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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 139

Le mercredi 20 septembre 2017
Présidence de l’honorable George J. Furey


LE SÉNAT

Le mercredi 20 septembre 2017

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de l’honorable Allan J. MacEachen, C.P., O.C.

Hommages

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, hier, j’ai commencé à rendre hommage à l’un de nos anciens collègues, qui, de l’avis d’Andrew Coyne, figure au nombre des plus illustres parlementaires de l’histoire canadienne.

Comme je n’ai malheureusement pas pu terminer mes hommages hier, je conclus aujourd’hui. J’ai dû m’arrêter alors que je parlais de la vie d’Allan J. MacEachen. J’ai mentionné que, dès le début de son mandat à titre de leader de l’opposition libérale au Sénat, il a refusé de permettre la tenue d’un vote sur un projet de loi portant pouvoir d’emprunt tant que le gouvernement n’aurait pas présenté le budget des dépenses, autrement dit, tant que ce dernier n’aurait pas précisé comment il entendait dépenser les fonds.

Le sénateur MacEachen prenait son rôle de parlementaire très au sérieux, quelle que soit la Chambre où il siégeait. D’ailleurs, il a déclaré à maintes occasions qu’il n’était pas venu au Sénat pour se joindre à un club de discussion ou à un organisme consultatif, mais bien pour devenir membre d’une véritable Chambre législative.

Sous sa direction, l’opposition libérale au Sénat a examiné attentivement toutes les mesures législatives et les modifications qu’elle estimait susceptibles de servir l’intérêt public, notamment celles liées à l’assurance-emploi, aux prisons, à l’immigration et aux médicaments.

Le passage du sénateur MacEachen au Sénat a été marqué par une lutte épique contre le gouvernement au sujet du projet de loi sur l’Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. L’affrontement a atteint son point culminant lors de la campagne électorale de 1987, puis à l'occasion du débat sur le projet de loi sur la TPS, en 1990.

En 2014, Justin Trudeau, l’actuel premier ministre, a dit ce qui suit :

L’une des principales raisons d’être du Sénat, s’il en est, consiste à faire contrepoids au pouvoir extraordinaire du premier ministre et de son cabinet, particulièrement en situation de gouvernement majoritaire…

Ces propos ne sauraient mieux décrire l’approche qu’Allan J. MacEachen avait adoptée lorsqu’il siégeait comme sénateur.

Dans ses mémoires non publiés, le sénateur MacEachen parle abondamment du père Moses Coady, en citant les six grands principes du mouvement originel d’Antigonish, qui se terminent par ces paroles :

L’objectif ultime du mouvement est une vie pleine et riche pour tous dans la communauté.

Allan J. a passé sa vie à poursuivre cet objectif dans les collectivités du Cap-Breton et du Canada. Au service commémoratif organisé dimanche à Antigonish, le premier ministre Trudeau déclarait de son côté ce qui suit :

Inspiré par son exemple, rendons-lui hommage en nous réengageant à poursuivre son œuvre […] ancrée dans un principe: il ne suffit pas de faire les choses convenablement; on peut toujours mieux faire.

Des voix : Bravo!

La prévention de la prolifération nucléaire

L’honorable Marilou McPhedran : Votre Honneur, aujourd’hui, sur les marches qui mènent à la Tour de la Paix, des citoyens ont signé une déclaration nous demandant à nous, parlementaires, d’intervenir en faveur de la paix. Demain, à Winnipeg, à l’occasion de la Journée internationale de la paix de l’ONU, des leaders de la société civile tels qu’Estelle Lamoureux, Derrek Bentley et David Newman seront les hôtes de l’événement Standing with Mother Earth. À cette occasion, des écoliers de la cinquième à la douzième année pourront rencontrer dans huit tipis des aînés et des représentants d’organisations qui leur parleront des quatre éléments que sont la terre, le vent, le feu et l’eau, et leur feront comprendre le lien profond qui lie les Autochtones à la Terre mère et à la paix.

Une autre leader de la société civile, Metta Spencer, militante de longue date du mouvement pour le désarmement nucléaire qui publie le Peace Magazine depuis 1985, s’est vue attribuer le prix annuel de 2017 du Rassemblement canadien pour une convention sur les armes nucléaires. Il s’agit là d’une autre initiative importante de la société civile. Le rassemblement est appuyé par près de 1 000 membres de l’Ordre du Canada. Nous serions d’ailleurs ravis de voir d’autres membres de l'Ordre du Canada, ici au Sénat, se joindre à nous pour demander que la diplomatie canadienne s'attaque à l’élimination des armes nucléaires.

Les honorables sénateurs qui étaient ici en 2010 se rappelleront la motion conjointe historique dans laquelle il a été convenu que la Chambre des communes :

[Français]

a) reconnaisse le risque que pose la prolifération des matières et de la technologie nucléaires pour la paix et la sécurité;

[Traduction]

... d’approuver la déclaration, signée par des officiers et des compagnons de l’Ordre du Canada, soulignant l’importance de s’attaquer au problème de la prolifération nucléaire, dont l’intensité s’accroît, de suivre l’évolution du dossier du désarmement nucléaire et de tenir compte des possibilités dans ce domaine; d’approuver les cinq initiatives sur le désarmement nucléaire proposées en 2008 par le secrétaire général des Nations Unies, et d’inciter le gouvernement du Canada à entamer des négociations sur le désarmement nucléaire en vue de conclure une entente comme le proposent l’Union européenne et le secrétaire général des Nations Unies — de fait, c’est ce qui s’est passé en juillet, quand plus de 120 pays ont accepté de signer ce nouveau traité de non-prolifération.

La motion poursuivait en disant que les parlementaires saluaient la décision du gouvernement du Canada de participer au sommet historique sur la sécurité nucléaire et l’incitaient à mettre en œuvre à l’échelle mondiale une importante initiative diplomatique canadienne à l’appui de la prévention de la prolifération nucléaire et de l’accroissement du taux de désarmement nucléaire

En juillet...

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé.

Le décès de Kenny Shields

L’honorable David Tkachuk : Le 1er juillet dernier, Kenny Shields a été victime d’un malaise alors qu’il chantait à Edmonton. Le 21 juillet, il est décédé à l’hôpital de Winnipeg, entouré de son épouse, Elena, de sa fille, Julia, et de ses amis proches. Il est mort dans sa ville adoptive, Winnipeg, au Manitoba, là où lui et son groupe, Streetheart, ont vécu et travaillé. Kenny Shields est arrivé à Winnipeg de Saskatoon, et à Saskatoon de la petite ville de Nokomis, en Saskatchewan, où il a été inhumé le samedi 2 septembre.

Il est rentré à la maison. Il avait 69 ans.

Il y a 50 ans, il était leader d’un groupe de Saskatoon appelé Witness, dont deux chansons figuraient au palmarès musical de New York : Jezebel et Harlem Lady. Bien avant la politique Juneau sur la musique canadienne, M. Shields prouvait que la musique canadienne pouvait bien se vendre simplement grâce à sa valeur intrinsèque.

(1410)

En 1969, il a failli mourir dans un accident de la route, et sa convalescence a duré longtemps. Bien des gens croyaient qu’il ne reprendrait jamais sa carrière, mais il leur a donné tort. Il a chanté avec deux groupes de Regina avant de fonder Streetheart à Saskatoon, puis de déménager à Winnipeg.

Streetheart a remporté six disques d’or, quatre disques platine, un 45 tours d’or, deux prix Ampex Golden Reel et un prix du choix du public Music Express.

Des chansons de Streetheart sont devenues des classiques du rock : Hollywood, Here Comes the Night et Under My Thumb, des Rolling Stones, dont Kenny a fait sa propre version. Après l’avoir écouté une fois, on n’a plus envie de revenir à l’original des Rolling Stones. Tin Soldier et What Kind of Love is This figurent parmi les autres excellentes chansons du groupe qui ont atteint le sommet des palmarès canadiens.

En septembre 2003, Streetheart a été intronisé au temple de la renommée de la musique de l’Ouest canadien. Kenny a fait du bénévolat pour Telemiracle, un organisme de bienfaisance de la Saskatchewan qui a recueilli des millions de dollars en dons.

Il a chanté toute sa vie, et c’est la raison pour laquelle nous l’aimions tous. Il suffit de lire les réactions de son public dans les sites web et sur Facebook pour mesurer son influence dans la vie de nombreuses générations.

Le monde de la musique, avec tous ses artisans, nous berce d’histoires d’amour, de mélodies du pays, de chansons d’amitié, de tristesse et de joie. Nous ne goûterions pas avec le même plaisir notre passage sur terre sans la musique. Ceux qui nous en font cadeau occupent une place spéciale parmi nous.

Kenny Shields personnifie le monde de la musique. Il a cultivé son art et nous a tous élevés avec lui. Il était un professionnel, et il nous en donnait toujours plus que pour notre argent dans ses spectacles. Il aura représenté magnifiquement l’industrie de la musique.

Si vous voulez vous faire plaisir, rendez-vous dans la boutique iTunes et cherchez-y la musique de Kenny Shields. Vous y trouverez un album solo où Kenny Shields chante I’m Sorry, de Brenda Lee, et The Thrill is Gone, une chanson de B.B. King.

Le Sénat du Canada remet des médailles pour honorer les Canadiens qui ont apporté d’importantes contributions à notre pays et qui en ont fait un meilleur endroit où vivre. Je vais lui en remettre une à titre posthume. Son épouse, Elena, l’acceptera en son nom en novembre.

Le 6 septembre, la Saskatchewan a souligné la journée Kenny Shields. Nous avons pleuré son départ et célébré sa musique.

Au nom de tous les sénateurs et du Sénat du Canada, je remercie Kenny Shields et j’offre nos plus sincères condoléances à son épouse, Elena, à sa fille, Julia, à tous les autres membres de sa famille et aux membres du groupe Streetheart.

Le décès de Gretta Chambers, C.C., O.Q.

L’honorable Joan Fraser : Le 9 septembre, le Canada a perdu une citoyenne exceptionnelle. Gretta Chambers, qui est décédée à l’âge de 90 ans, a exercé une influence bienfaisante sur à peu près tous les secteurs de sa collectivité.

Elle a grandi au sein des deux communautés linguistiques officielles, son père étant anglophone et sa mère, francophone. Toute sa vie, Gretta s’est employée à jeter des ponts de compréhension entre les deux groupes linguistiques au Québec.

Sa famille a toujours été active sur le plan politique, bien que de diverses façons. Son frère, le philosophe, Charles Taylor, s’est déjà présenté comme candidat néo-démocrate, et son fils, Jeffrey, a été un proche adjoint du chef du NPD Tom Mulcair. Son défunt mari, Egan Chambers, a été président du Parti progressiste-conservateur et député conservateur.

Egan et Gretta ont eu cinq enfants pendant une période de six ans. Cela suffirait à occuper la plupart des femmes, et plus encore lorsque le mari se trouve à Ottawa, mais ce n’était pas le cas de Gretta. Elle était une bénévole infatigable, alors même qu’elle bâtissait sa carrière professionnelle en tant qu’analyste des affaires publiques, à une époque où les femmes n’étaient pas nécessairement les bienvenues dans ce domaine.

Pour jeter des ponts entre les communautés linguistiques, elle a tout d’abord animé une émission de radio hebdomadaire où elle informait l’auditoire anglophone de ce qui était publié dans les journaux de langue française de la province. Elle a ensuite animé une émission de télévision et a été chroniqueuse pour le journal The Gazette pendant de nombreuses années. J’ai été sa rédactrice en chef pendant 15 de ces années, et nos rencontres étaient mon moment préféré de la semaine.

Le Québec traversait alors une période tumultueuse de son histoire. On était au lendemain de la Révolution tranquille et le mouvement souverainiste était en pleine ascension, alors les émotions étaient à fleur de peau, et il était dangereusement facile de tomber dans la mauvaise foi, mais Gretta a toujours préféré prêcher la compréhension mutuelle, y compris par l’exemple. Elle a réussi à gagner le respect et l’estime des gens des deux côtés. Elle était une fédéraliste convaincue, mais ses analyses étaient toujours justes et son approche, modérée. Gretta était incapable, selon moi, de diaboliser ses opposants. En fait, il était plus probable qu’elle les déstabilise par sa bienveillance.

C’est d’ailleurs ce qui lui a valu les railleries de ceux que nous appelions les « Anglofrustrés », qui qualifiaient eux-mêmes les modérés de « moutons », un surnom que certains d’entre nous assumaient fièrement.

Aux funérailles de Gretta, son frère a dit que le don de soi était dans la nature de sa sœur. Elle donnait effectivement sans compter, sur les plans tant personnel que collectif. Je n’ai certainement pas assez de temps pour dresser la liste de tous les comités, groupes de travail, commissions et organismes dont elle a fait partie, mais je vous en cite quand même deux: elle a présidé un important groupe de travail provincial sur l’éducation en langue anglaise et, en 1991, elle a été la première femme dans la longue histoire de l’Université McGill à devenir chancelière de l'université. Sa bonne humeur n’avait d’égale que sa générosité et sa curiosité pour le monde, et elle était toujours d’une élégance parfaite: menue, mais avec un cœur gros comme ça.

À ses enfants, à ses petits-enfants et à son frère, j'offre mes plus sincères condoléances.

La pêche sur la côte Est

L’honorable Stephen Greene : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui me porter à la défense de la pêche sur la côte Est.

Le homard pêché au sud-ouest de la Nouvelle-Écosse génère 1 million de dollars en exportations, ce qui en fait le produit de la mer le plus lucratif et la plus important produit d’exportation de ma province, la Nouvelle-Écosse.

Malgré son succès — ou peut-être à cause de celui-ci —, ce secteur est maintenant la cible d’attaques de la part de l’honorable Dominic LeBlanc, ministre des Pêches et des Océans du Canada.

Le secteur des pêches du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse est un modèle d’innovation et d’entrepreneuriat. Il repose sur des ports et des entreprises familiales de taille moyenne. Bon nombre de ces entreprises existent dans leur localité respective depuis des siècles. Une famille que je connais œuvre dans l’industrie du homard depuis sept générations.

Dans un discours qu’il a prononcé devant des pêcheurs de homard cet été à Chester, en Nouvelle-Écosse, M. LeBlanc a ciblé spécifiquement l’industrie du homard, affirmant que les permis accordés aux pêcheurs étaient surévalués. Il a aussi laissé entendre que de nombreux pêcheurs contournaient les règles concernant les droits de propriété des permis. En fait, ces entreprises aident les collectivités à prospérer dans une économie rurale qui, autrement, connaîtrait des moments très difficiles.

Ces pêcheurs, de même que les membres des autres entreprises familiales qui achètent leurs prises, sont les mêmes personnes qui, à l’échelle locale, sont pompiers volontaires, appuient les églises et les équipes de hockey, font des dons aux œuvres de bienfaisance, font tourner les usines de transformation, fréquentent les magasins et donnent du travail aux jeunes, notre ressource la plus importante, dans les collectivités rurales.

Comment le ministre LeBlanc entend-il faire baisser la valeur des permis de pêche? Il ne l’a pas vraiment dit. Toutefois, il souhaite nous ramener à l’époque où son père était ministre des Pêches et où la politique sur les pêches était axée sur des considérations d’ordre social, au détriment de la viabilité économique. Il a déclaré qu’il souhaitait dynamiser la classe moyenne par l’entremise d’un secteur des pêches progressiste. Un secteur des pêches progressiste — j’espère que nous ne saurons jamais ce que signifie au juste cette expression.

Dans son discours, M. LeBlanc a fait allusion d’un ton sinistre à des changements qui sont fondamentaux pour vos entreprises. Il a tenu des propos menaçants pas moins de huit fois dans un discours de dix pages et organisé des consultations publiques qui ressemblaient plus à des conversations privées avec des groupes triés sur le volet. Il y a deux semaines, son ministère a annulé une séance de consultation qui devait se tenir à Yarmouth lorsqu’il est devenu évident que quelques détracteurs risquaient d’être présents.

Cela suffit, monsieur le ministre, cessez de vous en prendre à ce qui fonctionne bien et attaquez-vous plutôt aux véritables problèmes des pêches.

Le décès de Terry Ryan

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, Terry Ryan était un homme modeste, qui s’exprimait sans élever la voix et ne cherchait pas à attirer l’attention sur sa personne. Je pense que cela fait partie des nombreuses raisons pour lesquelles les Inuits de Cape Dorset, la collectivité qu’il a adoptée et qui l’a adopté, aimaient tant Terry Ryan, car les Inuits sont aussi reconnus pour leur tempérament affable et doux. Cela dit, c’était aussi parce que Terry Ryan, à l’instar de James Houston, son prédécesseur et collègue, a joué un rôle catalyseur pour ce qui est de faire de Cape Dorset le centre de l’art inuit à l’échelle mondiale. Dans un hommage en deux parties qu’elle a rédigé au sujet de Terry Ryan pour la publication Inuit Art Quarterly, Pat Feheley, une éminente historienne de l’art, a écrit ceci: « On me demande souvent d’expliquer pourquoi l’art est un tel succès à Cape Dorset. La réponse est simple : Terry Ryan. »

Terry a commencé en 1960 à gérer la West Baffin Eskimo Co-operative, sa boutique et son atelier de gravure, et a continué de le faire pendant 40 ans. Durant cette période, il a encouragé et aidé des artistes inuits célèbres, la plus connue d’entre eux étant Kenojuak Ashevak. L’empreinte de Terry se retrouve également dans une nouvelle génération d’artistes inuits novateurs, comme Shuvinai Ashoona et les regrettés Annie Pootoogook et Tim Pitsiulak.

Pat Feheley l’a en outre décrit comme un « visionnaire pragmatique » qui a su diversifier les activités de la coopérative en y greffant la vente de quincaillerie, de motoneiges et de carburant, ainsi que des services de poste, de transport aérien et de construction. En cours de route, il a été chasseur, conseiller de hameau et juge de paix; il a marié et enterré des gens et il a été, selon sa propre description, un « gargoussier » qui a appris, selon la méthode essais-erreurs, à utiliser de la dynamite pour l’extraction de pierre de savon.

(1420)

Terry Ryan a aussi fait découvrir de nouveaux supports aux artistes inuits, en commençant par les dessins au crayons, qu’il a collectionnés en 1964. Il a acquis une presse lithographique qu’il a fait venir à Cape Dorset par bateau et il a fait découvrir aux artistes l’aquarelle, les bâtons de peinture et la création de bijoux. Un grand nombre d’artistes du Sud étaient attirés par le Nord, et Terry a pris des dispositions pour qu’ils viennent travailler parmi les Inuits et qu’ils leur servent d’inspiration.

Terry Ryan avait de grands rêves. Il avait imaginé un nouveau centre de gravures d’arts répondant à un besoin criant qui, grâce à des collecteurs de fonds dévoués provenant du secteur privé et des gouvernements, est en construction en ce moment même sur un terrain que Terry Ryan a choisi il y a des années. L’immeuble s’appellera le Centre culturel Kenojuak.

De nombreuses personnes non inuites sont venues dans le Nord en quête de trésors ou d’avancement ou, bien sûr, pour laisser leur marque, mais peu d’entre elles sont aussi aimées et respectées que l’a été Terry Ryan, un grand homme rempli d’humilité, adopté et aimé par les Inuits. Jimmy Manning, l’un des protégés de Terry et l’ancien président de la Fondation de l’art inuit, a déclaré qu’« [i]l était très engagé dans la communauté, et [qu’]elle le considérait comme un membre à part entière et non comme un étranger ».

Il s’agit du seul hommage que Terry Ryan aurait voulu recevoir. Terry, un géant dans l’univers inuit qui a su voir le potentiel des artistes inuits, qui jouissent désormais d’une renommée mondiale, est décédé le 31 août dernier dans son lieu de naissance, Toronto.

Le Nunavut est un endroit bien meilleur depuis qu’il y a séjourné, et je lui rends hommage.


AFFAIRES COURANTES

L’étude sur des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général

Dépôt du seizième rapport du Comité des affaires étrangères et du commerce international auprès de la greffière pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable A. Raynell AndreychukHonorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 janvier 2016 et le 21 juin 2017, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international a déposé auprès de la greffière du Sénat, le 20 juillet 2017, son seizième rapport (intérimaire) intitulé Aggravation de la crise au Venezuela : enjeux pour le Canada et la région.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion de la sénatrice Andreychuk, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

L’étude sur les questions actuelles et émergentes dans le secteur bancaire et la politique monétaire aux États-Unis

Dépôt du seizième rapport du Comité des banques et du commerce auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 16 février 2017 et le 21 juin 2017, le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a déposé auprès du greffier du Sénat, le 28 juin 2017, son seizième rapport intitulé Étudier les questions actuelles et émergentes dans le secteur bancaire et la politique monétaire aux États-Unis.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand étudierons-nous le rapport?

(Sur la motion du sénateur Tkachuk, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Français]

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 26 septembre 2017, à 14 heures.


[Traduction]

PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L’impôt des petites entreprises

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder. J’aimerais revenir sur un point que vous avez soulevé pendant la période des questions d’hier.

Comme vous l’avez dit mardi, le ministère des Finances a révélé que le déficit budgétaire du gouvernement pour l’exercice se terminant le 31 mars 2017 s’élevait à 17,8 milliards de dollars, ce qui représente environ 8 milliards de dollars de plus que ce que le Parti libéral a promis aux Canadiens lors de la campagne électorale de 2015.

Dans un autre document que Finances Canada a publié aujourd’hui, on peut voir que le montant annuel associé aux infrastructures est inférieur de 3,7 milliards à ce que prévoyait le gouvernement. J’ai donc ajouté 3,7 à 17,8, ce qui donne 21,5 milliards de dollars, si mes calculs sont bons.

Lors de la conférence de presse, hier, le premier ministre n’a pas dit quand il s’engageait à éliminer le déficit. Les petites entreprises savent à quel point il est nécessaire d’équilibrer les comptes; il y a peut-être de bonnes années, mais il y en a aussi de mauvaises. Lorsque leurs comptes sont dans le négatif, les petites entreprises savent qu’elles doivent adopter un plan viable de retour à l’équilibre budgétaire. Les changements fiscaux que le gouvernement se propose de faire rendent la survie et la croissance de ces entreprises locales encore plus difficiles et les empêchent d’embaucher des employés et de créer ainsi des emplois.

Voici ma question : pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d’alourdir encore plus le fardeau fiscal des petites entreprises et des agriculteurs afin de combler son énorme déficit?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de sa question. Le gouvernement estime que les budgets fédéraux permettent de soutenir l’économie canadienne selon les circonstances. C’est la raison pour laquelle il lance, dans ses budgets, des initiatives visant à soutenir les gens de la classe moyenne et à alléger leur fardeau fiscal. Comme le sait le sénateur, ce fut le premier article au programme, au début de la présente législature. L’Allocation canadienne pour enfants fait aussi partie de ces mesures.

Je dois aussi rappeler que les lois qui régissent les entreprises canadiennes et le régime fiscal dans lequel elles évoluent sont très concurrentiels, surtout pour les petites entreprises. Je signale aussi que, dans les perspectives économiques qu’elle vient de publier, l’OCDE prévoit une croissance de l’économie canadienne de 3,2 p. 100 cette année et de 2,3 p. 100 en 2018. Ces données laissent croire que les initiatives économiques lancées par le gouvernement — qui, bien entendu, reçoivent l’appui des travailleurs canadiens et des entreprises, surtout des petites entreprises — permettent effectivement de soutenir l’économie.

Le sénateur Smith : Merci, monsieur le Président. Si on revenait au projet de loi C­2 de l’année dernière et au concept de la classe moyenne, l’honorable sénateur serait-il en mesure de nous dire ce qu’on entend par revenu de la classe moyenne ou revenu moyen? Est-ce entre la catégorie 1 et la catégorie 3, c’est-à-dire entre 50 000 $ et 100 000 $? Est-ce entre 100 000 $ et 200 000 $?

Le projet de loi C­2 permettait aux gens au bas de l’échelle de revenu de la classe moyenne proposée d’obtenir un remboursement de 81 $, et aux gens de l’extrémité supérieure de l’échelle de revenu de recevoir entre 100 et 200 $. C’est difficile à comprendre. L’explication est bien belle, mais elle ne nous aide pas vraiment à mieux comprendre.

Réduire les impôts des petites entreprises, réduire la paperasse et aider les entrepreneurs à obtenir le capital de risque nécessaire constituent quelques-unes des mesures prises par le gouvernement précédent afin de favoriser un environnement où les entreprises locales peuvent réussir et créer des emplois dont le Canada a besoin, en particulier pour les jeunes.

Malheureusement, par l’entremise de ces modifications fiscales, le gouvernement adopte une approche très différente qui pourrait nuire gravement aux agriculteurs et aux petites entreprises de l’ensemble du pays. Malgré la prestation pour la garde d’enfants que nous avons instaurée? qui est légèrement différente de celle du gouvernement précédent, il est manifeste que cela nous coûtera quand même 21 milliards de dollars. Qu’est-ce qui contribue vraiment à la relance, mis à part la hausse d’impôts et l’augmentation de la dette?

Le sénateur pourrait-il nous dire si le ministère des Finances a mené une analyse pour savoir combien d’entreprises fermeraient leurs portes et combien d’emplois seraient perdus avec l’application des propositions du ministre Morneau? Combien d’heures de travail seraient coupées? Combien de jeunes ne pourraient pas se trouver un emploi? Si une telle analyse est possible, serait-il possible de la déposer au Sénat afin que nous puissions constater les conséquences des propositions?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de poser cette question. En ce qui concerne les projections faites par le ministère des Finances, je vais me renseigner, mais je tiens à assurer à tous les Canadiens et les sénateurs que en soumettant à la consultation un ensemble de propositions visant à améliorer l’équité fiscale, surtout en ce qui a trait à l’impôt des entreprises, le gouvernement du Canada fait preuve de réalisme et s’assure que l’équité fiscale sera à la base de la mesure législative qu’il proposera.

(1430)

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse aussi au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur, je ne sais pas trop par où commencer. Tout d’abord, au Canada, les propriétaires des petites entreprises et des entreprises familiales que je connais, et que je rencontre souvent, travaillent jusqu’à 16 ou 18 heures par jour. Ils ont peu d’occasions de participer au processus de consultation, en partie à cause de barrières de langue, en partie faute de temps.

Je sais que ce processus prendra fin le 2 octobre, et j’espère sincèrement que la ministre étudiera très soigneusement toutes les préoccupations exprimées par les propriétaires de petites entreprises.

Cependant, ce matin, j’ai lu un article de la CBC citant un haut fonctionnaire qui a dit ce qui suit :

Nous n’allons pas que prendre, prendre et prendre encore. Nous allons aussi donner.

L’offre — la proverbiale cuillerée de sucre qui rend le remède moins désagréable — ferait partie des propositions finales présentées après la fin de la période de consultation, le 2 octobre.

Sénateur, les propriétaires de petites entreprises dont je parle souffrent de l’empiétement des magasins à grande surface sur leur entreprise, de la concurrence représentée par les produits de contrebande et le marché noir, des compagnies de cartes de crédit qui les arnaquent, et des impôts qu’ils doivent à tous les gouvernements. Ainsi, ils souffrent. Ils ne peuvent même pas prendre le remède si nous ne pouvons pas d’abord arrêter leurs saignements, et la petite dose de sucre n’aidera en rien.

La ministre écoutera-t-elle les préoccupations des propriétaires des petites entreprises et des entreprises familiales, qui ne pourront survivre aux mesures fiscales ayant une incidence négative sur le peu de profits dont ils disposent? Quelles garanties pouvez-vous nous donner que le ministre écoutera les Canadiens qui seront directement touchés?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question. Je peux lui confirmer que le ministre a lui-même affirmé à de multiples reprises qu’il est prêt à écouter et à agir. Il l’a affirmé à l’occasion de tables rondes tenues partout au pays et lors de rencontres avec des intervenants, où il était souvent accompagné de la ministre responsable de la petite entreprise; il tient à entendre les commentaires et inquiétudes des Canadiens au sujet des changements proposés.

Il convient de rappeler que le taux d’imposition général des sociétés en vigueur au Canada est inférieur de 12 points au taux de notre principal concurrent. Quant au taux d’imposition des petites entreprises, celui du Canada est l’un des plus bas du G7. Tout cela vient en aide à la petite entreprise.

L’honorable sénatrice et moi avons quelque chose en commun, puisque mes parents avaient une petite entreprise. Je sais donc combien de temps les propriétaires doivent consacrer à leur entreprise chaque jour. Le gouvernement en est aussi conscient. D’un autre côté, le gouvernement tient à rendre le régime fiscal équitable, particulièrement en ce qui touche l’impôt des sociétés, afin que tous les Canadiens, particulièrement ceux de la classe moyenne et ceux qui aspirent à en faire partie, ne voient pas un écart qui leur semble disproportionné entre leurs cotisations et celles des gens qui se prévalent de dispositions fiscales.

La sénatrice Martin : Étant donné son expérience, l’honorable sénateur sait sûrement qu’une réduction d’aussi peu que 0,5 p. 100 ou 1 p. 100 peut vraiment changer les choses pour les petites entreprises. Une telle réduction pourrait permettre à une entreprise de rester ouverte au lieu de fermer ses portes.

Le gouvernement libéral réduira-t-il le taux d’imposition des petites entreprises à 9 p. 100, tel qu’indiqué à la page 89 de sa plateforme électorale?

Le sénateur Harder : Bien entendu, ce n’est pas à moi d’indiquer la politique fiscale du ministre des Finances. Je serai heureux de lui poser votre question et de lui signaler votre appui envers les mesures prévues dans la plateforme électorale du parti au pouvoir.

La sécurité publique

La cybersécurité

L’honorable Percy E. Downe : Je trouve inquiétante l’atteinte à la sécurité qui a eu lieu chez Equifax, dont nous avons tous entendu parler dans les médias. La faille informatique est survenue en juillet. Les noms, les adresses et, ce qui est plus grave encore, les numéros d’assurance sociale de 100 000 Canadiens ont été exposés.

Hier, comme tous les sénateurs sans doute, j’ai reçu un courriel de la compagnie indiquant qu’elle offrira pendant un an des services de surveillance de crédit et de protection contre le vol d’identité. Voilà qui me semble tout à fait insignifiant, étant donné qu’Equifax est la source du problème et qu’il est très facile d’usurper l’identité d’une personne dont on connaît à la fois le numéro d’assurance sociale et l’adresse. Il est évident que, sachant que la compagnie prévoit une période d’un an, les individus qui ont mis la main sur les données attendront 13 mois avant de les utiliser.

Le gouvernement envisage-t-il de créer un projet de loi en vue de protéger les consommateurs d’incidents comme celui-ci? D’après ce que je comprends, le commissaire à la protection de la vie privée mène une enquête, ce qui n’est pas la même chose. J’aimerais que le gouvernement prenne les devants. Il propose d’autres projets de loi, comme une déclaration des droits des passagers aériens, mais la question qui nous occupe est encore plus importante, selon moi. Le gouvernement envisagerait-il un projet de loi visant à protéger les Canadiens dans cette affaire et dans d’autres qui pourraient survenir?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il souligne une atteinte très grave à la sécurité qui, en cette ère numérique, est une source de vive inquiétude pour tous les Canadiens. Comme le sénateur l’a mentionné, le Commissariat à la protection de la vie privée exerce pleinement son mandat dans ce dossier.

Pour ce qui est de ce que le gouvernement pourrait envisager, je vais certainement transmettre la suggestion de l’honorable sénateur au ministre. Je sais que le ministère se penche sur les mesures actuellement en place à la lumière des circonstances qui touchent Equifax, et je serai ravi de vous faire rapport de la réponse.

Le sénateur Downe : Merci. J’attends la réponse avec impatience. Pour ce qui est de l’examen en cours, je ne suis pas sûr de savoir à quel ministère vous faites allusion. Pourriez-vous être plus précis?

Je suis sûr que le commissaire à la protection de la vie privée fera enquête là-dessus, mais, ce qui est également fort préoccupant, c’est que les noms de 100 000 Canadiens se soient retrouvés sur un serveur d’une société américaine. Un nombre encore plus élevé de Canadiens emploient les services de cette société, mais je me demande comment des renseignements sur ces personnes en particulier se sont retrouvés sur le serveur d’une société établie dans un autre pays.

Le sénateur Harder : Je ne peux répondre à cette question en particulier, mais je me ferai un plaisir de voir ce que je peux faire afin de fournir une réponse.

Pour ce qui est des ministères concernés, ils seraient nombreux en raison des graves menaces que la cyberattaque représente pour les infrastructures. Étant donné la nature de son mandat, le ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique aurait certainement un rôle à jouer. Il y aurait donc plusieurs ministères qui auraient un rôle à jouer, y compris celui dont relève la commissaire à l’information et le commissaire à la protection de la vie privée.

L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail

Le financement des programmes d’alphabétisation

L’honorable Diane Griffin : J’ai une question à poser au représentant du gouvernement au Sénat.

Récemment, les trois coalitions pour l’alphabétisation encore présentes dans les Maritimes ont envoyé une lettre aux quatre premiers ministres, à l’ensemble des députés et à tous les sénateurs de l’Atlantique en vue de demander au gouvernement fédéral de réserver un montant de 600 000 $ dans le budget fédéral pour rétablir le financement de base des programmes d’alphabétisation de la région. Les modèles actuels de financement axé sur les projets ne sont pas adaptés aux réalités régionales du Canada atlantique, dont les habitants, moins nombreux qu’ailleurs au pays, vivent en grande partie dans des régions rurales.

La perte de ces services d’alphabétisation aura des répercussions sur les populations socioéconomiquement vulnérables, les populations francophones et autochtones, les minorités linguistiques et les immigrants. En deux mots, l’alphabétisation n’est pas seulement un droit. Elle est aussi indispensable à une participation active à la société. Elle constitue un déterminant de la santé et est fondamentalement essentielle pour bâtir une économie innovante qui offre de bons emplois durables.

Par conséquent, sénateur Harder, je pose la question suivante : premièrement, question de poursuivre le travail amorcé par la sénatrice Joyce Fairbairn, qui était la ministre fédérale à qui incombait la responsabilité précise de l’alphabétisation et qui a toute notre estime ici pour ce qu’elle a accompli dans ce dossier, accepteriez-vous de demander au gouvernement une dérogation aux modalités actuelles du programme fédéral d’alphabétisation, et qu’une demande soit faite de toute urgence au Conseil du Trésor pour que 0,00018 p. 100 du budget fédéral soit réservé pour les coalitions pour l’alphabétisation du Canada atlantique afin qu’elles puissent continuer d’exister?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de poser une question et je tiens à assurer, à elle et à tous les sénateurs, que le gouvernement comprend à quel point il est important que les Canadiens acquièrent la formation et les compétences dont ils ont besoin et surtout la capacité de lire et d’écrire, sans laquelle ils ne peuvent acquérir de formation ni d’autres compétences.Voilà pourquoi le gouvernement a inclus l’alphabétisation dans ses programmes d’acquisition de compétences essentielles, de formation et de perfectionnement, comme la Stratégie de formation pour les compétences et l’emploi destinée aux Autochtones et Connexion compétences pour les jeunes vulnérables.

(1440)

Le gouvernement a également prévu dans son budget un investissement supplémentaire de 1,8 milliard de dollars sur six ans, par l’entremise d’ententes avec les provinces et les territoires, pour offrir aux Canadiens les services d’aide à l’emploi et la formation dont ils ont besoin. Les sommes supplémentaires ciblent notamment l’aide aux employeurs qui couvre la formation associée, les compétences essentielles et l’alphabétisation.

Je serai heureux de communiquer la demande précise de l’honorable sénatrice à la ministre responsable, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, et de lui transmettre la réponse.

La sénatrice Griffin : Je suis heureuse d’apprendre que le gouvernement appuie l’alphabétisation.

Je souhaite, en fait, qu’une dérogation soit accordée. Je suis ravie que vous offriez de vous informer auprès de la ministre. Le gouvernement accepterait-il alors que le Comité sénatorial des finances nationales invite la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d’œuvre et du Travail, le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, la ministre de la Santé et le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique à expliquer comment, sans un financement de base, le gouvernement fédéral a l’intention d’appuyer l’alphabétisation au Canada atlantique s’il n’existe plus aucune coalition pour l’alphabétisation qui offrirait les services?

Le sénateur Harder : J’incite tout ministre qui est invité à s’exprimer devant des sénateurs à profiter de l’occasion.

Les finances

L’impôt des petites entreprises

L’honorable Douglas Black : Ma question porte également, sénateur Harder, sur la consultation au sujet des modifications fiscales proposées. J’aimerais mieux cibler l’enjeu, si possible.

Le 17 août, comme — je crois — beaucoup de gens le savent, j’ai écrit une lettre au ministre des Finances sur les modifications proposées à l’imposition des petites entreprises. J’y ai précisé que les propositions entraînaient de nombreuses conséquences indésirables et que la période de consultation était brève en plus de se dérouler pendant l’été. J’ai demandé que la consultation soit prolongée jusqu’au 30 novembre.

Le ministre m’a répondu cette semaine, et il n’a pas du tout mentionné la possibilité de prolonger la période de consultation. En fait, après avoir écouté les propos tenus par le ministre et le premier ministre pas plus tard qu’hier, je me demande si la période de consultation ne serait pas terminée.

Je souligne que, même si les circonstances sont peut-être différentes, la Cour suprême du Canada a déterminé la forme que doivent prendre les consultations dans la décision qu’elle a rendue sur la canalisation 9 d’Enbridge en juin 2017. Elle a parlé de la nécessité de fournir tant une possibilité adéquate de participer au processus décisionnel que la possibilité d’évaluer adéquatement les effets potentiels du projet. Je suis évidemment surpris que le gouvernement n’ait pas suivi les conseils de la Cour suprême du Canada.

Par conséquent, sénateur Harder, je ne peux m’empêcher de me demander si le gouvernement a vraiment l’intention de mener des consultations sérieuses. Mes collègues, au Sénat et à la Chambre des communes, et moi sommes-nous en train de perdre notre temps?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur d’avoir écrit au ministre derrière mon dos. Je tiens à l’assurer que le gouvernement mène des consultations sur cette question depuis que le document a été déposé, et que ces consultations se poursuivent. Le ministre a organisé de nombreuses tables rondes à l’échelle du pays. Comme je l’ai dit plus tôt, d’autres ministres, plus particulièrement la ministre de la Petite entreprise, étaient souvent présents à ces tables rondes. De plus, le ministre a rencontré de nombreux intervenants. Comme le laisse entendre la réponse à votre lettre, le ministre se réjouit du fait que le Sénat envisage de tenir ses propres audiences sur le document, et il serait heureux de pouvoir y comparaître, seul ou accompagné des fonctionnaires compétents, si c’est ce que veut le Sénat.

Les consultations sont donc bien réelles, et elles sont encore en cours. Il y a eu des consultations, et elles se poursuivront. Cependant, comme pour toute chose, elles prendront fin un jour. Après cette date, qui a déjà été fixée, le gouvernement devra déterminer comment donner suite à ces consultations et la forme législative que prendront les mesures qui en découleront.

Le processus est transparent depuis le début. Le gouvernement le suit avec confiance.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, bien sûr, j’ai été ravi d’entendre le sénateur Harder reconnaître plus tôt l’importance d’avoir un ratio dette-PIB solide et un taux d’imposition concurrentiel pour les sociétés en réponse à la question de la sénatrice Martin. Ce sont des piliers fondamentaux de l’économie. On peut remercier le gouvernement précédent de sa vision de l’économie très responsable sur le plan financier et du fait qu’il était déterminé à favoriser l’esprit entrepreneurial, bien évidemment.

La question que je souhaite poser au leader du gouvernement au Sénat porte sur les modifications fiscales proposées pour les petites entreprises annoncées par le ministre des Finances en juillet dernier.

Lors de la campagne électorale de 2015, M.Trudeau a affirmé dans une entrevue accordée à la CBC qu’une grande partie des petites entreprises n’étaient en fait qu’un moyen pour les Canadiens riches de payer moins d’impôts. Puis, mardi dernier, quand on lui a posé des questions pendant une autre entrevue à la CBC, le premier ministre a dit, et je cite :

Beaucoup de personnes riches luttent énergiquement pour conserver leurs avantages et font beaucoup de bruit.

Hier, vous n’avez pas été capable de donner une définition de la classe moyenne au leader de l’opposition. Il vous a posé la même question aujourd’hui et vous semblez toujours avoir de la difficulté à y répondre.

Étant donné les commentaires du premier ministre, peut-être pourriez-vous nous donner à la place la définition de « riche » du gouvernement?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. J’aimerais répondre tout simplement en répétant ce que le premier ministre, le ministre des Finances et d’autres personnes ont dit au cours des derniers mois : l’équité fiscale est au cœur des valeurs canadiennes. Les Canadiens doivent avoir l’assurance que l’on prendra des mesures à l’égard des structures d’entreprise existantes et passées qui nuisent à l’équité fiscale.

C’était l’un des sujets récurrents lors de la dernière campagne électorale. C’est un dossier dans lequel le gouvernement agit en tenant délibérément des consultations et en réfléchissant aux résultats de celles-ci afin de présenter des initiatives législatives appropriées.

Je ferai également remarquer que ce ne sont pas que les ministres qui accordent de l’importance à ces consultations. En effet, un grand nombre de Canadiens s’y sont exprimés. Certains approuvent les changements proposés et d’autres soulèvent des préoccupations. C’est le rôle du Sénat de fournir un examen objectif des faits, de déterminer ce à quoi doit ressembler l’équité fiscale et quelles sont les mesures à prendre, tandis que le gouvernement élabore sa réponse au processus consultatif. J’invite tous les sénateurs à participer à ce processus.

Le sénateur Housakos : Honorable sénateur, tout ce que nous demandons au gouvernement, c’est de définir ce qu’il entend par « riche » et par « classe moyenne » avant de procéder à l’exécution de cette stratégie fiscale ridicule.

Les libéraux ont rompu de nombreuses promesses qu’ils avaient faites aux petites entreprises lors de la campagne électorale de 2015. La promesse de réduire leur taux d’imposition et celle d’éliminer leurs cotisations à l’assurance-emploi lorsqu’elles embauchent des jeunes ont toutes deux été rompues.

L’an prochain, le gouvernement augmentera les charges sociales en haussant les cotisations à l’assurance-emploi et il fera grimper les coûts de l’énergie en imposant, bien sûr, la chère taxe sur le carbone du premier ministre. En 2019, c’est la hausse des cotisations au Régime de pensions du Canada qui entrera en vigueur.

Monsieur le leader du gouvernement, pouvez-vous, je vous prie, expliquer pourquoi le gouvernement libéral continue de prendre encore et encore des décisions qui ne font rien pour favoriser la vitalité et la croissance des petites entreprises et de l’esprit d’entreprise au pays?

Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Je répète que le gouvernement a pour politique économique, à la base, de favoriser l’innovation, l’entrepreneuriat et la croissance de l’économie, en particulier une économie comme la nôtre qui, comme le sait pertinemment le sénateur, dépend fortement des PME et de leur prospérité. Voilà pourquoi le Canada continue de jouir de l’un des taux d’imposition des petites entreprises les plus faibles du G7, le taux provincial-fédéral combiné étant de 14,2 p. 100 ou de 14,4 p. 100.

C’est dans cet esprit que le gouvernement poursuit les consultations sur l’équité fiscale.

Le cabinet du premier ministre

Les déclarations de revenus du premier ministre

L’honorable David Tkachuk : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, hier, des reporters ont posé des questions au premier ministre sur son recours à des fiducies de placement pour protéger le patrimoine familial. Comme l’a rapporté le Globe and Mail, le premier ministre n’a pas précisé s’il payait sa juste part d’impôts. Pourtant, il maintient le cap pour ce qui est de supprimer les allégements fiscaux consentis aux petites entreprises. Voilà sa vision des choses.

(1450)

Permettez-moi de citer encore le même article :

M. Trudeau a semblé pris de court lorsque des reporters lui ont demandé pourquoi il entendait annuler certaines mesures d’évitement fiscal qui profitent aux petites entreprises alors que sa propre famille avait employé d’autres moyens légaux pour réduire la charge fiscale liée à la fortune laissée par son père, feu Pierre Trudeau.

Hier, lorsqu’on le lui a demandé, le premier ministre a refusé de dire s’il était prêt à révéler le montant des impôts que sa famille a pu éviter de payer en ayant recours à une fiducie familiale. Sa famille et lui ont-ils payé leur juste part d’impôt, selon sa propre définition?

Le premier ministre pourrait rapidement mettre fin aux spéculations; il lui suffirait de rendre publiques ses déclarations de revenus pour les années concernées, y compris les années antérieures à 2014. Sénateur Harder, pourriez-vous demander au premier ministre qu’il le fasse?

Des voix : Bravo!

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et je serai ravi de soumettre sa question au premier ministre.

Le sénateur Tkachuk : Pourriez-vous tenter d’obtenir une réponse avant les quatre à huit mois auxquels nous sommes habitués?

Le sénateur Harder : Je serai heureux de pouvoir donner une réponse aussi rapidement que c’était le cas lorsque des questions étaient posées au précédent gouvernement.

[Français]

La famille, les enfants et le développement social

Le soutien apporté aux enfants

L’honorable Chantal Petitclerc : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, je vous amène dans une autre direction, vous en serez heureux. L’UNICEF a publié, en juin dernier, les conclusions d’une étude, dont on entend souvent parler, sur le bien-être des enfants dans 41 pays développés. On apprenait que, malheureusement, le Canada se situe au 25e rang de ce classement, alors que, en 2010, il était au 10e rang. Selon le directeur d’UNICEF Canada, c’est une tragédie.

De plus, les pays qui progressent dans le classement sont ceux qui investissent davantage en faveur du développement de la petite enfance. En réaction à l’annonce de ce classement, la ministre fédérale responsable des enfants a reconnu que, évidemment, élever les enfants représentait des coûts importants et que les familles canadiennes ont désespérément besoin d’aide.

Monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, puisque tout le monde s’entend pour dire que la situation est alarmante, que c’est un problème et que des investissements sont essentiels, ma question est très simple : qu’attendons-nous pour investir davantage et plus tôt afin de favoriser la qualité de vie de nos jeunes Canadiens?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Il s’agit d’une question importante qui a un lien avec ce dont nous parlons.

Le rapport de l’UNICEF sur le bien-être des enfants donne un portrait de la situation économique des enfants au Canada. Je peux assurer à la sénatrice, et à tous les sénateurs, que le gouvernement du Canada prend très au sérieux la nécessité pour les familles canadiennes de soutenir leurs enfants.

Je dois souligner que le rapport de l’UNICEF est fondé sur des données de 2014. Ces données montrent que, pendant la période visée, soit de 2010 à 2014, il y a eu une détérioration du bien-être des enfants canadiens. Le gouvernement a lancé diverses initiatives, notamment l’Allocation canadienne pour enfants, qui est entrée en vigueur le 20 juillet de l’an dernier. D’autres initiatives prévues dans le budget vont faire en sorte que des services de garde abordables et de qualité soient offerts, y compris des services adaptés à la culture des parents et enfants autochtones.

Le budget de 2017 a prévu un investissement de 7 milliards de dollars sur 10 ans pour créer partout au Canada des places en garderie de qualité, et ce, à prix abordable. Vous savez sans doute qu’il y a eu une réunion des ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux responsables des programmes d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, qui a abouti à l’annonce, cet été, du cadre multilatéral d’apprentissage et de garde des jeunes enfants, une politique à l’appui des travaux des gouvernements fédéral et provinciaux dans ce domaine important. Le gouvernement du Canada prend les mesures nécessaires pour être en meilleure position lors de la prochaine étude.

Une voix : Ce n’est pas ce qui était prévu.

[Français]

L’agriculture et l’agroalimentaire

Les consultations menées auprès des agriculteurs

L’honorable Jean-Guy Dagenais : À votre grand déplaisir, monsieur le leader du gouvernement au Sénat, j’aimerais revenir aux mesures fiscales de votre gouvernement. Hier, lorsque je vous ai fait part des dommages économiques pour le monde agricole, qui sont clairement prévisibles et qui sont liés, entre autres, à la réforme fiscale que propose votre gouvernement, vous m’avez demandé de faire confiance au processus de consultation mis en place. J’ai des réserves à ce sujet, surtout lorsque j’entends les réponses du premier ministre qui dit consulter, mais qui ne semble avoir aucune écoute pour les provinces et les services de police quant à la légalisation de la marijuana qu’il veut mettre en œuvre. J’ai bien peur que le même phénomène ne se reproduise en ce qui concerne la réforme fiscale.

Pouvez-vous nous assurer aujourd’hui que des consultations publiques seront menées, et je dis bien « publiques », qui s’adresseront particulièrement aux agriculteurs du pays, avant que l’on adopte une loi qui touchera 43 000 fermes familiales du Canada qui sont actuellement incorporées pour des raisons fiscales tout à fait raisonnables?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Je répète que les initiatives lancées par le gouvernement en vue de la tenue de consultations ne s’appliquent pas à un secteur particulier. C’est pourquoi les consultations qui étaient en cours et qui le sont toujours ont donné lieu à la création de tribunes dans divers secteurs de l’économie, dont le secteur agricole. Je suis convaincu que le ministre continuera de consulter les Canadiens dans divers secteurs partout au pays, seul ou avec les autres ministres visés.

[Français]

Réponses différées à des questions orales

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes : la question posée par l’honorable sénateur Carignan, le 9 mars 2017, concernant la légalisation de la marijuana—les sondages et les études; la question posée par l’honorable sénateur Day, le 12 avril 2017, concernant la mise en œuvre du budget; et la question posée par l’honorable sénatrice Cordy, le 21 juin 2017, concernant les relations entre les médecins et les sociétés pharmaceutiques.

La justice

La légalisation de la marijuana—Les sondages et les études

(Réponse à la question posée le 9 mars 2017 par l’honorable Claude Carignan)

Santé Canada n’a pas effectué des études ou des sondages auprès de groupes cibles sur la décriminalisation ou légalisation de toutes drogues autre que la marijuana.

Les finances

La mise en œuvre du budget

(Réponse à la question posée le 12 avril 2017 par l’honorable Joseph A. Day)

Le gouvernement croit qu’un Sénat moins partisan aidera à rétablir la confiance des Canadiens et Canadiennes envers cette institution parlementaire. Comme promis, le gouvernement a créé un Conseil consultatif indépendant sur les nominations au Sénat. Celui-ci a fourni au Premier ministre des recommandations fondées sur le mérite pour les nominations au Sénat. En conséquence, le Sénat change et devient moins partisan. Le gouvernement appuie le Sénat alors qu’il décide lui-même de quelle façon il procédera à sa modernisation, et espère maintenir un dialogue sur cet important processus. Le Premier ministre, comme l’ensemble des ministres, croit en l’importance d’un dialogue continu avec les Sénateurs à propos des initiatives et projets de loi du gouvernement. Voilà pourquoi, par exemple, de nombreux Ministres du Cabinet se sont présentés à la période de questions du Sénat pour répondre directement aux questions des Sénateurs. Le gouvernement est résolu à poursuivre la discussion avec les Sénateurs, afin de leur fournir l’information dont ils ont besoin pour faire leur travail et remplir leur rôle.

La santé

Les relations entre les médecins et les sociétés pharmaceutiques

(Réponse à la question posée le 21 juin 2017 par l’honorable Jane Cordy)

Le gouvernement du Canada s’est engagé à l’ouverture et à la transparence.

Les fonctionnaires de Santé Canada examinent ce qui pourrait être fait au niveau fédéral pour faciliter la transparence.

Nous restons ouverts à de nouvelles approches pour accroître la transparence pour les Canadiens et Canadiennes.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur le précontrôle (2016)

Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Douglas Black propose que le projet de loi C-23, Loi relative au précontrôle de personnes et de biens au Canada et aux États-Unis, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, je suis heureux de pouvoir être le premier à prendre la parole dans le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-23, Loi sur le précontrôle de 2016. Ce projet de loi accélérera et facilitera les déplacements des personnes et des marchandises entre le Canada et les États-Unis en augmentant le nombre d’endroits au Canada où les voyageurs à destination des États-Unis peuvent se soumettre au précontrôle, en étendant le précontrôle à un plus grand nombre de moyens de transport et en établissant un cadre de précontrôle des marchandises et de précontrôle par des agents canadiens aux États-Unis.

Le précontrôle n’est pas un concept nouveau dans la gestion des déplacements transfrontaliers entre le Canada et les États-Unis. La plupart d’entre nous, sinon la totalité, s'y sommes déjà soumis. Un agent des douanes et de l’immigration des États-Unis effectue simplement au Canada le même contrôle qui serait fait normalement aux États-Unis, de manière à ce que le voyageur puisse être traité comme un citoyen de ce pays lors de son arrivée là-bas. C’est un programme qui donne de très bons résultats, un programme rentable, qui présente des avantages économiques pour les deux pays et qui existe sous une forme ou une autre depuis plus de 60 ans.

Le précontrôle se fait actuellement dans huit aéroports du Canada : Vancouver, Calgary, Edmonton, Winnipeg, Toronto Pearson, Ottawa, Montréal et Halifax. En outre, un précontrôle partiel, que l’on appelle une préinspection, se fait dans quelques ports d’entrée maritimes de la côte Ouest ainsi qu’à la gare ferroviaire Pacific Central, à Vancouver.

Chaque année, environ 12 millions de passagers sont soumis au précontrôle avant de prendre l’avion au Canada. Ils peuvent ainsi passer plus rapidement et plus aisément la frontière, notamment en évitant les longues files d’attente aux douanes des États-Unis et en ayant directement accès à des aéroports américains qui n’ont pas de bureau des douanes, comme l’aéroport Reagan, à Washington, ou l’aéroport LaGuardia, à New York. Au total, un million de voyageurs canadiens se rendent dans ces deux aéroports, chaque année.

(1500)

Depuis l’aéroport Pearson, par exemple, les voyageurs ont accès directement à 50 destinations américaines sans précontrôle. Comme il n’y aura pas d’opérations douanières dans ces villes américaines, ce nombre sera ramené à 27 si les mesures relatives au précontrôle ne sont pas adoptées.

Si les déplacements transfrontaliers se font de manière plus efficace, le Canada pourra attirer plus de touristes et de voyageurs d’affaires et accroître la compétitivité des aéroports, des gares et des ports canadiens. Les économies locales en retireraient également des avantages considérables. C’est pourquoi la possibilité d’une expansion du précontrôle, à de nouveaux lieux et là où il existe déjà, a été accueillie très favorablement.

Ainsi, la Chambre de commerce du Canada estime que les nouvelles activités de précontrôle vont améliorer de beaucoup la compétitivité des échanges nord-américains. Les chambres de commerce du pays, de même que l’industrie touristique, les administrations aéroportuaires et les gouvernements locaux, ont tous exprimé des opinions semblables.

Or, comme le précontrôle suppose nécessairement la participation de deux pays — dans ce cas-ci le Canada et les États-Unis —, ces derniers doivent s’entendre sur les conditions de l’expansion. À l’heure actuelle, aux États-Unis, les activités de précontrôle sont régies par un accord canado-américain signé en 2001 qui ne porte que sur le transport aérien, alors qu’au Canada elles relèvent de la Loi sur le précontrôle de 1999.

Les pourparlers visant à établir le cadre de l’expansion des activités de précontrôle ont véritablement commencé en 2011, lorsque le Canada et les États-Unis ont lancé le plan d’action Par-delà la frontière, et sont plus particulièrement axés sur l’expansion qui pourrait faciliter davantage les échanges et renforcer la collaboration dans les domaines d’intérêt commun.

En mars 2015, nos deux pays ont signé l’Accord relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien pour permettre l’expansion en question. L’entrée en vigueur de cet accord exige l’adoption d’une loi des deux côtés de la frontière.

En mars 2016, une entente de principe a été conclue avec les États-Unis en vue d’élargir ces mesures une fois que le projet de loi aura été adopté et que les installations nécessaires seront en place. On aménagera des installations de précontrôle à l’aéroport Jean-Lesage de Québec, à l’aéroport Billy Bishop de Toronto, à la gare centrale de Montréal et à celle du train le Montagnard des Rocheuses, en Colombie-Britannique, et on normalisera les opérations au port de la Colombie-Britannique et à la gare de Vancouver.

En décembre 2016, le Congrès américain a adopté à l’unanimité une loi visant à mettre en application cette entente et, au cours du même mois, le président Obama a signé celle-ci. À l’époque, le président de la Chambre de commerce et d’industrie de Québec avait qualifié l’adoption de la loi par le Congrès américain de merveilleux cadeau de Noël pour sa ville.

L’étape ultime, c’est l’adoption de la mesure législative à l’étude aujourd’hui — le projet de loi C-23 —, qui mettra en œuvre l’entente au Canada et qui, enfin, permettra d’élargir les opérations de précontrôle, ce qui entraînera des avantages sur les plans de l’économie et des déplacements.

Le 14 juin, David MacNaughton, ambassadeur du Canada aux États-Unis, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Il a alors dit à quel point il était important d’adopter rapidement le projet de loi C-23, étant donné que les autorités américaines avaient déjà mis en œuvre les dispositions de l’entente les concernant. Je suis d’accord avec lui là-dessus.

Fait important, alors que, parfois, on pense que l’accélération de la circulation transfrontalière constitue une concession sur le plan de la sécurité, le précontrôle est un moyen d’accélérer et de faciliter les déplacements, tout en resserrant la sécurité, car les personnes et les marchandises qui posent une menace peuvent être interceptées avant de franchir la frontière.

Chose tout aussi cruciale, le précontrôle permet de renforcer les mesures de protection juridiques dont bénéficient les voyageurs canadiens. En l’absence de précontrôle, les Canadiens sont assujettis aux procédures frontalières américaines aux États-Unis, sans bénéficier des garanties juridiques ou constitutionnelles canadiennes. En revanche, un voyageur assujetti aux formalités des douanes et de l’immigration américaines au Canada est toujours protégé par la loi canadienne, y compris la Déclaration canadienne des droits et la Charte canadienne des droits et libertés.

Bien que les contrôleurs américains appliquent les critères d’admissibilité américains, leur conduite doit respecter les lois canadiennes pendant qu’ils se trouvent en sol canadien. Autrement dit, le précontrôle fournit des avantages économiques tangibles aux niveaux national et local, tout en améliorant la sécurité et l’intégrité des frontières. De plus, il est logique de trouver des moyens d’offrir ces avantages à un plus grand nombre de Canadiens, à plus d’endroits au pays, et c’est exactement ce que le projet de loi C-23 vise à accomplir.

J’aborderai maintenant les dispositions du projet de loi, qui compte trois parties. La partie 1 établit le cadre qui régira les activités de précontrôle des États-Unis au Canada, la partie 2 fait de même pour les activités de précontrôle éventuelles aux États-Unis et la partie 3 traite de la possession d’armes à feu et de questions relevant du droit criminel. Le projet de loi contient aussi une disposition exigeant l’examen indépendant de la loi cinq ans après son entrée en vigueur.

En pratique, le cadre établi dans la partie 1 n’entraînera pas de différences notables pour les voyageurs qui se rendent aux États-Unis en ce qui a trait au précontrôle, outre le fait qu’ils pourront profiter du précontrôle dans plus d’endroits. Par exemple, aux termes de la loi actuelle et du projet de loi C-23, les contrôleurs américains peuvent interroger des voyageurs, examiner et saisir des biens, percevoir des droits et d’autres frais et recueillir généralement les mêmes renseignements que ceux recueillis par les agents des services frontaliers américains aux points d’entrée ordinaires. Rien ne change.

Les sanctions imposées pour avoir induit en erreur ou entravé un contrôleur demeureront les mêmes dans le projet de loi C-23. À l’instar de la loi actuelle, le projet de loi C-23 permet aux agents américains de détenir un voyageur s’il a des motifs raisonnables de croire que celui-ci a commis une infraction à la loi canadienne ou présente un risque pour sa santé ou sa sécurité ou celle des autres, et le voyageur doit être transféré aussitôt que possible sous garde canadienne. Les agents américains n’ont pas, et n’auront pas davantage, le pouvoir d’arrêter des voyageurs au Canada.

Comme c’est déjà le cas, les agents états-uniens seront en mesure de procéder à une fouille par palpation des voyageurs. S’ils estiment nécessaire d’effectuer une fouille à nu, ils devront demander à un homologue canadien de s’en charger. Le seul changement à cet égard aux termes du projet de loi C-23, c’est que, dans l’éventualité peu probable qu’un agent canadien ne veuille pas ou ne puisse pas effectuer la fouille, l’agent états-unien aurait l’autorisation de faire celle-ci lui-même, conformément à la mesure législative. Il faudrait donc qu’elle ait lieu en présence de témoins appropriés. Cependant, je tiens à informer le Sénat que j’ai fait mon enquête quant aux fouilles à nu, et on m’a informé qu’il n’y a eu que deux demandes pour effectuer de telles fouilles sur une période de 10 ans.

À l’instar de la loi actuelle, le projet de loi C-23 permettra aux voyageurs qui ne souhaitent plus se rendre aux États-Unis de quitter la zone de précontrôle s’ils ne sont pas détenus. La seule différence, c’est qu’on peut demander à un voyageur de s’identifier et d’expliquer pourquoi il quitte la zone. La raison d’être de cette mesure est simple : elle sert à empêcher les gens d’entrer dans les zones de précontrôle dans le but de repérer les points faibles de la sécurité et essayer ensuite de quitter la zone.

Le projet de loi indique clairement que, lorsqu’un voyageur a déclaré qu’il souhaite quitter la zone, on ne peut pas le retarder de façon déraisonnable. Il y a eu des discussions à l’autre endroit au sujet de ce que signifierait, en pratique, le concept de retard déraisonnable, alors il est important de préciser que le concept de ce qui est raisonnable existe déjà dans la loi canadienne, notamment en ce qui a trait aux retards et aux pouvoirs des agents. Par exemple, la Charte des droits et libertés protège contre « les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives ». La Loi sur les douanes exige que la fouille des voyageurs nouvellement arrivés ait lieu dans un délai justifiable, et le Code criminel prescrit de conduire la personne arrêtée devant un juge de paix sans retard injustifié. En général, les tribunaux ont interprété ce concept de façon à ce que la plupart considèrent la situation raisonnable selon les circonstances. Dans le cas des contrôleurs, il correspond aux normes généralement acceptées. Alors, en précisant qu’on ne doit pas retarder les voyageurs au-delà de la limite du raisonnable, le projet de loi impose une norme qui existe déjà en droit canadien et que connaissent bien les tribunaux du pays.

(1510)

Dans les faits, cela signifie que les voyageurs qui souhaitent quitter la zone de précontrôle pourront le faire après avoir répondu aux questions dont je parlais, c’est-à-dire qu’ils devront décliner leur identité et expliquer pourquoi ils veulent rebrousser chemin.

On est loin de ce qui se passe quand un voyageur arrive aux États-Unis sans avoir fait l’objet d’un précontrôle, ce qui correspond à l’heure actuelle à la majorité des gens qui n’arrivent pas de l’un des huit aéroports dont j’ai fait la liste tout à l’heure.

Aujourd’hui, par exemple, les Canadiens qui arrivent aux États-Unis en avion à partir de Québec ou de Regina ou en train depuis Vancouver ne jouissent d’aucune protection légale ou constitutionnelle. Ils doivent se soumettre sans condition aux procédures des autorités américaines des douanes et de l’immigration qui sont en vigueur aux États-Unis. Ils ne peuvent certainement pas décider de rebrousser chemin et de rentrer chez eux sans avoir à répondre à certaines questions, puisqu’ils sont déjà aux États-Unis.

En étendant le précontrôle à un nombre accru d’installations et de modes de transport, le projet de loi C-23 permettra à un nombre accru de voyageurs de franchir la frontière américaine pendant qu’ils sont encore au Canada et qu’ils jouissent toujours de la protection des lois canadiennes.

Plusieurs recours s’offrent aux voyageurs canadiens qui estiment avoir été traités indûment pendant le précontrôle. Ils peuvent tout d’abord se prévaloir de toute la gamme de recours et de mécanismes de plaintes qu’offrent le Service des douanes et de la protection des frontières des États-Unis et le département de la Sécurité intérieure.

De plus, grâce à l’amendement apporté par le Comité de la sécurité publique de la Chambre des communes, les voyageurs qui devront se soumettre à plus qu’une simple fouille par palpation, qui se feront interroger ou qui seront mis en détention avant de quitter la zone de précontrôle pourront informer les hauts fonctionnaires canadiens du Groupe consultatif chargé du précontrôle, c’est-à-dire l’organisme binational à qui il revient de passer en revue les questions liées au précontrôle.

Comme le prévoit l’article 39 du projet de loi, les voyageurs canadiens pourront, conformément à la Loi sur l’immunité des États, poursuivre au civil le gouvernement des États-Unis devant les tribunaux canadiens pour le travail des contrôleurs.

Les contrôleurs jouiront encore de la même immunité individuelle contre les poursuites au civil, mais le Canada pourra exiger le retrait des contrôleurs qui abusent de leurs pouvoirs. La même chose s’applique réciproquement au travail des contrôleurs canadiens aux États-Unis. En effet, la réciprocité est le principe général sur lequel reposent la nouvelle entente et la loi. Voilà qui m’amène à la partie 2 du projet de loi.

Il faut savoir que, présentement, le Canada n’effectue pas de précontrôle aux États-Unis. Le projet de loi C-23 établira toutefois le cadre législatif nécessaire pour que ce soit possible. Un jour, grâce au projet de loi, les voyageurs pourront régler les formalités douanières et les procédures d’immigration aux États-Unis, avant même d’entrer au Canada, de sorte que à leur retour à Ottawa, Vancouver, Calgary ou Québec, ils pourront quitter les lieux aussitôt descendus de l’avion, du train ou du bateau.

Autrement dit, il n’y aura plus de longues files d’attente à la douane après l’arrivée au Canada. Du point de vue de la sécurité, les voyageurs et les bagages qui présentent un risque pourront être interceptés d’avance, ce qui évitera qu’on doive s’occuper du problème une fois qu’ils sont au Canada.

Il n’est pas nécessaire de s’attarder sur les détails du fonctionnement des mesures canadiennes de précontrôle aux États-Unis. Ces mesures fonctionneront de la même façon qu’ici. Elles seront pareilles en tout point. Les contrôleurs canadiens appliqueront les critères d’admissibilité et les règles douanières du Canada dans les aéroports, les gares et les ports américains; les voyageurs et les biens ayant été prédédouanés seront essentiellement considérés à leur arrivée comme s’ils étaient en provenance du Canada.

L’une des inquiétudes exprimées dans les médias concerne les résidents permanents du Canada : les contrôleurs canadiens leur refuseront-ils l’entrée au pays après un séjour aux États­Unis? La réponse courte est non, on ne leur refusera pas l’entrée au Canada. La seule exception serait dans le cas très rare où un document permanent contient un problème important lié à l’admission, ce qui indique probablement l’existence d’un dossier criminel. Si un citoyen canadien qui était en service en Syrie ou qui travaillait avec le groupe État islamique essayait de revenir au Canada et se présentait à un centre de précontrôle, les agents ne pourraient pas s’en occuper, car ils n’auraient pas la formation requise. De plus, ils ne disposeraient pas des installations nécessaires.

Il s’agit d’un cas très rare. Un tel voyageur serait tout de même en mesure de revenir au Canada, assujetti aux règles d’admission habituelles. Cependant, il aurait à passer par un autre point d’entrée sans avoir l’option du précontrôle. Cela s’explique par le fait que les centres de précontrôle ne disposeront pas des installations nécessaires pour traiter ce genre de cas exceptionnel.

De toute évidence, il est question du principe de réciprocité — que j'ai mentionné plus tôt — à la partie 3 du projet de loi. On y traite de la juridiction en matière pénale et de la possession d’armes à feu.

Si un contrôleur commet une infraction criminelle dans le cadre de ses fonctions, le pays hôte — dans ce cas-ci, le Canada —, exercera sa priorité de juridiction relativement aux infractions les plus graves, c’est­à­dire le meurtre, l’agression sexuelle et le terrorisme. Pour sa part, le pays responsable de l'inspection — dans ce cas-ci, les États-Unis — exercera sa priorité de juridiction afin de mener des poursuites relatives à toutes les autres infractions. Le pays hôte exercera toujours sa priorité de juridiction relativement aux infractions commises par un agent qui n’est pas en service. Comme je l’ai dit, ce sera tout aussi vrai pour les agents canadiens aux États­Unis que pour les agents américains au Canada.

En ce qui concerne l’autorisation de porter des armes et des dispositifs de contention, les contrôleurs seront autorisés à porter les mêmes armes et dispositifs de contention que les agents frontaliers du pays hôte travaillant dans le même environnement opérationnel.

Actuellement, dans les aéroports canadiens, si vous passez par l’aéroport de Calgary pour vous rendre à Chicago, les agents frontaliers américains ne sont pas armés. Ils ne sont pas armés, car les agents frontaliers canadiens ne sont pas armés, et les agents américains ne peuvent pas être armés tant que les agents frontaliers canadiens ne le sont pas.

Pour ce qui est de l’autorisation de porter des armes, comme je l’ai indiqué, c’est le même environnement opérationnel qui sera le critère pertinent. Autrement dit, comme les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada sont autorisés à porter des armes aux passages terrestres, ferroviaires et maritimes, les contrôleurs américains le seront aussi. Cependant, comme les agents des services frontaliers du Canada ne portent pas d’arme dans les aérogares du Canada, les contrôleurs américains ne pourront pas y en porter non plus.

Il est important de souligner que la limite stricte en matière de recours à la force énoncée à l’article 12 de la loi actuelle est conservée par l’article 16 du projet de loi C-23. L’emploi de la force en droit canadien est aussi quelque chose de bien compris, c'est-à-dire que les personnes qui doivent avoir recours à la force ne peuvent qu’utiliser une force considérée comme raisonnable dans les circonstances. Ce concept est aussi bien compris par les tribunaux.

Comme les honorables sénateurs peuvent le constater, ce projet de loi et l’accord qu’il vise à mettre en œuvre sont fondés sur les principes de réciprocité. Ils sont munis de mesures de protection pour veiller à ce que les droits des voyageurs soient protégés, et ils changeront très peu la façon dont le précontrôle est mené par les agents américains au Canada. Ce qu’ils feront, c’est permettre à plus de Canadiens de profiter des avantages que présente le précontrôle sur les plans de l’économie et des déplacements, avantages dont certains Canadiens profitent déjà depuis plusieurs années. Ils permettront aussi à davantage de Canadiens de se soumettre aux procédures frontalières américaines tout en étant protégés par la législation canadienne.

Il y a un dernier point qui mérite d’être signalé : dans les médias, et à l’autre endroit, même les détracteurs du projet de loi conviennent que le système de précontrôle actuel fonctionne bien et offre des avantages considérables aux Canadiens. Pourtant, il y a près de 20 ans, lorsque le cadre actuel a été proposé, celui-ci avait fait l’objet de critiques virulentes semblables aux préoccupations exprimées relativement au projet de loi C-23.

En 1999, les opposants au précontrôle ont affirmé que la mise en place d’un tel système entraînerait l’abdication de la souveraineté canadienne et pouvait faire craindre que des agents frontaliers américains ne fassent la pluie et le beau temps et n’arrêtent arbitrairement des citoyens canadiens dans les aéroports canadiens.

Il va sans dire que ce n’est pas ce qui s’est produit. Au contraire, le précontrôle donne d’excellents résultats, tant sur le plan de l’économie et des déplacements que de la protection des droits. Le projet de loi C-23 offre l’occasion de tirer profit de cette réussite. L’élargissement du précontrôle accélérera les déplacements et le transport entre les États-Unis et le Canada et en accroîtra l’efficience. Le nouveau cadre de précontrôle bénéficiera substantiellement à l’économie canadienne et améliorera la protection des droits et libertés des voyageurs.

Je prie les sénateurs d’appuyer cette mesure législative.

Son Honneur le Président : Sénatrice Martin, vous semblez vouloir proposer l’ajournement, mais le sénateur Pratte a une question.

L’honorable André Pratte : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Black : Certainement.

Le sénateur Pratte : Vous avez mentionné qu’il y avait très peu de changements dans la partie sur les fouilles, mais vous avez cependant fait état d’une modification mineure en ce qui concerne les fouilles à nu.Ces fouilles sont peut-être rares, mais elles sont intrusives.

(1520)

Je me demande si vous pourriez expliquer aux honorables sénateurs la raison de ce changement. Je crains que, si un agent canadien refuse de procéder à la fouille, par exemple, parce qu’il estime qu’il y a quelque chose d’inapproprié ou qui le met mal à l’aise à l’idée d’effectuer cette fouille, ce soit l’agent américain qui s’en charge.

Il y a quelque chose qui me gêne beaucoup là-dedans. Je remettrais certainement en question une telle disposition. Bien entendu, nous sommes dans une situation où une entente a été signée et a même été adoptée par le Congrès américain. Il est donc très difficile pour nous de modifier une telle disposition.

Savez-vous pourquoi on a modifié ainsi le processus pour les fouilles?

Le sénateur Black : Je remercie le sénateur de poser cette question. Force est de reconnaître qu’aujourd’hui 12 millions de personnes traversent la frontière et qu’il n’est arrivé qu’à deux reprises qu’on demande à des responsables canadiens de procéder à une fouille à nu en 10 ans. Nous parlons donc d’un très petit nombre. Les contrôleurs américains ne peuvent demander une fouille à nu que s’ils ont l’impression que le voyageur dissimule quelque chose ou qu’il y a un risque pour la vie et la sécurité de cette personne ou d’autres personnes.

Je suppose que cela arriverait s’ils ne pouvaient pas attendre l’agent canadien ou que l’agent canadien refusait, ce qui est très improbable. En général, c’est qu’il n’y a pas d’agent en service et qu’on est très préoccupé par ce qu’une personne pourrait dissimuler. On peut présumer que, lors d’une fouille sommaire, les contrôleurs ont palpé une chose qu’ils n’aiment pas.

Au fait, permettez-moi de vous fournir un exemple. Je suis rentré hier soir de Washington. Mes articulations sacro-iliaques me font souffrir depuis cet été et je dois porter une sorte de ceinture noire.

Hier soir, à la sécurité, à l’aéroport de Washington, j’ai subi une fouille par palpation et l’agent a senti ma ceinture. Il m’a demandé ce que c’était et je le lui ai expliqué. J’imagine qu’il était obligatoire d’effectuer une fouille à nu; j’ai dû aller dans une salle en arrière parce qu’il ne pouvait pas identifier la ceinture que je portais. J’ai dû expliquer ce que c’était. Après, tout le monde était content et j’ai pu partir. Statistiquement parlant, j’imagine que je suis la troisième personne en 10 ans.

Voilà la réponse à votre question. Les agents essaient de comprendre de quoi il s’agit. Dans mon cas, ils n’ont pas pu le faire et ils se sont demandé ce que c’était que cette ceinture. Donc, ils m’ont amené dans une autre salle, où un autre témoin est entré. Soit dit en passant, je n’ai pas eu l’occasion d’être transféré aux agents canadiens.

J’espère que cela vous est utile.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’ai une question avant de proposer l’ajournement.

Sénateur, merci de votre intervention. C’est bien de voir que, à l’instar du projet de loi d’hier qui, comme vous le savez, a été rédigé en partie par le gouvernement précédent, l’actuel projet de loi poursuit également le bon travail de notre ancien gouvernement conservateur. Il permet de concrétiser l’un des éléments que l’ancien premier ministre Stephen Harper et l’ancien président Barack Obama ont négociés dans le plan d’action Par-delà la frontière.

Je suis désolée, j’ai été distraite pendant votre intervention. C’était convaincant, mais j’ai été distraite. Ma question est la suivante : en ce qui concerne l'inquiétude exprimée par le commissaire Daniel Therrien à la Chambre, en particulier concernant la fouille des dispositifs électroniques, avez-vous répondu à sa préoccupation, à savoir si oui ou non les Canadiens seraient assujettis à des fouilles injustifiées?

Le sénateur Black : Merci de votre question. Étant donné que le projet de loi C-23 a été présenté sous le gouvernement précédent, je me réjouis évidemment à la perspective qu’il soit appuyé par l’opposition.

Au sujet de l’électronique, voici la question qui a été posée. Lorsque vous êtes en partance vers Los Angeles à partir de Vancouver, les services de sécurité peuvent-ils vous demander votre mot de passe pour pénétrer dans vos appareils? La réponse est oui. En cas de refus se pose alors la question de savoir si on devrait vous arrêter. Représentez-vous un risque? Certes, il y a des restrictions, et certes, on peut vous poser la question, car, par rapport aux pouvoirs que les Américains peuvent exercer ou par rapport à ceux que nous pourrions exercer de ce côté-ci de la frontière, les critères permettant de déterminer si une personne ou un bien peut entrer dans le pays relèvent entièrement de ce pays.

Si vous ouvrez votre téléphone ou tout autre appareil, les seuls documents susceptibles d’être utilisés auraient trait à votre admissibilité aux États-Unis. Si l’on découvre dans vos documents de la pornographie juvénile — ce qui arrive de temps à autre —, toute une autre série d’événements surviendra puisque ces documents pornographiques constituent une infraction criminelle au Canada. Vous serez arrêté et remis aux autorités. Par contre, si l’on découvre dans vos documents les recettes de cuisine de votre mère, vous aurez le feu vert.

Ils peuvent donc certainement vous demander d’ouvrir vos appareils. En cas de refus, ils ne vous laisseront pas entrer. Ils ont d’ailleurs parfaitement le droit de le faire, comme nous l’aurons de ce côté-ci de la frontière.

Son Honneur le Président : Avant l’ajournement, sénatrice Martin, le sénateur Day a une question à poser.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Il s’agit d’une précision, sénateur. Tout d’abord, merci pour votre exposé, qui était très clair. À propos du programme NEXUS pour les grands voyageurs, je me demandais s’il serait touché par le programme de prédédouanement qui, si j’ai bien compris, s’applique dans les grands centres. Ceci n'est pas ma question, car ce sujet peut être examiné au comité.

Lorsque vous avez donné des précisions au sujet du projet de loi C-23, vous avez énuméré différents ajouts et améliorations aux mesures de contrôle en place à l’heure actuelle. Si je ne m’abuse, une des choses que vous avez dites — et j’aimerais que vous nous donniez davantage de précisions — concerne la normalisation des opérations au port de Vancouver. Je me demande ce qu’on entend par « normalisation des opérations ».

Le sénateur Black : Je vous remercie de cette question. C’est une question très pertinente et je l’ai moi-même posée aux agents avec qui j’ai travaillé. Présentement, pour certains bateaux de croisière à Vancouver, il y a ce qu’on appelle la « préinspection », qui, honnêtement, me semble n’être qu’une perte de temps parce qu’il s’agit simplement de donner son nom, son adresse et quelques renseignements essentiels. En théorie, ces informations sont communiquées aux autorités aux États-Unis, où il faut ensuite passer aux douanes. Je vois là un processus en deux étapes.

J’en ai parlé aux agents et, sur le fond, ils étaient d’accord avec moi : cette préinspection représente une énorme perte de temps.

Je présume que, si le projet de loi est adopté, la normalisation des opérations signifiera que tout le processus de précontrôle sera effectué à Vancouver au lieu qu’une étape soit menée à Vancouver et une autre, à Seattle. C’est ce qu’on entend par « normalisation des opérations ».

En ce qui concerne NEXUS, ce que cela signifie, c’est simplement que vous subissez le précontrôle à l’avance.

L’honorable Serge Joyal : Je félicite le sénateur de sa présentation. Ce qui me préoccupe, c’est la protection des voyageurs.

Admettons qu’un agent américain me fouille. Suis-je protégé par la Charte canadienne des droits et libertés ou par la Déclaration des droits des États-Unis, et vice versa? À l’inverse, si un voyageur américain est fouillé par un agent canadien, est-il protégé par la Déclaration des droits des États-Unis ou par la Charte des droits et libertés?

Le sénateur Black : Je vous remercie de cette question. En tant que voyageur canadien, dans les deux cas, vous seriez protégé par la législation canadienne, ce qui comprend la Charte des droits et libertés. Donc, au Canada, vous seriez protégé par la législation canadienne et, aux États-Unis, vous auriez également droit à la protection conférée par la législation canadienne, puisque l’idée est que, dans la zone de précontrôle, vous seriez en sol canadien.

(1530)

Le sénateur Joyal : Si je comprends bien, quand un Canadien fait l’objet d’une fouille menée par un agent américain, l’endroit où a lieu la fouille est toujours sous la protection de la Charte des droits et libertés.

Le sénateur Black : C’est exact.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Projet de loi relative au cadre sur les soins palliatifs au Canada

Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Eaton, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada.

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je prends part au débat à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-277, Loi visant l’élaboration d’un cadre sur les soins palliatifs au Canada. Je tiens tout d’abord à remercier la députée Marilyn Gladu pour son travail dans ce dossier.

Essentiellement, le projet de loi C-277 obligerait le ministre de la Santé, en consultation avec les représentants des gouvernements provinciaux et territoriaux responsables de la santé ainsi qu’avec des fournisseurs de soins palliatifs, à élaborer un cadre qui vise à favoriser l’amélioration de l’accès aux soins palliatifs pour les Canadiens, que ces soins soient fournis à domicile ou dans des hôpitaux, dans des établissements de soins de longue durée ou dans des maisons de soins palliatifs.

Le projet de loi précise que le cadre en question aura pour objet d’établir en quoi consistent les soins palliatifs; de déterminer les besoins en matière de formation des fournisseurs de soins de santé et de tout autre aidant; d’envisager des mesures à l’appui des fournisseurs de soins palliatifs; de promouvoir la recherche ainsi que la collecte de données sur les soins palliatifs; d’établir des moyens de faciliter l’égal accès des Canadiens aux soins palliatifs; de prendre en considération les cadres, les stratégies et les pratiques exemplaires existants en matière de soins palliatifs; et, enfin, d'examiner l’opportunité de rétablir, au sein du ministère de la Santé, le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie.

De plus, le ministre doit lancer des consultations dans les six mois suivant l’entrée en vigueur de la loi et doit présenter le cadre de travail dans un délai d’un an. Il doit également présenter un rapport sur l’état des soins palliatifs dans les cinq ans suivant la présentation du rapport énonçant le cadre.

Honorables sénateurs, je tiens à préciser que, bien que j’appuie en principe le projet de loi, j’aimerais soumettre plusieurs questions aux fins d’étude, des questions qui visent à établir si le projet de loi fournit une orientation suffisante pour l’établissement du cadre. J’ose espérer que le comité chargé d’étudier le texte se penchera sur les questions suivantes.

D’abord, le projet de loi prévoit que le cadre doit établir en quoi consistent les soins palliatifs. Nous ne devons pas perdre notre temps à discuter de ce que constituent les soins palliatifs, compte tenu du travail effectué par les responsables de l’initiative Aller de l’avant, de concert avec les autorités provinciales et territoriales et de nombreuses organisations nationales. Ceux-ci s’emploient à établir des balises claires et précises pour une approche palliative au contexte de soins. La façon dont nous mourons change, et nous devons modifier les soins que nous offrons aux Canadiens afin de répondre à leurs besoins.

Honorables sénateurs, lorsque les premiers programmes de soins palliatifs ont été créés au Canada en 1974 à l’hôpital général de Saint-Boniface à Winnipeg, puis, quelques semaines plus tard, à l’hôpital Royal Victoria à Montréal, on avait mis l'accent sur les soins prodigués aux patients atteints de cancer et qui étaient en fin de vie. Il s’agissait de patients dont l’état de santé se détériorait rapidement, dont la mort était imminente et qui souffraient de douleurs chroniques. Il n’était pas inhabituel que ces patients décèdent après quelques mois seulement. Les fournisseurs de soins de santé pouvaient prédire avec une exactitude relative pendant combien de temps vivrait une personne qui avait reçu un diagnostic de cancer. Les soins palliatifs visaient à fournir un soulagement aux patients en fin de vie et à leur fournir un appui physique, affectif et spirituel. Il n’est toutefois plus aussi simple de prévoir combien de temps il faudra pour que l’état de santé d’une personne se détériore.

Bien que à l’heure actuelle, soit 40 ans plus tard, le cancer demeure la principale cause de décès, compte tenu des progrès importants réalisés dans les domaines des soins de santé et des traitements contre le cancer, ainsi que dans la gestion des maladies chroniques, les Canadiens sont susceptibles de vivre plus longtemps même s’ils sont atteints de deux maladies chroniques ou plus. Au fur et à mesure que les Canadiens prennent de l’âge et s’affaiblissent, les maladies chroniques peuvent donner lieu à une détérioration longue et lente de l’état de santé ou à des crises périodiques et à des complications qui font en sorte que la personne se trouve près de la mort. Des recherches montrent que de nombreuses personnes meurent maintenant de maladies n’ayant aucune phase terminale reconnaissable, mais que leur état de santé était précaire ou fragile pendant plusieurs années. Nous continuons cependant d’axer les soins palliatifs sur les personnes qui sont en fin de vie, alors qu’il est plus difficile que jamais de prévoir quand une personne se trouvera en fin de vie.

En 2009, le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement, dont le sénateur Mercer et moi faisions partie, a fait la recommandation suivante :

11. Que le gouvernement fédéral finance un partenariat national avec les provinces, les territoires et les organisations communautaires qui dirigera et orientera l’établissement des normes et des pratiques exemplaires, les mesures de sensibilisation et les mesures de soutien du renforcement des capacités nécessaires pour que les Canadiens aient accès à des soins de fin de vie intégrés de qualité.

En 2013, le gouvernement fédéral a répondu à cette recommandation et à d’autres recommandations similaires en finançant l’initiative Les prochaines étapes, dirigée par la Coalition pour des soins de fin de vie de qualité du Canada, un réseau de 37 organismes nationaux représentant les aidants professionnels et les aidants naturels, les bénévoles, les professionnels de la santé de diverses disciplines, des organismes voués à une maladie, les Canadiens atteints d’une maladie terminale, leurs familles et les autres Canadiens intéressés par des soins de fin de vie de qualité.

En collaboration avec le comité consultatif national, des responsables, des fournisseurs de soins de santé, des familles, des aidants, des organismes et les gouvernements provinciaux et territoriaux, l’initiative a créé le Cadre national: Feuille de route pour l’intégration de l’approche palliative. Le cadre part du constat que l’ancienne approche en matière de soins palliatifs ne suffit plus. Il indique, et je cite :

L’approche palliative intégrée vise à combler l’ensemble des besoins — physiques, psychologiques et spirituels — de la personne et de la famille, et ce, non pas seulement en toute fin de vie, mais à toutes les étapes de la trajectoire de la fragilisation ou d’une maladie potentiellement mortelle.

Cette approche renforce l’autonomie de la personne et son droit de participer pleinement à ses propres soins, procurant aux gens le sentiment d’avoir une meilleure maîtrise de la situation. Les soins palliatifs ne doivent plus être perçus comme des soins tabous offerts à une personne mourante dont les traitements curatifs ne fonctionnent plus; il s’agit plutôt d’une approche de soins simultanés et intégrés qui permet de rehausser la qualité de vie tout au long de la trajectoire de la maladie ou pendant le cheminement vers le décès.

J’exhorte chacun d’entre nous à ne pas perdre de vue l’importance de recentrer les efforts sur une approche intégrée en matière de soins palliatifs.

Deuxièmement, le projet de loi exige que le processus de consultation permette « d’examiner l’opportunité de rétablir » le secrétariat.

Honorables sénateurs, le lendemain de mon assermentation comme sénatrice, j’ai écouté dans cette enceinte le débat sur le rapport du comité intitulé Des soins de fin de vie de qualité : chaque Canadien et Canadienne y a droit. Le sous-comité du Sénat était présidé par notre ancienne collègue et membre du Conseil privé, l’honorable Sharon Carstairs. Vous savez tous que, en 2001, elle est devenue ministre responsable des soins palliatifs. En juin 2001, le Secrétariat des soins palliatifs et des soins de fin de vie a été mis sur pied. Relevant de Santé Canada, il recevait un budget annuel de 1 à 1,5 million de dollars.

(1540)

Le secrétariat a été créé pour jouer le rôle de centre de liaison et de facilitateur relativement aux interventions axées sur la collaboration en matière de soins palliatifs et de soins de fin de vie. En mars 2002, il a organisé l’Atelier de planification d’action nationale sur les soins en fin de vie. Plus de 150 personnes, y compris des chercheurs, des éducateurs, des praticiens et des représentants de gouvernement, se sont réunies pour dégager les priorités d’action.

Dans la foulée de l’atelier, le secrétariat a créé cinq groupes de travail communautaires pour s’attaquer aux priorités dégagées : meilleures pratiques et soins de qualité, formation des professionnels soignants, information et sensibilisation de la population, recherche, surveillance.

Ces groupes de travail ont réalisé de grands progrès, mais la stratégie a pris fin en 2007, sous le gouvernement conservateur de Stephen Harper.

Tout ce que demande le projet de loi, c’est d’examiner la pertinence de rétablir le secrétariat. Cela dit, pour que les choses changent, il est nécessaire d’avoir un soutien national cohérent afin de rassembler les gens, d’assurer une coordination et de cerner les meilleures pratiques. Il faut également collaborer avec les provinces, les territoires et les ministères fédéraux qui sont responsables de la prestation des soins de santé aux Canadiens. En l’absence d’un secrétariat, quel mécanisme devrait être mis en place pour coordonner les initiatives dans le cadre du projet de loi?

Troisièmement, le projet de loi indique que le cadre établit des moyens de faciliter l'accès égal des Canadiens aux soins palliatifs. Voilà qui est peu clair. En ce moment, il n’existe aucune norme nationale sur la prestation des soins palliatifs au Canada ni sur les études et les diplômes des fournisseurs de soins palliatifs. La définition de normes uniformes qui peuvent être adoptées par les partenaires provinciaux, territoriaux et fédéraux favorisait également un accès égal aux soins partout au pays.

Enfin, le projet de loi n’aborde pas des enjeux comme l’information et la sensibilisation de la population ou la planification des soins avancés. Offrir vraiment les bons soins au bon moment et au bon endroit favorise l’autonomie des Canadiens, ce qui leur permet de prendre des décisions éclairées sur les soins qu’ils désirent recevoir.

Les aidants doivent eux aussi pouvoir prendre des décisions éclairées. La mort fait partie de la vie. Pourtant, notre société nie l’existence de la mort. Cela entrave souvent la prestation de soins holistiques et axés sur la personne. Il est essentiel de faire tomber ces barrières pour pouvoir offrir des soins de qualité.

La sénatrice Carstairs disait toujours : « La question n’est pas de savoir si nous allons mourir, mais quand. » Nous devons donc cesser de nier l’existence de la mort.

Honorables sénateurs, j’appuie la deuxième lecture du projet de loi, et j’ai hâte qu’il soit renvoyé au comité pour une étude plus approfondie. Durant son étude de la mesure législative, j’espère que le comité examinera certains des enjeux que j’ai soulevés.

L’honorable Nicole Eaton : Sénatrice Cordy, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Cordy : Oui, bien sûr.

La sénatrice Eaton : Comme vous vous en rappellerez sans doute, madame la sénatrice, l’autre endroit avait accepté un amendement apporté par le Sénat au projet de loi sur l’aide médicale à mourir, qui exigeait que l’on offre des soins palliatifs à une personne avant qu’elle soit autorisée à obtenir l’aide d’un médecin pour mourir. Pensez-vous que cela encouragera le gouvernement à créer le cadre dont vous parlez?

La sénatrice Cordy : C’est certainement ce que j’espère. Je vous remercie infiniment, parce que c’est vous qui avez proposé cet amendement au Sénat. Pour la gouverne des sénateurs qui n’étaient pas ici, cela s’est produit quand nous débattions du projet de loi sur l’aide médicale à mourir. J’estime qu’il est très important qu’on offre aux gens des soins palliatifs.

Je pense que, à l’époque, nous avions discuté de cette question, notamment du fait que les soins palliatifs étaient habituellement offerts dans les grands centres et qu’ils n’étaient pas accessibles à tous les Canadiens. Je crois que l’amendement que vous avez proposé dans cette enceinte, et qui a été adopté par la Chambre des communes, s’inscrirait dans une série de mesures visant à garantir que les Canadiens ont accès à des soins palliatifs de qualité.

En ce qui concerne l’idée qu’on devrait offrir aux gens des soins palliatifs, je souligne qu’il faut vraiment que nous informions adéquatement les Canadiens. Les Canadiens ne savent peut-être pas que des services de soins palliatifs leur sont offerts, et je crois qu’ils devraient tous normalement avoir accès à ces services. Toutefois, s’ils n’y ont pas accès dans leur collectivité, il se peut qu’une collectivité voisine en offre.

Comme je l’ai dit lors de mon discours, je pense qu’il est également important que les aidants soient au courant des services de soins palliatifs qui leur sont offerts.

(Sur la motion de la sénatrice Petitclerc, le débat est ajourné.)

La Loi instituant des jours de fête légale

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) propose que le projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi instituant des jours de fête légale (jour du Souvenir), soit lu pour la deuxième fois.

— Les honorables sénateurs verront que le projet de loi est inscrit au nom de la sénatrice Bellemare. Je la remercie d’avoir reçu le projet de loi à l’étape de la première lecture.

Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de parler du projet de loi C-311, Loi modifiant la Loi instituant des jours de fête légale (jour du Souvenir) et de le parrainer.

Il s’agit d’un projet de loi d’initiative parlementaire qui a été déposé à l’autre endroit par Colin Fraser, le député de Nova-Ouest, en Nouvelle-Écosse. Je tiens à le féliciter d’avoir présenté ce projet de loi et des efforts qu’il a déployés pour le faire arriver à cette étape du processus parlementaire.

Il y a eu de la confusion au sujet de l’objectif du projet de loi. Je propose donc de dire d’abord ce qu’il fait, puis, ce qui est tout aussi important, de dire ce qu’il ne fait pas. J’expliquerai ensuite les raisons pour lesquelles je suis d’avis que ce projet de loi mérite notre appui.

Le projet de loi est court et simple. Il modifie la Loi instituant des jours de fête légale afin de changer le libellé et le statut du jour du Souvenir pour en faire une « fête légale » au même titre que les deux autres jours de commémoration mentionnés dans la Loi instituant des jours de fête légale. Celle-ci est par ailleurs très courte; elle tient en une page et compte quatre articles. Elle stipule que la fête du Canada est une « fête légale », comme la fête de Victoria. Or, le jour du Souvenir est défini, pour une raison ou une autre, comme étant simplement un « jour férié » plutôt qu’une « fête légale ». Beaucoup de gens pensent que tout cela est le résultat d’un oubli ou d’une erreur de rédaction.

Le projet de loi C-311 remédierait à ce problème et ferait du jour du Souvenir un jour de fête légale de même importance que les deux autres jours de fête prévus dans la loi. Même si le message est important, chers collègues, ce projet de loi ne ferait rien de plus. Il s’agit d’un message très important et d’une correction qui peut être facilement apportée.

Certaines personnes se sont opposées au projet de loi car ils croient qu’il ferait du jour du Souvenir un jour férié partout au pays. Chers collègues, soyons clairs : ce projet de loi n’aurait aucunement cet effet. Il incombe aux provinces et aux territoires de déterminer si le jour du Souvenir est un jour férié; ce projet de loi n’y changera rien. D’ailleurs, certains d’entre vous seront peut-être étonnés d’apprendre que la fête de Victoria, un jour de fête légale, selon la Loi instituant des jours de fête légale, n’est pas un jour férié dans quatre provinces canadiennes. Il s’agit d’un jour de fête « général » discrétionnaire au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l’Île-du-Prince-Édouard. Ce jour-là, au Québec, on souligne la Journée nationale des patriotes. À l’heure actuelle, le jour du Souvenir est un jour férié ou un jour ayant un statut similaire dans les trois territoires ainsi que dans toutes les provinces, sauf deux. C’est donc dire que le jour du Souvenir est déjà un jour férié dans une grande partie du territoire canadien.

(1550)

J’ai parlé d’un statut semblable à celui d’un jour férié parce que les provinces ont toujours de la difficulté à s’entendre sur la terminologie. Par exemple, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba, le jour du Souvenir n’est pas désigné comme un jour férié. Ces provinces ont une façon différente de souligner cette journée. Par exemple, en Nouvelle-Écosse, il y a la Remembrance Day Act. Cependant, le résultat est le même, c’est-à-dire que les écoles et les entreprises sont généralement fermées pour souligner cette journée, mais ce n’est pas le cas dans d’autres provinces, notamment le Québec et l’Ontario.

Par ailleurs, nombre de sénateurs qui vivent dans des provinces où le jour du Souvenir est un jour férié peuvent confirmer que les résultats sont très positifs. C’est notamment le cas dans ma province, le Nouveau-Brunswick, où de nombreuses personnes assistent aux cérémonies du jour du Souvenir; d’ailleurs, leur nombre a augmenté considérablement au fil des années. Il y a deux ans, le 11 novembre 2015, 6 800 personnes ont assisté à la cérémonie du jour du Souvenir, à Saint John, un nombre sans précédent qui a cependant été dépassé lors du dernier jour du Souvenir, puisque plus de 7 000 personnes se sont réunies pour commémorer cette journée.

Le Nouveau-Brunswick n’est pas le seul endroit où les gens sont de plus en plus nombreux à assister aux cérémonies du jour du Souvenir. Je crois comprendre que c’est ce qui se passe dans l’ensemble du pays. À l’autre endroit, lors de l’étude du projet de loi en comité et à la Chambre, plusieurs députés ont indiqué à quel point cette journée est prise au sérieux dans leur province. Des députés ont parlé avec enthousiasme de la place importante qu’a prise ce jour de commémoration à Terre-Neuve-et-Labrador, dans toutes les provinces maritimes, au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Certaines personnes — de toute évidence, des Ontariens et des Québécois — craignent que la fermeture des écoles dans leur province ne diminue l’attachement à cette journée et son observation. Heureusement, ce n’est pas ce que nous constatons au Nouveau-Brunswick, et d’autres disent de même dans d’autres provinces. En fait, dans ma province, les écoles et les anciens combattants travaillent dur dans les jours qui précèdent le 11 novembre pour sensibiliser les jeunes à la signification du jour du Souvenir. Le jour même est réservé aux familles pour qu’elles puissent se rassembler et l’observer avec leur communauté. Je vois très bien les familles affrontant la pluie pour assister au service.

Je suis fier de dire que les jeunes Canadiens connaissent très bien le jour du Souvenir et qu’ils sont résolus à l’observer et à honorer les anciens combattants.

C’était bien évident il y a quelques mois, lorsque plus de 25 000 Canadiens, dont de nombreux jeunes, se sont rendus en France pour assister à la cérémonie du 9 avril à Vimy. Beaucoup d’entre eux ont travaillé dur pour recueillir des fonds et payer leur voyage à Vimy afin d’assister à la cérémonie. Autre fait encourageant, en novembre dernier, tout de suite après le jour du Souvenir, Ipsos a publié un sondage selon lequel les gens âgés de 18 à 34 ans, ceux qu’on appelle les « enfants du millénaire », étaient proportionnellement les plus nombreux à dire avoir assisté à une cérémonie du jour du Souvenir. Ils étaient 35 p. 100, comparativement à 26 p. 100 pour l’ensemble de la population. On peut toujours faire mieux, mais l’expérience vécue partout au pays, dans toutes les provinces et tous les territoires où le jour du Souvenir est une fête légale, est un bon indicateur qui montre comment l’engagement des Canadiens à observer le jour du Souvenir ne dépend pas de l’ouverture des écoles le 11 novembre.

J’ai pris le temps de parler de la question de la fermeture des écoles, car, malheureusement, la Légion royale canadienne n’appuie pas le projet de loi. En effet, la Direction nationale, située ici à Ottawa, a dit ne pas appuyer le projet de loi lorsqu’elle a témoigné devant le comité de la Chambre des communes, car son équipe a l’impression que cela pourrait entraîner la fermeture des écoles en Ontario et au Québec, comme c’est le cas ailleurs. Elle craint que les gens en viennent ainsi à traiter ce jour de congé comme une occasion propice pour faire une sortie au lieu d’observer le jour du Souvenir, conformément à l’intention ayant sous-tendu sa création. De toute évidence, ce n’est pas du tout ce qui se produit partout ailleurs au Canada où le jour du Souvenir est un jour férié.

Pour en revenir au projet de loi dont nous sommes saisis, chers collègues, je rappelle que le jour du Souvenir est le troisième pilier de la trilogie des fêtes nationales du Canada, qui comprend également la fête de la Reine et la fête du Canada. Ce jour revêt une importance cruciale, puisqu’il rappelle à tous les Canadiens que bon nombre de nos compatriotes se sont battus pour défendre la liberté dont nous jouissons, de même que les droits et les valeurs que nous chérissons et qui nous définissent en tant que nation. C’est en grande partie au sacrifice de ces hommes et de ces femmes que nous devons ces droits et libertés. Par conséquent, la désignation de fête légale constitue un important symbole de cette reconnaissance. À l’instar des deux autres fêtes de la trilogie nationale, le jour du Souvenir devrait également porter la désignation de fête légale. Voilà le seul objet du projet de loi, qui, à mon avis, mérite notre appui, puisqu’il affirme également notre appui aux anciens combattants.

L’honorable Joan Fraser : Le sénateur Day accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Day : J’en serais ravi.

La sénatrice Fraser : Votre exposé était fort intéressant. Je n’avais pas la moindre idée de la distinction entre une fête légale et un jour férié. Pouvez-vous nous dire dans quelle catégorie entrent les autres fêtes? Je songe par exemple à la fête du Travail, à l’Action de grâces et à Noël.

Le sénateur Day : On célèbre l’anniversaire du sénateur Mercer dans un foyer en Nouvelle-Écosse et nous nous en réjouissons.

Un jour en particulier est déclaré férié à la suite de l’adoption d’une loi précisant entre autres que, à l’occasion de cette journée en particulier, les écoles et les commerces de détail seront fermés mais que les magasins d’alcool seront ouverts, et ce genre de détails. Ces lois relèvent de la compétence des provinces. Dans le cas de la fête du Travail, par exemple, les lois provinciales, d’un bout à l’autre du pays, régissent la fermeture de commerces et l’interruption des activités régulières. Néanmoins, les employés fédéraux sont assujettis à la loi fédérale. C’est donc le Code canadien du travail qui précise quels jours sont fériés et quels jours sont ouvrables. Il faut établir de quelle compétence relève la journée concernée pour savoir dans quelle catégorie elle entre. Je n’ai pas fait d’étude sur toutes les fêtes, mais je comprends la différence entre une décision de compétence provinciale et la reconnaissance à l’échelle nationale d’un symbole comme le jour du Souvenir.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Je vois qu’il est presque 16 heures, alors j’ai une question à poser rapidement, monsieur le sénateur, concernant la crainte que en faisant du jour du Souvenir un jour férié ou, s’il tombe la fin de semaine, en faisant du lundi ou du vendredi un jour férié, ce qui allongerait la fin de semaine, les gens se mettent à considérer ce jour plutôt comme un jour de congé et en oublient la signification. Est-ce bien l’une des objections exprimées par la Légion canadienne?

Le sénateur Day : Ce projet de loi n’a pas pour effet de faire du jour du Souvenir un jour férié. C’est tout ce qu’il faut se rappeler. La définition à laquelle renvoie le projet de loi se trouve dans la Loi instituant des jours de fête légale. L’adjectif qui serait ajouté est le même que dans le cas des deux autres fêtes nationales. La fête du Canada est une fête légale. Ce sont les provinces qui décident d’en faire ou non un jour férié, comme le jour du Souvenir et la fête de Victoria. Pour une raison ou une autre, le jour du Souvenir est qualifié de jour férié plutôt que de fête légale. Nous voulons que toutes ces fêtes soient considérées sur un pied d’égalité.

Qu’il s’agisse d’un oubli ou qu’on ait voulu donner une moindre importance au jour du Souvenir — et j’espère bien que c’est plutôt un oubli —, il est temps que nous rectifiions la situation de manière à honorer les anciens combattants comme ils le méritent.

La sénatrice Martin : Merci de cette précision.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

(À 16 heures, conformément à l’ordre adopté par le Sénat le 4 février 2016, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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