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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 39e Législature,
Volume 143, Numéro 63

Le mardi 30 janvier 2007
L'honorable Noël A. Kinsella, Président


LE SÉNAT

Le mardi 30 janvier 2007

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

LE SÉNAT

FÉLICITATIONS AUX NOUVEAUX ET AUX ANCIENS LEADERS LIBÉRAUX

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends aujourd'hui la parole pour offrir mes sincères félicitations, ainsi que celles de mes collègue de ce côté-ci du Sénat, au nouveau leader de l'opposition au Sénat, l'honorable Céline Hervieux-Payette.

Plus tôt dans le mois, madame le sénateur Hervieux-Payette a été nommée à son nouveau poste par le chef du Parti libéral et chef de l'opposition à l'autre endroit, l'honorable Stéphane Dion. Comme nous le savons tous, madame le sénateur Hervieux-Payette a connu une longue et brillante carrière tant dans le secteur privé, en tant qu'avocate et femme d'affaires, que dans le secteur public, en tant que députée à la Chambre des communes et ministre d'État dans le gouvernement de Pierre Trudeau. Depuis sa nomination au Sénat par le premier ministre Chrétien en 1995, elle a participé activement à de nombreux débats sur des sujets qui préoccupent les sénateurs, le public et elle-même.

En tant que sénateurs, nous avons l'obligation envers le Parlement et le public canadien de garder à l'esprit nos responsabilités et de considérer avec respect ce qu'on attend de nous.

(1405)

Sincèrement, j'attends avec plaisir de travailler avec madame le sénateur Hervieux-Payette, chacune dans notre rôle respectif, parce qu'il y a tellement à faire. Je suis sûre que nous travaillerons dans un esprit de collaboration et de soutien mutuel.

Je veux aussi féliciter les sénateurs Tardif et Cowan, qui assument les fonctions de leader adjoint de l'opposition et de whip de l'opposition. J'ai un mot spécial à adresser au sénateur Cowan. Comme j'ai moi-même été whip de l'opposition, je sais que ses responsabilités seront très lourdes, et c'est le moins qu'on puisse dire.

Je profite de l'occasion pour remercier le sénateur Daniel Hays de son travail en tant que leader de l'opposition. Au cours de la dernière année, j'ai eu la chance de travailler en étroite collaboration avec le sénateur Hays. Nous avons eu beaucoup de discussions et de débats vigoureux, tant en privé que dans cette enceinte, et j'espère que le sénateur Hays sera d'accord avec moi pour dire que ces échanges ont été, pour la plupart, substantiels ainsi que respectueux. Le sénateur demeurera certainement encore bien des années un membre très utile du Sénat du Canada.

En terminant, je félicite encore une fois madame le sénateur Hervieux-Payette de sa nomination, et j'attends avec plaisir de travailler en étroite collaboration avec elle.

[Français]

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je remercie mon honorable collègue de ses paroles élogieuses. Il s'agit en effet de la première fois dans l'histoire de notre Parlement que deux femmes occupent en même temps les postes de leader du gouvernement et de leader de l'opposition. Je suis persuadée que ma collègue d'en face éprouve autant de fierté que moi devant ce jalon mémorable.

Même si, de ce côté-ci, il est de notre devoir d'être souvent en désaccord avec elle, et en particulier avec son gouvernement, sur des questions de politique, de stratégie et de démarche, nous admirons néanmoins le dévouement et la conviction qu'elle manifeste dans l'exercice de sa charge publique.

En assumant le poste de leader de l'opposition, je me dois également de féliciter le leader sortant, mon collègue, le sénateur Hays, de sa précieuse contribution aux travaux de cette Chambre, particulièrement au cours d'une période de transition difficile où nous sommes passés du gouvernement à l'opposition. Ancien Président du Sénat, il s'est acquitté de cette lourde responsabilité avec le talent et la sagesse d'un grand parlementaire rompu aux traditions et à la procédure de cette Chambre et avec toute la dignité et l'aplomb d'un diplomate aguerri — et j'allais dire avec un peu de gènes familiaux pour la maîtrise de l'art politique.

J'ose espérer que nous pourrons continuer de compter sur ses bons conseils au cours des semaines et des mois à venir.

[Traduction]

Je veux aussi souligner l'importante contribution du sénateur Fraser et du sénateur Cook, qui ont assisté le sénateur Hays avec beaucoup d'efficacité, respectivement à titre de leader adjoint de l'opposition et de whip de l'opposition. Nous leur devons notre reconnaissance, à elles ainsi qu'à leur personnel dévoué, et nous ne pouvons que faire l'éloge de leur bon travail.

[Français]

Honorables sénateurs, je suis profondément touchée par la confiance que le nouveau chef du Parti libéral, l'honorable Stéphane Dion, m'a témoigné en me nommant leader de l'opposition. Je m'efforcerai d'être digne de cette confiance en l'aidant non seulement à assurer une opposition vigilante et vigoureuse face au gouvernement, mais aussi à promouvoir les valeurs, les idéaux et la philosophie du Parti libéral. Et en particulier à proclamer haut et fort avec lui, d'un océan à l'autre, notre fierté d'être Canadienne et Canadien.

Nous tirons en effet une grande fierté d'appartenir à un pays qui, en 140 ans d'histoire, a créé sur ce continent un modèle de société civilisée où tolérance, justice et égalité ne sont pas seulement des rêves, mais aussi une réalité pour l'ensemble de nos concitoyens. Un pays, et même une nation, où la citoyenneté ne repose ni sur la langue, ni sur les frontières, ni sur le sang, mais plutôt sur des valeurs et des idéaux communs qui découlent tous d'un même principe fondamental : le respect de la dignité de chaque être humain.

[Traduction]

C'est ce principe qui a rendu possibles des mesures concrètes et progressistes qui sont la trame du tissu social de notre nation. Ces mesures vont de l'assurance-maladie à la pension de vieillesse en passant par la Charte des droits et libertés et tant d'autres.

Bien que nous soyons très fiers de notre pays et de nos réalisations quand nous formons le gouvernement, une fois dans l'opposition nous nous rendons parfaitement compte que notre mission la plus immédiate est de constituer une opposition efficace et assidue au gouvernement. Nous devons le faire en analysant attentivement les politiques et programmes du gouvernement et en en faisant une critique réfléchie. Bref, nous ne devons jamais cesser de poser des questions au gouvernement, d'exiger la transparence, de dénoncer les injustices et de protéger les minorités.

C'est notre défi et notre responsabilité, honorables sénateurs, et c'est l'engagement que nous prenons résolument.

(1410)

LE DÉCÈS DE GERALD TURNER

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à Gerald Turner, qui est décédé la semaine dernière à 82 ans. M. Turner a accompli beaucoup de choses au service de notre pays, comme toute la génération de Canadiens à qui il appartenait, génération que le temps commence petit à petit à éroder.

Les membres de cette génération ont connu la Grande Crise, se sont battus pour notre liberté et pour celle du monde, ont construit notre pays et ont défendu ses valeurs et traditions, et tout cela, sans prétention aucune alors qu'ils élevaient leur famille et construisaient nos quartiers et communautés.

Gerald Turner est né à Saltford, en Angleterre, en 1924, et a servi son pays en Inde, en Afrique et en Birmanie pendant la Seconde Guerre mondiale en tant que membre de la Royal Air Force. Après la guerre, il a participé à la création des forces aériennes indiennes. Après avoir immigré au Canada, il a continué à piloter et a aidé notre pays à mener à bien le plan du Commonwealth visant à envoyer du personnel agricole en Inde et au Pakistan.

De retour au Canada, il a joué un rôle de premier plan dans le cadre des importantes études géologiques et cartographiques dans l'Arctique de l'Ouest dont les résultats font toujours autorité aujourd'hui. Ensuite, il a une fois de plus défendu la cause de la liberté en approvisionnant par avion le réseau DEW et le réseau PineTree, périmètres de défense protégeant le Nord de notre continent contre d'éventuelles attaques de bombardiers et de missiles provenant de l'URSS.

M. Turner a servi en tant que pilote pour les services de recherche et de sauvetage à Terre-Neuve-et-Labrador. Il a terminé sa carrière de pilote aux contrôles d'un hélicoptère pour le compte d'Hydro Ontario. Là, il a participé à la construction de l'infrastructure électrique qui a permis à l'Ontario de croître et de prospérer et a veillé à l'intégrité des lignes et des tours dans notre grande province.

Malgré tout cela, il a trouvé le temps de se marier. Sa femme, Lois, et lui ont construit une maison et élevé une famille qui a essaimé dans l'ensemble du Canada. Ce raconteur intellectuel, doux, athlétique et toujours prêt à rire faisait partie d'une génération qui comprenait ce qu'est le devoir, qui a construit le Canada, qui a fait de notre planète un lieu plus sûr et de notre pays le meilleur au monde.

Ses petits-enfants, Jesse, Lauren, Rowan et Joshua ainsi que son arrière-petit-fils, Gavin, se rappelleront pendant les années à venir du grand-père qu'ils ont aimé, et des autres de sa génération, qui ont construit le pays et créé le mode de vie que nous chérissons tous pour nos enfants. Ils comprendront non seulement l'importance de cet héritage, mais aussi la dette que nous avons envers Gerald Turner et tous ceux de sa génération pour ce qu'ils ont fait en toute modestie. Que Dieu les bénisse tous.

LA PAUVRETÉ

L'honorable Art Eggleton : Je prends aujourd'hui la parole pour parler d'un problème social généralisé qui touche des millions de Canadiens. C'est un problème qui met bon nombre d'entre nous en colère, un problème que nous n'avons pas combattu avec suffisamment d'acharnement. Il touche des Canadiens de tous les âges, du plus jeune au plus vieux. Je parle des Canadiens qui vivent dans la pauvreté.

Les chiffres sont ahurissants. Plus de 4,8 millions de Canadiens vivent dans la pauvreté, dont 1,2 million d'enfants. Dans la ville d'où je viens, Toronto, 67 000 familles attendent d'obtenir un logement abordable. Cela signifie que celles qui cherchent un petit logement d'une pièce doivent attendre entre un et cinq ans. Les familles qui cherchent un appartement à une chambre à coucher doivent attendre entre sept et dix ans. Le temps d'attente pour un appartement de deux chambres à coucher est de cinq à dix ans. Les familles nombreuses peuvent attendre jusqu'à 10 ou 12 ans. C'est une situation parfaitement inacceptable.

À Calgary, il y a 3 400 sans-abri. Ce qui est encore plus choquant, c'est que ce nombre a augmenté de plus de 30 p. 100 au cours des deux dernières années.

En Ontario, au moins 330 000 personnes sont forcées d'utiliser les banques d'alimentation chaque mois. Ce nombre a augmenté de près de 20 p. 100 au cours des cinq dernières années, soit le double de la croissance démographique.

Quelque 6,7 millions de Canadiens doivent essayer de joindre les deux bouts avec moins de 20 000 $ par année, ce qui représente la moitié du revenu moyen au Canada.

Ce n'est qu'un bref aperçu des statistiques. Honorables sénateurs, c'est un problème auquel nous devons nous attaquer. Nous devons y mettre toute notre ardeur.

Nous devons établir une stratégie de lutte contre la pauvreté au Canada. Nous devons étudier toutes les options qui s'offrent à nous pour rompre le cycle de la pauvreté. Quelle est l'importance d'une augmentation du salaire minimum? Comment pouvons-nous régler le problème des temps d'attente pour les logements abordables? En faisons-nous suffisamment pour aider les chefs de famille monoparentale à trouver un emploi? Offrons-nous aux parents de véritables choix en matière de garde d'enfants? L'éducation est-elle accessible à tous? Que faisons-nous pour aider les sans-abri? Quels sont les programmes qui s'adressent aux enfants qui se rendent à l'école le ventre creux?

(1415)

Nous avons enregistré des succès par le passé. Il y a un certain nombre d'années, nous avons fait un effort ciblé en vue de réduire la pauvreté chez les personnes âgées. En 1980, le taux de pauvreté chez ces personnes s'élevait à 28,4 p. 100, mais avec des programmes comme la Sécurité de la vieillesse, le Régime de pensions du Canada et le Supplément de revenu garanti, ce taux de pauvreté chez les personnes du troisième âge est tombé à 13,1 p. 100. Il y a encore matière à amélioration, mais étendons ces succès aux autres personnes qui vivent dans la pauvreté au Canada.

Le rapport portant le nom du sénateur Croll, en 1971, nous a fourni une occasion d'agir contre la pauvreté, de changer vraiment des choses. Le Sénat a fait du bon travail à propos de ce rapport, auquel on renvoie encore aujourd'hui. Toutefois, il nous faut actualiser ces travaux et j'espère que grâce aux études engagées par le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, nous pourrons y arriver. Le Comité de l'agriculture étudie actuellement la pauvreté en zone rurale et le Comité des affaires sociales, que je préside, va lancer prochainement une étude des villes canadiennes et il commencera par examiner la pauvreté, le logement et l'itinérance.

Il faut que nous saisissions l'énergie contenue dans ces rapports et que nous élaborions une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté.

LE MOIS DE L'HISTOIRE DES NOIRS

L'honorable Donald H. Oliver : Honorables sénateurs, j'attire votre attention aujourd'hui sur l'importance du mois de février, car c'est le Mois de l'histoire des Noirs au Canada. Nous célébrons le Mois de l'histoire des Noirs tous les ans pour rendre hommage à l'héritage des Canadiens noirs d'hier et d'aujourd'hui pour leurs contributions et sacrifices, qui constituent une partie indélébile du Canada. Honorables sénateurs, je tiens à vous dire qu'il reste encore beaucoup à faire. Les préjugés, la discrimination et le racisme sont encore des mots qui ponctuent la vie quotidienne de trop de Canadiens noirs. Le Mois de l'histoire des Noirs devrait être une période de réflexion, car, malheureusement, les gens de race noire sont encore confrontés à des obstacles systémiques dans les secteurs aussi bien public que privé. Ce mois nous donne une occasion de réfléchir, d'écouter et de ressentir une partie de ce que les Canadiens noirs ont vécu afin d'obtenir l'égalité avec la majorité blanche. C'est une occasion qui s'offre à chacun de nous de prendre la mesure du rôle crucial que les Noirs ont joué tout au long de notre histoire commune.

Cette année, je participerai activement à diverses activités au cours de ce mois spécial. Le 1er février, je serai le conférencier d'honneur lors du lancement du programme d'activités que la Banque de Montréal a mis sur pied pour le mois de février, à Toronto. Ultérieurement, j'aurai le privilège de participer à diverses activités culturelles en compagnie de Son Excellence Michaëlle Jean, la Gouverneure générale du Canada, lors de la visite de trois jours qu'elle effectuera en Nouvelle-Écosse. Plus tard en février, je livrerai un discours sur la diversité et le pluralisme dans le grand auditorium de l'administration centrale du Service canadien du renseignement de sécurité. On m'a invité à prendre la parole dans bon nombre d'écoles aux quatre coins du pays en février. Il est crucial que nous continuions de faire écho à des paroles d'espoir au moment où nous célébrons la diversité canadienne. Honorables sénateurs, je ne saurais dire à quel point il est important de célébrer toutes les cultures qui façonnent notre mosaïque culturelle ainsi que les valeurs qui font de nous des Canadiens. Ces célébrations englobent tous les Canadiens, y compris les collectivités de Noirs d'un océan à l'autre, car elles font aussi partie de notre histoire.

Cette année, nous célébrons aussi le quatrième centenaire de la présence des Noirs au Canada. Mathieu Da Costa, un navigateur et explorateur portugais de race noire, accompagnait Samuel de Champlain dans la découverte du Nouveau Monde en 1605. Sa contribution a été pour ainsi dire ignorée dans les manuels d'histoire du Canada, mais il n'en demeure pas moins que la vie de la collectivité noire s'est transformée au cours des 400 ans qui ont suivi son arrivée dans le Nouveau Monde. L'esclavage a existé au Canada de 1628 à 1834. On peut lire dans les archives de la Halifax Gazette une publicité qui disait ceci : « à vendre lors d'un encan public, qui aura lieu le 3 novembre, deux esclaves — un garçon et une fille — de 11 ans environ... » Chez les loyalistes de l'Empire-Uni qui ont immigré dans ce qui allait devenir l'Amérique du Nord britannique, il y avait 10 p. 100 de Noirs. En 1793, le Haut-Canada a adopté une loi abolitive, une loi interdisant l'importation d'esclaves au Haut- Canada.

En 1958, William O'Ree a fait tomber la barrière de la couleur en devenant le premier joueur de hockey de race noire à joindre les rangs de la LNH. En Ontario, ce n'est que dans les années 1960 que la dernière école ségréguée a fermé ses portes. En Nouvelle-Écosse, ce n'est qu'après 1968 qu'on a fait préciser dans la loi que les Noirs pouvaient être enterrés dans les cimetières des Blancs. Ce n'est qu'à ce moment-là que les Noirs ont senti que la ségrégation était en voie de disparition.

Honorables sénateurs, l'honorable Lincoln Alexander a été le premier Canadien de race noire à être élu député à la Chambre des communes en 1968. Il a ensuite été nommé lieutenant-gouverneur de l'Ontario en 1985, ce qui a fait de lui le premier Noir à occuper des fonctions vice-royales au Canada.

(1420)

Le Mois de l'histoire des Noirs rappelle aux Canadiens que, même si l'esclavage a été aboli et si la ségrégation est chose du passé, la lutte contre le racisme systémique se poursuit. Il faut le faire disparaître dans notre société. Célébrer le Mois de l'histoire des Noirs et la culture des Noirs est un moyen de sensibiliser l'opinion à l'égalité pour tous, de façon que le rêve de Martin Luther King se réalise.

Honorables sénateurs, voilà le Canada que je souhaite et le Canada que nous devons bâtir.

LE SÉNAT

FÉLICITATIONS AUX ANCIENS ET AUX NOUVEAUX LEADERS LIBÉRAUX

L'honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends aujourd'hui la parole pour souligner le travail de trois sénateurs qui se sont dépensés sans compter pour nous au cours de la dernière année. L'année 2006 a été marquée par une vraie transition pour nous, après 13 ans d'exercice du pouvoir. En soi, cette transition était déjà difficile, mais il y a eu également des débats sur la réforme du Sénat et notre institution a eu droit à un surcroît d'attention. Les dirigeants de ce côté-ci du Sénat ont dû non seulement gérer un important groupe parlementaire dans l'opposition, mais aussi nous guider parmi les bouleversements dont s'accompagne forcément une période de changement dans un parti.

Honorables sénateurs, je profite de mon intervention pour souligner le travail que le sénateur Hays a accompli comme leader de l'opposition au Sénat. Il nous a tous été donné de travailler avec lui. Ma propre collaboration avec lui a débuté en 1994. Il était alors président du Parti libéral du Canada tandis que j'en étais vice- présidente. Nous avons beaucoup travaillé. Nous sommes allés à l'étranger pour présenter le parti. Au Canada, nous avons réclamé vigoureusement un certain nombre de mesures importantes, dont des politiques favorisant l'égalité des femmes. J'ai eu l'honneur de faire partie de la délégation du Président qui s'est rendue en Inde. Ce fut pour moi une grande fierté d'aller dans mon pays d'origine avec un si grand ami et de voir qu'il était traité avec un si profond respect lorsque nous avons rencontré des représentants de haut rang et visité des lieux historiques.

À titre de leader de l'opposition, le sénateur Hays a également pris le temps de travailler avec nous sur les enjeux que nous avons soulevés et il a été attentif à nos préoccupations. Le sénateur Hays a occupé un poste extrêmement difficile et exigeant, et je sais que tous les sénateurs se joindront à moi pour le remercier des efforts qu'il a déployés pour nous.

Madame le sénateur Fraser a également eu un rôle fort difficile à jouer comme leader adjoint de l'opposition. J'ai eu le plaisir de collaborer étroitement avec elle depuis que j'ai été nommée, en 2001, au Comité spécial sur la Loi antiterroriste, et de nouveau au cours de l'étude de la Loi sur la sécurité publique, puisque madame le sénateur présidait le Comité des transports et des communications. Nous n'avons pas toujours vu les choses du même œil, mais j'ai toujours eu le plus grand respect pour sa capacité d'exposer son point de vue clairement tout en sachant accueillir d'autres opinions. Elle se laisse toujours guider par le mérite des arguments et les faits présentés. Elle a assumé la tâche exigeante de leader adjoint avec l'assurance et le panache que j'ai appris à respecter chez elle. Je tiens à la remercier de ses efforts, et je ne demande pas mieux que de continuer à travailler avec elle.

Madame le sénateur Cook et moi nous sommes rencontrées pour la première fois lorsque je me suis présentée à la présidence de la Commission libérale féminine. Non seulement elle a fait campagne pour moi, mais elle m'a aussi appris bien des choses qui m'ont aidée à mieux jouer mon rôle de sénateur. Elle a su travailler avec nous tous, malgré de difficiles problèmes de santé. Elle a tenu bon sans jamais se plaindre, malgré les difficultés énormes que doit surmonter le whip d'un important groupe de sénateurs. Son style nous a montré que, effectivement, on attrape plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre.

Honorable sénateurs, je sais que vous vous joindrez tous à moi pour remercier les sénateurs Hays, Fraser et Cook du travail acharné qu'ils ont accompli pour nous.

Honorables sénateurs, je souhaite aussi la bienvenue aux sénateurs Hervieux-Payette, Cowan et Tardif de ce côté-ci et je leur adresse mes félicitations. Ils ont accepté de relever des défis auxquels ils s'attaqueront sûrement avec beaucoup d'énergie.

VISITEURS À LA TRIBUNE

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d'une délégation des Territoires du Nord- Ouest, dont le chef Charlie Neyelle et Lucy Jackson. Ils sont les invités du sénateur Sibbeston.

Bienvenue au Sénat du Canada.


(1425)

[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

L'INDUSTRIE

L'ACHAT D'AVIONS MILITAIRES DE LA COMPAGNIE BOEING—LES RÉPERCUSSIONS RÉGIONALES

L'honorable Céline Hervieux-Payette (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je suis heureuse de pouvoir me lever aujourd'hui en cette illustre enceinte en tant que leader de l'opposition, mais surtout en tant que représentante des Canadiennes et des Canadiens qui vivent dans nos régions et qui se reconnaissent comme faisant partie des minorités quelles qu'elles puissent être.

Je tiens également à saluer madame le leader du gouvernement et je me réjouis d'avoir l'opportunité de débattre avec vous, sénateurs, des sujets qui préoccupent les Canadiens et, ce faisant, d'aider nos concitoyens, le moment venu, à faire un choix clair entre les valeurs que vous et nous défendons et qui nous amènent à aspirer à des sociétés tellement différentes.

Toutefois, ma question aujourd'hui s'adresse au ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le sénateur Fortier. Vous vous souviendrez que le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux a été nommé à son poste principalement pour permettre à la grande région de Montréal d'avoir voix au chapitre à la table du Cabinet. Or, Montréal, nous le savons, est le lieu où est principalement concentrée l'industrie aéronautique québécoise. Cette industrie, à juste titre, est l'un des fleurons du secteur manufacturier québécois. Le Québec est le foyer de près de 60 p. 100 de l'industrie aéronautique au pays, ce qui représente environ 40 000 emplois. On peut donc comparer l'importance du secteur aéronautique au Québec à celle de l'industrie automobile en Ontario. Ce sont des moteurs économiques dans les deux cas et ils représentent des centaines de millions en investissements et des dizaines de milliers d'emplois spécialisés et bien rémunérés. Ces industries sont structurantes dans l'économie de leurs provinces respectives.

Toutefois, leur gouvernement a choisi de procéder à l'achat, sans appel d'offres — je le précise —, d'avions militaires C-17 de la compagnie américaine Boeing. Une des conditions d'achat d'une valeur de plusieurs milliards de dollars réside dans les retombées économiques liées à la fabrication et à l'entretien de ces appareils. Il semblerait logique de croire que, comme l'industrie aéronautique est principalement concentrée au Québec, dans la région de Montréal, la majorité des retombées profitent à ce coin de pays. C'était du moins le raisonnement du ministre du Développement économique du Québec, M. Raymond Bachand, qui déclarait à ce sujet à la Presse canadienne, le 20 janvier dernier :

Le Québec devrait avoir une grande part de cela car cela fait du sens économiquement aussi. Ce n'est pas un nationalisme exagéré de la part du Québec, pas plus que cela ne l'est quand il est question d'autres industries concentrées dans d'autres provinces.

Il semblait alors parfaitement en accord avec le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le même jour, ce dernier déclarait pour sa part au quotidien La Presse — et je cite mon honorable collègue :

Ce que nous voulons, c'est que les retombées se retrouvent aux endroits où il y a déjà une forte présence. Étant donné cette présence très importante dans la région de Montréal, il y aura des retombées très importantes.

D'ailleurs, la semaine dernière, Radio-Canada rapportait que le ministre Fortier cherchait à assurer des retombées économiques d'au moins 40 p. 100 pour la province de Québec.

Dans un premier temps, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux peut-il nous dire s'il a donné satisfaction au ministre de la Défense nationale et s'il a signé le contrat d'achat des appareils Boeing, sans, évidemment, une clause qui spécifie les retombées économiques? Deuxièmement, à combien s'élèvent les retombées économiques pour chaque région du pays?

(1430)

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question.

Des voix : Oh, oh!

Le sénateur LeBreton : La question porte sur le développement régional et le ministre Fortier est ministre des Travaux publics.

Le sénateur Fox : C'est lui qui signe le contrat.

Le sénateur LeBreton : C'est exact, mais il s'agit ici d'autre chose.

Comme je l'ai dit au prédécesseur du sénateur Hervieux-Payette, il ne faut pas toujours croire ce qu'on lit dans les journaux.

Les négociations avec les compagnies sont confidentielles, de sorte que nous ne sommes pas en mesure de les commenter. Quand nous aurons une annonce à faire concernant cet achat, nous la ferons.

Le gouvernement actuel et ses ministres n'ont pas l'intention de s'ingérer dans la distribution régionale des contrats. La politique canadienne sur les avantages industriels et régionaux encourage la participation de nos régions, mais elle ne dicte pas aux titulaires de contrats avec quelles entreprises canadiennes travailler. Ils mènent leurs activités commerciales selon ce qui leur semble le plus sensé sur le plan administratif.

Le gouvernement dont je fais partie cherche à obtenir le meilleur ensemble d'avantages industriels, soit une qualité supérieure, une technologie de pointe et des retombées économiques durables. Dans certaines régions, les avantages minimums se traduisent par des garanties que les titulaires de contrats en situation de fournisseur unique envisagent des activités commerciales dans toutes les régions canadiennes.

Ce qu'il ne faut pas perdre de vue ici, c'est la manière dont le gouvernement répond au besoin d'équipement de nos militaires après 13 années de privations imposées par le gouvernement libéral précédent.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Honorables sénateurs, j'aimerais poser une question complémentaire. À cet égard, je ne souscris pas du tout au terme « interférence ».

Lorsqu'un gouvernement s'engage à signer un contrat de 3,4 milliards de dollars au nom des Canadiens pour s'offrir des équipements de pointe dans le domaine militaire, il me semble qu'un contrat devrait être signé avec des clauses définies par le client et qui engagent l'entreprise qui vend ces équipements.

À ce sujet, le ministre de l'Industrie, M. Bernier, révélait que l'absence d'ingérence de sa part relevait du fait qu'il s'agissait d'une affaire privée.

Madame le leader du gouvernement au Sénat peut-elle définir, au nom de son gouvernement, ce qu'elle entend par affaire privée? Et si elle n'a pas la définition sous la main présentement, peut-elle me l'envoyer par écrit?

[Traduction]

Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, il est question ici d'un achat particulier dont les militaires ont besoin. Une fois signés, les contrats seront rendus publics. Comme le ministre de l'Industrie et le premier ministre l'ont déclaré, dès que les contrats seront signés, les compagnies prendront toutes les dispositions nécessaires avec les distributeurs régionaux.

LES FINANCES

LES FIDUCIES DE REVENU—LE CHANGEMENT DANS LE TRAITEMENT FISCAL—L'EFFET SUR LES CITOYENS ÂGÉS

L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, comme bien d'autres, des milliers de Canadiens âgés ont été fondamentalement trahis parce qu'ils ont cru sur parole le Parti conservateur et ont investi dans des fiducies de revenu en se fiant à la promesse solennelle que, si jamais ils formaient le gouvernement, les conservateurs ne changeraient pas la structure des fiducies de revenu.

Ce sentiment de trahison a été exacerbé quand madame le leader du gouvernement au Sénat a déclaré : « Je n'ai pas entendu parler de gens qui ont perdu de grosses sommes. »

Maintenant que ses nouvelles fonctions l'amènent à défendre les personnes âgées, reconnaîtra-t-elle au moins que le bris de cette promesse a eu un effet dévastateur sur un grand nombre de Canadiens âgés qui comptent sur un revenu limité et souvent fixe pour vivre?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie le sénateur de cette question.

Dans le suivi que j'ai fait plusieurs jours après la question initiale, j'ai dit qu'aucune personne de ma connaissance n'était dans ce cas- là. J'ai parlé de mon expérience personnelle de la situation. Je suis vraiment peinée que cette mesure ait nui à quelques personnes âgées.

Le sénateur Mitchell : Quelques personnes?

(1435)

Le sénateur LeBreton : Ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion ce matin d'écouter le ministre des Finances devant le comité de l'autre endroit savent quelle importance revêt la décision. Celle-ci n'a pas été facile à prendre, mais le ministre se devait d'agir rapidement dans le dossier des fiducies de revenu. Le ministre a expliqué ce matin, comme il l'a fait lorsqu'il a annoncé la décision initialement, qu'il y aurait eu de graves effets sur l'assiette fiscale du pays. Nombre de provinces ont d'ailleurs appuyé la décision.

En ce qui concerne les personnes âgées, je suis heureuse que le premier ministre m'ait confié la responsabilité supplémentaire de secrétaire d'État aux Aînés. La création de ce poste était une promesse électorale. J'ai rencontré des groupes de personnes âgées et nombre de personnes âgées depuis que j'ai été nommée à ce poste.

Certaines personnes âgées m'ont écrit au sujet de la question des fiducies de revenu, mais la très grande majorité de celles que j'ai rencontrées étaient tout à fait heureuses que le gouvernement ait proposé en même temps le fractionnement du revenu de pensions et l'augmentation du crédit en raison de l'âge.

Nous examinons diverses mesures pour les personnes âgées. Le portefeuille des Aînés est intéressant parce que les aînés ont divers intérêts et préoccupations. Je vais certainement travailler d'arrache- pied pour défendre les intérêts des personnes âgées au Cabinet et au sein du gouvernement. Tout ce que je peux promettre aux personnes âgées, c'est que je ferai comme j'ai toujours fait, à savoir travailler fort et faire du mieux que je peux.

Le sénateur Mitchell : Le dur labeur de la ministre pourrait ne pas suffire à payer les factures des personnes âgées.

Le ministre des Finances a justifié sa trahison dans le dossier des fiducies de revenu en parlant de ce manque à gagner fiscal, mais il n'a pas dit clairement, malgré la portée de cette décision, à combien s'élevait ce manque à gagner. Il se chiffre quelque part entre 500 millions de dollars et, par suite de l'agitation causée par cette décision, 1,3 milliard de dollars, alors que les Canadiens ont perdu 30 milliards de dollars.

Madame le leader du gouvernement au Sénat et secrétaire d'État aux Aînés sait-elle qu'il faudra 25 à 60 ans pour égaler, en recettes fiscales, ce que les investisseurs ont perdu en deux ou trois jours à cause de la trahison du gouvernement?

Le sénateur LeBreton : Le ministre des Finances a expliqué ce matin que les pertes fiscales annuelles projetées dont il a parlé initialement le 31 octobre se fondaient sur des estimations prudentes. Il est tout à fait probable que le chiffre de 500 millions de dollars mentionné l'automne dernier soit inférieur aux pertes de recettes fédérales en 2006. En fait, ces pertes sont considérables.

Pour ce qui est des aînés, qui sont heureux que le gouvernement ait décidé de permettre le fractionnement des revenus de pension et d'accorder une augmentation du crédit en raison de l'âge, l'Association canadienne des individus retraités, maintenant connue sous le nom d'Association canadienne pour les gens de 50 ans et plus, a félicité le gouvernement et le ministre et déclaré ce qui suit :

L'Association félicite le ministre Jim Flaherty d'avoir adopté une approche aussi prudente dans le dossier des fiducies de revenu.

Quant au commentaire du sénateur sur les chiffres relatifs aux fiducies de revenu, j'ai rencontré l'autre jour des aînés qui avaient investi de l'argent dans les fiducies de revenus et dans d'autres actions. Ils m'ont affirmé que, compte tenu des profits qu'ils avaient tirés de leurs actions, ils avaient récupéré plus qu'ils n'avaient perdu dans les fiducies de revenu.

(1440)

Le sénateur Olivier : C'est bien exact.

Le sénateur LeBreton : Cela dépend de la personne qui gérait les comptes en fiducie. De plus, les aînés ont appris avec plaisir qu'ils auraient droit au fractionnement des revenus de pension.

Je m'implique davantage dans ce dossier. Plus je prends connaissance du plan d'équité fiscale du ministre Flaherty, plus je suis convaincue que le gouvernement écoutera ce que les aînés ont à dire et que des mesures seront prises afin de leur rendre la vie plus facile, parce que ces gens l'ont bien mérité. Après tout, ils ont toujours payé leurs factures, ils ont élevé leurs enfants et ils ont fait leur possible pour rendre notre pays meilleur.

LES RESSOURCES HUMAINES ET LE DÉVELOPPEMENT SOCIAL

PROJET DE PROGRAMME NATIONAL DE GARDERIES

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Nous savons tous qu'il y a une énorme déchiqueteuse dans les bureaux du gouvernement conservateur, qui a avalé l'accord de Kelowna, le Protocole de Kyoto et nos accords sur les services de garde d'enfants. Pourtant, 77 p. 100 des Canadiens pensent que le Canada souffre d'une sérieuse pénurie de places en garderie. Eh oui, 10 accords ont été passés à la déchiqueteuse ou le seront à la fin de mars.

Le premier ministre Harper s'est tourné en premier vers le monde des affaires pour lui venir en aide ou pour conclure un marché, mais il a essuyé un refus en général. Hier, je me suis rendue dans des garderies de Montréal et j'y ai vu des éducatrices et des parents inquiets, comme partout ailleurs au pays. Je devrais probablement dire que la plupart des parents sont inquiets. Le 4 décembre 2006, Diane Finley a déclaré à la Chambre des communes : « [...] la mise en œuvre de nos mesures incitatives en matière de création de places en garderie débutera le 1er avril prochain, comme nous l'avons promis. »

Votre gouvernement tiendra-t-il sa promesse de créer 25 000 places en garderie en 2007-2008 et chaque année subséquente, pendant cinq ans? Votre gouvernement tiendra-t-il sa promesse ou se bornera-t-il à offrir des incitatifs et des crédits d'impôt?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, je remercie madame le sénateur Trenholme Counsell pour sa question.

Nous avons maintenant un nouveau ministre, le ministre Solberg. Comme le sénateur l'a signalé, notre engagement de créer des places en garderie sera respecté pour remplacer les défunts accords de financement conclus par le gouvernement précédent. Je m'empresse de rappeler aux honorables sénateurs que ces accords ont déjà été qualifiés de repentir in extremis. Par qui? Par nul autre que Tom Axworthy. L'automne dernier, nous avons formé un comité consultatif ministériel pour conseiller le gouvernement relativement à la création de places dans les garderies. Nous avons hâte de recevoir les recommandations de ce comité.

Comme madame le sénateur Trenholme Counsell le sait, les besoins en matière de services de garde d'enfants sont différents d'un endroit à l'autre au pays. Ils varient selon la taille et l'emplacement du centre.

Le gouvernement a l'intention de s'acquitter de ses engagements dans le dossier des garderies, et nous attendons les résultats de l'étude en cours. Le ministre Solberg a déclaré qu'il avait hâte de faire des progrès dans ce domaine, et puisqu'on m'a confié des responsabilités de ministre de second rang dans son ministère, je prendrai peut-être part à quelques-unes des discussions à ce sujet. Je serai donc heureuse de tenir madame le sénateur Trenholme Counsell informée sur cette question très importante.

Le sénateur Trenholme Counsell : Le 13 juin dernier, quand j'ai abordé cette question au sujet de laquelle j'ai fait une interpellation, j'ai précisé le sens de l'idée de « repentir in extremis ». Je pense que M. Axworthy n'avait peut-être pas aussi bien fait ses recherches que certains d'entre nous qui ont travaillé dans le domaine. En fait, le Parti libéral du Canada a lancé ce programme à l'époque où le très honorable Jean Chrétien était premier ministre, au début des années 1990, quand les ministres de la famille et des services communautaires de toutes les provinces et territoires se sont rencontrés à Victoria sous la direction de nul autre que l'honorable Stockwell Day, qui était très enthousiaste. Les pourparlers ont achoppé parce que certaines provinces n'étaient pas prêtes à signer une entente de partage égal des coûts et nous avons dû attendre. Sous la direction du très honorable Paul Martin et de l'honorable Ken Dryden, nous avons présenté un plan prévoyant que le gouvernement fédéral assurerait un financement en fonction de certains critères, notamment la qualité et l'universalité.

(1445)

En parlant d'agir par repentir, c'est une nouveauté que l'actuel gouvernement sollicite l'avis d'experts. J'imagine que c'est un autre exemple de volte-face. Le gouvernement a fait volte-face en matière d'environnement et, maintenant, il fait volte-face en demandant l'avis des experts. Pour autant que je sache, c'est un précédent. Voilà une bonne nouvelle que ce revirement.

J'aimerais poser une question complémentaire. Pourquoi n'avons- nous pas entendu parler de ce rapport qui, si je ne m'abuse, est dans les mains du gouvernement depuis au moins six semaines, si ce n'est deux mois? Pourquoi le cache-t-on?

Voici ma seconde question : est-ce que ce revirement inclut les organisations à but non lucratif qui, dans nombre de cas, offrent des programmes d'éducation préscolaire d'excellente qualité? Cependant, ces organisations sans but lucratif ne sont pas en position de bénéficier de crédits d'impôt.

Comment le gouvernement envisage-t-il d'aider les garderies sans but lucratif à créer de nouvelles places?

Le sénateur LeBreton : Je remercie madame le sénateur Trenholme Counsell de sa question.

Comme je l'ai indiqué à maintes reprises, le 23 janvier de l'an dernier, la population canadienne a voté pour le Parti conservateur. Elle n'a pas voté pour une continuation du gouvernement libéral. Lors de la campagne électorale, nous avons indiqué clairement que nous avions un plan précis en matière de garde d'enfants. Il ne s'agit pas d'une volte-face. Il ne s'agit de rien de tel.

Madame le sénateur veut savoir où est le rapport. Elle doit comprendre que nous avons un nouveau ministre des Ressources humaines et du Développement social. En temps et lieu, il se penchera sur la question. C'est une personne consciencieuse. Je suis convaincue qu'il présentera le plan du gouvernement conservateur dans ce domaine le plus rapidement possible.

Je suis surprise de constater que madame le sénateur Trenholme Counsell pense qu'il n'est pas indiqué de consulter des spécialistes. Il y a quelques jours, au ministère des Ressources humaines et du Développement social, nous avons eu l'honneur de créer un groupe d'experts sur les travailleurs âgés. À la tête de ce groupe d'experts, nous avons nommé un sénateur à la retraite, madame Erminie Cohen, qui vient de la même province que le sénateur Trenholme Counsell. J'aimerais penser qu'on ne désapprouvera pas sa nomination, car on la considère comme une spécialiste dans le domaine.

Lorsque le sénateur Eggleton parlait de pauvreté et du fait que ce problème existe depuis très longtemps, il a fait référence aux travaux du sénateur Croll, mais il a oublié de mentionner un rapport tout aussi important et médiatisé sur la pauvreté, le rapport du sénateur Erminie Cohen.

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

PASSEPORT CANADA—L'ARRIÉRÉ DE DEMANDES

L'honorable Catherine S. Callbeck : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et secrétaire d'État aux aînés.

Comme nous le savons, Passeport Canada est submergé de demandes et les délais sont de plus en plus longs. Le processus, qui prenait environ 20 jours ouvrables auparavant, prend maintenant environ le double du temps.

Le gouvernement conservateur savait depuis un bon moment que l'exigence des États-Unis relativement aux passeports entrait en vigueur ce mois-ci. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas fait davantage pour se préparer à la hausse prévue de demandes de passeport, hausse que tout le monde pouvait voir venir?

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Je tiens à remercier madame le sénateur pour son excellente question. Le gouvernement conservateur avait prévu le coup. Il s'est préparé amplement et a déployé beaucoup d'efforts relativement à cette exigence. Beaucoup de gens étaient au courant; malheureusement, nombre de nos concitoyens pensaient que l'exigence n'entrerait pas en vigueur ou qu'il n'y aurait pas de retard. Il y a beaucoup d'activité depuis près d'un mois. La date limite du 23 janvier est maintenant passée. On m'a dit que Passeport Canada traite encore des milliers de demandes. Je pense qu'on en imprime jusqu'à 20 000 par jour. Des députés de toutes allégeances ont organisé des cliniques de passeports dans leurs bureaux de circonscription. Le gouvernement félicite ceux qui consacrent de longues heures au traitement de ces demandes. C'est maintenant à nous tous au gouvernement qu'il revient de veiller à ce que nos concitoyens sachent que l'étape suivante est celle où le passeport sera exigé de toute personne désireuse de franchir la frontière en auto.

(1450)

Nous devons tous faire comprendre à nos concitoyens que, plutôt que d'attendre ou de penser que la date peut changer — et le gouvernement fera sûrement sa part pour informer la population —, ils doivent obtenir leur passeport avant de songer à franchir la frontière. S'ils présentent leur demande dès maintenant, ils auront leur passeport en main quand ils voudront franchir la frontière en auto l'an prochain.

Le sénateur Callbeck : Moi aussi, je félicite ceux qui travaillent au Bureau des passeports, mais, à mon avis, ce que le gouvernement a fait est carrément inacceptable. Il y a des gens qui font la queue au beau milieu de la nuit pour obtenir leur passeport. On me dit que pour obtenir un passeport d'ici la fin mars, il faut s'y prendre dès maintenant.

Le hic, c'est qu'il n'y a aucun bureau des passeports à l'Île-du- Prince-Édouard. Les insulaires doivent se rendre à Fredericton ou à Halifax. Ils doivent prendre deux jours de congé et payer pour se loger, passer le pont et se déplacer en plus d'acquitter les frais d'obtention du passeport. Tout cela représente des frais qui sont évidemment très lourds pour les familles à faible ou à moyen revenu.

Je voudrais savoir ce que le gouvernement entend faire pour éliminer les retards et veiller à ce que les Canadiens puissent obtenir leur passeport en temps voulu.

Le sénateur LeBreton : Merci, sénateur Callbeck, d'avoir posé cette question. Comme je l'ai déjà expliqué, les bureaux des passeports ont augmenté leur effectif. Ces gens font des heures de travail extrêmement longues. Partout au Canada, des députés ont organisé des journées spéciales dans leurs bureaux de circonscription où les gens peuvent aller remplir leur demande de passeport que leur député veille à remettre aux bureaux des passeports. De nombreuses personnes ont aidé à faire face à la situation. Des gens, même des membres de ma famille, ont fait la queue puis m'ont téléphoné pour les aider à obtenir leur passeport. Je leur ai dit : « Vous saviez depuis un an qu'il vous faudrait un passeport. Pourquoi m'appelez-vous maintenant? »

Le gouvernement a travaillé extrêmement fort pour informer la population. Les députés de tous les partis ont fait des efforts pour aider leurs électeurs à remplir correctement leurs demandes de passeport.

Il semble que le retard accumulé au 23 janvier commence à disparaître. Il revient au gouvernement en particulier ainsi qu'à tous les parlementaires, lorsque des gens demandent des renseignements à propos de cette exigence, de leur dire qu'il est peu probable que le gouvernement des États-Unis modifiera complètement ses lois et ses règlements concernant le passage à la frontière en auto. Les Canadiens seraient bien avisés de demander leur passeport dès maintenant.

(1455)

[Français]

L'ENVIRONNEMENT

LA LUTTE CONTRE LES GAZ À EFFET DE SERRE—L'UTILISATION DE LA LOI CANADIENNE SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Nous savons tous que le supposé visage vert des conservateurs n'est que fumisterie. Comment expliquer que, il y a moins de neuf mois, le premier ministre déclarait qu'il ne reconnaissait pas la supposée existence des gaz à effet de serre? Pourquoi les conservateurs affirment-ils que les libéraux n'ont rien fait, alors qu'ils recyclent plusieurs de nos programmes énergétiques? Alors que le gouvernement a les moyens d'agir immédiatement, pourquoi ce dernier ne se sert-il pas de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui lui permettrait d'imposer des limites immédiates aux grands pollueurs?

[Traduction]

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : Honorables sénateurs, le premier ministre n'a rien dit de la sorte. Nous sommes membres d'un parti qui fut jadis dirigé par un premier ministre à qui on a décerné récemment le prix du premier ministre le plus vert de l'histoire.

Comme le premier ministre actuel l'a dit dans ses entrevues de fin d'année, les Canadiens voulaient clairement que plus d'attention soit accordée au traitement des questions environnementales. Il est passé à l'action.

Le gouvernement a travaillé sur différents plans à l'été et à l'automne. Tous reconnaissent qu'à ce moment-ci l'an dernier — et ceci ne s'applique pas uniquement au parti au pouvoir, mais bien à tous les partis politiques, et les sondages le démontrent — l'environnement n'était pas la priorité absolue des Canadiens. C'est maintenant le cas et c'est une bonne chose.

Le gouvernement s'est engagé à prendre des mesures. Nous voulons tous respirer de l'air pur et boire de l'eau propre. Nous voulons aussi savoir que les produits que nous achetons pour nettoyer la maison ou pour nous nourrir contiennent le moins de toxines possible. Il ne s'agit pas d'une question partisane; nous agissons pour tous les Canadiens, peu importe leur affiliation politique.

Je suis contente des initiatives que le premier ministre, le ministre Baird et le ministre Lund ont prises jusqu'à présent. Comme il a été mentionné aujourd'hui même dans un éditorial du Toronto Star, le gouvernement précédent en a parlé, mais il n'a rien fait.

[Français]

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer deux réponses à des questions orales posées par l'honorable sénateur Hays, le 14 décembre 2006, concernant la nomination des sénateurs — les candidats lors d'une consultation — les qualités requises par la Constitution, et par l'honorable sénateur Fox, le 7 décembre 2006, concernant les affaires intergouvernementales — l'imposition de limites officielles sur le pouvoir fédéral de dépenser.

PROJET DE LOI SUR LES CONSULTATIONS CONCERNANT LA NOMINATION DES SÉNATEURS

LES CANDIDATS LORS D'UNE CONSULTATION—LES QUALITÉS REQUISES PAR LA CONSTITUTION

(Réponse à la question posée le 14 décembre 2006 par l'honorable Daniel Hays)

Le projet de loi C-43, Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs, ne propose aucun changement aux qualités exigées des sénateurs selon la Constitution, ni aux conditions de récusation, qui continueront de s'appliquer telles quelles aux personnes appelées à siéger au Sénat par le gouverneur général. Les qualités exigées des sénateurs sont énoncées à l'article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 et comprennent l'âge, la citoyenneté, la propriété et le domicile. Les conditions de récusation sont énoncées à l'article 31 de la Loi constitutionnelle de 1867 et incluent la faillite et la perte de la qualification reposant sur la propriété ou le domicile.

Pour être admissible à se porter candidat dans le cadre du processus de consultation, la personne devra posséder deux des qualités prévues dans la Constitution au moment de faire acte de candidature : être âgée de trente ans et détenir la citoyenneté canadienne. Les autres qualifications, notamment la qualification foncière au Québec prescrite par le paragraphe 23(6), s'appliqueront aux candidats choisis au moment de la nomination au Sénat, comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Cette façon de procéder facilite la tenue de consultations concernant le choix des sénateurs, y compris au Québec. Elle laisse aussi du temps aux candidats choisis avant la nomination pour se conformer aux autres exigences à l'égard desquelles on peut présumer qu'ils ont davantage de contrôle qu'en ce qui concerne l'âge et la citoyenneté. L'objectif visé est de rendre le processus aussi accessible que possible aux candidats, tout en respectant les qualifications constitutionnelles.

Le pouvoir de déterminer si un sénateur satisfait aux qualifications constitutionnelles, que l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1867 confère au Sénat lui-même, demeure lui aussi inchangé.

LES AFFAIRES INTERGOUVERNEMENTALES

LA POSSIBILITÉ DONNÉE AUX PROVINCES DE REFUSER DE PARTICIPER AUX PROGRAMMES FÉDÉRAUX

(Réponse à la question posée le 7 décembre 2006 par l'honorable Francis Fox)

Le gouvernement du Canada favorise une approche du fédéralisme fondée sur le plein respect des compétences provinciales. Un des principaux éléments de cette approche est le recours au pouvoir fédéral de dépenser. Certains s'inquiètent du fait que des initiatives fédérales ont souvent imposé de nouvelles conditions et des pressions en matière de dépenses aux gouvernements provinciaux et territoriaux. L'accroissement des dépenses fédérales dans des champs de responsabilité essentiellement provinciale ont souvent engendré :

  • des tensions entre le gouvernement fédéral et les provinces et territoires lorsque les dépenses ont été engagées sans consultation adéquate ou sans consensus sur les priorités;
  • des coûts supplémentaires pour les provinces et les territoires, lesquels risquent de fausser leurs priorités de dépenses, surtout lorsque les initiatives exigent une contribution équivalente; et
  • une plus grande incertitude lorsque des initiatives ont été lancées sans qu'une contribution fédérale stable et à long terme ait été assurée.

L'accroissement des dépenses fédérales dans des domaines de responsabilité provinciale et l'attention insuffisante accordée aux domaines relevant clairement du gouvernement fédéral ont eu pour effet de créer des problèmes de reddition de comptes, car il est ainsi plus difficile pour les Canadiens de déterminer quel ordre de gouvernement devrait avoir à rendre des comptes au sujet d'une politique ou d'une initiative donnée.

Compte tenu de ces inquiétudes, le gouvernement du Canada estime que le recours au pouvoir fédéral de dépenser devrait s'effectuer en fonction de rôles et de responsabilités clairs. Cela est essentiel pour s'assurer que les Canadiens peuvent tenir leurs gouvernements responsables de leurs gestes. Cette approche nécessite le respect des champs de compétence provinciale, la concentration des efforts fédéraux sur les réformes et les investissements dans les grands domaines de responsabilité fédérale, ainsi qu'une adéquation des revenus aux responsabilités en matière de dépenses.

C'est pourquoi le gouvernement du Canada a pris des engagements clairs au regard de son pouvoir de dépenser. Lors du dépôt du Budget de 2006, il a présenté un document intitulé « Rétablir l'équilibre fiscal au Canada » dans lequel il déclare ce qui suit : « Conformément à l'Entente-cadre sur l'union sociale signée en 1999 par le gouvernement fédéral et toutes les provinces, à l'exception du Québec, le gouvernement du Canada limitera le recours au pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines de responsabilité provinciale, dans le but :

  • de faire en sorte que les nouveaux programmes à coûts partagés lancés dans des domaines de responsabilité provinciale fassent au préalable l'objet du consentement d'une majorité de provinces; et
  • de reconnaître aux provinces et aux territoires un droit de retrait avec compensation des programmes fédéraux à coûts partagés, à condition que des programmes similaires comportant des structures de reddition de comptes équivalentes soient offerts. »

Par la suite, ces engagements ont été réitérés dans Avantage Canada.

Le gouvernement est résolu à rendre les dépenses fédérales plus empreintes de transparence, de responsabilité et de rigueur, et à offrir de meilleures possibilités aux Canadiennes et aux Canadiens dans toutes les régions du pays.

PROJET DE LOI SUR LES PONTS ET TUNNELS INTERNATIONAUX

MESSAGE DES COMMUNES—ADOPTION DES AMENDEMENTS DU SÉNAT

Son Honneur le Président annonce qu'il a reçu des Communes un message informant le Sénat qu'elles ont adopté les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-3, Loi concernant les ponts et tunnels internationaux et modifiant une loi en conséquence, sans y apporter d'autres amendements.


(1500)

[Traduction]

ORDRE DU JOUR

LA LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

PROJET DE LOI MODIFICATIF—DEUXIÈME LECTURE—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur LeBreton, C.P., appuyée par l'honorable sénateur Comeau, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (durée du mandat des sénateurs).

L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui pour appuyer la motion tendant à la deuxième lecture, qu'a proposée mon leader au Sénat il y a un certain temps. Le projet de loi S-4, qui propose de limiter la durée du mandat des sénateurs, étant relativement succinct, j'espère qu'il passera l'étape de la deuxième lecture dans un proche avenir. Les membres de cette assemblée auront amplement l'occasion de discuter au comité de tous les aspects qui pourront les intéresser à juste titre.

Le comité, sous la très compétente présidence du sénateur Hays, s'est penché de façon passablement approfondie sur le contenu du projet de loi. Permettez-moi de dire en passant, à titre de membre de la promotion de 2005, à quel point je suis heureux que le sénateur Hays fasse désormais partie du Conseil privé de Sa Majesté pour le Canada. Le Conseil privé sera très honoré de le compter parmi les membres de ce groupe de conseillers canadiens distingués de Sa Majesté.

Si je préconise l'adoption de cette mesure législative au Sénat, c'est que j'estime que la qualité du débat constitutionnel serait rehaussée si nous confiions au comité l'étude plus approfondie de cette question. Je signale aux honorables sénateurs de tous les partis que le comité qui s'est penché sur cette question l'a fait de façon fort approfondie et réfléchie. J'ai eu le privilège de faire partie de ce comité. Quelque 26 témoins ont comparu devant lui et ont présenté des avis divergents et constructifs. Le personnel du comité a effectué un travail exceptionnel. Bon nombre des honorables sénateurs qui ont des avis assez tranchés ont également eu l'occasion de participer aux délibérations de ce comité.

Nous sommes maintenant saisis d'une mesure législative qui porte sur un aspect assez restreint des affaires du Sénat, à savoir la durée du mandat des sénateurs. Je prends bonne note des préoccupations exprimées de part et d'autre concernant l'intégration de ce projet de loi à un plan d'ensemble plus vaste. Il y a actuellement à l'autre endroit un projet de loi portant sur les modalités de consultation des Canadiens concernant une liste de sénateurs éventuels, dans le cadre de la Constitution actuelle. Je conviens qu'il existe des points de vue divergents quant à la constitutionnalité de cette disposition particulière. Toutefois, aucune initiative du Sénat tendant à faire avancer le projet de loi S-4 ne limitera le débat à l'autre endroit ou la capacité de notre Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'accorder l'attention nécessaire à la question de la durée du mandat des sénateurs.

À cet égard, je trouve très intéressante la position du nouveau chef du Parti libéral du Canada, Stéphane Dion, qui a fait preuve, je crois, d'une grande perspicacité et de beaucoup de jugement lorsqu'il a parlé de la nécessité de procéder, si possible, à une certaine réforme du Sénat sans s'enliser dans la Constitution. Le 8 mai, il a dit qu'à son avis, le meilleur moyen d'aborder la réforme du Sénat consiste à le faire sans toucher à la Constitution. À titre d'exemple, il a mentionné qu'on pourrait peut-être demander aux sénateurs de s'engager à quitter le Sénat après six ans, ce qui ne nécessiterait pas l'accord des provinces. Il a ainsi contribué, à titre d'expert en administration publique, à l'exploration de nouveaux moyens de faire des progrès sans se laisser prendre au piège constitutionnel qui, comme nous le savons tous, est particulièrement difficile et problématique.

Honorables sénateurs, j'ai eu le grand privilège de faire partie, avec le nouveau leader de l'opposition au Sénat, madame le sénateur Hervieux-Payette, du groupe des 21. Ce groupe de Canadiens a été formé, après l'échec de l'accord du lac Meech aux Assemblées législatives de Terre-Neuve-et-Labrador et du Manitoba, pour essayer de trouver des moyens de faire progresser l'équité, la décence et la réforme démocratique sans modifier la Constitution. Les membres de ce groupe étaient unanimes à croire qu'en matière d'équité et de représentation, nous pouvons faire des progrès sans toucher à la Constitution et qu'il n'était pas nécessaire de suspendre l'évolution du pays et de ses institutions en attendant une solution constitutionnelle alors que d'autres possibilités existent.

Honorables sénateurs, je voudrais suggérer, le plus respectueusement possible, dans l'esprit d'impartialité qui règne aujourd'hui, qu'avec l'avènement d'une nouvelle direction de l'autre côté, nous envoyions un puissant message à l'autre endroit et aux Canadiens au sujet de notre volonté commune de ne pas adopter des initiatives sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord, mais d'étudier d'une façon soigneuse, à l'endroit voulu, les mesures législatives dont nous sommes saisis depuis des mois.

Je sais où mon bon ami, le sénateur Murray, veut en venir au sujet de ce projet de loi. Il voudra savoir ce que je pense d'une modification rétroactive qui supprimerait les droits acquis des membres actuels du Sénat. Il posera peut-être cette question. Je n'en serais pas surpris. Je suis sûr d'exprimer le point de vue de tous les sénateurs. Nous menons tous une vie active en dehors du Sénat. Nous sommes ici pour servir le public. Si une réforme de nos institutions démocratiques peut être réalisée et que nous sommes appelés à consentir à différents sacrifices, comme cela a été le cas dans le passé, nous serons à la hauteur de la tâche.

Sur la base des discussions qui ont eu lieu ici, plus de 25 sénateurs ont posé ou soulevé des questions au sujet du projet de loi S-4. Je crois que nous en sommes au point où, sans renoncer à ce qui sépare un côté de l'autre de la Chambre, nous devons reconnaître la diversité des opinions exprimées au sein de l'opposition officielle. J'ai noté, à la lecture du hansard, que le point de vue de l'opposition officielle est loin d'être monolithique. Si nous avions les mêmes divergences de notre côté, on aurait pu parler de divisions insurmontables, mais je ne voudrais pas utiliser un tel vocabulaire parce que ce serait antiparlementaire. L'étendue et la diversité des points de vue exprimés de l'autre côté en disent beaucoup sur l'excellent travail qu'un comité pourrait faire si nous pouvions lui renvoyer le projet de loi pour que de grands esprits, des témoins réfléchis et d'éminents parlementaires puissent étudier en détail les quelques paragraphes de cette mesure législative. J'exhorte les sénateurs à étudier très sérieusement le projet de loi.

L'honorable Terry M. Mercer : Est-ce que l'honorable sénateur accepterait une question?

Le sénateur Segal : Volontiers.

Le sénateur Mercer : Le sénateur Segal veut-il nous expliquer ce qu'il entendait lorsqu'il a parlé de modification rétroactive? A-t-il la bénédiction de son caucus et de son parti en avançant cet argument?

Le sénateur Segal : J'aimerais être clair au sujet de ce que j'ai fait ou n'ai pas fait. J'essayais de formuler mes humbles observations concernant la question que le sénateur Murray a posée plus tôt au sénateur St. Germain : si on est en faveur du projet de loi S-4, est-ce qu'on continuerait de l'appuyer si ses dispositions étaient rétroactives? À cet égard, je suis à la disposition de notre Chambre. Si le comité est saisi du projet de loi et recommande qu'il soit appliqué avec effet rétroactif, je serai enchanté d'examiner la recommandation en fonction de sa valeur propre. Je suis sûr que le Sénat l'examinerait d'une façon aussi parlementaire que réfléchie. Je serais parfaitement disposé à me plier à la volonté de la Chambre à cet égard.

L'honorable James S. Cowan : Je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président : L'honorable sénateur Cowan, avec l'appui de l'honorable sénateur Milne, propose que le débat se poursuive à la prochaine séance du Sénat. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l'emportent.

Et deux honorables sénateurs s'étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente entre les whips au sujet de la durée de la sonnerie?

Le sénateur Stratton : Trente minutes.

Le sénateur Cowan : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Convoquez les sénateurs. Comme il est 15 h 10, la sonnerie retentira pendant les 30 prochaines minutes.

(1540)

(La motion est adoptée, et le débat est ajourné.)

POUR
LES HONORABLES SÉNATEURS

Austin Hays
Bacon Hervieux-Payette
Biron Hubley
Bryden Jaffer
Callbeck Joyal
Carstairs Mercer
Chaput Milne
Cook Mitchell
Corbin Munson
Cowan Murray
Dawson Pépin
Downe Peterson
Dyck Phalen
Eggleton Poulin
Fairbairn Poy
Fitzpatrick Ringuette
Fraser Robichaud
Furey Rompkey
Gill Stollery
Goldstein Tardif
Grafstein Trenholme Counsell
Harb Watt—44

CONTRE
LES HONORABLES SÉNATEURS

Andreychuk LeBreton
Angus Nancy Ruth
Champagne Nolin
Comeau Oliver
Di Nino Segal
Eyton Stratton
Johnson Tkachuk—15
Keon

ABSTENTIONS
LES HONORABLES SÉNATEURS

Cools Prud'homme—2

PROJET DE LOI NO 2 D'EXÉCUTION DU BUDGET DE 2006

DEUXIÈME LECTURE—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Consiglio Di Nino propose que le projet de loi C-28, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 2 mai 2006, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, avant de parler du projet de loi C-28, j'aimerais féliciter la nouvelle équipe de leaders, les sénateurs Hervieux-Payette, Tardif et Cowan. Je leur souhaite bonne chance et j'espère que notre coopération sera mutuelle.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 vise à mettre en œuvre des mesures que le nouveau gouvernement du Canada a proposées dans le budget de 2006, mais qui ne figurent pas dans la Loi d'exécution du budget. Cette loi, qui a reçu la sanction royale en juin dernier, constitue la première des nombreuses étapes comprises dans le plan à long terme du nouveau gouvernement, dont l'objectif est de bâtir un Canada plus compétitif et plus productif qui suscitera la fierté de tous les Canadiens. Je décrirai d'abord en quoi consiste ce plan, et j'expliquerai ensuite le rôle qu'y joue le projet de loi C-28.

Comme les sénateurs le savent, parallèlement à sa mise à jour économique et financière de cet automne, le ministre des Finances a présenté son plan intitulé Avantage Canada le 23 novembre 2006. Ce plan à long terme a pour but d'engager solidement le Canada dans la voie de l'avenir. Avantage Canada propose de renforcer l'économie du Canada pour lui permettre de devenir un chef de file mondial offrant une qualité de vie inégalée. Pour ce faire, le plan propose de mettre à contribution certains avantages économiques. L'avantage fiscal permettra de réduire l'impôt de tous les Canadiens et stimulera la concurrence sur le plan fiscal en nous permettant d'établir le plus faible taux d'imposition sur les nouveaux investissements des entreprises au sein des pays du G7. L'avantage financier nous permettra d'éliminer complètement la dette nette de l'ensemble de l'administration publique en moins d'une génération. L'avantage entrepreneurial réduira la règlementation inutile et les tracasseries administratives et stimulera la concurrence sur le marché canadien. L'avantage du savoir nous permettra de créer la main-d'œuvre la mieux formée, la plus compétente et la plus souple au monde. L'avantage infrastructurel nous permettra de bâtir l'infrastructure moderne dont nous avons besoin. En adoptant des principes et des politiques propices à la création de ces avantages, le nouveau gouvernement du Canada favorisera la croissance économique et la création de débouchés et de choix pour les gens.

(1550)

En travaillant de concert avec les Canadiens, nous voulons bâtir une économie prospère qui donnera aux Canadiens ce qu'ils méritent : de bons emplois rémunérateurs; la capacité d'économiser davantage en prévision de la retraite; la chance de se lancer en affaires; la possibilité d'aider leurs enfants et leurs petits- enfants, ce que la plupart d'entre nous au Sénat comprennent fort bien; et la chance d'améliorer leur qualité de vie. Les Canadiens ont confié au Parti conservateur le soin de favoriser tout cela, et c'est ce que nous faisons. Comme promis, nous avons réduit la TPS et nous la réduirons encore. Encore une fois, comme promis, nous avons réduit les impôts des particuliers et des sociétés.

Honorables sénateurs, les mesures que renferme le projet de loi C- 28 misent sur cette action. D'ailleurs, le projet de loi reflète les objectifs du nouveau gouvernement canadien qui consistent à ouvrir de nouveaux horizons pour les Canadiens et à leur offrir des choix. En décrivant les principales dispositions du projet de loi C-28, je vais montrer comment cette mesure appuie le plan du gouvernement pour l'avenir du Canada.

[Français]

Honorables sénateurs, j'ai dit que le gouvernement a réduit l'impôt des sociétés. Cela témoigne du fait que les entreprises canadiennes constituent un important rouage de notre économie.

Le gouvernement veut donc fournir aux entreprises un cadre qui leur permette de prospérer et d'affronter résolument la concurrence internationale.

Dans le projet de loi budgétaire adopté en juin dernier, le gouvernement a prévu de faire passer le taux d'imposition général de l'impôt sur le revenu des sociétés de 21 p. 100 à 19 p. 100 d'ici le 1er janvier 2010. Le Plan d'équité fiscale déposé récemment propose de réduire encore ce taux pour qu'il s'établisse à 18,5 p. 100 en 2011.

Le projet de loi budgétaire de juin a aussi éliminé la surtaxe des sociétés à compter de 2008 et aboli l'impôt fédéral sur le capital à compter du 1er janvier 2006, soit deux ans plus tôt que prévu.

[Traduction]

Aujourd'hui, le projet de loi C-28 va encore plus loin pour aider les petites entreprises. Ces dernières bénéficieront d'une réduction proposée du taux d'imposition qui passera de 12 p. 100 à 11,5 p. 100 en 2008, puis à 11 p. 100 en 2009. De plus, à compter du 1er janvier 2007, le revenu auquel s'applique le taux d'imposition des petites entreprises sera haussé, passant de 300 000 $ à 400 000 $. Les petites entreprises sont le moteur de notre croissance économique. En les appuyant au moyen de ces deux mesures, nous aiderons les vaillants entrepreneurs, leurs familles et leurs employés dans les villes et les régions de tout le Canada.

Honorables sénateurs, en établissant le budget de 2006, le gouvernement s'est particulièrement efforcé d'améliorer l'équité de notre régime fiscal. Le projet de loi C-28 tient compte de cet objectif en accordant aux pêcheurs une réduction de l'impôt sur les gains en capital. Cela comprend une extension de l'exonération cumulative des gains en capital de 500 000 $ et un transfert entre générations pour les entreprises de pêche. Cette disposition confère plus d'équité à cette importante industrie en lui accordant le même traitement de l'impôt sur les gains en capital qu'à l'industrie agricole.

[Français]

Le nouveau gouvernement du Canada ne s'est pas arrêté à ces mesures dans le cadre de ses efforts en vue d'aider les entreprises canadiennes à devenir plus concurrentielles.

Ainsi, ce projet de loi propose de modifier l'impôt minimum des institutions financières, ce qui permettra de tenir compte de la croissance de ce secteur depuis l'instauration de cet impôt.

Le projet de loi C-28 propose aussi d'éliminer la double imposition fédérale des dividendes de grandes sociétés. Non seulement cette réduction d'impôt favorisera l'épargne et l'investissement, mais elle aidera aussi à stimuler la croissance économique.

De plus, en vertu de ce projet de loi, le total de l'impôt sur le revenu des particuliers et de l'impôt des sociétés payé sur les bénéfices distribués sous forme de dividendes sera plus comparable à celui de l'impôt payé sur les intérêts versés et les montants distribués par des fiducies de revenus.

[Traduction]

Honorables sénateurs, le projet de loi C-28 vise à assurer aux Canadiens les incitatifs, les possibilités et les choix nécessaires pour accéder à une meilleure qualité de vie. C'est l'instruction et la formation qui leur permettront d'y arriver. Les étudiants postsecondaires recevront un coup de main. Ils bénéficieront d'un nouveau crédit d'impôt non remboursable qui traduira une meilleure reconnaissance fiscale du coût des manuels. Ce crédit sera mis en application pour 2006 et les années d'imposition subséquentes. Cette mesure, qui suppose des règles d'admissibilité identiques à celles du crédit pour études, profitera à près de deux millions d'étudiants postsecondaires à temps plein et à temps partiel.

Honorables sénateurs, aider à assumer le coût des manuels ne représente qu'une façon qu'a le nouveau gouvernement du Canada d'aider les étudiants postsecondaires. Ces étudiants qui travaillent fort ont aussi besoin d'être appuyés dans leur parcours scolaire. La première tranche de 3 000 $ du revenu touché au titre d'une bourse d'études ou d'une bourse de perfectionnement par un étudiant postsecondaire n'est pas assujettie à l'impôt. Le projet de loi C-28 propose d'exonérer complètement ces sources de revenu. Cette disposition importante favorisera l'excellence en accordant un allégement fiscal à plus de 100 000 étudiants postsecondaires.

À l'heure actuelle, de nombreux étudiants occupent des emplois à temps partiel pour joindre les deux bouts. Les dispositions fiscales décrites, combinées aux crédits pour frais de scolarité et aux crédits pour études, permettront à l'étudiant à temps plein type de gagner presque 19 000 $ sans devoir payer de l'impôt fédéral sur le revenu en 2007.

Comme les sénateurs peuvent le constater, le nouveau gouvernement du Canada s'est engagé à aider les Canadiens à réaliser tout leur potentiel, mais que se passe-t-il lorsqu'ils arrivent sur le marché du travail? Notre travail n'est pas terminé. Nous devons aider les employeurs — c'est-à-dire, les entreprises canadiennes — à trouver les travailleurs qualifiés dont ils ont besoin. À cette fin, certains des points saillants de ce projet de loi sont les propositions visant à aider les travailleurs canadiens, ou ceux qui veulent le devenir, qui éprouvent des difficultés financières.

Prenons, par exemple, le nouveau crédit canadien pour emploi. Le gouvernement en place reconnaît que pour certains Canadiens à faible revenu, les frais associés au travail, tels que ceux des uniformes et du matériel de sécurité qu'exige un emploi, peuvent être un obstacle à l'entrée sur le marché du travail. Le crédit canadien pour emploi représente un crédit d'impôt pouvant atteindre 250 $ pour 2006 et 1 000 $ à compter de 2007. Ce crédit augmentera nettement le montant du revenu que les travailleurs canadiens pourront toucher sans devoir payer d'impôt fédéral sur le revenu. D'ailleurs, compte tenu des augmentations du montant personnel de base, les gains en franchise d'impôt frôleront 10 000 $ d'ici 2007. Les employés seront davantage sur un pied d'égalité avec les autres Canadiens qui sont des travailleurs autonomes, pour ce qui est de la reconnaissance fiscale pour les dépenses qu'ils engagent afin de gagner un revenu.

Honorables sénateurs, les gens de métier sont souvent tenus de fournir leurs propres outils dans le cadre de leur emploi. Nous savons comme cela peut coûter cher, surtout au début d'une carrière.

Le projet de loi C-28 propose pour les gens de métier une nouvelle déduction pouvant atteindre 500 $ applicable au coût d'outils dépassant 1 000 $ qu'ils doivent acheter dans le cadre de leur emploi. Cette déduction d'impôt, jointe au crédit canadien pour emploi, fournira un allégement fiscal à environ 700 000 employés.

Ce ne sont pas les seules dispositions du projet de loi C-28 qui aideront les Canadiens à joindre la population active. Grâce à un nouveau crédit d'impôt pour la création d'emplois d'apprentis qui est prévu dans le projet de loi et dont la date d'entrée en vigueur est le 2 mai 2006, date de l'exposé budgétaire, les employeurs admissibles ont droit à un crédit égal à 10 p. 100 du salaire des apprentis admissibles pendant les deux premières années de leur contrat d'apprentissage. Le crédit maximum que l'employeur peut toucher est de 2 000 $ par apprenti et par année. Cette mesure encouragera l'embauche de nouveaux apprentis pour qu'ils apprennent leur métier.

(1600)

[Français]

Jusqu'à présent, j'ai parlé de réductions d'impôt sur le revenu des particuliers, de l'impôt des sociétés. J'ai aussi parlé de mesures conçues pour aider les Canadiens à entreprendre une carrière. Mais qu'en est-il des retraites? Le nouveau gouvernement a aussi proposé des mesures pour venir en aide aux Canadiens qui touchent un revenu de pension. Comme vous le savez, à l'heure actuelle, un crédit d'impôt s'applique à la première tranche de 1 000 $ de revenu de pension admissible. Ce montant n'a pas été modifié depuis 30 ans. C'est pourquoi, dans son premier budget, le nouveau gouvernement du Canada a tenu compte de la situation des Canadiens qui ont travaillé fort toute leur vie et qui ont épargné afin de jouir pleinement d'une retraite bien méritée.

Le projet de loi C-28 propose de doubler le montant maximal de revenu de pension admissible qui sert au calcul du crédit pour revenu de pension, en le portant à 2 000 $ pour les années d'imposition de 2006 et les suivantes. Cette mesure profitera à près de 3 millions de contribuables qui touchent un revenu de pension admissible. Il fera en sorte qu'environ 85 000 pensionnés ne payeront plus d'impôt fédéral sur le revenu.

[Traduction]

Honorables sénateurs, j'ai dit au début de mon intervention que le nouveau gouvernement du Canada est déterminé à améliorer la qualité de vie des Canadiens. Je crois que mes propos jusqu'à maintenant le confirment. Mais nous pouvons faire davantage. Soucieux d'offrir un environnement plus propre et plus sain, le gouvernement veut encourager la fréquentation des transports en commun. Ceux d'entre nous qui ont été piégés dans la circulation de l'heure de pointe sur le Queensway, à Toronto ou sur d'autres routes de notre grand pays comprendront facilement qu'une plus grande utilisation des transports en commun atténuera forcément la congestion routière. De plus, l'environnement s'en portera mieux.

Dans le cadre du programme environnemental du gouvernement, le projet de loi C-28 propose un crédit d'impôt pour l'achat des laissez-passer mensuels ou de plus longue durée pour les transports en commun. Cette mesure, qui s'applique depuis le 1er juillet 2006, encouragera la fréquentation des transports publics en les rendant plus abordables pour quelque 2 millions de Canadiens qui empruntent ce mode de transport respectueux de l'environnement.

Honorables sénateurs, bien des choses peuvent contribuer à améliorer la qualité de vie des Canadiens : allégement des impôts, aide à l'éducation, mesures environnementales. En définitive, où en serions-nous sans la santé? Là aussi, le gouvernement veut donner un coup de pouce. Et l'idéal est de commencer avec les enfants. Des études montrent qu'une activité physique régulière a de nombreux effets bénéfiques sur les enfants, dont une croissance et un développement plus sains et une meilleure condition physique. Des études font également ressortir que les saines habitudes acquises en bas âge subsistent à l'âge adulte.

Pour promouvoir la bonne condition physique chez les enfants et aider les parents à assumer les dépenses des programmes de sport, le projet de loi C-28 propose le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, qui devait entrer en vigueur le 1er janvier 2007. Il pourra être réclamé à l'égard de frais admissibles d'un maximum de 500 $ pour chaque enfant de moins de 16 ans qui participe à des programmes d'activité physique. Les activités admissibles sont le hockey, le soccer, la danse folklorique, la randonnée et d'autres programmes qui exigent une dépense physique appréciable et que l'Agence du revenu du Canada juge admissibles.

Le dernier groupe de dispositions du projet de loi aidera les petits producteurs de bière et de vin à 100 p. 100 canadien. Les viticulteurs qui utilisent des produits agricoles canadiens n'auront pas à payer les droits d'accise, ce qui se traduira par des économies de plus de 10 millions de dollars pendant la première année complète pour une industrie qui crée des emplois, contribue au tourisme et exporte une partie de sa production. Les petites brasseries bénéficieront de droits réduits sur les 75 000 premiers hectolitres de bière qu'elles produisent. Sur les 2 000 premiers hectolitres, les économies seront de 90 p. 100.

[Français]

En conclusion, ce projet de loi aide le nouveau gouvernement à réaliser son objectif de contribuer au mieux-être des Canadiens. Il ne fait plus de doute que le Canada présente un potentiel énorme. Au Canada, les gens peuvent réaliser leurs rêves, les familles peuvent profiter d'une qualité de vie sans égale et les entreprises et autres organisations peuvent parvenir à l'excellence sur la scène internationale.

Les mesures contenues dans le projet de loi C-28 peuvent nous aider à réaliser ce potentiel. Je vous encourage donc, honorables sénateurs, à appuyer pleinement ce projet de loi.

[Traduction]

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question à mon collègue.

Dans son intervention, le sénateur a parlé des initiatives du nouveau gouvernement, mais, à ce propos, il a parlé de l'élimination de la dette nette. Nous savons tous que la dette dépasse les 400 milliards de dollars. Mon collègue aurait-il l'obligeance d'expliquer au Sénat ce qu'il entend par « dette nette » et comment le gouvernement entend éliminer cette dette au cours de la période prévue?

Le sénateur Di Nino : Je remercie le sénateur de sa question. D'abord, il importe de signaler que le plus grand effort de réduction de la dette a été fait au cours de l'année écoulée, car le ministre des Finances a fait un remboursement qui s'élève, sauf erreur, à 13,6 milliards de dollars. Un remboursement de cette ampleur ne s'était pas vu depuis de longues années.

Le gouvernement s'est engagé à accélérer la réduction de la dette pendant la période précisée. On n'a donné aucun détail, car il est impossible de le faire, mais le sénateur conviendra que le remboursement de 13,6 milliards de dollars, il y a quelque mois, témoigne de l'intention du gouvernement d'honorer son engagement.

Le sénateur Harb : Il est évident que, lorsque le gouvernement fait une déclaration, cette déclaration repose sur des prévisions. Le gouvernement a-t-il présenté les prévisions de croissance économique dont il parle? Quels seront les revenus de l'État? Quel est le calendrier? Cinq ans? Mon collègue voudra peut-être nous dire quelles sont les prévisions sur lesquelles le gouvernement s'appuie pour établir son plan de réduction de la dette nette? Je me demande quelle est la différence entre la dette nette et la dette réelle. Nous avons tous l'habitude de parler de dette réelle. Mon collègue peut-il expliquer ce qu'il entend par « dette nette »?

Le sénateur Di Nino : Je rappelle au sénateur que mes affirmations se rapportent à l'exposé économique et financier que le ministre des Finances a présenté le 23 novembre et qui, si ma mémoire est fidèle, s'intitulait « Avantage Canada ». Le gouvernement y a pris un engagement, mais il n'a pas présenté de détails précis. Comme le ministre l'a alors dit, au fil du temps, ces engagements seront étoffés, et des détails seront communiqués. Il n'y a pas de lien entre cet exposé et le projet de loi à l'étude ou le budget. C'est une déclaration que le ministre des Finances a faite dans son exposé économique.

L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement et secrétaire d'État (Aînés)) : C'est exact. Nous communiquerons le texte au sénateur.

L'honorable Sharon Carstairs : La question que j'ai à poser au sénateur porte sur le crédit d'impôt destiné aux familles dont les enfants participent à une activité physique vigoureuse qui accélère le rythme cardiaque. Le sénateur a parlé du hockey et du soccer.

(1610)

Si j'ai bien compris le programme, les 500 $ payés par les parents leur assurent une réduction extraordinaire de 75 $ sur le total de leurs impôts. Je trouve cependant intéressant le fait que très peu de parents à faible revenu ou vivant de l'aide sociale peuvent se permettre de verser 500 $ pour inscrire un enfant à un programme de hockey ou de soccer.

Le gouvernement ne croit-il pas que les enfants des familles de travailleurs à faible revenu et de bénéficiaires de l'aide sociale devraient aussi être encouragés à faire de l'exercice?

Le sénateur Di Nino : Je voudrais remercier l'honorable sénateur pour sa question.

Il est important de se rendre compte que ce n'est qu'un programme parmi d'autres réalisés l'année dernière. Il faut reconnaître en outre qu'au cours des 12 derniers mois, parce que le gouvernement n'est au pouvoir que depuis 12 mois, un certain nombre de mesures ont été prises : réduction de la TPS, réduction de l'impôt sur le revenu des particuliers et réduction de l'impôt des sociétés. Toutes sortes d'autres mesures ont été prises.

Dans ce projet de loi, le gouvernement dit que si les parents encouragent leurs enfants de moins de 16 ans à suivre un programme structuré, au sein d'une ligue, d'une organisation ou d'un club — j'essaie d'inclure les Boy Scouts, auxquels je m'intéresse, comme quelques sénateurs le savent —, les frais acquittés jusqu'à concurrence de 500 $ feront l'objet d'un crédit d'impôt.

Ce crédit profitera à des gens de différents niveaux, selon leur taux marginal d'imposition. Il pourrait ne rapporter que 75 $, mais il pourrait en rapporter davantage. Je suis sûr cependant que ma collègue conviendra que même 75 $ représentent beaucoup d'argent pour une jeune famille. Ce n'est peut-être pas beaucoup d'une façon générale, mais, quel que soit le montant, c'est plus que les gens n'en recevaient auparavant.

Considérer cette mesure séparément est injuste. Le projet de loi porte sur des programmes d'apprentissage, des crédits d'impôt pour l'achat d'outils et de nombreuses autres questions. Quand tout cela est mis ensemble, l'honorable sénateur conviendra, je crois, qu'il s'agit d'un grand progrès par rapport à ce qui existait auparavant.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur me permettra de dire, avec respect, que si tout cela est mis ensemble, ce sont les couches supérieures de la classe moyenne et les riches qui en profitent. Les travailleurs à faible revenu et les bénéficiaires de l'aide sociale n'en profitent pas.

Le sénateur LeBreton : Oui, ils en profitent.

Le sénateur Carstairs : Le gouvernement refuse-t-il systématiquement d'aider ceux qui ne gagnent que peu d'argent ou qui n'en gagnent pas du tout?

Le sénateur Di Nino : Je suis tenté de verser dans des arguments politiques, mais je ne veux pas le faire.

Si nous considérons les laissez-passer de transport en commun, ce ne sont pas les riches qui en profitent. Tous les Canadiens en bénéficieront. Pensez au nombre de personnes âgées qui n'auront plus à payer de l'impôt par suite des mesures prises dans ce seul projet de loi, sans parler de toutes les autres mesures. Ce projet de loi soustraira des pauvres à l'impôt. Ils vont donc en bénéficier.

Il est injuste de soutenir que le gouvernement ne se soucie pas des pauvres. En l'espace d'un an, je crois que nous en avons accompli beaucoup plus que le gouvernement précédent en 13 ans.

Une voix : Allons donc.

Le sénateur Di Nino : Je ne tiens pas à me lancer dans un débat politique. Je peux cependant le faire, si les honorables sénateurs le souhaitent.

J'estime que nous devons examiner les choses d'une façon équitable et reconnaître que le gouvernement en a fait beaucoup en l'espace de 12 mois. Combien encore en fera-t-il dans les mois à venir? C'est la question que nous devrions nous poser.

Le sénateur Cowan : C'est effectivement ce que nous voulons savoir.

Le sénateur Fraser : Oui, c'est bien cela qui nous inquiète.

Le sénateur Carstairs : Je répète, avec tout le respect que je dois à l'honorable sénateur, que les gens qui ont le plus besoin de services de garde d'enfants n'en recevront pas. Les parents qui ont le plus besoin d'aide pour garder leurs enfants actifs n'obtiendront rien.

Avec tout le respect que je lui dois, je crois que le sénateur devrait sentir l'odeur du café et se rendre compte, au sujet du programme d'aide au transport en commun, que les travailleurs à faible revenu du pays n'ont pas les moyens d'utiliser le transport en commun à cause du manque d'appui pour ce mode de transport.

Le sénateur Di Nino : Je suis tenté de m'asseoir et de ne plus rien dire, mais je prends de l'espresso. Je sens tout le temps l'odeur du café, qui est très bonne et très forte.

Si les honorables sénateurs veulent bien examiner les dispositions de fond du projet de loi, ils constateront qu'il comporte des avantages tels que le crédit canadien pour emploi, le crédit d'impôt pour manuels, le crédit d'impôt pour le coût des laissez-passer de transport en commun, la déduction pour les dépenses d'outillage des gens de métier, le crédit d'impôt pour la condition physique des enfants, l'exonération du revenu de bourses d'études, l'augmentation du crédit pour revenus de pension des personnes âgées, le crédit d'impôt pour la création d'emplois d'apprentis, la réduction du taux d'imposition des petites entreprises....

Le sénateur Comeau : Encore.

Le sénateur Di Nino : ... et les gains en capital. Mon collègue voudrait peut-être que nous acceptions tous une réduction de 10 p. 100 de notre traitement, qui irait à une œuvre de bienfaisance. Si une telle mesure était proposée ici, je serais le premier à y souscrire.

L'honorable Marilyn Trenholme Counsell : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sujet du crédit de 500 $ pour les sports. Permettez-moi d'abord de formuler une observation au sujet de l'expression « Boy Scouts », qui n'a plus cours aujourd'hui. On dit maintenant Scouts Canada, et cela s'applique aussi bien aux garçons qu'aux filles. Les deux sont égaux.

Des voix : C'est honteux.

Le sénateur Di Nino : Je suis bien d'accord, c'est honteux.

Le sénateur Trenholme Counsell : Le sénateur a-t-il mentionné que la randonnée fait partie des sports admissibles?

Le sénateur Di Nino : Je voudrais tout d'abord féliciter madame le sénateur, qui m'a effectivement pris en flagrant délit. Nous venons juste de travailler fort ensemble pour adopter par voie législative le nom de Scouts Canada. Le projet de loi est maintenant à l'autre endroit. Je suis d'accord avec madame le sénateur et je la remercie d'avoir souligné ce point. Nous avons tous deux le même grand intérêt pour cette organisation.

La randonnée est l'un des exemples figurant dans les documents d'information, qui mentionnent aussi des sports tels que la voile, le golf, le karaté, le soccer et la danse folklorique.

Le sénateur Trenholme Counsell : Je crois savoir qu'il n'est pas du tout facile d'obtenir ce crédit. Il faut avoir une preuve d'inscription et peut-être d'autres documents.

Ce serait merveilleux si ce que l'honorable sénateur dit reflétait effectivement ce que le gouvernement offre. J'aimerais, en fait, avoir plus de détails. Je suis sûre que le sénateur est mieux informé que moi à ce sujet, mais j'ai entendu beaucoup de parents en parler. Il semble que le crédit soit réservé aux sports qui nécessitent l'achat d'un équipement coûteux et le versement de frais d'inscription. Comme le sénateur l'a mentionné, c'est pour ceux qui ont les moyens et non ceux qui empruntent les sentiers de randonnée.

Je ne sais pas si la danse figure dans la liste de sports du sénateur, mais je crois qu'elle devrait y être. Ma fille faisait de la danse écossaise. C'est une activité ardue et coûteuse.

Le sénateur peut-il nous expliquer de quelle façon la randonnée est comprise dans les documents d'information? Ce serait vraiment une bonne chose si c'était le cas.

Le sénateur Di Nino : Oui.

La danse folklorique est l'une des activités comprises dans la liste.

Le sénateur Trenholme Counsell : La randonnée aussi?

Le sénateur Di Nino : Oui, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises.

Nous avons ici une disposition qui permet aux jeunes Canadiens de participer à des activités physiques pouvant améliorer leur santé, les rendre plus forts, en faire de meilleurs citoyens et augmenter leur capacité d'effectuer leur travail scolaire et de mener une vie plus active. Tout le monde conviendra, je crois, que cela est bon.

Honorables sénateurs, il faut établir des règles. Celles-ci sont essentiellement conçues par l'Agence du revenu du Canada. Je n'ai pas ces règles sous la main, mais je ferai de mon mieux pour les mettre à la disposition des honorables sénateurs. On ne peut pas dire : « Dimanche dernier, je suis allé me promener dans le parc; j'aimerais donc recevoir un crédit d'impôt pour les chaussures que j'ai achetées. » Il faut définir des règles pour que les dépenses publiques se fondent sur des critères appropriés.

(1620)

Je sais que la liste que j'ai fournie n'est pas complète. Elle contient des activités physiques qui pourraient être qualifiées de relativement exigeantes. Il va de soi que le soccer entre dans cette catégorie. C'est un sport qui ne coûte pas cher et dont les joueurs n'ont pas à être riches à craquer. La randonnée est un autre sport abordable.

L'honorable Grant Mitchell : Vous récupérez donc 15 $?

Le sénateur Di Nino : Ce pourrait être 75 $ ou 120 $. Le sénateur ne peut considérer seulement un extrême. Il sait pourtant bien que lorsque le contribuable bénéficie d'un crédit d'impôt de 500 $, en fonction du taux marginal d'imposition, il peut en récupérer jusqu'à 50 p. 100.

Le sénateur Mitchell : Ce taux est limité à 15,5 p. 100.

Le sénateur Di Nino : J'espère avoir répondu à la question du sénateur. Je ferai ce que je pourrai pour fournir une liste complète accompagnée de tous les détails pertinents.

Le sénateur Mitchell : J'aimerais éclaircir un point avant d'ajourner le débat. Le sénateur Di Nino a dit que, compte tenu du taux marginal d'imposition d'un contribuable, le crédit d'impôt de 500 $ lui rapporterait un montant plus ou moins élevé. Cependant, ce n'est pas le cas. En fait, le taux utilisé est établi à 15,5 p. 100, soit la tranche d'imposition la plus basse, ce qui représente une augmentation du taux d'imposition, qui passe de 15 à 15,5 p. 100. En fait, à un taux de 15,5 p. 100, cela équivaut à 77,50 $. Par conséquent, le contribuable qui dépense 35 $ pour des souliers de soccer et qui paie 15 $ de frais d'abonnement récupérera environ 10 p. 100 de ces montants.

Il peut donc dire qu'il fait quelque chose pour les familles, mais 8,50 $ ou 10 $ justifient difficilement tout le temps nécessaire pour récupérer une aussi petite somme.

Le sénateur Di Nino : Peut-être pas pour les honorables sénateurs, mais d'autres pourraient bien vouloir en profiter.

L'honorable Hugh Segal : Le sénateur Di Nino a fait une déclaration au sujet d'Avantage Canada et il a mentionné le ministre des Finances en parlant du programme de prestation fiscale pour le revenu gagné. Ce programme, qui a pour but d'améliorer la situation des petits salariés grâce à une prestation fiscale incitative, tient compte du fait que bien des Canadiens qui travaillent d'arrache-pied, certains combinant deux emplois ou plus, ne font même pas assez d'argent pour vivre décemment. Je comprends que ce programme permettrait de maximiser, grâce au système fiscal, leur capacité d'échapper à la catégorie des « petits salariés » et d'aller chercher le revenu dont ils ont besoin.

Compte tenu des effets potentiels moins constructifs de ce crédit d'impôt sur les gens qui gagnent moins de 30 000 $, le sénateur Di Nino pourrait-il s'engager à faire des représentations auprès du ministre des Finances au cours de cette période prébudgétaire de manière à ce que cette question soit examinée au moment où la prestation fiscale pour le revenu gagné sera présentée, peut-être dans le prochain budget?

Sénateur Di Nino : Je m'engage certainement à le faire.

(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)

[Français]

PROJET DE LOI SUR LE REGISTRE DES INSTRUMENTS MÉDICAUX

DEUXIÈME LECTURE—RECOURS AU RÈGLEMENT—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Harb, appuyée par l'honorable sénateur Keon, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-221, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux.

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'aimerais faire quelques commentaires au sujet du projet de loi S-221. Je voudrais d'abord profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue aux nouveaux membres du leadership de l'opposition, soit à madame le sénateur Hervieux- Payette, à madame le sénateur Tardif et au sénateur Cowan. J'aimerais également remercier le sénateur Hays, madame le sénateur Fraser et madame le sénateur Cook pour leur coopération et la collégialité dont nous avons bénéficié lors de la dernière session. Ce fut un très grand plaisir pour moi de travailler avec eux et j'espère que nous aurons à nouveau l'occasion de travailler ensemble.

Honorables sénateurs, je veux ici invoquer le Règlement concernant le projet de loi S-221, Loi prévoyant l'établissement et la tenue d'un registre national des instruments médicaux. Je suis d'avis que ce texte législatif comporte l'affectation de fonds publics et c'est pourquoi il ne peut pas avoir son origine au Sénat.

L'article 81 du Règlement stipule :

Le Sénat ne doit pas procéder à l'étude d'un projet de loi comportant l'affectation de fonds publics, sauf si, à la connaissance du Sénat, le représentant de la Reine a recommandé cette affectation.

Cette règle se fonde sur les articles 53 et 54 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui prévoient qu'un projet de loi de finances doit provenir de l'autre endroit et exige une recommandation royale, qui ne peut être demandée que par la Couronne. Les articles 53 et 54 se lisent comme suit :

Tout bill ayant pour but l'appropriation d'une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d'impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.

Il ne sera pas loisible à la Chambre des Communes d'adopter aucune résolution, adresse ou bill pour l'appropriation d'une partie quelconque du revenu public, ou d'aucune taxe ou impôt, à un objet qui n'aura pas, au préalable, été recommandé à la chambre par un message du gouverneur-général durant la session pendant laquelle telle résolution, adresse, ou bill est proposé.

Permettez-moi aussi d'expliquer pourquoi le projet de loi S-221 est en fait un projet de loi de finances. D'abord, aux termes de l'article 3, le ministre de la Santé désigne une personne à titre de directeur du Registre des instruments médicaux. L'article 4 prévoit que le directeur établit et tient un registre appelé Registre des instruments médicaux et énumère les renseignements que ce dernier contiendra. Les articles 6, 8, 9, 10, 11 et 12 précisent le fonctionnement du registre et les attributions du directeur.

J'ai remarqué que l'article 3 semble avoir été rédigé pour éviter de nouvelles dépenses, car il prévoit la désignation du nouveau directeur parmi les fonctionnaires du ministère de la Santé. Or, aux termes de l'article 4, le registre qui sera créé sera distinct des activités du programme du ministère et requiert un budget d'exploitation distinct, ce qui occasionnera de nouvelles dépenses.

La jurisprudence et les commentaires à ce sujet sont clairs. L'établissement de nouveaux objectifs et de nouvelles exigences de programme ont des répercussions financières et exigent pour cette raison une recommandation royale. J'attire votre attention sur la page 886 de la 23e édition d'Erskine May, et je cite :

[Traduction]

Lorsqu'un projet de loi comporte une disposition qui élargit l'objectif de dépenses déjà autorisées par la loi, par exemple, en multipliant les fonctions d'un organisme public existant ou d'un organisme financé par le gouvernement, en accroissant les catégories de personnes qui ont légalement droit à une subvention ou à une indemnité, ou en étendant l'éventail des circonstances où de telles subventions ou indemnités sont payables, cette disposition exige habituellement une autorisation par l'intermédiaire d'une résolution de finances.

[Français]

Le Président du Sénat a rendu une décision le 14 juin 2005 au sujet du projet de loi S-33, jugeant qu'il était irrecevable parce que c'était un projet de loi de finances. Il a noté qu'il se pouvait qu'un projet de loi soit jugé irrecevable à l'autre endroit, puisque c'était une mesure législative ayant des répercussions financières et qu'il provenait du Sénat.

J'attire votre attention sur le fait que le Président de l'autre endroit a, de façon constante, jugé que des projets de loi proposant l'affectation de dépenses pour des nouvelles fins nécessitent une recommandation royale. Il disait, le 9 mai 2005 :

[...] les projets de loi qui entraînent des dépenses nouvelles ou supplémentaires pour un objet distinct doivent être recommandés par la Couronne. La recommandation royale est également nécessaire lorsqu'un projet de loi modifie l'affectation des deniers publics « dans les circonstances, de la manière et aux fins prévues » dans le projet de loi. Ce que cela veut dire, c'est que la recommandation royale est nécessaire non seulement dans les cas où de l'argent est affecté, mais également lorsque l'autorisation de dépenser à une fin particulière est modifiée de façon significative.

(1630)

Le 8 février 2005, le Président de l'autre endroit insistait :

Lorsqu'il apparaît clairement que l'objectif législatif du projet de loi ne peut être atteint sans y consacrer des fonds publics, le projet de loi doit être considéré comme affectant des crédits.

Honorables sénateurs, la mise sur pied d'un nouveau registre des instruments médicaux représente une nouvelle mesure occasionnant l'affectation de nouvelles dépenses. C'est pourquoi j'estime que le projet de loi S-221 exige une recommandation royale.

Par conséquent, il ne peut être présenté au Sénat, selon les règles, et nous ne pouvons poursuivre son étude. Les objectifs proposés par le projet de loi sont fort louables. Malheureusement, à la lumière de ce qu'il contient, et d'après mes recherches sur le sujet d'un projet de loi occasionnant de nouvelles dépenses, je dois conclure que le Sénat ne peut l'étudier.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous avons devant nous un rappel au Règlement : est-ce qu'une recommandation royale est nécessaire?

[Traduction]

L'honorable Sharon Carstairs : Honorables sénateurs, il est souvent arrivé, depuis que je siège au Sénat et bien des années avant, qu'on discute de la question de la recommandation royale. Des décisions ont confirmé que, même si un projet de loi doit être accompagné d'une recommandation royale, il peut l'obtenir à n'importe quelle étape de son étude, que ce soit à la première, à la deuxième ou à la troisième lecture, ici ou à l'autre endroit. C'est un argument spécieux de dire que, parce que le projet de loi n'est pas accompagné d'une recommandation royale, il n'est pas recevable.

Selon l'autre argument, il s'agit d'un projet de loi de finances. Si on en croit la thèse du leader adjoint du gouvernement, il serait impossible de présenter quoi que ce soit au Sénat parce que tout a des conséquences sur le plan financier. Le projet de loi ne vise pas à faire dépenser de l'argent. Par définition, il ne s'agit donc pas d'un projet de loi de finances.

[Français]

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, il est plutôt inhabituel de prononcer un discours sur un rappel au Règlement. Quoi qu'il en soit, c'est la procédure que nous suivons aujourd'hui.

J'aimerais tout d'abord remercier le sénateur Comeau de ses gentils mots à mon égard. Il m'a fait grand plaisir de travailler dans le même processus du Sénat. Je suis sûre que notre nouvelle équipe de dirigeants aura autant de plaisir que j'ai pu en avoir.

[Traduction]

Selon moi, le sénateur Carstairs a mis le doigt sur l'essentiel en disant qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances. Il ne vise pas à faire dépenser de l'argent. Il est vrai qu'à peu près toutes les mesures législatives que nous étudions au Sénat peuvent avoir des conséquences sur le plan monétaire, mais il ne s'agit pas ici d'un projet de loi de finances. Il ne vise pas à modifier la situation ni la politique budgétaires du gouvernement du Canada. Il ne modifie pas les impôts. Il s'agit d'un projet de loi qui a un objectif d'intérêt public louable. Accessoirement, il suppose certaines dépenses. Par exemple, il faudrait payer le directeur.

Comme madame le sénateur Carstairs l'a fait remarquer, nous ne pourrions rien faire sinon adopter des résolutions creuses qui invitent les Canadiens à entretenir de pieuses pensées ou d'autres résolutions aussi vides qui sembleraient acceptables si nous ne pouvions rien faire qui ait des conséquences monétaires.

Je ne siège pas au Sénat depuis aussi longtemps que d'autres, mais je crois me rappeler d'interminables débats sur ce point précis, notamment à propos des projets de loi du sénateur Kenny sur les produits du tabac. Je crois me souvenir que le Président s'est prononcé plus d'une fois, disant que, puisque les textes n'étaient pas proposés comme des projets de loi de finances, ils étaient recevables. Le même cas s'est présenté à d'autres occasions.

Le projet de loi présenté par le sénateur Harb, et qui a reçu des appuis dans les deux partis au Sénat, est loin d'être un projet de loi de finances et j'estime, Votre Honneur, qu'il y aurait lieu de déclarer qu'il n'y a pas matière à invoquer le Règlement.

L'honorable Mac Harb : Honorables sénateurs, je suis d'accord avec mes deux collègues qui sont intervenues, et je tiens à remercier le sénateur Comeau d'avoir soulevé la question. Il est important de mettre clairement ces questions sur la table et, comme madame le sénateur Carstairs l'a nettement affirmé, si nous retenions ces idées et ces propositions, nous ferions peut-être bien de fermer boutique et de rentrer chez nous. En fin de compte, le Parlement a un rôle à jouer. Il a un rôle de surveillance et il peut prendre l'initiative de lois qui sont dans l'intérêt public.

La vérificatrice générale dit dans son rapport qu'une loi comme celle-là s'impose. Si mon collègue prétend qu'il s'agit d'un projet de loi de finances, je dirai aux sénateurs que, si nous nommons un directeur de registre, il pourra, par règlement, imposer des droits à ceux qui utilisent le registre. Il est donc possible qu'il n'y ait aucune incidence sur les revenus. Le registre pourrait même rapporter des revenus à l'État, si le gouvernement en décidait ainsi.

La vérificatrice générale indique clairement dans son rapport que la stratégie d'inspection de Santé Canada reconnaît l'importance des inspections. Son rapport note toutefois aussi ce qui suit :

Cependant, nous avons constaté que le Ministère ne fait pas d'inspections après la mise en marché des matériels et ne sait pas dans quelle mesure le Règlement est respecté. Plus particulièrement, nous avons remarqué que le Ministère ignore dans quelle mesure les fabricants, les importateurs et les distributeurs :

  • possèdent de bons systèmes de surveillance leur permettant de relever les événements indésirables après la mise en marché d'un produit;
  • prennent les dispositions qui s'imposent lorsque des événements indésirables ou des plaintes sont portés à leur attention;
  • signalent à Santé Canada tout événement indésirable dont ils sont informés;
  • tiennent à jour des registres de distribution adéquats afin que les rappels puissent être effectués comme il se doit;
  • vendent seulement des matériels qui sont homologués.

Je soutiens, honorables sénateurs, qu'il existe déjà des dispositions à cet effet à Santé Canada. Même si la vérificatrice générale affirme que nous devrions peut-être faire preuve de plus de vigilance, mon projet de loi n'ajoutera aucun fardeau financier à l'État, au contraire. Si ce projet de loi permettait de sauver ne serait-ce qu'une vie, je soumets à Son Honneur qu'il s'agirait là d'une économie considérable.

Je pourrais présenter au Sénat de nombreuses études démontrant qu'il existe un besoin pour un tel projet de loi. Si on devait y apporter des changements, Votre Honneur, dès que nous l'enverrons au comité, nous ferons venir des responsables, des experts et des constitutionnalistes. Si, alors, le comité juge que le projet de loi est inacceptable, ce sera au Sénat de décider.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je remercie tous ceux qui ont pris la parole à l'occasion de ce recours au Règlement. Je prendrai la question en délibéré, j'agirai rapidement et je ferai rapport.

(1640)

LA SITUATION DE L'ALPHABÉTISME

INTERPELLATION—SUITE DU DÉBAT

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Fairbairn, C.P., attirant l'attention du Sénat sur la situation de l'alphabétisme au Canada, ce qui donnera à tous les sénateurs présents dans cette enceinte l'occasion de parler de cette question qui, dans notre pays, est souvent oubliée.—(L'honorable sénateur LeBreton, C.P.)

L'honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j'interviens aujourd'hui dans le débat sur la situation de l'alphabétisme au Canada. Je veux commencer par citer le rapport du Conseil canadien sur l'apprentissage intitulé État de l'apprentissage au Canada : Pas le temps de s'illusionner. Ce rapport a été publié le 26 janvier. On y lit ceci :

La littératie a une importance réelle dans tous les pays pour des raisons sociales, culturelles, politiques et économiques. Ceux qui choisissent d'ignorer l'impératif d'élever le niveau de littératie de leur population au plus haut point possible le font à leurs risques et périls.

L'alphabétisme est une question d'importance primordiale pour la population autochtone au Canada, et je veux aujourd'hui faire porter mon intervention sur la Saskatchewan.

Un niveau d'alphabétisme fonctionnel correspond à la capacité d'utiliser quotidiennement des documents écrits et de les comprendre, au foyer, au travail et ailleurs dans la collectivité. Cette capacité a été divisée en cinq niveaux. Le niveau 3 est considéré comme le minimum nécessaire pour qu'un individu donné fonctionne convenablement dans notre économie actuelle fondée sur le savoir.

Le niveau d'alphabétisme moyen d'une population devrait être d'au moins 3 dans les domaines évalués, soit la compréhension de textes suivis, la numératie, la compréhension de textes schématiques et la résolution de problèmes. Si le niveau d'alphabétisme d'une nation est inférieur au niveau 3, cette population n'a pas les compétences voulues pour bien réussir sur le marché du travail et dans son fonctionnement quotidien.

Selon l'Enquête internationale sur l'alphabétisation et les compétences des adultes, l'EIACA, réalisée en 2003, les provinces de l'Ouest, soit la Colombie-Britannique, l'Alberta et la Saskatchewan, ont eu des résultats supérieurs à la moyenne canadienne en compréhension de textes suivis, numératie, compréhension de textes schématiques et résolution de problèmes. Les sujets du sondage étaient âgés de 16 à 65 ans. Dans l'ensemble du Canada, 41 p. 100 de la population a eu un résultat inférieur au niveau 3 en compréhension de textes suivis tandis que ce pourcentage n'était que de 33 p. 100 en Saskatchewan. Le tableau est cependant moins reluisant dans le cas de la numératie. En Saskatchewan, environ 42 p. 100 de la population s'est classée sous le niveau 3.

En termes réels, ces nombres signifient qu'environ 200 000 habitants de la Saskatchewan âgés de 16 à 65 ans se situaient au- dessous du niveau de compréhension des textes suivis nécessaire pour fonctionner adéquatement au jour le jour. De même, près de 250 000 habitants de la province avaient un niveau insuffisant de numératie. Honorables sénateurs, ces chiffres sont choquants.

L'EIACA a établi que le niveau d'alphabétisation est généralement plus élevé parmi les jeunes. Dans la plupart des provinces et des territoires, y compris la Saskatchewan, près de 60 p. 100 des jeunes de 16 à 25 ans se situaient au troisième niveau ou plus haut, par rapport à 20 p. 100 seulement des personnes âgées de plus de 65 ans. Pour les jeunes, ces résultats peuvent sembler assez bons, mais compte tenu du fait que près de 40 p. 100 des jeunes Canadiens sont au-dessous du troisième niveau, qui représente le minimum nécessaire pour fonctionner adéquatement dans l'économie du savoir d'aujourd'hui, vous conviendrez avec moi que nous avons un problème sérieux. En Saskatchewan, près de 40 p. 100 des 140 000 jeunes, soit 56 000 jeunes adultes, n'atteignent pas le niveau 3 pour ce qui est de la compréhension des textes suivis. Ces 56 000 jeunes adultes seraient incapables de fonctionner adéquatement dans la vie de tous les jours et encore moins au travail ou à l'école.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant attirer votre attention sur la population autochtone de la Saskatchewan. En 2001, 14 p. 100 des habitants de la Saskatchewan ont déclaré être Autochtones. La province comptait alors 78 655 Autochtones de plus de 15 ans, dont 64 p. 100 d'Indiens. La majorité des Autochtones de la Saskatchewan, 65 p. 100, vivent hors réserve et 47 p. 100, dans les régions urbaines.

L'EIACA de 2003 a permis de déterminer que parmi les Autochtones urbains, la compréhension des textes suivis était considérablement inférieure à celle des non-Autochtones : dans les villes, environ 60 p. 100 des Autochtones et 40 p. 100 des non- Autochtones n'atteignent pas le niveau 3 à cet égard. En 2001, la Saskatchewan comptait environ 37 000 Autochtones urbains. On peut donc estimer que près de 22 000 d'entre eux n'avaient pas un niveau suffisant de compréhension des textes suivis. En même temps, quelque 180 000 non-Autochtones vivant dans des centres urbains étaient dans la même situation. Permettez-moi de répéter ces chiffres : environ 180 000 non-Autochtones et 22 000 Autochtones vivant dans les villes de la Saskatchewan n'avaient pas un niveau suffisant de compréhension des textes suivis. Encore une fois, ces chiffres sont choquants.

Il importe de noter que la population autochtone de la Saskatchewan, comme ailleurs au Canada, constitue un segment plus jeune et à croissance plus rapide que la population non autochtone. En Saskatchewan, environ 60 p. 100 des Autochtones hors réserve étaient âgés de moins de 25 ans, par rapport à environ 30 p. 100 de la population non autochtone. Autrement dit, la proportion des moins de 25 ans parmi les Autochtones hors réserve est deux fois plus élevée que parmi la population non autochtone.

Je crois qu'il est particulièrement important de s'intéresser aux groupes des 16 à 25 ans et des 26 à 45 ans, qui constituent une grande partie de la population autochtone de plus de 15 ans. Ces deux groupes, qui forment respectivement 31 et 45 p. 100 de la population autochtone, revêtent une importance de plus en plus grande compte tenu des pénuries de main-d'œuvre que connaît la province. En Saskatchewan, il est particulièrement important de veiller à ce que la population autochtone, qui est relativement plus jeune et croît plus rapidement que le reste de la population, ait un niveau d'alphabétisation suffisant pour réussir dans la vie, en général, ainsi qu'au travail et à l'école, en particulier.

D'après l'EIACA, les niveaux de compréhension des textes suivis des Autochtones urbains sont inférieurs à ceux des non- Autochtones des régions urbaines de la Saskatchewan. Les cotes moyennes des trois groupes d'âge autochtones — 16 à 25 ans, 26 à 45 ans et 46 ans et plus — étaient toutes inférieures à 3, alors que les cotes moyennes des groupes non autochtones étaient supérieures à 3 ou proches de ce chiffre. Il serait très intéressant de déterminer si, comme on peut s'y attendre, le pourcentage d'Autochtones ayant un niveau d'alphabétisation inférieur à 3 est plus important dans les groupes d'âge les moins élevés que chez les non-Autochtones.

En Saskatchewan, les Autochtones se situaient au-dessous des non-Autochtones à tous les niveaux d'instruction. Par exemple, dans le groupe des Autochtones urbains de 25 à 44 ans, 32 p. 100 n'avaient pas fini leurs études secondaires, par rapport à 18 p. 100 chez les non-Autochtones. De même, seuls 6 p. 100 des Autochtones avaient un baccalauréat, à comparer à 14 p. 100 parmi les non- Autochtones. Il est tentant d'en conclure que le niveau d'instruction inférieur des Autochtones urbains est attribuable au niveau d'alphabétisation moindre. Toute personne ayant un niveau de littératie insuffisant réussira vraisemblablement moins bien son parcours scolaire ou ses études et il se peut qu'elle ne puisse pas devenir compétente dans son travail.

(1650)

En guise de conclusion, je m'arrête sur un dernier aspect des résultats de l'EIAA. On a fait beaucoup de bruit à propos du fait que le niveau de littératie pour l'ensemble des Canadiens en 2003 n'était pas très différent de celui constaté en 1994. Cette constatation selon laquelle le niveau moyen de littératie n'avait pas changé au Canada peut être interprétée de trois façons. La première, qu'a présentée le sénateur Tkachuk, c'est que les programmes d'alphabétisation n'ont pas été à la hauteur, sinon ce niveau aurait augmenté.

Cependant, selon une deuxième interprétation de l'absence de changement des capacités de lecture de textes suivis, les programmes d'alphabétisation ont été efficaces, sinon le niveau de ces capacités aurait chuté.

De plus, selon une troisième interprétation, il n'y avait pas assez de ressources ou de programmes disponibles pour qu'il y ait une différence dans le niveau de littératie moyen de l'ensemble des Canadiens. Autrement dit, il manquait de fonds disponibles pour exécuter les programmes d'alphabétisation qui auraient pu aider un grand nombre de Canadiens à améliorer leurs capacités de lecture. Le nombre d'adultes inscrits aux programmes d'alphabétisation était insuffisant pour qu'il y ait une augmentation marquée des niveaux de littératie de l'ensemble de la population. Il y avait peut- être un nombre trop faible d'apprenants qu'ont aidés les programmes d'alphabétisation pour qu'il y ait une différence marquée par rapport au grand nombre de gens qui avaient un niveau de littératie inférieur à la moyenne. Je dirais que c'est le cas en Saskatchewan.

Combien d'adultes progressent grâce aux programmes d'alphabétisation en Saskatchewan? Grâce à la numératie de l'EIAA, on peut estimer que de 200 000 à 250 000 habitants de la Saskatchewan se situent sous le niveau 3 pour ce qui est la compréhension de textes suivis et de textes au contenu. Cependant, selon les renseignements que j'ai reçus de la Saskatchewan Literacy Commission, à peine 2 000 adultes participent aux programmes d'alphabétisation subventionnés par le gouvernement fédéral en Saskatchewan. Ces 2 000 apprenants ne pourront plus avoir accès aux programmes d'alphabétisation par suite des compressions budgétaires annoncées par le gouvernement conservateur minoritaire en septembre dernier.

Outre les 2 000 apprenants inscrits aux programmes d'alphabétisation subventionnés par le gouvernement fédéral, quelque 5 000 personnes ont accès à des programmes bénéficiant de subventions provinciales. Cependant, il est clair que le nombre total d'apprenants ne représente toujours qu'une petite fraction — environ 3 p. 100 — du nombre élevé de personnes — entre 200 000 et 250 000 — se situant à un faible niveau de littératie dans notre province.

De plus, je voudrais souligner que l'EIAA fait état de fortes augmentations du niveau des capacités de lecture de textes suivis entre 1994 et 2003 au Québec, et du niveau des capacités de lecture de textes schématiques dans la région de l'Atlantique. On peut soutenir qu'au moins ces deux programmes d'alphabétisation fonctionnent et on pourrait essayer d'expliquer pourquoi il y a eu des différences marquées au Québec et dans la région de l'Atlantique, mais pas dans les autres régions au Canada.

Honorables sénateurs, d'autres pays, l'Angleterre et l'Australie par exemple, ont lancé des stratégies nationales pluriannuelles, bien dotées en ressources, visant à améliorer les capacités de lecture. Je conclurai en disant que plus, pas moins, de fonds fédéraux devraient être affectés dans le but d'améliorer les niveaux de littératie de la population de la Saskatchewan. En outre, il faudrait accorder plus d'attention à la population autochtone de la Saskatchewan. On prédit que d'ici 10 ans, 21 p. 100 de la population de la Saskatchewan sera autochtone et que d'ici 2045, ce pourcentage pourra atteindre 50 p. 100. Il est donc impératif que les programmes qui augmentent le niveau de littératie des Autochtones soient, à tout le moins, étendus plutôt que réduits.

Honorables sénateurs, j'espère que le gouvernement conservateur minoritaire investira davantage dans les programmes d'alphabétisation. De tels investissements porteront fruit à l'avenir, puisqu'ils permettront aux gens de participer à tous les aspects de la vie quotidienne, de mieux faire leur travail et de contribuer à notre économie.

(Sur la motion du sénateur Milne, le débat est ajourné.)

L'HONORABLE NOËL A. KINSELLA

MOTION TENDANT À FÉLICITER LE PRÉSIDENT ET À LUI TÉMOIGNER LA CONFIANCE DU SÉNAT—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Serge Joyal, conformément à l'avis du 22 juin 2006, propose :

Que le Sénat félicite l'honorable Noël Kinsella pour sa nomination comme Président du Sénat et lui exprime sa confiance tout en reconnaissant le fait qu'un Président, pour avoir du succès et être efficace dans l'exercice de ses fonctions, a besoin de la confiance et du support de la majorité des sénateurs.

— Honorables sénateurs, j'aimerais tout d'abord féliciter comme il se doit le Président et lui dire combien j'ai aimé, depuis que je suis arrivé au Sénat il y a presque 10 ans, travailler à ses côtés sur toutes les questions qu'on nous a demandé d'étudier et de débattre aux comités et ici-même.

J'aimerais aujourd'hui attirer l'attention des sénateurs sur le statut du Président. Le fait que notre Président soit nommé par le Gouverneur général soulève une question assez particulière en ce qui concerne la capacité du Président et son rôle au Sénat.

Je rappelle aux honorables sénateurs que le Président est nommé en vertu de l'article 34 de la Constitution, qui dit :

Le gouverneur général pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau du Canada, nommer un sénateur comme orateur du Sénat, et le révoquer et en nommer un autre à sa place.

(1700)

C'est le Gouverneur général, et non le gouverneur en conseil, qui nomme le Président. Il y a déjà eu un débat en 2003. Le sénateur Oliver avait présenté un projet de loi prévoyant l'élection du Président. Nous sommes nombreux à avoir participé au débat et à avoir réfléchi à la portée de l'article 34 de la Constitution. Si le Gouverneur général nomme le Président, qui le conseille lorsqu'il doit choisir, de temps à autre, un sénateur pour présider le Sénat?

En 2003, le sénateur Austin, qui se trouve être le doyen en raison de ses années de service au Sénat, nous a informés que, en vertu d'un décret de 1935 proposé par William Lyon Mackenzie King, le premier ministre se réservait le droit de recommander un certain nombre de nominations au Gouverneur général. Parmi ces nominations, il y avait évidemment les sénateurs et le Président. En d'autres termes, le premier ministre n'a pas à consulter le Cabinet. Ce n'est pas le gouverneur en conseil qui agit, mais le premier ministre, et celui-ci peut consulter qui il veut bien.

Le sénateur Prud'homme : Comme les sénateurs.

Le sénateur Joyal : Le premier ministre fait des consultations avant de faire une recommandation au Gouverneur général. Il peut décider de consulter le président de son parti, le chef de l'opposition à la Chambre, les chefs des autres partis présents à la Chambre ou n'importe qui d'autre. Il en va de même lorsqu'il recommande la nomination de juges au Gouverneur général. Il peut établir un système de consultation, en faisant appel au barreau, à un groupe choisi d'éminents citoyens, ou autre, mais au bout du compte, c'est lui qui présente la recommandation, conformément au décret de 1935.

Où cela nous laisse-t-il? Lorsque nous avons discuté du projet de loi présenté par le sénateur Oliver, le sénateur Cools a fait une contribution très importante, tout comme le sénateur Prud'homme. J'ai lu les points importants de leurs interventions. Ainsi, le sénateur Cools a affirmé que le Sénat est une institution parlementaire très particulière, car c'est la seule où se retrouvent les trois participants du Parlement : Sa Majesté, le Sénat et, à la barre, la Chambre des communes. Si nous apportions des changements à cet égard, il nous faudrait nous pencher sur le principe de la nomination. Selon moi, le sénateur Cools avait raison de se préoccuper de la question.

Il m'est venu à l'esprit que, lorsque nous modifions le statut d'un poste aussi important dans l'ordre de la responsabilité publique, du point de vue constitutionnel, il nous faut nous conformer strictement à la Constitution. J'écoutais cet après-midi au Sénat une intervention nous exhortant à faire abstraction de la Constitution et à nous attaquer à la question du Sénat. C'est un point de vue que je ne partage pas. J'expliquerai une autre fois ce que nous pouvons faire pour respecter la lettre et l'esprit de la Constitution et tout de même aller de l'avant.

C'est un moment important pour réfléchir à l'idée générale de l'élection du Président du Sénat. Comme madame le leader de l'opposition l'a dit, après 140 ans, nous sommes parvenus à un stade de l'histoire de nos institutions où nous devrions songer à cette proposition, comme le projet de loi du sénateur Oliver nous a invités à le faire il y a trois ans. Le projet de loi est resté en plan au Feuilleton, et la question n'a jamais été ramenée sur le tapis.

La motion du sénateur Hays nous invite également à réfléchir au statut du Président du Sénat. Nous en sommes à un moment privilégié, car la Chambre des lords a modifié sa procédure en juillet dernier et élu pour la première fois son Président. Cela ne s'est pas fait du jour au lendemain ni par caprice. En 2003, les lords ont formé un comité spécial chargé d'étudier la présidence de leur institution. Le comité a siégé un certain nombre de jours et entendu des témoins. Il a produit son rapport le 18 novembre 2003. Un rapport des lords concluait donc qu'il fallait élire le Président.

Ceux d'entre nous — dont Son Honneur et son prédécesseur, le sénateur Hays — qui ont eu l'honneur d'aller à Westminster et d'étudier le statut du Président comprennent que les lords ont tenu compte d'un certain nombre de considérations dans leur rapport, et ces considérations s'appliquent avec précision à notre propre présidence.

Ainsi, les lords ont conclu au cours de leur étude que les fonctions du Président sont de la plus haute importance, car il doit être le gardien de l'ethos de l'institution. Je répète : le gardien de l'ethos de l'institution. En d'autres termes, le Président préserve l'ethos, l'éthique et le grand professionnalisme qui doivent caractériser l'exercice de nos fonctions constitutionnelles dans les études et les débats portant sur des projets de loi et des enjeux publics. À ce titre, le Président doit avoir une fonction spéciale à remplir. Il doit se conformer à un certain nombre de règles, écrites ou non, pour s'assurer d'avoir la confiance de la majorité des sénateurs pour exercer ses fonctions.

C'est dans ce contexte que, après la recommandation de 2003 voulant que le Président soit élu, la Chambre des lords s'est prononcée en juillet 2005 sur une motion portant adoption du système et a mis sur pied un comité spécial chargé d'établir des modalités d'élection. Ce comité a remis son rapport aux lords le 19 décembre 2005. En d'autres termes, les lords ont fait une étude exhaustive. Comme vous pourrez le constater, honorables sénateurs, les documents sont volumineux. Les lords ont étudié les diverses modalités d'élection et de sélection. Ils en sont arrivés, par un système simple, à la conclusion que le candidat devrait être élu pour cinq ans et que son mandat devrait pouvoir être renouvelé une fois — autrement dit, un maximum de dix ans. Il n'est que logique que, si une personne est élue pour cinq ans, elle siège pendant un mandat ininterrompu de cinq ans. Cela différerait de ce que dit notre Constitution, soit que le Président peut être remplacé de temps à autre. La durée du mandat n'est pas limitée. Le Président peut assumer la présidence pendant six mois, un an et demi, cinq ans, la durée d'une législature, et il peut être nommé de nouveau. Il faudrait revoir la liste de tous les Présidents pour voir quelle est la fourchette de durée du mandat de nos Présidents.

La Chambre des lords a conclu que le nom du candidat choisi à l'issue de l'élection serait présenté à Sa Majesté pour qu'elle fasse la nomination officielle. Autrement dit, le système d'élection du Président n'a rien changé au pouvoir de nomination de Sa Majesté.

(1710)

Comme le précise clairement la recommandation no 51 du rapport de 2003 :

Le nom du candidat choisi devrait alors être présenté à Sa Majesté la Reine, qui serait invitée à faire la nomination officielle.

Sa Majesté conserve ce pouvoir, et elle l'a utilisé l'été dernier lorsqu'elle a nommé le candidat choisi en juillet 2006 pour exercer les fonctions de Président de la Chambre des lords. Ainsi a-t-on au Parlement de Westminster trouvé une solution qui respecte la lettre et l'esprit de la Constitution, c'est-à-dire que Sa Majesté conserve le pouvoir de faire des nominations.

Que s'est-il produit dans les faits? On a changé le système prévoyant qu'il appartenait au premier ministre de présenter une recommandation à Sa Majesté au profit d'un système électoral au sein de la Chambre des lords, système prévoyant que le candidat recommandé à Sa Majesté est le candidat retenu. Le lord choisi occupe le fauteuil pendant cinq ans. À la fin de ce mandat, on tient une autre élection. La même personne peut obtenir un deuxième mandat de cinq ans, après quoi elle doit laisser son fauteuil à quelqu'un d'autre.

Cela signifie que si nous voulons modifier ou abroger l'article 34 de la Constitution, qui confie au Gouverneur général le soin de nommer un Président, nous devons élire le Président selon nos règles, comme on le fait à l'autre endroit. En effet, à l'autre endroit, l'élection du Président a lieu conformément au Règlement de la Chambre. La Constitution ne prévoit pas cette élection dans l'autre Chambre.

Que devons-nous faire alors? La question qui se pose immédiatement, si nous sommes pour abroger l'article 34 est la suivante : avons-nous le pouvoir, en tant que Parlement, d'abroger l'article 34 en vertu de l'article 44 de la Constitution?

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Cinq minutes?

Son Honneur le Président : Est-ce d'accord, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Joyal : Je vais terminer dans cinq minutes.

Le sénateur Corbin : Vous avez une minute, plus cinq autres.

Le sénateur Joyal : Si nous voulons abroger l'article 34, qui prévoit la nomination du Président par le Gouverneur général, nous devons faire appel à l'article 44 de la Constitution. C'est justement l'article que le gouvernement a invoqué lorsqu'il a présenté le projet de loi S- 4, en faisant valoir que le Parlement a le pouvoir de modifier la durée du mandat des sénateurs. C'est essentiellement l'argument avancé par le gouvernement pour défendre le projet de loi S-4. Après le vote qui a eu lieu cet après-midi, je traiterai de cette question lorsque j'aurai l'occasion, cette semaine ou la semaine prochaine, d'intervenir sur le projet de loi S-4, car je crois qu'il s'agit de la question d'importance primordiale que nous devons aborder en premier. Nous pourrons alors débattre des articles 8, 9, 10, 12, 20 et 25, mais nous devons d'abord nous demander si nous détenons ce pouvoir. Cela sera ma contribution à ce débat.

Poursuivons à propos du Président. Avons-nous le pouvoir, aux termes de l'article 44, d'abroger l'article 34? Si nous répondons par l'affirmative à cette question, il se pose un autre problème, que le sénateur Cools a soulevé. Étant donné que la fonction du Gouverneur général est protégée par l'article 41 de la Constitution, qui prévoit l'unanimité, nous changeons un des pouvoirs de la fonction du Gouverneur général. Nous sommes en train d'enlever un pouvoir au Gouverneur général.

On peut, à partir de ce constat, faire valoir que nous devons emprunter la voie constitutionnelle en bonne et due forme. Si nous arrivons à cette conclusion, je ne crois pas que nous devrons consacrer beaucoup de temps à un débat sur le statut du Président. Nous devons suivre la voie conventionnelle, celle que le très honorable Mackenzie King a empruntée avec le décret.

Le sénateur Austin a apporté, à mon avis, une contribution utile. Rien ne nous empêche, par exemple, d'adopter une motion prévoyant la tenue au Sénat d'une élection basée sur un système défini qui permettrait d'élire des candidats et de soumettre leur candidature au premier ministre. Il reviendrait alors au premier ministre de prendre la décision finale. Il pourrait donner suite ou non à la recommandation qui lui aurait été transmise, mais le décret du Gouverneur général resterait intact, tout comme cela s'est produit à Westminster, où les pouvoirs de la reine sont restés intacts à la suite du résultat du processus d'élection du Président de la Chambre en juillet dernier.

Je conclus en disant, honorables sénateurs, que nous devrions nous pencher sur cette question. Je crois que le sénateur Oliver avait raison. Nous voulons nous assurer que les pouvoirs, les responsabilités et les fonctions de notre Président sont confiés à une personne qui jouit de la confiance de la majorité des membres de cette Chambre, quelle que soit l'allégeance politique du gouvernement en place.

Si le Parlement de la Grande-Bretagne a pu en arriver à une telle décision, je crois raisonnable de proposer que nous nous penchions à nouveau sur cette question. Avec tous les renseignements qui sont contenus dans les deux rapports qui ont été cités et qui ont été préparés il y a peu de temps, et compte tenu du fait que l'élection tenue au Parlement de Westminster a été positive, nous pouvons certainement nous pencher sur la question d'une façon non partisane. Pour ce qui est des activités politiques du Président, les Britanniques ont déclaré ceci :

Au moment de sa nomination, le Président de la Chambre des lords doit renoncer à toute participation à un parti ou un groupe. Il doit s'abstenir de toute activité politique, y compris de voter à la Chambre.

Ils sont sensibles à l'activité politique du Président, une fois qu'il a été élu. C'est une question à laquelle nous devons réfléchir. Ces rapports peuvent nous être utiles. Ceux qui veulent réfléchir à cette question auraient avantage à s'inspirer d'un modèle. Je ne pense pas que le modèle puisse être appliqué intégralement, parce que nous devons respecter la Constitution. Cependant, nous disposons au moins d'un précédent pouvant nous aider si nous voulons faire avancer ce dossier.

RECOURS AU RÈGLEMENT

L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : J'invoque le Règlement, honorables sénateurs. Nous souscrivons tous à l'intention du sénateur Joyal avec cette motion, c'est-à-dire que nous faisons confiance au titulaire du poste de Président du Sénat. La motion serait probablement adoptée à l'unanimité. Toutefois, malgré cette belle intention, la motion du sénateur Joyal ne fait pas partie des responsabilités conférées au Sénat dans la Constitution. Il s'agit d'une motion de confiance envers le Président du Sénat.

Les sénateurs connaissent bien nos responsabilités et nos droits en vertu de la Constitution, à savoir la représentation des provinces et des minorités ainsi que le rôle de contrepoids à la Chambre des communes, pour n'en nommer que quelques-uns. Mais, il n'est indiqué nulle part que le Sénat a la responsabilité ou le droit de remettre en question sa confiance envers le Président. C'est plutôt le contraire.

Voici ce que dit l'article 34 de la Loi constitutionnelle de 1867 :

Le gouverneur-général pourra, de temps à autre, par instrument sous le grand sceau du Canada, nommer un sénateur comme orateur du Sénat, et le révoquer et en nommer un autre à sa place.

On aurait dû employer le féminin également pour désigner les personnes. Quoi qu'il en soit, la Constitution accorde au Gouverneur général le pouvoir de nommer et de remplacer le Président du Sénat. Ce pouvoir fait partie de la prérogative royale. Ce n'est pas un pouvoir du Sénat.

Même si je crois que nous serions tous heureux de manifester notre pleine confiance envers le titulaire actuel, le sénateur Kinsella, il faut admettre que le Sénat n'a pas le droit de se prononcer ainsi en raison de l'article 34. Par conséquent, nous aurons besoin de recourir à un autre moyen si nous souhaitons donner suite à la proposition du sénateur Joyal autrement que par motion.

(1720)

L'honorable Lowell Murray : Honorables sénateurs, j'ai deux observations à formuler sur le recours au Règlement. Premièrement, il y a un moyen facile de répondre à l'objection du sénateur Comeau : il suffit de modifier la motion en supprimant tout ce qui suit « Président du Sénat ». Nous aurions alors une motion dans laquelle le Sénat félicite l'honorable Noël Kinsella de sa nomination comme Président du Sénat, point final.

Deuxièmement, dans la mesure où il faudra bien que quelqu'un réponde au recours au Règlement du sénateur Comeau, je dois noter que nous avons eu un débat vraiment honteux ici même en 1990 ou 1991.

Le sénateur Cools : C'était en 1990.

Le sénateur Prud'homme : Ce fut un débat vraiment affligeant.

Le sénateur Murray : Une motion avait alors été présentée, exprimant le manque de confiance de l'opposition d'alors dans le Président du Sénat.

Le sénateur Prud'homme : C'est exact. C'était pourtant un bon Président.

Le sénateur Murray : Je ne me souviens d'aucun recours au Règlement et encore moins d'une intention quelconque du Président d'empêcher le débat, qui a traîné pendant un très long moment. Votre Honneur, vous voudrez peut-être vous inspirer de ce précédent, si c'en est un.

Je voulais mentionner deux autres points, mais ils n'ont rien à voir avec le recours au Règlement.

L'honorable Daniel Hays : Honorables sénateurs, je voudrais intervenir brièvement au sujet du recours au Règlement. J'ai écouté attentivement le sénateur Comeau. Il a noté à juste titre que le libellé de la motion ne permet pas de croire qu'elle aboutira d'une façon ou d'une autre à l'élection du Président. J'ai cependant l'impression qu'il existe au Sénat une assez grande latitude en ce qui concerne le débat sur les motions, les interpellations et autres ordres inscrits au Feuilleton.

J'ai également écouté avec beaucoup d'attention le sénateur Joyal. La plupart de ses observations rappelaient davantage une interpellation qu'un débat sur sa motion, même s'il n'a pas abordé la question de la motion au début de ses commentaires. J'aurais souhaité que nous ayons plus de temps pour examiner certaines des questions qu'il a soulevées.

Je voudrais rappeler aux honorables sénateurs que cette question a été renvoyée au Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Celui-ci a été invité, s'il le juge nécessaire, à proposer quelque chose pour répondre aux questions soulevées par le sénateur Joyal, dont les propos avaient davantage le caractère d'une interpellation que d'une intervention sur une motion tendant à faire élire le Président du Sénat.

Je voudrais demander à Son Honneur de tenir compte de ces observations concernant la latitude laissée à ceux qui interviennent au sujet de motions, d'interpellations ou d'autres ordres inscrits au Feuilleton.

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, si j'ai bien compris, le recours au Règlement du sénateur Comeau laisse entendre que la motion du sénateur Joyal est irrecevable parce qu'à son avis, il serait inconstitutionnel de la part des sénateurs d'essayer de modifier le mode de nomination du Président du Sénat.

Je vois là deux difficultés. Premièrement, la motion sur laquelle nous aurions à voter ne dit rien de l'élection d'un Président. Elle ne fait que féliciter le Président de sa nomination et exprimer une confiance en lui que nous partageons tous, j'en suis sûre. D'après la motion, « un Président, pour avoir du succès et être efficace dans l'exercice de ses fonctions, a besoin de la confiance et du support de la majorité des sénateurs ». Cela est vrai. Si un Président n'a pas la confiance et le respect de la majorité des sénateurs, ceux-ci peuvent voter contre ses décisions, ce qui le privera de succès et d'efficacité dans l'exercice de ses fonctions. À première vue, la motion ne contient rien d'irrecevable ou d'inconstitutionnel. L'exposé du sénateur Joyal, qui était très intéressant et informatif en ce qui concerne l'examen des possibilités d'élection du Président, n'a pas d'incidences sur le libellé de sa motion.

Deuxièmement, même si la motion préconisait l'élection du Président du Sénat, elle ne serait quand même pas irrecevable. Si je me souviens bien, le sénateur Oliver a déposé deux projets de loi demandant l'élection du Président.

Le sénateur Comeau : Qu'est-il advenu de ces projets de loi?

Le sénateur Fraser : Ils n'ont pas été jugés irrecevables, quoique je puisse faire erreur parce que le souvenir que j'ai du meilleur des deux projets de loi est assez sommaire, compte tenu que je n'avais pas prévu prendre part au débat d'aujourd'hui.

Nul doute qu'il n'y a pas de limite à ce que les sénateurs peuvent choisir de dire dans cette enceinte au sujet de ce qu'ils estiment être le sort de cette institution, dans la mesure où les sénateurs observent les lois concernant le libelle et l'obscénité. Je dirai simplement que le libellé de cette motion, dans les deux langues officielles, est si clairement conforme au Règlement que j'exhorte Son Honneur à juger que le recours au Règlement n'est pas fondé.

L'honorable Eymard G. Corbin : Je voudrais renvoyer les sénateurs à l'ouvrage Jurisprudence parlementaire de Beauchesne, 6e édition, de Fraser, Dawson et Holtby. Le commentaire 167, à la page 50, a pour titre « Le président en sa qualité de président de la Chambre des communes ». Ce commentaire s'est, de façon générale, appliqué à la conduite du Président du Sénat dans la plupart des cas. Il y a eu des décisions liées au paragraphe 5 du commentaire 168, qui prévoit :

Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ou juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou sous forme de question de privilège.

C'est exactement ce qu'a fait le sénateur Comeau.

La même allusion aux pouvoirs du Président se trouve sous la rubrique « Rappels au Règlement », à la page 100 du même ouvrage. Le commentaire 324 prévoit :

Le président ne décide d'aucune question d'ordre constitutionnel ni juridique, bien qu'il soit permis de soulever une question de ce genre par rappel au Règlement ou question de privilège.

On trouve ensuite un renvoi aux Journaux du 8 juillet 1969. Je m'en souviens fort bien, même si je ne puis citer le nom du Président du Sénat, l'incident où la date où le Président a refusé de s'engager dans un débat parce que la question soulevée était d'ordre constitutionnel.

Voilà où nous en sommes, et le débat devrait se poursuivre.

L'honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, je voudrais intervenir brièvement. Je remercie le sénateur Joyal d'avoir soulevé cette importante question. De plus, j'appuie les observations du sénateur Murray et l'objection du sénateur Comeau.

Il y a un problème avec la motion du sénateur Joyal et je voudrais attirer son attention sur le fait que sa motion renferme deux propositions distinctes. La première, c'est que tous les sénateurs devraient féliciter le Président de sa nomination. Deuxièmement, les sénateurs devraient reconnaître que le Président, pour s'acquitter comme il se doit de sa tâche, doit être d'un certain type. Honorables sénateurs, j'estime souhaitable que lorsqu'une motion est présentée dans le but de féliciter un de nos membres qui a été promu à un poste particulier, cette motion soit adoptée de façon très positive. Je suis persuadée que la première partie de la motion du sénateur Joyal, qui porte sur les félicitations, fera l'unanimité dans cette enceinte.

(1730)

La deuxième partie de la motion sur la question de confiance et la reconnaissance est discutable. De ce fait, j'aimerais demander au sénateur Joyal d'envisager la possibilité de diviser sa motion pour faire accepter d'office la note positive que sont les souhaits de chance et de succès que les sénateurs présentent au Président. Il n'est pas juste de demander à un sénateur, particulièrement au Président du Sénat, d'être juge de sa propre cause.

À l'heure actuelle, le sénateur Comeau a demandé au Président d'être juge de sa propre cause et tous les sénateurs qui participent à ce débat font de même. Je ne crois pas que ce soit l'intention du sénateur Joyal. Je crois qu'il souhaite plutôt que nous offrions tous nos vœux au Président. Je ne mentionne pas de noms pour le moment. Il est impossible de respecter l'intention du sénateur Joyal sans discuter des autres questions contenues dans la motion. Que le sénateur Joyal l'ait voulu ou non, et je comprends ce que dit le sénateur Comeau. Dans sa motion, le sénateur Joyal utilise notamment le mot « confiance ». Or, dans notre système de gouvernance, ce terme a une signification constitutionnelle précise et son utilisation dans la motion tend à masquer les intentions bonnes et légitimes du sénateur Joyal. J'estime que ce terme affaiblit le message qu'il tente de faire passer.

En fait, le présent débat comporte deux débats. J'ai dit qu'il y a deux propositions distinctes. La première proposition, comme je l'ai déjà dit, est d'offrir nos félicitations à Son Honneur, et ensuite la deuxième, proposition du sénateur Joyal, concerne le fait que le Président doit toujours jouir de la confiance des sénateurs et que, de plus, cette assemblée et ses membres doivent le reconnaître — reconnaître signifie reconnaître certains faits concernant le Président. Il doit l'admettre. De nombreux sénateurs seraient prêts à débattre de la proposition dans la deuxième partie de sa motion. Je suis sincèrement convaincue que, puisque je crois que la plupart des sénateurs dans cette salle désirent féliciter le Président, la motion devrait offrir nos félicitations. Mais si nous voulons aborder la question des fonctions et des rôÎles du Président ainsi que celle du processus de sélection d'un Président, il s'agit alors d'un autre débat qui devrait être tenu ailleurs que dans le cadre d'un débat portant sur un individu — en l'occurrence, le titulaire actuel du poste de Président.

Ce que j'essaie de faire ici, honorables sénateurs, c'est de voir si nous pouvons en arriver à une situation où nous ne demandons pas à Son Honneur de juger sa propre cause en l'occurrence. Il serait très facile d'apporter une telle modification.

Je voudrais poursuivre en parlant d'un élément de fond. Le sénateur Joyal a raison; j'accorde beaucoup d'attention à certaines de ces questions.

Nous ne devons pas oublier que celui que nous appelons le Président du Sénat n'est pas un simple Président comme le Président de la Chambre des communes. Il m'arrive souvent de souhaiter que nous n'utilisions pas l'expression « Président » ici, et que nous utilisions une autre expression, car il existe toujours beaucoup de confusion. Le Parlement, avec ses deux Chambres, ne devrait compter qu'un seul Président, le Président de la Chambre des communes.

Voici où je veux en venir : le Président du Sénat joue un rôle qui est davantage de nature vice-royale. Ces dernières années, sur le plan constitutionnel, on semble avoir oublié cela; le poste de Président du Sénat s'inspire de celui du lord chancelier, qui n'était pas un simple Président. Il était l'alter ego de Sa Majesté. Je souhaiterais que nous nous replongions dans notre histoire constitutionnelle pour comprendre. Le Président du Sénat joue en fait un rôle vice-royal.

La Constitution américaine est intéressante à plus d'un point de vue. En 1787, les Américains ont beaucoup innové, mais ils ont aussi maintenu les fondements du système britannique. Le cas des États- Unis est intéressant. Les Américains ont maintenu le caractère vice- royal de la fonction de Président du Sénat, étant donné que ce rôle est joué par le vice-président des États-Unis d'Amérique.

Ce que j'essaie de dire, c'est que ce n'est pas une question simple. Je sais qu'au Royaume-Uni et à Westminster, ils font toutes sortes de choses autour de la question du lord chancelier notamment. Notre Acte de l'Amérique du Nord britannique représente un système ancien et nous ne sommes pas libres de le modifier comme bon nous semble.

Je comprends l'intention du sénateur Joyal. Il souhaite que le premier ministre — et je connais très bien les décrets — au moment de choisir le Président du Sénat, opte pour quelqu'un qui est non seulement respecté, mais aimé de tous les sénateurs, car cette personne doit être traitée d'une manière très spéciale. Le Président mérite une grande estime.

Je crois que le sénateur Joyal pense que nous devrions encourager les futurs premiers ministres à tenir compte des sentiments et du point de vue des sénateurs au moment de faire leur choix. Je crois que c'est ce que le sénateur prône, car la situation qu'il a décrite comme étant la pratique au Royaume-Uni, franchement, ne m'apparaît pas tellement importante. Je ne sais pas comment on fonctionne là-bas sur le plan de la procédure. Je ne suis pas aussi renseignée à ce sujet que le sénateur Joyal. Je ne sais pas si cette situation s'applique au Canada. Je n'ai pas réalisé suffisamment de travaux sur la situation au Royaume-Uni. Cependant, malgré tout, nous devons comprendre que cette assemblée — et j'aimerais que le premier ministre et les membres du Cabinet le comprennent bien — est la Chambre haute. Ceci est la Chambre de Sa Majesté. C'est la Chambre du Parlement de Sa Majesté. Voilà ce qu'est un Parlement.

L'Acte de l'Amérique du Nord britannique dit : « le Parlement du Canada ». Cependant, dans d'anciens ouvrages, on voit le roi dire : « Je vais convoquer un parlement. » À l'époque, on convoquait des parlements à tout moment. La notion d'un parlement fonctionnant de façon permanente n'existait pas. Toutefois, l'élément clé est que notre assemblée est la Chambre du Parlement. C'est la Chambre d'assemblée du Parlement. Si Sa Majesté se présentait à la porte de l'édifice, notre huissier de la verge noire devrait y être. C'est pour cette raison que c'est elle qui nomme le huissier de la verge noire — par décret, je crois. Notre greffier est le greffier du Parlement. Ce n'est pas le même système.

(1740)

Je crois sincèrement que nous pouvons respecter l'esprit de l'initiative du sénateur Joyal et scinder la motion pour féliciter Son Honneur, de manière à ne froisser ni offenser personne. Du même coup, nous pouvons tenir un débat concernant non seulement l'avenir mais aussi le rôle du Président du Sénat. J'ai une mine d'informations à ce sujet.

Je vais maintenant passer à l'autre question soulevée par le sénateur Joyal. Il se peut qu'elle soit importante. J'ai cru l'entendre dire que le Président de la Chambre des communes n'était pas élu selon la Constitution. A-t-il dit cela?

Quoi qu'il en soit, pour tirer la chose au clair, je voudrais signaler à l'attention du Sénat l'article 44 de l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, où il est précisé ce qui suit :

La Chambre des Communes à sa première réunion après une élection générale, procédera, avec toute la diligence possible, à l'élection de l'un de ses membres comme orateur.

Il existe, au sujet de cet article, une grande confusion. En effet, de nombreux Canadiens pensent que le Président n'est élu que depuis une dizaine d'années. En réalité, on élit le Président de la Chambre des communes depuis à peu près 140 ans. On avait coutume de le faire par voie de motion. Une motion était proposée et tous les autres députés de la Chambre votaient tout simplement en sa faveur. Il y a un certain nombre d'années, on a décidé d'élire le Président par vote secret direct, ce qui est fort bien. Cependant, dans un cas comme dans l'autre, il s'agit d'une élection, de sorte que le fondement constitutionnel est le même.

Cela dit, je ne sais plus où nous en sommes. Votre Honneur, si cette question prend la forme d'un recours au Règlement, à moins que le sénateur Comeau ne souhaite la retirer et permettre à certains d'entre nous de proposer une motion, je ne crois pas que vous devriez être à la fois juge et partie. L'objet de votre décision ne serait pas clair. Vous prononceriez-vous sur le fait que nous ne devrions pas vous féliciter, que nous ne devrions pas vous faire confiance, ou que nous ne devrions pas vous aimer? Sur quoi allez-vous donc vous prononcer?

Je pense que le sénateur Kinsella, que je voudrais également féliciter, devrait tirer sa révérence de bonne grâce.

Son Honneur le Président : Y a-t-il quelque chose à ajouter au sujet de ce rappel au Règlement?

Honorables sénateurs, je remercie tous ceux qui ont participé au débat sur ce rappel au Règlement, que la présidence prendra en délibéré. Elle fera rapport le plus rapidement possible.

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

MOTION TENDANT À AUTORISER LE COMITÉ À ÉTUDIER L'EFFICACITÉ DE LA PROMOTION CANADIENNE DE LA DÉMOCRATIE À L'ÉTRANGER—AJOURNEMENT DU DÉBAT

L'honorable Hugh Segal, conformément à l'avis du 29 novembre 2006, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à étudier, en vue d'en faire rapport, l'efficacité de la promotion canadienne de la démocratie à l'étranger; le rôle du Parlement du Canada dans ce contexte;

Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 31 décembre 2007; et que le Comité conserve les pouvoirs nécessaires à la diffusion des résultats de son étude contenus dans son rapport final jusqu'au 31 mars 2008.

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j'ai reçu du sénateur Segal la permission de présenter cette motion en son nom.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

L'honorable Eymard G. Corbin : Il aurait été préférable que le sénateur Segal présente lui-même cette motion et qu'il explique les objectifs de cette étude.

En tant que membre du comité directeur du Comité des affaires étrangères et du commerce international, je suis au courant de ce qu'il tente de faire, mais je crois aussi que personne dans cette enceinte ne pourrait l'expliquer. Le sénateur pourrait-il expliquer?

Le sénateur Tkachuk : Oui.

Le sénateur Corbin : L'honorable sénateur a proposé la motion au nom du sénateur Segal.

Je n'ai pas l'intention de faire obstacle à la motion ni de la commenter. Je parle strictement du processus. Il est très inhabituel d'adopter une motion aussi rapidement. J'invite le sénateur à formuler quelques commentaires.

Le sénateur Tkachuk : Je ne crois pas que le sénateur Segal voulait manquer de respect envers qui que ce soit. Il était censé présenter cette motion, qu'il trouve très importante. Comme j'étais la personne la plus proche, il m'a demandé si je pouvais la présenter en son nom.

Il m'a demandé de vous dire que cette étude ne fera pas double emploi avec celle qui a été entreprise par la Chambre des communes. Elle ne nécessitera ni déplacements ni dépenses. Le comité se penchera sur le rôle du Parlement et des parlementaires dans la promotion de la démocratie et du développement démocratique, une question que le sénateur et les membres du comité considèrent d'une importance vitale.

Par exemple, la Westminster Foundation for Democracy du Royaume-Uni et le National Endowment for Democracy de Washington relèvent du Parlement et du Congrès respectivement lorsqu'ils font la promotion de la démocratie, au lieu, par exemple, du ministère des Affaires extérieures ou de l'exécutif. Il s'agit d'étudier comment le Parlement fait la promotion de la démocratie dans le monde.

J'espère que vous comprenez davantage en quoi consiste l'étude. Si le sénateur veut ajouter quelque chose en tant que membre du comité directeur, nous pourrons peut-être accélérer les choses.

L'honorable Percy Downe : Le motionnaire pourrait-il préciser si le comité compte se pencher sur la situation en Afghanistan et sur le rôle que joue actuellement le gouvernement canadien dans le cadre de son étude sur la promotion du développement démocratique?

Le sénateur Tkachuk : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question. Les membres du comité seraient mieux placés que moi pour y répondre.

Le comité se penchera sur la manière dont le Parlement fait la promotion de la démocratie dans le monde. Comme l'Afghanistan fait partie du monde, j'imagine que cette question pourrait être abordée.

Le sénateur Downe : Je comprends que le motionnaire ait du mal à répondre, puisqu'on lui a demandé de présenter la motion à la dernière minute. Je partage toutefois l'avis du sénateur Corbin. Je suis membre du comité, mais pas du comité directeur. Je ne sais pas exactement ce qu'il fait. Je suppose que le sénateur Segal sera ici demain et qu'il pourra répondre à notre question.

(Sur la motion du sénateur Downe, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au mercredi 31 janvier 2007, à 13 h 30.)


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