Débats du Sénat (Hansard)
Débats du Sénat (hansard)
3e Session, 40e Législature,
Volume 147, Numéro 61
Le jeudi 28 octobre 2010
L'honorable Donald H. Oliver, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le jeudi 28 octobre 2010
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Semaine de la mode d'Ottawa
L'honorable Elizabeth Hubley : Honorables sénateurs, selon Statistique Canada, l'industrie du vêtement est le 19e secteur manufacturier en importance au Canada. Plus de 30 p. 100 des vêtements fabriqués sont exportés dans le monde entier. Au Canada, l'industrie de la mode est un secteur dynamique de l'industrie de la fabrication de vêtements. De plus, les designers canadiens ont acquis une renommée internationale.
Les sénateurs qui seront à Ottawa ce week-end pourront voir les designers à l'œuvre à l'occasion de la quatrième édition de la Semaine de la mode d'Ottawa, qui se tiendra au Musée des beaux-arts du Canada. La Semaine de la mode d'Ottawa met en valeur le travail des designers de mode, tant les nouveaux artisans que les designers établis, et invite les médias, les représentants de l'industrie, les acheteurs et les consommateurs à assister à la présentation des collections printemps-été 2011 de plus de 20 designers.
La Semaine de la mode d'Ottawa n'est qu'une des activités qui mettent en valeur l'industrie canadienne de la mode. La Semaine de la mode LG, l'un des premiers événements de mode au Canada, a eu lieu la semaine dernière à Toronto. On organise aussi des semaines de la mode dans d'autres villes, comme Halifax et Vancouver.
Je souhaite un grand succès aux designers qui présentent leur travail ce week-end, à Ottawa, dans le cadre d'une activité qui célèbre la mode, une forme d'art créative et multiforme.
[Français]
L'Ordre du Nouveau-Brunswick
Félicitations aux récipiendaires de 2010
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool : Honorables sénateurs, c'est avec beaucoup de fierté que je prends la parole aujourd'hui pour vous parler d'un ami très cher, le père Zoël Saulnier, qui a été décoré hier de l'Ordre du Nouveau-Brunswick, la plus haute marque d'estime que peut décerner ma province à un particulier.
Le père Zoël, comme tout le monde l'appelle chez nous, est un grand Acadien qui a beaucoup fait pour notre Acadie et pour son église. Fier patriote impliqué dans les instances dirigeantes de toute l'Acadie, il est, depuis toujours, l'un des grands ambassadeurs de notre culture acadienne et de notre belle langue française. Encore aujourd'hui, à 77 ans, il participe activement à la diffusion et à la reconnaissance de nos artistes.
Outre son ministère pastoral, il écrit, beaucoup et bien. Il a le souci de bien employer cette belle langue française. Sa biographie vient d'être lancée au récent salon du livre de la péninsule acadienne. Si vous voulez découvrir qui est le père Zoël, je vous encourage à lire L'Acadie dans le cœur, de Sylvain Rivière.
Pour moi qui le connais depuis très, très longtemps, depuis l'enfance, c'est un ami proche, un confident et un pilier moral en qui j'ai toute confiance. C'est donc avec une grande fierté, mais aussi avec beaucoup d'affection que je félicite très chaleureusement le père Zoël de l'hommage bien mérité que lui rend aujourd'hui ma province.
J'en profite aussi pour offrir mes félicitations aux neuf autres récipiendaires qui ont été décorés de l'Ordre du Nouveau-Brunswick hier, en même temps que le père Zoël : Dawn Arnold, du Festival littéraire international Northrop Frye; Wayne Brown, de la Première nation de St. Mary's; Pamela Coates, qui lutte inlassablement contre la pauvreté; Reuben Cohen, chancelier émérite de l'Université Dalhousie; Evérard Daigle, ancien maire et député de Grand Sault; Gérard Haché, ancien député et homme d'affaires de la péninsule acadienne; Gerard Losier, médecin hygiéniste et militant de Miramichi; Susan Rickards, enseignante, écrivaine et militante pour les sans-abri et, enfin, Ruth Stanley, ancienne avocate militante et féministe.
Bravo à chacune et chacun d'entre vous.
AFFAIRES COURANTES
LE receveur général du Canada
Les comptes publics du Canada—Dépôt du rapport de 2010
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 28(3) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, les Comptes publics du Canada de 2010.
Le Conseil du Trésor
La Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles—Dépôt du rapport annuel de 2009-2010
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2009-2010 du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sur la Loi sur la protection des fonctionnaires divulgateurs d'actes répréhensibles.
[Traduction]
Le Sénat
Avis de motion visant à exhorter le gouvernement à revenir sur sa décision de remplacer le questionnaire de recensement détaillé
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne avis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Sénat, reconnaissant que le questionnaire détaillé de recensement national constitue un outil irremplaçable pour les gouvernements et les organismes qui conçoivent des politiques visant à améliorer le bien-être des Canadiens, exhorte le gouvernement du Canada à revenir sur sa décision de remplacer le questionnaire de recensement détaillé par une enquête nationale auprès des ménages plus coûteuse et moins utile.
Régie interne, budgets et administration
Présentation du sixième rapport du comité
Permission ayant été accordée de revenir à la présentation de rapports de comités permanents ou spéciaux :
L'honorable David Tkachuk, président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, présente le rapport suivant :
Le jeudi 28 octobre 2010
Le Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a l'honneur de présenter son
SIXIÈME RAPPORT
Votre Comité recommande que le Sénat acquiesce à la demande de la Vérificatrice générale de procéder à une vérification du rendement de l'Administration du Sénat.
Respectueusement soumis,
Le président,
DAVID TKACHUK
Son Honneur le Président intérimaire : Quand étudierons-nous le rapport?
(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)
(1340)
[Français]
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires étrangères
Les enfants soldats
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Historiquement, nous avons adhéré à des conventions — je le dis parce que cela fait au moins 10 ans —, et plus particulièrement à la Convention relative aux droits de l'enfant, ainsi qu'au protocole d'entente visant les enfants soldats en 2000.
En signant ce document, le gouvernement a accepté d'adhérer à la définition d'enfant soldat qui stipule que toute personne âgée de moins de 18 ans ne devrait jamais être utilisée dans des conflits, soit pour l'entraînement ou pour le recrutement en vue d'un entraînement, soit pour l'armée. Ces jeunes ne peuvent pas être utilisés dans des conflits.
Dans le contexte de l'engagement du Canada dans le conflit armé en Afghanistan depuis 2002, madame le leader pourrait-elle nous dire si une personne âgée de moins de 18 ans impliquée dans cette guerre, que cette personne soit de notre côté ou du côté des opposants, serait considérée comme un enfant soldat?
[Traduction]
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la définition d'enfant soldat fait l'objet d'un certain débat quand il s'agit de personnes qui se trouvaient en Afghanistan. Le sénateur a expliqué quelle en est, selon lui, la définition.
Le sénateur Dallaire : Il ne s'agit pas de ma définition; c'est la définition à laquelle le gouvernement canadien a officiellement adhéré. En fait, pendant plusieurs années, le Canada a participé à la rédaction de la Convention relative aux droits de l'enfant et s'est employé à convaincre la majorité des pays du monde de la signer également. Il s'agit d'une de ces rares conventions qui comptent un très grand nombre de pays signataires, qui suivent l'exemple de grands pays comme le Canada et les États-Unis.
La définition est très claire : tout jeune qui est utilisé, soit par des forces gouvernementales, soit par des intervenants non étatiques dans un conflit est, par définition, un enfant soldat auquel s'applique la convention.
Le Canada a-t-il rejeté la convention?
Le sénateur LeBreton : Absolument pas. La définition d'enfant soldat est claire. Je crois que le sénateur fait référence à un individu au sujet duquel il m'a déjà posé des questions à plusieurs reprises; or, il y a actuellement un vif débat pour déterminer si cet individu en particulier cadre avec la définition d'enfant soldat, telle que le pays la reconnaît.
Le sénateur Dallaire : Honorables sénateurs, je ne fais allusion à personne en particulier. Je pourrais parler de Canadiens qui seraient recrutés dans les Forces canadiennes avant l'âge de 18 ans et envoyés dans une zone de conflit. Nous avons vu les Britanniques recruter des soldats avant l'âge de 18 ans et les déployer en Afghanistan. Ils ont par la suite dû rendre des comptes. Le gouvernement britannique les a retirés et il a pris des mesures pour que cela ne se reproduise pas.
Je ne parle pas d'une personne en particulier. J'essaie seulement de comprendre si le gouvernement du Canada a changé officiellement de position devant les Nations Unies ou toute autre organisation internationale et a décidé de contrevenir à la convention ou de ne plus la reconnaître.
J'attire l'attention du sénateur sur le rapport national que nous avons présenté l'automne dernier à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à Genève. Dans ce rapport, nous disions que nous acceptions la convention contre l'utilisation d'enfants soldats lors de conflits. Le rapport était signé par le ministre des Affaires étrangères. Avons-nous changé de position sur cette question?
Le sénateur LeBreton : Nous n'avons pas changé de position sur cette question. Le sénateur devrait savoir mieux que tout le monde que le gouvernement du Canada et la population canadienne ne recruteraient jamais des enfants soldats pour se battre au nom de notre pays. Cela ne se ferait pas au Canada.
Le sénateur fait peut-être allusion à des situations survenues lors d'autres guerres, où des soldats n'avaient pas l'âge requis, mais, comme le savent les sénateurs, ces soldats s'étaient enrôlés en trichant sur leur âge.
Le sénateur sait très bien — et je suis étonnée de sa question — que nous ne recrutons pas d'enfants pour servir dans l'armée canadienne.
Le sénateur Dallaire : J'ai été sous-ministre adjoint du personnel au quartier général de la Défense nationale en 1998 et tout ce qui concernait la position du Canada au sujet des enfants soldats en vue de la négociation de la convention passait par mon bureau. En fait, nous avons dû modifier la Loi sur la défense nationale. Nous recrutions des jeunes âgés de moins de 18 ans dans les forces armées et les inscrivions à des programmes de formation au collège militaire. Nous avons également confirmé que nous ne les entraînerions et ne les utiliserions jamais dans des opérations militaires avant qu'ils aient atteint l'âge de 18 ans. Nous avons pris cette décision avant de signer la convention.
Ce que j'essaie de comprendre en interrogeant le leader du gouvernement au Sénat, puisque la convention est appliquée internationalement, c'est si nous avons changé notre position à l'égard de cette convention que nous avons signée et, tout particulièrement, à l'égard de la définition dont se sert la Cour pénale internationale pour juger des gens. Il y a, en fait, actuellement deux individus dans cette situation à La Haye. Sommes-nous, sans peut-être même nous en rendre compte, en train de changer de position?
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, voici une réponse simple : absolument pas.
Les anciens combattants
La reconnaissance du mérite des anciens combattants canadiens qui ont fait partie du commandement des bombardiers
L'honorable Hugh Segal : Honorables sénateurs, puisque nous parlons de certaines difficultés associées à la guerre, je me demande, à l'approche du jour du Souvenir, si le leader du gouvernement au Sénat pourrait nous dire où en est le dossier du commandement des bombardiers, où en est le processus de décision relativement aux mesures à prendre pour reconnaître les bombardiers qui ont servi courageusement et combattu pour défendre la démocratie durant la Seconde Guerre mondiale afin de leur accorder des distinctions. Je crois savoir que le dossier progresse et que la Chancellerie des distinctions honorifiques, à Rideau Hall, en a été saisie.
Je pose la question suivante à madame le ministre : pourrait-elle user de ses bons offices pour s'informer auprès de la Chancellerie des distinctions honorifiques quant au progrès de la motion présentée par le sénateur Meighen et adoptée à l'unanimité au Sénat le 18 juin 2008 et si une décision pourrait être rendue publique avant le jour du Souvenir de 2010?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je crois que j'ai répondu par écrit au sénateur Segal, qui m'a posé une question semblable. Tout ce que je puis dire, comme le sénateur le sait, c'est que le ministère des Anciens Combattants ne détient pas le pouvoir ou la responsabilité de créer de nouvelles distinctions. Toutefois, le ministre des Anciens Combattants a écrit à la Gouverneure générale pour demander que le Comité sur la politique en matière de distinctions honorifiques se penche sur la possibilité de créer une nouvelle distinction à l'intention des membres du commandement des bombardiers de la Seconde Guerre mondiale. La sous-ministre des Anciens Combattants a également écrit à son homologue à la Chancellerie des distinctions honorifiques à ce sujet.
(1350)
Voilà où en est le dossier, honorables sénateurs. Je peux demander où en est le processus, mais le dossier se trouve entre les mains de la chancellerie. J'espère que celle-ci pourra donner suite à la demande du ministre et de la sous-ministre des Anciens Combattants.
Les affaires étrangères
Les enfants soldats
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Votre Honneur, je reprends la question que j'ai commencée. Je n'avais pas terminé ma question et j'aimerais le faire.
Son Honneur le Président intérimaire : J'ai vu le sénateur Segal se lever et je croyais qu'il avait une question complémentaire.
Le sénateur Dallaire : C'est ce que je croyais aussi, mais ce n'était pas le cas. Je suis donc resté assis, en homme bien élevé, comme je crois que nous devrions nous comporter en cette enceinte, et je lui ai laissé la voie libre.
Son Honneur le Président intérimaire : Veuillez continuer.
Le sénateur Dallaire : Merci, Votre Honneur.
Dans la réponse qu'elle nous a donnée précédemment, madame le leader a souligné qu'on ne s'entendait pas sur la définition du terme. En fait, il est plutôt intéressant de constater que le ministre des Affaires étrangères a présenté une définition dans laquelle il précisait que la convention ne s'appliquait qu'aux jeunes qui font partie d'organismes nationaux reconnus, c'est-à-dire un organisme militaire national, et qu'elle ne s'appliquait pas aux autres.
Si vous me permettez d'aller un peu plus loin, j'aimerais qu'on me dise si le ministre des Affaires étrangères a modifié la définition ou si la définition retenue est toujours celle relevant de la convention des Nations Unies que nous avons signée et qui inclut les jeunes utilisés par des intervenants non étatiques dans des conflits.
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, la politique n'a pas changé. Le sénateur sait très bien que le débat actuel porte sur la définition et que l'application de la définition renvoie à une personne en particulier. Le sénateur m'a régulièrement posé des questions sur cet individu. Comme l'a souligné le ministre des Affaires étrangères, on se demande si cette personne est un enfant soldat ou non. Pour ma part, je suis d'avis qu'il ne l'est pas.
Le sénateur Dallaire : Je ne sais pas si le ministre des Affaires étrangères va trop loin en essayant de modifier le droit international ou notre position à l'égard du droit international. Nous n'avons pas modifié notre droit pénal et nous n'avons pas modifié les lois canadiennes en matière d'immigration. Nous n'avons même pas modifié les lois en matière de sécurité pour appliquer cette convention. La seule loi que nous ayons modifiée est la Loi sur la défense nationale. Toutefois, il est mondialement reconnu, y compris par la Cour pénale internationale, dont nous avons largement appuyé la création en vertu du Statut de Rome, que le recours à des jeunes de moins de 18 ans constitue un crime contre l'humanité, qu'ils fassent partie d'une organisation reconnue, comme un organisme d'un État national, ou d'un groupe distinct dans un conflit. C'est ce que dit le droit international. J'espère que le ministre des Affaires étrangères n'est pas en train d'essayer de changer cela et de commander à nos diplomates d'apporter des changements à quelque chose que nous n'avons pas le pouvoir de modifier.
Toutefois, si le leader affirme qu'il ne modifie pas la définition, mais qu'il a du mal à la comprendre ou que nous l'avons bonifiée, j'aimerais alors lui donner un exemple et lui demander de nous dire si ce exemple pourrait être appliqué ici.
Le sénateur Tkachuk : Répondez-vous à vos propres questions?
Le sénateur Dallaire : Non, je demande une réponse. Permettez-moi de poser la question.
Il y a quatre jours, M. Karzaï, président d'un pays où fait rage un conflit dans lequel nos soldats sont impliqués et combattent, a accordé le pardon à un jeune kamikaze de 14 ans. Ce kamikaze avait été recruté sous la contrainte. Sa famille est pauvre. Les talibans sont arrivés, ont tenu la famille en otage, se sont emparés de l'enfant, l'ont bardé de dynamite et l'ont dirigé vers une cible. Les choses ont mal tourné et l'enfant a été désarmé et emprisonné. Le président de ce pays qui, en fait, n'est pas plus responsable de ce conflit que le Canada ne l'est, a accordé le pardon à ce jeune de 14 ans qui aurait pourtant pu faucher des Américains, des Canadiens, des Britanniques, des Néerlandais ou des Afghans.
Il s'agissait là de l'exercice, par un président, de l'autorité qui lui a été conférée par son pays. Ne pourrions-nous pas faire la même chose afin de nous conformer aux dispositions de cette convention internationale, même dans un cas aussi extrême que celui d'un kamikaze?
Le sénateur LeBreton : Le ministre des Affaires étrangères a fait un énoncé exact. Il ne s'est pas trompé. Il a dit ce qu'il pensait.
L'incident auquel le sénateur fait allusion au sujet du président Karzaï est intéressant. De façon détournée, le sénateur tente d'amener le gouvernement à faire des commentaires sur une affaire dont sont actuellement saisis les tribunaux. Le ministre des Affaires étrangères avait le droit de faire les commentaires qu'il a faits et il jouit de l'appui du gouvernement.
La situation d'Omar Khadr
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : En considérant la question sous un autre angle, si le gouvernement maintient sa position et l'applique dans l'affaire Omar Khadr, comme l'affirme le leader, je ne pourrai que conclure que le gouvernement a pris une décision délibérée, compte tenu du fait qu'il s'agit d'un citoyen canadien qui, premièrement, participait à un conflit, qui, deuxièmement, a été frappé par balle, et qui, troisièmement, a été fait prisonnier, non pas arrêté, mais bien fait prisonnier dans le cadre d'un conflit. Il a ensuite été placé dans un camp de prisonniers de guerre, où il a été détenu et torturé par les Américains. L'un d'eux a même fini par être reconnu coupable du meurtre de l'un des prisonniers du même camp. Le prisonnier a ensuite été transféré dans un centre de détention qui a été reconnu dans le monde entier comme une violation de la Convention de Genève et il y est resté détenu pendant huit ans. Il est actuellement soumis à une procédure qui, sur le plan international, n'est pas reconnue comme étant conforme à l'application régulière de la justice.
Madame le leader est-elle en train de me dire, même après qu'un Canadien ait traversé toutes ces épreuves, que le gouvernement n'a pas interprété à sa propre manière les dispositions de la convention?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Soyons clairs, honorables sénateurs. Omar Khadr a plaidé coupable à l'accusation de meurtre d'un infirmier de l'armée américaine, Christopher Speer. Il a reconnu sa culpabilité à une accusation de tentative de meurtre et il a reconnu avoir soutenu Al-Qaïda. Il a également reconnu publiquement avoir placé des bombes artisanales qu'il savait destinées aux civils. Le procès est maintenant entré dans la phase des audiences de détermination de la peine, dans le cadre desquelles le tribunal entendra les victimes de son crime, y compris la veuve de Christopher Speer.
Le temps que dure le procès, les choses se passent entre M. Khadr et le gouvernement américain et, au nom du gouvernement, je n'ai aucun commentaire à ajouter.
Des voix : Bravo!
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Dallaire : Je n'arrive pas à m'expliquer l'enthousiasme de l'autre côté, le fait que ces sénateurs croient à la Charte des droits, aux chartes fondamentales et à nos conventions internationales, et qu'ils ne sont pas sous l'influence de manœuvres politiques.
Ma dernière question est la suivante : est-ce que le leader peut me confirmer que le gouvernement canadien a fourni de l'aide consulaire à ce Canadien tout au long du processus et que ce prisonnier n'a pas subi de contraintes? Sommes-nous certains qu'il n'a pas été contraint, au cours d'un processus judiciaire qui n'est pas reconnu internationalement comme étant juste?
(1400)
Le sénateur LeBreton : Honorables sénateurs, j'ai déjà répondu à cette question.
Comme le sénateur Dallaire a commenté l'enthousiasme de la réponse de ce côté-ci, pour une fois, j'aimerais que quelqu'un pense à l'épouse de Christopher Speer, à ses enfants et à l'autre infirmier qui l'accompagnait et qui a perdu un œil lors de l'attaque perpétrée par Omar Khadr.
La coopération internationale
KAIROS—Le programme canadien d'aide publique au développement
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, pas plus tôt que le mois dernier, la ministre responsable de l'ACDI a dit ceci :
[...] les fonds ont été refusés récemment à KAIROS parce que [...] la proposition [...] ne correspondait pas aux priorités du gouvernement.
Ce qui est intéressant, c'est que l'ACDI possède, parmi des documents qui ont été divulgués en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, un document signé par la ministre en question qui dit que les objectifs de KAIROS sont conformes, sur le plan stratégique, aux objectifs du programme du pays.
Selon le programme dans le cadre duquel s'effectue l'évaluation, qui a reçu l'approbation de la ministre, les objectifs de KAIROS concordent avec les nôtres. Or, pour essayer d'expliquer pourquoi on aurait bien pu décider de ne plus financer KAIROS après l'avoir fait pendant 35 années consécutives, la ministre soutient que ses objectifs ne concordent pas avec les nôtres.
Si les objectifs ne concordent pas, madame le ministre peut-elle nous dire pourquoi le financement de KAIROS a été annulé? Est-ce simplement parce que sa conception du monde ne concorde pas avec quelque obscur aspect de l'idéologie du gouvernement?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Il faut que le sénateur Mitchell cesse de lire le Toronto Star.
En ce qui concerne KAIROS, nous avons clairement énoncé le centre d'intérêt et les priorités thématiques de notre pays ainsi que sa stratégie relative à l'efficacité de l'aide. J'en ai fait état hier.
Tous les projets financés par l'ACDI dans le cadre de programmes géographiques, multilatéraux ou de partenariat ont été évalués en fonction de ces critères. Après avoir exercé toute la diligence voulue, on a jugé que la proposition de KAIROS ne correspondait pas aux priorités gouvernementales L'ACDI a reçu de nombreuses propositions admissibles, mais l'agence est incapable de financer toutes celles que le ministère lui recommande.
C'est la réponse que j'ai donnée précédemment, que je donne aujourd'hui et que je continuerai de donner.
Le sénateur Mitchell : Madame le sénateur donne souvent des réponses qui n'ont absolument rien à voir avec la question. Elle devrait regarder ce qu'elle trouverait dans son cartable sous un onglet différent. Nous obtiendrions peut-être une réponse qui concorde avec la question de temps à autre.
Compte tenu du fait que le gouvernement a annulé le financement d'un grand nombre de groupes d'aide voués, d'une façon ou d'une autre, à la promotion de l'égalité des femmes, est-ce une pure coïncidence que le gouvernement ait annulé le financement de KAIROS, qui est réputé pour son programme intitulé Les femmes de courage et qui a fait la promotion des droits, du statut et de la situation des femmes dans le monde entier?
Le sénateur Mercer : Qu'ont-ils contre l'Église Unie?
Le sénateur LeBreton : Il se trouve, honorables sénateurs, que je suis née et que j'ai été élevée dans l'Église Unie.
Comme le sénateur Mitchell le sait, de nombreuses organisations demandent des fonds.
Nous sommes fiers de notre programme d'efficacité de l'aide. Nous continuerons de concentrer nos efforts sur les secteurs au sein desquels nous pouvons avoir une influence positive sur le cours des choses.
Je précise ce que nous avons fait parce que, de toute évidence, ce n'est pas en lisant le Toronto Star ou d'autres quotidiens du genre que le sénateur le saura.
Le sénateur Comeau : Ce ne sont pas ces journaux qui l'instruiront.
Le sénateur LeBreton : Le Canada offre une aide alimentaire non liée. Comme je l'ai indiqué hier, nous sommes actuellement en train de faire en sorte que toute l'aide que nous offrons soit non liée. Nous avons doublé l'aide consentie à l'Afrique et, lors du sommet du G8, nous avons fait figure de chef de file en ce qui a trait à la santé maternelle et infantile. Nous nous sommes concentrés sur les échanges commerciaux bilatéraux avec 20 pays clés. Nous avons respecté, voire dépassé, nos engagements en matière d'aide alimentaire. Nous nous sommes engagés à verser 540 millions de dollars sur trois ans au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, et nous avons remanié la Direction générale du partenariat canadien.
Comme je l'ai dit hier, l'Initiative pour sauver un million de vies, lancée en Afrique par le premier ministre en 2007 et dirigée par le Canada, a permis de former 20 000 professionnels de la santé et de distribuer 640 000 moustiquaires de lit imprégnées d'insecticide.
Qui bénéficie de ces programmes? De façon générale, ce sont les femmes.
Le sénateur Mitchell : Madame le leader du gouvernement a-t-elle jamais songé, ne serait-ce qu'un instant, que les pays qui ont reçu l'aide de l'organisation KAIROS, si fortement associée au Canada, figurent peut-être parmi ceux qui auraient appuyé notre candidature au Conseil de sécurité des Nations Unies, mais que ces États ne nous ont peut-être pas appuyés à cause de la façon dont l'actuel gouvernement structure sa politique étrangère?
Le sénateur Mercer : On récolte ce que l'on sème!
Le sénateur Tkachuk : Comme qui?
Le sénateur Cowan : Cui-cui, cui-cui. Les moineaux sont à l'œuvre.
Le sénateur LeBreton : En matière de politique étrangère, le gouvernement a établi un programme fondé sur des principes. C'est de plein droit que le Canada a posé sa candidature au Conseil de sécurité des Nations Unies. Nous avons mené une campagne juste à cet égard. Nous n'avons fait de compromis ni en ce qui concerne nos principes ni en ce qui concerne l'orientation du gouvernement. Si c'est la conclusion que le sénateur souhaite tirer, libre à lui.
Les transports
La taxe de vente harmonisée—Postes Canada
L'honorable Tommy Banks : Honorables sénateurs, j'interviens pour demander l'appui du leader du gouvernement au Sénat, dans l'intérêt des gens que je représente, dans une affaire concernant l'évitement fiscal, et non la fraude fiscale.
Les sénateurs savent probablement que les Albertains ne paient pas de taxe de vente. C'est un motif de fierté en Alberta. Nous avons toutefois d'autres impôts qui la remplacent, mais pas de taxe de vente proprement dite.
Postes Canada a toutefois décidé d'imposer une taxe de vente aux Albertains. Si je poste en Alberta un colis à destination de l'Ontario, je dois payer la taxe de vente harmonisée de cette province.
Les mots « taxe de vente » et « Alberta » sont presque incompatibles. Les seules taxes de vente que nous ayons jamais eues nous ont été imposées par divers gouvernements.
Madame le leader du gouvernement pourrait-elle demander au ministre responsable de Postes Canada de faire en sorte que les résidants des provinces où il n'y a pas de taxe de vente harmonisée n'aient pas à payer cette taxe?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons réduit la TPS. Cette question est justifiée. C'est avec plaisir que je demanderai des explications au ministre responsable de Postes Canada.
La défense nationale
L'achat des avions F-35
L'honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j'ai une question à l'intention du leader du gouvernement au Sénat.
Nous entendons aujourd'hui ceux d'en face appuyer sans aucune hésitation une personne qui a déclaré avoir été heureuse de tuer un soldat américain.
Le sénateur Mitchell : C'est faux.
Le sénateur Wallin : Nous avons entendu ceux d'en face...
Le sénateur Moore : Vérifiez la transcription.
Le sénateur Wallin : ... s'opposer au fait que le Canada dispose d'un siège aux Nations Unies. Nous avons aussi entendu ceux d'en face, ainsi que leurs collègues à la Chambre des communes, dire que, s'ils en avaient l'occasion, ils annuleraient le contrat des F-35, qui permettront d'assurer la protection de nos soldats.
Madame le leader peut-elle nous parler des conséquences de l'attitude des libéraux à l'égard des F-35?
L'honorable Marjory LeBreton (leader du gouvernement) : Je remercie le sénateur Wallin de sa question. Lorsque j'ai entendu le chef de l'opposition à l'autre endroit faire une déclaration aussi scandaleuse et irresponsable au sujet des F-35, hier, j'ai cru qu'il avait un flashback et qu'il écoutait les conseils de son chef de cabinet, Peter Donolo, qui avait participé à l'annulation de l'achat de nouveaux hélicoptères au début des années 1990.
Le sénateur Wallin aura noté que les journaux d'aujourd'hui ont fait part de leur indignation quant à l'annonce des libéraux. C'est une situation avantageuse pour le Canada, l'économie canadienne et les Forces canadiennes. Les Forces canadiennes remplaceront un appareil qui aura bientôt atteint la limite de sa durée de vie utile, et les Canadiens auront accès à des emplois bien rémunérés pendant des années à venir grâce à cette initiative.
Le gouvernement ne changera pas d'avis. Nous nous assurerons que les Forces canadiennes disposent de l'équipement nécessaire. L'annonce des libéraux montre clairement que, si jamais la coalition prenait le pouvoir, la décennie de noirceur reprendrait. Nous défendons les intérêts des militaires canadiens, et nous protégeons des dizaines de milliers d'emplois dans l'industrie aérospatiale.
(1410)
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Thomas Gaffney et de M. Earnest Beaudin, qui sont les invités du sénateur Campbell.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
ORDRE DU JOUR
Projet de loi visant à assurer la sécurité des Canadiens
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Fabian Manning propose que le projet de loi S-13, Loi portant mise en œuvre de l'Accord cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, je suis heureux d'avoir l'occasion de parrainer le projet de loi S-13, une mesure législative qui renforce l'engagement du gouvernement à veiller à ce que nos frontières soient ouvertes au commerce et aux déplacements légitimes, mais fermées aux activités criminelles. Les sénateurs savent que l'un des principaux engagements du gouvernement à l'égard des Canadiens est de rendre nos rues et nos collectivités plus sûres pour tous. C'est l'une de nos principales priorités depuis que le gouvernement conservateur a été élu pour la première fois en 2006.
Nous y sommes parvenus en sévissant contre la criminalité, particulièrement contre les crimes violents commis avec une arme à feu. Nous avons fait adopter des mesures législatives qui prévoient des peines plus sévères pour ceux qui sont reconnus coupables de fusillade au volant ou de meurtre lié au crime organisé. Nous avons fait adopter une nouvelle mesure législative musclée qui donne aux policiers et aux tribunaux les pouvoirs supplémentaires dont ils ont besoin pour lutter contre le vol d'identité. Nous avons présenté une mesure législative visant à sévir contre le crime organisé et le trafic des drogues en imposant des peines de prison obligatoires aux personnes qui participent à des crimes graves liés à la drogue. Nous avons présenté une mesure législative qui contribue à veiller à ce que les personnes reconnues coupables de crimes purgent une peine conforme à la gravité des crimes commis en limitant le crédit accordé pour le temps passé en détention présentencielle. Nous avons présenté une mesure législative qui prévoit des peines plus sévères pour les fraudes.
Honorables sénateurs, le gouvernement a présenté une mesure législative visant à renforcer le registre national des délinquants sexuels et la Banque nationale de données génétiques, ainsi que des mesures pour soutenir la capacité des organismes d'application de la loi à lutter contre le crime dans le contexte de l'évolution rapide des technologies de communication. De plus, nous avons donné aux policiers et aux responsables de l'application de la loi les outils et les ressources dont ils ont besoin pour faire leur travail.
Comme les sénateurs peuvent le constater, nous avons déjà fait des démarches pour contribuer à mettre fin aux activités des criminels, mais nous pouvons faire davantage. C'est ce que le projet de loi que nous proposons nous permettrait de faire. Après tout, c'est l'essence de ce projet de loi.
Le projet de loi S-13 vise à assurer la sécurité de nos rues et de nos collectivités. Il vise à protéger la sûreté et la sécurité des Canadiens en luttant contre le crime organisé, les membres de gangs et autres, dont la majeure partie du revenu illégal vient souvent de la contrebande, de part et d'autre de la frontière avec les États-Unis, de produits comme des armes et de la drogue.
Honorables sénateurs, ce projet de loi propose de mettre en œuvre un accord cadre signé en mai 2009 par le ministre de la Sécurité publique et le secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis. Cet accord permettra à des agents d'application de la loi canadiens et américains, spécialement formés et désignés, de travailler ensemble, sur les navires des deux pays et dans les eaux partagées, afin d'appliquer la loi des deux côtés de la frontière. Les groupes du crime organisé ne pourront donc plus exploiter les eaux frontalières partagées pour échapper à des arrestations et à des poursuites. En vertu de ce cadre, les agents d'application de la loi pourront continuer de poursuivre et d'arrêter des criminels, et ce, peu importe de quel côté de la frontière ils se trouvent.
Certains sénateurs savent peut-être déjà que cet accord, qui s'intitule Accord cadre sur les opérations intégrées transfrontalières maritimes d'application de la loi entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d'Amérique, ou plus communément accord Shiprider entre le Canada et les États-Unis, a été mis à l'essai par des agents d'application de la loi canadiens et américains désignés à cette fin au cours des dernières années. Les opérations ont été lancées dans le cadre d'un projet pilote en septembre 2005, ainsi que d'août à septembre 2007. Les résultats ont été positifs. Au cours du projet pilote mené en 2007, les agents canadiens et américains qui travaillaient ensemble ont saisi pour plus de 1,4 million de dollars de cigarettes de contrebande et 215 livres de marijuana, dont la valeur atteignait les 330 000 $ US.
Prenant appui sur ce succès, le gouvernement conservateur a mis en œuvre cette année le projet pilote Shiprider, dans le cadre de nos opérations de sécurité transfrontalières avant et après les Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver. Comme les sénateurs le savent, les opérations de sécurité liées à cet événement international étaient fort complexes et faisaient intervenir plusieurs agences. Ce fut une excellente occasion d'utiliser le projet pilote Shiprider pour resserrer la sécurité grâce aux patrouilles frontalières, le long de nos cours d'eau partagés. Les bateaux de la GRC et de la Garde côtière américaine, désignés spécialement comme des navires Shiprider Canada-États-Unis, ont été déployés dans le détroit de Puget et au large de la côte du Pacifique en tant que mesure dissuasive visible pour prévenir les menaces à la sécurité nationale et pour y répondre. En fin de compte, il n'y a eu aucune intervention de sécurité pendant les jeux, mais quelques personnes ont été arrêtées, dont un individu recherché en vertu d'un mandat.
En juin dernier, le projet pilote Shiprider a été mis en œuvre lors d'un autre événement international d'envergure. C'était sur le lac Ontario, avant et pendant le sommet du G20. L'objectif consistait à aider à assurer la sécurité du secteur riverain de Toronto. De nouveau, l'opération a été couronnée de succès. Les bons résultats de ces projets pilotes illustrent comment les agences de sécurité frontalière du Canada et des États-Unis peuvent travailler ensemble pour assumer leurs responsabilités plus efficacement. Cela indique clairement aux contrebandiers éventuels que le Canada et les États-Unis sont en train de colmater les brèches dont ils pourraient être tentés de profiter.
Les sénateurs peuvent ainsi constater que l'accord Canada-États-Unis sur le projet Shiprider contribue à renforcer efficacement la sécurité de nos eaux frontalières. C'est une bonne chose en effet de savoir que nous prenions les mesures nécessaires pour mettre pleinement en œuvre à l'échelle nationale ce concept novateur.
La mesure législative dont nous débattons aujourd'hui précise clairement la manière dont ces opérations maritimes intégrées d'application de la loi fonctionneront. Les opérations se dérouleront dans nos voies navigables limitrophes et seront fonction des évaluations des menaces conjointes sur le Canada et les États-Unis. Seuls les membres désignés et spécialement entraînés de la GRC, de la Garde côtière des États-Unis et des autres organismes d'application de la loi compétents pourront participer aux opérations du projet Shiprider.
Le commissaire de la GRC et le commandant de la Garde côtière américaine auront la responsabilité générale de la gestion et de la coordination des opérations conjointes. Toutes les opérations se dérouleront dans le respect de la primauté du droit et des droits et libertés protégés par la Constitution. La souveraineté nationale des deux pays sera respectée. Par exemple, les agents d'application de la loi canadiens dirigeront toutes les activités relatives à l'application de la loi sur le territoire canadien, et les agents américains feront de même en territoire américain. Toutes les opérations intégrées d'application de la loi sur le territoire canadien seront assujetties à un processus de plaintes du public afin d'assurer transparence et reddition de comptes. Les deux pays ont convenu de dispositions concernant la saisie de biens et l'arrestation et la mise en détention des personnes.
L'accord-cadre conclu entre le Canada et les États-Unis s'écarte sensiblement de l'approche en matière de coopération transfrontalière relative à l'application de la loi adoptée traditionnellement par les deux pays. Il signale le début d'une nouvelle ère de coopération dans le domaine de l'application de la loi; les ressources sont à leur maximum, la coopération est accrue et la sécurité à la frontière grandement renforcée. Il y a ainsi beaucoup plus de chances que les groupes du crime organisé et les gangs qui menacent la sécurité des Canadiens et des Américains en passant des biens illégaux en contrebande à la frontière soient traduits en justice. Cela signifie que nos rues et nos collectivités seront alors plus sûres et qu'il y aura moins d'armes à feu et de drogue qui passeront la frontière en contrebande. Plus de criminels rendront compte de leurs actes.
(1420)
C'est ce que les Canadiens veulent. C'est ce que le gouvernement conservateur a été élu pour faire et c'est ce que nous continuerons de faire en lançant de nouvelles initiatives au cours des prochains mois, pour que le Canada demeure le pays le plus sûr et le plus prospère au monde.
J'invite tous les sénateurs à appuyer la mesure dont nous sommes saisis aujourd'hui.
L'honorable Hugh Segal : Le sénateur Manning accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Manning : Oui.
Le sénateur Segal : En tant que parrain du projet de loi, le sénateur Manning est soit au courant de deux aspects de la mesure, soit prêt à poser les questions pertinentes à ce sujet. Il s'agit du rapport entre le processus d'application de la loi utilisé par la Garde côtière américaine, un service militaire au même titre que la marine, l'armée de terre et l'armée de l'air, aux États-Unis, et le processus utilisé par la Gendarmerie royale du Canada, un service de police non militaire.
Comme mon bon ami le sait, en raison du vif intérêt qu'il voue aux réservistes de la marine et de l'appui qu'il leur donne, la Réserve navale au Canada a, entre autres responsabilités explicites : la patrouille des côtes, la protection des ports et l'aide à l'autorité civile. Toute information que le sénateur pourrait nous communiquer pourrait nous être utile, particulièrement en ce qui concerne le rapport que créera cette loi entre le processus d'application conjointe de la loi et la Réserve navale, de même qu'en ce qui concerne toute anomalie qui pourrait survenir du fait que la Garde côtière américaine est liée aux services militaires américains et qu'il n'est pas question de participation militaire de notre côté.
Le sénateur Manning : Je remercie le sénateur de sa question.
Cet accord, qui a été conclu entre les gouvernements du Canada et des États-Unis, confère au commissaire de la GRC au Canada et au commandant de la Garde côtière aux États-Unis le pouvoir de mettre en œuvre l'accord et de gérer les opérations. Les responsabilités comprendraient également l'élaboration de programmes de formation conjoints, la nomination des agents participants et la mise en œuvre des opérations.
Ce ne sont pas tous les officiers qui vont participer au projet Shiprider, et ceux qui y participeront devront subir un entraînement spécial. Ils devront répondre aux critères établis et être désignés membres en bonne et due forme du projet Shiprider. Les agents de la GRC et de la Garde côtière américaine, ainsi que les agents de la paix des autres ordres de gouvernement, seront nommés en vertu des lois des provinces et des États concernés. Les pilotes et tous les membres d'équipage feront partie des opérations intégrées. Tout le monde va mettre l'épaule à la roue. Les eaux en territoire canadien seront du ressort du Canada, tandis que les celles qui se trouvent en territoire américain relèveront des États-Unis, et nous allons travailler main dans la main afin que personne ne puisse échapper à la loi en traversant la frontière pour se cacher dans l'autre pays.
Nous allons travailler main dans la main, tout en respectant les lois des deux pays et en empêchant les criminels de prendre la clé des champs.
Le sénateur Segal : Honorables sénateurs, même si j'approuve tant l'esprit que la lettre de cette mesure législative, j'aimerais que mon collègue me confirme qu'elle ne créera pas de nouvelles obligations pour la Réserve navale du Canada, pas plus qu'elle ne restreindra la portée de ses responsabilités actuelles.
Le sénateur Manning : Je puis assurer à mon collègue que je ne crois pas que ce soit le cas.
Le respect de la souveraineté nationale des deux pays fait partie intégrante des principes sur lesquels s'appuie cette mesure législative. Les opérations seront menées conformément au principe de la primauté du droit, reposeront sur des renseignements étayés et feront suite à des évaluations conjointes des risques. Le projet de loi identifie notamment les agents — tant canadiens qu'américains — qui prendront part aux opérations du projet Shiprider, en plus de définir les critères de nomination et de prendre les arrangements nécessaires pour que les agents désignés d'un pays puissent faire appliquer les lois de l'autre pays, lorsqu'ils sont sur le territoire de l'autre pays. Les dispositions relatives à la saisie de biens, de même qu'à l'arrestation et à la détention de personnes, figurent également parmi ses éléments clés.
Les projets pilotes qui ont été réalisés ces dernières années, notamment dans le cadre du sommet du G20 de cet été, ont été couronnés de succès. Les criminels ont vite compris que les règles du jeu avaient changé et que les lois et les règlements des deux côtés de la frontière seraient désormais respectés.
Selon moi, le sénateur n'a pas à craindre l'accroissement des responsabilités. Il s'agit plutôt d'une nouvelle responsabilité, qui sera assumée des deux côtés de la frontière et que cette mesure législative viendra renforcer.
(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur la sélection des sénateurs
Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Brown, appuyée par l'honorable sénateur Runciman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-8, Loi concernant la sélection des sénateurs.
L'honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd'hui sur le projet de loi S-8, Loi concernant la sélection des sénateurs.
Ce projet de loi a engendré beaucoup de réflexions de la part de sénateurs des deux côtés de notre enceinte. Je suis d'accord sur plusieurs des points soulevés au cours du débat précédent. Je veux, pour ma part, présenter deux arguments justifiant mon opposition au projet de loi dont nous sommes saisis.
Premièrement, ce projet de loi est émaillé de difficultés techniques systémiques. Comme le sénateur Brown l'a signalé dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, ce projet de loi ne constituera pas une directive juridique. Il ne fait que donner au premier ministre du Canada la possibilité d'envisager la nomination au poste de sénateur des candidats qui auront été élus dans leur province ou territoire respectif.
Je pose la question suivante aux sénateurs : à quoi bon? Si un premier ministre peut décider de faire fi de ces élections ou de ces consultations à l'échelle provinciale, pourquoi se donner la peine de les tenir? L'idée de tenir une élection est de rendre le processus plus démocratique et légitime. Si les premiers ministres fédéraux ont la possibilité de ne pas en tenir compte, bien des gens diront que ce processus est loin d'être démocratique.
Le projet de loi dit aussi que cela permettrait l'établissement d'un cadre définissant le processus législatif d'élection des sénateurs dans les provinces et les territoires. Par contre, chaque province ou territoire pourrait établir ses propres règles et règlements. Il y aurait donc absence d'uniformité, et les exigences pourraient varier considérablement d'une province à l'autre et d'un territoire à l'autre.
En outre, chaque province devrait adopter une loi permettant la tenue de ces élections. Il n'est pas déraisonnable de croire que ce ne sont pas toutes les provinces qui appuieront l'idée. Ainsi, certaines provinces adopteraient ce processus et d'autres choisiraient de ne pas le faire. Il y aurait donc deux poids, deux mesures, ou deux systèmes différents au Canada. Ce serait par conséquent, selon moi, une procédure moins légitime que celle que nous avons actuellement ou, comme le sénateur Neufeld l'a dit au Sénat, une procédure qui ne serait ni pratique ni efficace.
Honorables sénateurs, le projet de loi renferme un grand nombre de termes conditionnels tels que « peut », « soit », « lorsque » et « si », et il n'a pas la rigueur qui lui donnerait un caractère définitif. Il donne l'impression de n'être qu'une mesure hypothétique, c'est-à-dire un projet de loi qui, s'il était adopté, créerait uniquement une illusion de changement et laisserait la possibilité de ne pas en tenir compte.
Ma deuxième observation relativement au projet de loi S-8 est liée à une préoccupation quant à son impact sur notre système parlementaire. Je m'oppose à cette mesure parce que je suis convaincu que les Pères de la Confédération avaient raison lorsqu'ils ont créé la Chambre haute. Ils se sont rendu compte qu'ils avaient besoin d'une Chambre haute efficace qui, comme l'a mentionné sir John A. Macdonald en 1867, serait une Chambre de second examen objectif au Parlement. Ainsi, le Sénat devait servir de contrepoids dans le système parlementaire canadien, ce qui constitue un élément essentiel dans une démocratie.
Le principe du second examen objectif a été appliqué à maintes reprises au cours de l'histoire du Sénat. Les sénateurs se souviendront du projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité, qui est relativement récent. Cette mesure a été adoptée à toute vapeur à la Chambre des communes, et le Sénat a constaté qu'elle comportait des lacunes susceptibles de l'empêcher d'atteindre son objectif. Des douzaines d'amendements ont été adoptés au Sénat, et le projet de loi a été renvoyé à l'autre endroit, où un grand nombre de ces changements ont été acceptés par le gouvernement, mais pas tous. Après d'autres discussions entre le Sénat et les représentants de la Chambre, un projet de loi a finalement été jugé acceptable par le gouvernement et la majorité des députés de l'autre endroit, puis il a été approuvé ici, au Sénat. Cet exemple illustre clairement l'importance d'une révision législative ou d'un second examen objectif.
(1430)
Cette mesure n'est pas la seule qui a été modifiée par le Sénat. Les sénateurs se souviennent peut-être des mesures suivantes : le projet de loi C-29, Loi modifiant la Loi sur les brevets, le projet de loi C-12, Loi favorisant l'activité physique et le sport, ou le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, pour n'en nommer que quelques-unes. Toutes ces mesures ont été modifiées par le Sénat parce que les sénateurs ont pris leur rôle au sérieux. En fait, selon des données de la Bibliothèque du Parlement, au cours de la période allant de 2001 à 2004, le Sénat a modifié 10,7 p. 100 des projets de loi du gouvernement. Je précise que, à cette époque, le gouvernement jouissait d'une majorité, tant à la Chambre des communes qu'au Sénat.
Honorables sénateurs, je crains qu'un Sénat élu ne mine encore plus l'indépendance actuelle des sénateurs en faisant intervenir davantage la politique partisane, qui est tellement plus présente à l'autre endroit. Au lieu de compléter le travail effectué à l'autre endroit, un Sénat élu, où des candidats se présenteraient sous la bannière des différents partis politiques, renforcerait l'emprise des partis sur le processus législatif.
Je veux maintenant aborder un thème important qui a été souligné par le sénateur Nolin. Comme mon collègue l'a fait valoir de façon éloquente, si nous avions un Sénat élu, il est probable que la représentation que nous avons actuellement ici ne serait pas la même. Il pourrait fort bien y avoir moins de femmes au Sénat que ce n'est le cas actuellement. Il pourrait aussi y avoir moins de leaders autochtones, et il est probable que nous n'aurions pas des gens issus d'un aussi grand nombre de milieux et possédant autant d'expérience et de compétences que ce n'est le cas actuellement.
Plusieurs de ces sénateurs ne sont pas des politiciens qui chercheraient à se faire élire à des charges publiques et seraient incapables ou peu désireux de consacrer tout l'argent et le temps voulus qu'exige une campagne électorale. Pourtant, ils sont dévoués à la tâche et ils offrent une perspective et une expertise de grande valeur, ce qui aide le Sénat à procéder au second examen objectif des projets de loi, à élaborer la politique sociale et à protéger les minorités.
Honorables sénateurs, les faits le prouvent. En raison des choix délibérés faits lors du processus de nomination, certains groupes de la population sont mieux représentés au Sénat qu'à l'autre endroit. Ainsi, les femmes représentent 34 p. 100 des membres de la Chambre haute alors qu'elles ne forment que 21 p. 100 des membres de la Chambre basse. Les membres des Premières nations représentent 7,7 p. 100 des membres de la Chambre haute et 1 p. 100 de ceux de la Chambre basse. La situation n'est pas parfaite, mais les différents segments de la population du Canada sont mieux représentés ici qu'à la Chambre des communes.
Le Sénat tient davantage compte des points de vue des régions dans ses délibérations. Cela est particulièrement important pour protéger les minorités des provinces les plus petites. C'était une préoccupation clé des Pères de la Confédération. En fait, la plupart des fédérations démocratiques du monde ont une Chambre haute pour mieux protéger leurs minorités dans le processus législatif.
Comme Andrew Heard, un politologue de l'Université Simon Fraser, le déclarait en 2008 au sujet de la composition du Sénat :
Il en résulte une accumulation de mémoire institutionnelle, une collégialité et une expertise.
En mettant cette expérience à profit, on a obtenu bien davantage qu'une grande compréhension du processus législatif.
D'impressionnants et importants rapports sur la politique gouvernementale produits par le Sénat ont influencé le discours public et les mesures gouvernementales. Parmi les études majeures sur la politique gouvernementale menées ces dernières décennies, mentionnons celles sur les banques et la finance, la sécurité nationale, les pêches, la pauvreté et la santé mentale.
Les comités du Sénat disposent de plus de temps que ceux de la Chambre des communes pour étudier les sujets en profondeur. Les membres de ces comités ont habituellement beaucoup plus de temps que les députés pour acquérir une expertise sur les sujets d'étude des comités et les comités du Sénat sont moins soumis à l'esprit de parti.
Un bon exemple de ce travail est illustré par le comité que je préside maintenant, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Sous son président précédent, le sénateur Michael Kirby, ce comité a réalisé une étude sur les questions liées à la santé mentale qui a duré deux ans et a mené à un rapport adopté à l'unanimité par les conservateurs et les libéraux et qui a remporté un prix. Plusieurs de ses recommandations sont mises en œuvre par le gouvernement actuel. Les chances qu'un comité de la Chambre des communes étudie un sujet pendant deux ans et produise un tel rapport adopté à l'unanimité sont, je présume, très minces.
Le comité en est également arrivé à un consensus en ce qui concerne les rapports sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, sur la santé des populations, sur l'autisme et sur la pauvreté, le logement et l'itinérance, ce qui prouve qu'il est capable de travailler en collaboration, comme un grand nombre d'autres comités sénatoriaux, afin de présenter d'autres options acceptables en matière de politique publique.
C'est peut-être en raison de cette réputation exemplaire que le ministre de la Santé a récemment demandé à notre comité de mener une étude approfondie sur l'état de préparation du Canada en cas de pandémie.
Honorables sénateurs, je conclurai en parlant d'une question très importante que les partisans d'un Sénat élu soulèvent souvent, soit celle de la légitimité. Même si le Sénat fournit une importante contribution à l'élaboration des mesures législatives et des politiques, comme je crois l'avoir démontré, ceux qui appuient l'élection des sénateurs sont d'avis qu'il existe actuellement un déficit démocratique et que le Sénat n'est pas légitime.
Honorables sénateurs, je ne crois pas que notre système démocratique dans son ensemble et que notre gouvernement dans son ensemble comportent des faiblesses au niveau de la démocratie. Notre pays est l'un des plus démocratiques de la planète. En passant à un Sénat élu, toutefois, nous modifions la dynamique de notre système parlementaire. Deux Chambres élues correspondront moins au système traditionnel de Westminster et davantage au système américain. Un Sénat élu, comme son équivalent américain, estimera qu'il a autant le droit que la Chambre des communes de représenter les Canadiens.
Comme le soulignait fort justement un document du gouvernement daté de 1978 :
L'élection des deux Chambres compliquerait la question de la prépondérance et saperait par conséquent le régime parlementaire.
Honorables sénateurs, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'élire les membres des deux Chambres du Parlement du Canada. Une, c'est suffisant. De plus, si le projet de loi S-8 est adopté et que le Sénat doit être élu, nous devons nous rendre compte que nous ne pourrons pas nous contenter de rafistoler. Nous serions forcés de modifier complètement la nature de notre système parlementaire. L'Australie, qui a aussi un régime parlementaire et un Sénat élu, a voulu se contenter de rafistoler, mais s'est vite rendu compte que cela ne menait qu'à une impasse parlementaire. Comme le politologue australien John Uhr l'a dit l'an dernier :
Des commentateurs du régime parlementaire australien rejettent de plus en plus les termes et les catégories du « système de Westminster » [...] en Australie, les pratiques politiques ne ressemblent pas réellement à celles du régime classique de Westminster. [...] La présence d'un sénat élu dans un parlement fédéral profondément ancré dans une constitution n'a rien à voir avec un régime classique « de Westminster ».
Par conséquent, si nous acceptons le projet de loi S-8, nous devons, du même coup, accepter de nous engager sur une pente glissante qui nous éloigne d'un système parlementaire inspiré de celui de Westminster qui, je le précise, a résisté à l'épreuve du temps.
Honorables sénateurs, j'estime que le Sénat doit faire l'objet d'une réforme ou d'un remaniement. Néanmoins, je crois qu'il faut surtout modifier la façon dont s'effectue la nomination des sénateurs. À ce jour, la nomination des sénateurs a été la prérogative d'une personne, en l'occurrence le premier ministre. Je suis d'avis que cette formule doit changer. On pourrait, par exemple, mettre sur pied un conseil spécial, pouvant comprendre d'anciens sénateurs, qui ferait des recommandations au premier ministre ou au Parlement, un peu comme pour la nomination des juges.
On pourrait également retenir une formule de nomination provinciale. J'estime qu'un mandat non renouvelable de 10 à 12 ans serait approprié.
Honorables sénateurs, renouvelons le Sénat, faisons en sorte qu'il soit plus efficace, mais ne détruisons pas ou ne changeons pas radicalement la structure d'une institution qui nous a bien servis au cours des 143 années d'existence du Canada.
L'honorable Hugh Segal : Mon collègue accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Eggleton : Bien sûr.
Le sénateur Segal : Mon distingué collègue a des antécédents remarquables puisqu'il a été maire de Toronto à plusieurs reprises, qu'il est le seul libéral pour lequel j'aie jamais voté dans toute ma vie et qu'il a été élu député à l'autre endroit à plusieurs reprises avec une grande partie de la faveur populaire.
J'essaie de comprendre quel problème le Parti libéral voit dans le principe de la démocratie. Le sénateur pourrait-il m'expliquer pourquoi il affirme, d'une part, que la durée de notre mandat de sénateurs nous permet de prendre les choses au sérieux et, d'autre part, à la fin de son intervention, que nous devrions peut-être limiter la durée de ce mandat à 10 ou 12 ans.
Comme le sénateur le sait déjà, l'opposition à l'autre endroit fait de l'obstruction systématique pour empêcher le projet de loi visant à limiter la durée du mandat des sénateurs de suivre son cours dans le processus législatif. J'aimerais que le sénateur m'explique pourquoi la contagion de la démocratie est aussi effrayante pour lui et pour ses collègues d'en face. J'aimerais que le sénateur précise sa pensée. Si une province devait élire ses candidats au poste de sénateur et soumettre une liste au premier ministre pour considération, la qualité des travaux du Sénat en serait-elle automatiquement dévaluée?
(1440)
Honorables sénateurs, je sais que le sénateur Eggleton est un grand démocrate et qu'il est convaincu de la légitimité de la démocratie et de la participation populaire. J'ai toutefois de la difficulté à comprendre pourquoi le sénateur se rangerait du côté de l'ancienne position centriste de Trudeau, selon laquelle même un soupçon de démocratie dans cet endroit représenterait une violation absolue des principes élitistes selon lesquels le Sénat a été créé.
Comme le sénateur Eggleton l'a mentionné, cette Chambre a été créée il y a 143 ans, à l'époque où les femmes ne jouissaient pas du droit de vote et où les hommes ne pouvaient exercer ce droit qu'à condition d'être propriétaires. Le but du sénateur est-il d'assurer la survie de ce genre de préjugés au Canada? Voilà la question que je lui pose avec tout le respect que je lui dois.
Le sénateur Eggleton : Honorables sénateurs, la démocratie est loin de faire défaut dans ce pays. J'en suis fier. Nous pouvons tous être fiers de la démocratie canadienne. On ne saurait trouver mieux ailleurs. Nous avons hérité du système parlementaire de Westminster et celui-ci a résisté à l'épreuve du temps. Même le sénateur a admis que cette Chambre existe depuis 143 ans et qu'elle fonctionne bien.
Honorables sénateurs, j'ai effectivement participé à bien des élections et je comprends le processus électoral. Cependant, il y a un certain nombre de personnes dans cette enceinte qui n'ont jamais vécu d'élections, qui ne seraient jamais en faveur d'élections, mais qui ont contribué. Je pense en particulier à mon ancien vice-président du Comité sénatorial des affaires sociales, le sénateur Keon. Cet homme n'aurait jamais brigué une charge publique, mais il a apporté une contribution de poids à ce pays et au Sénat. Je crois que nous avons de la place pour ce genre de personnes. C'est pourquoi j'affirme qu'au fond, le système fonctionne bien.
Lorsque je dis cela, je le dis à titre personnel et en tant que sénateur. Mes propos sont attribués à tous les sénateurs de ce côté-ci, c'est-à-dire au Parti libéral. Pourtant, je ne parle pas nécessairement au nom des autres sénateurs libéraux, mais c'est là un des traits particuliers au Sénat. Je peux prendre la parole et tenir ce genre de propos sans demander l'autorisation du bureau de direction. Je prends la parole à titre personnel.
Son Honneur le Président intérimaire : J'ai le regret d'informer le sénateur que les 15 minutes dont il disposait sont écoulées. Le sénateur souhaite-t-il avoir plus de temps?
Le sénateur Eggleton : Je demande cinq minutes de plus.
Son Honneur le Président intérimaire : Le sénateur dispose de cinq minutes de plus.
L'honorable Terry M. Mercer : Peut-être que si le sénateur Segal a une aussi piètre opinion du Sénat, il aurait dû refuser lorsque Paul Martin l'a approché.
Pour revenir au sénateur Eggleton et à son discours d'aujourd'hui, j'apprécie ce qu'il a dit au sujet du plus grand nombre de femmes et de personnes d'origine autochtone au Sénat. Je fais valoir depuis un certain temps déjà que les premiers ministres et les chefs de l'opposition, qui seront les seuls à pouvoir nommer des sénateurs pendant encore un bout de temps, devraient s'engager envers les Canadiens à ne nommer au Sénat que des personnes prêtes à s'attaquer au dossier de l'égalité entre les sexes en tenant compte de la situation qui prévaut dans chaque province.
Honorables sénateurs, même si nous n'avons pas réussi, que ce soit par l'entremise de la Constitution ou d'élections, à en arriver à une représentation égale des sexes dans l'une ou l'autre des Chambres de ce Parlement ou des assemblées législatives provinciales, la chose serait possible si le premier ministre et le chef de l'opposition s' engageaient à poursuivre cet objectif pendant un certain nombre d'années. Nous finirions par obtenir une représentation égale entre les hommes et les femmes et, une fois cette étape franchie, il n'y aurait plus de retour en arrière possible.
Le sénateur Eggleton : Je crois vraiment que nous devrions nous efforcer d'atteindre la parité des sexes et d'établir un plan précis pour réaliser cet objectif. Nous devrions aussi demander au premier ministre ou aux chefs de parti d'en faire autant.
Honorables sénateurs, j'irais même un peu plus loin. Le Sénat doit refléter la diversité de la population canadienne. Nous avons l'occasion de faire cela. Nous devrions aussi envisager la possibilité d'amener au Sénat des gens de nombreuses autres origines. Comme je l'ai dit, le Sénat compte plus d'Autochtones que la Chambre des communes. Attirons ici des gens d'origines extrêmement variées. Il y en a déjà un certain nombre ici, mais ce n'est peut-être pas possible de faire cela dans une assemblée élue, comme la Chambre des communes.
À mon sens, le Sénat sert de complément à la Chambre élue. Le Sénat connaît son rôle, celui du second examen objectif, dans l'élaboration de politiques et dans la défense des intérêts des minorités, tant sur le plan général que géographique. Cette assemblée sert de complément à la Chambre du peuple, à la Chambre élue. C'est la beauté du régime parlementaire de Westminster. Le bicamérisme fonctionne bien; il est démocratique et légitime.
L'honorable Nancy Greene Raine : Honorables sénateurs, le Sénat a une histoire remarquable, et il est vrai que nous suivons le modèle de Westminster. Le sénateur est-il au courant qu'à Westminster, ils élisent maintenant des lords?
Le sénateur Fraser : Ce n'est pas vrai.
Le sénateur Eggleton : Non, je n'étais pas au courant de cela. Je sais qu'ils en ont parlé. Ils ont apporté des changements à la Chambre des lords. Ils ont éliminé les nominations à vie, et il n'est plus possible d'hériter du titre. La Chambre des lords discute de nombreux changements, comme le Sénat.
Les premières réformes au Sénat ont été proposées il y a 142 ans, soit un an à peine après sa création. On en parle encore. La même chose s'est produite au Royaume-Uni. Les Britanniques parlent depuis toujours de réformer la Chambre des lords.
Certains parlent de la possibilité d'élire des lords — j'ignore comment on peut s'y prendre —, mais je ne crois pas que cela va se produire de sitôt.
(Sur la motion du sénateur Mitchell, le débat est ajourné.)
L'étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes
Septième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international—Ajournement du débat
Le Sénat passe à l'étude du septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international, intitulé Un plan d'action canadien pour une nouvelle économie mondiale : Réponse à l'émergence de la Russie, de l'Inde et de la Chine, déposé au Sénat le 28 juin 2010.
L'honorable Claudette Tardif (leader adjoint de l'opposition) : Honorables sénateurs, certains membres du Comité des affaires étrangères de ce côté-ci voudraient prendre la parole à ce sujet. Par conséquent, j'aimerais que le débat soit ajourné à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Tardif, le débat est ajourné.)
(1450)
[Français]
L'ajournement
Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motion du gouvernement :
L'honorable Gerald J. Comeau (leader adjoint du gouvernement) : Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'article 58(1)h) du Règlement, je propose :
Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, il demeure ajourné jusqu'au mardi 2 novembre 2010, à 14 heures.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
(La motion est adoptée.)
(Le Sénat s'ajourne au mardi 2 novembre 2010, à 14 heures.)