi par les liens régionaux, les relations entre nos syndicats, les affaires et même des liens caritatifs et plusieurs autres.
Nous avons découvert récemment qu'il y a des millions d'Américains d'origine canadienne dans tous les coins des États- Unis, de l'Alaska jusqu'en Floride, du Maine jusqu'en Californie; or, au Canada, nous ne connaissons même pas leur nombre exact. Je suis convaincu hors de tout doute que la plus imposante diaspora canadienne se trouve aux États-Unis et nous ne connaissons pas son ampleur. Quoi qu'il en soit, nous sommes liés aux États-Unis par un désir commun de voir la démocratie et la primauté du droit régner à l'avenir, chez nous et à l'étranger. Nos principes de gouvernance sont issus des mêmes profondes sources anglo-saxonnes dont les assises étaient les freins et contrepoids et la séparation des pouvoirs.
Nos modèles de gouvernance se fondent sur le même scepticisme tonique de l'être humain à l'égard de l'exercice et même des tentations du pouvoir. Ensemble, le Canada et les États-Unis ont contribué à l'instauration des mécanismes internationaux porteurs de paix et de prospérité, l'OIT dans les années 30, l'OTAN dans les années 40, l'OCDE, l'OSCE et plusieurs autres. Nous avons un intérêt commun, soit celui de nous donner un continent pacifique et prospère servant de phare au reste de la planète. Nous ne devrions pas être découragés lorsque la lumière vacille ou s'intensifie à l'occasion.
(1610)
Le 11 septembre, non seulement l'Amérique a-t-elle été attaquée, mais des Canadiens ont aussi été assassinés — 24, et 2 conjoints. Toutes les religions — chrétienne, juive, musulmane et autres — ont été traitées également ce jour-là. Elles ont été victimes d'un même traitement meurtrier. C'était un geste de la dernière brutalité. C'était un geste à l'encontre de l'innocence. Il a secoué et désarçonné la société civile partout dans le monde.
Le sénateur Dandurand était un auguste leader du Sénat après la Première Guerre mondiale. Son majestueux portrait orne un des murs du corridor à l'extérieur du Sénat. Après la Première Guerre mondiale, il a occupé la présidence de la Société des Nations, à Genève, alors qu'il siégeait comme sénateur. Pendant sa présidence, il a lancé la première codification du droit international à la Société des Nations. Ce travail n'a jamais été achevé. Il a déclaré il y a 70 ans que notre pays, séparé qu'il était par l'océan Atlantique, était à l'abri des flammes de l'Europe.
Les propos qu'a tenus à cette époque le sénateur Dandurand ne sont plus vrais. Les océans n'offrent aucune protection. De nos jours, nous sommes interreliés avec le reste de la planète. Nul endroit ou espace n'est sûr dans le monde.
Honorables sénateurs, je propose que l'on fasse du 11 septembre un jour de réflexion, un jour où l'on réexamine le passé et ce qui nous a conduits à ce détour de l'histoire qui donne froid dans le dos et un jour de réflexion sur notre avenir. Le 11 septembre a marqué un tournant dans l'histoire du monde moderne, et on ne peut toujours pas en mesurer tout le sens et toutes les conséquences.
Ceux d'entre nous qui estiment que le Parlement est l'arbitre suprême de l'opinion publique croient également qu'il incombe au Parlement de permettre au public d'intervenir dans les débats, particulièrement lorsqu'ils ont une importance historique. Parlons; discutons; entendons-nous et, bien sûr, soyons en désaccord. Toutefois, laissons le Parlement — laissons le Sénat — s'exprimer. Il est à espérer que les sénateurs sauront faire valoir leur point de vue et écouter attentivement, comme nous le faisons en cette enceinte, ce que le public a à dire.
Il y a toute sorte de questions. Qui est le meilleur ami et le meilleur allié du Canada? En avons-nous un? Selon moi, la grande majorité des Canadiens répondraient les États-Unis. Lançons-nous à la découverte de ce que pense le public, qui a été éclairé par nos débats. Je propose que nous invitions les Canadiens à se brancher sur le site Web du Sénat qui a récemment été lancé et à communiquer leur point de vue durant nos débats afin que nous sachions ce qu'ils pensent de ce projet de loi. Nous pouvons y arriver facilement en transformant notre site Web en un instrument interactif qui permettra au public de participer à ce débat ainsi qu'à ceux qui suivront.
Quant aux relations canado-américaines, la population canadienne a toujours devancé les politiques. C'est ce que j'ai pu voir lors de notre joyeuse visite appelée «Canada Loves New York», le 30 novembre 2001, après les attentats du 11 septembre. Plus de 26 000 Canadiens de toutes les régions du pays se sont réunis pour répondre à l'invitation du maire Giuliani voulant qu'on aide les États-Unis en visitant New York.
J'ai constaté que, lorsque des milliers et des milliers d'Américains étaient bloqués loin de chez eux, les Canadiens leur ont spontanément ouvert leur foyer et les ont accueillis dans l'est du Canada, après les attentats du 11 septembre.
Cet été, à Toronto, au concert des Rolling Stones, Toronto Rocks, des centaines de milliers de Canadiens se sont joints à des dizaines de milliers d'Américains qui sont venus à Toronto pour aider à faire contrepoids au message exagéré qui s'était répandu dans le monde au sujet du SRAS. Le Canada était mis au ban comme destination touristique, et cela a été un dur coup pour les travailleurs canadiens et leurs entreprises d'un bout à l'autre du Canada.
Soit dit en passant, nous avons vu des Américains et des Canadiens par milliers consommer du boeuf canadien parfaitement salubre apprêté au barbecue, tout cela devant les caméras des médias américains. Ce message est allé directement au Congrès.
Honorables sénateurs, la population canadienne et la population américaine nous étonneront toujours. Commémorons le 11 septembre et nous, sénateurs, serons étonnés de la réaction du Canadien et de l'Américain moyens.
Nous n'avons pas encore tiré les enseignements du 11 septembre. Nous n'avons pas encore pris les moyens d'éviter que l'histoire ne se répète. Les attentats du 11 septembre 2001 étaient-ils une poursuite de la première guerre mondiale du XXIe siècle? Quel avenir pouvons-nous attendre de culte qui prêche le massacre de personnes innocentes? Que pouvons-nous faire lorsque des États sont conciliants ou collaborent avec ces cultes ou ces groupes à l'intérieur de leur territoire? Que peut-on faire? Nous devrions écouter, nous devrions apprendre. Il est une chose que je sais: l'idéal, c'est que les principes et les gens aillent de pair.
Faisons du 11 septembre le Jour de l'Amérique. Certains peuvent chercher à nous diviser, mais rien ne peut changer notre géographie. Notre frontière commune est franchie plus de 150 millions de fois par année, dans un sens ou dans l'autre. Pourquoi? À cause d'animosités communes ou d'intérêts communs?
Rien ne peut changer nos valeurs communes. Rien ne peut changer nos liens de sang ou d'amitié. Rien ne peut changer notre intérêt socioéconomique mutuel grandissant l'un à l'égard de l'autre comme voisins très proches.
Oui, les États-Unis sont notre principal partenaire commercial, et vice versa. Nous faisons 87 p. 100 de nos échanges commerciaux avec les États-Unis, et cette proportion va en augmentant. Ce n'est pas tout. Oui, nous avons de nombreux traits distincts et de nombreuses différences. Oui, nous sommes des Canadiens fiers et indépendants. Cela ne devrait toutefois pas nous préoccuper et nous obséder au détriment de l'intérêt commun. N'oublions pas que le Canada s'est bâti sur les principes de la paix, de l'ordre et du bon gouvernement. La paix et l'ordre sont indissociables du bon gouvernement. On ne saurait dissocier le bon gouvernement alors que nous avons en commun plus que certains n'osent le dire ou le décrire.
Je suis fier de nos différences. Je chéris notre indépendance. Je savoure nos traits distinctifs. Pourtant, la souveraineté et l'indépendance que nous clamons haut et fort sonnent faux si nous comptons sur les autres et que nous n'assumons pas les coûts de cette souveraineté. Nous ne devrions pas négliger d'assumer les coûts de notre souveraineté et de notre sécurité. Si nous avons confiance, nous ne devrions pas craindre de traiter ou de contester nos amis américains de la manière civilisée qui est la marque de la société canadienne. Nous ne devrions pas redouter ni avoir honte de faire valoir les valeurs que nous avons en commun. Nous ne devrions pas craindre de louer l'Amérique à titre de rempart de la démocratie de peur de subir les critiques de la population à son endroit ou nous visant. C'est là la raison d'être du Parlement; il nous permet, à nous, sénateurs, de nous exprimer pleinement, en toute équité et après mûre réflexion sur les questions controversées du jour, dans l'optique particulière des sénateurs et du Sénat.
La semaine dernière, Robert Fulford, critique culturel bien en vue au Canada anglais, a fait écho aux propos de Paul Johnson, brillant journaliste et historien britannique, et de Jean-François Revel, écrivain et philosophe français, qui s'accordent tous à dire que l'hypocrisie qui pousse les Canadiens et les Européens à condamner tout ce qui est américain est devenue le fondement du mouvement antiaméricain. J'appelle cela le camp antiaméricain. Revel appelle cela l'obsession antiaméricaine. Johnson a dit: «Cela est fondé sur l'impulsion puissante et irrationnelle de l'envie, une envie de la richesse, du pouvoir, du succès et de la détermination des Américains.» Robert Fulford conclut que, en France et au Canada, l'antiaméricanisme est comme la boisson française unique qu'est l'absinthe. Il dit: «C'est excitant, c'est satisfaisant et cela fait partie de notre histoire culturelle, mais cela a tendance à vous rendre aveugle.»
Cette semaine, Matthew Fraser, rédacteur du National Post, dans son nouveau livre intitulé Weapons of Mass Destruction, fait valoir de façon très perspicace l'argument selon lequel la mondialisation du commerce et de la culture a été un signe avant-coureur de la croissance de la démocratie dans le monde.
Honorables sénateurs, ne pouvons-nous pas aller au-delà des paroles vides pour découvrir le malaise plus profond de notre psyché canadienne qui semble chercher refuge et réconfort dans le concept freudien du transfert, blâmant les autres, particulièrement nos voisins américains, pour nos propres failles? Il est devenu si facile de s'en prendre aux États-Unis. Il est cependant plus difficile de se faire entendre par les Américains lorsque nous tenons des propos désobligeants à leur endroit.
Honorables sénateurs, j'espère que ce projet de loi lancera le débat. En définitive, adoptons le projet de loi qui fera dorénavant du 11 septembre la Journée de l'Amérique au Canada. Chaque année, nous pourrons alors célébrer, si nous le pouvons, les relations étroites et les désaccords que nous avons avec ce dynamo mondial que sont les États-Unis d'Amérique, notre voisin du Sud.
(1620)
Honorables sénateurs, je sais que nous serons courtois et perspicaces. Les Canadiens ont besoin d'un cadre réfléchi pour ce débat très large. Ils veulent être informés. Ils veulent que le Sénat explique cette question. Nous voulons que la population comprenne clairement les questions. Nous souhaitons qu'elle suive ce débat. Nous devons être dignes de notre réputation de Chambre de réflexion, comme les Canadiens et nous-mêmes le méritons tant.
Je voudrais maintenant ajourner ce débat au nom du sénateur Eyton, à moins qu'il y ait des questions.
L'honorable Laurier L. LaPierre: J'ai une observation ou une question. Est-ce permis? Les experts de l'honorable sénateur sont, selon moi, plutôt insignifiants et ainsi, je vais les sortir de ma tête. Matthew Fraser n'a rien d'utile à dire à qui que ce soit sur la planète Terre.
De plus, si vous le permettez, je voudrais rappeler à l'honorable sénateur que l'Amérique est un hémisphère; il ne s'agit pas des États-Unis. Dans l'hémisphère, il y a deux continents, le Nord et le Sud. Ainsi, lorsque nous parlons de «l'Amérique» nous parlons des gens qui vivent ici, qui vivent aux États-Unis, qui vivent au Mexique et dans tous les autres endroits qu'on retrouve avant d'arriver à la fin de cet hémisphère.
Je le signale, car c'est très important. Je ne suis pas en faveur de cela. Cependant, je suis en faveur d'utiliser les événements du 11 septembre pour en tirer les leçons essentielles qu'elles nous donnent à tous sur la planète.
J'invite l'honorable sénateur à ne pas commettre la même erreur que beaucoup d'autres font, c'est-à-dire traiter automatiquement d'antisémite toute personne qui critique Israël. Lorsque des gens critiquent l'administration Bush et certaines choses américaines, on dit maintenant d'eux qu'ils sont anti-Américains, et c'est une opinion qu'épousent les journaux qui appartiennent à un certain propriétaire au Canada que nous ne nommerons pas.
Ma question est celle-ci: Maintenant qu'il a parlé avec tant d'éloquence de la leçon du 11 septembre, pourquoi l'honorable sénateur ne ferait-il pas en sorte que nous passions tous une journée à réfléchir à la nécessité pour nous tous de combattre le terrorisme où qu'il se trouve, maintenant, hier et demain?
J'invite l'honorable sénateur à envisager d'appeler son projet de loi au sujet du 11 septembre, «la Journée antiterrorisme» afin que tous les Canadiens et toute l'humanité puissent se rassembler et penser sérieusement à cette chose horrible qu'est le terrorisme. Ça ne touche pas simplement l'Amérique. Des centaines de milliers de Noirs sont morts depuis les années 1900 en Afrique. Des Chiliens sont morts. Partout sur la planète, d'autres gens sont morts, victimes du terrorisme.
Si l'honorable sénateur veut une telle journée, ce que selon moi il devrait demander, ce ne devrait pas être uniquement la «Journée de l'Amérique». Les États-Unis ne sont pas les seuls à être victimes du terrorisme; le terrorisme est présent partout. Par conséquent, si l'honorable sénateur veut bien s'asseoir et réfléchir, d'une part, à ma suggestion d'organiser une journée contre le terrorisme et, d'autre part, à la responsabilité qui nous incombe de le contrer — sur le plan local et d'agir à l'échelle mondiale, comme nous avions l'habitude de le dire dans ma jeunesse —, je crois alors que le projet de loi serait adopté en un rien de temps.
Le sénateur Grafstein: Je vous remercie encore une fois de cette question alambiquée. Permettez-moi cependant de rectifier un commentaire factuel. L'honorable sénateur peut s'il le désire faire abstraction du livre de Matthew Fraser, ce qu'il fait d'ailleurs. Néanmoins, j'estime qu'il serait plus utile que le sénateur le lise avant d'en faire fi. Cela dit, j'estime qu'il n'est pas juste de la part de l'honorable sénateur de ne pas non plus tenir compte de Robert Fulford, de Paul Johnson, du Royaume-Uni ou de Jean-François Revel.
Quoi qu'il en soit, l'honorable sénateur a présenté un argument fort pertinent qui affirme ma position. Il soutient que cette journée ne devrait pas être dédiée à l'Amérique, ce qui renforce mon argument selon lequel l'Amérique est un continent qui inclut, entre autres, les États-Unis et le Canada. À mon avis, cela renforce mon argument. Ce qui s'est produit dans la zone continentale des États- Unis a profondément marqué les Canadiens et les Américains.
Quant à mon point de vue sur le terrorisme, je ne crois pas devoir l'exposer dans cette enceinte. Il dépasse la simple notion de terrorisme. Il porte sur la structure même de la lutte antiterroriste. Si le sénateur décide, comme il vient de le faire si éloquemment, de s'opposer à mon point de vue sur cette question, soit. J'aurai certainement l'occasion de répondre à un moment ou à un autre. Je suis ouvert à ses observations et j'apprécie sa fougue.
[Français]
L'honorable Jean Lapointe: Honorables sénateurs, je veux féliciter le sénateur Grafstein de son courage et de son travail au Sénat. Je le considère comme un des sénateurs les plus sérieux et les plus dévoués. Cependant, en ce qui concerne les Américains, j'aurais beaucoup de difficulté à nommer une Journée de l'Amérique.
Depuis ma tendre enfance, j'ai beaucoup d'admiration pour le peuple américain et pour son patriotisme. On ne voit pas souvent un Canadien mettre la main sur son coeur pendant l'hymne national. Aux États-Unis, nous en voyons fréquemment. J'ai beaucoup d'admiration pour le peuple noir, qui s'est sorti de l'esclavage grâce à des hommes comme Kennedy et d'autres.
Toutefois, ce voisin, qui se dit notre grand allié, à cause d'une vache folle, brime et soutire des centaines de millions de dollars à nos fermiers dans l'Ouest, au Québec et ailleurs.
Sur la question du bois d'oeuvre, si nous n'agissons pas économiquement comme ils le désirent, nous sommes traînés dans la boue. J'ai beaucoup d'objections à ce que l'on nomme la journée du 11 septembre la Journée de l'Amérique.
Ceci étant dit, je ne cache pas mon admiration pour le peuple américain, mais j'ai des réserves quant aux politiciens qui dirigent les Américains présentement.
[Traduction]
Le sénateur Grafstein: Je voudrais aller au fond des questions. Encore une fois, je remercie le sénateur de ses observations. En ce qui concerne les questions touchant le commerce Canada-États- Unis, je les connais aussi bien que quiconque dans cette enceinte. Je me suis occupé de ce dossier dès mes débuts au Sénat, il y a 19 ans, et notamment au cours des dix dernières années en tant que président du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis.
Sans vouloir impliquer le Président, je signale qu'il a déjà été un membre très actif de ce comité. Il sait sûrement, comme les autres qui ont fait partie de ce comité, que ces problèmes commerciaux représentent moins de 5 p. 100 de l'ensemble de nos échanges commerciaux avec les États-Unis. Ce sont toutefois des problèmes réels, qui ont une incidence sur l'emploi au Canada.
À ma grande surprise, j'ai découvert que lorsque nous nous rendons aux États-Unis et invitons des membres du Congrès à venir chez nous, leur réaction est bien différente de celle de l'exécutif. Le gouvernement américain se montre réservé envers notre propre gouvernement, mais il en va différemment dans le cas des parlementaires: les échanges sont beaucoup plus ouverts et empreints de compréhension. J'espère que ce projet de loi favorisera un plus grand respect et des échanges plus poussés entre parlementaires.
Je signale à l'honorable sénateur une chose qu'il trouvera peut- être intéressante du point de vue historique: j'ai abordé la question des Américains d'origine canadienne, et nous avons appris, grâce au travail fait par le gouvernement du Québec, qu'ils se comptent par millions. Le gouvernement du Québec a effectué des recherches très poussées sur les conséquences de l'émigration du Canada vers les États-Unis. Beaucoup de régions frontalières, de villes, d'États et de comtés ont des noms canadiens-français. Pourquoi? En raison des découvertes admirables qui ont été effectuées. De fait, l'expédition Lewis et Clark qui a traversé les États-Unis d'un littoral à l'autre était dirigée par un Canadien français.
Je souhaiterais que, dans le cadre de ce débat, nous soulevions la question pour conscientiser les Américains et leur faire réaliser que nous avons des racines profondes aux États-Unis. J'ai découvert, par exemple, que le nouveau coprésident du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis s'appelle le sénateur Craypo, qui s'épelle C-R-A-Y-P-O. Je lui ai signalé qu'il s'agissait d'un nom canadien-français. Il m'a dit qu'il le savait, mais qu'il n'avait jamais vraiment vérifié les origines de son nom. J'ai rappelé à ce nouveau sénateur de l'Idaho qu'il se pourrait qu'il partage de profondes racines avec les Canadiens. Ce projet de loi jouera un rôle important en nous assurant un meilleur accès aux membres du Congrès et aux sénateurs, un à la fois.
(1630)
Le week-end dernier, je suis allé en Géorgie au mariage du fils d'un membre du Congrès américain. J'ai été traité comme un dignitaire en visite dans le Sud profond. Ils étaient surpris de voir un Canadien venir jusque chez eux. Je leur ai parlé du Canada et des États-Unis et je leur ai fait remarquer que plusieurs villes de la Georgie portaient le nom de Canadiens français, ce qu'ils ignoraient. Si quelqu'un me dit que ce projet de loi est inutile au Canada et aux États-Unis, je lui dirai d'attendre et de voir ce que les membres du Congrès et du Sénat américains auront à dire.
Je leur ai dit que j'allais présenter ce projet de loi et ils ont bien accueilli la nouvelle. Ces sénateurs et ces membres du Congrès, qui s'intéressent au Canada et qui veulent sensibiliser davantage les Américains à notre existence afin que nous puissions contribuer à la résolution des problèmes, veulent avoir quelque chose à présenter au Congrès. Ils vont suivre le débat. Je vais m'assurer qu'il fasse partie des archives du Congrès car je pense qu'il est important que les Américains comprennent qu'il y a des Canadiens qui sont fiers d'être Canadiens et qui comprennent pourtant le rôle des États-Unis et leur leadership. L'un n'exclu pas l'autre. Comme l'a dit un autre sénateur: «Je suis profondément Québécois et profondément fédéraliste.» Eh bien, je peux être profondément Canadien et je peux aussi croire que l'Amérique a beaucoup plus à offrir que ce qu'on lui reconnaît.
Nous pouvons résoudre certains des problèmes qui existent entre le Canada et les États-Unis, et qui sont profondément enracinés, en encourageant ce genre de débat réfléchi et cohérent, contrairement à ce qui se passe à l'autre endroit. J'attends avec hâte le débat et les commentaires des honorables sénateurs.
L'honorable Anne C. Cools: J'ai écouté l'honorable sénateur Grafstein avec intérêt, et je trouve ses commentaires très stimulants, bien que je n'aie pas beaucoup réfléchi au projet de loi. En Europe, les Français, les Allemands et les Italiens sont tous des Européens. Le terme «Européen» est interchangeable et peut remplacer chaque gentilé. Au Canada, la Constitution du Canada était à l'origine l'Acte de l'Amérique du Nord britannique parce que le Canada s'appelait alors l'Amérique du Nord britannique.
Quand j'étais jeune, le terme «Américain» s'appliquait à tous les habitants du continent américain. Si nous voulions parler expressément des habitants des États-Unis d'Amérique, nous utilisions le terme «Yankees».
Le sénateur Grafstein aborde un aspect profond et important, soit les liens abondants qui existent entre les Américains et les Canadiens. J'aimerais que l'honorable sénateur Grafstein nous fournisse plus d'explications à ce sujet. En plus de chercher à susciter un dialogue et un débat profonds sur les liens entre les deux pays, ne tente-t-il pas aussi de faire en sorte que le terme «Américain» s'applique de nouveau à toutes les personnes habitant ce gigantesque et remarquable continent qu'est l'Amérique?
Le sénateur Grafstein: La réponse est oui.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, je vais certes participer à ce débat. Je suis presque tenté — et je le répète, je suis presque tenté — de prononcer mon allocution dès maintenant. Un vrai orateur ne devrait pas avoir besoin de personnel et d'attachés de recherche pour préparer ses interventions. Il devrait plutôt intervenir spontanément et répondre point par point aux propos du sénateur Grafstein.
L'honorable sénateur a dit qu'il verrait à ce que les États-Unis prennent connaissance du débat qui se déroule au Sénat. Cela me semble être une forme de chantage, dans la mesure où nous ferions mieux d'atténuer nos propos au cas où nous serions mal perçus chez nos voisins du Sud. Je n'aime pas cette façon de faire.
Je vais présenter une autre motion concernant ce que l'honorable sénateur a eu l'amabilité de dire au Sous-comité du Congrès américain sur les droits de la personne. Selon moi, les Canadiens n'apprécieraient pas ces propos de la part d'un de nos collègues ayant participé aux travaux d'un comité aux États-Unis et aux activités de l'OSCE en Europe. J'ai la transcription de ses interventions et je vais en faire état ici. Il faut faire preuve de circonspection lorsque l'on parle des États-Unis.
Honorables sénateurs, je me sens à l'aise de parler de cette question. En 1993, à la demande des présidents des deux Chambres, j'ai rédigé un rapport complet sur les associations parlementaires. En 1998, les présidents des deux Chambres et les deux Comités de régie interne m'ont demandé de mettre de nouveau la main à la pâte, ce que j'ai fait avec M. Chuck Strahl. J'ai travaillé avec ardeur et j'ai convaincu M. Strahl de voter en faveur des budgets des associations parlementaires. J'ai dit que si nous devions un jour dissoudre des associations parlementaires en raison de la critique et des médias, l'une d'entre elles devrait survivre, soit le groupe interparlementaire Canada-États-Unis. J'en ai été convaincu par tout ce que j'ai vu au fil des ans dans nos rapports avec les États-Unis, d'abord comme élu, puis comme personne ayant fait l'objet d'une nomination.
Nous n'avons pas de leçons à tirer. À l'instar des sénateurs Lapointe et LaPierre, je crois, moi aussi, qu'il est possible d'exprimer son désaccord sans être mal perçu.
Le sénateur Grafstein nous devance toujours. Le projet de loi a été lu une première fois hier. On ne peut présumer de ce que le Sénat fera.
Le temps est venu d'insuffler un peu d'air frais dans les débats sur les associations parlementaires. Au cours de la prochaine législature, j'espère que l'honorable sénateur suivra mon exemple, car le changement est toujours bon, et qu'il quittera le poste de président de l'Association parlementaire Canada-États-Unis. Je ne dis pas que l'honorable sénateur ne fait pas du bon travail, mais il arrive parfois que les gens s'accrochent trop longtemps et les associations de ce genre ont besoin de se renouveler à chaque législature. Je ne mets pas en doute l'intelligence de l'honorable sénateur. Il reste que certains parlementaires ne comprennent pas l'importance des relations canado-américaines. C'est ce que j'appelle la «nouvelle démocratie parlementaire».
Le sénateur Grafstein a contribué au processus en lançant ce débat aujourd'hui. Il y aura un autre débat, encore plus stimulant, mais j'espère que l'honorable sénateur renoncera à son intention d'attaquer la Chambre des communes parce que le Sénat est plus raisonnable. Je respecte les sénateurs de l'autre côté autant que ceux qui siègent de ce côté-ci. Ils ont droit à leurs opinions. Ils ont le droit d'adopter un comportement qui peut choquer s'ils en sentent le besoin et ils ont le droit de commenter la politique des États-Unis d'Amérique sans être qualifiés d'antiaméricains. Je ne connais aucun sénateur qui soit antiaméricain. Par contre, je connais de nombreux sénateurs, des deux côtés du Sénat, qui ne partagent pas l'avis de l'honorable sénateur. L'honorable sénateur a écrit dans des journaux canadiens qu'il condamnait les gens de son groupe confessionnel. Il avait le privilège d'appuyer la guerre en Irak même si la majorité des Canadiens rejetaient totalement la position adoptée par les États-Unis. Nous pouvons ne pas être d'accord sur la politique des États-Unis sans être antiaméricains.
(1640)
La façon dont le sénateur aborde ce débat est très importante. Il veut nous faire croire que si nous parlons trop, nous serons perçus comme étant antiaméricains. L'honorable sénateur nous a avertis que tout ce que nous disons sera enregistré au Congrès des États- Unis.
Je suis heureux qu'on me donne cette chance. Ils me connaîtront très bien là-bas. L'un des anciens secrétaires du cabinet était mon meilleur ami. Ed Derwinski était la personne la plus active de toute l'Union interparlementaire. Il se rendra compte que je suis toujours vivant et actif et que je suis toujours un ami des États-Unis. Toutefois, je ne suis pas d'accord avec certaines de leurs politiques.
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, je me retrouve encore une fois presque en violent accord avec mon collègue. Je n'ai jamais laissé entendre de quelque façon que ce soit que nous ne devrions pas être en désaccord. Je l'ai d'ailleurs répété à de nombreuses reprises. Nous devrions convenir de ne pas être d'accord. Faisons-le de façon polie et appropriée.
Si le sénateur a cru que je voulais étouffer le débat en proposant que le hansard du Sénat soit reproduit dans le compte-rendu du Congrès des États-Unis, il a pris mes commentaires hors contexte.
Une fois qu'un débat devient du domaine public, nous devrions voir à ce que les Américains puissent se faire une opinion équilibrée. Je ne cherche pas à établir une optique unilatérale. Je ne suis pas un partisan de l'unilatéralisme dans ce sens.
Je suis heureux que nous tenions un débat sur cette question et je suis heureux que le sénateur ait l'intention de participer à ce débat et que ses commentaires soient consignés dans les Débats du Sénat. J'espère qu'il sera d'accord, mais je suis libre de le faire avec ou sans son objection...
Le sénateur Prud'homme: Le sénateur le fait toujours de toute façon.
Le sénateur Grafstein: ...à l'envoi du compte-rendu des débats aux Américains, qui s'intéressent à ce que nous avons à dire ici.
Honorables sénateurs, je crois que le sénateur devrait être fier d'avoir clairement présenté son opinion pour que les membres du Congrès des États-Unis en soient mis au courant. Je n'y vois aucun problème. Je n'ai pas honte de quoi que ce soit que j'aie pu dire au Sénat, devant le Congrès des États-Unis ou en Europe à quelque moment que ce soit.
Je voudrais que le sénateur me signale les paroles qui laissent entendre de quelque façon que ce soit que je suis contre l'indépendance du Canada ou les droits du Canada dans le monde. Bien au contraire; je suis fier d'être Canadien.
J'ai toujours appuyé les politiques canadiennes, mais lorsque je ne suis pas d'accord sur ces politiques, j'essaie de m'exprimer d'une façon que même le sénateur comprend, de sorte qu'il n'y ait aucun malentendu. Mon opinion n'est pas voilée. Elle est transparente, directe et précise.
À ces conditions, j'invite le sénateur à participer à ce débat. Si on me disait: «Vous craignez que les Débats du Sénat ne soient imprimés dans le Bulletin du Congrès», je ne crois pas que d'autres sénateurs en conviendraient. Nous devrions être fiers que nos propos soient imprimés dans le Bulletin du Congrès des États-Unis pour qu'on ne les cite pas hors contexte, comme cela se fait par l'entremise des médias.
Les diatribes des membres de notre groupe parlementaire qui ont été citées hors contexte aux États-Unis ne représentaient pas notre point de vue. Elles ne représentaient pas l'opinion des sénateurs. Mettons les choses dans le bon contexte. Le bon contexte est un débat au Sénat — les deux côtés, tous les côtés, les bons et les mauvais.
Débattons les questions. Offrons un cadre pour que les Canadiens puissent comprendre qu'il y a une discussion sérieuse des deux côtés. À mon avis, le débat sur les relations entre le Canada et les États- Unis n'est pas équilibré. Nous entendons parler de ce qui est mauvais. Nous n'entendons pas parler de ce qui est bon. C'est une des questions fondamentales que je voudrais examiner ici. Nous devrions être fiers de faire consigner nos paroles et de laisser les Américains connaître notre point de vue. Pourquoi pas?
Notre pays est libre, tout comme les États-Unis sont libres, et ils respectent cela. Je suis heureux de la participation du sénateur. Je suis heureux qu'il pose des questions. Je l'écouterai très attentivement, tout comme il m'écoute. Si je ne suis pas d'accord avec lui, croyez-moi, je le lui ferai savoir.
Le sénateur Prud'homme: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser. Elle sera très brève.
Le sénateur a dit que ce projet de loi est très important. Peut-il imaginer la réaction du gouvernement et des habitants des États- Unis d'Amérique — les bonnes gens dont nous aimons la compagnie — si le projet de loi était soumis à un vote et était rejeté? Cela n'anéantirait-il pas les tentatives de rapprochement du sénateur?
Pour ce qui est de faire parvenir une transcription de notre débat au Congrès, je connais le sénateur trop bien et depuis trop longtemps. Je sais que chaque mot qu'il prononce au Sénat est transmis un peu partout sur la planète et même à Sa Sainteté le pape. J'ai d'excellents contacts au Vatican. Chacune des paroles du sénateur Grafstein est d'une telle importance qu'il les diffuse à travers le monde. Je le félicite d'être si bien organisé. Je ne le suis pas.
Cependant, je crains sa réaction si jamais des gens devaient être en désaccord avec lui. Les gens ne scrutent pas les moindres détails lorsqu'ils lisent le Bulletin du Congrès.
Il y a aussi la fameuse question: Êtes-vous pour moi ou contre moi? N'avons-nous pas entendu récemment à la télévision quelqu'un déclarer que tous ceux qui ne sont pas avec nous sont contre nous? Je suis un peu plus raffiné que cela et le sénateur Grafstein est encore plus raffiné que moi.
Nous sommes une assemblée de personnes raffinées à divers degrés. Nous craignons la réaction des gens si jamais ce projet de loi ne convient pas à la majorité pour diverses raisons. J'essaie de garder une attitude positive. Je participerai au débat de manière constructive puisque je suis un peu calmé.
Le sénateur Grafstein: Je remercie à nouveau l'honorable sénateur de ses observations. Je crois qu'il a formulé des arguments convaincants et utiles.
Un peu plus tôt, il a laissé entendre que je préjugerais de l'impact de ce projet de loi en parlant de celui-ci avant même de l'avoir présenté. Or, il préjuge de la volonté du Sénat. Procédons d'abord au débat, nous déciderons ensuite.
Je ne crains pas que ce projet de loi soit reporté à plus tard comme ma résolution l'a été l'année dernière. Je ne crains pas qu'il soit rejeté car ce ne sera pas le cas. Je crois pouvoir convaincre la plupart des sénateurs de la grandeutilité de ce projet de loi, tant pour les Canadiens que pour les Américains. Il ne faut pas préjuger de l'issue du débat.
Effectivement, je crois avoir une relation spéciale avec le pape car mon père et son père ont servi au sein de la même brigade dans l'armée polonaise en 1920.
L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question au sénateur Grafstein. Ma connaissance de l'histoire est moins bonne. J'ai regardé plusieurs westerns montrant la guerre entre les Autochtones et les Américains qui avançaient vers l'Ouest. Comme les Canadiens, les Américains sont tous des immigrés. Ils ont envahis un pays habité par des Autochtones. Buffalo Bill a tué tous les bisons qui représentaient une source d'alimentation pour les Autochtones.
Comment pouvons-nous appuyer ce projet de loi? Je pense à l'histoire et surtout à ce que les Américains ont fait aux Autochtones.
Le président a annulé une visite prévue au Canada parce que nous n'avons pas joint les rangs des Américains dans la guerre contre l'Irak. Nous sommes de bons amis.
J'étais très jeune à l'époque de la Seconde Guerre mondiale. J'apprenais ma langue et l'anglais. Peu de gens dans le Nord parlaient alors l'anglais.
C'est pareil au Canada. Les Américains non plus ne connaissent pas toute l'histoire, surtout celle des autres pays. Je ne peux pas appuyer le projet de loi.
Le sénateur Grafstein: Honorables sénateurs, la communauté autochtone au Canada a beaucoup à apprendre de la communauté autochtone aux États-Unis. J'ai eu l'occasion d'examiner cette question lorsque j'ai participé au débat entourant le traité avec les Nisga'as.
Les sénateurs se rappelleront que je n'étais pas en faveur de ce projet de loi à cause des questions relatives à la souveraineté. Je croyais avoir justifié mon opposition à mes collègues autochtones au sujet du traité avec les Nisga'as.
Les Américains ont abordé cette question d'une façon utile et très intéressante. Je suis étonné de voir que les Américains peuvent parfois nous donner des leçons utiles du fait qu'ils s'y sont pris autrement pour affronter des problèmes endémiques comme le traitement injuste des Autochtones au Canada. Les États-Unis peuvent nous apprendre bien des choses.
(1650)
J'ai appris une autre chose des États-Unis: ils sont bien plus avancés que nous en ce qui concerne le traitement de l'eau dans les réserves. Le sénateur Watts opine du bonnet. Les Américains fournissent de l'eau salubre à toutes leurs réserves. Ce n'est pas notre cas. Les Américains peuvent nous en montrer à cet égard aussi.
Les Américains peuvent nous montrer des choses utiles et, en passant, nous pouvons aussi leur apprendre un tas de choses. C'est évident. Je me réjouis des commentaires du sénateur. J'espère qu'il livrera un discours plus exhaustif de manière à ce que je puisse formuler des commentaires plus complets à la fin du débat.
Son Honneur le Président: Sénateur Grafstein, vous vouliez proposer la motion d'ajournement, n'est-ce pas? Avez-vous une autre question, sénateur Cools?
Le sénateur Cools: J'étais disposée à proposer l'ajournement. Quelqu'un d'autre voulait peut-être aussi le faire.
Son Honneur le Président: Le sénateur Grafstein a demandé de proposer lui-même l'ajournement. Vouliez-vous le faire, sénateur Grafstein?
Le sénateur Grafstein: Je m'excuse, sénateur Cools. Je croyais utile d'entendre le point de vue de sénateurs d'en face et le sénateur Eyton avait laissé savoir qu'il voulait participer au débat. J'espère que tous les sénateurs qui désirent participer au débat auront l'occasion de le faire.
(Sur la motion du sénateur Grafstein, au nom du sénateur Eyton, le débat est ajourné.)
[Français]
LE CODE CRIMINEL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Lapointe, appuyée par l'honorable sénateur Gauthier, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-18, Loi modifiant le Code criminel (loteries).—(L'honorable sénateur LaPierre)
L'honorable Laurier L. LaPierre: Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le sénateur Jean Lapointe, qui a présenté son projet de loi S-18.
[Traduction]
On me dit que je dispose de 45 minutes. J'ai décidé que j'étais trop tendu et que je parlerais, par conséquent, moins de 45 minutes. J'essaierai de m'en tenir à la limite habituelle.
Comme le savent les honorables sénateurs, le projet de loi a pour but d'interdire les machines à sous qui portent désormais des noms incroyables comme «dispositif électronique de visualisation» ou «appareil à sous». Le parrain du projet de loi veut interdire l'utilisation de ces machines dans des endroits facilement visibles et accessibles et les limiter uniquement à des endroits convenables, comme les casinos et les hippodromes, si ma mémoire est fidèle.
[Français]
Le sénateur Lapointe a suggéré, en présentant ce projet de loi, qu'un des problèmes majeurs était l'accessibilité. Le deuxième problème était la visibilité.
[Traduction]
Par conséquent, ce sont les questions que nous devons considérer. Au préalable, permettez-moi de répéter que ce projet de loi ne vise pas à interdire les terminaux de loterie vidéo. Il vise à les réserver aux endroits qui conviennent, les casinos et les pistes de course. C'est leur place.
Nous savons que, sauf en Ontario, en Colombie-Britannique et dans les trois territoires — le Nunavut, les Territoires du Nord- Ouest et le Yukon —, ces machines sont accessibles dans la vie de tous les jours, par exemple dans les restaurants et les bars, où on peut se rendre facilement et les voir constamment. J'ai la certitude que, dans moins de dix ans, ces machines se retrouveront dans les pharmacies, chez les dépanneurs, dans les toilettes publiques, à peu près partout. Est-ce ce que nous souhaitons?
Il semblerait que l'opinion publique canadienne soit violemment contre. Je dois dire aux honorables sénateurs que notre collègue a fait une quantité de recherches renversantes, et je tiens à les féliciter, lui et son personnel. Lorsqu'ils m'ont demandé si je voulais intervenir, ils m'ont remis un volume étonnant de documentation. Il a fallu trois chargements de camionnette pour la transporter chez moi. Je l'ai lue et je perds sans cesse des documents. À dire vrai, il a fallu en faire renvoyer d'une partie de l'Inde, où je me suis rendu en juillet et où je les avais apportés. Voilà où nous en sommes.
[Français]
Environ 70 p. 100 de la population canadienne pense que les loteries vidéo ne devraient être accessibles que dans les casinos et les hippodromes.
[Traduction]
C'est une statistique très importante.
De plus, en ce qui concerne l'opinion publique, 64 p. 100 de la population croit que ce type de divertissement n'est pas sans danger et n'est même pas un divertissement, et, selon 64 p. 100 de la population, il est évident que ce type d'activité entraîne de la criminalité.
Honorables sénateurs, comme notre collègue nous l'a si bien fait remarquer, nous ne pouvons fermer les yeux sur les dangers qu'une utilisation très répandue de ces terminaux fait peser sur la santé et le bien-être des Canadiens.
[Français]
Veuillez considérer les chiffres suivants. Les sommes d'argent perdues par habitant par province: au Québec, 147 $, au Nouveau- Brunswick, 174 $, en Nouvelle-Écosse, 179 $, à l'Île-du-Prince- Édouard, 124 $, à Terre-Neuve-et-Labrador, 200 $, en Alberta, 287 $, en Saskatchewan, 254 $ et au Manitoba, 220 $. Vous pouvez vous imaginer ce que cela veut dire.
[Traduction]
Ces chiffres montrent que familles, parents, enfants et particuliers, sans compter notre productivité nationale en général, sont gravement touchés par les retombées économiques découlant de l'installation d'appareils de loterie vidéo dans des endroits faciles d'accès et bien en vue.
Aussi inquiétant que soit ce qui précède, il reste que l'installation d'un nombre démesuré d'appareils fait augmenter le nombre d'accros ou de joueurs à problèmes. Permettez-moi de citer certains des experts que le sénateur Lapointe a consultés au sujet de ce problème affectant notre santé et notre bien-être et, fait plus important encore, la santé et le bien-être de tous ceux et celles qui sont atteints de cette maladie.
D'abord, d'après l'Association canadienne de santé publique, il ressort de travaux de recherche que les conjoints de joueurs à problèmes présentent une incidence plus élevée de tentatives de suicide, de dépressions nerveuses et d'abus de substances intoxicantes, tandis que les enfants de joueurs à problèmes ont des troubles de comportement ou d'adaptation liés à l'école, à l'abus de drogue ou d'alcool, aux fugues ou aux arrestations.
D'après l'Alberta Alcohol and Drug Abuse Commission, les sommes dépensées pour jouer à la loterie vidéo ont augmenté de façon exponentielle depuis leur avènement au Canada. Il ressort d'une étude sur les problèmes liés aux appareils de loterie vidéo — les clients joueurs — que, même si presque tous les clients utilisant des appareils de loterie vidéo qui ont participé à l'étude avaient déjà joué à un moment donné de leur vie, la plupart d'entre eux ont dit n'avoir jamais eu de problèmes avant de commencer à utiliser les appareils de loterie vidéo.
M. Smith et ses collègues estiment que le type de jeu rapide et continu qu'offrent les appareils de loterie vidéo et les machines à sous est le plus couramment lié au jeu compulsif. Par extension, les crimes couramment liés au jeu compulsif, tels que la fraude, la violence familiale, le vol et le suicide, ont un rapport avec le type de jeu qui a le facteur d'accoutumance le plus élevé.
J'aurais encore des tas de statistiques à fournir aux honorables sénateurs, mais je me contenterai de citer un des chercheurs basés en Ontario, où l'on ne trouve, évidemment, aucun de ces appareils. Mme Rose van Es, directrice de l'Iona College Gambling Institute, de Windsor (Ontario), a dit que, comme avec n'importe quelle substance ou n'importe quel comportement créant une dépendance, l'accessibilité est un facteur important et que, si les appareils de loterie vidéo sont accessibles dans le bar le plus proche, leur proximité géographique peut intensifier la menace qu'ils présentent à l'égard d'une utilisation raisonnable et responsable.
Une autre bonne raison de bannir les appareils de loterie vidéo des bars concerne l'autoexclusion. L'idée de permettre aux joueurs compulsifs d'informer ceux qui réglementent les maisons de jeu de leur autoexclusion est valable. Cependant, lorsqu'il est question des appareils de loterie vidéo dans les bars, il n'y aurait probablement personne pour voir à ce que ces contrats d'autoexclusion soient respectés.
(1700)
Je pourrais continuer encore longtemps, honorables sénateurs, à donner des statistiques et des citations prouvant ce que le sénateur Lapointe a essayé de montrer dans ses remarques.
Les honorables sénateurs se demandent peut-être ce que font les provinces pour aider les Canadiens qui souffrent de ce problème. J'ai les statistiques. Je vais d'abord vous dire ce que ces appareils de loterie vidéo rapportent aux provinces. Au Québec, les recettes sont de 692 millions de dollars. Au Nouveau-Brunswick, elles sont de 55 millions. En Nouvelle-Écosse, 112 millions. À l'Île-du-Prince- Édouard, 8 millions. À Terre-Neuve-et-Labrador, 67 millions. En Alberta, 525 millions. Au Manitoba, 137 millions. En Saskatchewan, 157 millions.
Je me suis demandé ce que les provinces faisaient avec tout cet argent. Elles dépensent seulement des miettes pour atténuer le problème. Si ma mémoire m'est fidèle, toutes les provinces dépensent ensemble 28 p. 100 des recettes totales, après avoir empoché des centaines de millions de dollars, pour aider ceux qui ont développé une dépendance à l'égard du jeu.
Honorables sénateurs, c'est un problème grave que nous devons étudier attentivement afin de contribuer à améliorer la santé et le bien-être de l'ensemble des Canadiens et tout particulièrement des jeunes.
Il faut comprendre que ce projet de loi ne prévoit pas d'interdiction absolue; il vise simplement à limiter l'accès à un phénomène qui a déjà détruit les vies de nombreux Canadiens. Il n'y a pas que les gens qui ont une dépendance qui souffrent de cette dépendance. Leur famille en souffre aussi; je pourrais vous raconter des histoires à ce sujet. Leur entourage en souffre. En fin de compte, c'est toute la société qui est perdante. Il faut mettre les coûts de ces pertes dans la balance quand on considère les recettes qui proviennent des appareils de loterie vidéo. Nous devons assumer notre part de responsabilité à cet égard. Il ne faudrait pas sacrifier nos concitoyens sous prétexte qu'ils sont une source de revenu facile pour le gouvernement.
En conclusion, je voudrais remercier le sénateur Lapointe d'avoir étudié et soulevé cette question et d'en être arrivé à la conclusion que c'est un important problème social qu'il nous faut régler.
(Sur la motion du sénateur Stratton, le débat est ajourné.)
LE CODE CRIMINEL
PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Serge Joyal propose: Que le projet de loi C-250, Loi modifiant le Code criminel (propagande haineuse), soit lu une deuxième fois.—(L'honorable sénateur Joyal, c.p.).
— Honorables sénateurs, ce projet de loi qui vient de l'autre endroit est le fruit des efforts acharnés déployés par le député de Burnaby—Douglas. C'est un projet de loi très important et sérieux, car il vise à modifier le Code criminel du Canada. C'est aussi une mesure législative importante parce qu'elle vise le Sénat dans un de ses rôles fondamentaux aux termes de la Constitution, la protection des droits des minorités.
Le Sénat du Canada est une des institutions publiques clés de notre pays qui défend les droits des minorités et en fait la promotion. Lord Sankey, du Comité judiciaire du Conseil privé, a déclaré en 1932, au moment de la célèbre affaire du Règlement sur l'aéronautique:
... Il est important de ne pas perdre de vue que le maintien des droits des minorités était l'une des conditions auxquelles ces minorités ont consenti à entrer dans la fédération et qu'il constituait la base sur laquelle toute la structure allait par la suite être érigée.
Je le répète, le Sénat a été créé précisément pour protéger les droits des minorités au Canada. La Chambre des communes existe pour protéger les droits de la majorité; il nous revient, au Sénat, de défendre les minorités. Comme je suis un des 24 sénateurs divisionnaires du Québec, j'ai le devoir de défendre les droits des groupes minoritaires que j'ai été chargé de représenter dans cette enceinte et je dois promouvoir leurs idées dans le cadre du processus législatif. Voilà essentiellement le devoir qui nous incombe.
Le bilan du Sénat en matière de défense des droits de la personne est digne de mention. Le professeur Franks de l'Université Queen's a contribué au livre que le sénateur Murray et moi-même avons rédigé et lancé en mai dernier; vous avez d'ailleurs été nombreux à honorer l'occasion de votre présence. Le professeur Franks a beaucoup écrit au sujet de l'effort spécial que les sénateurs ont consenti au début des années 1990 pour faire avancer la cause des droits de la personne. Le professeur affirme, à la page 189 du livre intitulé Protéger la démocratie canadienne — Le Sénat en vérité...:
Les dispositions juridiques relatives à la discrimintaion fondée sur l'orientation sexuelle n'ont vu le jour qu'au terme de six années d'efforts constants du Sénat. Après le jugement de la Cour d'appel de l'Ontario dans l'affaire Haig et Birch, où la cour affirmait que l'orientation sexuelle devait être inscrite dans la Loi canadaienne sur les droits de la personne, le sénateur Kinsella, un conservateur en désaccord avec son propre gouvernement, pour qui cette mesure n'était pas nécessaire, déposa au Sénat le projet de loi S-15, dont l'intention était d'inscrire l'orientation sexuelle dans la Loi comme motif de discrimination.
Certains de nos collègues ont participé au débat en 1992. Ce projet de loi a été adopté ici, mais il est mort au Feuilleton à cause de la prorogation des Chambres en 1992-1993.
Le sénateur Kinsella a présenté le projet de loi à nouveau lors de la législature suivante, en 1995, sous le numéro S-2; celui-ci a alors été adopté au Sénat et renvoyé à la Chambre des communes. À l'autre endroit, cette mesure législative a incité le ministre de la Justice à présenter un autre projet de loi ayant le même objectif, pour donner plus de poids à la protection recherchée par le sénateur Kinsella.
Voici ce qu'a déclaré le sénateur Kinsella en 1992, comme on peut le lire dans les Débats du Sénat:
Notre institution joue non seulement un rôle important de frein sur l'exercice du pouvoir de l'État, mais elle peut jouer un rôle très spécial dans la protection de certaines régions du Canada ou de certains groupes de Canadiens qui ne pourront jamais par eux-mêmes consituter une majorité. Ce rôle de protection de la minorité est particulièrement important quand la majorité pourrait considérer une minorité donnée de Canadiens comme un groupe méprisable.
(1710)
Nous avons discuté plus tôt cet après-midi des questions concernant les Autochtones. Je rappelle ici la position exprimée par le sénateur Kinsella. Les peuples autochtones du Canada ne constitueront jamais la majorité. Les homosexuels ne constitueront jamais la majorité. Il y a également d'autres groupes qui ne constitueront jamais la majorité. Néanmoins, c'est le rôle du Sénat de faire valoir les droits de ces minorités. À l'époque, en 1992, les observations du sénateur Kinsella sur le rôle des sénateurs étaient entièrement justes, mais c'était il y a plus de 11 ans.
Honorables sénateurs, il est important de garder en mémoire ce qu'est le rôle du Sénat lors de l'étude du projet de loi C-250 parce qu'il porte essentiellement sur les populations homosexuelles et sur leur situation dans la société canadienne. Ce n'est pas une question facile parce qu'elle peut aisément être tournée en dérision. Il est facile d'en rire parce que les médias, la télévision, les films, la littérature, se plaisent toujours à présenter des stéréotypes de cette minorité par des caricatures peu flatteuses. Pourquoi? Parce qu'il est facile de simplement mettre de côté les questions concernant une minorité quand on peut s'en moquer. Si ces minorités sont risibles, il n'est plus nécessaire de les prendre au sérieux et si nous n'avons pas à les prendre au sérieux, nous n'avons pas non plus à nous pencher sur leurs préoccupations. C'est essentiellement la réaction habituelle du public dans bien des cas lorsqu'il s'agit de la situation des homosexuels.
Le projet de loi C-250 modifie le paragraphe 318(4) du Code criminel. L'article 318 du Code criminel figure sous la rubrique «Propagande haineuse». Il vise à réprimer toute propagande haineuse contre des groupes identifiables au Canada. Pourquoi cet article est-il inscrit dans le Code criminel?
Lors de mes recherches sur la question, j'ai découvert que, en 1965, le ministre de la Justice avait chargé un groupe d'universitaires canadiens de se pencher sur un phénomène qui prévalait, en l'occurrence la propagande haineuse à l'égard des Noirs et des juifs. À l'époque, on assistait à une multiplication des groupes faisant la promotion de la haine contre les Noirs et les juifs. Le rapport que j'ai en main a été préparé sous la direction de M. Maxwell Cohen, alors doyen de la Faculté de droit de l'Université McGill. M. Cohen est un expert qui a souvent témoigné devant les comités de la justice des deux Chambres au sujet des questions relatives aux droits de la personne.
Notre collègue, le sénateur Prud'homme, s'en rappelle sans doute. Mes souvenirs de M. Cohen remontent à l'époque où je coprésidais le Comité mixte sur la Constitution. L'actuel greffier du Sénat était greffier du comité et, au nom du Sénat, nous avions demandé à M. Cohen de comparaître à titre de témoin expert en matière de droits de la personne, tels qu'énoncés dans la charte.
Outre M. Cohen, le groupe comptait sept intellectuels, dont l'ex- juge Peter Corey de la Cour suprême, M. Mark MacGuigan, ex- secrétaire d'État aux Affaires extérieures, et un juge de la Cour fédérale du Canada, qui est malheureusement décédé aujourd'hui; le dernier sur la liste était, devinez qui? Pierre Elliott Trudeau. J'ai été étonné de trouver le nom de M. Trudeau dans ce rapport de 1965.
Que disait ce rapport au sujet de la haine dans la société canadienne? Permettez-moi d'en citer un extrait, car je crois qu'il est important de garder la chose à l'esprit dans le contexte de l'étude du projet de loi C-250. Le rapport dit ceci: «Les Canadiens, membres de groupes identifiables au Canada, ont le droit de jouir des libertés et les privilèges des Citoyens canadiens, protégés contre toute propagande de haine odieuse et méthodique. Dans une société démocratique, la liberté de parole n'implique pas le droit de diffamation.»
C'était la principale conclusion de ce rapport, qui fut à l'origine de l'adoption de l'article 318 du Code criminel en 1970, cinq ans après la parution du rapport. On se souviendra que le premier ministre était alors le très honorable Pierre Elliott Trudeau. Sous sa direction, le Code criminel a été modifié de façon à interdire la propagande haineuse.
Honorables sénateurs, vous vous souviendrez que M. Trudeau, lorsqu'il était ministre de la Justice et procureur général du Canada, est devenu célèbre dans l'opinion publique canadienne en 1967 lorsqu'il préconisait une modification au Code criminel. Il s'agit de l'actuel article 159, qui a été rédigé en 1967 lorsque M. Trudeau était ministre de la Justice. Nous nous souvenons tous de la phrase célèbre qu'il avait prononcée et qui fait maintenant partie de notre histoire politique: «L'État n'a rien à faire dans la chambre à coucher des gens.»
En tant qu'intellectuel, ministre et premier ministre, M. Trudeau tenait beaucoup à s'assurer que les Canadiens ne soient pas victimisés à cause de leurs caractéristiques innées et que le Canada prenne des mesures pour prévenir la victimisation.
C'était la raison d'être des articles 318 et 319 de notre Code criminel. Ces articles créent trois infractions très précises. Je ne vais pas les citer textuellement, je préfère en donner une version en langage simple. La première infraction concerne la promotion du génocide. Je pense que tout le monde le comprendra. La seconde infraction est l'incitation à la haine contre tout groupe identifiable, et la troisième infraction concerne la promotion délibérée de la haine contre tout groupe identifiable.
Qui sont les groupes définis à l'article 318? Il y a quatre groupes qui sont définis selon leur couleur, leur race, leur religion ou leur origine ethnique. Autrement dit, le Code criminel a clairement établi que la propagande haineuse consistait essentiellement à causer des torts physiques à une personne. On ne la définit pas comme étant le fait de promouvoir la haine en général, mais plutôt le fait de promouvoir la haine dans le but de causer un tort physique à une personne ou de tuer une personne, ce qui comprend le meurtre de tout un groupe de personnes. C'est ce qu'on appelle un génocide. Le génocide comprend l'idée de meurtre et celle de torts physiques.
Autrement dit, si une personne déteste les Noirs et qu'elle décide de réunir un groupe de personnes un samedi soir et de les inciter à descendre dans la rue et à attaquer tous les Noirs qu'ils rencontrent et peut-être même de les tuer, il s'agit là de promotion du génocide. C'est essentiellement ce que l'article 318 interdit. L'article 318 protège également certains groupes identifiables comme les juifs et les Autochtones.
C'est un article très important du Code criminel parce que la haine est un sentiment qui mène à la dévaluation. Lorsqu'on fait la promotion de la haine envers des personnes, on refuse de leur accorder une certaine valeur à titre d'êtres humains et on les prive du respect et de la dignité dont ils devraient jouir dans la société. En 1970, on a jugé qu'il était essentiel pour le bien-être des Canadiens que l'on instaure un niveau de respect minimal entre les individus.
Quel est l'objet de ce projet de loi? Il ne modifie en rien les trois infractions que je viens de décrire à l'égard des articles 318 et 319. Le projet de loi C-250 ajoute l'orientation sexuelle aux critères définissant un «groupe identifiable». Autrement dit, et je vais le dire en français parce que l'expression argotique française est très colorée et que mes collègues qui comprennent bien le français la comprendront facilement:
[Français]
Un groupe de personnes, incité par un de leurs pairs, décide un vendredi soir d'aller casser de la tapette.
[Traduction]
Les sénateurs se rappelleront que c'est exactement là le terme qu'employaient les tenants de la suprématie blanche. Même M. Trudeau a été accusé d'être une «tapette». En 1970, lorsqu'on a présenté le manifeste du FLQ à la télévision nationale, si ma mémoire est bonne, on y décrivait M. Trudeau de la façon suivante:
[Français]
Et nous allons éliminer Trudeau la tapette et toute sa gang.
[Traduction]
Autrement dit, ils ont tenté de diffamer M. Trudeau en se fondant sur des allégations concernant son orientation sexuelle.
(1720)
En 1970, pour retourner dans le temps, accuser quelqu'un de «tapette» était la meilleure façon de miner entièrement sa crédibilité et son leadership. Comme je l'ai dit plus tôt, on pouvait écarter quelqu'un de la société et le piétiner, et personne ne s'en souciait.
La haine des gais et des lesbiennes a des conséquences profondes et dévastatrices: nous savons tous ce que font les enfants dans les cours d'école et les terrains de jeux lorsqu'ils veulent s'en prendre à un membre de leur groupe. L'arme la plus efficace consiste à le traiter de «tapette». Cela anéantit immédiatement la capacité de ce jeune de faire partie du groupe, d'être considéré comme un membre égal de la société.
Ce projet de loi est important parce qu'il ajoute aux groupes identifiables ceux qui peuvent être identifiés en fonction de leur orientation sexuelle.
Qu'avons-nous fait pour protéger les Canadiens en fonction de leur orientation sexuelle? Le sénateur Kinsella a pris deux initiatives précises et a proposé, des projets de loi d'initiative privée. Il s'est même opposé à son propre gouvernement à ce moment-là pour tenter de faire en sorte que notre Loi sur les droits de la personne protège l'orientation sexuelle. En 1996, la Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée pour englober l'orientation sexuelle comme motif de non-discrimination protégé dans la loi.
Qu'a fait le gouvernement en 1995-1996? Il a modifié le Code criminel encore une fois, en 1996, pour insérer dans la partie XXIII les dispositions actuelles sur la détermination de la peine. L'article 718.2 du Code criminel traite de ce que nous appelons les circonstances aggravantes dans la définition de la peine. Lorsqu'une personne est condamnée après avoir été reconnue coupable, le juge tient compte d'un certain nombre de facteurs, dont la présence de circonstances aggravantes. L'article 718.2 prévoit que sont considérés comme des circonstances aggravantes des éléments de preuve établissant que l'infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l'origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l'âge, la déficience mentale ou physique ou l'orientation sexuelle.
Autrement dit, dans la détermination de la peine à infliger à un contrevenant reconnu coupable, nos tribunaux doivent se demander s'il a été prouvé que l'orientation sexuelle avait motivé l'infraction. Cette disposition existe déjà dans le Code criminel à la suite de la modification apportée en 1995 dont j'ai parlé plus tôt.
Essaie-t-on de créer un problème plus grand que celui qui existe, ou y a-t-il vraiment un problème que nous devons régler en tant que parlementaires? J'aimerais citer des chiffres du ministère de la Justice en réponse à cette question. Les chiffres sur les crimes haineux que je vais citer sont tirés des registres de la police pour 1997, ce sont les chiffres nationaux les plus récents dont nous disposons.
Cette année-là, 279 crimes haineux motivés par la race ont été déclarés. L'orientation sexuelle arrive en deuxième place avec 108 crimes haineux commis contre des gens pour la simple raison qu'ils étaient homosexuels. Cette même année, il y a eu 91 crimes haineux commis pour des motifs religieux, 21 en raison de l'origine nationale et 53 en raison de l'origine ethnique. Mes collègues aimeront sans doute savoir qu'il y a eu 58 crimes motivés par le sexe. On trouve ensuite les crimes motivés par les handicaps, la langue, et ainsi de suite. Autrement dit, 18,4 p. 100 des crimes motivés par la haine avaient l'orientation sexuelle comme déclencheur.
Pour la région de Vancouver, des chiffres récents fournis par le chef de la police de Vancouver indiquent que 60 p. 100 des cambriolages et des voies de fait commis contre des groupes identifiables dans la région de Vancouver sont motivés par l'orientation sexuelle. Honorables sénateurs, c'est surprenant et troublant, surtout étant donné la réputation qu'a Vancouver d'être une ville ouverte et accueillante qui semble bien intégrer un grand pan de la diversité canadienne. C'est pourtant la ville où on trouve le pourcentage le plus élevé de ce genre d'attaques violentes motivées par l'orientation sexuelle.
Le sénateur Oliver: Qu'en est-il dans les villes comme Toronto et Montréal?
Le sénateur Joyal: J'ai d'autres chiffres que j'aimerais vous donner. À Toronto, selon le rapport qui me vient de la police de la ville, il y a eu 211 crimes haineux contre des homosexuels ou des lesbiennes au cours des 10 dernières années. Honorables sénateurs, ce genre de crime est répandu; le problème ne se limite pas à Vancouver. On le retrouve aussi ici à Ottawa. Il existe partout. Ce n'est pas un phénomène local; il existe dans tout le Canada.
Il est important de nous assurer que notre Code criminel est conforme à la Loi canadienne sur les droits de la personne, telle que modifiée à l'initiative du sénateur Kinsella, et cohérent. Les dispositions du Code concernant les peines, comme je l'ai dit, incluent l'orientation sexuelle au nombre des caractéristiques identifiables, comme le fait notre Constitution, depuis l'affaire Egan jugée en 1995. L'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui garantit le droit à l'égalité, a été interprété par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Egan c. Canada comme incluant l'orientation sexuelle en tant que motif analogue sur lequel fonder une plainte de discrimination.
Autrement dit, nos deux plus importantes mesures fédérales sur les droits de la personne, soit la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte des droits et libertés, ainsi que l'important article du Code criminel sur l'imposition des peines reconnaissent l'orientation sexuelle comme une caractéristique identifiable. Ce projet de loi ne fait qu'aligner le paragraphe 318(4) du Code criminel sur ces mesures en ajoutant l'orientation sexuelle dans la définition des groupes identifiables.
Ce projet de loi comporte aussi un autre élément important, il protège les textes religieux. Il a été signalé lors du débat à l'autre endroit que certains textes religieux pourraient être menacés parce qu'ils réprouvent l'homosexualité. D'aucuns s'inquiétaient du fait que la Bible et d'autres textes religieux renfermant de tels passages pourraient être touchés par ce projet de loi.
À l'autre endroit, on a proposé une motion d'amendement en vue d'inclure la protection des opinions religieuses fondées sur un texte religieux à l'alinéa 319(3)b).
Autrement dit, bien que l'expression religieuse soit déjà protégée aux termes du Code criminel, le projet de loi C-250 ajoute une autre protection. Ce projet de loi modifierait le Code criminel afin de protéger une personne qui, de bonne foi, exprime une opinion fondée sur un texte religieux. Peu importe ce qu'un texte religieux peut renfermer relativement aux relations sexuelles entre deux personnes de même sexe, et à l'interprétation qu'on en fera, le projet de loi C-250 offre une protection à cet égard.
Honorables sénateurs, je trouve ce projet de loi très important. Comme je l'ai dit plus tôt, le projet de loi C-250 ne fait qu'aligner notre Code criminel sur notre Loi sur les droits de la personne et il resserre la définition des groupes identifiables dans les articles relatifs à l'imposition des peines et à la propagande haineuse, de manière à fournir une approche rationnelle en matière d'interdiction de la discrimination basée sur l'orientation sexuelle.
(1730)
Vous pourriez me demander qui appuie cette initiative? Qui appuie le projet de loi C-250?
Je voudrais citer un article publié après la rencontre fédérale- provinciale annuelle des ministres de la Justice en novembre 2001. Il y est question de Mme McLellan, qui était alors ministre. Voici ce que mentionne l'article:
Mme McLellan a rencontré hier les ministres de la Justice des provinces. Elle a dit qu'ils ont accepté à l'unanimité de concrétiser une promesse préalable visant à désigner les attaques verbales fondées sur l'orientation sexuelle comme de la propagande haineuse.
En novembre 2001, les procureurs généraux des dix provinces et le procureur général du Canada se sont entendus pour reconnaître que la propagande haineuse fondée sur l'orientation sexuelle devait être incluse dans l'article 318 du Code criminel.
Ce n'est pas tout. En août dernier, l'Association canadienne des chefs de police a adopté la résolution suivante:
Il est résolu que l'ACCP exhorte le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministre de la Justice et du procureur général, à modifier le Code criminel du Canada de manière à ajouter l'orientation sexuelle dans la définition des personnes faisant partie d'un «groupe identifiable» défini au paragraphe 318(4) du Code criminel.
Autrement dit, l'Association canadienne des chefs de police, qui représente ceux qui ont la responsabilité d'appliquer les dispositions du Code criminel, a reconnu la réalité statistique, problème que posent les crimes haineux perpétrés à l'endroit des gais et des lesbiennes.
Ce n'est pas tout. L'Association du Barreau canadien, dans une lettre datant de mai 2003 adressée à l'honorable Andy Scott, alors président du Comité de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, a demandé que le projet de loi C-250 soit adopté le plus tôt possible, comme elle l'avait déjà demandé à maintes occasions.
Honorables sénateurs, il y a consensus dans les milieux policiers, juridiques et gouvernementaux de partout au Canada, un consensus selon lequel l'orientation sexuelle devrait être incluse dans les motifs de discrimination visés dans les dispositions du Code criminel portant sur la propogande haineuse.
J'espère que nous pourrons renvoyer ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin que ses membres puissent en faire un examen beaucoup plus approfondi. J'ai essayé de présenter la question clairement, sans m'attarder à toutes les subtilités du Code criminel; comme les honorables sénateurs le savent, il faut se munir d'une loupe quand on commence à lire le Code criminel, car les deux tiers du texte sont en caractères dignes de ceux qu'on trouve dans les polices d'assurance.
Il est important de se rappeler que la haine naît de l'ignorance. Comme l'a dit Parisa Baharian: «Dans notre société, la propagation de la haine part du fait qu'on ne fait rien pour y mettre un terme.»
En tant que sénateurs et en tant que Chambre du Parlement canadien, nous pouvons faire un travail utile pour les Canadiens et pour les minorités. Pensez aux minorités, à ceux qui ne seront jamais la majorité, à ceux qui n'arriveront jamais à se faire élire en nombre suffisant pour exprimer leurs opinions et les faire accepter. Ils comptent sur la majorité, comme les francophones comptent sur la majorité anglophone et comme les Autochtones comptent sur nous pour les écouter.
Ce n'est pas une question facile. Je suis le premier à le reconnaître. En notre âme et conscience, nous devons agir de façon juste dans ce dossier. Nous devons agir de façon équilibrée, mais nous devons agir parce que c'est un problème qui a besoin d'être réglé. La façon dont il est traité dans le projet de loi C-250, avec l'appui du ministre actuel de la Justice, est digne de notre appui.
L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, j'ai quelques questions. Je vais les poser une à la fois.
Je remercie le sénateur Joyal de ses remarques. Selon lui, c'est un fait connu que le ministre de la Justice a appuyé ce projet de loi. En fait, c'est grâce à l'appui du ministre de la Justice que cette mesure a pu franchir toutes les étapes à la Chambre des communes.
Il y a un principe bien établi qui veut que les ministres ne se mêlent pas des initiatives parlementaires. S'il y a un projet de loi d'initiative parlementaire que le ministre de la Justice juge assez valable pour pouvoir l'appuyer ou qui devrait être adopté, le ministre devrait le présenter au Parlement sous forme de mesure d'initiative ministérielle.
Dans la mesure où ce projet de loi a été appuyé plus ou moins furtivement par le ministre de la Justice, quel impact cela a-t-il sur cette mesure? Est-ce encore un projet de loi d'initiative parlementaire ou est-ce un projet de loi d'initiative ministérielle ou un nouveau projet de loi hybride?
Le sénateur Joyal: Honorables sénateurs, ce projet de loi vient de la Chambre des communes et nous devons l'examiner de la même façon que nous examinons n'importe quel autre projet de loi venant de la Chambre des communes. Comme je l'ai mentionné, ce projet de loi est le fruit d'une initiative lancée il y a 15 ans par le député de Burnaby—Douglas pour inscrire cette modification dans le Code criminel.
Il ne fait pas de doute que le ministre de la Justice appuie le projet de loi. Comme je l'ai dit, très tôt le printemps dernier, il y avait consensus entre la police et les procureurs généraux des provinces pour demander cette modification de l'article 318 du Code criminel.
Comme il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire, l'honorable sénateur sait que, normalement, la procédure de l'autre endroit veut que chaque député soit libre de voter comme il l'entend. Le ministre de la Justice a fait savoir qu'il appuierait ce projet de loi parce qu'il correspond essentiellement au consensus reconnu par l'ancienne ministre de la Justice, Anne McLellan.
Je ne crois pas qu'on puisse dire qu'il s'agit d'un projet de loi hybride. C'est un projet de loi d'initiative parlementaire qui nous arrive de l'autre endroit avec un solide appui des députés, et il se trouve que le ministre de la Justice a appuyé le projet de loi.
Le sénateur Cools: Honorables sénateurs, je connais l'historique. J'ai suivi le dossier avec un intérêt considérable. Je dis à l'honorable sénateur qu'au comité, nous pourrons peut-être nous pencher sur le fait qu'un ministre ne saurait appuyer un projet de loi à titre personnel. Dès qu'un ministre donne son appui, le gouvernement est en cause puisque, après tout, le principe veut que le Cabinet soit uni. Le Cabinet ne peut parler que d'une seule voix. Nous pourrons discuter de cela une autre fois.
Ma deuxième question concerne la modification du Code criminel dont nous sommes saisis. L'honorable sénateur a souvent parlé de propagande haineuse. L'expression se trouve dans le titre du projet de loi. La modification concerne l'article 318, celui qui porte sur la propagande haineuse.
Je ne pense pas avoir entendu le sénateur Joyal expliquer le mot «génocide». Peut-être pourrait-il donner des précisions.
Le sénateur Oliver: Il en a parlé.
Le sénateur Cools: Je n'ai pas entendu. Je lui demande des précisions. S'il ne veut pas le faire, je peux l'accepter.
L'article 318 du Code criminel est celui qui traite du crime de génocide et des peines dont il est passible.
Le projet de loi ne fait pas qu'ajouter l'expression «orientation sexuelle» dans la définition des groupes identifiables, définis par la couleur, la race, la religion et l'origine ethnique. Il crée en fait un nouveau crime de génocide contre les homosexuels. Qu'en pense l'honorable sénateur?
Je voudrais que l'honorable sénateur donne son opinion sur un autre point. Le terme «génocide» est apparu à l'époque des procès de Nuremberg.
(1740)
Les préoccupations que suscitent les notions de génocide et de protection contre le génocide sont attribuables aux mauvaises relations qu'entretiennent les gens sur la Terre. Étymologiquement, le mot «génocide» est dérivé du grec «genos», qui signifie race. Par exemple, en me regardant, vous voyez tout de suite que je suis de race noire. Je suis une Africaine et j'appartiens à la race, «genes», noire. Le suffixe «-cide» vient du latin «coedere» qui signifie tuer. Le génocide est donc la destruction d'un groupe de personnes appartenant à la même race.
J'essaie de comprendre sur quelles preuves M. Robinson, ou n'importe qui d'autre, s'est fondé pour affirmer que les homosexuels appartiennent à la même «genes». En d'autres mots, sur quelle preuve scientifique se fonde-t-on pour dire que les homosexuels sont une race?
Le sénateur Joyal: J'invite le sénateur Cools à lire la définition du mot «génocide» fournie dans les paragraphes 1 et 2 de l'article 318. Dans cet article, le mot «génocide» a une définition particulière. Il y est dit:
(2) Au présent article, «génocide» s'entend de l'un ou l'autre des actes suivants commis avec l'intention de détruire totalement ou partiellement un groupe identifiable, à savoir:
a) le fait de tuer des membres du groupe;
b) le fait de soumettre délibérément le groupe à des conditions de vie propres à entraîner sa destruction physique.
Il est clair que le Code criminel fournit une définition du «génocide» un peu différente de celle qu'en fournissent les conventions internationales. Voilà mon premier point.
En ce qui concerne la deuxième question de l'honorable sénateur au sujet du préfixe «gène» dans le mot «génocide», je souligne que les groupes identifiables mentionnés à l'actuel article 318 sont fondés sur la couleur, la race et la religion. Comme le sait l'honorable sénateur, il n'existe pas de couleur en religion. En soi, les groupes religieux identifiables ne comprennent pas le suffixe «gène» du fait même que la religion englobe toutes les personnes peu importe leur couleur. Selon moi, le mot «génocide», pris uniquement dans le contexte du préfixe «gène», n'est pas complètement en accord avec la définition traditionnelle de ce mot. Lorsque nous utilisons le mot «génocide», nous parlons habituellement d'un groupe culturel ou d'une nationalité bien défini, comme madame le sénateur l'a mentionné lorsqu'elle a parlé des procès de Nuremberg. Nous savions exactement de quoi l'on parlait lorsqu'il était question de génocide, tout comme ce fut le cas à l'occasion des procès au Kosovo et au Rwanda. À titre d'exemple, lorsque le terme «génocide» est utilisé dans un contexte politique, nous savons qu'il est question d'un groupe spécifique de personnes identifiables sur le plan culturel. Lorsqu'il est utilisé dans un contexte de religion, nous avons bien sûr un autre exemple de cas où le terme «génocide» recoupe une notion, mais celle-ci ne peut être tout à fait assimilée à la notion de génocide utilisée dans un contexte politique.
Le sénateur Cools: L'honorable sénateur n'a pas bien saisi, car ce n'est pas le terme «gène», mais bien le terme «gens» que j'ai utilisé. Il s'agit d'un vieux terme anthropologique.
Les articles portant sur le génocide ne s'appliquent pas à un cas où deux personnes se disputent et où l'une d'entre elles tue l'autre. Ayant été membre de la Commission des libérations conditionnelles, j'ai pris connaissance de nombreux cas. Ces articles s'appliquent à la propagande haineuse — à des attaques visant à détruire et à éliminer de façon très marquée des personnes définies comme telles et non des personnes ayant certaines inclinations sexuelles. Ces articles s'appliquent aux «personnes» dans le sens des termes «nationalité», «ethnicité» et «religion».
Ce n'est que depuis peu que la religion n'est pas liée à la race. Le terme «hébreu» correspondait à une race et à une religion et le terme «arabes» englobait des races et des religions. Selon moi, ce n'est pas un très bon exemple, car la majorité des religions se sont développées autour d'un comportement tribal, comme on pourrait le dire.
Honorables sénateurs, le terme «gens» a évolué au fil des siècles à partir de tribus, de clans ou de groupes de personnes qui sont généralement reliées par l'origine raciale ou ethnique. Je crains que les homosexuels ne soient maintenant redéfinis comme une nationalité ou un peuple.
Je sais que le sénateur Joyal connaît bien le droit, car il a passé beaucoup de temps à l'étudier. Je me demande pourquoi on rédige cela de cette façon. Les personnes homosexuelles sont bien des choses, mais elles ne sont pas un peuple.
Qu'est-ce qu'un peuple alors? Cela a été un grand débat au Canada. Les Québécois sont-ils un peuple? Je pourrais parler indéfiniment du concept de la société distincte. Quand peut-on parler d'un peuple? Je pourrais ensuite aller plus loin. Quand un peuple est-il un groupe identifiable? Ensuite, vous devrez me montrer les caractéristiques identifiables qui déterminent qu'il s'agit d'un groupe identifiable. Ce sont les caractéristiques d'un peuple. Nous rendons un bien mauvais service aux personnes homosexuelles en les définissant de façon aussi large.
Le sénateur Joyal pourrait-il préciser sa pensée là-dessus? Je comprends ses préoccupations, du fait de son grand amour pour le droit et la justice. Cependant, pourquoi procédons-nous de cette façon? Je suis sûre que le sénateur Joyal sait que les articles 22 et 810 du Code criminel offrent une grande protection en ce qui concerne le fait de conseiller quelqu'un ou de l'inciter à faire preuve de violence contre une autre personne. Lorsque nous déterminons dans la loi qu'un groupe en particulier, du fait de ses activités, de ses prédispositions et le reste, constitue un peuple, nous allons au-delà de la portée du Code criminel pour entrer dans le domaine de l'anthropologie.
Le sénateur Joyal: Le sénateur Cools soulève des arguments que nous pourrions certes examiner au comité. Nous pourrions entendre les témoignages d'experts là-dessus.
J'ai lu le Code criminel tel qu'il existe et ses définitions de «génocide» et «groupes identifiables». Bien entendu, l'article 718.2 du Code, sous les principes de la détermination de la peine, dit que l'orientation sexuelle qui motive la haine constitue une circonstance aggravante lorsqu'un juge doit imposer une peine à un individu. En d'autres termes, c'est un élément important à maintenir. La cohérence dans l'approche du Code a toujours été nécessaire pour respecter la logique du Code. Nous allons certes avoir l'occasion au comité d'entendre des témoignages d'experts sur la question. Nous allons pouvoir examiner en profondeur ce point avec les membres du comité et d'autres honorables sénateurs qui souhaitent assister à nos travaux.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'ai le regret de vous aviser que les 45 minutes à la disposition du sénateur Joyal sont écoulées.
Le sénateur Cools: Donnons-lui du temps.
Son Honneur le Président: Seul le sénateur Joyal pourrait demander du temps supplémentaire et tous les sénateurs doivent être d'accord. Il ne le fait pas.
L'honorable Noël A. Kinsella (leader adjoint de l'opposition): Je prends la parole afin de participer au débat, honorables sénateurs, et, ce faisant, je souhaite examiner un certain nombre de points fondamentaux, étant donné que le débat en deuxième lecture porte sur le principe du projet de loi.
Premièrement, j'estime que l'émergence et le développement du droit pénal correspond, à maints égards, au développement ou à l'histoire du passage de la barbarie qui a marqué ses premières années à un sens poussé des droits humains fondamentaux et de la justice sociale fondamentale et à leur affirmation.
(1750)
Honorables sénateurs, la Déclaration universelle des droits de l'homme, notre propre Charte canadienne des droits et libertés ainsi que la Déclaration canadienne des droits que nous a laissée John Diefenbaker témoignent des grands progrès accomplis partout au Canada pendant cette quête de liberté.
Ma deuxième réflexion découle de l'assertion de base selon laquelle des droits de la personne tels que le droit à la vie et à la sécurité de sa personne ne tirent pas leur origine uniquement de la promulgation d'instruments juridiques; ils résultent parfois de la mauvaise administration des systèmes de justice pénale à travers les âges et les sociétés. Cette considération s'applique directement, à mon avis, à l'affirmation du droit de toutes les personnes à l'égale protection du droit pénal.
Le projet de loi C-250 vise, comme l'a expliqué l'honorable sénateur Joyal, à modifier le Code criminel du Canada relativement à la propagande haineuse, afin que tous bénéficient d'une protection explicite contre quiconque encourage au génocide ou incite à la haine pour des motifs d'orientation sexuelle.
Le sénateur Joyal nous a expliqué les dispositions des articles 318 et 319 du Code criminel, qui concernent le fait de préconiser ou de fomenter le génocide, l'incitation à la haine contre un groupe identifiable, un élément fondamental du projet de loi, et la promotion volontaire de la haine contre un groupe identifiable.
Attardons-nous maintenant, honorables sénateurs, à la question du groupe identifiable. C'est ce sur quoi porte le projet de loi. Comme nous l'expliquait le sénateur Joyal, le Code criminel définit actuellement un groupe identifiable comme «toute section du public qui se différencie des autres par la couleur, la race, la religion ou l'origine ethnique».
Honorables sénateurs, notre tâche immédiate consiste à nous pencher sur ce qu'on appelle parfois l'application du principe dit euisdem generis. En adoptant le projet de loi C-250, nous appliquerions à juste titre ce principe à la liste des motifs de distinction qui figurent dans la définition actuelle de groupe identifiable.
En d'autres mots, notre tâche consiste aussi à ajouter un motif analogue à la liste des motifs d'identification interdits. Le Sénat du Canada, comme on l'a dit, a fait preuve de leadership à ce chapitre dans le passé.
Honorables sénateurs, on a attiré notre attention sur le travail du Sénat du Canada, qui a fait oeuvre pionnière en adoptant le projet de loi ajoutant l'orientation sexuelle à la liste des motifs de discrimination interdits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Je rappelle que les gouvernements canadiens successifs, de différentes allégeances politiques, ont tous débattu avec les membres de leur caucus de l'opportunité d'ajouter l'orientation sexuelle à la liste des motifs de discrimination interdits en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il n'est pas étonnant qu'il ait été difficile, que ce soit au sein d'un gouvernement libéral ou progressiste-conservateur, de parvenir à ce genre de consensus nécessaire à l'introduction d'une disposition semblable dans la loi.
La question a fait l'objet d'un débat long et animé, et c'est la raison pour laquelle je souligne ce que rappelait le sénateur Joyal, à savoir que le Sénat, une des deux assemblées de notre Parlement bicaméral, a fait du bon travail depuis 136 ans. Cette réussite nous impose une responsabilité spéciale concernant les questions touchant les groupes identifiables, pour reprendre l'expression utilisée dans le Code criminel.
Le Sénat a un brillant passé. Nous n'avons jamais omis de faire ce qu'il fallait pour bien protéger les groupes minoritaires identifiables par la couleur, la race, la religion ou l'orientation sexuelle.
Honorables sénateurs, bien entendu, il y a ceux qui s'opposent au projet de loi en raison d'une supposition irréfléchie selon laquelle on accorde des droits spéciaux à un groupe donné de notre société. Cette critique ne tient pas car ces détracteurs ne comprennent pas la distinction entre l'égalité formelle et l'égalité matérielle.
Par égalité formelle, on entend l'égalité de par la forme de la loi, ce qui présuppose que l'égalité est assurée si la loi, dans sa forme, traite tous les êtres de la même manière à moins qu'ils ne se trouvent dans une situation différente. Clairement, cette théorie présente plusieurs problèmes fondamentaux pour les groupes désavantagés. Elle ne tient pas compte de la réalité, à savoir que certains groupes de la société sont plus sujets à la haine et à la violence que d'autres. Elle définit l'égalité comme une question de similitude et de différence plutôt que, honorables sénateurs, comme une question de domination et de subordination. Elle rend les désavantages invisibles.
D'autre part, par égalité matérielle, on entend égalité dans la réalité de la situation de quelqu'un. Par conséquent, les dispositions du Code criminel relatives à la haine précisent explicitement que la haine exprimée contre un groupe racial ou religieux doit être explicitement proscrite. Pour qu'un groupe identifiable puisse jouir de l'égalité matérielle assurée par l'absence de victimisation en raison de l'orientation sexuelle, cette disposition explicite est nécessaire.
Honorables sénateurs, la triste réalité est qu'un tort énorme a été fait à la société canadienne par les fauteurs de haine motivée par l'orientation sexuelle. Malheureusement, nous lisons trop souvent le récit d'actes de violence et de discrimination commis dans de nombreuses régions de notre pays. Ce projet de loi protégerait ceux de nos concitoyens qui sont visés et instaurerait l'égalité matérielle là où elle n'existe pas actuellement.
En outre, j'ai dit que certains avaient tenté de s'opposer à ce projet de loi en utilisant l'argument fallacieux selon lequel son adoption pourrait avoir comme résultat la criminalisation de certains passages de la Bible. Une telle affirmation, à mon avis, n'a aucun fondement dans la loi et aucun appui théologique crédible. En fait, dans toutes les traditions religieuses que j'ai étudiées, la vertu d'amour l'emporte toujours sur le vice de haine.
Le débat sur le projet de loi à l'autre endroit a été l'occasion pour certains députés de l'Alliance d'avancer cette thèse sans fondement, que tous les Canadiens reconnaissent comme rien d'autre qu'un faux-fuyant.
L'objection n'est pas sérieuse. En réalité, le paragraphe 319(3) du Code criminel protège le droit à la liberté de parole. Le paragraphe 319(3) prévoit que nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue au paragraphe (2) s'il est établi que les déclarations communiquées étaient vraies ou s'il a, de bonne foi, exprimé une opinion sur un sujet religieux ou tenté d'en établir le bien-fondé par discussion.
Honorables sénateurs, il faut se rappeler que les quatre autres motifs demeurent. Cela veut-il dire qu'on peut invoquer comme argument valable un texte d'une tradition religieuse — que ce soit la Bible, le Coran ou un autre — comportant des observations sur l'origine raciale ou ethnique? Si tel était le cas, on se serait penché sur la question et nous en aurions eu vent depuis belle lurette.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, il est 18 heures.
Plaît-il aux honorables sénateurs de ne pas tenir compte de l'heure?
Des voix: D'accord.
(1800)
L'honorable Gerald J. Comeau: Loin de moi l'idée de vouloir faire abstraction de l'heure, mais le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans doit entendre de très importants témoins à 18 h 15. Comme ces témoins se sont déplacés du Nunavut jusqu'ici, je demande au Sénat de permettre au Comité sénatorial permanent des pêches et des océans de siéger en même temps que le Sénat.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs, pour que le Comité sénatorial permanent des pêches et océans siège à 18 h 15?
[Français]
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, je n'ai aucun problème à ce que le Comité des pêches et des océans puisse siéger, même si nous ne voyons pas l'horloge et que nous siégeons encore. Cependant, le Comité des banques a aussi des témoins qui sont venus de loin, et qui n'ont pas pu être entendus. Si on accorde cette permission au Comité des pêches, on devrait aussi l'accorder au Comité des banques. Je pense qu'on accommoderait beaucoup de gens, et on ne verrait pas l'horloge.
L'honorable Marcel Prud'homme: Honorables sénateurs, franchement, l'ancien ministre et membre du côté gouvernemental met, une fois de plus, un fardeau épouvantable sur les épaules de quelques-uns qui veulent simplement suivre le Règlement. Aujourd'hui, on a rompu avec une longue tradition. Je m'y oppose fortement. Nous avons tous des agendas. Le mercredi, on sait que vers 15 h 30, 15 h 40, le sénateur Robichaud se lève et dit: «Écoutez, encore quelques minutes.»
[Traduction]
C'est ainsi qu'on doit mener nos affaires. Nous nous attendons à cela et nous organisons notre programme en conséquence, prévoyant quelques minutes de plus ou de moins ici et là. Ce n'est peut-être pas très élégant de ma part de dire une telle chose, mais j'ai cru bon d'affirmer mes droits. Pourquoi tous les sénateurs devraient-ils s'exprimer sur ce projet de loi aujourd'hui alors qu'ils pourraient le faire jeudi, ou la semaine prochaine ou même dans deux semaines? Nous avons créé un nouveau précédent, et dans la plus pure tradition britannique, un précédent qui a été créé aujourd'hui nous sera remis sous le nez après la relâche de novembre. Nous l'avons déjà fait. Si nous voulons modifier le Règlement et les procédures établies, discutons-en. Je pourrais accepter cela et nous pourrions alors le faire.
Le sénateur Comeau nous met beaucoup de poids sur les épaules parce que ces personnes viennent de loin. Le comité du sénateur Kroft doit maintenant entendre des témoins qui viennent de Toronto et il attend toujours. Je suis le seul à ne pas avoir été informé. De plus, on n'a rien dit au sénateur qui doit remplacer un membre du comité.
Votre Honneur, je ne sais pas ce qu'il faut faire, mais je vois que le membre du Comité des banques est ici. Il est en consultation. Le nouveau membre est là-bas, ainsi que l'autre. Nous ne sommes peut- être pas très intelligents, mais nous ne sommes pas stupides. Nous nous rendons bien compte que nous sommes les seuls à ne pas avoir été consultés. Si vous voulez que l'orchestre ait du succès, assurez- vous que tous ses membres jouent au même diapason.
Personnellement, si les sénateurs veulent siéger, qu'ils le fassent; mais je refuse de le faire. La solution est aussi simple que réaffirmer le principe selon lequel ce n'est pas la façon de mener nos travaux, même si je suis le seul à le dire. On dira entre autres: «C'est à cause de Prud'homme. Faire revenir ces témoins coûte une fortune.» Nous pourrions le faire d'une manière ordonnée.
Nous avons eu une longue journée. Si les honorables sénateurs veulent faire abstraction de l'heure pour que nous puissions continuer de siéger et pour que les comités soient autorisés à siéger pendant que le Sénat siège, je ne sais pas combien il restera de sénateurs dans cette enceinte. Le quorum ne sera même pas atteint.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je ne sais pas exactement comment interpréter cette question. J'ai demandé aux sénateurs s'ils étaient d'accord pour que nous fassions abstraction de l'heure. Un accord est assorti de certaines conditions et, si je comprends bien, le sénateur Comeau donnerait son consentement si les sénateurs acceptent que son Comité des pêches siège. Le sénateur Robichaud a dit que le Comité des banques devrait être ajouté à la liste.
Sénateur Cools, avez-vous quelque chose à dire? Nous discutons de la question de savoir si l'autorisation sera accordée.
Le sénateur Cools: Il faut plus qu'une autorisation pour que des comités siègent. Il faut une motion. L'autorisation seule ne permet pas que les comités siègent. Les présidents de comité devraient présenter des motions autorisant les comités à siéger. J'aurais bien aimé entendre le sénateur Kinsella terminer ses observations, mais je pense qu'il pourra le faire demain. Tenons compte de l'heure, mais, d'abord, permettons aux comités de se réunir.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'en conclus donc que l'on ne m'autorise pas à ne pas tenir compte de l'heure. Je n'ai donc pas d'autre choix que de quitter le fauteuil.
Le sénateur Prud'homme: Votre Honneur, je désire intervenir. J'ai eu amplement le temps cet après-midi de faire valoir mon point de vue et j'étais prêt à accepter que vous ne teniez pas compte de l'heure, et c'est bien. Vous voulez poursuivre la séance, mais je ne serai pas là.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, ou bien nous avons le consentement, ou bien nous ne l'avons pas. Je crois comprendre que le consentement n'a pas été donné.
Le sénateur Kinsella: Honorables sénateurs, si cela peut aider, je suis disposé à proposer l'ajournement du débat portant sur la question dont je parlais et à épuiser demain le reste du temps qui m'est accordé.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, dans ce cas, est-on d'accord pour ne pas tenir compte de l'heure afin que le sénateur Kinsella puisse terminer de la façon dont il l'a proposé?
Je crois comprendre que le sénateur Roche n'est pas d'accord.
L'honorable Douglas Roche: Votre Honneur, hier soir, j'ai donné mon consentement devant le désir général de mettre fin à la séance sans que l'on ait entendu tous les orateurs inscrits. Aujourd'hui, nous avons entendu toutes les personnes inscrites. J'attends depuis deux jours l'occasion de faire une intervention relativement brève au sujet de la motion no 146. Je vais consentir à ce que l'on ne tienne pas compte de l'heure si je peux intervenir brièvement ce soir au sujet de la motion no 146.
Le sénateur Cools: Mais, Votre Honneur, nous sommes saisis d'une motion.
Son Honneur le Président: La situation se complique. Je vais donner suite à la suggestion du sénateur Roche, mais en premier lieu, je crois que je devrais céder la parole au sénateur Kinsella et lui donner l'occasion d'ajourner le débat. Je reviendrai ensuite sur la question de savoir si l'on devrait prolonger la période pendant laquelle on ne tient pas compte de l'heure pour donner suite à la question du sénateur Roche.
Honorables sénateurs, au moment où je reviendrai au sénateur Roche et que je dirai «Est-on d'accord pour disposer de cette question et ne pas tenir compte de l'heure à cette fin?», il se peut qu'il n'y ait pas consentement, et nous reviendrons à 20 heures. Quoi qu'il en soit, je vais maintenant céder la parole au sénateur Kinsella.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
LES TRAVAUX DU SÉNAT
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission a été demandée. Le sénateur Roche n'accorde pas au Sénat la permission de ne pas voir l'heure parce qu'il veut aborder la motion no 146. Y a- t-il consentement pour permettre au sénateur Roche de prononcer son discours et pour ne pas voir l'heure à cette fin? La permission est-elle accordée?
L'honorable Jean-Robert Gauthier: Honorables sénateurs, j'ai patienté pour pouvoir aborder la motion no 92, la dernière question inscrite à l'ordre du jour. Chaque fois que je me présente au Sénat pour prononcer mon maudit discours, je n'y arrive pas. De grâce, pourrions-nous enfin savoir où nous en sommes et qui va parler? Mettons fin à ces inepties au sujet des questions interminables.
Son Honneur le Président: Voici où les choses en sont: ou je quitte le fauteuil pour revenir à 20 heures ou nous décidons de ne pas voir l'heure. C'est aussi simple que ça.
Sénateur Cools, il est maintenant 18 h 10. J'aurais dû quitter le fauteuil il y a dix minutes. Si je veux respecter le Règlement, je dois au moins limiter le temps que nous consacrerons à régler cette question.
Honorables sénateurs, nous pouvons régler le problème de deux façons. Ou bien nous ne voyons pas l'heure, et il faudra le consentement unanime à cette fin, ou bien je quitte le fauteuil.
Plaît-il aux honorables sénateurs de ne pas voir l'heure?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: D'accord?
L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je signale que certains comités siègent, mais aussi que des sénateurs avaient déjà des projets pour la soirée. Nous ne nous attendions pas à siéger ce soir. Combien de temps siégerons-nous encore? Le leader adjoint du gouvernement peut-il nous en donner une idée? C'est tout ce que je veux savoir. C'est une question tout à fait légitime.
(1810)
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Le leader de l'opposition a raison de dire que nous n'en sommes pas aux affaires du gouvernement. Je sais qu'il y a deux points que nous devrions aborder, soit la motion du sénateur Gauthier et celle du sénateur Roche. Je ne sais cependant pas combien de temps cela prendra.
Son Honneur le Président: Voulez-vous intervenir au sujet des travaux du Sénat, sénateur Cools?
L'honorable Anne C. Cools: Oui, je crois que, en toute justice, on devrait permettre au sénateur Comeau et aux autres sénateurs de présenter leurs motions afin que leurs comités puissent siéger à 18 h 15. Le sénateur Roche pourrait parler ensuite, et tout le monde serait content.
Son Honneur le Président: Sénateur Comeau?
L'honorable Gerald J. Comeau: Je demande la permission de proposer la motion que notre comité soit autorisé à siéger à 18 h 15 même si le Sénat siège à ce moment-là.
Son Honneur le Président: Est-ce d'accord, honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
L'honorable Marcel Prud'homme: Je vais me taire. Je suis totalement contre cela, mais je n'en dirai pas plus long aujourd'hui. Je crois que j'ai fait valoir mon point tout l'après- midi. J'y reviendrai de façon beaucoup plus vigoureuse la prochaine fois. Je crois que j'en ai fait assez, et notre Président a eu une longue journée, alors je vais faire semblant de ne pas même entendre ce qui se passe actuellement.
Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que le sénateur Comeau présente sa motion?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: La permission est accordée.
Le sénateur Comeau: Je propose que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à siéger à 18 h 15 même si le Sénat siège à ce moment-là.
Son Honneur le Président: Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Souhaitez-vous présenter une motion, sénateur Kroft?
L'honorable Richard H. Kroft: Je propose que, nonobstant le Règlement du Sénat, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger immédiatement. Ses témoins attendent depuis 16 heures.
Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée honorables sénateurs?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Sénateur Prud'homme?
Le sénateur Prud'homme: Si vous répondez trop rapidement à ma place, il se pourrait que nous ne soyons pas du même avis. Ceux qui disent oui trop vite n'étaient pas présents durant le débat complet cet après-midi et je dénonce cela avec véhémence.
Je répéterai la même chose pour le sénateur Comeau. J'ai déjà dit ce que j'avais à dire. Je n'assisterai pas à la réunion du comité. Cependant, j'espère que la semaine prochaine nous n'aurons pas à refaire la même chose.
Avant d'autoriser le comité à siéger, je veux que le sénateur Robichaud nous promette que, si le sénateur Roche prend la parole — pendant 12 minutes dit-il et vous avez tous accepté — cela signifiera que tous les autres articles à l'ordre du jour seront reportés à demain.
Son Honneur le Président: Voilà une condition inhabituelle pour accorder un consentement. Je vais poser la question une seule fois et je ne veux pas de conditions, à moins que ce ne soit absolument nécessaire: Le sénateur Kroft a-t-il la permission de présenter sa motion afin que le comité siège ce soir?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: La permission est accordée.
Le sénateur Kroft: Je propose que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à siéger ce soir à 18 h 20.
Le sénateur Prud'homme: Je tiens à ce qu'on note que je suis entièrement en désaccord, mais je ne vais pas insister et m'opposer davantage à la réunion du comité du sénateur Kroft. Je précise cependant que je désapprouve la manière dont nous avons procédé cet après-midi. Je veux que ce soit inscrit et que ce soit dans les journaux demain.
Son Honneur le Président: Je ne peux rien promettre.
Plaît-il aux sénateurs d'adopter la motion?
Des voix: D'accord.
Son Honneur le Président: Adopté.
AFFAIRES ÉTRANGÈRES
MOTION DE RENVOI DE LA RÉSOLUTION DE L'ASSEMBLÉE PARLEMENTAIRE
DE L'ORGANISATION POUR LA SÉCURITÉ ET LA COOPÉRATION EN EUROPE PRÉSENTÉE
À
BERLIN EN 2002—REPORT DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion modifiée de l'honorable sénateur Grafstein, appuyée par l'honorable sénateur Joyal, c.p.:
Que la résolution suivante, qui renferme la résolution de l'OSCE (PA) mise de l'avant à Berlin en 2002, soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères pour étude et rapport avant le 30 juin 2003:
Attendu que le Canada est un pays fondateur de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et de l'accord d'Helsinki de 1975;
Attendu que tous les États membres de l'accord d'Helsinki ont affirmé leur respect du droit des individus qui appartiennent à une minorité nationale d'être égaux devant la loi et de bénéficier pleinement des droits humains et des libertés fondamentales et que les États membres reconnaissent que c'est là un élément essentiel de la paix, de la justice et du bien-être nécessaires pour assurer le développement de relations amicales et de la coopération entre les individus et les États membres;
Attendu que l'OSCE a condamné l'antisémitisme dans le Document de clôture Copenhague 1990 et a pris les mesures nécessaires pour protéger les individus de la violence antisémite;
Attendu que le Document de clôture Lisbonne 1996 de l'OSCE a réclamé la mise en oeuvre améliorée de tous les engagements humanitaires, en particulier ceux concernant les droits de la personne et les libertés fondamentales et a exhorté les États membres à combattre le grave problème de l'antisémitisme;
Attendu que dans la Charte de 1999 sur la sécurité européenne, le Canada et d'autres États membres se sont engagés à combattre les violations des droits de la personne et des libertés fondamentales, y compris la liberté de pensée, de conscience, de religion et de croyance, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme;
Attendu que le 8 juillet 2002, lors de son assemblée parlementaire tenue au Reichstag, à Berlin (Allemagne), l'OSCE a adopté à l'unanimité une résolution (ci-jointe) condamnant les actes antisémites commis actuellement sur le territoire de l'OSCE;
Attendu que la résolution de Berlin de 2002 a appelé tous les États membres à reconnaître publiquement la violence exercée à l'encontre des juifs et des propriétés culturelles juives comme étant de la violence antisémite, et à dénoncer avec vigueur ces actes de violence;
Attendu que la résolution de Berlin de 2002 a exhorté tous les États membres à combattre l'antisémitisme en demandant aux autorités locales et nationales d'appliquer sévèrement la loi;
Attendu que la résolution de Berlin de 2002 a appelé les États membres à réitérer l'importance de la lutte contre l'antisémitisme en explorant des moyens efficaces pour prévenir l'antisémitisme et en s'assurant que les lois, les règlements, les pratiques et les politiques sont conformes aux engagements de l'OSCE à l'égard de l'antisémitisme;
Attendu que la résolution de Berlin de 2002 a aussi encouragé les délégués de l'assemblée parlementaire à condamner avec force et sans condition les manifestations de violence antisémite dans leurs pays respectifs;
Attendu qu'une augmentation alarmante des incidents et de la violence antisémites a été observée au Canada, en Europe et ailleurs dans le monde.
Annexe
RÉSOLUTION SURLA VIOLENCE ANTISÉMITE DANS L'ESPACE DE L'OSCE
Berlin, 6 - 10 juillet 20021. Rappelant que l'OSCE, en élaborant le document de Copenhague de 1990, a figuré parmi les organisations qui ont réussi à obtenir de la communauté internationale qu'elle condamne publiquement l'antisémitisme;
2. Notant que tous les États participants, comme indiqué dans le Document de Copenhague, s'engagent à «condamner sans équivoque» l'antisémitisme et à prendre des mesures efficaces pour protéger les personnes de tout acte de violence antisémite;
3. Rappelant le Document de Lisbonne 1996, qui met en lumière «l'approche globale» de la sécurité adoptée par l'OSCE, appelle à «des progrès en matière d'exécution de tous les engagements intéressant la dimension humaine, eu égard en particulier aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales», et engage les États participants à s'attaquer aux «problèmes aigus», tels que l'antisémitisme;
4. Réaffirmant la Charte de sécurité européenne adoptée à Istanbul en 1999, qui engage les États participants à «contrer les menaces pour la sécurité que constituent les violations des droits de l'homme et des libertés fondamentales, y compris de la liberté de pensée, de conscience, de religion ou de conviction, et les manifestations d'intolérance, de nationalisme agressif, de racisme, de chauvinisme, de xénophobie et d'antisémitisme»;
5. Reconnaissant que le fléau de l'antisémitisme n'est pas propre à un quelconque pays, et invitant les États participants à faire preuve d'une persévérance inébranlable à cet égard;
L'Assemblée parlementaire de l'OSCE
6. Condamne sans équivoque l'inquiétante recrudescence de la violence antisémite dans tout l'espace de l'OSCE;
7. Se déclare vivement préoccupée par la récente recrudescence d'actes de violence antisémites, des personnes de religion juive et le patrimoine culturel juif ayant fait l'objet d'attaques dans de nombreux États participants de l'OSCE;
8. Demande instamment aux États qui s'engagent à restituer les biens confisqués à leurs propriétaires légitimes ou à défaut à les indemniser de veiller à ce que leurs programmes de restitution et d'indemnisation soient mis en oeuvre de façon non discriminatoire et conformément aux règles du droit;
9. Reconnaît les efforts louables déployés par de nombreux États post-communistes pour réparer les injustices commises par les précédents régimes en ce qui concerne le patrimoine religieux, étant entendu qu'il reste dans l'intérêt de la justice beaucoup à faire à cet égard, notamment pour ce qui est de la restitution des biens individuels et collectifs ou de l'indemnisation correspondante;
10.Consciente du danger que représente la violence antisémite pour la sécurité européenne, compte tenu en particulier de la tendance à une intensification de la violence et des attaques dans toute la région;
11.Déclare que les événements sur la scène internationale ou les questions politiques ne justifieront jamais la violence à l'égard des juifs ou toute autre manifestation d'intolérance, et que cette violence fait obstacle à la démocratie, au pluralisme et à la paix;
12.Demande instamment à tous les États de faire des déclarations publiques reconnaissant que la violence à l'égard des juifs et du patrimoine culturel juif constitue un acte d'antisémitisme, et de diffuser des déclarations publiques condamnant fermement les déprédations;
13.Invite les États participants à faire en sorte que les administrations locales et nationales appliquent la loi avec fermeté, notamment en enquêtant sur les actes criminels antisémites, en appréhendant leurs auteurs, et en engageant les poursuites pénales et les procédures judiciaires appropriées;
14.Demande instamment aux États participants d'accorder davantage d'importance à la lutte contre l'antisémitisme en organisant un séminaire de suivi ou une réunion sur la dimension humaine en vue d'étudier des mesures efficaces pour prévenir l'antisémitisme, et à faire en sorte que leurs lois, règlements, pratiques et politiques soient conformes aux engagements pertinents pris au titre de l'OSCE face à l'antisémitisme; et
15.Encourage tous les représentants à l'Assemblée parlementaire à condamner énergiquement et sans réserve les manifestations de violence antisémites dans leurs pays respectifs et au sein de toutes les instances régionales et internationales.—(L'honorable sénateur Prud'homme, c.p.)
Une voix: Que le débat soit reporté.
L'honorable Marcel Prud'homme: Je crois qu'on devrait me consulter à ce sujet; après tout, la motion est inscrite à mon nom. On devrait au moins avoir la décence de me demander si je souhaite prendre la parole à ce sujet. Que le débat soit reporté.
(Le débat est reporté.)
[Français]
LE SÉNAT
MOTION VISANT À CRÉER UN COMITÉ SPÉCIAL POUR SURVEILLER L'APPLICATION DE LA RÉSOLUTION SUR LA DIFFUSION—SUITE DU DÉBAT
L'ordre du jour appelle:
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Gauthier, appuyée par l'honorable sénateur Fraser,
Que le Sénat approuve la radiodiffusion et la télédiffusion de ses délibérations et de celles de ses comités, avec sous-titres en temps réel, selon les principes analogues à ceux qui régissent la publication des comptes rendus officiels des débats; et
Qu'un comité spécial, composé de cinq sénateurs, soit constitué pour surveiller l'application de cette résolution.—(L'honorable sénateur Robichaud, c.p.)
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, cette motion proposée par l'honorable sénateur Gauthier est d'importance. Normalement, ces motions sont d'abord étudiées par le Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration. Après consultation avec l'honorable sénateur Gauthier et l'honorable sénateur Bacon, la présidente du Comité de la régie interne, des budgets et de l'administration, ceux-ci consentent à proposer que la motion soit renvoyée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration et que le comité fasse rapport au plus tard le 27 mai 2004.
Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, le sénateur Robichaud propose, appuyé par l'honorable sénateur Gauthier:
Que la motion soit renvoyée au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration; et
Que le Comité fasse rapport au plus tard le 27 mai 2004.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)
LES ASSOCIATIONS PARLEMENTAIRES
INTERPELLATION—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Marcel Prud'homme, ayant donné avis le jeudi 8 mai 2003:
Qu'il attirera l'attention du Sénat sur les associations parlementaires, notamment leurs budgets et la façon très étrange dont certaines conduisent leurs assemblées annuelles, en particulier l'Union interparlementaire.
— Honorables sénateurs, le sénateur Day voudrait dire quelques mots, ce qui me permettrait de préparer à nouveau mon intervention.
[Traduction]
L'honorable Joseph A. Day: Je crois que c'est un point important à considérer, et je demande donc aux sénateurs d'étudier la question sérieusement.
Son Honneur le Président: Souhaitez-vous ajourner le débat pour laisser plus de temps?
Le sénateur Day: Honorables sénateurs, je souhaiterais le faire, avec la permission de mon collègue, qui a déjà ajourné le débat. Avec sa permission, je peux le faire.
Son Honneur le Président: Vous demandez la permission de tous les sénateurs. Vouliez-vous intervenir, sénateur Cools?
(1820)
L'honorable Anne C. Cools: Je peux ajourner le débat à mon nom, juste au cas.
Son Honneur le Président: Le sénateur Day l'ajournera.
Le sénateur Cools: Parfait.
(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)
[Français]
L'ANNÉE DE L'ACADIE 2004
MOTION DEMANDANT LA RECONNAISSANCE DU GOUVERNEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool, conformément à l'avis du 19 juin 2003, propose:
Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse 2004 comme l'Année de l'Acadie.
— Honorables sénateurs, je vous promets que mon intervention sera très brève. Le 19 juin 2003, j'ai déposé un avis de motion demandant que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada reconnaisse 2004 comme l'Année de l'Acadie.
[Traduction]
Je remercie ma collègue du Nouveau-Brunswick, le sénateur Robertson, qui n'est pas ici en ce moment, de sa déclaration du 17 septembre signifiant son appui à l'égard de cette demande.
[Français]
La reconnaissance de l'année 2004 comme Année de l'Acadie, par le gouvernement du Canada revêt une grande importance pour le peuple acadien.
En 2004, de grandes fêtes marqueront le 400e anniversaire de la fondation du premier établissement européen permanent en Amérique du Nord à Port-Royal, en Nouvelle-Écosse.
L'expédition de Pierre du Gua de Monts quitte le port français de Havre-de-Grâce en mars 1604, en direction de l'Acadie. Avec les quelque 120 engagés de l'expédition se retrouvent Samuel de Champlain, Jean De Biencourt, François Dupont-Gravé et Louis Hébert.
C'est au mois de mai 1604, soit quelques semaines après son départ du Havre, que la flottille du sieur de Monts arrive à la Hève, sur la côte atlantique de la Nouvelle-Écosse. L'équipage traverse la baie française, aujourd'hui appelée la baie de Fundy, à la recherche de mines ainsi que d'un endroit propice où établir une habitation et un poste de traite. Ils découvrent une petite île en remontant la rivière Sainte-Croix, qui sépare aujourd'hui l'État américain du Maine et le Nouveau-Brunswick.
Honorables sénateurs, ce survol historique vous donne un très bref aperçu des débuts de la colonisation française en Amérique du Nord. Vous conviendrez, honorables sénateurs, qu'après des siècles de défis et de succès, le peuple acadien ait le coeur à la fête pour célébrer les exploits de ses ancêtres.
L'Acadie de la Nouvelle-Écosse organise la plus grosse fête jamais vue depuis sa fondation; le Congrès mondial acadien sera l'événement rassembleur le plus important des célébrations du 400e anniversaire de l'Acadie. Le 6 septembre dernier, le lieu historique national de Grand-Pré a inauguré son nouveau centre d'interprétation. On me dit que c'est un vrai bijou à visiter. Le Grou Tyme prépare une grande manifestation acadienne à l'occasion des Grands Voiliers 2004. Des centaines de jeunes participeront au Festival jeunesse de l'Acadie. Ce n'est qu'un aperçu de ce que la Nouvelle-Écosse vous prépare.
À Terre-Neuve et au Labrador, les préparatifs vont bon train: un projet de construction de chaloupes basques, d'une douzaine de fours à pain, là où les pêcheurs français travaillaient, une exposition de photographies. Pendant ce temps, les Mi'kmaq et la population de Miquelon préparent la reconstitution, en juillet 2004, du voyage effectué traditionnellement en canot par les Mi'kmaq jusqu'à Miquelon.
À l'Île-du-Prince-Édouard, l'Acadie de l'Île est heureuse de célébrer ses 400 ans d'histoire dans les régions de Prince-Ouest, d'Évangéline, de Summerside, de Rustico, de Charlottetown et de l'est de l'île. Pour souligner les célébrations de 2004, on organise des festivals, des rencontres de famille, des reconstructions historiques, des mégaspectacles et bien d'autres. L'Assemblée parlementaire de la francophonie tiendra sa réunion annuelle à Charlottetown en 2004. Plus de 100 parlementaires de la Francophonie internationale se réuniront dans ce coin de l'Acadie et y découvriront une partie vibrante de la francophonie canadienne et acadienne.
Au Nouveau-Brunswick, 400 ans d'histoire de présence acadienne en Amérique du Nord, de réussites en tant que communauté, voilà ce que l'Acadie du Nouveau-Brunswick se prépare à célébrer en 2004. L'Île Sainte-Croix demeure le point de repère du début de l'établissement permanent des Français en Amérique. Cet événement sera souligné, de manière grandiose, le 26 juin 2004. Des activités variées se dérouleront tout au long de l'année autour d'un thème: l'histoire acadienne à partager.
Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre au peuple acadien, qui voudra montrer fièrement à l'ensemble des Canadiens et Canadiennes jusqu'à quel point son dynamisme a contribué de façon importante à la vitalité du Canada et à la vie française en Amérique. C'est dans ce contexte spécial que le peuple acadien estime qu'une telle déclaration par le gouvernement du Canada contribuerait à rendre plus officiel le 400e anniversaire de l'Acadie, une page d'histoire importante de la naissance de notre pays.
Je demande donc au Sénat d'appuyer cette motion et de demander au gouvernement du Canada de reconnaître l'année 2004 comme l'Année de l'Acadie.
L'honorable Fernand Robichaud (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, j'appuie de tout coeur la motion de l'honorable sénateur Losier-Cool.
(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Comeau, le débat est ajourné.)
(1830)
[Traduction]
LE SYSTÈME AMÉRICAIN DE DÉFENSE CONTRE LES MISSILES BALISTIQUES
MOTION RECOMMANDANT LA NON-PARTICIPATION DU GOUVERNEMENT—AJOURNEMENT DU DÉBAT
L'honorable Douglas Roche, conformément à l'avis donné le 17 septembre 2003, propose:
Que le Sénat du Canada recommande que le gouvernement du Canada refuse de participer au système de défense contre les missiles balistiques proposé par les États-Unis pour les raisons suivantes:
1. En appuyant implicitement, voire explicitement, les politiques américaines de développement et de déploiement d'armes dans l'espace, le Canada compromettrait sa politique de longue date en matière de non-militarisation de l'espace.
2. Le système de défense intégrerait encore plus les politiques militaires et les forces armées canadiennes et américaines, sans toutefois permettre au Canada de participer de façon constructive au contenu de ces politiques.
3. Le système de défense ne mettrait pas le monde, y compris le Canada, plus à l'abri du danger. Au contraire.
— Honorables sénateurs, je voudrais d'abord remercier les sénateurs Robichaud et Kinsella de m'avoir facilité les choses pour que je puisse faire ce discours ce soir.
Je veux expliquer trois raisons principales pour lesquelles le Canada ne devrait pas participer au système de défense antimissile proposé par les États-Unis.
Premièrement, la défense contre les missiles balistiques ou BMD mènera à la militarisation de l'espace. Les tenants de la participation du Canada au projet de BMD soutiennent que nous ne participerons qu'au système intercepteur basé au sol et que le Canada maintiendra sa politique de longue date d'opposition à la militarisation de l'espace. C'est faux.
La Missile Defence Agency a dit très clairement que le système de défense antimissile évoluera avec le temps. Le tout comprendra un système de défense par couches capable d'intercepter des missiles dans leur phase de propulsion, peu après leur lancement, dans leur phase à mi-parcours et dans leur phase finale, lorsqu'ils sont proches de leur objectif.
Comme l'a fait ressortir une étude récente de l'American Physical Society, un système de défense antimissile terrestre ne réussira pas à intercepter, dans leur phase de propulsion, des missiles lancés à partir de pays comme la Corée du Nord et l'Iran, pays qui, au mieux, auront une capacité limitée de cibler les États-Unis au cours des prochaines années. À cause de cette lacune, les États-Unis devront déployer des armes dans l'espace.
Nul ne devrait alors s'étonner du fait que la Missile Defense Agency qui avait jusqu'à tout récemment prévu l'élaboration, en 2004, d'un prototype d'expérimentation satellisé pour mettre à l'essai les armes spatiales, en vue de son déploiement en 2008, a récemment annoncé la suspension du développement du laser spatial. Cette suspension est attribuable à la nature évolutive du système et n'est pas motivée par une question de principe, mais par des motifs d'ordre technologique. Dès que l'agence sera en mesure de faire valoir la faisabilité de ce projet, l'administration Bush en approuvera le financement peu de temps après.
La détermination de l'administration américaine à faire figure de pionnier en matière d'armement de l'espace se manifeste clairement dans nombre d'autres initiatives parrainées par le Pentagone. Le développement de la capacité de frappe, en quelques minutes, contre n'importe quelle cible terrestre montre que le Pentagone entend non seulement dominer les orbites terrestres basses, mais qu'il compte aussi s'assurer la capacité d'en refuser l'utilisation aux autres. Au lieu d'un laser spatial, l'armée américaine tente actuellement d'obtenir du Congrès l'approbation d'un financement pour développer des lasers antisatellite basés sur terre. De toute évidence, le département américain de la Défense a l'intention, dans l'avenir, de mener des guerres avec des armes placées dans l'espace extra-atmosphérique ou qui y sont dirigées.
La défense contre les missiles balistiques fait partie intégrante de cette politique plus large d'installation d'armes dans l'espace. Le lauréat canadien du prix Nobel, M. John Polanyi, a dit que le système de défense contre les missiles balistiques conduirait à l'arsenalisation de l'espace. Le Canada ne peut diviser le système de défense contre les missiles balistiques en petits morceaux et choisir dans quel domaine il participera. Le système est intégré et doit être en ordre pour bien fonctionner.
La position traditionnelle du Canada contre les armes dans l'espace s'explique par nos intérêts sur le plan commercial et en matière de sécurité. L'économie canadienne compte de plus en plus sur les satellites dans tous les domaines, des communications à la météorologie, en passant par la surveillance et la navigation. L'installation d'armes dans l'espace va menacer ces importants biens commerciaux qui risquent de faire partie des dégâts collatéraux d'une guerre dans l'espace.
À une époque où le ministère canadien de la Défense nationale envisage un projet de Stratégie 2020 pour l'espace qui propose que le Canada cherche à avoir des capacités antisatellite qui vont pratiquement jusqu'au point de placer des armes dans l'espace, il est important que le gouvernement du Canada réaffirme la politique du Canada. Le gouvernement doit reconnaître que la défense contre les missiles balistiques n'est pas simplement un système de défense élargi, et que cela va conduire à l'arsenalisation de l'espace. Au fur et à mesure que le système se développera, il sera impossible de distinguer en fait les éléments basés au sol et ceux basés dans l'espace. Ce sera un système qui conduira à la domination américaine fondée sur l'espace. La participation du Canada au système de défense contre les missiles balistiques, aussi modeste puisse-t-elle être, constituera un appui aux intentions américaines d'arsenalisation de l'espace, ce qui mettra un terme à la politique du Canada s'opposant à cela. C'est la réalité à laquelle le gouvernement doit faire face.
Deuxièmement, honorables sénateurs, il est illusoire de penser que le Canada peut déterminer l'orientation de la défense antimissile balistique. Selon certains, le Canada devrait insister pour que le commandement et le contrôle de la défense antimissile balistique relève du NORAD, un commandement binational au sein duquel nous jouons un rôle important. Selon ces personnes, cette solution accroîtrait la souveraineté du Canada parce qu'elle nous permettrait de « siéger à la table » lorsque des décisions sont prises au sujet de la mise au point et de l'utilisation de ce système.
C'est là une illusion fantaisiste et dangereuse. Un bref tour d'horizon du processus américain de détermination des politiques étrangères et de défense sous l'administration Bush révèle une détermination à aller de l'avant avec des politiques peu importe les positions adoptées par leurs alliés ou par la communauté internationale en général, même lorsque ces politiques enfreignent clairement le droit international. Les décideurs américains du domaine de la défense rejettent clairement l'idée que les interventions américaines devraient être limitées par le système de sécurité collective institutionnalisé aux Nations Unies.
En Irak, les États-Unis ont omis de faire approuver leurs interventions par le Conseil de sécurité des Nations Unies, comme l'exige la charte de cet organisme. La raison en est claire: l'Irak ne constituait pas une menace imminente à la sécurité internationale, ni même à la sécurité des États-Unis. Au lieu de respecter l'autorité des Nations Unies, les États-Unis n'ont pas tenu compte de l'opposition manifestée au Conseil de sécurité et ont malgré tout attaqué.
Récemment, l'administration Bush est revenue devant les Nations Unies pour faire adopter une résolution qui endosserait l'occupation américaine et accélérerait la participation militaire et financière des alliés hésitants des États-Unis. Or, confrontés aux coûts énormes de leur action unilatérale, les États-Unis hésitent encore à céder une partie importante de leur autorité aux Nations Unies.
Les États-Unis pratiquent le même unilatéralisme en matière de désarmement nucléaire. En effet, ils exigent des autres États qu'ils se conforment au traité de non-prolifération en s'abstenant d'acquérir ou de faire proliférer les armes nucléaires. Pendant ce temps, les États-Unis eux-mêmes violent leur propre obligation, qu'ils avaient réaffirmée aussi récemment qu'en 2000, de négocier la destruction de leurs stocks d'armes nucléaires. Le Pentagone a plutôt opté pour la mise au point de nouvelles armes nucléaires et pour des stratégies qui permettraient d'utiliser les armes nucléaires dans un conflit. Ces exemples montrent clairement que lorsque l'administration Bush parle de coopération internationale, ce qu'elle veut, en réalité, c'est de soumettre les intérêts des autres États à la volonté des États-Unis.
Aussi, lorsque le Pentagone invite le Canada à participer au système BMD, nous n'avons aucune illusion à nous faire au sujet du rôle qui serait le nôtre. Quel que soit l'organisme auquel serait confié le commandement et le contrôle du système BMD, que ce soit le NORAD binational ou les commandements américains NORTHCOM ou STRATCOM, c'est la politique américaine qui dicterait les modalités de développement et de déploiement du système. Si les Canadiens, au NORAD, s'opposent à la militarisation de l'espace ou aux autres éléments du système BMD, les États-Unis placeront tout simplement ce volet du système BMD sous un commandement exclusivement américain.
Les États-Unis ont clairement fait la preuve que pour ce qui est de ce qu'ils considèrent comme étant leurs intérêts en matière de sécurité nationale, ils ne se sentiront pas contraints par l'opinion de leurs amis et de leurs alliés ni, comme on l'a vu en Irak, par les dictats du droit international. C'est une aberration de croire que le gouvernement Bush tiendra compte des préoccupations du Canada au sujet du fleuron de sa politique en matière de sécurité nationale, son système de défense contre les missiles balistiques. Au lieu de cela, le Canada, par sa participation à ce système, avalisera inévitablement le programme américain d'action en matière de défense antimissile sans aucun espoir de pouvoir l'influencer de manière significative.
Troisièmement, honorables sénateurs, le système de défense contre les missiles balistiques entraînera une diminution de la sécurité au Canada. Le système qui sera déployé en 2004 a pour objet, d'après le Pentagone, de se protéger contre l'envoi accidentel d'un missile par un État détenteur d'armes nucléaires, ou contre l'envoi intentionnel d'un missile par un État voyou ne possédant qu'un nombre limité de missiles. Si, comme le prétend l'American Physical Society, ce système sera inefficace contre une attaque même limitée de ce genre, il faudra donc y ajouter d'autres éléments, y compris le déploiement d'armes dans l'espace, pour qu'il puisse fonctionner comme prévu.
Puisque le système de défense contre les missiles balistiques ne sera jamais efficace à 100 p. 100, il dépendra d'un régime de contrôle des armes opérant pour limiter la capacité des agresseurs potentiels à pénétrer le système. En fait, il dépendra du régime de contrôle des armes, tout en sapant la base même de ce dernier — à savoir que les pays acceptent le désarmement mutuel dans le but de créer un environnement plus pacifique pour tous.
On peut comprendre qu'il est difficile de convaincre des pays tels que la Corée du Nord de renoncer une fois pour toutes à ses programmes nucléaires alors que les États-Unis sont prêts et disposés à attaquer n'importe quel pays et ont les capacités de le faire, non pas dans l'exercice du droit de légitime défense aux termes de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, mais lorsqu'ils sont portés à croire qu'un changement de régime servirait leurs intérêts.
Le système de défense contre les missiles balistiques fait partie intégrante de la politique de défense américaine, laquelle s'appuie sur la doctrine des attaques préemptives énoncée dans la stratégie en matière de sécurité nationale ainsi que sur le développement et l'utilisation d'armes nucléaires dans la conduite de la guerre aux termes de la Nuclear Posture Review. Le système de défense contre les missiles balistiques vise à protéger le territoire américain, mais il protégera aussi les militaires américains déployés outre-mer. Il ne s'agit pas simplement d'un système de défense, mais d'un système qui contribuera activement aux offensives américaines, notamment les invasions préemptives comme celles dont nous avons récemment été témoins en Irak.
(1840)
Au lieu d'essayer d'abattre des missiles dans les airs avec un taux limité de réussite, il serait plus approprié et efficace d'interdire le déploiement des missiles. Le seul moyen d'y arriver passe par la coopération internationale et une politique étrangère canadienne bien ciblée à long terme. Une coopération réussie sous-entend que toutes les parties devront négocier de bonne foi plutôt qu'appliquer unilatéralement des programmes qui menacent et opposent toujours davantage les adversaires potentiels.
Honorables sénateurs, il est évident que l'administration américaine s'apprête à lancer les premières phases d'un système de défense antimissile balistique à l'automne 2004, de manière à ce qu'un discours à la nation puisse être livré avant les élections présidentielles de 2004. C'est la Maison-Blanche, et non la communauté scientifique, qui est à l'origine de l'agressivité dont font preuve les Américains en matière de défense antimissile. À toutes fins pratiques, le complexe militaro-industriel contrôle l'administration actuelle. Cela risque de changer le jour où le peuple américain, si traumatisé par les attaques terroristes du 11 septembre 2001, retrouvera son équilibre. Entre-temps, la politique téméraire de l'administration Bush menace le système de sécurité collective si péniblement élaboré au cours des six dernières décennies.
J'applaudis à la position prise par le premier ministre Chrétien contre la guerre en Irak qui a été menée à l'instigation des États- Unis et qui allait à l'encontre de la volonté et de l'autorité du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le fait que nous ayons tenu tête aux États-Unis dans le dossier irakien ne devrait toutefois pas influer sur notre décision relative à la défense antimissile balistique. Dans le cas de l'Irak, nous avons fondé notre décision sur les valeurs et les intérêts du Canada. Résultat: nous avons préservé notre réputation en tant que bon citoyen du monde. Dans le cadre des discussions que nous avons actuellement avec les Américains au sujet de la défense antimissile, nous devons encore une fois penser avant tout aux vraies valeurs et aux vrais intérêts du Canada: la protection de la sécurité internationale, le fonctionnement efficace des systèmes de contrôle des armes et la préservation de l'espace sans arme.
De nombreuses ONG du Canada, y compris d'importants groupes comme le Liu Institute, Project Ploughshares et le Groupe des 78, exhortent d'ailleurs le gouvernement à viser ces objectifs.
Honorables sénateurs, le Canada ne devrait pas compromettre ses valeurs en acceptant de collaborer à cette initiative militaire américaine des plus imprudentes, qui ne fonctionnera pas selon les scientifiques, qui aura un effet déstabilisateur selon les analystes et qui détournerait l'attention du monde et lui ferait oublier d'investir dans la vraie sécurité humaine selon les éthiciens. Le Canada vit un moment critique de son histoire où il doit défendre ses valeurs au lieu d'y renoncer en faveur d'initiatives malavisées et peut-être même transitoires, qui sait, lancées par les Américains. En rejetant toute initiative de défense antimissile, le Canada renforcera sa capacité de promouvoir un monde fondé sur le droit international et soutenu par la coopération internationale.
(Sur la motion du sénateur LaPierre, le débat est ajourné.)
(Le Sénat s'ajourne au jeudi 25 septembre 2003, à 13 h 30.)