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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature,
Volume 150, Numéro 112

Le mercredi 12 avril 2017
L'honorable George J. Furey, Président

LE SÉNAT

Le mercredi 12 avril 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Les déplacements du premier ministre

L'honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, le 30 mars, j'ai posé la question suivante au leader du gouvernement au Sénat :

Pourriez-vous me dire, sénateur Harder, pourquoi ce technicien a facturé 626 $ pour ses repas et ses frais accessoires en plus des 1 604 $ qu'il a demandés en indemnités journalières pour le voyage? Je pensais que les indemnités journalières couvraient les repas et les frais accessoires. Pourquoi ces choses ont-elles été facturées séparément?

La question portait sur un employé du Bureau du Conseil privé qui a voyagé avec le premier ministre pendant ses vacances de Noël sur l'île privée de son ami milliardaire, l'Aga Khan. Honorables sénateurs, j'ai obtenu réponse à ma question non pas de la bouche du représentant du gouvernement, mais de la CBC, qui a rapporté que 1 604 $ de l'argent des contribuables avaient été remis à l'Aga Khan.

Le 6 avril, comme le leader n'avait pas encore répondu à la moindre de mes questions, j'ai posé la question suivante :

[C]omment le technicien de tournée s'est-il rendu à destination...

— sur l'île privée —

... si ce n'est pas par voie aérienne, étant donné que le premier ministre a affirmé que l'île n'était accessible que par hélicoptère privé? S'il s'y est rendu par hélicoptère, quelle portion des 2 263 $ en transport aérien a servi à payer ce vol? S'il y est allé autrement, comment peut-on concilier ce fait et l'affirmation du premier ministre selon laquelle il n'y avait aucune autre façon de se rendre sur l'île privée?

Cette fois encore, honorables sénateurs, c'est la CBC, et non le leader, qui a répondu à ma question. Permettez-moi de lire des extraits du reportage de la CBC :

Les vacances du premier ministre Trudeau sur l'île privée de l'Aga Khan dans les Bahamas ont coûté aux contribuables plus que ce que le gouvernement a révélé au Parlement [...].

Outre la somme de 127 187 $ initialement divulguée dans les documents déposés à la Chambre des communes, le gouvernement a dépensé 6 695 $ pour le transport par hydravion d'un technicien du Bureau du Conseil privé et de 400 livres de matériel de Nassau jusqu'à l'île Bell.

Cela porte le coût total des vacances de Trudeau dans l'île privée à 133 883 $ pour les contribuables.

Cette révélation soulève aussi des questions au sujet de l'explication donnée par Trudeau sur la raison pour laquelle il a fait le trajet de Nassau à l'île Bell à bord de l'hélicoptère privé de l'Aga Khan. [...]

Le 12 janvier, à Kingston, en Ontario, Trudeau a dit à des reporters qu'il avait fait le trajet aller-retour entre Nassau et l'île à bord de l'hélicoptère privé de l'Aga Khan parce qu'il le lui avait offert. [...]

Le technicien, toutefois, a fait le même trajet de Nassau à l'île Bell à bord d'un hydravion Cessna 208 nolisé. Il faut environ 30 minutes à cet appareil de neuf places, qui est allé à l'île Bell à d'autres occasions, pour transporter les passagers de Nassau jusqu'à l'île. [...]

Voilà qui est intéressant.

[...] le technicien devait initialement se rendre jusqu'à l'île sur un vol de Flamingo Air [...]

[...] le gouvernement a dû rembourser au technicien 300 $ pour le vol de Flamingo Air qu'il n'a pas pris [...]

C'est la deuxième fois que j'obtiens des réponses de la CBC plutôt qu'ici. On dirait que le cabinet du premier ministre coule de l'information sur cette affaire à la CBC peu après que j'ai posé mes questions. Je vais être clair : cela n'enlève pas au leader du gouvernement au Sénat la responsabilité de déposer des réponses ici même à mes nombreuses questions.

Maggie MacDonnell

Félicitations à la lauréate du Global Teacher Prize

L'honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, la Néo-Écossaise et l'ancienne enseignante que je suis a l'immense plaisir de rendre aujourd'hui hommage à une enseignante et une mentor canadienne aussi remarquable qu'inspirante, Maggie MacDonnell. Mme MacDonnell, qui est originaire d'Afton, en Nouvelle-Écosse, et a fait ses études à l'Université St. Francis Xavier, est la lauréate du Global Teacher Prize de 2017, qui récompense le meilleur enseignant du monde.

Honorables sénateurs, ce prix signifie que Maggie MacDonnell est non seulement la meilleure enseignante de la Nouvelle-Écosse ou même du Canada, mais du monde au grand complet.

Des voix : Bravo!

La sénatrice Cordy : Le Global Teacher Prize, qui est assorti d'une bourse de 1 million de dollars américains, est remis chaque année par la Fondation Varkey à un enseignant d'exception qui a contribué de manière remarquable à sa profession. Il permet de souligner le rôle que jouent les éducateurs partout dans le monde et l'influence positive qu'ils peuvent avoir sur leur milieu. Il permet en outre de rendre hommage aux enseignants qui réussissent le mieux à inspirer leur entourage, qu'il s'agisse des élèves à qui ils enseignent ou la collectivité où ils exercent leur métier.

Maggie MacDonnell a multiplié les exploits dans le petit village isolé de Salluit, au Québec. Une seule autre localité québécoise est plus au nord que Salluit, et on peut seulement s'y rendre par la voie des airs.

Comme beaucoup trop de villages nordiques, Salluit éprouve de nombreux problèmes sociaux, ce qui signifie que le roulement est très élevé parmi le personnel enseignant. Mme MacDonnell, elle, s'est plutôt laissé inspirer par les habitants de l'endroit et elle y est encore après presque sept ans.

Depuis qu'elle habite à Salluit, Maggie a créé des programmes de mentorat en emploi et un fonds destiné à fournir des repas sains aux enfants. Elle a d'ailleurs fait appel à ses deux passions — la condition physique et l'enseignement — pour aider la population du coin à surmonter ses problèmes. Pour elle, la condition physique constitue un moyen d'éviter que les jeunes ne tombent dans les comportements toxiques qui sont souvent courants dans les petits villages isolés. Elle a mis sur pied un centre de conditionnement physique pour les jeunes et les adultes de l'endroit. Elle s'est aussi organisée pour que les jeunes du village puissent participer au marathon Blue Nose d'Halifax, en Nouvelle-Écosse, en obtenant un rabais sur le prix des billets d'avion et des espadrilles des jeunes qui prendront part à l'événement.

Maggie MacDonnell a reçu son prix le mois dernier lors d'une cérémonie qui s'est déroulée à Dubaï. Trois de ses élèves l'accompagnaient. Elle a été choisie parmi près de 20 000 candidatures provenant du monde entier. Elle compte utiliser le prix de 1 million de dollars pour créer un ONG qui offrira des services à ses élèves et aux gens de Salluit. Cet organisme mettra en œuvre un programme de protection de l'environnement pour les jeunes du Nord qui sera axé sur la remise en valeur du kayak.

Honorables sénateurs, je ne pourrais pas imaginer meilleure lauréate que Maggie MacDonnell pour ce prix. J'invite les sénateurs à regarder la vidéo inspirante que j'ai envoyée aujourd'hui sur Twitter et qui montre l'énorme influence qu'a eue Maggie sur ses concitoyens de Salluit.

J'adresse toutes mes félicitations à Maggie et à sa famille. Elle est une véritable source d'inspiration pour nous tous.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants du Centre national pour la vérité et réconciliation : Barney Williams, de la nation tla-o-qui-aht, qui est membre du Cercle des survivants, et son épouse, Katrina, Eugene Arcand, de la nation Muskeg Lake, en Saskatchewan, qui est membre du Cercle de gouvernance, et Ry Moran, directeur du centre. Ils sont les invités de l'honorable sénateur Sinclair.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La grande tragédie ayant frappé les chasseurs de phoques de Terre-Neuve-et-Labrador en 1914

L'honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je vous présente aujourd'hui le chapitre 15 de « Notre histoire ».

Entourée par l'océan Atlantique, l'île de Terre-Neuve profite des richesses de la mer depuis plusieurs générations. Cependant, il y a 103 ans cette semaine, le glacial Atlantique Nord a apporté beaucoup plus de désolation que de bienfaits.

(1410)

Cette semaine, nous commémorons un triste moment de notre fière histoire. C'est entre le 31 mars et le 2 avril 1914 que 77 membres de l'équipage du phoquier S.S. Newfoundland sont morts gelés sur la glace. Un autre membre de l'équipage a succombé à ses blessures un peu plus tard à St. John's.

Pendant la même fin de semaine, le S.S. Southern Cross, qui était sur la voie du retour, au large de la baie St. Mary's, a croisé la route d'une féroce tempête hivernale qui s'abattait sur la province. Alourdi par une importante cargaison de peaux de phoques, le navire a perdu son combat et a été englouti avec les 176 hommes qui se trouvaient à son bord. On ne les a jamais retrouvés.

La disparition de 254 hommes en 2 jours a touché de nombreuses familles, ainsi que l'ensemble des localités et des citoyens de Terre-Neuve. On désigne ce moment extrêmement tragique de l'histoire de la province comme « la grande tragédie ayant frappé les chasseurs de phoques de Terre-Neuve en 1914 ».

Ce drame a fait l'objet de nombreux articles et livres qui méritent d'être lus. L'un des plus connus et des plus émouvants est le livre écrit en 1972 par Cassie Brown, qui s'intitule Death on the Ice.

Ce livre se lit comme un roman, mais il relate des faits historiques. Il raconte comment, pendant deux longues journées et deux longues nuits glaciales, 132 hommes ont été abandonnés à leur sort dans l'Atlantique Nord, pris au piège sur une banquise, en plein cœur de l'hiver. Ils étaient légèrement vêtus, n'avaient à peu près rien à manger et aucun espoir de trouver un abri contre la neige et le vent mordant. Pour survivre, ils devaient bouger constamment. Ceux qui s'arrêtaient pour se reposer mouraient aussitôt.

Le livre raconte l'histoire de ces héros, comme celle d'un homme qui a eu de graves engelures aux lèvres parce qu'il utilisait celles-ci pour casser les glaçons qui aveuglaient ses camarades. Certains hommes sont restés figés dans leurs traces et d'autres, rendus fous par la douleur, sont allés se jeter à l'eau.

Le livre raconte aussi l'histoire de Reuben Crewe et de son fils de 16 ans, Albert John, qui sont morts dans les bras l'un de l'autre. Voici une citation du livre de Cassie :

Le père et le fils n'avaient désormais plus la force de s'encourager. Albert, étendu sur la glace, était au seuil de la mort. Son père reposait à ses côtés, inclinant la tête de son fils contre son chandail de grosse laine, dans un dernier geste de protection. Ils moururent ainsi entrelacés dans les bras l'un de l'autre.

L'Office national du film du Canada a produit un court film d'animation remarquable et des plus mémorables sur cet événement historique. Il s'intitule 54 heures. Je vous recommande de le voir.

Chers collègues, la mer forge en grande partie l'identité des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador. Notre histoire regorge d'actions d'éclat et de hauts faits sur l'océan. Cependant, aujourd'hui, nous nous souvenons de l'une des plus grandes tragédies de notre époque, une tragédie qui, encore aujourd'hui, 103 ans plus tard, arrache des larmes à des hommes énergiques, qui ont arpenté la banquise et qui savent parfaitement que le froid de l'Atlantique Nord est impitoyable.

J'invite les sénateurs à se joindre à moi aujourd'hui pour souhaiter le repos éternel aux 254 hommes qui ont perdu la vie lors de la tragédie qui a frappé les chasseurs de phoque de Terre-Neuve en 1914. Que leur âme et celle de tous les disparus reposent en paix.

Les Oilers d'Edmonton

Félicitations à l'occasion de leur participation aux séries éliminatoires de la Coupe Stanley

L'honorable Betty Unger : Honorables sénateurs, le 28 mars dernier, vers 20 h 38, les 18 347 partisans des Oilers d'Edmonton qui avaient rempli Rogers Place ont fait vibrer l'amphithéâtre en célébrant frénétiquement une victoire qu'ils attendaient depuis longtemps.

Après 10 saisons décevantes, les Oilers ont assuré leur participation aux séries éliminatoires de la Coupe Stanley en battant les Kings de Los Angeles par la marque de 2 à 1. Les partisans des Oilers n'avaient pas eu l'occasion de célébrer un tel exploit depuis 2006.

En 2006, l'iPhone n'existait pas, Twitter n'avait que deux mois d'existence, et celui qui est aujourd'hui le jeune capitaine des Oilers n'avait que neuf ans.

L'année 2006 semble appartenir à un passé lointain et, pour beaucoup de partisans, c'était effectivement une autre époque.

Cependant, les Oilers ont des partisans loyaux. Au cours des 10 dernières saisons, même lorsque les défaites se succédaient, match après match, les Oilers ont continué de faire salle comble. Même depuis l'ouverture, en septembre 2016, d'un nouvel amphithéâtre qui contient plus de sièges, les billets sont tous vendus à chaque match.

Nous ne savons pas si, après avoir mérité leur place dans les séries éliminatoires de 2017, les Oilers gagneront la Coupe Stanley, mais nous savons que notre équipe est partie de loin.

Cette année, les Oilers ont connu leur première saison de plus de 100 points depuis 1990. Ils ont terminé la saison régulière avec 103 points en tout et, au cours des 14 derniers matchs, ils ont remporté 12 victoires. Voilà qui n'est pas mal du tout pour une jeune équipe qui a terminé la dernière saison au 29e rang.

Dimanche soir dernier, nos Oilers ont joué un autre grand match. C'était le dernier de la saison. Il avait lieu à l'amphithéâtre Rogers d'Edmonton, et les Oilers jouaient contre les Canucks de Vancouver.

Le capitaine de l'équipe, Connor McDavid, qui vient d'avoir 20 ans, a atteint le cap des 100 points et a remporté par la suite le trophée Art Ross à titre de champion marqueur de la LNH.

Ce soir, les séries éliminatoires commencent, et les Oilers ont l'avantage de jouer à domicile contre les Sharks de San Jose, qu'ils ont battus 4 à 2 il y a moins d'une semaine. Ils ont remporté huit de leurs neuf derniers matchs, alors la confiance règne, mais ils ne tiennent rien pour acquis.

L'Alberta a aussi une autre équipe; nos rivaux du sud de la province se sont aussi qualifiés pour les séries éliminatoires.

J'offre mes plus sincères félicitations aux joueurs des Oilers d'Edmonton, à l'entraîneur, Todd McLellan, et au personnel de l'équipe, pour leur succès remarquable.

Go, Oilers, go!

Des voix : Bravo!

Les journalistes et travailleurs des médias morts dans l'exercice de leurs fonctions

L'honorable Joan Fraser : Honorables sénateurs, cette année encore, je souhaite attirer votre attention sur les journalistes et les travailleurs des médias qui ont été tués dans le monde à cause de leurs activités journalistiques, autrement dit, de leur profession.

La triste liste dont je fais lecture vient du Comité pour la protection des journalistes. Voici les noms des 48 journalistes et des 2 travailleurs des médias qui sont décédés :

En Afghanistan : David Gilkey, Zabihullah Tamanna, Naimatullah Zaheer et Mohammad Nasir Mudasir

Au Brésil : João Miranda do Carmo

En Inde : Karun Misra et Rajdev Ranjan

En Guinée : El-Hadj Mohamed Diallo

En Irak : Hassan al-Anbaki, Saif Talal, Ali Mahmud, Mustafa Said, Ali Risan, Ahmet Haceroglu et Ali Ghani

En Libye : Khaled al-Zintani, Abdelqadir Fassouk et Jeroen Oerlemans

Au Mexique : Marcos Hernández Bautista et Elidio Ramos Zárate

Au Myanmar : Soe Moe Tun.

Au Pakistan : Shehzad Ahmed et Mehmood Khan.

En Somalie : Abdiaziz Ali et Mahad Ali Mohamed.

En Syrie : Majid Dirani, Osama Jumaa, Khaled Eissa, Ibrahim Omar, Abdullah Mohammad Ghannam, Mohammed Sayyed Hassan, Ahmad Hallak, Taha Shawkat Al-Halou, Sami Jawdat Rabah, Samer Mohammed Aboud, Mustafa Abdul Hassa, Shaam, Mohammed Eissa, Abdul Salam Kanaan, Mohsen Khazaei et Mahmoud Shabaan al-Haj Hadhir

En Somalie : Sagal Salad Osman

En Turquie : Rohat Aktas et Zaher al-Shurqat

En Ukraine : Pavel Sheremet

Au Yémen : Almigdad Mojalli, Hashim al-Hamran, Ahmed al-Shaibani, Mohammed Ghalib al-Majidi, Mubarak al-Abadi et Awab al-Zubiry

Chers collègues, nous savons que tous ces gens ont été tués parce qu'ils étaient journalistes.

Le Comité pour la protection des journalistes a également établi une liste où figurent les noms de 29 autres personnes tuées l'an dernier, vraisemblablement parce qu'elles étaient journalistes, mais aucune preuve ne corrobore cette conclusion pour l'instant. S'il nous est impossible de ramener ces gens à la vie, nous pouvons à tout le moins leur rendre hommage et dénoncer le traitement qui leur a été réservé.


AFFAIRES COURANTES

Malala Yousafzai

L'allocution aux membres du Sénat et de la Chambre des communes—Adoption de la motion tendant à imprimer l'allocution en annexe

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l'article 5-5(j) du Règlement, je propose :

Que l'adresse de Malala Yousafzai, prononcée le mercredi 12 avril 2017 devant les deux Chambres du Parlement, de même que les présentations et les observations qui s'y rapportent, soient imprimées sous forme d'annexe aux Débats du Sénat de ce jour et constituent partie intégrante des archives de cette Chambre.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

(La motion est adoptée.)

(Le texte des discours figure en annexe, p. 2837.)

(1420)

[Français]

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l'article 4-13(3) du Règlement, j'informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l'ordre suivant : la motion no 85, suivie par tous les autres points dans l'ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion concernant la période des questions de la séance du 2 mai 2017

L'honorable Hon. Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu'autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l'article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 2 mai 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu'à la fin de la période des questions, qui sera d'une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 aujourd'hui, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d'appel pour un vote retentit à 15 h 30 aujourd'hui, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu'elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 aujourd'hui, la séance soit suspendue jusqu'à 15 h 30, heure de la période des questions.

[Français]

L'ajournement

Préavis de motion

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s'ajournera après l'adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu'au mardi 2 mai 2017, à 14 heures.

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La réunion d'été de la Western Governors' Association, tenue du 12 au 14 juin 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion d'été de la Western Governors' Association, tenue à Jackson Hole, au Wyoming, aux États-Unis, du 12 au 14 juin 2016.

La réunion estivale annuelle de la National Governors Association, tenue du 14 au 17 juillet 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la réunion estivale annuelle de la National Governors Association, tenue à Des Moines, en Iowa, aux États-Unis, du 14 au 17 juillet 2016.

La conférence nationale annuelle du Council of State Governments, tenue du 8 au 11 décembre 2016—Dépôt du rapport

L'honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la conférence nationale annuelle du Council of State Governments, tenue à Colonial Williamsburg, en Virginie, aux États-Unis, du 8 au 11 décembre 2016.


[Français]

PÉRIODE DES QUESTIONS

La justice

Les délais du système de justice pénale—La nomination des juges

L'honorable Larry W. Smith (leader de l'opposition) : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Jeudi dernier, les chefs d'accusation à l'endroit d'un homme du Québec accusé du meurtre au deuxième degré de sa femme ont été suspendus en raison des délais fixés par l'arrêt Jordan de la Cour suprême. La ministre de la Justice du Québec a exhorté publiquement la ministre Wilson-Raybould à combler les sièges vacants à la Cour supérieure du Québec et a réitéré le fait que la province attend depuis longtemps que ces sièges soient pourvus.

Avec cette récente affaire, un acte odieux de violence conjugale, il s'agit au moins de la troisième fois que des poursuites sont abandonnées dans une affaire de meurtre au pays, à cause de la décision Jordan.

Le leader du gouvernement pourrait-il se renseigner afin de savoir si la ministre de la Justice connaît d'autres cas où des accusations de meurtre ont été abandonnées en raison de l'arrêt Jordan? La ministre fait-elle un suivi du nombre total de cas qui ont été suspendus?

Le leader du gouvernement pourrait-il également nous dire à quel moment la ministre de la Justice se décidera enfin à pourvoir les douzaines de postes vacants dans le domaine judiciaire au Canada?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénateur de sa question. Comme tous les sénateurs le savent, elle est très importante et c'est une priorité absolue pour la ministre de la Justice, comme elle l'a dit au Sénat et ailleurs.

Je le redis, la ministre de la Justice a mis en place un processus qui favorise la diversité des nominations. Cette diversité se reflète d'ailleurs déjà dans les nominations qui ont été faites. Chacun sait qu'il reste du travail à faire pour pourvoir les postes vacants. À cette fin, la ministre a annoncé cette semaine qu'elle allait convoquer une réunion fédérale-provinciale-territoriale afin de discuter avec ses homologues des meilleurs moyens de faire en sorte que justice soit faite et que les Canadiens aient le sentiment qu'elle est faite. Alors que les tribunaux sont saisis d'affaires graves, il est important de s'assurer que toutes les poursuites se déroulent rapidement.

Le sénateur Smith : Le leader du gouvernement sait que le projet de loi d'exécution du budget C-44, présenté à l'autre endroit hier après-midi, prévoit des mesures pour la nomination de nouveaux juges, comme on l'a annoncé dans le budget de 2017; je croyais que la ministre de la Justice se penchait déjà là-dessus. Cependant, les documents budgétaires ne proposent aucun échéancier pour les 28 nominations prévues.

Encore une fois, nous sommes préoccupés par l'accumulation des retards et des formalités administratives. Honorable sénateur, avons-nous une idée exacte de l'ampleur du retard à combler? Le leader du gouvernement pourrait-il nous dire si le gouvernement libéral s'engage à pourvoir ces postes cette année, ou s'il y aura simplement encore des postes vacants pendant des mois? C'est un problème important, car il est essentiel que les criminels pris en charge par le système de justice sachent qu'ils feront face à la justice comme il se doit.

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l'honorable sénateur de sa question à ce sujet. Je tiens à lui assurer, ainsi qu'à tous les sénateurs, que le gouvernement prend cette question très au sérieux. C'est pourquoi le budget prévoit des mesures pour nommer d'autres juges à la Cour fédérale. Il serait présomptueux de la part du gouvernement de présumer de la façon dont le Parlement réagira à cette proposition du budget. Une fois que ce budget sera adopté, je m'attends à ce que le gouvernement s'emploie à pouvoir ces postes avec célérité afin que cette mesure soit mise en œuvre parallèlement aux autres mesures déjà entreprises pour bien remédier à la situation.

Les comités consultatifs de la magistrature

L'honorable Paul E. McIntyre : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. C'est, en quelque sorte, pour donner suite à une question déjà posée par le sénateur Smith, mais selon une perspective différente. Ma question porte sur les comités consultatifs de la magistrature et sur la nomination des juges à la Cour supérieure.

Comme nous le savons déjà, il y a 17 comités consultatifs de la magistrature. Si j'ai bien compris, la ministre de la Justice a annoncé en octobre dernier que des changements considérables avaient été apportés à la structure et au rôle de ces comités. En janvier, son ministère a fait paraître un communiqué de presse annonçant que sept comités avaient été reconstitués dans six provinces, suivi d'un autre communiqué de presse révélant que d'autres nominations aux comités consultatifs à la magistrature seraient annoncées dans les semaines suivantes. Depuis, nous n'avons eu aucune information quant au moment où les 10 autres comités consultatifs de la magistrature seraient rétablis.

(1430)

Le gouvernement pourrait-il nous dire quand les 17 comités consultatifs de la magistrature seront en place et si les 10 nominations seront annoncées ce printemps?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Pour ce qui est du calendrier prévu, je vais transmettre cette question à la ministre.

Je tiens à souligner encore une fois que la ministre a organisé une réunion avec ses homologues des provinces et des territoires, mais qu'avant cela, la semaine dernière, je crois, elle a rencontré les juges en chef et les juges en chef adjoints de cours de partout au pays pour s'occuper de cette question.

Je tiens à répéter que le gouvernement a nommé 47 juges et 22 juges suppléants dans les dernières semaines et que la ministre s'est engagée publiquement à procéder à d'autres nominations dans un proche avenir.

Je ne peux pas faire de prévisions quant au moment où cela se fera, mais j'insiste sur l'importance que la ministre attache au fait que ces nominations réalisées par l'intermédiaire de comités consultatifs de la magistrature reflètent mieux la diversité que ce fut le cas jusqu'à présent.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le leader, il y a près de 60 postes de juge vacants au sein des cours supérieures du Canada et il est urgent que la ministre de la Justice les pourvoie aussi rapidement que possible.

Étant donné que la ministre de la Justice continue de procéder lentement à la reconstitution des 10 autres comités consultatifs de la magistrature, comment peut-elle s'attendre à pourvoir rapidement les postes vacants?

Le sénateur Harder : Je tiens à souligner, encore une fois, que la ministre et l'ensemble du gouvernement ont pour objectif de favoriser une grande diversité de nominations. C'est pourquoi les comités consultatifs sur les nominations à la magistrature sont eux-mêmes composés d'une plus grande diversité de membres, et que la diversité fait partie de leur mandat.

Le gouvernement est conscient de l'urgence de la situation. La ministre poursuit le travail qu'elle a commencé. Des rencontres avec les juges ont eu lieu. On prévoit aussi des rencontres avec des partenaires fédéraux, provinciaux et territoriaux pour s'assurer de traiter de manière aussi appropriée que possible tous les aspects du système judiciaire qui ont un rôle à jouer dans la situation à laquelle nous sommes confrontés. Les nominations figurent parmi les engagements de la ministre, et elle a l'intention d'en faire une priorité.

Le Sénat

L'ajout au compte rendu d'une annexe consacrée à Malala Yousafzai

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Avant de poser ma question, je souhaite faire quelques observations au sujet de l'idée d'annexer le discours de Malala Yousafzai au compte rendu des débats de la journée. Je crois que tous ceux d'entre nous qui ont entendu son discours approuvent chaleureusement cette idée. J'espère qu'on peut supposer que, du fait de votre demande et de notre approbation, il sera possible d'inclure un discours du Président du Sénat, du Président de la Chambre des communes et du premier ministre, car le Parlement a connu aujourd'hui une journée spéciale à bien des égards.

Les finances

La mise en oeuvre du budget

L'honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, je viens tout juste de recevoir le projet de loi C-44 mentionné par le leader de l'opposition. Ce projet de loi d'exécution du budget compte 300 pages, alors qu'il devait être beaucoup plus court et beaucoup plus mince. Nous sommes impatients de l'analyser en regard des promesses faites par le gouvernement.

Nous avons apporté plusieurs ajustements très positifs pour refléter le changement de la nature et de la composition du Sénat. Nous avons fait en sorte que le Groupe des sénateurs indépendants soit adéquatement représenté au sein des comités et qu'il reçoive du financement. Or, nous avons omis un autre aspect, ce à quoi nous devons remédier. La rémunération du leader doit être comparable à celle des leaders du gouvernement et de l'opposition.

Si je comprends bien, monsieur le leader, il faut pour cela modifier la disposition concernant la rémunération dans la Loi sur le Parlement du Canada. On m'a dit qu'il ne serait pas désirable de modifier la Loi sur le Parlement du Canada. Or, à la lecture du projet de loi C-44, le projet de loi d'exécution du budget, je constate qu'il contient 20 pages de modifications à la Loi sur le Parlement du Canada.

A-t-on envisagé de rectifier la non-reconnaissance des groupes et caucus autres que le gouvernement et l'opposition? Le cas échéant, pourquoi les modifications nécessaires à cette fin ne figurent-elles pas dans ces 20 ou 30 pages de modifications à la Loi sur le Parlement du Canada?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je répondrai à la question du sénateur en disant que, de toute évidence, je vais me renseigner à ce sujet.

Je signale toutefois, comme je l'ai déjà dit par le passé, que certaines questions relatives aux travaux du Comité sur la modernisation nécessitent également la modification de la Loi sur le Parlement du Canada. Il serait donc peut-être utile de coordonner, dans un effort élargi, les modifications que le Sénat souhaite lui-même envisager dans le contexte de la modernisation.

Le sénateur Day : Ce pourrait être utile, mais on parle d'une question d'équité. Combien de temps faudra-t-il attendre avant que l'on atteigne le seuil de l'utilité, alors que l'on aurait facilement pu rectifier la situation dans le projet de loi que nous étudierons?

Le sénateur Harder : Encore une fois, j'en parlerai au ministre des Finances. Comme vous le savez sans doute, le budget n'aborde pas cette question. Je devrai donc me renseigner à cet égard.

Le sénateur Day : Merci.

L'énergie

L'Office national de l'énergie

L'honorable Douglas Black : Monsieur le leader, l'industrie de l'énergie est fière du travail que l'Office national de l'énergie fait depuis des décennies et du rôle essentiel qu'il joue dans la réglementation de l'importante industrie canadienne de l'énergie. Les Albertains sont évidemment fiers que le siège social de l'Office national de l'énergie se trouve à Calgary.

Cela dit, il est important pour tout organisme, y compris le Sénat, de se moderniser pour s'améliorer. Comme nous le savons, le gouvernement du Canada a formé un groupe d'experts afin d'examiner les façons d'améliorer l'Office national de l'énergie et d'en faire rapport.

J'ai entendu des rumeurs troublantes que le groupe d'experts pourrait recommander, aussi incroyable que cela puisse paraître, de déménager l'Office national de l'énergie à Ottawa.

Monsieur le leader, pourriez-vous confirmer que si le groupe d'experts fait une recommandation aussi malavisée, le gouvernement du Canada rejettera celle-ci d'emblée?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je me suis renseigné auprès du ministère et l'on m'a informé que le rapport consultatif dont vous parlez devrait être déposé au bureau du ministre le 15 mai. À ma connaissance, la question de l'emplacement ne fait pas partie du mandat, mais je me renseignerai davantage à ce sujet, évidemment.

Pour ce qui est de ce que le gouvernement penserait d'une telle recommandation, si elle fait partie du mandat, je prends note de votre opinion et des avis que les sénateurs ont exprimés en réponse à votre question, et j'entreprendrai des démarches à ce sujet.

Les finances

Les organismes de bienfaisance

L'honorable Patricia Bovey : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il s'agit d'une question que j'aurais aimé poser au ministre des Finances hier. Elle a trait aux dons de charité.

Comme nous le savons, la situation économique a mis à rude épreuve les Canadiens et les organismes sociaux ou artistiques sans but lucratif. Ces organismes ont dû recueillir une plus grande partie des fonds pour leur capital d'exploitation et les budgets de leurs projets. J'espère et je souhaite que, compte tenu des circonstances, le gouvernement pourra adopter une politique fiscale plus généreuse à l'égard de certains types de dons de charité effectués au Canada.

(1440)

En 2004, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a recommandé au gouvernement d'éliminer l'impôt sur les gains en capital pour les dons de valeurs mobilières cotées en bourse pendant une période d'essai de cinq ans et d'examiner les mesures afin de déterminer si ces changements devraient être pérennisés. Cette période de cinq ans a eu une incidence extrêmement positive sur les organismes de bienfaisance et les organismes artistiques et culturels. Selon mon expérience, les mesures ont eu tellement de succès que je sais que leur rétablissement aidera les organismes d'aujourd'hui à répondre à leurs besoins et à remplir leurs objectifs visant à obtenir un plus grand soutien du secteur privé.

Dans la prochaine mise à jour financière, les Canadiens peuvent-ils s'attendre à voir l'élimination de l'impôt sur les gains en capital pour les dons de valeurs mobilières cotées en bourse, d'actions d'entreprises privées et de biens immobiliers aux organismes de bienfaisance?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa pertinente question et de sa suggestion. Je dirai simplement que je les porterai à l'attention du ministre. De plus, il serait peut-être recommandé que le Sénat, dans le cadre de ses travaux, fasse avancer ce dossier en prévision de la mise à jour économique de l'automne.

[Français]

La justice

Les délais du système de justice pénale—La nomination des juges

L'honorable Pierre-Hugues Boisvenu : J'aimerais revenir sur la crise des délais dans le système de justice pénale, qui prend une ampleur considérable, particulièrement au Québec. On apprenait hier que, sur 67 demandes, 34 criminels ont été libérés. Il y a actuellement plus de 1 600 demandes en attente. On estime que, d'ici le mois de décembre, il y aura 2 000 demandes de remise en liberté, dont plusieurs sont présentées par des assassins. On sait que ces gens sont libérés sans condition, sans avoir été jugés. Les femmes et les filles victimes d'agressions sexuelles risquent de revoir leurs agresseurs dans la rue, sans qu'il y ait ordonnance de non-communication. C'est une situation très inquiétante pour les victimes.

La ministre nous dit qu'elle a étudié la question des délais et qu'elle envisage des solutions. D'ailleurs, elle doit tenir une réunion avec les ministres de la Justice à la fin du mois. Le leader du gouvernement peut-il demander à la ministre qu'elle dépose en cette Chambre les études effectuées au cours de la dernière année sur la question des délais, pour qu'on puisse savoir si elle réfléchit encore ou si elle est prête à prendre une décision?

Deuxièmement, combien de victimes ont été abandonnées par le système judiciaire au cours des six derniers mois à cause des arrêts de procédure?

[Traduction]

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Permettez-moi de répéter que la ministre est saisie du problème et qu'elle prend des mesures pour le régler en collaboration avec ses collègues provinciaux et territoriaux. Il s'agit d'un enjeu important et d'un grave problème. Il faut accroître et maintenir la confiance des Canadiens dans le système judiciaire et la ministre prend des mesures en ce sens.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : J'ai une question qui s'adresse directement à vous en tant que leader et père de famille. Pourquoi, selon vous, la ministre a-t-elle attendu un an avant de prendre des décisions qui auraient pu faire en sorte qu'on ne se retrouve pas aujourd'hui dans une situation où l'on met la sécurité des citoyens en péril?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, en tant que père et mari, je tiens à assurer à tous les sénateurs qui, comme moi, partagent cette inquiétude que la ministre est préoccupée par cette question. Elle prend les mesures appropriées, en ce qui concerne tous les éléments du processus judiciaire, pour réagir à la situation à laquelle nous sommes confrontés. Ainsi, elle a travaillé à faire des nominations qui reflètent la vaste diversité du pays.

Le Comité de sélection

Le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement

L'honorable Terry M. Mercer : Je souhaite poser cette question au leader du gouvernement au Sénat, mais il serait peut-être préférable que je m'adresse au président du Comité de sélection du Sénat.

Je siège au Comité de la Bibliothèque du Parlement depuis plusieurs années. Il est extrêmement frustrant d'être un de ses membres, parce que les réunions sont très rares. Il est donc difficile d'accomplir quelque chose. Sa dernière rencontre a eu lieu avant les élections. Nous nous sommes réunis pour élire un coprésident de la Chambre des communes. Nous nous sommes installés. Une seule nomination a été proposée et la personne a été désignée. Quelqu'un a proposé l'ajournement de la réunion pendant que je tentais d'attirer l'attention des deux coprésidents pour inscrire un point à l'ordre du jour. La séance a été ajournée. À ce moment, tous les députés ministériels — des conservateurs, à l'époque — avaient quitté la salle.

Ce groupe de députés du gouvernement ne voulait pas entendre ce que j'avais à dire. J'ai la drôle d'impression que l'histoire se répète avec le groupe actuel de députés ministériels.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il me dire quand le processus aura lieu? Quand les députés de la Chambre des communes choisiront-ils leur président? Quand le Comité de sélection du Sénat choisira-t-il notre président? Le comité attend habituellement la décision de la Chambre des communes pour s'assurer que les deux présidents choisis ne font pas partie du même parti politique.

C'est important, car le directeur parlementaire du budget présente un rapport au Parlement par l'intermédiaire du Comité de la Bibliothèque du Parlement. Je veux que le directeur parlementaire du budget vienne nous dire ce qui se passe et je veux qu'il nous dise ce qui se passe lors d'une audience ouverte, à laquelle les médias peuvent assister et lors de laquelle les parlementaires de tous les partis peuvent lui poser des questions sur cet important enjeu.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais répondre, même si je ne sais pas vraiment si c'est à moi ou au Comité de sélection qu'il appartient de le faire. Je souligne toutefois que je vais me renseigner et que j'aurai les conversations voulues pour faire en sorte que le comité soit établi dès que possible, puisque, comme vous le dites, ce comité a un travail important à accomplir relativement aux dispositions du budget et qu'il a un rôle de surveillance auprès de la Bibliothèque du gouvernement. Si on me donne le temps de tenir ces conversations, je serai heureux de vous rendre compte de ce qui a été établi.

Le Sénat

Le Règlement du Sénat—La modernisation

L'honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, il y a trois ans, le chef du Parti libéral, Justin Trudeau, a fait un choix politique. Il a choisi, comme le dirait le PDG de United Airlines, de repositionner hors de son caucus les sénateurs libéraux, qui avaient un bagage parlementaire considérable. Cela a été une erreur. Dans votre ancien rôle de chef de l'équipe de transition du gouvernement Trudeau, vous avez fourni au premier ministre Trudeau des conseils relativement aux changements à apporter au Sénat. Le gouvernement Trudeau a suivi vos conseils et a fait un choix politique, celui de cesser de nommer des sénateurs au caucus du gouvernement et de nommer plutôt des sénateurs indépendants. Le problème, c'est que le gouvernement a omis de réfléchir aux conséquences de ce choix politique.

Maintenant, vous trouvez qu'il est difficile de faire adopter le programme législatif dérisoire du gouvernement Trudeau par le Sénat. Votre grande expérience est un échec et, plutôt que de l'admettre et de tenter de régler le problème, vous essayez désormais de modifier toutes les règles et de détruire du même coup le système parlementaire du Canada.

Le système parlementaire actuel, qui comprend un gouvernement et une opposition, sert bien le pays depuis 150 ans, et vous désirez maintenant détruire un pan entier de l'histoire pour satisfaire les caprices d'une seule personne : Justin Trudeau. Ce sont deux personnes, en fait, si vous comptez Gerry Butts.

Sénateur Harder, que vous faudra-t-il pour admettre que ce plan mal ficelé est, dans son ensemble, un échec colossal?

Des voix : Bravo!

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l'honorable sénatrice de sa question. Je dirai que, bien avant que le premier ministre nomme de nouveaux sénateurs, dont le premier a été assermenté il y a un an aujourd'hui — bon anniversaire —, le Sénat, dans sa sagesse — et c'était sage —, avait entamé un processus de modernisation. Ce processus est en cours, et c'est un processus auquel tous les honorables sénateurs pourront prendre part, autant dans le cadre des travaux du comité que, en définitive, lorsque les rapports seront présentés au Sénat.

L'avenir et la modernisation du Sénat sont entre les mains de tous les sénateurs, et ce, équitablement. Ce que le premier ministre a fait, c'est d'offrir la chance au Sénat d'agir en ce sens et de s'appuyer sur l'approche qu'il a adoptée, soit de demander à un comité consultatif d'émettre des recommandations pour nommer des sénateurs indépendants. L'objectif était de faire en sorte que le Sénat soit transparent, responsable, plus indépendant et moins partisan, et qu'il joue un rôle complémentaire par rapport à l'autre endroit. Voilà à quoi nous allons tous travailler, à un rythme et conformément à la structure qui auront été choisis par les sénateurs. Tout cela n'est aucunement entre les mains du premier ministre, mais entre nos mains à tous.

(1450)

Je suis impatient de travailler avec tous les sénateurs, qu'ils soient en poste depuis longtemps ou qu'ils soient ici depuis peu — les derniers étant arrivés en décembre —, ainsi qu'avec les comités qui ont été mis sur pied pour nous tous, pour que nous arrivions, au fil des mois et des années, à faire du Sénat l'institution que nos fondateurs avaient à l'esprit et celle que les Canadiens attendent.

La sénatrice Batters : Sénateur Harder, à titre de chef de l'équipe de transition Trudeau, vous avez sûrement conseillé le premier ministre sur la façon dont les mesures législatives doivent être traitées au Sénat. Une fois que vous avez été nommé au Sénat, puis nommé leader du gouvernement Trudeau au Sénat, vous auriez pu mettre les choses en marche. Or, comme votre plan n'était peut-être pas bien réfléchi, vous avez maintenant du mal à faire adopter des mesures législatives. À présent, vous voulez changer toutes les règles parce que, bien franchement, votre plan ne valait pas grand-chose au départ.

Vous proposez de mettre sur pied un comité des affaires du Sénat, un genre de bureau politique qui établirait le programme du gouvernement dans cette Chambre, alors que cela devrait être le travail du leader, du leader adjoint et du whip du gouvernement.

Sénateur Harder, votre bureau dispose d'un budget de 1,5 million de dollars pour un caucus de trois personnes. Nous savons à présent que votre légion d'employés a consacré son temps à la rédaction d'un document de 20 pages préconisant la destruction de notre système parlementaire canadien pour pallier l'expérience ratée de votre gouvernement. Vous ne participez pas aux activités des comités du Cabinet, vous ne répondez pas aux questions au nom du gouvernement dans cette Chambre et vous avez contribué à l'instauration d'un système inutilisable qui ne permet même pas l'adoption des rares mesures législatives que le gouvernement Trudeau se donne la peine de proposer.

Vous avez été fonctionnaire pendant de nombreuses années, sénateur Harder. À quoi ressemblerait l'examen de rendement d'un tel employé?

Le sénateur Harder : L'autre jour, un ancien sénateur conservateur m'a envoyé une note. Je l'utiliserai à titre de réponse, avec tout le respect que je dois à la formulation d'origine de Barry Goldwater : « Un langage excessif pour défendre l'ancien modèle de partisanerie n'est pas une vertu et des termes modérés pour défendre une moins grande partisanerie n'est pas un vice. »

L'honorable Dennis Dawson : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je ne voudrais pas vous laisser croire que vous pouvez vous en tirer avec une fausse nouvelle. Ces comités de transition ont commencé avant.

Je suis heureux de souligner votre première année. Je suis un peu mal à l'aise d'être de l'avis de l'opposition, mais parfois, c'est le cas. Comme vous le savez probablement — et je ne voudrais pas donner une fausse impression —, la transition a commencé avant votre arrivée. Je ne voudrais pas que les Canadiens pensent qu'elle a commencé il y a un an, parce que vous, le sénateur Pratte et le sénateur Sinclair êtes arrivés. Les comités de transition ont été établis avant.

Le sénateur Harder : Je remercie l'honorable sénateur de son commentaire, car cela me donne l'occasion de souligner à quel point je suis d'accord avec ce qu'il vient de dire, raison pour laquelle j'ai parlé des travaux du Comité sur la modernisation qui ont été entrepris bien avant. Je citerai simplement un extrait d'un article d'Options politiques, paru le 5 avril :

Pendant des décennies, le Sénat s'est acquitté de son travail consistant à étudier et à améliorer les projets de loi du gouvernement. Il a entrepris de grandes études sur les soins de santé, le vieillissement, la marijuana, la pauvreté, la cohésion sociale et la santé mentale. Le Sénat n'était pas oisif. Il est arrivé que le travail des sénateurs soit synonyme de contributions exceptionnelles et déterminantes à l'élaboration des politiques publiques [...]

[...] au cours des dernières années, l'attention braquée sur le Sénat a fait naître des occasions. En réaction aux controverses, des sénateurs judicieux, nommés par d'anciens premiers ministres, ont lancé des initiatives louables afin de moderniser le Sénat. Un brillant exemple est l'établissement du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, un forum où se tiennent des débats sérieux sur les moyens de moderniser la Chambre haute du Canada.

J'appuie sans réserve cette initiative et j'encourage tous les sénateurs à travailler en ce sens. Allons de l'avant, non seulement avec des paroles, mais aussi avec des gestes.

Le cabinet du premier ministre

Les frais engagés dans des sondages

L'honorable Tobias C. Enverga, Jr. : Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 14 mars, Le Journal de Montréal a rapporté que, au cours des 16 premiers mois du mandat du gouvernement libéral actuel, le Bureau du Conseil privé a dépensé plus de 2,5 millions de dollars pour connaître l'opinion publique en effectuant des sondages et en organisant des groupes de discussion. Par comparaison, sous le gouvernement conservateur précédent, le Bureau du Conseil privé a dépensé 2,49 millions de dollars en huit ans pour des activités de recherche sur l'opinion publique.

Son Honneur le Président : Excusez-moi, sénateur Enverga. La période des questions est terminée, mais, si vous voulez poser tout de suite une question, vous pouvez le faire.

Le sénateur Enverga : Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il expliquer pourquoi les frais engagés pour les sondages ont monté en flèche sous la direction du premier ministre actuel?

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je tiens simplement à assurer à l'honorable sénateur que j'obtiendrai la réponse à sa question.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, tout à l'heure, à l'étape des préavis de motion, j'ai proposé la réorganisation des articles à l'ordre du jour. Alors, je n'en recommencerai pas la lecture. Nous allons commencer avec la motion no 85 et nous procéderons avec le programme du gouvernement tel qu'il apparaît à l'ordre du jour.

[Traduction]

Banques et commerce

Budget et autorisation de se déplacer—L'étude sur les questions actuelles et émergentes dans le secteur bancaire et la politique monétaire aux États-Unis—Adoption du treizième rapport du comité

Consentement ayant été accordé de passer aux autres affaires, rapports de comités, autres, article no 26 :

Le Sénat passe à l'étude du treizième rapport du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce (Budget—étudier les questions actuelles et émergentes dans le secteur bancaire et la politique monétaire des États-Unis—autorisation de se déplacer), présenté au Sénat le 11 avril 2017.

L'honorable David Tkachuk propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, j'aimerais remercier les leaders parlementaires des partis et des groupes du Sénat de me permettre de présenter cette motion. Je sais que quelques sénateurs ont voulu savoir pourquoi je faisais cela. J'ai présenté le rapport hier sans savoir que, à la conclusion des affaires du gouvernement aujourd'hui, le Sénat ajournerait sa séance et que nous finirions à 16 heures.

Le budget que demande le comité servira à financer un voyage à Washington et à New York au mois de mai. Nous devons obtenir l'autorisation avant de prendre des engagements. Aujourd'hui est la dernière journée avant l'ajournement pour la relâche. J'aurais pu attendre à demain, mais je ne fais jamais confiance aux dernières journées.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Droits de la personne

Budget et autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer—L'étude sur les questions concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel—Adoption du sixième rapport du comité

Consentement ayant été accordé de revenir aux autres affaires, rapports de comités, autres, article no 24 :

Le Sénat passe à l'étude du sixième rapport du Comité sénatorial permanent des droits de la personne (Budget—étude sur les questions des droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel—autorisation d'embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 11 avril 2017.

L'honorable Jim Munson propose que le rapport soit adopté.

— Honorables sénateurs, je suis aux prises avec le même problème que le sénateur Tkachuk. Oui, on peut se sentir bien seul au Sénat les jeudis.

Ce rapport du Comité des droits de la personne concerne des déplacements proposés à Kingston, à Brockville et à Montréal dans le cadre de l'étude sur les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel. Aucun voyage aérien n'est demandé, juste des déplacements en autobus. Le budget requis est de 71 250 $. Je demande l'approbation du Sénat pour ces visites.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

[Français]

Le Sénat

Autorisation au Sénat de prolonger la séance de mercredi et à certains comités de siéger en même temps que le Sénat

L'honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 11 avril 2017, propose :

Que, nonobstant l'ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat poursuive ses travaux le mercredi 12 avril 2017, conformément aux dispositions du Règlement, jusqu'à la conclusion des Affaires du gouvernement;

Que l'application de l'article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là;

Que le Sénat s'ajourne à la fin des Affaires du gouvernement ce jour-là, si l'heure a dépassé 16 heures;

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international et le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soient autorisés à siéger après 16 heures même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l'application de l'article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, il s'agit ici de la motion no 85 que nous devons adopter avant de poursuivre la séance aujourd'hui. C'est la motion qui permet au Sénat de prolonger sa séance après 16 heures et qui permet au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères de siéger en même temps que le Sénat.

[Traduction]

L'honorable A. Raynell Andreychuk : Le Comité des affaires étrangères et du commerce international siège à 16 h 15. Je croyais que cela serait inclus dans la motion.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Oui, c'est exactement ce que je viens de dire, sénatrice Andreychuk.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

(La motion est adoptée.)

(1500)

Le Code canadien du travail

Projet de loi modificatif—Déclaration de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, la décision prise hier de retirer l'amendement du sénateur Dagenais fait qu'il est maintenant inutile de rendre une décision concernant le recours au Règlement de la sénatrice McCoy. Nous pouvons donc passer à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-4 tel que modifié.

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l'honorable sénateur Harder, C.P., tendant à la troisième lecture du projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu, tel que modifié.

L'honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Très brièvement, Votre Honneur, je veux dire trois choses. Premièrement, je remercie tous les sénateurs pour le travail qui a été fait cette semaine pour faire avancer l'étude des projets de loi C-4 et C-6 grâce aux discussions qui ont eu lieu par les voies habituelles. Merci à tous.

Bien entendu, l'objectif est de prendre des décisions. Je ne suis pas nécessairement d'accord avec tous les amendements et toutes les décisions. Il est vrai que j'ai voté contre l'amendement que le Sénat a adopté hier, mais je m'incline devant la volonté du Sénat. Alors que nous nous apprêtons à passer au vote final sur ce projet de loi, je vous informe que je vais voter en sa faveur pour qu'il passe à l'étape suivante du processus législatif.

Il est important que le Sénat continue d'avoir son mot à dire dans le processus législatif à l'autre endroit, comme nous en avons décidé ensemble par nos amendements et nos discussions. Je vais donc voter pour cet amendement et j'encourage tous les sénateurs à en faire autant.

J'ajouterai simplement qu'hier mon cousin m'a dit que, si le Sénat adoptait l'amendement du sénateur Tannas, il voterait lui aussi en faveur du projet de loi. Il y aura donc une certaine solidarité familiale en ce qui a trait à ce vote.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Bellemare, avec l'appui de l'honorable sénateur Harder, propose que le projet de loi modifié soit lu pour la troisième fois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

La Loi sur la citoyenneté

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Débat

L'ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénatrice Omidvar, appuyée par l'honorable sénatrice Gagné, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-6, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté et une autre loi en conséquence, tel que modifié.

L'honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, j'interviens pour proposer un amendement au projet de loi C-6 au nom de ma chère collègue et amie, la sénatrice Eaton. Bien entendu, je n'ai pas besoin d'élaborer sur la triste raison pour laquelle je propose cet amendement à sa place. Même si les quatre derniers mois ont été particulièrement éprouvants pour la sénatrice Eaton, à titre de porte-parole pour le projet de loi C-6, elle a suivi le débat sur cette mesure avec assiduité et une profonde inquiétude. Je sais que je m'exprime au nom de tous les sénateurs en transmettant nos plus sincères condoléances à la sénatrice Eaton à la suite du décès soudain de son mari, Thor.

Les mots que je lis sont les siens, et je suis tout à fait d'accord avec elle. Je suis honorée de les lire en son nom, car je sais que toutes nos pensées et nos prières l'accompagnent, ainsi que sa famille, aujourd'hui.

Au nom de la sénatrice Eaton, je voudrais en profiter pour remercier la sénatrice Omidvar d'avoir présenté le projet de loi C-6. Nous ne sommes pas du même avis sur certains aspects du projet de loi, mais je la remercie de son intérêt et de tout ce qu'elle fait dans ce dossier.

Quand je réfléchis aux dispositions du projet de loi, je me rappelle que nous, parlementaires, devons voir à ce que les difficultés relatives à l'immigration et à la citoyenneté soient réglées de façon responsable, de manière à ce qu'il y ait des effets positifs sur les immigrants et les nouveaux citoyens. Nous voulons que ceux-ci réussissent à bien vivre au Canada. Avant d'obtenir la citoyenneté canadienne, les gens doivent connaître et comprendre les obligations qui y sont associées. Pour qu'ils puissent bien comprendre les obligations et les privilèges qui découlent de la citoyenneté canadienne, il faut instaurer des processus et des mécanismes qui puissent susciter chez eux la volonté de mieux connaître leur nouveau pays et de développer un sentiment d'appartenance à son égard.

Malheureusement, j'estime que, en assouplissant les dispositions relatives à ces processus et ces mécanismes, comme ce que fait le projet de loi C-6, on réduit les chances d'obtenir des résultats positifs. Le projet de loi C-6 annulera beaucoup de dispositions. Il réduira notamment le nombre de jours durant lesquels il faut avoir été effectivement présent au Canada avant de présenter une demande de citoyenneté.

La loi actuelle exige que les résidents permanents aient été effectivement présents au Canada quatre années sur six avant la date de leur demande. Le projet de loi C-6 réduirait cette période à seulement trois années sur cinq. De plus, le gouvernement propose d'assouplir les règles sur la résidence en abolissant complètement la condition actuelle exigeant que la personne ait été effectivement présente 183 jours par année au Canada au cours de quatre des six dernières années.

J'ai été estomaquée par un document publié sur le site web du gouvernement du Canada à propos des modifications qui seraient apportées à la Loi sur la citoyenneté. Voici ce qu'on peut y lire :

Les modifications proposées donneraient aux demandeurs une plus grande marge de manœuvre pour satisfaire aux exigences de la citoyenneté et aideraient les immigrants à obtenir plus rapidement la citoyenneté.

Pourquoi le gouvernement du Canada n'envoie-t-il pas plutôt le message que nous sommes une terre d'accueil et que la période d'attente pour vivre chez nous en vaut la peine? Outre l'affaiblissement des exigences liées à la résidence, j'en ai contre les changements touchant l'âge à partir duquel ou avant lequel les demandeurs doivent prouver qu'ils connaissent suffisamment l'une des deux langues officielles du pays.

Les changements proposés placent la barre très bas, puisque désormais, seuls les demandeurs âgés de 18 à 54 ans auront besoin d'une connaissance sommaire d'une des langues officielles. À l'heure actuelle, cette fourchette va de 16 à 64 ans. Je félicite la sénatrice Griffin d'avoir réussi la semaine dernière à ramener ce seuil à 60 ans; il est seulement dommage que son amendement n'aille pas plus loin.

Le gouvernement a dans son idée de laisser aux gouvernements provinciaux et aux commissions scolaires du pays le soin de s'occuper des jeunes immigrants qui sont incapables de communiquer dans l'une ou l'autre de nos langues officielles.

Si le gouvernement est sincèrement d'avis que cette responsabilité peut être refilée au réseau scolaire, sur quelles données s'appuie-t-il? Qui a-t-il consulté parmi les principales parties intéressées? Où sont les données permettant de croire qu'il vaut mieux supprimer les exigences liées aux connaissances linguistiques de base pour les personnes âgées de 55 à 64 ans?

La majorité des gens âgés de 55 à 64 ans sont encore sur le marché du travail. Si on se fie à Statistique Canada, plus du tiers des travailleurs canadiens sont âgés de 55 à 64 ans.

Si une personne veut réussir dans la vie, trouver un emploi, jouir d'une certaine stabilité économique, subvenir aux besoins de sa famille et développer un sentiment d'appartenance, elle doit posséder les compétences linguistiques nécessaires.

Lorsque l'ancien ministre de l'Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté a comparu devant un des comités des Communes, en avril, on lui a demandé si des recherches avaient été réalisées pour connaître l'incidence sur l'économie qu'aurait la suppression des exigences linguistiques pour les candidats à la citoyenneté appartenant à ce groupe d'âge, et il est demeuré très vague.

Et lorsqu'on lui a demandé quelle consultation il avait faite pour savoir si cette politique était meilleure, il a admis qu'aucune consultation n'avait eu lieu sur les répercussions économiques. Lorsque le ministre actuel a témoigné devant le comité sénatorial, le 1er mars, lui aussi a été incapable de justifier concrètement ce changement de politique.

Les exigences linguistiques actuellement inscrites dans la loi pour les personnes âgées de 14 à 64 ans ne sont pas là pour rendre l'obtention de la citoyenneté plus difficile ou pour empêcher les gens d'immigrer au Canada. Elles font en réalité partie d'une série de mesures destinées à donner aux immigrants de meilleures chances de réussite.

La réduction des exigences prévue dans le projet de loi C-6 n'incitera aucunement les immigrants à connaître et à comprendre les collectivités canadiennes ni à resserrer leurs liens avec elles, avant d'acquérir leur citoyenneté.

Honorables sénateurs, l'amendement que je propose concerne les exigences en matière de résidence. Malheureusement, le projet de loi C-6 propose d'assouplir ces exigences, ce qui réduirait la valeur que l'on attache à la citoyenneté canadienne et serait contraire aux objectifs de favoriser la connaissance qu'ont les immigrants de la société d'accueil et de leur permettre d'apprendre à l'apprécier et de tisser des liens solides avec elle.

Si le projet de loi C-6 est adopté, la période de résidence minimale pour pouvoir demander la citoyenneté canadienne sera l'une des plus courtes au monde. De surcroît, on éliminera l'obligation actuelle d'être présent physiquement au pays au moins 183 jours par année.

Parmi les pays du Groupe des cinq, c'est au Canada que la citoyenneté pourra être acquise le plus rapidement. En Australie, il faut quatre années de résidence et il faut avoir une connaissance élémentaire de l'anglais qui permet de le parler et de le comprendre. Aux États-Unis, la loi exige cinq années de résidence et une certaine connaissance de l'anglais. Au Royaume-Uni, la durée de résidence est également de cinq ans, et il faut connaître suffisamment l'une des langues. En Nouvelle-Zélande, l'obligation de résidence est de cinq ans et il y a aussi une exigence linguistique.

Comme mes collègues le savent, il existe de nombreux classements des pays qui indiquent ceux où l'on vit le mieux. Pour établir ces classements, on se sert de critères comme la croissance économique, la qualité de vie, la santé, l'éducation, la citoyenneté et le bien-être personnel. Le Canada figure toujours parmi les premiers pays dans ces nombreux classements.

(1510)

Toutefois, les autres pays qui se classent souvent parmi ceux où l'on vit le mieux imposent des exigences plus rigoureuses en matière de résidence.

Par exemple, avant de demander la citoyenneté aux Pays-Bas, une personne doit y résider pendant cinq ans et montrer qu'elle maîtrise le hollandais. La Suède exige elle aussi cinq années de résidence. En Finlande, il faut être résident pendant cinq années sans interruption ou un total de sept années après avoir atteint l'âge de 15 ans, les deux dernières années devant, elles aussi, être sans interruption. La période d'attente peut être réduite d'un an si certaines exigences linguistiques sont respectées.

En Irlande, il faut avoir été résident du pays pendant cinq des neuf dernières années, y compris l'année précédant la présentation de la demande, et, en Norvège, pendant sept années sur dix. L'Islande, quant à elle, exige sept années de résidence.

En Allemagne, le demandeur doit être résident permanent depuis huit ans, être en mesure de subvenir à ses besoins sans prestations de sécurité sociale ou prestations d'assurance-chômage, et maîtriser l'allemand. Le Danemark exige neuf années de résidence. Finalement, l'Autriche exige dix années de résidence, dont cinq années comme résident permanent, et une maîtrise de la langue.

Pourquoi le gouvernement du Canada propose-t-il d'assouplir excessivement le système canadien d'immigration, sans même nous expliquer clairement la raison de ces changements?

Honorables sénateurs, je sais que nous sommes tous profondément attachés au Canada. Nous voulons qu'il soit sûr et sécuritaire. Nous désirons que les nouveaux Canadiens réussissent et qu'ils profitent des privilèges et des possibilités que notre pays peut leur offrir. Il incombe au gouvernement d'adopter des lois rigoureuses afin de protéger les citoyens canadiens contre les menaces et de garantir qu'ils bénéficient tous de l'ouverture et du pluralisme de notre société.

Les exigences prévues dans la loi actuelle ne sont pas punitives. Elles visent plutôt à favoriser une meilleure compréhension qui avivera le désir des gens de rester au Canada, d'y prospérer et de contribuer à la société canadienne. Le gouvernement doit veiller à gérer ces questions comme il se doit.

Malheureusement, je crois que le gouvernement a présenté le projet de loi C-6 de manière précipitée dans le but d'annuler les réformes législatives apportées par le gouvernement précédent. Dans son empressement, il a perdu de vue l'ensemble des considérations et des répercussions dont il faut tenir compte.

La motion proposée aujourd'hui vise à maintenir les exigences voulant que, avant de pouvoir demander la citoyenneté, un résident permanent ait été physiquement présent au Canada pendant au moins 183 jours au cours de quatre des six dernières années.

Motion d'amendement

L'honorable Linda Frum : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose :

Que le projet de loi C-6, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié :

a) à l'article 1, à la page 1, par suppression des lignes 17 et 18;

b) par suppression de l'article 8 à la page 4;

c) à l'article 14, à la page 6, par substitution, aux lignes 6 à 9, de ce qui suit :

« 14 L'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, dans sa version antérieure à la date d'entrée en vigueur du paragraphe 1(1), s'applique à la personne dont la demande de ci- »;

d) à l'article 27, à la page 9, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit :

« 27 (1) Les paragraphes 1(1) et (7) ».

Son Honneur le Président : L'honorable sénatrice Frum, avec l'appui de la sénatrice Stewart Olsen, propose que le projet de loi C-6 ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu'il soit modifié... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Débat.

L'honorable Yuen Pau Woo : Chers collègues, j'aimerais réagir à l'amendement au projet de loi C-6 proposé la sénatrice Eaton et présenté en son nom de façon très compétente par la sénatrice Frum. Je tiens à remercier la sénatrice Eaton d'avoir agi en collégialité en nous faisant parvenir le texte de son amendement quelques jours à l'avance.

Sénatrice Frum, j'espère que vous allez offrir à notre collègue nos plus sincères condoléances et que vous lui ferez part de notre admiration pour son dévouement à l'égard des travaux du Sénat, ce qui comprend l'amendement au projet de loi C-6 à l'étude aujourd'hui.

J'ai écouté attentivement le discours que la sénatrice Frum a prononcé au nom de la sénatrice Eaton, et j'admire le caractère convaincant des arguments invoqués. Cependant, je ne partage pas le point de vue exprimé et je vais expliquer pourquoi.

En bref, la sénatrice Eaton propose qu'un résident permanent soit tenu d'être physiquement présent au Canada pendant au moins 183 jours par année pendant quatre années entières ou partielles, au cours des six années qui précèdent immédiatement la date de la demande de citoyenneté.

Si ces exigences en matière de résidence vous semblent familières, c'est qu'elles s'inspirent du projet de loi C-24, adopté en 2014. C'est cette mesure que le projet de loi C-6 vise à modifier.

Les amendements que propose la sénatrice Eaton s'opposent de toute évidence à l'objectif déclaré du gouvernement, exposé dans le programme électoral libéral, en ce qui concerne les exigences en matière de résidence en vue de l'obtention de la citoyenneté. À lui seul, cet argument suffirait à motiver le rejet de l'amendement par le Sénat. Toutefois, étant donné que la sénatrice Eaton a présenté des arguments solides à l'appui de son amendement, je tiens moi aussi à présenter des arguments de fond pour réfuter les siens.

D'entrée de jeu, j'expose les principes qui sous-tendent mon point de vue à l'égard du projet de loi C-6. J'estime que l'immigration stimule la croissance et enrichit le Canada sur les plans intellectuel et culturel. Les critères de sélection des immigrants doivent être établis en fonction des besoins à long terme du Canada et porter principalement sur l'expérience, les compétences et les aptitudes, d'une part, et sur la réunification des familles, d'autre part.

Après avoir sélectionné des immigrants répondant à ces critères et les avoir admis à titre de résidents permanents, l'objectif du gouvernement devrait être d'en faire des citoyens à part entière dans les meilleurs délais.

À mon avis, la démonstration de la citoyenneté ne doit pas être établie au moyen de simples tests, par exemple sur des énoncés de valeurs ou la présence physique en territoire canadien. Les gens qui possèdent la citoyenneté canadienne mais qui vivent à l'étranger peuvent être d'aussi bons Canadiens que leur compatriotes restés sur le territoire national. Dans un monde hautement interconnecté, nous devrions accueillir et saluer les Canadiens qui s'aventurent au-delà de nos frontières plutôt que de les considérer comme des citoyens de seconde classe.

Le projet de loi C-6 règle de nombreux problèmes qu'ont créés les modifications apportées précédemment à la Loi sur la citoyenneté par le projet de loi C-24. Trois lacunes se remarquent relativement aux exigences en matière de résidence.

Premièrement, il y a la disposition relative à l'intention de résider au pays. Selon la loi actuelle, qui a été modifiée par le projet de loi précédent, c'est-à-dire le projet de loi C-24, les adultes doivent déclarer dans leur demande de citoyenneté qu'ils ont l'intention de continuer à résider au Canada une fois devenus citoyens canadiens. La disposition inquiète des néo-Canadiens, qui craignent que leur citoyenneté soit révoquée s'ils déménagent à l'étranger dans l'avenir. Le projet de loi C-6 supprime la disposition qui oblige les candidats à la citoyenneté à déclarer leur intention de résider au pays.

Deuxièmement, le projet de loi précédent exige que les demandeurs aient été physiquement présents au Canada pendant quatre ans, soit 1 460 jours, au cours des six ans précédant immédiatement le dépôt de leur demande de citoyenneté. Le projet de loi C-6, dont nous sommes saisis, propose que l'exigence relative à la présence effective au pays soit réduite à trois ans, ou 1 095 jours, au cours des cinq années précédant la demande de citoyenneté. Le statu quo est maintenu dans l'amendement de la sénatrice Eaton, car il exige quatre ans de résidence effective au cours des six années qui précèdent la présentation d'une demande.

Troisièmement, le projet de loi C-24 contient une disposition supplémentaire en matière de résidence exigeant que le demandeur ait été effectivement présent au Canada pendant au moins 183 jours par année au cours de quatre des années comprises dans les six années qui ont immédiatement précédé la date de sa demande. Le projet de loi C-6 supprime cette disposition, mais la sénatrice Eaton tente de nous ramener en arrière avec son amendement, qui propose la même disposition supplémentaire en matière de résidence effective que celle apportée par le projet de loi C-24, c'est-à-dire 183 jours par année pour chacune des quatre années qui précèdent la demande.

L'amendement de la sénatrice Eaton a un autre défaut : il annule une disposition essentielle du projet de loi C-6 qui rétablit le crédit de 50 p. 100 accordé pour le temps passé au Canada. Ainsi, dans le cas des personnes protégées, des étudiants étrangers et des travailleurs étrangers temporaires, il ne sera pas possible de leur créditer la moitié du temps qu'ils ont passé au pays dans le calcul du nombre de jours requis pour satisfaire à l'exigence en matière de résidence.

Le projet de loi C-6 reconnaît la valeur du temps que ces étudiants étrangers, ces travailleurs étrangers temporaires et ces personnes protégées ont passé au Canada en leur accordant un crédit maximal d'un an pour chaque demi-journée pendant laquelle ils étaient au pays avant de soumettre leur demande.

Si nous devions rétablir la disposition de résidence selon laquelle il faut être présent 183 jours par année au cours de quatre des six dernières années, les demandeurs qui cherchent à faire admettre des demi-journées en seraient incapables, parce qu'il leur manquerait une demi-journée.

(1520)

Honorables sénateurs, l'exigence supplémentaire du projet de loi C-24 en matière de résidence, selon laquelle il faut être effectivement présent au Canada pendant au moins 183 jours, me semble avoir été conçue de manière à faire obstacle aux aspirations des demandeurs de citoyenneté potentiels, ce que je trouve quelque peu mesquin.

Les trois lacunes de l'ancien projet de loi ainsi que les amendements proposés par la sénatrice Eaton s'appuient sur la présomption que la présence effective au Canada rend une personne plus authentiquement canadienne que celle qui ne reste pas au pays. Cette croyance est parfois exprimée de façon plus dérisoire : les Canadiens, en particulier ceux qui sont nés à l'étranger, qui décident de vivre à l'extérieur du Canada, pour des raisons familiales, professionnelles ou autres, manqueraient de loyauté envers le pays.

Les dispositions de l'ancien projet de loi C-24 sur la présence effective alimentent cette vision, tout comme les amendements proposés par la sénatrice Eaton, et cela s'ajoute à d'autres politiques déjà discriminatoires envers les Canadiens vivant à l'étranger, dont le nombre s'élève, soit dit en passant, à pas moins de 2,8 millions de personnes; ils sont plus nombreux que les résidants de plusieurs provinces canadiennes.

Honorables collègues, même si vous vous ne préoccupez pas de la façon dont les Canadiens nés à l'étranger sont perçus, pensez au message que l'on envoie à ceux qui sont nés au Canada, en particulier les jeunes. On laisse entendre qu'ils sont moins canadiens que les autres s'ils décident de passer du temps à l'étranger pour poursuivre leurs études, pour cheminer dans leur carrière ou pour atteindre un objectif professionnel.

Il n'est guère surprenant que le système d'éducation du Canada mette si peu l'accent sur les expériences d'études à l'étranger. D'ailleurs, seulement 3 p. 100 des étudiants canadiens au niveau postsecondaire passent du temps à l'étranger dans le cadre de leurs études, comparativement à 10 p. 100 aux États-Unis et à plus de 33 p. 100 en Allemagne.

De la même façon, de très nombreuses entreprises canadiennes ne tiennent pas compte, dans leurs décisions d'embauche, de la valeur d'une expérience internationale, ce qui explique en partie pourquoi tant d'immigrants hautement qualifiés ont du mal à trouver un emploi dans leur domaine.

Certes, on a fait grand cas d'immigrants récents qui ont choisi de rentrer dans leur pays d'origine ou de s'installer dans un pays tiers, pour des raisons professionnelles ou autres. En fait, je suppose que l'ancien projet de loi C-24 avait été précisément conçu pour décourager ou minimiser cette pratique. Cependant, si nous attirons les immigrants les plus brillants du monde, nous devrions présumer que leur réussite découle précisément des liens qu'ils ont noués dans le monde et que, par conséquent, ils passent beaucoup de temps à l'étranger. Et si nous attirons des immigrants de régions du monde où les taux de croissance sont élevés et les perspectives économiques brillantes — je pense en particulier aux pays d'Asie —, pourquoi voudrions-nous circonscrire le négoce international et autres débouchés professionnels qui s'offrent aux nouveaux Canadiens alors que nous les avons précisément choisis pour leurs talents et, notamment, leurs talents d'entrepreneurs?

Les barrières à l'acquisition de la citoyenneté qu'a dressées le précédent projet de loi sont tout aussi illogiques. Les lourdes exigences qu'impose le projet de loi C-24 en matière de présence physique, de même que l'augmentation considérable du prix des passeports, n'incitent pas les gens à demander la citoyenneté. Comme nous l'a dit le sénateur Eggleton, le nombre d'immigrants reçus qui ont demandé la citoyenneté a baissé, pour passer de 200 000 en 2014 à un nombre estimé à 100 000 l'an dernier, soit une baisse de 50 p. 100. Si le projet de loi précédent avait pour objectif de punir les nouveaux immigrants qui séjournent à l'étranger pendant leurs six premières années de résidence au Canada, cet objectif a été parfaitement atteint.

Je dirais donc qu'il n'est pas logique, d'une part, d'attirer des immigrants hautement qualifiés et, d'autre part, de dresser des barrières infranchissables à leur accession à la citoyenneté à part entière. Ce n'est certainement pas logique du point de vue des finances publiques puisqu'un nouvel arrivant bénéficie, en sa qualité d'immigrant reçu, des mêmes services gouvernementaux, dont le bien-être social, qu'un citoyen.

Nous connaissons tous les difficultés que les immigrants doivent surmonter pour trouver au Canada un travail qui correspond à leur formation et à leur expérience. Si l'on vous donnait le choix, préféreriez-vous qu'un néo-Canadien demeure au pays en étant sans emploi ou sous-employé, ou qu'il poursuive à l'étranger une carrière qui met en valeur ses compétences et son expérience?

En fait, décourager les immigrants reçus de devenir citoyens est contre-productif, parce que cela diminue leur attachement envers le Canada sans réduire leur capacité d'accéder aux avantages sociaux qui y sont offerts. À mon avis, la bonne approche serait de placer la barre haut lorsque nous acceptons des immigrants reçus et de la placer bas pour la citoyenneté. Si nous choisissons des immigrants qui, selon nous, apporteront une contribution au Canada, pourquoi faire en sorte qu'il leur soit difficile d'accéder à la citoyenneté?

Cela dit, j'accepte qu'une certaine présence physique doive être une condition pour accéder à la citoyenneté, mais quatre ans sur six, c'est trop. Chers collègues, la prémisse derrière les exigences de résidence plus strictes est une croyance qui suppose que le fait d'être physiquement présent en territoire canadien est une expression supérieure de citoyenneté qu'être Canadien à l'étranger. Il y a une expression pour décrire ce point de vue : c'est l'esprit de clocher. Malgré toute notre diversité et notre passé en matière d'immigration, je crois, malgré tout mon respect, que le Canada souffre d'esprit de clocher. Nous devons encourager les jeunes à se mondialiser, à être plus ouverts à l'éducation, au travail et aux occasions de vivre à l'étranger. Nous devons célébrer les Canadiens à l'étranger et élaborer des politiques et des programmes qui favorisent leur attachement envers le Canada, ce qui, en retour, procurera des bienfaits culturels, diplomatiques et commerciaux à notre pays.

Cette fin de semaine, j'ai assisté à un événement organisé par la communauté irano-canadienne, à Vancouver, à l'occasion du lancement du tout premier livret de la citoyenneté canadienne en farsi. J'ai consulté rapidement les pages sur les droits des citoyens et là, en caractères gras, en anglais, se trouvaient les mots « mobility rights ». On m'a demandé pour quelle raison la loi actuelle, le projet de loi C-24, oblige les citoyens aspirants à déclarer leur intention de résider au Canada si on leur accorde l'entière liberté de circulation dès qu'ils deviennent citoyens. Je n'ai pas pu répondre à cette question.

[Français]

Dans les mois à venir, j'espère avoir l'occasion de travailler en collaboration avec mes honorables collègues afin de sensibiliser le public à l'importance des Canadiens à l'étranger, et afin d'élaborer des stratégies pour mieux mobiliser nos citoyens d'outre-mer dans l'avancement des intérêts de tous les Canadiens.

[Traduction]

Pour le moment, toutefois, nous avons l'occasion d'améliorer la Loi sur la citoyenneté grâce à l'adoption du projet de loi C-6. À cette fin, nous devons rejeter l'amendement à l'étude et tous les autres amendements qui visent à diluer ou à neutraliser les dispositions du projet de loi. Nous devons aussi agir sans tarder, afin que des milliers de nouveaux Canadiens puissent joindre les rangs de la population canadienne à l'occasion du 150e anniversaire du pays et chanter avec nous Ô Canada. Merci.

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Le sénateur Woo accepterait-il de répondre à une question au sujet de son discours?

Son Honneur le Président : Sénateur Woo, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

Le sénateur Woo : Oui.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord

La sénatrice Martin : Je vous remercie. Monsieur le sénateur, je tiens d'abord à souligner que j'ai écouté attentivement votre discours. Comme je suis moi-même immigrante et fille d'immigrants, certains de vos propos ont trouvé écho en moi, notamment quand vous avez parlé du rôle important que jouent les immigrants dans la nation canadienne, de leur contribution au pays, et du fait que nous vivons dans une société planétaire et que nous souhaitons amener les meilleurs éléments du monde à voir le Canada comme un endroit où ils souhaiteraient vivre.

(1530)

Cela dit, je ne partage pas votre avis selon lequel le projet de loi précédent avait pour objet de punir les nouveaux immigrants.

Je me souviens du projet de loi et d'avoir siégé au comité qui l'a étudié. Il renforçait la Loi sur l'immigration et la citoyenneté. Il visait à garantir que l'on mette l'accent sur la valeur de la citoyenneyé canadienne et sur le renforcement véritable du système afin d'empêcher les abus, à défaut d'être en mesure d'éliminer toutes les échappatoires et toutes les lacunes possibles.

Nous savons que les immigrants qui travaillent fort, comme vous, mes parents et ainsi de suite, sont réellement ici pour contribuer à faire du Canada un meilleur pays. Cependant, il y a toujours des exceptions qui pourraient mener à des abus.

J'attire votre attention sur ce que Robert Watt, ancien juge de la Cour de la citoyenneté, a dit en comité. Il a indiqué qu'il craignait que les modifications proposées dans le projet de loi C-6 finissent seulement par aider les Canadiens qui n'ont aucune intention de rester au Canada après avoir obtenu leur citoyenneté à quitter le pays. Pendant sa carrière de juge de la Cour de la citoyenneté, il a vu un cas où les membres d'une famille se sont présentés à leur cérémonie de citoyenneté avec des valises et se sont immédiatement rendus à l'aéroport après avoir reçu leur passeport canadien.

Puisque l'on sait que de tels abus peuvent avoir lieu, comment pouvez-vous justifier qu'il est déraisonnable de demander aux demandeurs d'exprimer leur intention de résider au Canada et d'y demeurer? En fait, j'estime que cet acte met en évidence la valeur de la citoyenneté canadienne et les responsabilités qui en découlent.

Comment justifieriez-vous l'élimination de cette disposition qui veille à ce que notre système demeure solide et intact?

Le sénateur Woo : Merci, sénatrice Martin, pour votre question.

Vous avez fait valoir deux points. D'abord, vous avez affirmé qu'il n'y a pas d'intention de punir, puis vous avez parlé de la valeur de la citoyenneté canadienne. Enfin, vous avez parlé à la fin de l'intention de résider.

Pour ce qui est de l'intention de punir, les faits sont éloquents. Il y a eu une chute prononcée du nombre de demandes de citoyenneté présentées au cours de la dernière année, et je crois que cette baisse est en grande partie attribuable aux exigences plus lourdes en matière de citoyenneté. Pour ma part, j'estime qu'il s'agit d'une décision politique tordue, puisque nous avons déjà accordé la résidence permanente à ces personnes. Les résidents permanents ont les mêmes droits que les citoyens, sauf pour ce qui est de voter, et pourtant on les empêche d'aller de l'avant pour obtenir la citoyenneté. Nous continuons d'avoir des obligations à leur égard, mais nous avons fait en sorte qu'il est plus difficile pour eux de demander la citoyenneté et, par le fait même, de s'attacher au Canada. Donc, même si l'intention n'est pas de punir, il me semble que c'est tout de même le résultat obtenu.

J'ai réfléchi à la question de l'intention de résider. Ce qui me paraît évident, c'est que nous n'imposons pas la même obligation aux jeunes Canadiens, qui n'ont peut-être pas atteint l'âge de la majorité. Ils sont des Canadiens parce qu'ils sont nés ici, mais nous ne leur demandons pas de promettre qu'ils ne quitteront pas le pays après avoir terminé leurs études universitaires. En fait, j'ose espérer que nous serions nombreux ici à encourager nos enfants à parcourir le monde, si c'est ce qu'ils souhaitent, s'ils possèdent les compétences et les connaissances nécessaires et s'ils ont ce désir d'acquérir de l'expérience à l'extérieur de nos frontières. Nous encourageons ce genre de chose. Cela me semble contradictoire de ne pas permettre aux nouveaux immigrants de faire la même chose, tout particulièrement s'ils ont été sélectionnés en raison de leurs compétences en entrepreneuriat, leurs compétences professionnelles, leurs compétences en affaires ou toutes autres compétences qui sont recherchées ou valorisées partout dans le monde. Par définition, si nous sélectionnons les gens les plus talentueux et les plus brillants dans le monde, c'est que ces gens sont sollicités ailleurs dans le monde également. On ne doit pas leur enlever cette possibilité de voyager partout dans le monde.

Voici ma conclusion, et j'en ai déjà parlé dans mon discours : le problème, dans ce débat ou dans notre divergence d'opinions, s'explique par une définition différente de ce qu'est un Canadien, cela dit sans vouloir offenser qui que ce soit. De nombreux partisans du projet de loi C-24, dont M. Watt — qui est un bon ami, en passant — et beaucoup de Canadiens, pensent que la citoyenneté se définit par une présence physique au pays, une loyauté et une « identité canadienne ».

Son Honneur le Président : Pardonnez-moi, sénateur Woo, mais votre temps de parole est, encore une fois, écoulé. Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Woo : Une minute.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Woo : La citoyenneté, la loyauté et l'authenticité ne devraient pas être définies uniquement par une présence physique au pays. Elles devraient s'appuyer sur un attachement au Canada. Je suis convaincu que cet attachement peut être nourri, généré et affiché, qu'on se trouve au pays ou à l'étranger.

Recours au Règlement—Report de la décision de la présidence

L'honorable Frances Lankin : J'invoque le Règlement au sujet de l'amendement de la sénatrice Eaton présenté par la sénatrice Frum. Si vous me le permettez, je vais commencer en ajoutant ma voix et celles de tous les sénateurs à celle du sénateur Woo, qui a exprimé sa solidarité et ses condoléances à la sénatrice Eaton.

Votre Honneur, je soutiens que l'amendement dont nous sommes saisis est irrecevable. On a beaucoup écrit au sujet de la recevabilité des amendements et, dans le cadre de ce rappel au Règlement, je me tourne vers La procédure du Sénat en pratique. Je me tourne vers les experts, comme Beauchesne, O'Brien et Bosc. Aux pages 140 et 141 de l'ouvrage La procédure du Sénat en pratique, on décrit les règles sur la recevabilité des amendements en comité. Je crois comprendre que, selon la pratique au Sénat, les règles sur la recevabilité des amendements proposés en comité s'appliquent en quelque sorte au cours du débat à l'étape de la troisième lecture ou, du moins, doivent nous servir de guide.

Il y a un certain nombre de facteurs à prendre en considération lorsqu'on détermine la recevabilité des amendements et, Votre Honneur, je n'ai qu'à en mentionner un seul pour affirmer avec assurance que cet amendement devrait être déclaré irrecevable.

Premièrement, je veux me reporter au point 3 de la page 141 de La procédure du Sénat en pratique. On peut y lire ce qui suit :

Il existe un principe fondamental : « le vote de la Chambre en faveur du principe du projet de loi, lors de son adoption en deuxième lecture, lie le comité. Il ne doit pas, par conséquent, proposer des amendements qui portent atteinte à ce principe ».

Si je puis me permettre, j'aimerais lire un passage d'une décision figurant dans les Journaux du Sénat du mercredi 9 décembre 2009. Il s'agit d'une décision de l'honorable Noël Kinsella, le Président à cette époque.

Il dit ce qui suit :

En général, on considère que le principe d'un projet de loi est l'idée qui le sous-tend. La portée du projet de loi correspond aux paramètres fixés par le projet de loi pour atteindre les buts ou objectifs visés, ou aux mécanismes généraux envisagés pour parvenir aux fins voulues. Enfin, la pertinence concerne la mesure dans laquelle un amendement se rapporte à la portée ou au principe du projet de loi à l'étude.

Il expose dans sa décision le principe général sur lequel reposent les pratiques. Incidemment, dans un instant, je vais citer les autres passages faisant autorité dans Beauchesne et O'Brien et Bosc, qui vont dans le même sens.

J'aimerais mentionner une deuxième décision. Il s'agit d'une décision du Président Molgat, publiée dans les Journaux du Sénat du jeudi 3 juin 1999, dans laquelle il s'attarde lui aussi à l'importance de ne pas aller à l'encontre des buts ou objectifs du projet de loi.

Le passage le plus pertinent se trouve vers la fin de sa décision, où il décrit sa responsabilité comme suit :

Il m'incombe d'évaluer si les amendements proposés dépassent la portée du projet de loi, s'ils vont nettement à l'encontre de son principe ou s'ils altèrent ce dernier sans l'ombre d'un doute.

Dans ce cas, il a déclaré les amendements recevables et a conclu que les dispositions à l'étude ne semblaient pas aller à l'encontre du principe du projet de loi.

Nous avons au moins deux décisions qui soutiennent l'idée du principe de base.

J'aimerais poursuivre avec l'ouvrage La procédure du Sénat en pratique. On y prévoit sans équivoque ce qui suit :

Les amendements doivent donc avoir un lien quelconque avec le projet de loi à l'étude et ne peuvent introduire un élément ou facteur qui lui est étranger ou...

— et voici le point pertinent —

... qui nuirait à ses objectifs d'origine. Ils doivent aussi respecter les objectifs du projet de loi.

(1540)

Pour déterminer cela, les lignes directrices qui nous sont fournies indiquent qu'il peut être nécessaire de se livrer à un exercice délicat — et ce sera votre tâche, Votre Honneur —, soit tenter de définir l'orientation et les objectifs fondamentaux du projet de loi. On peut lire ce qui suit :

Pour ce faire, on pourra tenir compte de facteurs comme le titre intégral du projet de loi, sa teneur et le débat à l'étape de la deuxième lecture.

Au Canada, le titre intégral n'en dit pas long sur l'intention du projet de loi. D'habitude, il est formulé de la façon suivante : « loi modifiant telle ou telle loi ». Cependant, le débat à l'étape de la deuxième lecture contient de l'information intéressante. Dans ce cas, je ferai référence au débat à l'étape de la deuxième lecture au Sénat, et je vais citer l'auteur du projet de loi, l'ancien ministre McCallum, pendant le débat à l'étape de la deuxième lecture à l'autre endroit.

Avant de passer au débat à l'étape de la deuxième lecture, j'aimerais vous fournir deux courtes références venant des autorités en matière de jurisprudence parlementaire. Dans la sixième édition du livre de Beauchesne, à la page 212, au paragraphe 689(1), on peut lire ceci :

Le vote de la Chambre en faveur du principe du projet de loi, lors de son adoption en deuxième lecture, lie le comité. Il ne doit pas, par conséquent, proposer des amendements qui portent atteinte à ce principe.

J'aimerais également citer un passage de l'ouvrage d'O'Brien et Bosc, deuxième édition, 2009. À la page 766, il y a un paragraphe intitulé « Principe et portée ». Il prévoit ceci :

Un amendement à un projet de loi renvoyé à un comité après la deuxième lecture est irrecevable s'il en dépasse la portée et le principe [...] De même, un amendement qui équivaut à une simple négation du projet de loi ou en contredit le principe tel qu'adopté en deuxième lecture est irrecevable.

Pour montrer que c'est bel et bien ce qui se passe avec l'amendement, Votre Honneur, j'aimerais parler d'une partie du débat qui a eu lieu lors de l'étape de la deuxième lecture. Tout d'abord, l'auteure de l'amendement était porte-parole pour ce projet de loi lors de la deuxième lecture et elle a parlé du contenu du projet de loi C-6. La sénatrice a soulevé un certain nombre de points et — ce qui se rapporte particulièrement au passage que je viens de citer — elle a soutenu que le projet de loi C-6, celui dont nous sommes actuellement saisis et celui qui est visé par la motion d'amendement, réduit la période pendant laquelle il faut avoir été effectivement présent au Canada avant de pouvoir présenter une demande de citoyenneté et qu'il prévoit l'obtention d'un crédit pour la période de temps passé au Canada en tant que résident permanent. On parle, en fait, de résidents temporaires, mais la sénatrice parle de ce point précis.

Voici ce qu'elle a dit à ce sujet et sur d'autres éléments du projet de loi C-6 lorsqu'elle l'a comparé au projet de loi C-24 :

On pourrait dire que ces deux perspectives, représentées par les projets de loi C-24 et C-6, reflètent une dichotomie fondamentale de nature variable.

Elle a elle-même admis qu'un projet de loi, comme nous le savons tous, vise à abroger des articles alors que l'autre projet de loi essaie de faire l'inverse. J'y reviendrai à la fin de ma présentation.

J'aimerais revenir sur les observations faites par celle qui parraine le projet de loi, la sénatrice Omidvar, à l'étape de la deuxième lecture. Au début de son discours, elle a mentionné deux principes qui sont à l'avant-plan de ce projet de loi. Le premier concerne l'égalité entre les citoyens et n'est pas visé par mon argumentaire aujourd'hui. Elle affirme : « En deuxième lieu, il y a le principe de facilitation de la citoyenneté. »

Votre Honneur, mon argumentaire vise à établir les faits pour vous permettre de déterminer si l'amendement à l'étude va à l'encontre du second principe, celui de facilitation de la citoyenneté, ou même s'il lui porte atteinte. J'espère que cette tâche sera simple pour vous, mais elle pourrait être complexe. Je sais qu'au Sénat nous cherchons à interpréter ce qui nous est présenté de la façon la plus large possible et à accorder une certaine latitude aux sénateurs dans leurs discours et lors des votes, mais il arrive que des questions ne laissent place à aucune interprétation. Je crois que c'est le cas ici.

Au sujet de la disposition du projet de loi C-24 qui exigeait une présence totale de 183 jours au Canada par année pendant quatre ans, la sénatrice Omidvar a ajouté, dans son discours à l'étape de la deuxième lecture, que le projet de loi C-6 retirait également l'exigence d'un nombre minimal de jours passés au Canada pendant chaque année civile.

Elle a également parlé d'un quatrième changement prévu par le projet de loi C-6, qui rétablirait le crédit de résidence accordé aux résidents temporaires. Il s'agit de la disposition dont le sénateur Woo a parlé et qui prévoit que, pour chaque jour qu'un résident temporaire passe au Canada, un crédit d'une demi-journée lui est accordé. Le sénateur Woo a mentionné qu'une conséquence imprévue de l'amendement à l'étude serait de rendre la situation impossible pour les personnes que nous cherchons précisément à aider.

Je trouve que c'est pertinent. Si on lit le sommaire et les articles du projet de loi, il est très clair qu'un des articles vise à rétablir la disposition des crédits accumulés. En outre, selon les déclarations du ministre, le parrain du projet de loi, celui-ci vise à encourager les étudiants qui viennent ici pour pouvoir apprendre à rester au pays et à y contribuer. Ce sont les personnes les plus éduquées qu'il nous serait possible d'attirer, et ces personnes sont précieuses pour faire croître l'économie. Il s'agissait donc d'un des objectifs précis du projet de loi.

Je vais maintenant passer aux déclarations — des discours, principalement à l'étape de la deuxième lecture — prononcées par M. McCallum, parrain du projet de loi et ministre responsable à l'époque. Il a très clairement indiqué que cette politique a pour objectif de réduire les obstacles érigés par le gouvernement précédent et qui, selon lui, « nous empêchent d'accueillir ceux et celles qui voudraient obtenir la citoyenneté canadienne. »

Vous vous souviendrez que j'avais dit que le second principe du projet de loi consiste à faciliter l'accès au pays. Le ministre lui-même avait dit que le projet de loi C-24 — dans des déclarations ultérieures, il avait parlé des 183 jours — était un obstacle érigé par le gouvernement précédent. S'il est adopté, le projet de loi C-6 réduira cet obstacle en éliminant ces 183 jours. Je rappelle à nouveau que l'amendement dont nous sommes saisis rétablirait tout simplement cette disposition des 183 jours du projet de loi C-24.

Le ministre a également fait la déclaration suivante à l'étape de la deuxième lecture :

En vertu du [...] principe, nous voulons accueillir de nouveaux citoyens au Canada.

Il s'agit, je le répète, du principe en question.

Or la loi conservatrice a érigé un certain nombre de difficultés ou de barrières qui ont augmenté, d'une façon qui, selon nous, n'est pas raisonnable, les difficultés qu'ont les résidents permanents à devenir citoyens canadiens.

Il a aussi parlé de la question du crédit accumulé, en disant qu'il estimait que c'était une disposition particulièrement mauvaise du projet de loi C-24. Il considère les étudiants étrangers comme la meilleure source de néo-Canadiens. Comme je l'ai mentionné, le sommaire au début du projet de loi C-6 traite de cette disposition.

J'aimerais, encore une fois parler de l'effet qu'aurait l'amendement. Je pense qu'il en a été directement question dans la présentation que la sénatrice Frum a faite pour la sénatrice Eaton. Le projet de loi C-24 contenait une disposition exigeant qu'un résident qui fait une demande, entre autres choses, ait « été physiquement présent au Canada pendant au moins 183 jours par année civile au cours de quatre des années complètement ou partiellement comprises » et suit le nombre d'années pouvant entrer en ligne de compte.

Le projet de loi C-6 révoque cette disposition. Dans le projet de loi C-6, si vous lisez le paragraphe 1(3), on y mentionne le sous-alinéa 5(1)c)(ii) de la loi — autrement dit, le projet de loi C-24 — pour dire qu'il est révoqué. Or, l'amendement qui nous est présenté propose de supprimer les lignes 17 et 18 et contient d'autres amendements qui réintroduisent la règle des 183 jours. J'affirme donc qu'il annihile complètement toute disposition permettant d'atteindre l'objectif et de respecter l'esprit du projet de loi. J'aimerais prendre un moment pour revenir sur ce que disait le sénateur Woo au sujet des conséquences imprévues que cet amendement pourrait avoir sur la disposition prévoyant que les résidents temporaires pourront accumuler des crédits de résidence, ce qui les aidera, une fois qu'ils auront la résidence permanente, à devenir plus rapidement admissibles à la citoyenneté. Cet amendement pourrait, sans que cela en soit l'intention, j'en conviens, empêcher les résidents temporaires de profiter de cette disposition. Pourquoi? Parce que, en vertu du projet de loi C-6, chaque jour passé ici leur vaudrait une demi-journée de crédit. Or, pour une année donnée, à l'exclusion des années bissextiles, si on divise 360 jours par deux, on arrive à 182,5; comme le projet de loi établit le seuil d'admissibilité à 183 jours, cette disposition serait sans effet. Je tiens ces données du sommaire du projet de loi et de la lettre de mandat du ministre.

(1550)

Pour terminer, je tiens à dire que, à mon avis, la porte-parole de l'opposition pour ce projet de loi a elle-même prouvé ce que j'avance lorsqu'elle a dit que ces deux projets de loi ne pourraient pas être plus diamétralement opposés. Elle a même parlé d'une « dichotomie fondamentale de nature variable ». Je crois que nous comprenons tous que c'est la nature même des projets de loi visant à en abroger un autre. Ils servent au parti qui constitue actuellement l'exécutif à imposer sa vision législative et à s'éloigner de celle de ses prédécesseurs.

Selon ce que j'en comprends, il ne fait aucun doute dans mon esprit, mais peut-être pas dans le vôtre — et j'espère que vous changerez d'avis — que l'amendement présenté par la sénatrice Frum au nom de la sénatrice Eaton est, pour en revenir à la discussion sur l'admissibilité, contraire au but premier du projet de loi et ne respecte pas les objectifs du projet de loi.

Votre Honneur, je soutiens humblement que, compte tenu de ces faits, il m'apparaît évident que l'amendement devrait être jugé irrecevable. Merci beaucoup.

[Français]

L'honorable Claude Carignan : Je suis surpris que des collègues applaudissent ce recours au Règlement dans lequel la sénatrice Lankin tient un discours qui a pour effet de retirer presque entièrement le pouvoir constitutionnel du Sénat, et qui décrit le rôle du Sénat en matière de révision législative en le limitant presque à du « rubber stamping », et ce, sans lui donner la possibilité de proposer des amendements qui iraient le moindrement à l'encontre de la vision du gouvernement du jour. Le Sénat a pour rôle de donner son avis au gouvernement sur les projets de loi et de les corriger grâce à l'expertise des sénateurs. Donc, si nous nous limitons à l'application des exemples donnés par la sénatrice Lankin, chers collègues, il ne nous reste plus qu'à rentrer chez nous et à laisser le gouvernement du Canada adopter les lois comme bon lui semble.

Manifestement, les amendements proposés sont admissibles, puisqu'ils s'inscrivent dans le rôle du Sénat de donner son avis. Ils ne vont pas à l'encontre de l'objectif du projet de loi. Ils sont conformes aux paramètres qui ont été cités dans les décisions des Présidents antérieurs et dans Beauchesne.

Permettez-moi de reprendre le sommaire du projet de loi C-6, tel qu'il nous a été présenté :

Le texte modifie la Loi sur la citoyenneté afin, notamment :

a) de supprimer les motifs de révocation de la citoyenneté canadienne liés à la sécurité nationale;

Les amendements ne vont pas à l'encontre du paragraphe a), et si je suivais l'interprétation de la sénatrice Lankin et qu'il s'agissait réellement de notre rôle, cela signifierait qu'en supprimant certains motifs de révocation, j'irais à l'encontre de l'objectif du législateur. Je ne pourrais pas faire cela. Manifestement, ce n'est pas le cas.

b) de supprimer l'exigence pour un demandeur d'avoir l'intention, s'il obtient la citoyenneté, de continuer à résider au Canada;

c) de réduire le nombre de jours où une personne est tenue d'avoir été effectivement présente au Canada avant de demander la citoyenneté et de permettre de tenir compte, dans le calcul de la durée de présence effective, du nombre de jours [...]

On est en mesure de déterminer exactement quelle est cette durée.

d) de restreindre aux demandeurs âgés de 18 à 54 ans l'exigence de démontrer leurs connaissances du Canada ou de l'une de ses langues officielles;

L'amendement que nous avons adopté cette semaine en modifiant l'âge des demandeurs serait irrecevable, parce qu'il irait à l'encontre de l'intention du gouvernement, qui visait les 18 à 54 ans.

e) d'autoriser le ministre à saisir des documents lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire [...]

Manifestement, l'amendement ne va pas à l'encontre de cet objectif. Je pense que l'interprétation qui doit être donnée au rôle constitutionnel du Sénat doit être large et libérale. Il faut se donner les outils nécessaires, conseiller le gouvernement sur la meilleure législation possible, et cela inclut proposer des amendements, même si on revient à la forme originale qui avait été proposée. On examine l'ensemble de la législation et on décide si certains éléments devraient être conservés. On transmet le message à la Chambre des communes. Si les députés ne sont pas d'accord, ils nous le feront savoir et expliqueront les raisons pour lesquelles ils proposent de modifier le statu quo.

Honorables sénateurs, l'approche de la sénatrice Lankin est extrêmement dangereuse quant au futur rôle du Sénat. S'il s'agit de la vision du gouvernement à l'égard du nouveau rôle du Sénat, c'est une quasi-abolition du Sénat, dont le rôle est réduit de plus de 80 p. 100 au chapitre de la présentation d'amendements et de la modification des lois.

Pour ces raisons, je crois que l'amendement est recevable et qu'on devrait rejeter ce rappel au Règlement. Il faut être extrêmement prudent quand on soulève un rappel au Règlement sur des questions partisanes pour tenter de bloquer un amendement à un projet de loi. Il faut tenir compte des conséquences à moyen ou à long terme dans ce type d'argument.

[Traduction]

L'honorable Joan Fraser : Sauf votre respect, je pense que les propos de mon ami, le sénateur Carignan, ont dépassé légèrement sa pensée.

Dans cette enceinte, il nous est déjà arrivé de voir un groupe de sénateurs obéir aveuglément aux ordres du premier ministre de l'époque, mais je m'éloigne du sujet. Il n'est pas question d'un Sénat qui approuve automatiquement les projets de loi du gouvernement.

Je pense que la sénatrice Lankin a tout à fait le droit de soulever ce recours au Règlement. Votre Honneur, je vais vous laisser le soin de statuer sur le bien-fondé de son recours au Règlement. Je tiens toutefois à défendre son droit d'agir ainsi et j'insiste pour dire que ce recours au Règlement n'a rien d'irrégulier.

La question que soulève la sénatrice Lankin ne consiste pas à déterminer si l'amendement est conforme à la volonté du gouvernement, mais plutôt s'il respecte le principe de l'adoption des projets de loi, non pas par le gouvernement, mais plutôt par la Chambre des communes, puis par le Sénat. C'est une question tout à fait légitime. Si nous n'acceptons pas ce fait, alors je ne sais pas ce que nous faisons ici.

(1600)

En ce qui me concerne, la question me semble simple, et je suis convaincue que la décision que prendra Son Honneur saura nous éclairer, en plus de nous être particulièrement utile, parce que j'ai fait quelques recherches rapides pour trouver des précédents ou d'autres décisions de la présidence sur le sujet et, comme je n'avais pas mon recueil des décisions de la présidence avec moi, la documentation que j'ai pu consulter m'a laissée sur ma faim.

J'espère que vous saurez élargir le champ de nos connaissances, Votre Honneur. Personnellement, je défendrai toujours les sénateurs qui invoquent le Règlement pour une question de cet ordre-là, car nous touchons au cœur même du rôle que nous jouons ici.

[Français]

L'honorable Renée Dupuis : Monsieur le Président, je vous invite à examiner la situation très particulière dans laquelle nous nous trouvons sur une question de procédure. Vous avez devant vous un nouveau Sénat, c'est-à-dire un Sénat où il y a plusieurs sénateurs qui sont de nouveaux sénateurs, qui ne connaissent pas nécessairement toutes les subtilités de la procédure, et c'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup confiance en votre jugement.

Nous vous demandons aussi la possibilité, en cette Chambre, qu'un sénateur ou une sénatrice — dans ce cas-ci, c'est une sénatrice — puisse se lever et soulever un rappel au Règlement, et qu'il ou elle puisse le faire librement, sans que ce soit considéré comme une chose qui n'est pas normale dans un lieu où le débat, selon le peu qu'on nous ait dit, vise à faire en sorte que chaque sénateur ou chaque sénatrice ait la possibilité de soulever une question de procédure. Je vous implore de nous aider à mieux comprendre la procédure et à examiner le rappel au Règlement qui est soulevé ici aujourd'hui.

[Traduction]

L'honorable Yonah Martin (leader adjointe de l'opposition) : Je tiens à préciser, après avoir écouté la sénatrice Dupuis, que nous ne remettons pas en question le droit qu'a la sénatrice Lankin d'invoquer le Règlement. Ce droit lui est acquis. Nous voulons plutôt savoir si l'amendement est recevable, donc si le recours au Règlement est valable.

J'ai écouté très attentivement ce qui s'est dit. Je m'associe sans réserve aux propos du sénateur Carignan, pas parce qu'il a déjà été notre leader, mais en raison du rôle que joue l'opposition au Sénat. Il ya a des Canadiens qui en ont contre certaines des dispositions de ce projet de loi et qui, dans la mesure où ils estiment que le projet de loi C-24 consolidait bel et bien les assises de la Loi sur la citoyenneté, considèrent par opposition que la mesure législative à l'étude la diluerait et enlèverait de sa valeur à la citoyenneté canadienne.

La sénatrice Eaton, qui était porte-parole du projet de loi, fait donc preuve de diligence raisonnable et exerce non seulement son droit, mais aussi son importante responsabilité de porte-parole et de sénatrice lorsqu'elle soulève une telle préoccupation et déclare que la disposition qui était présente dans le projet de loi précédent était nécessaire. En effet, après avoir entendu des témoins éminents, comme un ancien juge du Bureau de la citoyenneté qui possède une expérience directe ainsi que des données empiriques de première main sur la question et qui exprimé différentes préoccupations au comité, la sénatrice a correctement proposé son amendement.

Par conséquent, Votre Honneur, je dirai simplement que, lorsque la sénatrice Lankin a invoqué le Règlement, elle a cité plusieurs sources et divers exemples mais, de la même façon qu'elle a ensuite parlé des mauvaises dispositions du projet de loi précédent et dit qu'il était contraire à l'esprit du projet de loi actuel, nous pourrions aussi bien dire que le projet de loi actuel contient de mauvaises dispositions et qu'il est contraire à l'objectif du projet de loi précédent, qui renforçait la loi.

Nous pouvons étudier ce projet de loi sous plusieurs angles. Il est donc important pour notre porte-parole et pour tous les sénateurs qui ont des préoccupations, qui écoutent les Canadiens et qui ont lu les comptes rendus des témoins très crédibles qui ont comparu devant le comité, que cet amendement soit jugé parfaitement recevable, et je crois que nous devrions l'examiner attentivement et voter sur celui-ci. Nous pourrions ainsi voter contre ou l'adopter.

Votre Honneur, l'amendement est tout à fait recevable.

L'honorable George Baker : Honorables sénateurs, nous savons très bien que, s'il s'était agi d'un amendement à un article précis du projet de loi, et que cet amendement avait proposé de rétablir un élément que l'article en question visait à considérablement modifier — autrement dit, si le président avait demandé au comité si un amendement qui aurait annulé un article serait acceptable, la réponse aurait été que non, il ne le serait pas. Tout le monde le sait.

En comité, nous ne pouvons pas utiliser une motion pour aller à l'encontre d'une disposition d'un projet de loi. Nous le savons tous, car nous siégeons tous à des comités. Nous savons également que nous ne pouvons pas présenter une motion d'amendement concernant une disposition précise si cette motion vise à annuler cette disposition. Tout le monde le sait.

J'ai écouté les interventions de mes collègues. Je ne suis pas certain de ce dont il est question en l'occurrence. S'il s'agit de déterminer si, oui ou non, l'amendement va à l'encontre de la proposition dont le Sénat est saisi — qui comprend non seulement cette disposition précise, mais aussi les autres dispositions du projet de loi — ou dans quelle mesure, alors là, c'est une tout autre chose. Je laisserais Son Honneur trancher.

L'honorable Ratna Omidvar : Je suis la marraine accablée de ce projet de loi. À ce titre, je veux profiter de l'occasion pour exprimer ma reconnaissance pour ce recours au Règlement. Il est important pour nous, en ce qui concerne non seulement ce projet de loi, mais d'autres aussi.

J'espère que la décision de Son Honneur sera rapide, parce que nous avons convenu de nous réunir le 3 mai et je suis déterminée, de même que les autres sénateurs de mon côté, à respecter cette entente. J'espère que cette décision clarifiera la situation à l'avenir au sujet des amendements à l'étape de la troisième lecture.

Je veux aussi dire, sénatrice Martin, que oui, il existe plus d'un type de Canadiens. Vous avez entendu l'opinion d'un type de Canadiens en particulier, qui réclame l'augmentation du nombre de jours, ce qui va à l'encontre de ce que le projet de loi propose. Par contre, j'ai entendu et je continue d'entendre le point de vue inverse. Je reçois des courriels dans lesquels on nous demande d'adopter le projet de loi dès que possible. Des résidents permanents souhaitent qu'une partie du temps qu'ils ont passé ici en tant qu'étudiants étrangers temporaires ou travailleurs étrangers temporaires soit comptabilisée dans le calcul de la durée de présence effective. Des familles qui satisfont à l'exigence attendent, et elles me demandent combien de temps cela va prendre.

Je dirais qu'il s'agit pour nous tous d'un important recours au Règlement. Prononçons-nous rapidement à ce sujet et respectons le délai sur lequel nous nous sommes entendus.

L'honorable Elaine McCoy : Votre Honneur, je voudrais rapidement expliquer davantage cette notion qui veut que nous ne puissions pas aller à l'encontre cette disposition. Cela serait inadmissible.

La sénatrice Eaton et la sénatrice Frum ont fourni d'excellentes explications sur les effets de leur motion. Il y en a trois. Elles ont souligné que le projet de loi C-24 n'accordait pas de crédits de résidence aux résidents temporaires. La motion ferait en sorte que les résidents temporaires ne recevraient pas de crédits de résidence. Le projet de loi C-24 établit une obligation de présence de 183 jours par année civile au cours des quatre années précédant la date de demande. La motion propose une obligation identique. Les deux sont contraires à l'objectif visé par le projet de loi C-6.

(1610)

La seule chose qui diffère, c'est la période de résidence. Dans le projet de loi C-24, la période est de quatre ans sur six. La motion fixerait la période à trois ans avec au moins 183 jours de présence et une quatrième année, par rapport à trois années sur cinq en vertu du projet de loi C-6. Ces trois choses sont différentes.

Il se peut que la plupart de ces propositions soient irrecevables.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup, Votre Honneur. Puis-je offrir tous mes remerciements aux honorables sénateurs qui ont participé au processus? Cela a été pour plusieurs d'entre nous l'occasion de vous demander conseil dans ce dossier.

J'ai quelques observations à faire. La sénatrice Martin a presque défendu mon point de vue en affirmant que le projet de loi C-6 pourrait être interprété comme portant atteinte au projet de loi C-24. En fait, c'est le cas de cet amendement, qui nous ramène au projet de loi C-24.

En utilisant l'expression « porter atteinte », je ne critique pas une action ou une intention. Je ne fais que reprendre la terminologie propre aux règles et pratiques servant à déterminer la recevabilité des amendements dont nous sommes saisis. À ce sujet, je vous renvoie à Beauchesne, à d'autres auteurs, ou encore à La procédure du Sénat en pratique.

C'est l'argument que je soulignais.

J'aimerais mentionner au sénateur Carignan que, en ce qui concerne ce qu'il a dit au sujet du rôle du Sénat, du second examen objectif et de la nécessité d'étudier et d'amender les projets de loi afin de les améliorer, je suis tout à fait d'accord avec lui. Cependant, je ne souscris pas à sa conclusion : si ce type d'invocation du Règlement devait être reçu, 90 p. 100 de notre travail serait éliminé. Comme la sénatrice Fraser l'a mentionné, vous allez trop loin avec ce genre de commentaires.

Le sénateur Carignan a fait part de différentes observations quant à l'intention ou à la politique qui sous-tendent l'amendement. J'aimerais simplement souligner que, s'il lit les décisions de la présidence et les ouvrages de référence, il verra que l'on explique clairement que le critère n'est pas simplement de savoir si on est en désaccord avec l'intention de la politique, mais bien de savoir si l'amendement porte réellement atteinte à la politique.

Le dernier élément du discours du sénateur Carignan dont je veux parler est que, au moment où il a lu le sommaire, quand il est arrivé au point c), j'ai remarqué qu'il n'en a lu que la moitié avant de s'arrêter, comme s'il n'y avait rien d'autre, comme si tout le monde était d'accord.

Je tiens à mentionner le passage que le sénateur Carignan a omis de lire :

[...] tenir compte, dans le calcul de la durée de présence effective, du nombre de jours où elle a été effectivement présente au Canada avant de devenir résident permanent;

Or, en omettant ce passage, le sénateur Carignan a passé sous silence un des points que j'ai soulevés, soit que la conséquence imprévue du retrait de l'intention du projet de loi C-6 concernant les 183 jours serait de rendre impossible pour les résidents temporaires d'atteindre le seuil demandé et de rendre superflue la disposition exigeant de ramener les jours passés au pays par les résidents temporaires dans le calcul de la durée de présence.

Son Honneur le Président : J'aimerais remercier tous les honorables sénateurs de leurs interventions sur cette question très importante. Je prendrai la question en délibéré.

Honorables sénateurs, comme il est plus de 16 heures et que la période prévue pour les affaires du gouvernement est terminée, je déclare que, conformément à la motion adoptée plus tôt aujourd'hui, le Sénat s'ajourne au jeudi 13 avril 2017, à 13 h 30, par décision du Sénat.

(La séance est levée, et le Sénat s'ajourne au jeudi 13 avril 2017, à 13 h 30.)

Annexe

ALLOCUTION
de
Mme Malala Yousafzai
récipiendaire du prix Nobel de la paix
devant les deux Chambres
du Parlement
à la
Chambre des communes
à Ottawa
le mercredi 12 avril 2017

Mme Malala Yousafzai est accueillie par le très honorable Justin Trudeau, premier ministre du Canada, l'honorable George J. Furey, Président du Sénat, et l'honorable Geoff Regan, Président de la Chambre des communes.

[Français]

Le Président : J'invite le très honorable premier ministre à prendre la parole.

[Traduction]

Le très honorable Justin Trudeau (premier ministre, Lib.) : Distingués invités, parlementaires, collègues et amis, nous accueillons aujourd'hui avec grand plaisir une nouvelle citoyenne du Canada, une citoyenne d'un courage exceptionnel, Malala Yousafzai.

Malala, c'est pour nous un privilège de t'accueillir chez nous, à la Chambre des communes. À présent que te voilà citoyenne honoraire du Canada, j'espère que tu t'y considéreras aussi chez toi. Sois la bienvenue.

Ce qui est arrivé à Malala, nous le savons tous. C'est quelque chose qui est à la fois exceptionnel et familier, hors de l'ordinaire et, malheureusement, trop fréquent. Nous avons tous entendu parler de cette audacieuse et courageuse jeune fille de la vallée de Swat qui a osé tenir tête aux talibans, une jeune militante politique de 12 ans à l'esprit vif qui inspirait les autres jeunes, les amenant à se faire entendre et à donner l'exemple, une jeune fille qui, plus que tout autre chose au monde, souhaitait aller à l'école, une jeune fille qui refusait de se laisser réduire au silence. Devant elle, nous étions en admiration et remplis d'espoir. C'est avec horreur que nous avons vu des êtres lâches tenter de mettre fin à sa vie. Or, alors que le monde entier priait pour son rétablissement, nous nous sommes rappelé qu'une balle ne peut pas venir à bout d'une idée et que le mal n'est jamais de taille face à ce qui est juste et à ce qui est bon.

[Français]

Malala, tu as dit que tu ne souhaitais pas de mal à l'homme qui a tenté de t'assassiner. Tu as ainsi fait preuve d'une immense bonté en laquelle les Canadiens peuvent se reconnaître.

Il y a quelques mois à peine, nous avons été témoins d'un attentat terroriste qui a ciblé une mosquée de Québec. Ce geste de violence insensé a tué six personnes innocentes, des époux, des pères et des fils. Pourtant, même après ce crime, les Canadiens se sont montrés unis. Nous ne nous sommes pas retournés les uns contre les autres. Nous ne nous sommes pas divisés entre voisins. Nous n'avons pas succombé à la haine ou à la peur.

Par l'approche positive que nous essayons toujours de prendre en tant que Canadiens, nous avons dit au reste du monde que nous n'allions pas répondre à la violence par la violence, et que nous allions plutôt répondre à la peur et à la haine par l'amour et la compassion.

Malala, tu es un exemple de bonté, autant avec tes mots qu'avec tes gestes, et c'est quelque chose qui a trouvé un écho chez les Canadiens, mais aussi dans le reste du monde.

[Traduction]

Ton histoire est celle d'une jeune fille ordinaire qui fait des choses extraordinaires, d'une héroïne de tous les jours, d'une pionnière et d'une adolescente, d'une rebelle et d'une passionnée de lecture, d'une intrépide championne des droits et d'une jeune fille qui souhaite plus que tout voir plus d'enfants dans les classes. De surcroît, tu es d'une humilité prodigieuse. Au Canada, c'est un trait que nous connaissons bien.

Lorsque tu as accepté le prix Nobel de la paix, tu as dit : « Je raconte mon histoire, non pas parce qu'elle est unique, mais bien parce qu'elle ne l'est pas. » Lorsque tu as pris la parole devant les Nations unies, tu as déclaré : « J'élève ma voix, non pas pour crier, mais pour que les personnes sans voix puissent être entendues. »

Mesdames et messieurs, Malala est l'incarnation même du leadership et du service. Nous devrions tous aspirer à servir autrui de façon aussi honorable au cours de notre vie.

Malala, tu donné de l'espoir à des garçons et à des filles accablés par la noirceur et tu as incité les femmes et les hommes de tous les horizons à s'améliorer pour que le monde soit meilleur. S'il y a un domaine où nous devons tous faire mieux, c'est bien au chapitre de l'éducation des jeunes. Nous savons que seule l'éducation peut permettre d'atteindre la paix véritable. J'affirme cela non seulement comme mari, père et membre de la collectivité, mais d'abord et avant tout à titre d'enseignant.

J'ai eu la chance d'enseigner en Colombie-Britannique pendant cinq ans, à des enfants vraiment formidables. Ces jeunes m'ont appris que le fait de fréquenter l'école ne se limite pas à apprendre à lire et à écrire. L'école aide les jeunes à élargir leur vision du monde, elle favorise l'innovation et elle donne l'occasion de résoudre des problèmes par la collaboration. L'éducation a le pouvoir de changer le monde. Elle contribue à éradiquer la pauvreté, à lutter contre le changement climatique et à prévenir la guerre. Cependant, pour réaliser des progrès tangibles, nous devons faire en sorte que tous les enfants, filles autant que garçons, aillent à l'école.

Je ne peux pas imaginer un monde dans lequel mes fils, Xavier et Hadrien, pourraient bénéficier du privilège que constitue l'éducation, mais où ma fille, Ella-Grace, n'aurait pas cette possibilité. À l'instar de nombreuses petites filles, elle adore apprendre et elle serait catastrophée si on la privait du droit d'apprendre.

[Français]

Ce n'est pas un secret que les femmes et les filles ont toujours dû se battre et qu'elles doivent continuer de se battre pour obtenir des choses que les hommes tiennent pour acquises : le droit de vote, le droit de servir son pays, le droit à l'équité salariale et le droit de choisir quand fonder une famille. Malheureusement, pour compléter cette liste, il me faudrait toute la journée.

Pourtant, la réussite de n'importe quelle société dépend de la pleine participation des femmes et des filles, et cela commence toujours par l'éducation. Ici, au Canada, nous nous assurons que nos enfants possèdent les compétences nécessaires pour avoir une vie épanouie dans un monde en constante évolution. En tant que ministre de la Jeunesse et père de jeunes enfants, je fais évidemment de l'éducation une de mes priorités.

Le mois dernier, nous avons annoncé le financement d'un nouveau programme qui permettra d'enseigner aux enfants des notions de codage et des compétences numériques. Nous aidons plus d'adolescents de communautés à faible revenu à terminer leurs études secondaires. Nous investissons dans des programmes qui encouragent les jeunes, garçons et filles, à s'intéresser aux sciences, à la technologie, au génie et aux mathématiques.

[Traduction]

Nous construisons et nous réparons des écoles afin que chaque élève autochtone vivant dans une réserve bénéficie d'une bonne éducation. Ces enfants ont été négligés pendant trop longtemps. C'est inacceptable, et nous devons faire mieux.

Au nom des filles et des garçons de partout dans le monde, au nom de notre avenir, il est maintenant temps d'agir.

Mes amis, nous savons que le progrès commence sous la forme d'une idée ancrée dans la conviction, portée à la vie par des paroles appropriées et concrétisée avec courage.

Nous exhortons nos frères et nos soeurs de partout dans le monde à s'exprimer avec audace et sans crainte, en sachant dans leur coeur que les paroles appropriées prononcées au bon moment peuvent provoquer le changement.

Malala, tu as choisi l'espoir, tu as choisi la dignité et tu as choisi la détermination, et les enfants de partout dans le monde t'en remercient. Aujourd'hui, dans ce pays et en cette Chambre, nous te rendons hommage.

Mesdames et messieurs, chers amis, c'est pour moi un grand privilège que de vous présenter une championne de l'éducation et une courageuse nouvelle Canadienne, Malala Yousafzai.

Mme Malala Yousafzai (co-fondatrice de la Fondation Malala) : Bismillah hir rahman ir rahim. Au nom de Dieu, le plus miséricordieux et le plus généreux. Good afternoon. Bonjour. Assalaam-u-alikum.

Monsieur le premier ministre, madame Trudeau, Sophie, monsieur le Président, honorables députés, honorables sénateurs, distingués invités, mes parents, Ziauddin et Toor Pekai, et, finalement, peuple du Canada, je vous remercie grandement de cet accueil chaleureux dans votre pays.

Il s'agit de mon premier voyage au Canada, mais pas de ma première tentative d'y venir. Le 22 octobre 2014, mon père et moi avons atterri à l'aéroport de Toronto, enthousiasmés à l'idée de cette première visite dans votre merveilleux pays. Nous avons toutefois rapidement appris qu'un forcené avait attaqué la Colline du Parlement, tuant un soldat canadien et blessant d'autres personnes, et qu'il avait menacé des dirigeants et des fonctionnaires dans l'édifice où je me trouve en ce moment.

Les responsables canadiens de la sécurité nous ont alors conseillé de reporter notre visite. Le cœur lourd, nous sommes rentrés en Angleterre, bien déterminés à revenir un jour au Canada.

L'homme qui a attaqué la Colline du Parlement se disait musulman, mais il ne partageait pas ma foi. Il ne partageait pas la foi d'un milliard et demi de musulmans, qui vivent en paix un peu partout dans le monde. Il ne partageait pas notre islam, une religion d'apprentissage, de compassion et de clémence.

Moi, je suis musulmane, et à mes yeux, si une personne prend les armes et qu'elle tue des innocents au nom de l'islam, elle ne peut lus se dire musulmane. Cette personne, l'homme qui a semé la terreur sur la Colline du Parlement et les terroristes ne partagent pas ma foi.

L'auteur de l'attentat du Parlement partageait plutôt la haine qui animait l'homme qui a pris d'assaut la mosquée de Québec, en janvier, et tué six hommes qui faisaient leurs prières — la même haine que l'homme qui a tué des civils et un agent de police à Londres il y a trois semaines, la même haine que les hommes qui ont tué 132 écoliers dans une école publique de l'armée pakistanaise de Peshawar et la même haine que l'homme qui a tiré sur moi et mes deux camarades de classe.

Ces hommes ont essayé de nous diviser et de détruire la démocratie, de réprimer la liberté de religion et de nous priver du droit d'aller à l'école, mais vous et moi avons refusé de nous laisser diviser. Les Canadiens, où qu'ils soient nés et quelle que soit leur religion, restent solidaires, et rien ne le prouve autant que votre engagement auprès des réfugiés.

Le monde entier chante les héros canadiens.

Nous avons tous entendu parler des membres de la Première Église unie d'Ottawa qui ont parrainé les nouveaux mariés Amina et Ebrahim. Quelques mois plus tard, le couple a eu son premier enfant, prénommée Marya. L'Église a décidé de continuer à ramasser de l'argent pour faire venir le frère et la famille d'Ebrahim au Canada, afin que Marya puisse grandir avec ses cousins et cousines.

Nous avons aussi entendu parler de Jorge Salazar, de Vancouver, qui a trouvé refuge au Canada alors qu'il était encore un enfant fuyant la violence de la Colombie. À peine devenu adulte, il aide aujourd'hui les enfants immigrants et réfugiés à s'adapter à une nouvelle culture et à un nouveau pays.

Je suis très fière d'annoncer que Farah Mohamed, qui a fui l'Ouganda et qui a pu se réfugier au Canada alors qu'elle était enfant, vient tout juste d'être nommée PDG de la Fondation Malala. C'est donc une Canadienne qui mènera maintenant la lutte pour l'éducation des filles de par le monde.

Bon nombre de gens en provenance de mon pays, le Pakistan, ont trouvé la terre promise au Canada, à commencer par la célèbre joueuse de squash Maria Toorpakai Wazir et les proches qui m'accompagnent aujourd'hui.

À l'instar des réfugiés au Canada et partout dans le monde, j'ai vécu dans la peur. Par moment, j'ignorais si j'étais en sécurité ou non. Je me souviens que ma mère laissait une échelle à l'arrière de la maison afin que nous puissions nous échapper en cas de danger.

Je me souviens encore que je lisais un verset coranique, Ayat al- Kursi, tous les soirs pour protéger notre famille et autant de personnes que je le pouvais.

J'avais peur en me rendant à l'école. Je craignais que quelqu'un m'arrête et me fasse du mal. Je cachais mes livres sous mon foulard.

Le bruit des bombes me réveillait la nuit. Chaque matin, j'apprenais que d'autres personnes innocentes avaient été tuées. J'ai vu des hommes lourdement armés dans les rues.

Ma ville d'origine, dans la vallée de Swat, au Pakistan, est plus paisible maintenant. Toutefois, des familles comme la mienne, de la Palestine au Venezuela, de la Somalie au Myanmar, de l'Irak au Congo, sont forcées de fuir leur foyer à cause de la violence.

Votre devise « bienvenue au Canada », qui est aussi votre position, représente plus qu'une manchette ou un mot-clic. C'est l'accueil empreint d'humanité qu'espère chaque personne dont la famille est en crise. Je prie pour que vous continuiez à ouvrir vos portes et vos cœurs aux enfants et aux familles les plus vulnérables du monde, et j'espère que vos voisins suivront votre exemple.

J'accepte humblement la citoyenneté honoraire de votre pays. Même si je serai toujours une fière Pachtoune et citoyenne du Pakistan, je suis reconnaissante d'être membre honoraire de votre nation de héros, bien que j'aie toujours besoin d'un visa, mais c'est là un autre sujet de discussion.

J'ai aussi été très heureuse de rencontrer le premier ministre Trudeau ce matin. Ce qui me fascine, c'est l'accueil chaleureux qu'il réserve aux réfugiés, c'est sa décision de nommer le premier Cabinet paritaire au Canada et c'est sa détermination à placer les femmes et les jeunes filles au cœur de la stratégie canadienne de développement.

On a beaucoup entendu parler du premier ministre Trudeau, mais une chose en particulier m'a étonnée. Les gens disent toujours à quel point il est jeune. Ils disent que, au cours de son histoire, le Canada n'a connu qu'un seul premier ministre plus jeune que lui. Il fait du yoga. Il a des tatouages et un gros grain de beauté.

Sachant que j'allais venir ici, tout le monde m'encourageait à serrer la main du premier ministre et voulait savoir à quoi il ressemblait en réalité. Les gens étaient tellement emballés à l'idée que j'allais rencontrer le premier ministre que je crois que personne ne se souciait vraiment du titre de citoyenne canadienne honoraire qui allait m'être décerné.

Il est vrai que le premier ministre Trudeau est jeune et que c'est un chef de gouvernement jeune, mais j'aimerais dire ceci aux enfants du Canada : vous n'avez pas à attendre d'être aussi vieux que le très jeune premier ministre Trudeau pour être des chefs de file.

Des voix : Bravo!

Mme Malala Yousafzai : Je suis toujours à la page 7 de mon discours. Je suis loin d'avoir fini. Si vous me faites encore une ovation debout, vous allez vous fatiguer. Je tiens simplement à vous signaler que j'en ai encore beaucoup à dire.

J'aimerais vous raconter mon histoire. J'aimerais dire aux enfants du Canada que, quand j'étais petite, je pensais que je devais attendre d'être adulte pour être une leader. J'ai toutefois appris que même la voix d'un enfant peut être entendue dans le monde entier.

Aux jeunes femmes du Canada, je tiens à dire ceci : foncez et élevez la voix, et la prochaine fois que je visiterai votre pays, j'espère qu'un plus grand nombre d'entre vous siégeront dans cette enceinte.

Je demande aux hommes du Canada d'être de fiers féministes et d'aider les femmes à avoir accès aux mêmes possibilités que les hommes.

Je sais que chaque dirigeant du Canada qui est ici aujourd'hui essaie de s'attaquer à certains des problèmes les plus pressants du monde, et ce, bien que leurs convictions politiques, leurs priorités et leurs politiques soient différentes. J'ai voyagé partout dans le monde et j'ai rencontré beaucoup de gens dans de nombreux pays. Je connais de première main les nombreux problèmes auxquels nous sommes actuellement confrontés — la guerre, l'instabilité économique, les changements climatiques et les crises dans le domaine de la santé — et je peux vous dire que les filles sont la réponse à ces problèmes.

L'éducation secondaire pour les filles peut transformer les communautés, les pays et la planète.

Voici ce que disent les statistiques. Je m'adresse aux gens qui ne croient toujours pas que l'éducation est importante — il y en a quelques-uns — et j'espère qu'ils entendront mes propos.

Si toutes les filles allaient à l'école pendant 12 ans, l'économie des pays à faible et à moyen revenu augmenterait de 92 milliards de dollars par année.

Les filles instruites sont moins susceptibles de se marier à un jeune âge et de contracter le VIH et plus susceptibles d'avoir des enfants instruits et en santé.

Selon la Brookings Institution, l'éducation secondaire pour les filles représente le meilleur investissement dans la lutte contre les changements climatiques ainsi que l'investissement le plus rentable à cet égard.

Lorsqu'un pays permet à tous les enfants de bénéficier d'une éducation de niveau secondaire, le risque de guerre est réduit de moitié. L'éducation est essentielle à la sécurité mondiale puisque l'extrémisme croît en parallèle avec l'inégalité dans les endroits où les gens estiment n'avoir aucune possibilité, aucune voix et aucun espoir.

Lorsque les femmes sont instruites, il y a plus d'emplois pour tout le monde. Il y a de l'espoir quand les mères peuvent garder leurs enfants en vie et les envoyer à l'école. Cependant, 130 millions de filles partout dans le monde ne fréquentent actuellement pas l'école. Il se peut qu'elles n'aient pas lu les études et qu'elles ne connaissent pas les statistiques, mais elles comprennent que l'éducation représente leur seul moyen vers un avenir meilleur et elles se battent pour aller à l'école.

L'été dernier, au cours d'un voyage au Kenya, on m'a présenté Rahma, la fille la plus courageuse que j'aie jamais rencontrée. Lorsque Rahma avait 13 ans, sa famille a fui la Somalie pour se rendre à Dadaab, le plus grand camp de réfugiés du monde. Elle n'était jamais entrée dans une salle de classe, mais elle a travaillé d'arrache-pied pour rattraper son retard et, en quelques années, elle a terminé ses études à l'école élémentaire.

À l'âge de 18 ans, Rahma fréquentait l'école secondaire lorsque ses parents ont décidé de retourner en Somalie. Ils lui ont promis qu'elle pourrait poursuivre ses études, mais une fois sa famille arrivée en Somalie, il n'y avait aucune école où Rahma pouvait s'inscrire. Son père lui a dit que ses études étaient terminées et qu'elle allait bientôt marier un homme dans la cinquantaine, un homme qu'elle ne connaissait pas.

Rahma s'est souvenue d'un ami du camp de réfugiés qui avait obtenu une bourse d'études d'une université au Canada. Elle a emprunté l'accès à Internet d'un voisin pour communiquer avec lui sur Facebook. Au moyen d'Internet, l'étudiant universitaire au Canada lui a envoyé 70 $. Le soir venu, Rahma est sortie de la maison en catimini, a acheté un billet d'autobus et s'est lancée dans un périple de huit jours en direction du camp de réfugiés, le seul endroit où elle savait qu'elle pouvait aller à l'école.

Dans le contexte des objectifs du développement durable, nos pays ont promis à toutes les filles qu'elles pourraient fréquenter l'école pendant 12 ans. Nous avons pris l'engagement de voir à ce que les pays donateurs et les pays en développement collaborent afin que ce rêve devienne une réalité pour les filles les plus pauvres du monde. Je sais que les politiciens ne peuvent pas tenir toutes leurs promesses, mais vous devez honorer celle-là. Les dirigeants du monde ne peuvent plus s'attendre à ce que des filles comme Rahma mènent ce combat toutes seules. Nous pouvons établir la paix, faire croître les économies, améliorer la santé publique et la qualité de l'air que nous respirons ou encore nous pouvons abandonner une autre génération de filles à son sort.

Je défends les filles parce que je sais ce que c'est que de devoir fuir son foyer et de ne plus savoir si l'on pourra un jour retourner à l'école. Je défends les filles parce que je sais ce que c'est que d'être privé du droit à l'éducation et de voir ses rêves menacés. Cette cause est la mienne. Si vous voulez m'accompagner, je vous demande de saisir toutes les occasions qui se présenteront pour défendre le droit des filles à l'éducation au cours de la prochaine année.

Cher Canada, je vous demande de donner encore une fois l'exemple.

Premièrement, faites du droit des filles à l'éducation un thème central des discussions du G7 pendant que vous en assumerez la présidence, l'année prochaine.

Deuxièmement, servez-vous de votre influence pour remédier au financement insuffisant de l'éducation dans le monde. Vous avez recueilli des milliards de dollars et sauvé des vies lorsque vous avez organisé la Conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial, à Montréal, l'année dernière. Faites de même en éducation. Organisez la prochaine conférence de reconstitution des ressources du Partenariat mondial pour l'éducation. Réunissez des dirigeants mondiaux et trouvez du financement pour que les filles puissent aller à l'école. Si le Canada donne l'exemple, je sais que le monde suivra.

Enfin, donnez la priorité à l'objectif de permettre aux réfugiés d'avoir 12 années de scolarité. Aujourd'hui, seulement le quart des enfants réfugiés peuvent faire des études secondaires. Nous ne devrions pas demander aux enfants qui ont dû fuir leur foyer de renoncer en plus à leurs rêves. Nous devons être conscients que les jeunes réfugiés seront un jour des dirigeants dont nous dépendrons tous pour assurer la paix.

Le monde a besoin que des gens s'élèvent au rang de chef de file par leur désir de servir l'humanité, et non par la quantité d'armes qu'ils possèdent. Le Canada peut être ce genre de chef de file.

Il y a beaucoup de problèmes dans le monde, mais il n'est pas nécessaire de chercher bien loin la solution. Elle est déjà devant nous. Elle vit dans un camp de réfugiés, en Jordanie. Elle doit marcher cinq kilomètres pour se rendre à l'école, au Guatemala. Elle coud des ballons de football pour payer ses frais de scolarité, en Inde. Elle est chacune des jeunes filles, dans le monde entier, qui ne peut pas aller à l'école aujourd'hui. Nous savons ce qu'il faut faire, mais il faut trouver au fond de nous-même la volonté de respecter nos promesses.

Chères soeurs et chers frères, nous avons le devoir d'améliorer le monde. Lorsque les prochaines générations s'informeront sur notre époque dans leurs livres, sur leur tablette ou au moyen de la prochaine technologie, je ne veux pas qu'elles apprennent avec stupéfaction que 130 millions de filles ne pouvaient pas aller à l'école et que nous n'avons rien fait pour améliorer leur sort. Je ne veux pas qu'elles soient outrées d'apprendre que nous n'avons pas cherché à protéger les enfants réfugiés provenant des millions de familles qui ont dû fuir leur foyer. Je ne veux pas qu'on se souvienne de nous parce que nous aurons manqué à notre devoir envers eux.

Faisons en sorte que les prochaines générations puissent dire de nous que nous avons agi, et de notre époque, qu'elle est la première où toutes les filles ont pu aller à l'école et devenir des chefs de file sans craindre d'être persécutées. Soyons ceux qui auront changé les choses.

Je vous remercie de m'avoir écoutée.

[Applaudissements]

[On chante l'hymne national.]

[Français]

L'honorable George Furey (Président du Sénat) : Malala, monsieur le premier ministre, madame Grégoire Trudeau, madame la juge en chef, Excellences, honorables sénateurs, députés de la Chambre des communes, distingués invités, mesdames et messieurs.

Malala, c'est un grand honneur de vous compter parmi nous aujourd'hui. Au nom de tous mes collègues parlementaires, j'aimerais vous remercier de cet inspirant discours.

[Traduction]

Je vous remercie de votre inspirant message, qui fait écho aux quatre coins du monde. C'est un message qui aide les gens à faire la différence entre la vérité et le mensonge, entre le bien et le mal.

La dernière fois que nous nous sommes réunis dans cette enceinte, c'était en juin, lorsque le président Obama s'est adressé à nous. Il se tenait là où vous vous tenez en ce moment. Nous l'avons remercié de ses réalisations au cours de son mandat de huit ans et avons évoqué une présidence qui tirait à sa fin.

Aujourd'hui, nous sommes ici pour une autre raison. Aujourd'hui, il sera question de l'avenir plutôt que du passé.

En cette période trouble, il peut être difficile d'envisager l'avenir avec optimisme. Partout dans le monde, les gens ont peur. La peur, comme nous le savons tous, est une émotion très puissante. Elle alimente l'intolérance. Elle sème la dissension. Comme vous le savez bien, Malala, l'intolérance peut donner lieu à d'horribles actes de brutalité et d'oppression.

Cependant, le savoir est l'antidote de la peur.

L'acquisition de connaissances au moyen de l'éducation est quelque chose d'indéniablement bon. L'éducation nous montre que nos différences sont une source de force et que les idées peuvent être excitantes et enrichissantes. Lorsqu'elle est encouragée, l'éducation permet d'améliorer la vie des gens du monde entier. L'éducation fait en sorte que les femmes et les filles sont considérées comme égales aux hommes et aux garçons, et elle permet à tous de contribuer à faire de notre monde un monde meilleur.

La reconnaissance des avantages de l'éducation doit être enseignée, et elle doit être enseignée avec courage, tout particulièrement dans un monde où les faussetés sont si souvent présentées comme des faits.

L'écrivain et philosophe français Antoine de Saint-Exupéry a dit un jour : « Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas des hommes pour aller chercher du bois, préparer des outils, répartir les tâches et alléger le travail, mais fais plutôt naître dans leur cœur le désir de la mer. »

Par votre exemple, Malala, vous nous enseignez à apprécier l'éducation à sa juste valeur et vous nous montrez qu'il faut aspirer à la connaissance.

Ensemble, nous devons tous chercher à promouvoir l'éducation dans le monde, à faire appel à la raison lorsque celle-ci est vacillante et à améliorer le sort des personnes pauvres et opprimées.

Encore une fois, nous vous remercions, Malala, de votre courage et de votre détermination dans la lutte que vous menez, en particulier pour les droits à l'éducation des filles et des femmes de votre pays et du monde entier. Alors que nous sommes confrontés à de grands défis, votre leadership brille avec éclat dans un monde autrement obscur.

Nous sommes extrêmement fiers de vous accorder la citoyenneté canadienne honoraire. Peu importe notre âge, que nous soyons jeunes ou vieux, vous êtes un exemple pour nous tous. Nous aspirons tous à être comme vous.

Je vous remercie beaucoup.

L'honorable Geoff Regan (Président de la Chambre des communes) : Malala, monsieur le premier ministre, madame Grégoire Trudeau, madame la juge en chef, monsieur le Président du Sénat, mon ami et condisciple, Excellences, honorables sénateurs, députés de la Chambre des communes, distingués invités, mesdames et messieurs.

Malala, c'est un plaisir et un privilège pour moi de vous remercier, au nom de vos concitoyens canadiens et canadiennes, d'avoir tenu des propos aussi inspirants aujourd'hui.

Depuis l'âge de 11 ans, vous défendez les droits à l'éducation, particulièrement pour les filles. Il est évident qu'au fil des années votre passion pour cette cause n'a fait que grandir.

[Traduction]

Je sais que vous attribuez cette détermination à votre père, Ziauddin Yousafzai, et à votre mère, Toor Pekai Yousafzai, qui ont tous deux soutenu votre amour de l'apprentissage et vous ont encouragée à réaliser vos rêves. En tant que père, je sais que cela a probablement été difficile pour eux de laisser de côté leur peur qu'il vous arrive quelque chose pour vous permettre de suivre votre coeur. Par conséquent, j'aimerais remercier vos parents, Malala, de leur courage et de leur générosité d'avoir partagé leur fille unique avec le monde.

[Français]

Depuis de nombreuses années maintenant, vous agissez comme pèlerin en matière d'éducation et de paix, et vous arrivez à trouver un équilibre entre votre travail de plaidoyer et vos études.

[Traduction]

Pour souligner votre travail remarquable dans la promotion et la défense des droits à l'éducation, vous avez reçu un certain nombre d'honneurs nationaux et internationaux, notamment un diplôme honorifique de l'Université de King's College, dans ma ville natale, Halifax, en Nouvelle-Écosse.

Vous vous trouvez maintenant à l'aube d'un nouveau chapitre de votre vie, alors que vous êtes sur le point d'entamer votre carrière universitaire. Je suis persuadé qu'elle sera aussi remarquable et unique que vous.

[Traduction]

En luttant pour votre droit à l'éducation, vous vous êtes battue pour que d'autres aient aussi ce droit. En défendant les enfants, vous leur avez montré à se défendre et à exiger ce qui leur revient. En d'autres termes, vous êtes peut-être encore étudiante, Malala, mais vous êtes aussi devenue enseignante. Si vous regardez les tribunes dans cette enceinte, vous verrez des centaines de vos élèves.

Le mahatma Gandhi a dit que la véritable éducation consiste à tirer le meilleur de soi-même. Cela, vous l'avez déjà fait. En cherchant à réaliser vos rêves d'éducation, quels qu'ils soient, je suis certain que vous continuerez à rendre le monde meilleur.

Merci.

[Applaudissements]

 
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