Débats du Sénat (Hansard)
2e Session, 41e Législature,
Volume 149, Numéro 32
Le mercredi 5 février 2014
L'honorable Noël A. Kinsella, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- La Syrie
- Le décès du major William John « Danny » McLeod, M.C., C.D.
- Le décès de Peter McSheffrey
- Hugh Allan (Buddy) MacMaster, C.M., O.N.S.
- Les Jeux d'hiver de l'Alberta de 2014
- AFFAIRES COURANTES
- Projet de loi sur les élections au sein de premières nations
- L'Association parlementaire Canada-Europe
- Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
- La conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 5 au 7 mai 2013—Dépôt du rapport
- La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 27 au 31 juillet 2013—Dépôt du rapport
- La conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 6 au 8 octobre 2013—Dépôt du rapport
- L'Assemblée annuelle et le Forum régional de l'Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus du 6 au 9 décembre 2013—Dépôt du rapport
- La réforme du Sénat
- L'honorable Charlie Watt et l'honorable Anne C. Cools
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mercredi 5 février 2014
La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Don Tannas, qui est accompagné de son épouse, Chris. M. Tannas a été député provincial de la circonscription de Highwood, en Alberta, de 1989 à 2004, et a été vice-président de l'Assemblée législative de l'Alberta durant son quatrième mandat. M. Tannas est le père du sénateur Scott Tannas.
Au nom de tous les sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Syrie
Les enfants réfugiés
L'honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, pendant que les gouvernements, dont celui du Canada, cherchent une solution politique en Syrie dans le cadre de la Conférence de Genève, la situation des réfugiés syriens reste inchangée.
L'ONU a dit de la Syrie qu'elle était le théâtre d'un « exode sans précédent dans son histoire récente, dont on n'entrevoit pas la fin ». Dans ce contexte, il est particulièrement important que nous continuions de nous pencher sur le sort des enfants syriens déplacés.
Plus de la moitié de toutes les personnes déplacées par le conflit sont des enfants. Près de 3 millions d'enfants déplacés sont restés en Syrie. Nous en savons peu sur leur réalité quotidienne. On compte plus de 1,2 million d'enfants syriens parmi les populations croissantes de réfugiés au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Irak et en Égypte.
Ces enfants vivent des réalités différentes et complexes. Un grand nombre d'entre eux sont inscrits comme réfugiés dans les pays d'accueil et vivent dans des camps de réfugiés, où l'UNICEF, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et d'autres intervenants leur fournissent nourriture, couvertures, cours, soins médicaux et soutien psychologique. Cependant, dans bien des camps, des activités de gang, du vandalisme, du vol et des viols sont signalés.
Des milliers d'autres, inscrits et non inscrits, vivent à l'extérieur des camps reconnus. Souvent, ils sont dispersés dans la population des pays d'accueil et sont hors de la portée des organismes humanitaires. Ceux-là risquent davantage d'être forcés à travailler, à fournir des services sexuels ou à se marier et ont peu de chances d'être scolarisés ou soignés.
Ce n'est un secret pour personne : les conflits armés et les déplacements de réfugiés rendent les enfants particulièrement vulnérables. Étant donné la manière dont se déroule ce conflit, il est temps de se demander si l'architecture internationale nous permettant de venir en aide aux enfants déplacés est adéquate. Voilà pourquoi je trouve particulièrement louable que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne ait accepté d'étudier la question. J'invite tous les sénateurs ici présents à mettre la main à la pâte et à suivre les travaux du comité.
Comme le disait le haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, António Guterres : « L'avenir de ces enfants est en train de leur échapper, mais il y a encore une chance de les sauver. » J'ai bon espoir que, par ses travaux, le comité pourra y contribuer.
Le décès du major William John « Danny » McLeod, M.C., C.D.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, je tiens à vous signaler aujourd'hui le décès d'un très grand Canadien. Le 14 janvier, le major Danny McLeod, que ses amis et connaissances surnommaient « le major », s'est éteint paisiblement à Kingston, en Ontario. Il avait 92 ans.
Né en 1921, à Medicine Hat, en Alberta, « le major » s'est enrôlé dans le South Alberta Regiment au début de la Seconde Guerre mondiale. Ses supérieurs ont vite compris qu'il débordait de talent et que le leadership lui venait naturellement, et il a grimpé rapidement les échelons hiérarchiques. Ce jeune et talentueux Canadien des Prairies a été choisi pour suivre sa formation d'officier à la très prestigieuse Académie militaire de Sandhurst, au Royaume-Uni, où, fidèle à lui-même, il est arrivé premier de sa cohorte et a reçu l'épée d'honneur des mains de son général, le vicomte Montgomery.
À titre d'officier, « le major » a pris part au débarquement du jour J, sur la plage Juno. Il a aussi participé à diverses batailles en Belgique, en Hollande et, plus tard, en Allemagne. Ses prouesses sur le champ de bataille à l'une de ces occasions lui ont d'ailleurs valu la Croix militaire de la bravoure.
« Le major » est demeuré en service actif au sein des Forces canadiennes pendant un certain temps après la guerre. C'est cependant pour sa dernière affectation, au Collège militaire royal du Canada, qu'on se souviendra surtout de lui.
Il a en effet embrassé la cause sportive, d'abord pour les effets bénéfiques du sport sur l'organisme humain, mais aussi pour les qualités qu'il fait naître chez les jeunes, comme l'engagement, le leadership, l'esprit d'équipe et l'oubli de soi.
À son arrivée au collège à titre de directeur des sports, « le major » a entrepris de mettre sur pied un programme sportif innovateur qui acquerra au fil des ans une grande renommée. « Le major » contribuera notamment à fonder l'Union sportive interuniversitaire canadienne, qui deviendra plus tard Sport interuniversitaire canadien, un regroupement qui vise à fournir aux jeunes Canadiens la possibilité de faire du sport de compétition, avec tous les avantages sur le plan développemental que cela comporte, pendant qu'ils poursuivent leurs études.
(1410)
C'est à cette époque que j'ai rencontré « le major ». J'étais alors cadet au Collège militaire royal. J'ai acquis une grande estime pour lui à ce moment-là, et ce sentiment est demeuré jusqu'à ce jour.
Il laisse dans le deuil son épouse, Sheila, une femme incroyable qui poursuivra sans aucun doute ses efforts pour défendre les intérêts des anciens combattants, faire connaître le Collège militaire royal et appuyer le sport au Canada.
Le major Danny McLeod était pour plusieurs d'entre nous un ami, un mentor et un héros. Ses nombreuses contributions dans la vie des autres seront célébrées pendant des années.
Des voix : Bravo!
Le décès de Peter McSheffrey
L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, je prends la parole pour rendre hommage à mon collègue et ami, Peter McSheffrey, un des deux Canadiens décédés le vendredi 17 janvier dernier lors d'une attaque perpétrée par un kamikaze et deux hommes armés dans un restaurant libanais très fréquenté de Kaboul. Comme nous le savons tous, cette attaque a été la plus mortelle à avoir été perpétrée contre des civils en Afghanistan au cours des 13 dernières années.
Peter était en Afghanistan à titre de conseiller financier et travaillait à une vérification pour un organisme humanitaire. Comme tant d'autres Canadiens, j'ai été choqué d'apprendre qu'une attaque avait eu lieu. Puis, la nouvelle a pris une note plus personnelle lorsque j'ai appris que je connaissais l'une des victimes. Je connaissais Peter McSheffrey pour avoir siégé avec lui au conseil d'administration de SOS Villages d'enfants Canada, un organisme sans but lucratif qui aide les orphelins et les enfants abandonnés partout dans le monde. Il en était le trésorier depuis sept ans.
Peter était un bénévole fantastique. Certains trésoriers bénévoles d'organismes de bienfaisance passent environ une fois par mois au bureau pour signer les chèques, mais pas Peter. Même si sa carrière professionnelle et sa jeune famille le tenaient occupé, il était en contact régulièrement avec le personnel de l'administration centrale de SOS Village d'enfants, à Ottawa, où il s'arrêtait fréquemment. Il était important pour lui que SOS Village d'enfants, à l'instar des meilleurs organismes de bienfaisance, fasse preuve de transparence sur le plan financier et d'ouverture dans ses processus administratifs, de manière à pouvoir mener ses importantes activités d'aide aux orphelins et aux enfants abandonnés à l'étranger.
Lors de chaque rencontre et de chaque consultation, Peter mettait à profit ses grandes compétences et se dévouait entièrement à la cause. N'hésitant jamais à prêter main-forte, il donnait généreusement de son temps, de son talent et de son argent à SOS Villages d'enfants afin que l'organisation puisse aider davantage d'enfants à risque.
Peter adorait voyager. Ses pages Flickr sont remplies de photos des contrées lointaines qu'il a visitées, des photos magnifiques pleines de couleurs et de vie. Dans plusieurs pays où il s'est rendu, il s'arrêtait au bureau local de SOS Villages d'enfants. Même durant ses vacances, il tenait à voir de ses propres yeux comment, concrètement, l'organisation fait œuvre utile dans la vie d'enfants.
Les Canadiens sont éminemment généreux. Ils appuient diverses œuvres de bienfaisance canadiennes et internationales. Peter est l'exemple même de la générosité des Canadiens. C'est grâce à des gens comme lui que les Canadiens se sentent bien accueillis lorsqu'ils voyagent et qu'ils sont perçus comme des gens compatissants et des citoyens actifs du monde. Cela n'a rien à voir avec le commerce, la puissance militaire ou la volonté de dominer, mais tout à voir avec la générosité, la compassion et le désir de venir en aide à son prochain.
Peter laisse derrière lui son épouse bien-aimée, Lee-Ann, ses deux filles, Darcy et Paige, ainsi que tous les membres de sa famille élargie. Nos pensées et nos prières accompagnent la famille de Peter et celle de Martin Glazer, l'autre victime canadienne de ce terrible attentat.
Prenons un moment pour nous remémorer cette tragédie dans un esprit de générosité. Suivons l'exemple de mon ami Peter, qui croyait qu'on pouvait toujours faire œuvre utile dans la vie d'autrui.
Hugh Allan (Buddy) MacMaster, C.M., O.N.S.
Félicitations à l'occasion de l'obtention du prix couronnant l'œuvre de toute une vie de la Folk Alliance International
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, c'est entre autres par l'écriture, le chant, la danse et la musique que se transmet une culture. Au Cap-Breton, la musique en est le plus bel exemple.
Lorsqu'on pense au Cap-Breton, on pense à « violoneux », et lorsqu'on pense à « violoneux », on pense immédiatement à Buddy MacMaster. Le doyen des violoneux du Cap-Breton, Buddy MacMaster, qui est déjà membre de l'Ordre du Canada et de l'Ordre de la Nouvelle-Écosse, a reçu le prix de la Folk Alliance International pour l'ensemble de son œuvre. La Folk Alliance International, qui compte plus de 2 800 membres dans le monde, est l'autorité en matière de musique et de danse folkloriques. Buddy devient ainsi membre d'un club très prestigieux de musiciens comprenant Bob Dylan, Joan Baez, Woody Guthrie et même Stan Rogers.
En réalité, Buddy MacMaster est né à Timmins, en Ontario. Lorsqu'il était jeune, sa famille a déménagé à Judique, au Cap-Breton. Adolescent, il a appris à jouer du violon. En plus de sa carrière au CN, où il a travaillé pendant plus de 45 ans, il a fait des concerts et participé à des émissions de télévision à CBC, notamment au John Allan Cameron Show. Il ne s'est lancé dans les tournées à plein temps qu'après avoir pris sa retraite, à 65 ans.
Que ce soit à la maison, dans une grange ou sur scène, le violon de Buddy vous fait toujours taper du pied, quand il ne vous donne pas l'envie irrésistible de danser une ou deux gigues.
Buddy a enseigné son art à beaucoup de jeunes musiciens pour qui il a été aussi un mentor. Parmi eux figure notamment sa propre nièce, Natalie MacMaster, qui est elle-même une excellente violoneuse.
Honorables sénateurs, je félicite Buddy MacMaster de ce prix extraordinaire et je vous invite à vous joindre à moi pour le saluer.
Les Jeux d'hiver de l'Alberta de 2014
L'honorable Douglas Black : Honorables sénateurs, je vous fais part aujourd'hui d'une activité spéciale qui commencera demain dans ma province, l'Alberta. La fin de semaine prochaine, plus de 2 500 futurs athlètes d'élite se rendront à Banff et à Canmore pour participer à l'édition 2014 des Jeux d'hiver de l'Alberta.
De jeunes Albertains montreront leurs compétences athlétiques, leur grâce et le respect qu'ils ont les uns envers les autres dans le cadre des compétitions de biathlon, de hockey, de patinage de vitesse, de squash, de judo et de nage synchronisée.
J'aurai le privilège de participer à la cérémonie d'ouverture et à la cérémonie de clôture des jeux, ainsi que la fierté de remettre des médailles aux athlètes.
J'aimerais saluer les centaines de bénévoles qui ont travaillé pendant des mois afin d'organiser un événement qui sera sûrement exceptionnel. Nous devrions être encouragés par des événements comme les Jeux d'hiver de l'Alberta, qui font la promotion d'un mode de vie actif et sain, question qui sera sûrement abordée dans le projet de loi S-211, la mesure législative de la sénatrice Nancy Greene Raine visant à instituer la Journée nationale de la santé et de la condition physique.
Ce sera la première compétition d'envergure provinciale pour un grand nombre des athlètes albertains participant aux Jeux d'hiver de cette année. Je leur souhaite bonne chance.
Avec des modèles comme les athlètes olympiques canadiens de cette année, dont 25 p. 100 viennent de l'Alberta, et les anciens athlètes olympiques tels que la sénatrice Greene Raine, je ne doute pas qu'un grand nombre de ces jeunes Albertains représenteront un jour le Canada au plus haut niveau international.
Grâce à des événements comme les Jeux d'hiver de l'Alberta, et tandis que nous nous préparons à encourager notre équipe olympique canadienne à Sotchi, nous avons tout lieu de croire que l'avenir du sport au Canada est prometteur.
AFFAIRES COURANTES
Projet de loi sur les élections au sein de premières nations
Dépôt des réponses aux questions
L'honorable Scott Tannas : Honorables sénateurs, le 29 janvier, la sénatrice Lillian Dyck m'a posé quelques questions sur le projet de loi C-9. Je me suis engagé à obtenir des réponses écrites. J'ai avec moi ces réponses, écrites dans les deux langues officielles.
Son Honneur le Président : Consentement est-il accordé de déposer ces réponses?
Des voix : D'accord.
[Français]
L'Association parlementaire Canada-Europe
La session ordinaire de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue du 30 septembre au 4 octobre 2013—Dépôt du rapport
L'honorable Michel Rivard : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l'Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la quatrième partie de la session ordinaire de 2013 de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, tenue à Strasbourg, en France, du 30 septembre au 4 octobre 2013.
(1420)
[Traduction]
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 5 au 7 mai 2013—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Ottawa, en Ontario, du 5 au 7 mai 2013.
La réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue du 27 au 31 juillet 2013—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 67e réunion annuelle de la Southern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Mobile, en Alabama, aux États-Unis, du 27 au 31 juillet 2013.
La conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue du 6 au 8 octobre 2013—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la conférence de l'Alliance commerciale de la frontière canado-américaine, tenue à Washington, D.C., aux États-Unis, du 6 au 8 octobre 2013.
L'Assemblée annuelle et le Forum régional de l'Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus du 6 au 9 décembre 2013—Dépôt du rapport
L'honorable Janis G. Johnson : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation parlementaire canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 53e Assemblée annuelle et au Forum régional de l'Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus à Fajardo, à Porto Rico, aux États-Unis, du 6 au 9 décembre 2013.
La réforme du Sénat
Préavis d'interpellation
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur la réforme du Sénat et la façon dont le Sénat et ses sénateurs peuvent réaliser des réformes et améliorer la raison d'être du Sénat par l'examen du rôle des sénateurs dans leurs régions.
L'honorable Charlie Watt et l'honorable Anne C. Cools
Le trentième anniversaire de leur nomination au Sénat—Préavis d'interpellation
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours :
J'attirerai l'attention du Sénat sur le 30e anniversaire de la nomination des sénateurs Charlie Watt et Anne Cools.
PÉRIODE DES QUESTIONS
L'environnement
La stratégie sur les changements climatiques
L'honorable Grant Mitchell : Honorables sénateurs, après huit ans au pouvoir, le gouvernement conservateur n'a pas encore réussi à construire un oléoduc. À mon avis, nous pouvons en conclure que ces projets doivent obtenir l'assentiment des Canadiens et des Américains. Nous avons aussi appris que, même si ses projets et ses produits sont de grande qualité, l'industrie ne peut pas obtenir cette approbation sociale parce qu'il lui manque tout simplement deux choses. Premièrement, elle ne dispose pas de la tribune nécessaire pour ce faire et, deuxièmement, elle est partie prenante au processus. Les Canadiens et les Américains doivent savoir que, dans ce dossier, il existe un tiers qui jouit d'une certaine indépendance, un gouvernement qui veillera à protéger leurs intérêts en matière d'environnement. Pour obtenir l'aval de la population, il faut absolument montrer que nous pouvons gérer adéquatement les répercussions environnementales de ces projets et de ces produits.
Tout récemment, cette industrie a été confrontée à deux autres obstacles de taille : un rapport a souligné que l'explosion d'un oléoduc avait été gardée secrète pendant trois ans — on n'a rien dit au public —, et un nouveau rapport de l'Université de Toronto révèle que certaines émissions cancérogènes pourraient être beaucoup plus élevées que ce que l'on croyait à l'origine. Ces émissions proviendraient non seulement de l'extraction du pétrole des sables pétrolifères, mais aussi de l'évaporation de ces sables eux-mêmes.
Ce qu'il faut retenir, c'est que l'industrie ne peut y arriver seule. Elle ne peut gagner l'assentiment social toute seule; il est extrêmement important que le gouvernement fasse preuve de leadership à cet égard.
Pourquoi, après huit ans au pouvoir, le gouvernement n'a-t-il toujours pas pris ces règlements sur les émissions des sables pétrolifères afin de renforcer la crédibilité environnementale du Canada et de ces projets?
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, je ne savais pas si notre collègue utilisait son temps de parole de 15 minutes ou s'il posait une question.
Concernant la sécurité des pipelines, notre gouvernement a accru de 50 p. 100 le nombre des inspections des pipelines sous réglementation fédérale, doublé le nombre de vérifications annuelles et instauré de nouvelles amendes pour les entreprises qui enfreignent les lois. Ce sont des amendes rigoureuses, relativement à la protection de l'environnement ou des infractions qui touchent l'environnement. Nous exigeons également des grands exploitants de pipelines qu'ils aient une capacité financière minimale d'un milliard de dollars pour éviter que les contribuables soient contraints de payer la note.
Honorables sénateurs, notre gouvernement agit dans le domaine du contrôle de sécurité des pipelines. Également, nous sommes engagés par rapport aux changements climatiques. Nous nous sommes engagés à travailler avec nos partenaires internationaux dans le dossier des changements climatiques. Nous avons dit clairement que tout accord international devrait être juste et efficace, et comprendre des engagements de la part des grands émetteurs.
Honorables sénateurs, nous allons continuer à travailler pour réduire les émissions et, particulièrement dans le secteur du gaz et du pétrole, à travailler avec les provinces pour réduire les émissions.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Je suis plutôt étonné, honorables sénateurs, que le leader prenne la peine de critiquer la façon dont je pose des questions. Peut-être, s'il était un peu plus indépendant du cabinet du premier ministre, pourrait-il y répondre de temps en temps.
Des voix : Oh, oh!
Le sénateur Mitchell : J'en reviens à ma question. Ce n'est pas que vous ne prétendiez pas venir en aide à l'industrie, mais plutôt que vous envoyiez les mauvais messages. Vous vous en prenez aux groupes environnementaux; vous videz le processus d'examen environnemental de sa substance; vous fermez la Région des lacs expérimentaux; et vous revenez sur vos promesses, notamment sur celle de réglementer les émissions et de renforcer la crédibilité environnementale auprès des Canadiens, des habitants de la Colombie-Britannique et des Américains.
Cela fait huit ans. Vous avez répété à plusieurs reprises votre intention de prendre un règlement. Pourriez-vous demander au cabinet du premier ministre quand donc ce règlement sera pris, et revenir au Sénat nous donner une réponse claire et directe?
[Français]
Le sénateur Carignan : Monsieur le sénateur libéral, merci pour votre question — le sénateur Mitchell n'a pas envoyé sa lettre pour dire qu'il ne voulait plus siéger comme libéral, il est donc toujours libéral. Comme je l'ai dit, notre gouvernement s'est engagé à travailler avec ses partenaires internationaux. Néanmoins, au pays, nous avons agi et constatons des progrès car, grâce à nos mesures, les émissions ont été réduites de près de 130 mégatonnes par rapport au scénario prévu par les libéraux. Nous avons une approche réglementaire sectorielle et nous sommes donc le premier grand utilisateur de charbon à interdire la construction de centrales électriques alimentées au charbon, et nous avons harmonisé avec les États-Unis la réglementation des émissions des véhicules.
Par exemple, et probablement cela aura-t-il échappé au sénateur Mitchell, nos règlements applicables aux véhicules lourds permettent de réduire les émissions de carbone de ces véhicules de près de 23 p. 100. Depuis 2006, nous avons investi 10 milliards de dollars dans les infrastructures vertes, l'efficacité énergétique, des techniques d'énergies écologiques, des combustibles plus propres et des réseaux d'énergie plus intelligents. Ce sont donc des gestes concrets, honorables sénateurs, pour lesquels j'attendais des félicitations de la part du sénateur Mitchell, plutôt que des critiques.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Je constate que le leader se plaît à jouer sur notre statut à titre de libéraux. Je suis très fier d'être un membre du caucus libéral du Sénat. J'aimerais prendre un instant pour jouer sur son statut de sénateur appartenant au « parti du cabinet du premier ministre », car il semble que ce soit le seul parti qu'il représente vraiment.
Ce que j'aimerais lui faire valoir, c'est que les résultats sont importants. Il ne suffit pas de parler. Ce sont les résultats qui importent et, si les émissions ont diminué de 130 mégatonnes, c'est seulement parce que l'économie se porte si mal sous votre direction que l'industrie n'a pu maintenir ses niveaux de production. C'est un fait.
(1430)
Si les émissions ont baissé pendant la récession — une période que vous n'avez pas particulièrement bien gérée, soit dit en passant —, c'est que l'industrie n'était pas aussi performante qu'à l'époque du gouvernement libéral.
Cela montre, encore une fois, qu'il faut faire davantage pour arriver à de vrais résultats. En effet, le leadership doit être axé sur les résultats et non sur les excuses. Pouvez-vous me dire quand vous présenterez une réglementation qui nous donnera une certaine crédibilité en matière d'environnement au sein de la population, une réglementation qui nous permettra d'obtenir un assentiment social, de bâtir ces projets et de stimuler l'économie adéquatement, ce que vous n'avez pas fait au cours des huit dernières années?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je remercie le sénateur de parler de résultats parce que nous, lorsque nous sommes au pouvoir, nous agissons. Notre gouvernement est le seul à avoir réduit les gaz à effet de serre au Canada.
La défense nationale
Le budget
L'honorable Roméo Antonius Dallaire : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. J'espère que le leader ne lira pas ses cartons en répondant à ma question.
L'an passé, le ministère de la Défense nationale a remis 2,4 milliards de dollars, somme qu'il n'avait pas pu dépenser. Au même moment, il y a eu une réduction significative de la qualité de vie et des ressources disponibles pour les familles et les troupes en garnison. Ces ressources auraient servi entre autres à garantir le soutien des troupes lorsqu'elles sont de retour de missions d'opérations.
Comment se fait-il que, d'un côté, le ministère fasse des économies de bouts de chandelle pour aider les familles et que, de l'autre côté, il soit si inefficace, au point de retourner 2,4 milliards à la fin de l'année sans qu'on n'en dise rien? Quelle sorte de méthodologie le ministre de la Défense nationale utilise-t-il pour équilibrer le budget qu'on lui remet?
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Cette critique me fait toujours rire, parce que si on ne dépense pas suffisamment, vous nous critiquez de ne pas avoir dépensé, et si on avait fait un déficit et dépensé davantage, vous nous auriez critiqués quand même. Il y a seulement l'approche libérale qui peut nous critiquer de ne pas avoir assez dépensé. C'est assez curieux comme argument.
Honorables sénateurs, par rapport à la Défense nationale, ai-je besoin de rappeler la décennie de noirceur des libéraux? Notre gouvernement respecte les promesses de fournir aux militaires canadiens les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. Depuis 2006, le budget de la Défense nationale croît substantiellement chaque année. Comme je l'ai déjà dit, nous avons tenu parole pour l'acquisition de nouveaux avions, d'hélicoptères, de camions et de chars.
La Stratégie nationale d'approvisionnement en matière de construction navale servira aussi pour rééquiper la Marine royale canadienne et la Garde côtière. Des soins et des fonds pour les militaires blessés et malades, des infrastructures militaires pour tout le pays sont prévus.
Venant de vous, sénateur Dallaire, qui êtes militaire, on se serait attendu à des félicitations de votre part plutôt qu'à des critiques.
Le sénateur Dallaire : N'attendez pas trop longtemps, au risque de devenir impatient.
Premièrement, les appareils que vous avez achetés, vous deviez les acheter. On était en guerre et, si vous ne l'aviez pas fait, on vous aurait tenus responsables d'avoir mis ces troupes en danger. Vous avez rectifié un problème, merci beaucoup, mais maintenant la guerre est terminée.
Deuxièmement, rien ne se dépense pour les projets que vous nous énoncez, sauf la paperasse. Il se dépense des millions en paperasse. Il n'y a pas un morceau de métal qui n'a encore été coupé à ni un ni l'autre des deux grands chantiers selon votre grande stratégie de construction navale. Cela est encore dans le futur.
Mais il y a pire encore. Il est illogique de prévoir un budget pour un ministère, de voir que ce dernier n'a pas dépensé toute la somme et de l'accuser de ne pas avoir dépensé tout le budget. Si des représentants du ministère sont venus nous dire qu'il fallait la somme de 20,3 milliards et que, à la fin de l'année, ils en dépensent moins que le montant prévu, il y a des questions à leur poser.
Soit vous leur promettez de l'argent et vous savez que toute la somme ne sera pas dépensée — et cela est hypocrite —, soit ils ont fait des erreurs fondamentales qui exigent des réponses. Et lorsqu'on voit les économies de bouts de chandelle, qui se font sur le dos des troupes et de leur famille et que l'argent ne se dépense pas, cela exige une réponse, pas une réponse de votre carton.
On connaît l'histoire. Tout le monde la connaît et on est bien tannés de l'entendre jour après jour. Allez-vous demander au ministre comment il se fait qu'il y ait un tel déséquilibre quant à cette logique?
Le sénateur Carignan : Sénateur Dallaire, je vais vous donner une réponse. Je ne connais pas le montant de votre budget de sénateur, mais j'imagine que vous ne l'avez pas dépensé au maximum.
Le sénateur Dallaire : Oui, je l'ai dépensé au maximum.
Le sénateur Carignan : Si vous dépensez plus, sénateur, faites attention de respecter les règles. Mais, pour ceux qui n'ont pas dépensé leur budget au maximum, est-ce que cela signifie qu'ils ont fait des erreurs majeures dans l'administration de leur budget? Non. Ils ont dépensé à la mesure de leurs besoins.
Je m'attendais à ce que vous me posiez des questions sur l'annonce faite par les ministres ce matin, par rapport à la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense, pour créer des emplois et assurer la croissance économique. Il s'agit justement d'assurer un meilleur approvisionnement et une diminution de la paperasse, comme vous dites.
Le sénateur Dallaire : Question supplémentaire. J'ai plus de 30 années de services au sein du gouvernement. Je me suis occupé des budgets au sein du gouvernement. J'ai géré des budgets de plus de 4 milliards de dollars. Alors, en tant que sénateur, on m'accorde un budget qui doit répondre à mes besoins. Sinon, j'aurais demandé plus ou moins d'argent. Si, dans une année, des sénateurs ne dépensent pas leur budget, c'est qu'ils n'en ont pas besoin.
Donc, de deux choses l'une. Ou ceux qui ont accordé les budgets ont fait une erreur ou ceux qui ont reçu le budget ne disent pas aux autorités qu'ils n'ont pas besoin de cet argent. Il devrait peut-être y avoir une révision des budgets dans le but de redistribuer les fonds aux autres sénateurs qui en ont besoin parce qu'ils ont plus de fonctions. Voilà ce qui constitue de la gestion.
Il ne faut pas accorder des sommes d'argent et attendre jusqu'à la fin de l'année pour voir si les sommes ont été dépensées. On a accordé un gros budget au ministère de la Défense, qui ne l'a pas tout dépensé. On se contente de faire des économies de bouts de chandelle en même temps. C'est la raison pour laquelle je me pose la question de savoir comment il est possible que le même ministère écrase ses membres d'un côté et retourne des sommes massives d'un autre côté.
Le sénateur Carignan : Je vais vous répondre avec l'annonce de ce matin dans le cadre de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense, dont un des objectifs est de fournir le bon équipement aux Forces canadiennes et à la Garde côtière en temps opportun. En ce qui concerne cet objectif, on veut assurer la mobilisation hâtive et soutenue de l'industrie et de la clientèle dans le cadre du processus d'approvisionnement. Et à compter de juin 2014, on publiera annuellement le Guide d'acquisitions de la défense, qui décrira les priorités en matière d'approvisionnement du ministère de la Défense nationale et qui établira un processus d'analyse critique des besoins militaires dirigé par un tiers indépendant au sein du ministère de la Défense nationale.
Il aura également pour objectif de tirer parti de nos achats de matériel de défense pour créer des emplois et assurer la croissance économique au Canada. Pour atteindre ces objectifs, nous utiliserons une proposition de valeur cotée et pondérée pour l'évaluation des soumissions relatives aux approvisionnements, mettrons en œuvre une stratégie d'exportation à l'appui des occasions de vente à l'étranger et de la participation aux chaînes de valeurs mondiales. Nous allons déterminer et appliquer les capacités industrielles clés pour connaître les retombées économiques possibles pour chacun des achats des Forces armées canadiennes et également établir, de façon indépendante, un institut d'analyse de la défense, dont les experts fourniront des analyses éclairées à l'appui des objectifs de la Stratégie d'approvisionnement en matière de défense et d'évaluation.
(1440)
Ce sont donc des gestes concrets et des décisions qui seront applicables au cours des prochains mois, qui feront en sorte qu'on aura une meilleure stratégie d'achat, et c'est une stratégie qui est évidemment appréciée de la part du milieu. D'ailleurs, je tiens à vous citer une partie d'une déclaration de M. Tim Page, président de l'Association des industries canadiennes de la défense et de sécurité, qui se lit comme suit :
Il s'agit d'un jalon critique et positif, et d'une approche transformationnelle quant à la façon dont nos militaires et la Garde côtière canadienne seront équipés et soutenus. Au nom de plus de 1 000 membres de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité et 109 000 employés travaillant au sein de ces industries, nous donnons tout le crédit au gouvernement pour la réponse exhaustive d'aujourd'hui à son engagement pris dans le cadre du budget 2013 à améliorer les résultats de ses approvisionnements en matière de défense.
Une fois opérationnelles, la politique et les mesures de mise en œuvre annoncées aujourd'hui renforceront les Forces canadiennes et la Garde côtière canadienne, et amélioreront la sûreté nationale et les intérêts économiques du Canada. Nous avons hâte de continuer à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement afin de comprendre pleinement l'objectif clair de ces mesures touchant aux politiques, aux processus et à la gouvernance.
Je crois, honorables sénateurs, qu'il s'agit d'une réponse complète qui devrait calmer vos inquiétudes.
[Traduction]
La Stratégie d'approvisionnement en matière de défense
L'honorable Joseph A. Day : J'aimerais tout d'abord remercier le leader du gouvernement au Sénat d'avoir lu le communiqué de presse diffusé par les ministères de la Défense nationale et des Travaux publics. J'avais des questions à ce sujet, et je n'aurai donc pas besoin de le relire. Vous le trouverez à la section réservée aux approvisionnements dans votre programme.
Le sénateur Mercer : Ou dans le cartable.
Le sénateur Day : Le gouvernement a annoncé ce matin une refonte de la stratégie d'achats militaires. Je suis heureux que le gouvernement admette enfin ce qui sautait aux yeux de bon nombre d'entre nous depuis un certain temps : le processus d'approvisionnement militaire est en déroute.
Comme on pouvait s'y attendre, les ministres ont blâmé la fonction publique pour les cahots du système d'approvisionnement. Cette fois-ci, ils se sont particulièrement attaqués au ministère de la Défense nationale, qui n'aurait pas géré convenablement plusieurs aspects du dernier approvisionnement.
Les ministres ont annoncé la mise sur pied d'un super secrétariat, celui-là même dont nous venons de parler. Le secrétariat dirigera les achats futurs et devra rendre des comptes à un petit groupe de ministres, qui assureront une « surveillance politique ».
C'est justement ce genre d'intrusion du gouvernement et de ses politiques qui a miné le système d'approvisionnement du matériel de la défense jusqu'ici.
Le secrétariat chargé d'assurer une supervision regroupera des sous-ministres de Travaux publics Canada et d'autres ministères. Il pourra aussi compter sur des conseillers indépendants, des surveillants de l'équité et des vérifications indépendantes, qui contribueront à garder les achats militaires dans le droit chemin.
Le leader pourrait-il nous dire si le gouvernement serait prêt à envisager la création d'un comité bipartite qui serait rattaché à ce super secrétariat et aurait à se prononcer sur le processus d'approvisionnement? Ainsi, nous pourrions tous avoir confiance en ce processus.
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Je vous remercie, sénateur Day, pour votre question ainsi que pour vos félicitations. Comme cela ne se produit pas souvent, on les accepte avec d'autant plus de plaisir.
Je n'ai pas abordé le sujet du processus d'approvisionnement dans ma réponse au sénateur Dallaire, mais l'un de ses objectifs est de le simplifier en matière de défense. Il s'agit d'adopter un nouveau régime pour veiller à ce que le processus décisionnel concernant les approvisionnements en matière de défense et les approvisionnements importants de la Garde côtière canadienne soit simplifié et coordonné. Il s'agit également de la mise sur pied d'un secrétariat d'approvisionnement en matière de défense au sein de Travaux publics Canada afin de s'assurer d'une étroite coordination entre les ministères clés. Enfin, il s'agit de passer en revue les pouvoirs délégués actuels du ministère de la Défense nationale pour l'achat de biens tout en envisageant la possibilité de hausser le plafond existant de 25 000 $, ce qui permettrait d'accroître l'efficacité des pratiques d'approvisionnement.
Vous êtes sceptiques, et je comprends que vous avez besoin d'être rassurés par rapport au processus actuel. Je vais donc vous lire une deuxième citation, cette fois-ci de M. Jim Quick, président et chef de la direction de l'Association des industries aérospaciales du Canada :
L'annonce [...] est une excellente nouvelle pour l'industrie aérospaciale, nos forces armées et les contribuables canadiens. L'engagement du gouvernement à évaluer la valeur que représentent les approvisionnements pour les emplois, l'innovation et la recherche et le développement au Canada contribuera à faire en sorte que l'acquisition de matériel militaire profitera au maximum à l'économie canadienne, tout en garantissant que nos forces armées continueront à recevoir l'équipement dont elles ont besoin pour protéger notre pays. Nous saluons le gouvernement pour cette [...] stratégie et nous continuerons à fournir tout le soutien et l'aide nécessaires pendant le processus de mise en œuvre.
Honorables sénateurs, si vous n'êtes pas rassurés, je crois que les gens du milieu le sont.
[Traduction]
Le sénateur Day : Je vous remercie beaucoup d'avoir lu la deuxième partie du communiqué de presse. J'ai un document sur le sujet. Il n'a que deux pages, mais je vois que le vôtre en compte cinq.
Les sénateurs et le leader savent que le terme « indépendant » est utilisé assez librement ici. Vous avez prononcé le mot « indépendant » à deux reprises dans cette déclaration.
Mon collègue s'inquiétait du fait que vous soyez trop proche de l'exécutif et du premier ministre. Pour ma part, je crains que vous ne le soyez pas assez et que ce soient des réflexions indépendantes. J'aimerais que vous puissiez nous dire pourquoi on reproche au MDN le retard de tous ces projets et l'argent qu'il n'a pas dépensé, alors qu'il était tout à fait prêt à aller de l'avant.
Les sénateurs savent qu'on peut acheter un produit qui a déjà été conçu et mis au point et qui est en usage, ou qu'on peut concevoir, mettre au point et tenter de construire le produit ici en fonction des goûts canadiens. C'est lorsqu'on commence à « canadianiser » un produit qu'on commence à avoir des problèmes. L'hélicoptère maritime en est un parfait exemple. Nous aurions facilement pu remplacer l'hélicoptère maritime il y a bien des années si nous ne nous étions pas mis à vouloir qu'il soit tout spécialement conçu pour le Canada.
Le problème que me pose votre réponse, c'est que vous tentez maintenant de compliquer davantage la situation en y ajoutant le développement industriel et l'emploi, et que vous allez essayer de créer des entreprises pour faire des choses qu'elles ne font pas à l'heure actuelle.
Le ministre accepterait-il, comme solution de rechange, parce qu'il y a manifestement un problème, de laisser le MDN étudier de nouveau la question, s'occuper de son budget et acheter le produit dont il a besoin pour protéger les Forces armées canadiennes lorsque celles-ci agissent en notre nom?
[Français]
Le sénateur Carignan : Je crois que les nouveaux processus qui ont été mis en place pour l'acquisition, avec Travaux publics Canada et la Défense, ont reçu les félicitations du dernier rapport du vérificateur général.
(1450)
Pourquoi remettre en cause une formule qui fonctionne, atteint des résultats et reçoit des félicitations du vérificateur général?
[Traduction]
Les sciences et la technologie
La recherche et le développement
L'honorable Terry M. Mercer : Honorables sénateurs, les conservateurs de M. Harper poursuivent leur attaque en règle contre les sciences et la recherche fondée sur des données. Si vous avez eu l'occasion de voir l'épisode de l'émission The Fifth Estate intitulé « Silence of the Labs », diffusé récemment sur les ondes de la CBC, vous avez appris tout ce que fait le gouvernement conservateur pour littéralement faire disparaître les sciences. Les scientifiques ont indiqué que le financement alloué à des domaines comme les changements climatiques fond à vue d'œil. Toutefois, ce que j'ai trouvé le plus intéressant, c'est d'apprendre que ce financement est réalloué à des projets qui sont favorables à l'industrie et au commerce.
Quand M. Harper mettra-t-il fin à la guerre qu'il mène contre les sciences et quand les scientifiques canadiens pourront-ils réellement faire ce pour quoi ils sont formés?
Des voix : Bravo!
[Français]
L'honorable Claude Carignan (leader du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme vous le savez, notre gouvernement a fait des investissements sans précédent en sciences, et le Canada se trouve au premier rang des pays du G7 pour son appui à la recherche et au développement dans les collèges, universités et autres instituts. Dans le budget de 2013, nous avons soutenu la Fondation canadienne pour l'innovation, Technologies du développement durable Canada, le Conseil national de recherches et Génome Canada. Vous avez aussi entendu — vous étiez ici — que, dans le cadre du discours du Trône nous nous sommes engagés à mettre à jour la stratégie en matière de sciences, de technologie et d'innovation et à faire des investissements ciblés dans les sciences et les chaînes d'innovation, des laboratoires aux marchés, pour faire en sorte que le Canada continue d'être un leader dans l'économie du savoir.
Il y a toujours place à l'amélioration, d'où notre appui pour des programmes qui favorisent le partenariat afin que plus d'idées passent des laboratoires aux marchés. Les libéraux — parce que vous êtes toujours des libéraux — sont mal placés pour faire la morale au gouvernement, n'ayant démontré aucun discernement pour l'avenir en sabrant les investissements en science, en recherche et en innovation lorsqu'ils étaient au pouvoir.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Projet de loi sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L'honorable Nancy Greene Raine propose que le projet de loi C-16, Loi portant mise en vigueur de l'accord sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley et modifiant certaines lois en conséquence, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, c'est pour moi un réel plaisir que de m'adresser à vous aujourd'hui en tant que marraine du projet de loi C-16, Loi sur la gouvernance de la nation dakota de Sioux Valley. Je suis convaincue que tous les sénateurs voudront non seulement appuyer cette mesure législative, mais également en célébrer l'adoption.
[Français]
Grâce à ce projet de loi, qui a pour objectif la mise en vigueur de l'accord de gouvernance de la Nation dakota de Sioux Valley, nous avons l'occasion de forger une nouvelle relation entre le gouvernement du Canada et la Nation dakota de Sioux Valley, c'est-à-dire une relation fondée sur des principes de gouvernance démocratiques et modernes qui vont favoriser l'autonomie de cette communauté et aider ses membres à atteindre une plus grande autosuffisance.
[Traduction]
Nous avons également l'occasion de concrétiser notre engagement envers la réconciliation, de moderniser les rapports entre le Canada et la Nation dakota de Sioux Valley et de reconnaître les aspirations légitimes des membres de cette Première Nation à bâtir comme ils l'entendent une communauté en meilleure santé, plus autonome et plus prospère.
L'accord sur l'autonomie gouvernementale de la Nation dakota de Sioux Valley — qui entrerait en vigueur grâce au projet de loi — libérera la Nation dakota de Sioux Valley des contraintes archaïques et paternalistes qu'impose la Loi sur les Indiens au processus décisionnel de la collectivité. Une fois l'autonomie gouvernementale en place, les décisions importantes concernant le développement économique, la gestion des terres, l'éducation, le logement, l'eau et bien d'autres domaines ne seront plus prises par le gouvernement du Canada et ne nécessiteront plus son assentiment. Les décisions seront plutôt prises par le gouvernement de la Nation dakota de Sioux Valley, qui devra, au moyen de procédures et de mécanismes transparents, rendre des comptes, sur le plan financier et sur le plan politique, à la collectivité et aux autres administrations avec lesquelles il interagit. Il s'agira d'un gouvernement choisi par la Nation dakota de Sioux Valley et œuvrant pour elle.
Honorables sénateurs, nous devrions tous reconnaître que c'est là une issue positive, qui correspond à l'objectif commun du gouvernement conservateur et des Premières Nations de créer des conditions qui favoriseront l'autosuffisance et le dynamisme des collectivités en écartant le ministre du tableau et en donnant aux Premières Nations le pouvoir de prendre des décisions dans les dossiers qui les concernent. En outre, l'accord jette des bases qui encourageront le développement et la croissance économique, tout en permettant à la collectivité de le faire à sa manière.
Je tiens à signaler que l'accord n'est ni un traité ni un accord sur une revendication territoriale. Il ne modifie aucun des droits protégés par la Constitution que pourrait avoir la Nation dakota de Sioux Valley à l'égard de terres ou de ressources naturelles. Il ne crée pas non plus de nouveaux droits pour la Nation dakota de Sioux Valley.
Lorsque l'accord entrera en vigueur, la Nation dakota de Sioux Valley cessera, dans les faits, d'être considérée comme une bande régie par la Loi sur les Indiens. Elle établira plutôt une nouvelle relation avec le gouvernement fédéral, une relation fondée sur l'égalité, le partenariat et la responsabilité partagée. Les lois de la Nation dakota de Sioux Valley s'appliqueront aux terres de réserve de la Première Nation, de concert avec les lois fédérales et provinciales, dans le cadre de la Constitution canadienne.
Précisons, honorables sénateurs, que deux principaux accords énoncent l'entente d'autonomie gouvernementale entre la Nation dakota de Sioux Valley, le Canada et le Manitoba.
Le premier, l'accord sur la gouvernance entre la Nation dakota de Sioux Valley et le Canada, reconnaît le gouvernement oyate dakota de Sioux Valley. Il établit une relation de gouvernement à gouvernement entre la Nation dakota de Sioux Valley et le Canada et énonce la plus grande partie de l'entente d'autonomie gouvernementale, y compris les pouvoirs conférés à la Nation dakota de Sioux Valley.
Le deuxième accord, conclu entre la Nation dakota de Sioux Valley, le Canada et le Manitoba, officialise le fait que le Manitoba reconnaît et accepte l'accord de gouvernance principal, et consolide la nature tripartite de l'accord. Le Manitoba adoptera également une loi provinciale pour donner suite à l'entente d'autonomie gouvernementale. Le Canada et le Manitoba feront en sorte que les deux lois entrent en vigueur à la même date.
Honorables sénateurs, l'entente d'autonomie gouvernementale signée par la Nation dakota de Sioux Valley produira des résultats significatifs. La manière dont l'accord a été conclu est aussi extrêmement importante, car elle montre combien les partenariats et le dialogue peuvent mener à des résultats positifs. Je crois sincèrement que cet accord, et en particulier le partenariat et la collaboration qui l'ont favorisé, peut servir de modèle pour la conclusion de futurs accords.
L'accord est l'aboutissement d'un processus enclenché en 1991, et auquel le Manitoba s'est joint en 1993. Il a donc fallu plusieurs années pour en arriver au produit final que vous voyez aujourd'hui, mais l'esprit de partenariat et le respect mutuel qui ont caractérisé ces négociations sont demeurés inébranlables.
En 2001, le Canada et la Nation dakota de Sioux Valley ont signé un accord de principe global ainsi qu'un accord de principe tripartite correspondant avec le Manitoba. Ces accords de principe ont été des éléments clés du processus, car ils ont servi de cadre pour la négociation de l'entente d'autonomie gouvernementale définitive.
En juin 2011, les trois parties ont paraphé une ébauche de ces accords. Lors d'un vote tenu le 4 octobre 2012, les membres de la Nation dakota de Sioux Valley ont approuvé les accords. Le 30 août 2013, le Canada, le Manitoba et la Nation dakota de Sioux Valley les ont signés lors d'une cérémonie tenue dans la collectivité.
(1500)
En présentant ce projet de loi, nous entamons la dernière étape du processus.
Honorables sénateurs, il faut féliciter tous les partis d'avoir fait preuve d'un esprit de collaboration et de respect mutuel dès l'amorce de ce processus et tout au long de la négociation, ce qui a débouché sur la résolution des nombreuses questions complexes et pointues qu'il faut traiter dans un accord comme celui-ci.
J'ajouterais que c'est le premier en son genre. En effet, il s'agit du premier accord d'autonomie gouvernementale non seulement au Manitoba, mais aussi dans l'ensemble des Prairies. C'est aussi, et je suis fière de le dire, le 20e accord d'autonomie gouvernementale signé par le gouvernement. En tout, 34 collectivités autochtones disposent maintenant d'un tel accord.
Les collectivités jouissant de l'autonomie gouvernementale sont libérées des contraintes de la Loi sur les Indiens, qui impose aux Premières Nations une forme très limitée d'administration locale, laquelle est quand même assujettie à la surveillance du ministre des Affaires autochtones et du développement du Nord canadien.
Une fois que l'accord sur l'autonomie gouvernementale de la Nation dakota de Sioux Valley entrera en vigueur, cette collectivité autochtone ne sera plus soumise à ce type de paternalisme envahissant. L'accord instaurera plutôt des conditions qui encouragent la prospérité et la croissance économique durable.
La Nation dakota de Sioux Valley aura des pouvoirs législatifs dans plus d'une cinquantaine de domaines. La collectivité sera en mesure de prendre ses propres décisions en ce qui concerne la composition de ses membres, les questions culturelles, les élections, l'administration financière, le logement, l'éducation, la santé, le développement social, la sécurité et l'ordre publics, ainsi que l'application des lois de la Nation dakota de Sioux Valley.
Honorables sénateurs, le gouvernement actuel estime que les gens les mieux placés pour prendre des décisions pour la Nation dakota de Sioux Valley sont les membres de la nation elle-même et, grâce à cet accord, la collectivité prendra enfin en main ses propres affaires.
Cet accord établit un régime de gouvernance qui est plus transparent et mieux adapté aux besoins et aux choix de la population locale que le régime prévu dans la Loi sur les Indiens. Il comprend de solides dispositions pour garantir la responsabilité démocratique, conformément aux principes de la Constitution de la Nation dakota de Sioux Valley, qui a été rédigée par cette nation elle-même après une consultation exhaustive sur plusieurs années et qui a reçu l'assentiment de ses membres lors du vote d'octobre 2012.
L'accord permettra à la Nation dakota de Sioux Valley d'être davantage maître de son destin sur le plan économique. Il lui donne le pouvoir d'adopter des lois sur la gestion des terres de sa réserve et il établit un processus lui permettant de remplacer la Couronne en tant que détentrice des titres de propriété de ces terres.
Comme les sénateurs le savent très bien, les problèmes entourant la gestion des terres des Premières Nations constituent l'obstacle le plus important à surmonter pour attirer les investissements extérieurs et en tirer des avantages économiques. Grâce à l'esprit de collaboration ayant permis de conclure cet accord, la Nation dakota de Sioux Valley est prête à réaliser son plein potentiel économique.
En outre, l'accord permet à la Nation dakota de Sioux Valley de devenir maître d'œuvre de l'exploitation des ressources naturelles sur ses terres et des évaluations environnementales des projets dans ce domaine.
La Nation dakota de Sioux Valley sera capable d'établir des entreprises, d'accorder des permis à des entreprises et de réglementer leurs activités sur les terres de la réserve. Ces changements constituent les assises d'un nouvel essor économique et des partenariats d'affaires qui pourront être conclus avec le secteur privé. Bref, ce projet de loi ouvre les portes du développement économique à la Nation dakota de Sioux Valley.
La gestion des terres, l'exploitation des ressources et la réglementation des entreprises sont les trois piliers de la croissance économique des Premières Nations, et cet accord de gouvernance porte sur tous les trois. Les parties ont en outre négocié un accord financier et un plan de mise en œuvre qui accompagnent ce nouvel accord de gouvernance.
Honorables sénateurs, nous avons vu à plusieurs reprises quelle grande importance peuvent avoir les changements prévus dans les accords comme celui-ci. Nous savons quels effets bénéfiques les populations autochtones peuvent tirer des accords d'autonomie gouvernementale. En Colombie-Britannique, par exemple, la Première Nation de Sechelt a pu faire croître son économie traditionnelle, qui repose sur la pêche, tout en élargissant ses activités économiques à l'exploitation forestière, à l'extraction de gravier, à l'élevage de saumons et au tourisme. Une grande partie des terres appartenant à la Première Nation ont été aménagées et louées à des habitants non membres.
En collaboration avec ses partenaires, le Canada a signé 20 accords exhaustifs d'autonomie gouvernementale et a cédé ainsi toute une gamme de compétences à 34 populations autochtones du Canada. Parmi elles, 17 sont signataires d'une entente sur les revendications territoriales globales ou d'un traité moderne, y compris l'accord définitif concernant la Première Nation de Yale, qui a été examiné, puis adopté par le Sénat en juin dernier.
Le précieux travail de tous les parlementaires dans ce dossier permettra d'ajouter la Nation dakota de Sioux Valley à cette liste impressionnante de Premières Nations qui ont connu une croissance économique soutenue à la suite d'accords d'autonomie gouvernementale semblables à celui que vous avez devant vous aujourd'hui.
La Nation dakota de Sioux Valley, désireuse de joindre les rangs des Premières Nations qui récoltent les avantages économiques associés à ces accords, est déjà en train d'acquérir des terres et de prendre des mesures afin de bénéficier des occasions d'affaires à venir.
Honorables sénateurs, le potentiel est bien réel. Les études menées par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, en 2003 et en 2010, ont révélé que les collectivités autonomes connaissent systématiquement une hausse de l'emploi. À vrai dire, le taux d'emploi dans ces collectivités a augmenté de plus de 13 p. 100 en moyenne après l'entrée en vigueur des accords d'autonomie gouvernementale. C'est le genre de croissance économique concrète auquel peut s'attendre la Nation dakota de Sioux Valley. Honorables sénateurs, je vous prie instamment de ne pas laisser passer cette occasion.
Des études réalisées par des autorités telles que la Banque mondiale et l'Université Harvard ont expliqué en détail comment une bonne gouvernance, rendue possible au moyen d'accords d'autonomie gouvernementale, peut accroître la confiance des investisseurs, soutenir les partenariats économiques et améliorer les conditions de vie des Premières Nations.
Honorables sénateurs, il s'agit là du genre de résultats positifs et concrets qui renforce la conviction de notre gouvernement selon laquelle l'autonomie gouvernementale fait partie des solutions pour améliorer nos relations avec les Premières Nations ainsi que leur qualité de vie.
L'accord que nous demandons aux sénateurs de ratifier au moyen du projet de loi C-16 démontre la fermeté de notre engagement à renforcer les relations avec les Premières Nations. C'est grâce à cet engagement que nous continuons de prendre des mesures visant à appuyer l'émergence de collectivités autochtones plus autonomes et prospères.
Les membres et les dirigeants des collectivités autochtones nous ont souvent répété que la Loi sur les Indiens est un obstacle au progrès des Premières Nations. C'est pour cette raison que le gouvernement continue de proposer le type de changements que les peuples autochtones réclament. C'est aussi pour cette raison que le gouvernement continue de travailler en partenariat avec les communautés, comme la Nation dakota de Sioux Valley, ainsi qu'avec les provinces et les territoires pour élaborer des ententes comme celles dont nous sommes saisis aujourd'hui.
L'accord sur la gouvernance de la Nation dakota de Sioux Valley est un excellent exemple du travail que le gouvernement et les Premières Nations effectuent en collaboration afin de trouver des façons de libérer ces dernières de la Loi sur les Indiens. Pensons par exemple aux accords sur l'autonomie gouvernementale, à l'élargissement du champ d'application de la Loi sur la gestion des terres des premières nations et au projet de loi C-9, Loi sur les élections au sein des premières nations, qui est en ce moment à l'étude au Parlement.
L'autonomie gouvernementale est l'un des outils qui peuvent aider les Premières Nations à s'affranchir de la Loi sur les Indiens et donner à la communauté une plus grande prise sur sa destinée. Le chef Vincent Tacan, de la Nation dakota de Sioux Valley, est celui qui a le mieux exprimé ce que cela représente lorsqu'il a pris la parole lors de la cérémonie de signature de ces accords, en août :
Nous commençons à éliminer les obstacles de la Loi sur les Indiens et à passer à l'action pour bâtir une Nation des Dakotas autosuffisante, prospère et en santé. [...] Nous pourrons faire certaines choses que les gouvernements et d'autres peuples tiennent pour acquises. Nous pourrons participer pleinement à ce qui est important pour nous, en l'occurrence la création d'emplois, la prise de mesures pour régler les problèmes de santé qui nous touchent tout particulièrement, et tout ce que nous considérons comme nos priorités.
Honorables sénateurs, le chef Tacan et les membres de la Nation dakota de Sioux Valley sont prêts et aptes à prendre en main leur propre destinée et à commencer à bâtir un avenir meilleur pour leur communauté et pour le Canada.
Dans le but de favoriser la confiance, le respect et la réconciliation, j'invite mes collègues à appuyer ce projet de loi, à mettre en œuvre l'accord et à se réjouir des nouveaux rapports entre le Canada et la Nation dakota de Sioux Valley.
L'honorable Thanh Hai Ngo : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Raine : Oui, avec plaisir.
(1510)
[Français]
Le sénateur Ngo : Sénatrice Raine, comme vous le savez, le projet de loi C-16 a reçu un appui considérable des partis à la Chambre des communes. Pourriez-vous nous expliquer l'ampleur de cet appui des députés et pourquoi il est important pour nous, sénateurs, de profiter du fait que ce projet de loi a le vent en poupe et de l'adopter?
[Traduction]
La sénatrice Raine : Merci de cette question, sénateur.
Le projet de loi C-16 a joui d'un appui considérable à l'autre endroit, au point de franchir les trois étapes simultanément au moyen d'une motion adoptée à l'unanimité. Tous les députés, quelle que soit leur allégeance, ont voté pour. C'est exceptionnel. Cette unanimité montre que la collaboration donne des résultats positifs.
Honorables sénateurs, nous devons poursuivre sur cette lancée exceptionnelle. J'espère que le Sénat adoptera rapidement le projet de loi. Ce serait un bel exemple de virage positif.
Le sénateur Ngo : Pourquoi devrions-nous voter pour ce projet de loi? Pourriez-vous nous donner des précisions?
La sénatrice Raine : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir et humilité que je siège au Comité des peuples autochtones. Les Premières Nations occupaient déjà une place toute spéciale dans mon cœur, mais j'ai énormément appris au cours des cinq dernières années. J'ai fini par comprendre que le fait pour une communauté de n'exercer aucun contrôle sur sa destinée peut entraîner toutes sortes de conséquences, la pire étant l'absence d'optimisme et d'espoir en l'avenir. Lorsqu'une communauté prend sa gouvernance en main, c'est elle qui décide de ce qu'elle veut faire. Briser le pénible joug de la Loi sur les Indiens ouvrirait la porte à des choses extraordinaires. Cela changerait la vie des Autochtones, surtout les enfants. Ils constateraient que rien ne peut les arrêter, car ils ne seraient plus pris dans ce carcan.
Je suis sincèrement convaincue que ce projet de loi sur la gouvernance servira d'exemple à plusieurs communautés des Prairies.
La situation n'est pas la même en Colombie-Britannique, qui n'est pas visée par les traités numérotés initiaux. Les Premières Nations de la province font elle aussi des pieds et des mains pour gagner leur autonomie, mais pas tout à fait pour les mêmes raisons.
Il a fallu 20 ans pour en arriver à l'accord dont il est aujourd'hui question. Cela ne s'est pas fait dans la précipitation. Des efforts considérables ont été déployés pour resserrer les relations entre le Canada, le Manitoba et la Première Nation, ce qui a eu des retombées positives sur l'établissement de liens entre les communautés environnantes et la Ville de Brandon, à une cinquantaine de kilomètres de distance.
Je considère que cet accord est un magnifique modèle et que la Première Nation dakota a ainsi la chance d'être une source d'inspiration pour les autres Premières Nations des Prairies qui souhaitent elles aussi conclure un accord.
L'honorable Charlie Watt : Honorables sénateurs, ce que j'entends est nettement encourageant, et je dois dire que ce concept me sourit tout à fait. C'est vrai que les discussions ne vont jamais bien loin quand on a affaire à une communauté désemparée. Espérons que l'accord permettra à ces gens d'envisager l'avenir avec bonheur et de prendre leur destinée en main.
Sénatrice Raine, les traités modernes coûtent généralement très cher à mettre en œuvre. Pourriez-vous nous dire quelles sommes le gouvernement consacrera à la mise en œuvre du fantastique accord que vous nous vantez?
La sénatrice Raine : Voilà qui me donne l'occasion de préciser certaines choses. Il ne s'agit pas d'un traité moderne, mais plutôt d'un accord d'autonomie gouvernementale, ce qui est loin d'être la même chose. Cela dit, rien ne change en ce qui concerne les arrangements financiers arrêtés entre le gouvernement et la Première Nation, puisque les mêmes mécanismes de soutien seront aussi offerts grâce à l'accord financier conclu entre la Première Nation, le gouvernement fédéral et celui du Manitoba.
Un montant supplémentaire sera versé chaque année pour la partie de l'accord qui traite de gouvernance. Le financement destiné à la santé, à l'éducation, aux infrastructures et à tout le reste suivra les voies habituelles, mais, pour ce qui est de la gouvernance, il y aura une enveloppe à part, si vous voulez.
Maintenant que cet accord a été conclu, je trouve nettement plus rassurant de savoir que la Première Nation pourra dépenser elle-même cet argent pour voir à sa gouvernance au lieu qu'il fasse partie de l'enveloppe « gouvernance » du ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord. Bref, comme il s'agit d'un accord d'autonomie gouvernementale, on ne parle pas d'une grosse somme d'argent.
Le sénateur Watt : Vous disiez que, désormais, ces gens vont avoir le contrôle sur les ressources naturelles qui se trouvent sur leurs terres et qu'elles pourront en confier l'exploitation à un tiers. Je crois que vous parlez ici d'économie. Vous disiez également qu'il faudra une nouvelle structure de gouvernance pour que la Loi sur les Indiens cesse graduellement de s'appliquer à eux.
Savez-vous précisément combien il faudra dépenser pour répondre à ces besoins, qui n'étaient pas pris en charge par l'ancien programme?
La sénatrice Raine : Je n'ai pas les chiffres avec moi. Aux termes de l'accord, la situation va évoluer au fur et à mesure que la Première Nation va reprendre le contrôle de tel ou tel secteur. Comme de fait, elles pourront aussi exploiter les ressources qui se trouvent sur leurs terres. Elles pourront bénéficier d'une source de revenus qui leur sera propre. Cet élément a d'ailleurs été inscrit et défini dans l'accord, et toutes les parties ont donné leur assentiment.
(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)
(1520)
Projet de loi sur la non-discrimination génétique
Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Cowan, appuyée par l'honorable sénatrice Fraser, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-201, Loi visant à interdire et à prévenir la discrimination génétique.
L'honorable James S. Cowan (leader de l'opposition) : Chers collègues, ce projet de loi est identique à celui que j'ai présenté au printemps dernier, le projet de loi S-218, dont je vous ai entretenu le 23 avril 2013.
Le projet de loi S-201 vise à régler des problèmes précis qui empêchent plusieurs Canadiens de pouvoir tirer parti des avancées extraordinaires dans le domaine de la recherche médicale. Je m'explique.
Dans l'histoire de l'humanité, il est plutôt rare que la science fasse des découvertes qui projettent le monde dans une ère complètement nouvelle. Nous pouvons dire que c'est arrivé, de notre vivant, avec la révolution génétique.
Les résultats de recherche dans ce domaine ont métamorphosé bien des domaines. Certains scientifiques affirment qu'absolument tous les aspects de la biologie ont été touchés par ces transformations. Ce qui a probablement changé le plus pour la majorité des gens, c'est que la génomique a marqué le début d'une toute nouvelle façon de pratiquer la médecine. Les scientifiques percent les secrets de notre code génétique — ils détectent des mutations génétiques associées à des maladies particulières, ouvrent la voie à de nouveaux traitements et, mieux encore, préviennent des maladies.
La vitesse à laquelle ces tests génétiques sont mis au point est époustouflante. Lorsque j'ai pris la parole au printemps dernier, j'ai mentionné qu'il y a 10 ans, une centaine de tests génétiques étaient disponibles pour détecter des maladies particulières. À titre de comparaison, j'ai souligné que 2 000 tests étaient disponibles en avril dernier. Il me semble qu'on peut parler d'un incroyable bond en avant pour la médecine. Chers collègues, je vous annonce qu'aujourd'hui — à peine neuf mois plus tard —, le nombre de tests s'élève à plus de 13 800. Il existe 13 800 tests pour détecter quelque 4 000 troubles de santé et 2 600 gènes.
Le cancer de la prostate, certains cancers du sein et des ovaires, la maladie de Huntington, la SLA, la fibrose kystique — la liste des maladies pour lesquelles il existe maintenant un test génétique est très longue.
On peut tester un certain nombre de gènes associés aux problèmes cardiaques, comme certaines fréquences cardiaques irrégulières, l'arythmie cardiaque ou les problèmes relatifs au muscle cardiaque, ou myocardiopathies. S'ils ne sont pas détectés, ces problèmes de santé peuvent entraîner un arrêt cardiaque et même la mort. Le fait de pouvoir identifier les gènes problématiques permet de gérer les troubles avant qu'ils ne se manifestent, par l'entremise de la modification du mode de vie, des médicaments d'ordonnance, de l'implantation d'un stimulateur cardiaque ou d'un autre instrument, ou de la chirurgie, par exemple. En d'autres termes, chers collègues, les tests génétiques sauvent des vies.
Les chercheurs canadiens sont à l'avant-plan de ces travaux. L'Institut de cardiologie d'Ottawa abrite le Centre canadien de génétique cardiovasculaire John et Jennifer Ruddy, le premier centre de génétique cardiovasculaire complet au Canada réservé à la recherche et à la prise en charge clinique des maladies cardiovasculaires héréditaires. En fait, ce sont les chercheurs du centre qui ont désigné le facteur de risque génétique de coronaropathie et de crise cardiaque le plus puissant à ce jour, le locus 9p21.
Il existe une forme héréditaire du cancer du côlon, connue sous le nom de polypose adénomateuse familiale, ou PAF. Les porteurs de ce gène développent graduellement — et souvent silencieusement, comme le disent les médecins, ou sans symptômes — des centaines ou des milliers de polypes, dès le début de leur adolescence. Une ou plusieurs de ces tumeurs bénignes à l'origine deviendront malignes si elles ne sont pas traitées. Les porteurs de ce gène ont 7 p. 100 de risque de développer un cancer avant l'âge de 21 ans, et 87 p. 100 de le développer avant l'âge de 45 ans. Or, chers collègues, la chirurgie peut éliminer efficacement le risque de développer cette forme de cancer, à condition que les personnes sachent qu'elles sont porteuses de ce gène.
Les maladies génétiques se déclarent souvent chez les enfants et les adolescents; il n'est donc pas surprenant que nos hôpitaux pour enfant soient à l'avant-garde en matière de recherche en génétique.
En octobre dernier, Génome Québec a annoncé l'inauguration du premier centre de génomique clinique pédiatrique intégré, lequel est situé à l'Hôpital Sainte-Justine, à Montréal; il s'agit d'un des plus grands centres pédiatriques d'Amérique du Nord. Voici ce que le Dr Jacques Michaud, généticien à l'Hôpital Sainte-Justine, a dit :
Plus de 80 p. 100 des maladies génétiques se déclarent durant l'enfance ou l'adolescence [...] Chez plus de la moitié de ces enfants, les médecins n'arrivent pas à poser un diagnostic, il faut souvent attendre plusieurs années avant d'arriver à identifier la cause de la maladie. Cette nouvelle technologie nous permettra donc de séquencer tous les gènes du génome et d'obtenir plus rapidement un portrait génétique de l'enfant, de savoir de quelle maladie il souffre et d'offrir un traitement, s'il est disponible ou lorsqu'il le deviendra. Il n'y a pas pire inquiétude pour un parent que de ne pas savoir.
Prenons comme exemple le cas de Brygette Park, de Corner Brook, à Terre-Neuve. Avant qu'elle atteigne l'âge de 2 ans, Brygette a été hospitalisée plus de 40 fois; elle vivait pour ainsi dire à l'Hôpital SickKids de Toronto. Les médecins étaient incapables de trouver la source de sa maladie intestinale inflammatoire et ils étaient à court d'options. Sa qualité de vie laissait grandement à désirer, chers collègues : elle avait des douleurs quasi permanentes, elle pouvait vomir jusqu'à 30 fois par jour et elle devait lutter contre toutes sortes de maladies, notamment la méningite, qui peut être mortelle, et l'arthrite rhumatoïde.
Le Dr Aleixo Muise, gastroentérologue à l'Hôpital SickKids, a soupçonné que le problème était d'ordre génétique et, juste avant le deuxième anniversaire de Brygette, des chercheurs ont trouvé une nouvelle mutation génétique. Brygette a passé un test, et on a découvert qu'elle en était porteuse. Brygette a subi une transplantation de moelle épinière et, bien que l'expérience fût éprouvante, elle a été guérie. Elle est aujourd'hui une petite fille en bonne santé et heureuse.
Bien évidemment, le dépistage génétique aide également les adultes. Angelina Jolie, actrice bien connue, a annoncé en mai dernier qu'elle avait appris qu'elle était porteuse de la mutation du gène BRCA1. La probabilité qu'une femme porteuse de cette mutation contracte le cancer du sein ou le cancer de l'ovaire est de 87 p. 100 et de 50 p. 100, respectivement. Mme Jolie a vu sa mère souffrir et succomber au cancer du sein. Elle savait que ses antécédents ethniques lui donnaient un risque accru d'être porteuse de la mutation du gène BRCA. Elle s'est soumise à un dépistage génétique et a découvert qu'elle portait le même gène et a décidé de subir une chirurgie préventive. Résultat? La probabilité qu'elle contracte un cancer du sein est passée de 87 p. 100 à 5 p. 100. Elle a écrit ce qui suit, dans le New York Times :
Je peux dire à mes enfants qu'ils n'ont plus à craindre que je meure du cancer du sein.
Depuis que cette histoire est parue, le nombre de femmes dans le monde, y compris au Canada, voulant se renseigner au sujet du dépistage génétique a monté en flèche. Meghan Ferguson, conseillère en génétique dans ma ville natale, Halifax, m'a dit que son téléphone n'arrêtait pas de sonner. Elle a dit que le nombre de consultations médicales avait augmenté de plus de 80 p. 100, tendance également constatée par ses collègues ailleurs en Amérique du Nord. Dans les médias, on parlait de « l'effet Angelina ».
C'est une bonne chose, chers collègues. Nous voulons tous que les Canadiens soient en santé. Ce qu'illustrent ces histoires, c'est que l'on peut prendre des mesures préventives — que ce soit des changements de vie ou, comme dans le cas de Mme Jolie, une chirurgie — quand on sait qu'on est génétiquement prédisposé à contracter une certaine maladie. Les médecins sont en mesure de proposer des traitements efficaces. Fondamentalement, c'est une bonne chose pour les Canadiens et pour les familles, ainsi que pour les collectivités et le pays dans son ensemble. Bien évidemment, l'élimination ou l'atténuation des risques de maladies constitue l'utilisation la plus efficace et économique de notre système de soins de santé.
Bref, la révolution génétique nous laisse entrevoir la possibilité d'un monde en meilleure santé. Les connaissances scientifiques se développement exponentiellement, et nous avons ces connaissances ici, au Canada. En effet, nos propres chercheurs sont parmi les meilleurs du monde, et ils sont prêts à mettre les dernières découvertes médicales au service des Canadiens.
Le problème, c'est que, au Canada, contrairement à la plupart des autres pays occidentaux, quiconque se soumet à un dépistage génétique et découvre l'existence d'un gène associé à une maladie ou à un trouble donné ne bénéficie d'aucune protection d'ordre fédéral ou provincial contre ce qu'on appelle la « discrimination génétique ». C'est la lacune que le projet de loi S-201 cherche à combler.
(1530)
La discrimination génétique se pratique généralement lorsqu'il s'agit d'assurabilité et d'emploi. Au Canada, aucune loi n'offre de protection claire dans ces cas. Il s'ensuit que plusieurs personnes qui auraient intérêt à subir des tests de dépistage génétique décideront de ne pas le faire parce qu'elles craignent que les résultats de ces tests n'aient une incidence sur leur assurabilité ou leur employabilité présente ou future. Cela signifie que bien des gens qui risquent de contracter certaines maladies ou certains troubles ne peuvent pas prendre les mesures préventives qui leur sont offertes pour réduire ce risque.
Quand j'ai pris la parole en avril, j'ai cité une étude américaine publiée en 2002 d'après laquelle 61,5 p. 100 des femmes admissibles à une évaluation du risque de cancer du sein ont décidé de ne pas subir de test de dépistage d'un des gènes de ce cancer parce qu'elles ne voulaient pas être l'objet de discrimination de la part de leur fournisseur d'assurance-santé. On souligne dans cette étude que, statistiquement, environ la moitié de ces femmes auraient obtenu un résultat positif au test de dépistage de ces gènes. En ne subissant pas le test, elles se sont privées des mesures préventives ou des traitements qui auraient été mis à leur disposition.
Le phénomène n'est pas propre aux États-Unis, chers collègues. Quand j'ai parlé ici, en avril dernier, un employé de mon bureau a reçu d'une employée d'un autre bureau sénatorial qui écoutait nos délibérations un courriel indiquant que la situation que je décrivais correspondait en tous points à la sienne. Sa mère était morte jeune d'un cancer du sein, et son médecin craignait qu'elle soit porteuse d'un des gènes de ce cancer. Elle a donc rencontré un conseiller en génétique, mais quand elle s'est aperçue que les résultats des tests de dépistage pourraient avoir une incidence sur son assurabilité, elle a jugé qu'elle ne pouvait pas les subir. Elle avait constaté personnellement l'importance de l'assurance pour sa mère et estimait qu'elle ne pouvait tout simplement pas prendre le risque de ne pas pouvoir se faire assurer.
Elle n'est pas la seule. J'ai parlé de l'Hôpital pour enfants de Toronto, qui a établi un centre de médecine génétique qui tire parti d'un niveau de recherche et de connaissances sans précédent afin d'améliorer la santé des enfants. En juillet, le centre a lancé un projet de recherche quinquennal permettant, chaque année, de découvrir la séquence du génome de 100 patients souffrant de diverses maladies.
Un des directeurs du centre, le Dr Ronald Cohn, m'a expliqué qu'il s'agit d'étudier les divers gènes pour recueillir des données afin que, avec l'avancement de la recherche, ils puissent trouver et développer de nouveaux traitements pour ces jeunes. Le Dr Cohn m'a dit que beaucoup de familles souhaitent vivement participer à ce projet, qu'ils perçoivent comme une façon d'offrir de l'espoir à leurs enfants.
Cependant, 30 p. 100 des parents décident, à contrecœur, de ne pas permettre à leur enfant d'y participer. Pourquoi? Parce qu'ils craignent de futurs ennuis liés aux assurances et à l'emploi.
Il y avait un jeune enfant aux soins intensifs qui souffrait d'une combinaison inhabituelle de problèmes; il était aux prises avec des problèmes respiratoires et son tonus musculaire était très faible. Les médecins croyaient que le séquençage génétique pouvait les informer sur la meilleure façon de soigner l'enfant. Cependant, les parents craignaient les conséquences possibles pour les assurances. Ils jugeaient donc qu'ils ne devaient autoriser aucun test génétique.
Le centre soupçonnait un autre patient d'être atteint d'une maladie mitochondriale. Cependant, pour poser un diagnostic, il fallait soumettre le frère du patient à un test. Le frère ne pouvait pas accepter ce test, puisqu'il était à la recherche d'un emploi; il craignait que tout problème lié à une maladie génétique nuise à sa capacité de trouver un emploi.
Chers collègues, il est désolant de penser que des parents ou des frères et sœurs sont forcés de faire un tel choix. Cependant, comme la loi n'offre aucune garantie dans ce domaine, nous pouvons tous comprendre qu'une famille puisse se trouver dans cette situation terriblement délicate.
Les craintes qu'il y ait de la discrimination génétique sont-elles fondées au Canada? Les résultats d'une étude-phare publiés en 2009 dans BMJ — autrefois le British Medical Journal — permettent de le croire. Les auteurs ont fait un sondage auprès de cliniques de génétique desservant des collectivités dans les 10 provinces canadiennes. Ils se sont concentrés sur la maladie d'Huntington, pour laquelle, à l'époque, il existait depuis 20 ans des tests génétiques prédictifs. Les résultats ont été étonnants : des cas de discrimination génétique ont été mentionnés par 39,9 p. 100 des répondants. La plupart des cas — 29,2 p. 100 — ont été observés dans le domaine de l'assurance, mais des cas de discrimination génétique au travail — 6,9 p. 100 — ont aussi été signalés.
Chers collègues, moins de 7 p. 100, cela peut paraître bien peu, bien que je sois convaincu que nous conviendrions qu'un seul cas de discrimination au travail en est un de trop. Cependant, dans un article qu'il a rédigé en 2010 pour Génome Canada et intitulé « Revisiting Genetic Discrimination Issues », Errol Mendes, professeur de droit à l'Université d'Ottawa, signale que, même si les preuves de discrimination génétique au travail soient peu nombreuses pour le Canada, nous ne pouvons sous-estimer l'ampleur du phénomène, compte tenu de l'expérience américaine. Le professeur Mendes a cité une étude américaine faite en 2001 selon laquelle 30 p. 100 des grandes entreprises et des entreprises moyennes demandaient des tests génétiques tandis que 7 p. 100 utilisaient les résultats pour décider du recrutement et des promotions.
Comme indiqué il y a quelques instants, nous connaissons des cas où des personnes ont renoncé à passer un test génétique, même en situation extrême, par crainte que les résultats — ou le simple fait d'avoir passé un test — nuisent à leur capacité d'obtenir ou de garder un emploi.
Chers collègues, comme je l'ai dit en avril, une personne peut choisir de ne pas subir un test génétique pour plusieurs raisons. Il y a des maladies pour lesquelles il n'y a pas de traitement connu et cette personne peut préférer ne pas savoir qu'elle a une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Elle peut également craindre les répercussions sur ses enfants, ses frères et sœurs et d'autres proches. Néanmoins, chers collègues, la crainte de ne pouvoir souscrire à une police d'assurance abordable pour soi ou pour sa famille ou de ne pouvoir trouver et garder un emploi ne devrait pas poser des obstacles à des Canadiens et les empêcher de profiter des extraordinaires avancées médicales issues de la révolution génétique. Elle ne devrait pas les empêcher non plus d'espérer améliorer leur état de santé et leur qualité de vie.
Le projet de loi S-201 éliminerait ces obstacles.
Le projet de loi comporte trois parties. La première partie créé une nouvelle loi, la Loi sur la non-discrimination génétique. Cette loi interdirait à quiconque d'obliger une personne à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats comme condition requise pour lui fournir des biens ou des services, pour conclure ou maintenir un contrat avec elle ou pour lui offrir des modalités particulières dans un contrat.
La mesure législative prévoit toutefois des exceptions pour le personnel médical, dont les médecins, qui fournissent des soins médicaux à une personne, ainsi que pour les chercheurs qui effectuent de la recherche médicale ou scientifique à laquelle participe une personne.
Une exception s'applique également à certains contrats d'assurance à valeur élevée. J'y reviendrai sous peu.
La deuxième partie du projet de loi modifie le Code canadien du travail afin d'interdire aux employeurs d'obliger des employés à subir un test génétique ou à en communiquer les résultats. Aux termes du projet de loi, il serait également interdit à des tiers de communiquer à l'employeur le fait qu'un employé a subi un test génétique ou les résultats d'un tel test sans la permission écrite de l'employé. Enfin, il serait interdit à l'employeur de recevoir ou d'utiliser les résultats d'un test génétique subi par un employé sans la permission écrite de celui-ci.
La troisième partie du projet de loi ajoute les « caractéristiques génétiques » aux motifs de discrimination interdits par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Honorables sénateurs, c'était un très bref survol du projet de loi.
Je reviens brièvement à la question des assurances. La principale crainte des gens, c'est probablement l'effet des tests génétiques sur leur assurabilité. Les sociétés d'assurance prétendent que les résultats des tests génétiques ne diffèrent en rien des antécédents familiaux. Elles craignent que, si elles ne peuvent pas obtenir les résultats de tels tests, leur industrie risque d'en pâtir.
Selon le sondage qu'a mené le gouvernement fédéral en 2003, les Canadiens ne partagent pas leur avis. Ils estiment que les gènes diffèrent des antécédents familiaux du point de vue qualitatif. Par rapport à tout autre renseignement sur leur santé, il s'agit pour eux de données foncièrement personnelles. Pas moins de 91 p. 100 des répondants jugent que les sociétés d'assurance ne devraient pas avoir accès aux données génétiques personnelles. Pratiquement la même proportion de gens, soit 90 p. 100, ont déclaré que les employeurs ne devraient pas avoir accès aux données génétiques de leurs employés ou des candidats à un poste.
La plus souvent, la présence d'un gène associé à une maladie ne signifie pas que la personne développera forcément cette maladie. En fait, si une personne sait qu'elle a une prédisposition génétique à une maladie, cela peut lui permettre de prendre des mesures pour réduire les probabilités de contracter cette maladie.
(1540)
Je ne suis pas convaincu qu'éliminer l'accès aux renseignements génétiques aura des conséquences aussi désastreuses sur l'avenir du secteur de l'assurance que le prédisent certains de ses représentants. Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada a commandé des études relativement aux répercussions économiques possibles sur l'assurance de personnes de l'interdiction d'utiliser les renseignements génétiques.
Les auteurs ont conclu ceci :
[...] qu'à l'heure actuelle et à court terme, l'interdiction d'utiliser les renseignements génétiques n'aurait pas vraisemblablement de répercussions négatives sur les assureurs ou sur la viabilité du marché de l'assurance (par exemple, assurance-vie).
Puis, ils ont ajouté quelque chose d'intéressant :
Bien qu'il ne soit pas de notre ressort de recommander l'imposition ou non d'une interdiction, il convient de noter que cette dernière rassurerait la population quant à la protection de la vie privée et atténuerait ses inquiétudes à l'égard d'éventuelles difficultés à souscrire une police d'assurance-vie si les résultats à un test génétique annonçaient de « mauvaises nouvelles ». Il semble qu'imposer cette interdiction réglementaire non seulement ne nuirait pas au marché de l'assurance, mais serait aussi souhaitable sur les plans économique et social.
L'« antisélection » figure parmi les questions soulevées par les représentants du secteur de l'assurance — ils en ont parlé quand je les ai rencontrés à Toronto avant Noël — et abordées dans les documents sur ce sujet. Les assureurs craignent que les personnes ayant subi un test génétique et qui découvrent qu'elles sont génétiquement prédisposées à contracter une certaine maladie se hâtent de souscrire une police d'assurance qui leur rapportera gros, sachant que la compagnie d'assurances ne peut pas obtenir les résultats du test.
Il ressort des études préparées pour la commissaire à la protection de la vie privée que cette préoccupation n'est pas aussi inquiétante que pourraient le craindre les assureurs. Mon projet de loi propose un compromis, inspiré d'approches utilisées dans d'autres pays où les compagnies d'assurance peuvent exiger la divulgation des résultats de tests génétiques pour les contrats d'assurance de grande valeur. J'ai proposé que cette disposition s'applique aux polices d'assurance valant plus d'un million de dollars ou prévoyant le versement d'une prestation de plus de 75 000 $ par an. Compte tenu de notre répartition constitutionnelle des pouvoirs, cette disposition s'appliquerait uniquement si la province concernée a adopté une loi en ce sens. Je souligne qu'un député de l'Assemblée législative de l'Ontario a récemment présenté un projet de loi sur la discrimination génétique qui prévoit une disposition similaire à celle de mon projet de loi.
Je tiens également à souligner que les compagnies d'assurance n'auraient quand même pas le droit d'exiger qu'une personne subisse un test génétique. Autrement dit, si la personne qui souscrit un contrat d'assurance de grande valeur n'a jamais subi de test génétique, on ne pourra pas lui demander d'en subir un. Par contre, cette clause leur permettrait d'exiger que les personnes divulguent les résultats des tests déjà subis.
Honorables sénateurs, je vous ai donné un aperçu du projet de loi. En 1999, une de nos anciennes collègues, la sénatrice Sheila Finestone, avait dit que, d'après certains, la discrimination génétique pourrait devenir la principale violation des droits de la personne du nouveau millénaire. Mon projet de loi vise à régler cette question et, surtout, à éliminer certains obstacles connus qui empêchent beaucoup de Canadiens d'avoir accès aux tests génétiques qui les aideraient, eux ou leurs enfants, à demeurer en santé, ce qui serait à l'avantage de tous.
Honorables sénateurs, de toute évidence, ce n'est pas une question partisane. Je me réjouis de l'intérêt que mes collègues, des deux côtés de la Chambre et à l'autre endroit, portent à ce projet de loi. Les trois principaux partis politiques ont déclaré, à un moment ou à un autre, qu'il faut régler la question de la discrimination génétique. En octobre, lors du dernier discours du Trône, le gouvernement conservateur a déclaré qu'il « empêchera les employeurs et les compagnies d'assurance de faire de la discrimination sur la base d'analyses génétiques ».
Chers collègues, dans le projet de loi S-201, j'ai tenté de proposer ce qui, à mon sens, constitue une solution pratique. Je suis heureux de la réponse que j'ai obtenue de particuliers et d'organisations qui sont préoccupés par la discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques. Un chercheur en médecine a dit que, grâce à ce projet de loi, le Canada allait cesser d'être à la traîne des autres pays et qu'il deviendrait même un chef de file mondial en la matière.
J'espère que nous serons en mesure de renvoyer rapidement cette mesure législative à un de nos comités, afin que nous puissions l'étudier en détail et entendre le point de vue de Canadiens sur les propositions énoncées dans le projet de loi S-201. Pourra-t-il atteindre ses objectifs? Devrions-nous être conscients de conséquences inattendues? Et, bien entendu, y a-t-il moyen d'améliorer le projet de loi?
J'ai bien hâte de prendre connaissance de vos commentaires et de vos suggestions. Je vous remercie, chers collègues.
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, même si je ne suis pas la porte-parole du gouvernement pour ce projet de loi, j'aimerais ajourner le débat à mon nom.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
La Loi sur la gestion des finances publiques
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Moore, appuyée par l'honorable sénateur Day, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-204, Loi modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques (emprunts de fonds).
L'honorable Yonah Martin (leader adjointe du gouvernement) : Honorables sénateurs, comme vous le savez, je ne suis pas la porte-parole du gouvernement pour ce projet de loi. Ce sujet en est à son 15e jour, et j'aimerais que l'on remette le compte des jours à zéro.
Son Honneur le Président intérimaire : L'honorable sénatrice Martin, avec l'appui de la sénatrice Marshall, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
L'honorable Wilfred P. Moore : J'aimerais obtenir des précisions. Madame la leader adjointe, je sais que, la semaine dernière, vous avez dit que vous alliez essayer d'obtenir une réponse pour moi le plus rapidement possible. Je suis conscient que l'on a remis le compte des jours à zéro, mais je ne voudrais pas devoir attendre encore 15 jours. Comme je l'ai déjà dit, j'ai bien hâte que le projet de loi soit renvoyé au Comité sénatorial des finances nationales. Pensez-vous que vous serez en mesure d'intervenir sur cette question la semaine prochaine?
La sénatrice Martin : Puisque je ne suis pas la porte-parole du gouvernement pour ce projet de loi, ce n'est pas moi qui interviendrai. En ce moment, je ne sais pas qui prendra la parole, sénateur. Je sais qu'il y a plusieurs autres projets de loi qui sont en attente. De toute façon, pour le moment, la réponse est non.
Le sénateur Moore : Je peux peut-être faire quelque chose pour aider à faire progresser les choses et je m'attends à ce que quelqu'un prenne la parole à ce sujet la semaine prochaine. Dans le cas contraire, je ferai quelque chose qui pourrait vous aider. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur McIntyre, appuyée par l'honorable sénateur Dagenais, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-350, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (responsabilisation des délinquants).
L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, le sénateur McIntyre a présenté ce projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, car nous en sommes saisis pour la deuxième fois. Le projet de loi a franchi pratiquement toutes les étapes.
Il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire venant de l'autre endroit et, bien sûr, comme tout le monde le sait, le sénateur McIntyre est un expert en la matière. Il a été président de la commission d'examen des cas de non-responsabilité criminelle pendant 25 ans, un poste qui n'est occupé que par des juges à la retraite ou des personnes qui pourraient être nommées juges, tel qu'indiqué dans le Code criminel. C'est un homme érudit et savant, un plaideur et un avocat. J'aurais tendance à respecter son opinion en matière de lois.
Cependant, il a souligné un fait très important. Le ministère de la Justice ne s'est pas prononcé sur la constitutionnalité et les paramètres réglementaires de ce projet de loi.
(1550)
En fait, honorables sénateurs, le ministère de la Justice refuse depuis un certain temps de se prononcer sur les projets de loi d'initiative parlementaire qui émanent de l'autre endroit. Cela signifie que le Sénat doit être extrêmement prudent dans l'étude qu'il fait de la mesure législative dont il est saisi parce que, comme tout le monde le sait, la Cour suprême du Canada cite le Sénat trois fois plus souvent que la Chambre des communes en ce qui a trait aux mesures législatives, à leur objet et à leur incidence ainsi qu'au sens des mots employés dans les textes de loi.
Nous devons être très prudents. À première vue, lorsqu'on lit le projet de loi, certaines questions très importantes viennent à l'esprit, notamment en ce qui concerne les exclusions qu'il contient.
Le projet de loi est conçu de manière à s'appliquer à quatre ou cinq personnes tout au plus au cours d'une période d'environ cinq ans. Ainsi, le projet de loi est pertinent dans le cas d'un prisonnier qui se voit accorder une indemnité à la suite d'un jugement prononcé contre la Couronne ou un fonctionnaire de la Couronne. Il définit un ordre de priorité déterminant à qui l'argent sera réellement versé. Comme vous le savez, Votre Honneur, lorsqu'un jugement est prononcé contre quelqu'un par un tribunal compétent dans un domaine particulier, si cette personne est en prison et qu'on lui accorde une indemnité, cet ordre s'applique. C'est sans doute la façon la plus simple de récupérer les sommes dues par un prisonnier.
Or, selon ce que propose le député, le projet de loi définit la priorité selon laquelle les sommes seront versées, à savoir d'abord les sommes à payer en vertu d'une ordonnance alimentaire rendue par un tribunal compétent; ensuite, les sommes à payer en vertu d'une ordonnance de dédommagement; puis toute suramende compensatoire; et, enfin, toute autre somme à payer en vertu d'un jugement rendu par un tribunal.
Le projet de loi prévoit ensuite des paiements proportionnels. Autrement dit, si les fonds sont suffisants pour acquitter la priorité numéro un, et s'il y a une priorité numéro deux, trois ou quatre ou si elles entrent toutes en ligne de compte, les fonds seront répartis à parts égales, ce qui va à l'encontre de l'objectif du projet de loi.
Puis, le projet de loi ajoute des exclusions. Selon le projet de loi, les frais et dépens exclus sont des « [...] frais ou dépens accordés par le tribunal dans sa décision ».
Comme vous le savez, Votre Honneur, une poursuite devant une cour supérieure, comme celle qu'entreprendraient les personnes concernées, coûte fort cher. Son Honneur a déjà témoigné devant des cours supérieures dans le cadre de son travail au Sénat. Vous savez combien il en coûte de s'adresser à une cour supérieure. Dans ces affaires, les dépens accordés sont parfois substantiels. Ils peuvent être fort élevés pour compenser le temps passé et ainsi de suite. Ces montants, dans le cadre du projet de loi, seront exclus.
L'autre exclusion prévue dans le projet de loi est compréhensible. Il faut remonter à la toute dernière journée des audiences à la Chambre des communes. Ce jour-là, une personne a témoigné devant le comité. Elle a suggéré d'accorder une exemption aux prisonniers qui ont reçu un montant « [...] en exécution de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens entrée en vigueur le 19 septembre 2007 ».
Toutefois, le projet de loi ne prévoit pas d'exclusion dans le cas d'autres paiements de la sorte. L'exemple de l'entente intervenue dans le cas de l'orphelinat Mount Cashel — ou d'autres ententes de ce genre — m'est venu à l'esprit.
Théoriquement, dans un cas particulier, on pourrait faire valoir la question de l'équité. Il serait possible de soutenir que les droits constitutionnels prévus à l'article 7 ont été violés. Nous n'avons pas d'avis du ministère de la Justice indiquant si ce pourrait être le cas ou non, car la mesure ne lui a pas été soumise. Comme l'a signalé le sénateur McIntyre, le ministère de la Justice n'a pas vérifié la constitutionnalité du projet de loi.
Permettez-moi de poursuivre. Il existe un article qui dit ceci :
Le paragraphe 30(1) de la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif ne s'applique aux sommes visées à l'article 78.1.
Il s'agit de l'article qui donne à l'État le pouvoir de faire tout type de paiement. À première vue, on peut se demander quelles sont les répercussions de cet article sur les lois existantes. Encore là, les représentants du ministère de la Justice n'ont pas fourni d'opinion à ce sujet et, fidèles à leur habitude des dernières années, ils n'en fourniront pas.
Nous devons être prudents lorsqu'il est question de projets de loi d'initiative parlementaire, et ce, même si nous avons déjà débattu de celui-ci et que nous en sommes de nouveau saisis à l'étape de la deuxième lecture. Nous avons certaines questions, plus particulièrement au sujet de la Constitution et des répercussions sur le plan de la réglementation. Les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles ont exprimé des préoccupations au sujet de l'applicabilité de la mesure législative, qui fera en sorte que des sommes très importantes seront allouées à l'administration, par exemple, alors que nous savons qu'il est possible d'obtenir en tout temps une ordonnance du tribunal en ce qui concerne les aspects dont il est question dans le projet de loi.
Habituellement, je ferais preuve de déférence envers le sénateur McIntyre, car il connaît particulièrement bien ces dossiers, mais je crois que les sénateurs devraient savoir — et c'est là que mon opinion diverge de la sienne — que je ne pense pas que les libéraux ont accompli un bon travail à la Chambre des communes en ce qui concerne ce projet de loi. À mon avis, le NPD n'a pas non plus accompli un bon travail lors de l'examen de cette mesure législative. Les partis politiques à la Chambre des communes — je parle bien entendu des libéraux et des néo-démocrates — se contentent de renvoyer les mesures législatives aux sénateurs, sans leur fournir les assises nécessaires pour effectuer un examen concret de la mesure législative.
Voilà qui conclut mon intervention, sénateur McIntyre. Je suis prêt à répondre à vos questions, le cas échéant.
L'honorable Paul E. McIntyre : Sénateur Baker, accepteriez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Baker : Oui, bien entendu.
Le sénateur McIntyre : Merci pour ces bons mots, sénateur Baker. Le projet de loi C-350, comme vous l'avez à juste titre souligné, est un projet de loi d'initiative parlementaire et il prévoit que l'argent légalement gagné par des détenus soit versé à leurs victimes et à leurs créanciers. La Chambre des communes a adopté ce projet de loi à l'unanimité; tous les partis l'ont appuyé.
Le 26 novembre dernier, après mon intervention sur le projet de loi C-350, les sénatrices Fraser et Jaffer ont toutes deux soulevé des réserves quant à cette mesure législative, notamment en ce qui concerne la question dont vous venez tout juste de parler, soit le nombre de délinquants qui seront touchés par cette mesure ainsi que les coûts de mise en œuvre. J'ai fait quelques recherches depuis ce temps, et j'ai déterminé que, depuis 2007 — et vous aviez parfaitement raison à cet égard —, seulement cinq délinquants ont poursuivi avec succès Service correctionnel Canada et ont obtenu une indemnisation d'ordre pécuniaire.
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Vous avez également parlé du coût. Je crois qu'il y a des effets sur le coût de fonctionnement assumé par plusieurs ordres de gouvernement et d'autres ministères. De plus, en ce qui concerne le Service correctionnel du Canada, je crois que les coûts couvrent notamment la création d'une base de données sur les créanciers et d'outils de communication tels qu'une page web et des formulaires d'inscription. Évidemment, tout cela aura des coûts. Je crois aussi que le Service correctionnel du Canada assumera ces coûts en respectant les limites de son budget actuel. Avez-vous pu faire un suivi à ce sujet?
Le sénateur Baker : Nous avons examiné les faits concernant les détenus, leurs représentants qui ont comparu devant le comité, ainsi que le coût réel.
Honorable sénateur, dans votre discours, vous avez demandé que cette question soit renvoyée au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je tiens à appuyer la motion, car je ne crois pas qu'il soit nécessaire de débattre davantage de ce projet de loi. Je suis d'accord pour dire que nous devrions renvoyer ce projet de loi au comité. Vous y siégez, et vous êtes un expert dans nombre de ces domaines. Nous vous convoquerons peut-être à titre de témoin spécial, ne serait-ce que pour entendre l'avis du motionnaire et savoir s'il accepterait de proposer des amendements souhaitables, particulièrement en ce qui concerne certains aspects dont j'ai parlé, afin de ne pas restreindre les exclusions prévues dans la loi. Par exemple, en ce qui concerne le paragraphe 78.1(4), on pourrait insérer une expression comme « ou dans des circonstances semblables » ou « ou dans des affaires semblables ». Je suis d'accord avec vous: nous devons disposer du projet de loi. De plus, je voudrais appuyer votre motion tendant à renvoyer immédiatement le projet de loi au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui cherche du travail à faire en ce moment.
Son Honneur le Président intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur McIntyre, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.)
Le Tour de l'Alberta
Interpellation—Suite du débat
L'ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l'interpellation de l'honorable sénateur Mitchell attirant l'attention du Sénat sur le Tour de l'Alberta, le festival cycliste du Canada.
L'honorable Joseph A. Day : Honorables sénateurs, j'ai demandé l'ajournement pour attirer votre attention sur l'interpellation du sénateur Mitchell. J'ai l'intention de prendre la parole sur cette question, qui a trait au phénomène du cyclisme au Canada. J'invite les sénateurs à bien prendre connaissance de l'interpellation. J'espère que, après mon intervention, d'autres sénateurs voudront se joindre à moi. J'estime que le sujet de l'interpellation dépasse largement la course sur route qui a eu lieu en Alberta, et nous fournit l'occasion de parler du phénomène du cyclisme en général et de son évolution au Canada.
(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)
(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne à 14 heures demain.)