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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 140

Le jeudi 21 septembre 2017
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 21 septembre 2017

La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

La Journée mondiale de l’Alzheimer

L’honorable Kelvin Kenneth Ogilvie : Honorables sénateurs, je prends la parole afin de souligner la Journée mondiale de l’Alzheimer, qui se tient aujourd’hui, le 21 septembre. La journée est soulignée partout dans le monde par des gens qui veulent sensibiliser la population aux effets de la maladie d’Alzheimer dans la société.

Cette année, le thème est « Souviens-toi de moi », et l’objectif est de mettre en évidence l’importance du dépistage et du diagnostic précoces de la démence. Cette dernière représente une crise sociale et médicale en devenir au Canada, mais, trop souvent, le diagnostic se fait trop tard.

Environ 564 000 Canadiens sont aux prises avec la démence. D’ici 2031, le nombre de Canadiens qui souffriront d’une forme ou d’une autre de démence sera d’environ 1 million. En 2050, ce sont 131 millions de personnes qui seront atteintes à l’échelle mondiale.

Cette maladie aura à elle seule l’effet d’un tsunami sur les soins de santé des Canadiens. D’ici 2040, on prévoit que les coûts directs et indirects des soins pour la démence au Canada atteindront 293 milliards de dollars. J’ai bien dit « milliards ».

Le Sénat a mené une étude de la situation au Canada. En novembre 2016, le Comité sénatorial des affaires sociales, des sciences et de la technologie, que je préside, a déposé le rapport intitulé La démence au Canada : Une stratégie nationale pour un Canada sensible aux besoins des personnes atteintes de démence. Le rapport du comité comprenait 29 recommandations visant à aider le nombre croissant de Canadiens qui ont développé une forme ou une autre de démence, et ceux qui en développeront une, ainsi que les personnes qui doivent prendre soin d’eux.

Plus récemment, le 22 juin dernier, le projet de loi C-233, Loi concernant une stratégie nationale sur la maladie d’Alzheimer et d’autres démences, a reçu la sanction royale. Il reste cependant beaucoup de travail à accomplir.

Nous devons continuer de lutter contre la stigmatisation et la désinformation qui entourent présentement la démence.

En cette journée spéciale, je vous invite à avoir une pensée pour les Canadiens qui sont aux prises avec la démence et pour ceux qui le seront dans le futur. Continuons, à titre de législateurs, de trouver des façons d’améliorer leur qualité de vie. Merci.

L’honorable Sharon Carstairs, C.P., C.M.

Félicitations à l’occasion de sa nomination au sein de l’Ordre du Canada

L’honorable Jane Cordy : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour féliciter notre ancienne collègue, la sénatrice Sharon Carstairs, qui, il y a quelques semaines, a été reçue au sein de l’Ordre du Canada. L’un des plus grands honneurs civils de notre nation, l’Ordre du Canada est décerné depuis 50 ans en reconnaissance de réalisations, de dévouement communautaire et de service à la nation exceptionnels.

Sharon s’est vu remettre l’Ordre du Canada en reconnaissance de ses contributions à la cause des soins palliatifs, qu’elle défend depuis des décennies. Le décès de sa mère, en 1980, lui a fait prendre conscience de la nécessité d’avoir un système de soins de santé qui n’ait plus pour unique objectif la guérison des patients et leur renvoi à la maison, mais qui veille aussi à la dignité et au confort des mourants.

Tout au long de sa carrière, la sénatrice Carstairs a voyagé dans de nombreux pays pour en examiner le système de soins palliatifs et déterminer ce que nous devrions offrir aux malades, ici, au Canada. Elle a rédigé quatre rapports sur le sujet et a fait valoir de manière inlassable la nécessité d’élaborer une stratégie nationale pour offrir traitement et soulagement de la douleur. Elle reconnaît la nécessité du counseling et du soutien pour les stress mentaux auxquels sont soumis non seulement les patients, mais aussi leurs soignants et leur famille.

Bien qu’il y ait eu des améliorations dans le domaine des soins palliatifs, 35 p. 100 de la population y ayant accès de nos jours comparativement à seulement 5 p. 100 en 1995, nous savons qu’il demeure nécessaire d’élaborer une stratégie nationale. Le projet de loi sur l’aide médicale à mourir adopté récemment souligne le besoin d’offrir de meilleures options à la population vieillissante. Il est particulièrement important de tenir compte de l’accès aux soins dans les régions éloignées ainsi que dans les collectivités autochtones. C’est ce manque d’accès qui a mené la sénatrice Carstairs à réaffirmer son engagement, en déclarant ce qui suit :

 […] je ne peux pas arrêter. Je dois continuer. Je dois continuer de faire avancer le dossier. 

L’une de ses plus grandes contributions fut de participer au développement du Portail canadien en soins palliatifs. Il s’agit d’un site web qui offre des ressources aux patients et à leur famille et qui met à leur disposition une équipe médicale qui peut répondre à leurs questions. Le site web a attiré jusqu’à 1,6 million de visiteurs par année depuis 2001.

Honorables sénateurs, nous sommes tous conscients du fait que la question n’est pas de savoir si nous allons mourir, mais quand. Je pense que l’on doit beaucoup à la sénatrice Carstairs, notamment pour tout le travail qu’elle a fait afin d’adoucir la transition vers la mort pour les personnes mourantes et les proches qui les accompagnent.

La sénatrice Carstairs a dit ceci :

 Les soins palliatifs, ce n’est pas la mort, c’est bien vivre jusqu’à la fin. 

La sénatrice Carstairs incarne cette façon de voir et je suis ravie qu’elle soit reconnue pour ses efforts. C’est un honneur bien mérité. Je tiens à féliciter Sharon d’avoir reçu l’Ordre du Canada et je tiens à la remercier d’avoir été une grande défenseure des soins palliatifs pendant toutes ces années. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de M. Robert Pitfield, membre du conseil d’administration de la Banque de développement du Canada, et de M. Anatol Von Hahn, membre du conseil d’administration de la Société Canadian Tire. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Les incendies de forêt en Colombie-Britannique

Remerciements aux pompiers et aux premiers intervenants

L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, l’été a été long et chaud en Colombie-Britannique, qui a connu la pire saison d’incendies de forêt de son histoire. En tout, plus de 1 200 incendies de forêt ont ravagé plus de 1,5 million d’hectares, surtout dans l’intérieur de la province. En avril dernier, l’ancien record de 8 950 kilomètres carrés, établi en 1958, a été battu. Le gouvernement provincial a dû déclarer l’état d’urgence et le prolonger à quatre reprises. Ce n’est que la semaine dernière qu’il a pu y mettre fin.

À leur point culminant, les incendies ont forcé environ 50 000 Britanno-Colombiens à quitter leur maison. À ce jour, plus de 65 000 personnes ont été évacuées et, à leur retour, bon nombre d’entre elles ont trouvé leur maison brûlée. En ce moment même, plus de 100 incendies de forêt font encore rage.

Les retombées économiques des incendies sans précédent de cette année ont été énormes. Sans compter d’autres organismes provinciaux et fédéraux, le service de lutte contre les incendies de forêt de la Colombie-Britannique estime actuellement que les coûts associés à la maîtrise de ces incendies s’élèvent à plus de 510 millions de dollars. Par ailleurs, un secteur important de l’économie de la Colombie-Britannique a été grandement ébranlé. Le tourisme, particulièrement dans les régions de la vallée de l’Okanagan, des Kootenays et de Cariboo-Chilcotin, a accusé le coup, ce qui a entraîné de grandes pertes pour de nombreuses familles et entreprises — sans oublier les agriculteurs, qui ont fait face à la perte horrible de leurs exploitations agricoles et de leurs fermes d’élevage.

(1340)

Le processus de reconstruction est lent pour tous ceux qui ont été touchés directement, d’autant plus que les incendies ravagent toujours ces régions.

Plus de 20 Premières Nations de la Colombie-Britannique ont été victimes des incendies de forêt, qui ont mené à de vastes évacuations au sein de leurs communautés. Les pompiers des Premières Nations se trouvent en première ligne des services d’urgence et des secours. En effet, il existe un vaste bassin de connaissances techniques autochtones sur les pratiques de gestion des incendies, notamment sur le brûlage dirigé. Ces pratiques servent à éliminer les broussailles, les détritus, le bois mort et le bois sec, qui constituent tous des causes majeures de feux de forêt. De plus, le brûlage dirigé favorise la croissance, élimine les broussailles et crée des pare-feu naturels, des avantages bien connus chez des générations de pompiers autochtones.

Il importe de reconnaître comme il se doit la contribution des Premières Nations à la prévention et à l’atténuation des incendies. Un financement stable et durable doit également être prévu pour permettre aux Premières Nations de se préparer et d’établir des mesures d’intervention en cas d’urgence en vue d’autres risques d’incendie.

Chers collègues, je sais que je parle au nom de tous les sénateurs en exprimant ma plus profonde reconnaissance aux plus de 4 000 pompiers et premiers répondants qui luttent en première ligne pour contenir les incendies de forêt extrêmes et incessants de cette année.

En plus des membres du service de lutte contre les incendies de forêt de la Colombie-Britannique, des pompiers de partout au pays et de l’étranger sont venus prêter main-forte. Mesdames et messieurs les sénateurs, il ne faut pas sous-estimer les efforts de ces personnes, qui ont vraiment été mises à rude épreuve dans leur combat contre les flammes. Au nom de la Chambre haute du Canada, nous remercions tous ces héros.

[Français]

La commémoration de la participation du Canada à la Première Guerre mondiale

L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, le 15 août dernier marquait le centenaire de la bataille de la cote 70 près de la ville de Lens, en France, engagée par les Forces canadiennes du 15 au 20 août 1917, lors de la Première Guerre mondiale.

Il m’apparaît important d’attirer votre attention sur cet événement, puisque c’était la première fois, dans l’histoire de l’armée canadienne, que les troupes de notre pays étaient dirigées par un commandant canadien et qu’elles ont réussi à prendre une position stratégique, position que les Allemands occupaient dans cette région minière du Nord de la France depuis le début de la guerre.

[Traduction]

J’estime important d’attirer votre attention sur ce qui a été fait en août dernier pour commémorer les événements du 20 août 1917, date où, pour la première fois, des soldats canadiens sous un commandement entièrement canadien ont remporté une victoire dans la ville de Lens, qui était alors un bastion allemand.

N’oublions pas ce qui s’est passé en 1917 sur le front Ouest, en France, où des soldats canadiens combattaient depuis plus de deux ans. Cette année-là, au début d’avril, les quatre divisions de l’armée canadienne se sont réunies pour prendre part à la bataille de la crête de Vimy, qui s’est déroulée du 9 au 12 avril, sous le commandement du lieutenant-général britannique Julian Byng.

Deux mois plus tard, en juin 1917, le major-général Arthur Currie, un soldat canadien exceptionnel promu au grade de lieutenant-général, s’est vu confier le commandement des troupes canadiennes. Trois divisions de l’armée canadienne ont alors été regroupées sous le commandement exclusif du Canadien Arthur Currie pour lancer une attaque contre les forces allemandes, qui avaient transformé Lens en une redoutable forteresse.

Arthur Currie était un homme astucieux. Au lieu de lancer un assaut direct sur Lens, il a entrepris d’occuper une colline à proximité de la ville — la cote 70, appelée ainsi parce qu’elle se situait à 70 mètres au-dessus du niveau de la mer —, pour ensuite pilonner l’ennemi à partir de cet emplacement stratégique.

La bataille, qui s’est déroulée en août, a duré cinq jours et s’est soldée par une victoire au prix de lourdes pertes; en effet, 5 700 soldats canadiens ont alors été victimes des tirs ennemis, du gaz moutarde et des lance-flammes.

Hélas, par la suite, ce chapitre de l’histoire de la Première Guerre mondiale est largement tombé dans l’oubli, mais, heureusement, il n’a pas été complètement oublié. Il y a quelques années, un groupe de Canadiens a jugé nécessaire de commémorer les sacrifices et la victoire qui ont contribué de façon importante à la naissance d’une armée canadienne sous un commandement canadien.

Ils ont entrepris un projet visant à construire un monument commémoratif consacré à cette victoire historique. Huit millions de dollars ont été recueillis auprès de plus de 200 contributeurs, tous des donateurs privés. Le monument, un imposant obélisque de 14 mètres, a été inauguré l’an dernier par le gouverneur général, sur un terrain cédé par la municipalité de Loos-en-Gohelle.

J’ai eu l’honneur d'appuyer le projet et d’assister à la cérémonie en compagnie du colonel à la retraite Mark Hutchings, qui a lancé le projet avec Robert Baxter, et de nombreux descendants des soldats qui ont perdu la vie lors de la bataille de la cote 70, il y a plus de 100 ans.

[Français]

C’est un moment mémorable dans l’histoire de notre pays et il est digne de commémoration.

[Traduction]

Puissions-nous ne jamais oublier.

L’honorable Rosa Galvez

La tragédie de Lac-Mégantic

L’honorable Elaine McCoy : Honorables sénateurs, je suis très heureuse de prendre la parole aujourd’hui afin de saluer l’une de nos remarquables nouvelles sénatrices, Rosa Galvez. Il y a à peine 10 jours, elle a entrepris la Tournée nationale de conférences de la Société canadienne de génie civil, avec une présentation sur la tragédie de Lac-Mégantic et les conséquences désastreuses de ce déversement de pétrole.

Comme nous le savons tous, la sénatrice Galvez, spécialiste en évaluation des risques et des impacts environnementaux, a étudié les conséquences catastrophiques du déversement de pétrole survenu à Lac-Mégantic à la suite d’un déraillement de train. Dans le cadre de cette remarquable tournée de conférences qui la conduira dans 18 villes canadiennes, la sénatrice parlera de l’incident et des efforts considérables qui ont été déployés pour reconstruire la collectivité et son environnement. Ses recommandations auront une incidence durable sur la vie des résidants de Lac-Mégantic et celle de beaucoup d’autres gens.

Il s’agit d’un honneur remarquable accordé à des ingénieurs civils qui jouissent de la reconnaissance et du respect de leurs pairs. Les présentations portent sur des sujets d’importance et d’intérêt particuliers. La sénatrice Galvez est la deuxième femme et la troisième ingénieure civile spécialisée en environnement à qui on accorde cet honneur.

Veuillez vous joindre à moi afin de féliciter notre collègue, la sénatrice Galvez, pour son travail et pour l’honneur important qu’on lui fait.

Des voix : Bravo!

La Journée internationale de la paix

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je tiens à dire que les sénatrices Carstairs et Galvez méritent bien les hommages qui leur sont rendus. Je veux également rappeler aux sénateurs que nous soulignons aujourd’hui la Journée internationale de la paix des Nations Unies.

Hier, j’ai salué l’initiative de la société civile à l’occasion de la signature du traité citoyen d’interdiction des armes nucléaires, devant la Tour de la Paix. Aujourd’hui, je voudrais souligner l’importance de poser des gestes concrets en vue du désarmement. À l’heure même où le premier ministre s’adresse à l’Assemblée générale des Nations Unies, je tiens à exhorter le Canada à recommencer à jouer son rôle.

Hier, j’ai lu dans cette enceinte la motion adoptée en 2010 par la Chambre des communes et le Sénat afin de souligner la nécessité de lutter contre la prolifération des armes nucléaires et d’affirmer l’intention du Canada d’œuvrer sur la scène diplomatique pour le désarmement nucléaire.

Honorables sénateurs, je n’ai pas pu terminer mon intervention hier, alors je répète ce que je voulais dire : lors de la signature historique du traité, en juillet, le Canada n’était même pas présent dans la salle. Le Canada est un chef de file mondial de l’égalité entre les sexes, des droits de la personne et de la sécurité humaine, mais nous avons manifestement renoncé à notre responsabilité de défenseur de premier plan des droits dans le monde puisqu’il faudrait, pour assumer cette responsabilité, que le Canada prenne fermement position sur le désarmement et la paix.

Le thème de la journée d’aujourd’hui est « Ensemble pour la paix : Respect, dignité et sécurité pour tous ». Il représente un objectif ambitieux de respect des droits de la personne qui ne saurait être atteint alors que la menace de guerre nucléaire s’intensifie.

Le Canada peut renouer avec son rôle de chef de file sur la scène internationale en luttant contre la prolifération nucléaire et en s’efforçant de faire baisser les tensions dans la péninsule coréenne qui nous affectent tous, au Canada.

J’étais de passage au siège des Nations Unies avec des étudiants, l’année dernière, lorsque le premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a déclaré : « Le Canada est de retour. » Le gouvernement de notre pays dit que le monde « a besoin du Canada ». Pourtant, le leadership semble faire défaut actuellement dans le dossier de l’interdiction des armes nucléaires. Le Canada n’a pas joint les rangs des quelque 120 pays qui s’apprêtent à ratifier le nouveau traité. Il aura toutefois besoin de leur appui quand il tentera d’obtenir un siège au Conseil de sécurité de l’ONU en 2019.

(1350)

Le Canada étant perçu comme un pays neutre et pacifique, cela lui permet, à cette étape-ci du processus, d’influencer le ton des travaux et d’encourager les parties à arriver à une solution diplomatique qui conviendra à tous les principaux intervenants. Les lois internationales ne se modifient pas du jour au lendemain. Il faut mettre de la pression pendant des années, en ayant recours à des déclarations, à l’établissement de normes, à des traités et à nombre d’autres mesures.

L’élaboration de la norme pour l’interdiction des armes nucléaires s’est échelonnée sur 70 ans. Le Canada devrait continuer de militer en faveur de cette interdiction, comme il l’a toujours fait.

Le Canada ne peut pas compter sur les États-Unis pour assurer sa défense. La diplomatie et les lois internationales constituent son premier mécanisme de défense.

Pour terminer, honorables sénateurs, il y a à peine quelques minutes, le premier ministre a prononcé un discours à l’Assemblée générale des Nations Unies. Je le cite :

Pour bâtir un monde meilleur, nous devons travailler ensemble […] protéger les personnes les plus vulnérables et mettre les gens au cœur des décisions que nous prenons.

Le désarmement nucléaire doit se concrétiser dès maintenant, tant pour nous que pour les générations futures.

[Français]


AFFAIRES COURANTES

Le commissaire à la protection de la vie privée

Dépôt du rapport annuel de 2016-2017

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport annuel de 2016-2017 du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, concernant la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et la Loi sur la protection des renseignements personnels, intitulé Des craintes réelles, des solutions pour y remédier : plan pour rétablir la confiance dans la protection de la vie privée, conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000,ch. 5,art. 25 et à la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. 1985,ch. P-21,art. 38.

[Traduction]

Régie interne, budgets et administration

Dépôt du dix-septième rapport du comité

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le dix-septième rapport du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration qui porte sur les voyages internationaux.

Le Sénat

Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 26 septembre 2017

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 26 septembre 2017, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;

Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;

Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;

Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Honorables sénateurs, je tiens à vous informer que le ministre Amarjeet Sohi se joindra à nous la semaine prochaine.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

Le Sénat

Préavis de motion tendant à encourager le gouvernement du Myanmar à mettre un terme à la violence et aux violations graves de la personne contre les musulmans rohingyas

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat encourage le gouvernement du Myanmar :

1.à mettre immédiatement un terme à la violence et aux violations graves des droits de la personne contre les musulmans rohingya;

2.à respecter son engagement à appuyer la lettre et l’esprit de la Déclaration universelle des droits de l’homme;

3.à répondre aux appels urgents de la communauté internationale et permettre l’entrée d’observateurs indépendants au pays, notamment à l’état de Rakhine;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes l’invitant à se joindre au Sénat aux fins susmentionnées.

Énergie, environnement et ressources naturelles

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à reporter la date du dépôt de son rapport final sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone

L’honorable Richard Neufeld : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant l’ordre de renvoi du Sénat adopté le jeudi 10 mars 2016, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles concernant son étude sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone soit reportée du 30 septembre 2017 au 30 juin 2018.

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes

L’honorable Anne C. Cools : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, en vue d’en faire rapport, les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, et, plus particulièrement :

la répartition du revenu;

la détention de placements passifs dans une société privée;

la conversion du revenu régulier en gain en capital;

Que le comité porte une attention particulière aux répercussions des changements proposés sur :

les petites entreprises et les professionnels constitués en société;

la croissance économique et les finances publiques;

l’équité de l’imposition des différents types de revenus;

d’autres questions connexes;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2017, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Par conséquent, la motion est inscrite au Feuilleton des préavis pour plus tard aujourd’hui.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

L’impôt des petites entreprises

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, encore aujourd’hui, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur les modifications fiscales proposées par le ministre des Finances pour les petites entreprises.

Comme tous les honorables sénateurs le savent, dans le projet de loi C-2 de l’année dernière, le gouvernement fédéral a instauré un taux d’imposition marginal de 33 p. 100 pour les contribuables dont les revenus sont supérieurs à 200 000 $, soit le 1 p. 100. Nous avons entendu à maintes reprises que cette hausse d’impôt permettrait de compenser la baisse d’impôt de 3 milliards de dollars de la classe moyenne, un groupe, en passant, que le gouvernement n’est toujours pas capable de définir.

En fait, la page 16 du rapport publié par le ministère des Finances mardi indique que en 2016­2017, il y a eu une baisse des rentrées d’impôt sur le revenu des particuliers de 1,2 milliard de dollars.

Le gouvernement est face à un déficit de 18 milliards de dollars, sans sans compter — il me semble — 3,5 milliards de dollars de fonds d’infrastructure non dépensés ainsi que des recettes moins élevées que prévu; il essaie actuellement de pallier cette situation en proposant d’imposer les revenus de placement des propriétaires de petites entreprises à un taux de 73 p. 100.

Le sénateur Harder pourrait-il nous expliquer en quoi cela est juste?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de ses questions.

Le gouvernement du Canada participe à un processus de consultation afin de s’assurer que le code des impôts, en particulier la partie qui traite des sociétés privées, est équitable et bien compris par l’ensemble des travailleurs au pays.

Dans ce contexte, le ministre des Finances et la ministre de la Petite Entreprise participent à de vastes consultations. Celles-ci se concluront par la publication d’un énoncé d’intention du gouvernement. Ce document a pour but d’assurer l’équité du régime fiscal, afin que les Canadiens puissent avoir la certitude que leur contribution à l’assiette fiscale est convenable et équitable.

(1400)

Le sénateur Smith : Je dirais qu’un taux d’imposition de 73 p. 100 n’a rien d’équitable et qu’il nuirait aux entreprises locales en hypothéquant leur avenir. De leur côté, les sociétés cotées en bourse continuent de payer 55 p. 100 de leurs revenus d’investissements passifs.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a publié ce matin un sondage qui témoigne de la vive inquiétude que suscitent les changements fiscaux que propose M. Morneau. D’après ce sondage, 88 p. 100 des chefs d’entreprise ont répondu que les changements proposés nuiront à la croissance des petites entreprises et, par le fait même, à la création d’emplois.

Honorables sénateurs, selon les résultats du sondage, 76 p. 100 des chefs d’entreprise estiment que le gouvernement fédéral ne comprend pas les effets qu’auront ces changements fiscaux sur les petites entreprises.

Le gouvernement tiendra-t-il compte de la grogne des agriculteurs, des plombiers, des mécaniciens, des propriétaires de pizzeria et des nombreux autres travailleurs, et reviendra-t-il sur ces changements injustes?

Le sénateur Harder : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de sa question. Il parle du rapport de la FCEI, qui se fonde sur l’opinion de ses membres. D’autres Canadiens nous ont fait part d’autres points de vue. Voilà le but des consultations que le gouvernement a entreprises. Le gouvernement tirera ses propres conclusions et proposera, ou non, une série de recommandations qui permettront d’améliorer le régime fiscal pour le rendre convenable et équitable pour toutes les catégories de revenus.

La justice

La nomination des juges—Les délais du système de justice

L’honorable Paul E. McIntyre : Je vous remercie, Votre Honneur. Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur, le 15 février dernier, je vous ai posé une question, dans la foulée de l’arrêt Jordan de la Cour suprême, concernant le nombre élevé de vacances au sein de la magistrature dans l’ensemble du pays. On m’a donné une réponse plus tôt cette semaine, et je vous en remercie.

Lorsque j’ai soulevé cette question en février, j’ai souligné que, à ce moment-là, il y avait 60 postes de juge vacants à pourvoir au Canada. En date du 1er septembre, il y avait 57 postes de juges nommés par le gouvernement fédéral à pourvoir, ce qui n’est pas bien différent du nombre de vacances qu’il y avait en février.

Le représentant du gouvernement au Sénat peut-il nous dire quand la ministre de la Justice pourvoira enfin ces postes vacants, pour ainsi réduire les risques que d’autres causes soient suspendues en raison des délais énoncés dans l’arrêt Jordan?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et de son intérêt soutenu pour le dossier de la nomination des juges. Je tiens à signaler à tous les sénateurs que le gouvernement a pris un certain nombre de mesures importantes pour que le processus de nomination des juges soit transparent et responsable envers les Canadiens et qu’il favorise une plus grande diversité chez les magistrats.

À ce jour, la ministre de la Justice a nommé 109 juges partout au pays et 22 juges dans les territoires. Ces nominations continuent de refléter un niveau sans précédent de diversité, qui a été atteint grâce au nouveau processus de nomination.

Cinquante-six pour cent des personnes nommées à la magistrature par le gouvernement actuel sont des femmes. C’est plus que les 35 p. 100 nommées sous le gouvernement précédent, et la ministre est impatiente d’annoncer très prochainement la nomination d’autres juges exceptionnels.

Le sénateur McIntyre : Monsieur le sénateur, je suis persuadé que vous porterez cette question à l’attention de la ministre de la Justice. Dans le cadre de votre discussion avec la ministre, pourriez-vous aussi porter à son attention le rapport sur les délais au sein du système de justice présenté par le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles en juin dernier?

Je soulève ce point parce que le comité a produit un excellent rapport, sous la direction de nos collègues récemment retraités, les sénateurs Runciman et Baker. Comme vous le savez, le comité a formulé 50 recommandations pour atténuer les pressions exercées sur le système judiciaire, et la plupart de ces recommandations sont axées sur des mesures qui doivent être prises par la ministre fédérale de la Justice. Comme l’indique le rapport du comité, une des raisons des délais au sein du système de justice est le manque de juges nommés par le gouvernement fédéral.

Monsieur le sénateur, pouvez-vous nous dire si la ministre de la Justice est au courant du rapport du comité? La ministre de la Justice a-t-elle lu le rapport? Dans l’affirmative, la ministre prévoit-elle suivre les conseils du comité, notamment en ce qui concerne la nécessité de pourvoir les postes de juge vacants?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Lorsque le rapport a été déposé au Sénat, j’en ai fait part à la ministre afin d’y attirer son attention. Je suis convaincu qu’elle a lu le rapport et qu’elle réfléchit aux recommandations qu’il renferme. Les processus sont en cours, mais des juges ont été nommés après le dépôt du rapport et les nominations se poursuivront. Je profiterai toutefois de cette occasion pour communiquer directement avec la ministre afin de discuter encore une fois de ce sujet.

La défense nationale

Le processus judiciaire militaire

L’honorable Colin Kenny : Merci, Votre Honneur. Honorables sénateurs, j’ai une question à poser au leader du gouvernement au Sénat.

Ma question porte sur les procès sommaires dans l’armée canadienne et le fait qu’on bafoue les droits que la Charte garantit aux membres des Forces armées canadiennes.

Dans le cadre d’un procès sommaire, c’est le commandant de l’inculpé qui préside le tribunal. Dans un tel cas, les règles de preuve ne s’appliquent pas. L’officier président peut conclure à la culpabilité de l’inculpé si celui-ci refuse de répondre aux questions susceptibles de l’incriminer. Bref, la protection contre l’auto-incrimination est refusée aux prévenus. Comme les procès ne sont pas obligatoirement retranscrits, il est impossible de faire appel.

Pour ce qui est de l’officier désigné, dont le rôle est d’aider l’inculpé, ce n’est pas un avocat, ce qui veut dire qu’il ne peut pas jouir des avantages du secret professionnel. Le pire dans tout cela, c’est que l’officier président peut consigner l’inculpé au quartier — c’est-à-dire au baraquement ou sur le navire — pour une période maximale de 30 jours et lui accoler un casier judiciaire.

Que prévoit faire le gouvernement pour que les procédures judiciaires des Forces canadiennes respectent la Charte canadienne des droits et libertés et que les militaires jouissent des mêmes droits que les autres Canadiens?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je me renseignerai auprès des autorités concernées et j’en parlerai personnellement aux ministres.

La sécurité publique

Omar Khadr—Le règlement hors cour

L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, le gouvernement Trudeau a conclu avec le terroriste avoué Omar Khadr une entente secrète qui pourrait se chiffrer à 10,5 millions de dollars. Je dis « pourrait », parce que nous ne connaissons précisément pas le montant qui a été convenu, votre gouvernement ayant décidé de garder l’entente secrète.

Qu’est-ce que le gouvernement Trudeau a à cacher? Est-ce le montant exact que vous versez à Khadr? Ses honoraires juridiques, qui doivent atteindre une somme assez rondelette, s’ajoutent peut-être à ces 10,5 millions non imposables. Chose certaine, vous avez essayé de cacher le moment exact où cette entente a été conclue. Comme l’information est sortie le 3 juillet, on peut affirmer sans craindre de se tromper que le gouvernement Trudeau s’est entendu avec Khadr avant le 1er juillet. J’imagine que personne ne voulait que le premier ministre et les députés libéraux se fassent huer d’un bout à l’autre du pays le jour de la fête du Canada.

Il est en outre fort probable que l’entente secrète dans le dossier Khadr ait été conclue avant l’ajournement du Parlement à la fin de juin. On ne peut pas arriver à une entente de 10,5 millions de dollars et verser ce montant au complet du jour au lendemain.

Quand cette entente secrète entre MM. Trudeau et Khadr a-t-elle été conclue? Le gouvernement a-t-il caché une entente conclue avant l’ajournement du Parlement pour éviter les demandes d’explications des conservateurs à la période des questions et les analyses des médias nationaux?

Par ailleurs, sénateur Harder, cette entente renferme-t-elle les détails du versement de cette somme colossale à un terroriste qui a avoué son crime? Plus précisément, cette entente secrète fait-elle mention de Tabitha Speer? Le gouvernement Trudeau a-t-il, en réalité, aidé Omar Khadr en structurant l’entente et le paiement de 10,5 millions de telle manière que ce dernier n’ait pas à remettre son argent, jusqu’au dernier sou, à cette veuve dont la revendication est tout à fait légitime?

Les Canadiens attendent des réponses à ces questions depuis des mois.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de sa question.

J’aimerais rappeler au Sénat que le gouvernement a bel et bien annoncé qu’une entente avait été conclue dans la poursuite au civil de M. Khadr. Soyons clairs : cette entente porte sur une seule chose, à savoir les actes ou les omissions du gouvernement du Canada pendant que M. Khadr était détenu. C’était là le problème.

(1410)

La Cour suprême a déjà conclu qu’il y a eu atteinte aux droits de M. Khadr. La longue procédure juridique a coûté des millions de dollars et pourrait coûter encore plus si elle se poursuit. La demande n’a à peu près aucune chance d’être accueillie, compte tenu des conclusions de la Cour suprême.

En fait, lorsque le gouvernement du Canada enfreint tout droit garanti par la Charte, c’est nous tous qui en payons le prix. C’est ce qui se passe dans ce cas-ci, et, comme pour toute autre entente négociée, les détails sont confidentiels.

La sénatrice Batters : Sénateur Harder, ce n’est pas par nécessité que l’entente conclue avec M. Khadr est confidentielle. Nombre d’ententes sont rendues publiques après avoir été conclues. Le gouvernement Trudeau a choisi délibérément de garder cette information secrète; 10,5 millions de dollars sont un bon moyen de négociation auprès de la personne recevant le paiement. Le gouvernement aurait pu et il aurait dû insister sur le fait que l’ouverture et la transparence au sujet de ce paiement énorme constituaient un renseignement nécessaire pour les contribuables canadiens.

Par conséquent, sénateur Harder, je vais vous poser la question de nouveau. Qu’est-ce que le gouvernement Trudeau tente de garder secret relativement à cette entente? Est-ce le montant véritable de ce paiement de plusieurs millions de dollars, le moment précis de l’entente, comment l’entente a été conçue afin d’échapper au jugement de Tabitha Speer, ou toutes ces réponses?

Le sénateur Harder : Je répète qu’il s’agit d’une situation où le gouvernement du Canada a enfreint des droits garantis par la Charte. Le gouvernement du Canada, à l’époque, n’était pas un gouvernement libéral ni les gouvernements qui ont suivi. La jurisprudence a été respectée dans cette affaire en ce qui concerne les négociations, la nature de l’entente et le fait que cette entente demeure, comme il se doit, confidentielle.

[Français]

Les ressources naturelles

L’oléoduc Énergie Est

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. En juin dernier, afin d’appuyer mon collègue, le sénateur Mockler, je livrais un discours sur les avantages économiques du pipeline Énergie Est pour le Nouveau-Brunswick et le Québec. Vous vous en souvenez sans doute.

La construction de ce pipeline est vitale, car elle permettra de créer des milliers d’emplois au Québec et au Nouveau-Brunswick. De plus, ce projet de pipeline versera des milliards de dollars dans les coffres publics des deux provinces. En outre, la balance commerciale serait réellement avantageuse pour le Québec. Plutôt que d’exporter des dollars dans les pays africains ou en Europe, on conserverait cet argent chez nous.

Or, on sait que le gouverneur de l’État du Maine, Paul LePage, n’a jamais caché son intérêt à ce que le tracé du pipeline soit modifié pour qu’il puisse passer dans l’État du Maine plutôt que dans le Sud du Québec et au Nouveau-Brunswick. Le leader du gouvernement a-t-il été mis au courant des tractations entre le gouvernement canadien et le gouvernement américain, qui visent à modifier le tracé en faveur de l’État du Maine et qui auront ainsi pour effet d’exporter nos emplois vers les États-Unis au lieu de les maintenir au Québec et au Nouveau-Brunswick?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Comme le savent les sénateurs, le gouvernement du Canada croit en un secteur des ressources naturelles concurrentiel et durable et il estime que les projets judicieux doivent aller de l’avant lorsqu’ils jouissent de la pleine confiance des Canadiens.

Le gouvernement a approuvé des projets de pipeline et d’infrastructure qui créeront des emplois et, dans le cadre de sa politique concernant les pipelines, il continue évidemment d’accorder la priorité à la protection des océans, à la tarification de la pollution par le carbone et à la collaboration avec les peuples autochtones.

Pour ce qui est de l’oléoduc Énergie Est, le gouvernement a indiqué clairement que la demande de TransCanada représente une décision d’affaires de sa part. Le gouvernement a aussi fait savoir sans équivoque que le processus d’examen tiendra compte des facteurs touchant le climat. C’est le processus en cours. Nous allons attendre les décisions qui seront prises par le secteur privé.

[Français]

Le sénateur Boisvenu : Le leader du gouvernement peut-il nous rassurer en nous assurant que l’arrêt temporaire du processus environnemental dans lequel Énergie Est s’était engagée avec le BAPE et l’Office national de l’énergie n’est pas lié à ces tractations entre le Canada et le gouvernement américain, qui visent à ce que le tracé ne passe plus par le Québec ni par le Nouveau-Brunswick, mais plutôt par les États-Unis? Cette décision ferait en sorte que les deux provinces soient des importatrices plutôt que des exportatrices de pétrole.

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je tiens simplement à faire remarquer aux sénateurs que la suspension demandée par la société TransCanada est une décision d’affaires. Par conséquent, elle prendra les décisions qui s’imposent à la suite du processus d’examen.

[Français]

Le commerce international

L’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. L’accord de libre-échange entre le Canada et l’Europe entre en vigueur aujourd’hui. Au moment de conclure cet accord, l’ancien premier ministre Harper s’était engagé à verser 350 millions de dollars aux agriculteurs, particulièrement aux producteurs laitiers, pour compenser le manque à gagner lié à l’arrivée des fromages européens sur le marché canadien.

Aujourd’hui, on apprend que la somme qui était réservée aux producteurs laitiers, soit 250 millions de dollars, a été investie, sur une période de trois semaines, en faveur de projets présentés par les producteurs. L’Union des producteurs agricoles (UPA) réclame une bonification de l’enveloppe destinée à l’indemnisation. Elle affirme que la décision du gouvernement Trudeau de transformer l’enveloppe de compensation en fonds pour l’investissement en faveur de la compétitivité vient rompre l’engagement d’Ottawa. Bref, l’enveloppe qui était réservée par le gouvernement Harper avait comme objectif d’indemniser les agriculteurs, et celle versée par le gouvernement Trudeau vise à investir dans la productivité. Ainsi, il ne s’agit pas du même objectif ni d’un effet zéro pour les producteurs laitiers, particulièrement ceux du Québec.

Le gouvernement a-t-il l’intention de bonifier l’enveloppe afin d’offrir une indemnisation aux producteurs laitiers, compte tenu de l’arrivée des fromages européens sur le marché canadien?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et du soutien que lui et d’autres ont accordé aux négociations et à l’entrée en vigueur du traité lui-même. Comme je l’ai dit en réponse à une question l’autre jour, il s’agit d’un jalon historique en matière de libre-échange pour le Canada. C’est un accord d’une grande qualité. Le gouvernement du Canada a prévu des fonds considérables qui permettront d’indemniser les secteurs qui seront touchés par la mise en application de l’accord. Les niveaux d’indemnisation sont importants et ils visent à accroître la productivité de ces secteurs, à leur permettre de saisir les occasions qui se présenteront et à relever les défis qui découleront d’une concurrence désormais exempte de droits de douane.

Pour ce qui est de la question en tant que telle de l’honorable sénateur, je vais m’informer, mais je crois comprendre que les fonds visent très précisément à assurer la viabilité et l’évolution des secteurs touchés, de telle sorte qu’ils puissent relever les défis qui découleront de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange.


(1420)

ORDRE DU JOUR

La Loi sur la statistique

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Jane Cordy propose que le projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, la statistique joue un rôle essentiel dans les sociétés démocratiques. L’information est vitale pour comprendre ce que nous sommes, notre passé et notre avenir. Il est donc vital de protéger l’intégrité et la qualité de cette information. Voilà pourquoi je suis heureuse d’intervenir aujourd’hui à titre de marraine au Sénat du projet de loi C-36, Loi modifiant la Loi sur la statistique.

Les entreprises, la société civile, les chercheurs, le public, les décideurs et les administrations se fient tous à des données. L’intégrité et l’exactitude de ces données sont essentielles pour planifier convenablement les services destinés à améliorer les conditions sociales et à permettre aux entreprises de prospérer. Voilà pourquoi l’information statistique produite par le gouvernement doit être de la plus haute qualité tout en restant impartiale et adaptée aux besoins des intervenants.

La collecte de données de bonne qualité est essentielle pour prendre des décisions éclairées concernant les services sur lesquels les Canadiens comptent. Je veux parler du logement, de l’éducation, du transport en commun, du perfectionnement professionnel, et ainsi de suite. Je le répète : il est essentiel que l’information statistique produite par le gouvernement soit de haute qualité et fiable.

En fait, on reconnaît dans le monde entier que les agences statistiques doivent disposer d’un degré élevé d’indépendance professionnelle vis-à-vis des gouvernements.

Honorables sénateurs, qu’est-ce que j’entends par « indépendance »?

Dans le cadre des organismes statistiques nationaux, cela veut dire que les décisions concernant les méthodes et les opérations sont fondées exclusivement sur des considérations d’ordre professionnel.

Cela comprend tous les aspects de la production de l’information statistique. Cela veut dire aussi que ces organismes doivent être libres de toute intervention du gouvernement ou d’intérêts extérieurs. C’est à ces conditions que les Canadiens peuvent être sûrs que l’information statistique produite en leur nom est impartiale et de la plus haute qualité.

Dans le monde, les approches à l’égard de l’indépendance varient. Par exemple, les Pays-Bas, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande ont des dispositions législatives explicites sur l’indépendance. Aux Pays-Bas, le bureau de la statistique du pays est considéré comme un organisme autonome, et, au Royaume-Uni, la Statistics Authority est un organe non ministériel qui relève directement du Parlement.

Peu importe comment les divers pays définissent l’indépendance par rapport à leur agence qui recueille des statistiques, ils observent tous un même ensemble de principes internationaux.

Ces pratiques et principes exemplaires internationaux sont exposés dans deux documents importants : « Principes fondamentaux de la statistique officlelle », des Nations Unies, et « Recommandation du Conseil concernant les bonnes pratiques statistiques », de l’Organisation de coopération et de développement économiques, que le Canada a aidé à rédiger.

Le Canada souscrit à ces deux documents, et les modifications à la Loi sur la statistique proposées dans le projet de loi C-36 sont conformes à ceux-ci.

Les modifications apportées à la loi garantiront que les statistiques produites par Statistique Canada continueront d’être exactes, fiables et de la plus haute qualité qui soit. Les Canadiens pourront ainsi continuer d’avoir confiance en l’impartialité des statistiques recueillies en leur nom.

Traditionnellement, les gouvernements ont reconnu Statistique Canada comme un organisme indépendant où le ministre qui est chargé de sa surveillance intervient peu. Cependant, la protection de l’organisme contre l’ingérence politique ne figure pas actuellement dans la loi.

En 2010, la décision de remplacer le questionnaire détaillé obligatoire du recensement de 2011 par une enquête à participation volontaire a révélé cette faiblesse de la Loi sur la statistique.

Comme mes collègues s’en souviennent peut-être, le ministre de l’Industrie de l’époque avait décidé d’éliminer le questionnaire détaillé du recensement de 2011 et il avait déclaré publiquement que le statisticien en chef lui avait affirmé qu’une enquête à participation volontaire pourrait fournir des renseignements de la même qualité que le questionnaire détaillé obligatoire du recensement. Non seulement cette déclaration était fautive, mais le statisticien en chef n’a jamais rien dit de tel. En réalité, il avait émis l’avis contraire. Le statisticien en chef de Statistique Canada a ensuite remis sa démission pour protester contre les déclarations du ministre.

Bien que le projet de loi ait permis au gouvernement de l’époque de prendre une décision clé sur une question statistique, il a aussi soulevé des préoccupations au sujet de l’indépendance de Statistique Canada et des nouveaux risques concernant la qualité des données produites par l’agence.

Étant donné qu’il n’y a pas eu de questionnaire détaillé lors du recensement de 2011, il y a d’énormes lacunes dans les données statistiques de cette année de recensement. Beaucoup d’intervenants, dans les administrations locales et les municipalités, ont été privés de renseignements qu’ils avaient l’habitude d’utiliser pour prendre des décisions stratégiques éclairées.

Les modifications proposées dans le projet de loi C­36 établissent un équilibre et visent à consacrer dans la loi la convention de longue date voulant que Statistique Canada s’acquitte en toute indépendance de ses responsabilités en matière de statistiques et à empêcher l’ingérence politique tout en faisant en sorte que l’agence continue de relever du ministre de l’Industrie.

Les modifications proposées protègeront la qualité, l’impartialité et l’intégrité professionnelle des renseignements produits par Statistique Canada.

Honorables sénateurs, permettez-moi de profiter de l’occasion pour présenter brièvement les propositions contenues dans ce projet de loi.

En vertu de la loi actuelle, le ministre responsable de Statistique Canada a tous les pouvoirs concernant les opérations de l’agence et ses méthodes de collecte, de compilation et de production de renseignements statistiques, même si, en pratique, ce pouvoir est délégué au statisticien en chef.

Le projet de loi C­36 modifiera la Loi sur la statistique afin que le statisticien en chef devienne officiellement responsable de toutes les opérations et les décisions liées aux produits statistiques. Le ministre continuera de répondre, devant le Parlement, des activités de l’agence statistique du pays.

Conformément à notre système de gouvernement issu de la tradition britannique, un élu demeure comptable au Parlement et à la population canadienne de la qualité et de la pertinence des statistiques produites par le gouvernement au nom de chaque Canadien.

Cela est essentiel pour que le système statistique reste pertinent, adapté et rentable et qu’il tienne compte du fardeau qui pèse sur les épaules des Canadiens qui doivent répondre aux questionnaires de recensement.

Le projet de loi C-36 prévoit que le ministre conserve l’autorité quant au type de données qui sont recueillies et lui permet de donner des directives sur la portée générale du programme statistique.

Les modifications proposées amèneront également de nouvelles mesures visant à assurer la transparence des directives ministérielles en permettant au statisticien en chef de demander que les directives concernant les programmes statistiques soient formulées par écrit et rendues publiques avant d’y donner suite.

À l’autre endroit, des préoccupations ont été soulevées quant à savoir si ce projet de loi répond adéquatement au problème de l’ingérence politique dans l’orientation des questions statistiques au sein de l’agence, comme ce fut le cas en 2010, lorsque ce problème avait même amené le statisticien en chef à démissionner.

Après avoir examiné attentivement le projet de loi C-36, je crois qu’il établit le juste équilibre et permet de répondre adéquatement à cette préoccupation.

Les modifications prévues dans le projet de loi C-36 feront en sorte que toutes les décisions concernant le caractère obligatoire ou facultatif des enquêtes seront prises par le statisticien en chef, après qu’il ait décidé, à titre de professionnel, ce qui est préférable sur le plan scientifique.

Le projet de loi exige également que le statisticien en chef avise le ministre lorsqu’il décide de rendre une enquête obligatoire. Cette mesure est nécessaire, parce que rendre une enquête obligatoire a des conséquences politiques et parce que Statistique Canada est un organisme financé par les fonds publics qui doit toujours rendre des comptes aux Canadiens.

Le projet de loi autorise le gouvernement à recommander au gouverneur en conseil — donc, au Cabinet — de donner des directives sur les méthodes, procédures ou opérations, lorsque cela s'inscrit dans l’intérêt du pays.

Les directives doivent être déposées dans les deux Chambres du Parlement dans les 15 jours. Ainsi, chacun sait qui a pris la décision et ce qui la justifiait et le processus de responsabilité politique et d’examen public peut suivre son cours.

Le risque politique qu’entraînerait une utilisation abusive de ce pouvoir permet d’assurer qu’il ne sera employé que dans des circonstances exceptionnelles.

(1430)

Le Canada ne fait pas exception en ce qui a trait à la surveillance exercée par le gouvernement à l’égard de questions ayant des implications politiques. En effet, en raison de ces possibles implications, de nombreux pays dotés d’un organisme de statistique indépendant veillent à ce que le gouvernement ait le dernier mot sur la décision de rendre une enquête obligatoire.

Une autre modification importante dans le projet de loi C-36 est la création du Conseil consultatif canadien de la statistique, qui remplacerait le Conseil national de la statistique. Ce dernier, établi en 1985 et comptant jusqu’à 40 membres, est un organisme consultatif non régi par la loi dont le mandat est de conseiller le statisticien en chef dans l’établissement des priorités et la rationalisation des programmes de Statistique Canada. À l’heure actuelle, le Conseil national de la statistique compte 32 membres, qui y siègent dans l’intérêt public sans être rémunérés.

Le Conseil national de la statistique a apporté d’importantes contributions au travail de Statistique Canada. Il a notamment aidé à la révision et à la mise à jour de la Loi sur la statistique dont nous parlons aujourd’hui. Toutefois, son mandat, sa structure et sa composition n’ont pas évolué en fonction de la nature changeante et des exigences du système statistique et de Statistique Canada, et ne permet pas le niveau de transparence attendu aujourd’hui.

Le nouveau Conseil consultatif canadien de la statistique se veut plus stratégique, plus ciblé, plus réceptif et plus vif que la vaste entité consultative actuelle. Il se concentrera sur la qualité globale du système de statistique national afin de veiller à ce que celui-ci continue de répondre aux besoins des Canadiens. Il examinera la pertinence, l’exactitude, l’accessibilité et l’opportunité des renseignements produits par Statistique Canada. Il conseillera à la fois le ministre et le statisticien en chef de manière transparente. De plus, il viendra compléter la structure globale de comités consultatifs déjà en place à Statistique Canada, y compris les sept comités provinciaux et territoriaux.

Parmi ces entités, le Conseil consultatif fédéral-provincial-territorial de la politique statistique veille à ce que toutes les provinces et tous les territoires aient réellement une voix à l’égard des questions d’ordre statistique. Statistique Canada compte également 13 comités consultatifs dans divers domaines, lesquels comptent près de 200 membres de toutes les provinces et de tous les territoires représentant l’ensemble de la société canadienne.

Pour accroître la transparence, le nouveau conseil publiera un rapport annuel sur l’état du système statistique national, dont les Canadiens pourront prendre connaissance. Le conseil sera formé d’un président, du statisticien en chef et d’au plus neuf autres membres qui seront également nommés par le gouverneur en conseil de façon ouverte et transparente.

Statistique Canada jouit d’une réputation exceptionnelle, tant sur la scène nationale qu’ailleurs dans le monde, notamment grâce à la qualité de ses données, au professionnalisme de ses méthodes et à l’obtention d’un taux de réponse élevé. Cette excellence est en grande partie attribuable au travail remarquable des membres du Conseil national de la statistique. Je remercie les nombreuses personnes qui ont siégé au conseil au cours des 30 années : elles ont contribué à l’élaboration du projet de loi dont nous sommes saisis et elles ont fait de Statistique Canada un organisme digne d’envie à l’échelle mondiale.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-36 prévoit également des modifications au processus de nomination du statisticien en chef. Le titulaire de ce poste sera nommé dans le cadre d’un processus de sélection ouvert fondé sur le mérite, conformément à l’approche du gouvernement à l’égard des nominations faites par le gouverneur en conseil. Le statisticien en chef occupera son poste pour un mandat maximal de cinq ans, si aucun motif valable ne justifie sa révocation. Dorénavant, le statisticien en chef ne sera plus nommé à titre amovible par le ministre. Par conséquent, il ne pourra être démis de ses fonctions par le gouverneur en conseil que si un motif valable le justifie. Son mandat pourra également être reconduit une seule fois pour une période maximale de cinq ans.

Ce changement renforcera l’indépendance du statisticien en chef au chapitre de la prise de décisions. Ces modifications à la Loi sur la statistique visent à accroître l’indépendance de Statistique Canada, à protéger son intégrité professionnelle et à définir plus clairement qu’à l’heure actuelle les responsabilités du ministre et celles du statisticien en chef.

Honorables sénateurs, ce projet de loi comporte d’autres éléments importants. Les Canadiens refusent très rarement de fournir de l’information dans le cadre du recensement ou d’autres enquêtes à participation obligatoire, mais au fil des ans, cette situation s’est présentée à quelques reprises. Les intervenants concernés s’entendent généralement pour dire que, en cas d’infraction, c’est-à-dire de refus de répondre aux questions du recensement ou d’une enquête obligatoire, l’emprisonnement constitue une peine disproportionnée. Par conséquent, le projet de loi C-36 supprime la peine d’emprisonnement imposée en cas d’infraction. Toutefois, les Canadiens qui ne se conformeront pas à la loi risqueront de se voir imposer une amende qui peut aller jusqu’à 500 $.

La loi mise à jour permettra le transfert des données de recensements à Bibliothèque et Archives Canada au bout de 92 ans. Cela s’appliquera à tous les recensements de la population à partir de 2021. Les recensements de 2006, 2011 et 2016, ainsi que l’Enquête nationale auprès des ménages de 2011, seront remis à Bibliothèque et Archives Canada au bout de 92 ans, si le consentement a été accordé. Ce changement dans la loi permettra aux historiens, aux généalogistes et à d’autres chercheurs d’avoir accès à une source précieuse de renseignements.

Enfin, le projet de loi met à jour une partie du libellé de la loi pour qu’elle reflète les progrès technologiques dans les méthodes de cueillette de données. Cela comprend l’utilisation de sondages électroniques en remplacement des questionnaires imprimés. Les amendements veilleront à ce que les Canadiens puissent continuer de compter sur l’intégrité et l’exactitude des données produites par l’organisme national responsable de la statistique au Canada.

Honorables sénateurs, les amendements dans le projet de loi ont été élaborés après consultation de nombreux Canadiens, spécialistes internationaux et agences et organismes de collecte de données statistiques. D’anciens statisticiens en chef, l’Organisation de coopération et de développement économiques et d’anciens dirigeants de bureaux de la statistique du Royaume-Uni, de la Nouvelle-Zélande et de l’Australie ont participé à ces consultations.

Le gouvernement a également procédé à un examen des lois sur la statistique au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux États-Unis, aux Pays-Bas et en Irlande. Ces consultations ont fait que diverses approches et normes internationales ont été prises en compte dans l’élaboration du projet de loi. Par exemple, j’ai mentionné plus tôt que les Pays-Bas, l’Irlande et la Nouvelle-Zélande ont des dispositions législatives explicites sur l’indépendance. Le projet de loi C-36 garantira l’indépendance de l’organisme en attribuant la responsabilité des méthodes et des activités statistiques au statisticien en chef.

Comme je l’ai dit plus tôt, je suis convaincue que le projet de loi C-36 assure un juste équilibre en faisant que, globalement, les pouvoirs restent entre les mains du ministre et que le gouvernement ait le dernier mot quant au caractère obligatoire d’un recensement. Comme c’est la pratique dans de nombreux pays, le projet de loi C-36 prévoit que le gouvernement continue d’être responsable de la portée et du contenu des recensements. Le gouvernement a également travaillé étroitement avec des intervenants de partout au pays dans l’élaboration de ce projet de loi.

Statistique Canada a mené de vastes consultations auprès du Conseil national de la statistique et du Conseil consultatif fédéral-provincial-territorial de la politique statistique. L’organisme a aussi collaboré avec 16 autres ministères fédéraux qui sont des grands utilisateurs de ses données. Ils sont tous en faveur d’accroître l’indépendance de Statistique Canada.

Honorables sénateurs, le renforcement de l’intégrité et de l’indépendance de Statistique Canada est un objectif important. La première mesure que le ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique a prise après avoir été nommé à ce poste a été de rétablir le questionnaire détaillé obligatoire de recensement, ce qui était l’une des principales priorités énoncées dans sa lettre de mandat.

La réaction des Canadiens au rétablissement du questionnaire détaillé de recensement en 2016 a été extrêmement positive. En effet, lors de la séance d’information sur le projet de loi C-36 de cet après-midi, une des sénatrices présentes a raconté que, lorsqu’elle était allée en ligne pour répondre à certaines des questions, elle n’avait pas pu accéder au questionnaire parce que beaucoup de personnes étaient en train d’y répondre. Les Canadiens semblent très heureux que nous l’ayons rétabli.

Honorables sénateurs, le recensement réalisé en 2016 a été le plus fructueux de l’histoire du pays. Cela montre clairement l’attachement des Canadiens au programme du recensement. Nous savons que les Canadiens estiment qu’il est très important que les décisions qui ont une incidence sur leur vie quotidienne soient fondées sur des données exactes et fiables.

(1440)

Honorables sénateurs, il est essentiel d’avoir accès à des renseignements exacts, fiables et de grande qualité si nous voulons pouvoir prendre des décisions éclairées à titre de législateurs. C’est de cette façon que les Canadiens cernent les défis et les possibilités. C’est comme cela qu’ils se fixent des objectifs, qu’ils mettent en œuvre des solutions et qu’ils évaluent les progrès.

Des renseignements de grande qualité sont également essentiels à la mise en place d’un système de gouvernance démocratique moderne. Ils permettent aux Canadiens de demander des comptes au gouvernement. Ils aident aussi les gouvernements à prendre des décisions éclairées au sujet des services et des programmes sur lesquels les Canadiens comptent.

En conclusion, honorable sénateurs, je crois que les modifications contenues dans le projet de loi C-36 permettront de renforcer et de protéger l’indépendance et l’intégrité professionnelle de Statistique Canada. Elles accroîtront la transparence et la responsabilité. Elles garantiront que la collecte, l’analyse et la présentation de renseignements statistiques se fondent uniquement sur des considérations scientifiques.

Honorables sénateurs, j’ai bien hâte au débat éclairé que nous aurons sur le projet de loi C-36, aussi bien au Sénat qu’au comité.

L’honorable Frances Lankin : L’honorable sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?

La sénatrice Cordy : Oui.

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Je vous remercie de votre intervention sur le projet de loi et de parrainer cette mesure législative au Sénat. Je souscris complètement au principe du projet de loi et j’espère pouvoir l’examiner de manière plus approfondie aux étapes de la deuxième lecture et de l’étude au comité.

Je me demande si le ministère ou le ministre vous a donné une idée, à vous ou aux personnes ayant assisté à la séance d’information, de ce qui sera fait à propos de la période où le questionnaire détaillé de recensement n’existait plus. Est-il possible de mettre la main sur les données manquantes de cette période ou de procéder à des comparaisons à l’aide de ces données?

J’ai travaillé dans le secteur communautaire, plus précisément dans le domaine des services sociaux et des services de santé et d’éducation. Il n’y a pas que le gouvernement qui se sert des données pour planifier ses services. Un très grand nombre d’organismes de recherche communautaires ont besoin de données probantes. Effectuer ce type de recherche est hors de leur portée. Quand nous avons perdu l’accès à ce service public et à ces données inestimables, nous avons pensé que la situation était absolument honteuse pour le Canada et catastrophique pour son engagement à fonder ses politiques sur des données probantes.

Existe-t-il une ressource qui compense cette absence de données ou sommes-nous laissés devant une période noire, un grand vide et, comme je l’ai dit, une honte?

La sénatrice Cordy : La sénatrice Griffin a fait cette observation lors de la séance d’information, et je crois qu’elle a fait valoir ce point encore plus vigoureusement que vous. Effectivement, comme je lui ai dit, je suis tout à fait d’accord.

Nous nous trouvons devant une période où la quantité d’information disponible n’est pas aussi utile qu’elle aurait pu l’être parce que, comme vous l’avez dit, de nombreux petits organismes ne peuvent se permettre d’effectuer ce type de recherche. C’est coûteux, et ils ne disposent pas des ressources humaines suffisantes pour le faire. Un grand nombre d’entre eux sont des organismes communautaires bénévoles, qui sont très désireux d’obtenir des données statistiques sur le logement, sur la main-d’œuvre au sein de leur collectivité, sur les minorités dans leur région et sur une vaste gamme de renseignements qui peuvent être déduits de ces données.

Je ne pense pas qu’il y ait de solution. Sur le formulaire de recensement, il fallait cocher la case qui donnait l’autorisation de communiquer l’information dans 92 ans. Le fait de ne cocher aucune case, ni « oui » ni « non », correspondait à un refus. Il est possible que beaucoup de gens n’aient pas coché de case ou n’aient pas fait attention à cette partie. Il y a aussi des personnes qui, pour une raison ou une autre, ont coché la case « non ».

Dans 92 ans ou avant cela — dans 70 ou 80 ans —, il y aura sûrement des lacunes. Étant donné qu’on a demandé aux gens de cocher une case pour demander leur consentement, j’ai peine à imaginer qu’on puisse leur dire que l’information sera publiée même s’ils ont coché « non ».

Je crois qu’il est impossible de recueillir cette information désormais perdue pour les historiens.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à quelques questions supplémentaires?

La sénatrice Cordy : Oui.

La sénatrice Martin : Je vous remercie de votre discours à l’étape de la deuxième lecture. Je vous ai entendue dire à plusieurs reprises que ce projet de loi vise à assurer plus de transparence et d’ouverture ainsi qu’à améliorer le régime actuel.

Je suis curieuse, madame la sénatrice. Les membres de l’actuel Conseil national de la statistique représentent une grande variété de secteurs dans l’ensemble du pays, ce qui permet au conseil de s’appuyer sur une perspective nationale bien équilibrée.

Sur quels arguments s’est-on appuyé afin de justifier la composition proposée pour le nouveau Conseil consultatif canadien de la statistique, puisque trois provinces ou territoires perdraient la chance d’y être représentés? Entre 10 et 13, il n’y a qu’une différence de 3 membres. Comment ce conseil de 10 membres qui exclurait 3 provinces ou territoires peut-il adéquatement fournir une perspective nationale s’il ne représente pas l’ensemble du pays?

La sénatrice Cordy : C’est une question très intéressante que je me suis également posée. En fait, il pouvait y avoir jusqu’à 40 membres, mais ils sont actuellement 32. Quatre provinces et territoires n’étaient pas représentés. C’est donc dire que le conseil ne représentait pas l’ensemble des provinces et des territoires. On se serait pourtant attendu à ce qu’il puisse le faire facilement avec 32 membres. Par ailleurs, comme la majorité des membres étaient des hommes, le conseil ne reflétait pas vraiment la société canadienne.

Ainsi, pour répondre à votre question sur la représentativité d’un conseil dont la composition est réduite à 10 membres, y compris le président, je ferais valoir que le conseil précédent n’était pas non plus représentatif de la société canadienne ni de l’ensemble des provinces et des territoires.

Il existe de nombreux conseils provinciaux et territoriaux qui représentent l’intérêt des provinces auprès de Statistique Canada. Beaucoup d’entre eux défendent des intérêts particuliers. Par exemple, un groupe peut traiter précisément des questions liées à l’agriculture, pour lesquelles Statistique Canada fournirait de l’information, de sorte que les collectivités agricoles de partout au pays seraient représentées.

Advenant l’adoption du projet de loi, on créera un nouveau conseil plus ouvert, plus transparent et composé de 10 personnes. Aucun procès-verbal des réunions de l’ancien conseil n’a été conservé. Dans mon discours, j’ai remercié les membres de l’ancien conseil de leur contribution au cours des dernières années. Ils ont joué un rôle déterminant dans l’élaboration des amendements au projet de loi à l’étude.

Le projet de loi prévoit que le nouveau conseil composé de 10 personnes doit conserver ses procès-verbaux, les rendre publics et présenter un rapport annuel, qui fera état de ses travaux, de la façon dont il donne suite aux demandes de Statistique Canada et des avis qu’il lui donne. L’ancien conseil ne dressait pas de procès-verbaux et ne présentait pas de rapport annuel.

Votre question est très judicieuse. L’ancien conseil ne reflétait pas la société canadienne et ne représentait pas toutes les provinces et tous les territoires.

La sénatrice Martin : Va-t-on garantir aux Canadiens et au caucus de l’opposition que les personnes nommées au conseil seront clairement choisies dans un esprit d’ouverture et de transparence, ce à quoi nous tenons tous? Va-t-on éviter les nominations partisanes comme celles qu’on a vues dans d’autres processus? Je ne nommerai personne, mais nous savons tous de quoi je parle. Est-on prêt à donner une telle garantie? A-t-on posé ces questions au sujet du processus de sélection des membres du conseil consultatif?

La sénatrice Cordy : Voilà une autre excellente question. Il s’agira effectivement d’un processus ouvert et transparent. Les nominations se feront par décret, mais le processus sera ouvert et transparent.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

Visiteur de marque à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancien collègue, l’honorable Doug Roche.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

[Français]

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 20 septembre 2017, propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 26 septembre 2017, à 14 heures.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(1450)

[Traduction]

Projet de loi sur la responsabilité judiciaire par la formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Andreychuk, appuyée par l’honorable sénatrice Seidman, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-337, Loi modifiant la Loi sur les juges et le Code criminel (agression sexuelle).

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, comme tous les sénateurs, j’appuie les objectifs du projet de loi C-337, qui souhaite faire en sorte que les juges qui instruisent des procès pour agression sexuelle comprennent mieux les subtilités juridiques de cette infraction criminelle, soient plus sensibles aux situations difficiles que vivent les victimes, et soient sensibilisés aux stéréotypes et aux fausses croyances qui colorent encore trop souvent notre perception de ces plaignants.

Cela dit, un projet de loi n’est pas automatiquement bon parce qu’il poursuit des objectifs louables. Dans le cas présent, je considère que les dispositions proposées ne permettront pas d’atteindre les objectifs visés et que, de plus, elles risquent de nuire à notre système de justice.

Nous connaissons les souhaits de la marraine de cette mesure à la Chambre des communes, Mme Rona Ambrose, car elle en a parlé publiquement. Elle souhaitait que le Parlement exige que tous les juges nommés par le gouvernement fédéral suivent une formation en matière de droit relatif aux agressions sexuelles. Les rédacteurs législatifs lui ont toutefois dit qu’une telle exigence porterait directement atteinte à l’indépendance judiciaire. La réaction de Mme Ambrose a été de dire : « Malheureusement, le Parlement ne peut pas dicter aux juges en fonction ce qu’ils doivent faire. » Ce à quoi je réponds fermement : « Au contraire : heureusement, le Parlement ne peut pas dicter aux juges en fonction ce qu’ils doivent faire. »

Il ne faudrait pas voir dans l’indépendance judiciaire un principe obscur qui n’intéresse que les constitutionnalistes. En effet, l’indépendance judiciaire est le fondement même de notre système de justice. Elle sous-tend le cadre constitutionnel canadien qui garantit nos droits fondamentaux. Sans indépendance judiciaire, on n’aurait pas la certitude que les juges entendent chacune de leurs causes à l’abri de toute influence. Dans un tel contexte, les gens perdraient toute confiance envers le système de justice et commenceraient à se faire justice eux-mêmes.

[Français]

De plus, il n’y a pas de justice véritable ni de démocratie possible si le système de justice n’est pas indépendant de l’exécutif et du Parlement. Sans quoi, comment le citoyen pourrait-il, avec confiance, recourir aux tribunaux pour se défendre contre une mesure abusive prise par le gouvernement ou adoptée par la majorité parlementaire? Un système où l’exécutif ou le Parlement dicte sa conduite aux tribunaux s’appelle une dictature — une dictature populaire, peut-être, mais, en tout cas, ce n’est pas une démocratie.

Enfin, une fédération n’est pas authentique si les tribunaux ne sont pas libres de toute influence de l’État central et des États régionaux pour jouer le rôle d’arbitre ultime entre les deux ordres de gouvernement.

Face à l’impossibilité d’imposer directement une formation en droit relative aux agressions sexuelles aux juges de cours supérieures et d’appel de nomination fédérale, Mme Ambrose a choisi un moyen indirect pour arriver à ses fins, fort louables, par ailleurs, je le répète. Elle propose d’imposer plutôt cette formation aux avocats qui présentent leur candidature pour un poste de juge de nomination fédérale. Malheureusement, comme cela arrive souvent lorsqu’on cherche à faire indirectement ce qu’on ne peut faire directement, le projet de loi C-337 entraîne une autre sorte de problème.

Le Bureau du commissaire à la magistrature fédérale reçoit chaque année environ 500 candidatures. De ce nombre, à peine une cinquantaine de candidats, donc un sur dix, sont effectivement nommés juges. Si le projet de loi est adopté, cela signifie que, chaque année, quelques centaines d’avocats devront suivre une formation destinée à la petite minorité d’entre eux qui deviendront juges et qui entendront des causes d’agressions sexuelles. Il s’agira d’un gaspillage de ressources considérable.

M. Marc Giroux, sous-commissaire à la magistrature fédérale, a déclaré ce qui suit devant le Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes, et je cite :

Si la formation d’un nombre important de candidats doit être assurée avant que ceux-ci ne deviennent juges, c’est-à-dire pendant le processus d’évaluation, nous craignons qu’il soit plus difficile de veiller à ce qu’ils aient la formation appropriée et à ce que celle-ci soit suffisamment exhaustive.

M. Giroux mentionne aussi que « l’évaluation des candidats pourrait être retardée ».

Lorsqu’on connaît les retards déjà observés dans la nomination des juges, et dont on s’est plaint encore aujourd’hui, des retards supplémentaires sont bien la dernière chose dont a besoin le système de justice.

[Traduction]

Le projet de loi C-337 présente un second problème. Le projet de loi est évidemment une réponse aux remarques et décisions honteuses de certains juges.

On pense, évidemment, à l’ancien juge Robin Camp, qui a démissionné après que le Conseil canadien de la magistrature ait recommandé son retrait.

On pense également aux juges saisis des affaires Al-Rawi et Blanchard.

Dans la première affaire concernant une femme agressée sexuellement, le juge avait déclaré dans son verdict : « Il est clair qu’une personne en état d’ébriété peut donner son consentement. »

Dans la seconde affaire, une Autochtone victime d’agression sexuelle avait été détenue durant l’enquête préliminaire et transportée à deux reprises dans la même fourgonnette que l’homme qui l’avait agressée.

Dans ces trois affaires, les juges semblent avoir fait preuve d’une incompréhension du droit relatif aux agressions sexuelles ou d’un mépris absolu face aux dommages physiques et psychologiques infligés aux victimes d’agression, ou encore des deux.

C’est à la suite de ces événements que l’on a eu l’idée d’imposer aux juges une formation sur le droit relatif aux agressions sexuelles. Le problème est que les trois juges concernés par ces affaires hautement médiatisées sont des juges d’une cour provinciale. Or, le projet de loi C-337 ne s’applique qu’aux juges nommés par le gouvernement fédéral.

Cela est d’autant plus incongru que l’immense majorité des affaires d’agression sexuelle sont entendues par des juges nommés par les gouvernements provinciaux. Autrement dit, l’action doit être menée avant tout au niveau provincial. Certes, je comprends que cette situation nous irrite à titre de législateurs fédéraux, mais cela ne justifie pas d’adopter une loi qui se trompe de cible.

Cela ne veut pas dire qu’on ne peut rien faire au niveau fédéral. Après tout, les juges des cours supérieures et des cours d’appel entendent un certain nombre d’affaires liées à des agressions sexuelles et ont quelquefois la même attitude que leurs homologues provinciaux. Je pense, par exemple, aux observations faites par le juge Robert Dewar, de la Cour du Banc de la Reine du Manitoba, et qui témoignaient clairement, selon le Conseil canadien de la magistrature, d’un manque de sensibilité envers les victimes d’agression sexuelle.

(1500)

Dans son verdict historique rendu l’été dernier, la Cour d’appel de l’Alberta a souligné que l’exposé-type du juge au jury dans les affaires d’agression sexuelle était entaché de nombreuses lacunes. Je la cite :

[…] les directives au jury problématiques minent le droit des personnes à un traitement équitable et à la protection de la loi. Cette inégalité touche plus particulièrement les femmes parce que ce sont elles qui sont le plus souvent touchées par les agressions sexuelles.

Le tribunal dit encore ceci :

[…] le temps est venu de revoir complètement la façon de faire au Canada, dans les directives au jury des procès pour agression sexuelle.

Si je comprends bien, le Comité national du Conseil canadien de la magistrature sur les directives au jury révisera ses modèles de directives à la lumière de cette décision très importante.

De plus, étant donné la pression ressentie à cause de l’élaboration du projet de loi C-337, le Conseil canadien de la magistrature a annoncé que les quatre semaines de formation offertes sur deux ans, qui comprennent des cours sur le contexte social et le droit relatif aux agressions sexuelles, seront désormais obligatoires pour toutes les personnes nommées. Cette exigence rend le cœur du projet de loi C-337 superflu.

Le projet de loi obligerait en outre le Conseil canadien de la magistrature à présenter un rapport détaillé concernant la formation offerte aux juges sur le droit relatif aux agressions sexuelles. Le rapport devrait indiquer « le nombre d’affaires d’agression sexuelle dont ont été saisis les juges qui n’ont jamais participé » à ce genre de formation. Le but de cette disposition est évident : piéger les juges délinquants et pouvoir remettre en question leurs décisions.

À moins d’avoir pour intention de saper la crédibilité du système de justice, cette façon de procéder n’est pas la bonne. Un juge ne rendra pas nécessairement une bonne ou une mauvaise décision dans tel ou tel cas parce qu’il a suivi la formation ou parce qu’il ne l’a pas suivie. Il n’y a qu’un moyen de contester une décision, et c’est de la porter en appel dans une juridiction supérieure, plutôt que de se livrer à une vendetta dans le tribunal de l’opinion publique.

Il existe un moyen bien établi de remettre en question la compétence d’un juge, un moyen qui fonctionne et qui a été efficace dans le cas de l’ancien juge Camp, notamment. Ce moyen consiste à porter plainte auprès du Conseil de la magistrature. Si les législateurs se mettent à traquer les juges, statistiques en main, ils mettront sérieusement en péril l’indépendance du pouvoir judiciaire.

[Français]

Cela dit, le Conseil de la magistrature convient lui-même qu’il doit mieux communiquer avec le public au sujet de la formation que suivent les juges. Ne serait-ce que pour cette raison, le débat sur le projet de loi C-337 aura été utile. L’indépendance judiciaire ne doit pas servir de prétexte à l’opacité. Le conseil s’est engagé à faire état désormais, dans son rapport annuel, des séminaires qu’il offre aux juges et du nombre de juges qui suivent chacune des formations offertes.

Tel qu’il a été déposé à l’autre endroit, le projet de loi exigeait que les jugements en matière d’agression sexuelle soient écrits. Comme plusieurs témoins avaient souligné que cela risquait d’entraîner des retards supplémentaires dans un système judiciaire déjà beaucoup trop lent, les députés ont accepté d’amender le projet de loi pour faire en sorte que, désormais, « Les motifs de la décision sont à porter dans le procès-verbal des débats ou, à défaut, à donner par écrit. » Dans les faits, ce sera donc le statu quo. Les jugements pourront être rendus oralement ou par écrit, à la discrétion du juge. Autrement dit, cet article du projet de loi C-337, selon ma compréhension, est à peu près futile.

[Traduction]

L’idée qui sous-tend l’imposition des décisions écrites, c’est de rendre les décisions que les tribunaux rendent dans des affaires d’agression sexuelle plus accessibles au public, aux médias et aux universitaires. Cependant, encore une fois, le projet de loi C-337 visait la mauvaise cible. Le problème n’est pas que les décisions soient rendues verbalement ou par écrit. C’est que les provinces ne publient pas, par exemple, sur Internet, toutes les décisions rendues par les tribunaux. Toutefois, il n’y a rien que nous, les législateurs fédéraux, pouvons faire à ce sujet, car cette question concerne l’administration de la justice, qui est de compétence provinciale.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est si fondamentalement vicié qu’il m’est difficile de voir comment nous pourrions le corriger en y apportant des amendements. Cela dit, en tant que législateurs dans une société libre et démocratique, nous devons essayer de protéger et, au besoin, rétablir les principes les plus fondamentaux que sont la justice et l’équité devant la loi. Cela me place devant un dilemme, car, comme je l’ai dit plus tôt, je suis d’accord avec les objectifs du projet de loi C-337.

Il est fondamental de veiller à ce que les victimes d’agression sexuelle — qui ont subi un traumatisme incomparable — soient traitées de façon juste, équitable et objective par notre système de justice.

Par conséquent, même si j’ai de sérieuses réserves au sujet du projet de loi dont nous sommes saisis, en ce moment, je ne puis me résoudre à voter contre le projet de loi C-337. Je vais donc m’abstenir à ce stade-ci, en espérant que le projet de loi peut être sauvé en comité.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Sénateur, vous avez soulevé de nombreuses questions. Je vous remercie de votre examen de ce projet de loi.

Son Honneur le Président : Votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus pour répondre aux questions? Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Andreychuk : Je m’excuse, Votre Honneur. Je ne pensais pas du tout que le sénateur avait utilisé son temps de parole. J’étais très absorbée par ce qu’il disait.

Je vous remercie d’avoir soulevé certaines des questions que vous avez soulevées, mais quelqu’un m’a signalé que vous semblez miser beaucoup sur le nouveau processus de formation que prévoit le Conseil canadien de la magistrature.

Savez-vous quand la formation commencera à être donnée, puisque c’est ce qu’on espère pour l’avenir?

Est-ce que des groupes directement touchés, des groupes communautaires qui ont de l’expérience en formation, qui connaissent le sujet des agressions sexuelles et qui ont déjà participé à la formation de juges ont été consultés? Seront-ils mis à contribution, ou la formation sera-t-elle simplement laissée entre les mains du Conseil canadien de la magistrature?

Le sénateur Pratte : Je vous remercie de poser ces questions. D’après ce que je comprends, premièrement, la formation qui n’était pas obligatoire l’est maintenant. Elle est déjà offerte. Elle dure quatre semaines. Elle sera de six semaines en deux ans.

Le conseil se trouve, si j’ai bien compris, devant un dilemme en ce qui concerne la consultation de groupes de victimes ou de n’importe quel groupe. S’il commence à consulter des groupes de victimes, d’autres groupes — non seulement de victimes d’agression sexuelle, mais des groupes de victimes d’autres crimes — voudront être consultés par le conseil, et cela pourrait poser un problème.

Toutefois, il consulte des spécialistes et des universitaires et utilise des documents produits par des groupes de victimes. Je ne défendrai pas le conseil pour la qualité de sa formation, mais je sais que ses membres sont sensibles aux préoccupations des victimes. Je me suis suffisamment entretenu avec eux pour le savoir.

Ma plus grande réserve, c’est que le projet de loi s’y prend mal, c’est-à-dire qu’il s’attaque à un problème qui concerne d’abord les juges provinciaux, mais nous, nous allons former tous les candidats qui souhaitent devenir juges au niveau fédéral, alors qu’un très petit nombre d’entre eux le deviendront vraiment. Parmi tous ces candidats, un très petit nombre instruiront un jour des affaires d'agression sexuelle, ce qui constitue du gaspillage alors que les ressources sont déjà rares.

La sénatrice Andreychuk : Je ne crois pas que le projet de loi C-337 cherche à dire aux juges comment former leurs confrères et consœurs. Le projet de loi découle des inquiétudes de la population. L’administration de la justice et le respect des tribunaux sont une question d’intérêt public. Or, le jour où la population doutera de la capacité des tribunaux à faire preuve d’un sens de la justice, nous serons dans le pétrin. La ligne à partir de laquelle on empiète sur l’indépendance de la magistrature est mince, mais le Parlement a tout de même un rôle à jouer. Il le joue tous les jours. Le Parlement adopte souvent des lois qui donnent des directives aux juges.

(1510)

La question est de savoir si nous nous ingérons dans leurs jugements. La réponse est non. Nous leur permettons de rendre des décisions dans les limites de la loi canadienne. La confiance est un élément que nous devrions examiner au cours de l’étude du projet de loi, et je suis ravie que vous ne fassiez aucune obstruction au renvoi du projet de loi au comité, pour une étude approfondie.

J’ai travaillé dans un tribunal provincial. S’il n’y a pas de dossier écrit, comment est-il possible d’inspirer confiance au public? De nombreuses causes sont traitées oralement ou d’une autre façon, à tous les échelons. Il est certain que, de nos jours, avec les services techniques dont on dispose, on devrait avoir accès aux jugements. C’est la seule façon de faire comprendre au public ce que le tribunal a voulu dire, et sachez que vous siégez aux côtés d’une juge de longue date. Le rôle des tribunaux est d’expliquer la loi, la façon dont elle s’applique et la raison pour laquelle elle s’applique à une certaine personne, afin que le public et la personne impliquée dans la cause aient confiance en la valeur du jugement et le prennent au sérieux. Ce serait tout à l’avantage du régime d’administration de la justice et de la société.

Le problème qui a été soulevé dans le projet de loi, c’est qu’on ne connaît pas les jugements, qu’ils manquent de transparence et qu’il n’y a aucune obligation de rendre des comptes à leur sujet. Ce ne sont que les juristes, comme la professeure Elaine Craig, qui ont passé leur vie à débusquer ces problèmes. Par contre, les victimes de ces cas d’agression sexuelle sont parmi nous.

Pourquoi croyez-vous que ce soit si difficile et si long de monter un dossier écrit avec la technologie d’aujourd’hui?

Le sénateur Pratte : Je le répète, j’approuve l’objectif. Je me demande parfois pourquoi je décide de m’attaquer à ce genre de sujet lorsque j’en discute avec une ancienne juge et que, de surcroît, je siège à côté d’un autre ancien juge, alors que je ne suis même pas avocat.

Je partage cet objectif, mais le problème n’est pas de savoir si le jugement a été rédigé ou pas. Par exemple, au Québec, on a décidé de ne pas publier les jugements qui ne sont pas rédigés, mais il s’agit là d’une question liée à l’administration de la justice, qui relève de la province. Le gouvernement fédéral ne peut pas imposer aux provinces de financer la publication des jugements.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

Examen de la réglementation

Adoption du deuxième rapport du comité et demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du deuxième rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, intitulé L’accessibilité des documents incorporés par renvoi dans les règlements fédéraux, présenté au Sénat le 30 mars 2017.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) propose :

Que le deuxième rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation intitulé L’accessibilité des documents incorporés par renvoi dans les règlements fédéraux, présenté au Sénat le 30 mars 2017, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre de la Justice ayant été désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

— Honorables sénateurs, je crois que je vous dois une explication au sujet de ce rapport et du prochain, puisqu’il s’agit d’une situation semblable. Comme vous venez de l’entendre, je viens de proposer l’adoption du rapport, qui a été produit par le Comité mixte permanent d’examen de la réglementation. Le même rapport a été présenté à la Chambre des communes. Comme il y a un nouveau représentant du Sénat au comité — la sénatrice Pana Merchant nous représentait, mais je l’ai remplacée —, il a fallu au Sénat plus de temps pour traiter le dossier qu’il n’en a fallu à la Chambre des communes. Les deux rapports ont été adoptés par la Chambre des communes et, une fois qu’ils seront adoptés par les deux comités, nous pourrons commencer à nous occuper de la demande de réponse figurant dans chacun des rapports.

Je vais d’abord parler du deuxième rapport. Il s’agit de l’article no 17 au Feuilleton et il porte sur un problème que j’ai constaté, soit l’augmentation d’une pratique adoptée par le gouvernement, à savoir l'incorporation... Cela a trait aux règlements, mais je l’ai également relevé dans des projets de loi d’exécution du budget, où l’on a recours à l’incorporation par renvoi, plutôt que d’indiquer l’information directement dans la loi. Essentiellement, on dit que telle disposition de la loi correspond à un autre document qu’il faut aller consulter. C’est cela, l’incorporation par renvoi.

La situation empire lorsque l’incorporation par renvoi s’applique à un document « avec ses modifications successives ». Par exemple, si, dans un règlement, on incorpore par renvoi les normes de construction d’une maison « avec leurs modifications successives », cela signifie qu’il revient au membre du public qui lit le règlement de déterminer quand les modifications ont été apportées aux normes en question.

Le comité mixte a conclu que cette situation était inacceptable et, avec le temps, le gouvernement a fini par se ranger à son avis et a apporté quelques modifications. Les modifications apparaissent à l’article 18.3 de la Loi sur les textes réglementaires et dans le rapport.

Le problème est que le comité mixte estime que les modifications apportées ne suffisent pas. Je vais donner une très courte explication de leur caractère insuffisant en me penchant sur les recommandations concernant les autres mesures qui devraient être prises.

Recommandation 1

Que la Loi sur les textes réglementaires soit modifiée afin de restreindre l’utilisation de l’incorporation par renvoi aux cas où il serait relativement impossible de ne pas y avoir recours.

Autrement dit, n’encourageons pas les incorporations par renvoi, car cela empêche les citoyens de connaître la loi.

Recommandation 2

Reconnaissant que les anglophones et francophones ont droit à l’égalité de l’accès à la loi, que la Loi sur les textes réglementaires soit modifiée afin d’exiger que les documents incorporés par renvois soient disponibles dans les deux langues officielles.

Il est arrivé par le passé qu’un règlement soit disponible en français et en anglais, mais que le document incorporé soit seulement disponible dans une langue officielle. Cela se produit encore aujourd’hui, ce qui est inacceptable. Si vous convenez avec moi que le rapport doit être accepté, une des recommandations du rapport qui seront présentées à la ministre vise à régler ce problème. Il est à espérer que la ministre prendra des mesures.

Recommandation 3

Que la Loi sur les textes réglementaires soit modifiée afin d’exiger des autorités réglementaires…

— peu importe qui incorpore par renvoi —

…qu’elles mettent à la disposition du public pour consultation, sans frais, tous les documents incorporés par renvoi [...] Il y a eu des cas où certains règlements ont été incorporés par renvoi et il fallait payer un montant considérable pour se les procurer. L’incorporation de documents américains par renvoi n’est pas rare. Des règlements canadiens incorporent par renvoi des normes et des processus américains unilingues. Une personne se voit obligée de payer un bon montant pour obtenir une copie de ces normes.

(1520)

Le comité recommande que, comme il s’agit de la loi canadienne, les documents incorporés par renvoi devraient, au Canada, être mis gratuitement à la disposition de tout citoyen qui veut être au courant de ce qu’on attend de lui.

Pour terminer, on estime qu’il devrait exister une forme de registre dans lequel seraient inscrits tous les documents incorporés par renvoi. Toutes ces recommandations semblent très logiques, bien que peut-être un peu hermétiques, mais elles sont très importantes si on s’arrête au principe, à savoir qu’un citoyen ne devrait pas être puni par une loi ou un règlement s’il n’a pas la possibilité de savoir en quoi cette loi ou ce règlement consiste. On entend souvent l’expression « nul n’est censé ignorer la loi », mais comment peut-on connaître la loi si on n’y a pas accès facilement?

Honorables sénateurs, je demande que nous adoptions ce rapport maintenant pour pouvoir obtenir les commentaires de la ministre et poursuivre nos travaux sur la question au Comité d’examen de la réglementation.

L’honorable Joan Fraser : Le sénateur Day accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Day : Bien sûr.

La sénatrice Fraser : Je suis très heureuse que le Comité d’examen de la réglementation se penche sur cette question. Je pense depuis longtemps que l’incorporation par renvoi est un mode de gouvernance absolument épouvantable.

C’est un système épouvantable de par son essence même, mais il l’est encore plus lorsque le document incorporé par renvoi est un règlement adopté par un autre pays. À mon avis, il s’agit d’une abdication pure et simple de la souveraineté canadienne. Pourriez-vous préciser un peu plus ce que dit ce rapport, le cas échéant, au sujet de l’incorporation par renvoi de règlements adoptés par d’autres pays?

Le sénateur Day : Merci, sénatrice Fraser. Dans le rapport, on dit que les documents doivent être produits dans les deux langues officielles. Or, dans certains pays, les documents ne sont pas publiés en anglais et en français. Évidemment, certains règlements ne sont pas traduits parce qu’ils se trouvent simplement dans la liste des règlements américains. Les documents rédigés au Canada seront en anglais et en français, mais le règlement lui-même ne sera publié que dans une langue.

Je suis tout à fait d’accord avec vous. Je n’ai jamais aimé cette façon de faire les choses. Nous ne pouvons pas nous y soustraire au Sénat, puisque c’est prévu dans les lois et les règlements.

L’autre élément qui me dérange vraiment, c’est que, lorsqu’on adopte un règlement qui existe déjà, chaque fois qu’il est modifié, les changements s’appliquent automatiquement.

La sénatrice Fraser : Même dans le cas de modifications apportées par un autre pays?

Le sénateur Day : Oui, même dans le cas de modifications apportées à l’étranger. Cette pratique est toujours autorisée en vertu de la Loi sur les textes réglementaires. Toutefois, nous tentons d’assujettir cette pratique à certaines limites et d’obliger les autorités à produire les documents dans les deux langues officielles. Il devrait aussi exister un registre, et on ne devrait pas être obligé de payer pour savoir en quoi consiste telle ou telle loi.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Examen de la réglementation

Adoption du troisième rapport du comité et demande de réponse du gouvernement

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du troisième rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, intitulé Notes marginales des lois et règlements fédéraux, présenté au Sénat le 30 mars 2017.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) propose :

Que le troisième rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation intitulé Notes marginales, présenté au Sénat le 30 mars 2017, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre de la Justice ayant été désignée ministre chargée de répondre à ce rapport.

— Chers collègues, cet article est semblable au précédent, si ce n’est qu’il porte sur un autre sujet. Il s’agit là aussi d’une des étapes de l’examen de la réglementation. Le comité, au nom du Parlement, échange avec les membres de l’exécutif et de l’administration publique dans le but de régler certaines questions inacceptables à nos yeux.

Ce rapport-ci traite des notes marginales, qui sont de plus en plus fréquentes dernièrement. Si vous prenez le texte d’un règlement, vous verrez sur le côté toute une série de notes marginales, imprimées dans une police différente. Ces notes donnent des précisions ou des explications sur l’article correspondant. Elles peuvent aussi renvoyer à une autre disposition du texte.

Les notes marginales ne sont pas censées porter sur l’interprétation du règlement lui-même. Elles sont là uniquement pour aider le lecteur. Le problème est apparu lorsqu’on a entrepris de codifier les lois en format électronique. Les notes marginales ont alors été déplacées, et la police est devenue la même que pour le reste du texte, ce qui donne l’impression qu’elles font partie intégrante du règlement. Ce qu’on dit, c’est : « Utilisez une police différente et faites en sorte qu’on comprenne clairement que les notes ne font pas partie du règlement lui-même et qu’elles sont là seulement pour aider le lecteur, ou alors arrêtez d’en inclure. » C’est l’un ou c’est l’autre. Le gouvernement a le choix, mais le statu quo est inacceptable, parce qu’on ne s’y retrouve plus. Tout cela parce que le gouvernement a obtenu l’autorisation de consolider et de numériser les règlements.

Mentionnons un autre petit élément. La nouvelle mise en page ne concerne pas seulement les règlements à venir; elle concerne aussi tous ceux promulgués avant l’entrée en vigueur du changement. Par conséquent, tout peut être codifié et numérisé. Le problème est plus grave maintenant, car toutes ces notes marginales se retrouvent dans le corps du texte.

Nous allons tenter de régler le problème, mais nous avons besoin de l’aide du Parlement, car, en tant que parlementaires, nous considérons qu’il s’agit d’un problème grave qui doit être résolu.

Son Honneur le Président : Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)

Le Sénat

Motion tendant à encourager le gouvernement à prévoir dans le budget la création du Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Bellemare, appuyée par l’honorable sénateur Enverga,

Que le Sénat — dans le but d’assurer la transparence dans l’octroi des deniers publics et de promouvoir l’efficacité des projets d’infrastructures dans le contexte plus large de la diversification de l’économie et des ajustements vers une économie plus verte, tout en évitant une intervention indue dans la répartition des pouvoirs entre le fédéral et les provinces — encourage le gouvernement à prévoir dans le budget la création d’un Conseil canadien de veille sur les infrastructures et de promotion des meilleures pratiques, composé d’experts dans les projets d’infrastructures en provenance des provinces et des territoires, et ayant comme principales missions :

1. de colliger les informations sur les différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

2. d’étudier les coûts et les bénéfices liés aux différents projets d’infrastructures financés par le fédéral;

3. d’identifier les meilleures pratiques d’acquisition au sens large et de partage de risques;

4. de faire la promotion de ces meilleures pratiques auprès des gouvernements;

5. de promouvoir le développement des compétences des gestionnaires de projets;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’informer de ce qui précède.

L’honorable Donald Neil Plett : Honorables sénateurs, je propose l’ajournement du débat à mon nom.

(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)

(1530)

Motion tendant à modifier l’article 12-7 du Règlement—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette appuyée par l’honorable sénatrice McCoy,

Que le Règlement du Sénat soit modifié :

1.par le remplacement du point à la fin de l’article 12-7(16) par ce qui suit :

« ;

Ressources humaines

12-7. (17) le Comité sénatorial permanent des ressources humaines, qui peut être saisi de toute question concernant les ressources humaines en général. » ;

2.par la mise à jour en conséquence de tous les renvois dans le Règlement.

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion de la sénatrice Ringuette, qui vise à modifier l’article 12-7 du Règlement du Sénat pour créer un Comité sénatorial permanent des ressources humaines. Je parlerai maintenant à titre d’économiste.

[Français]

Je fais cette intervention à titre de sénatrice indépendante non affiliée et non à titre de membre de l’équipe du représentant du gouvernement. Je veux que ce soit clair. Ceux et celles qui connaissent un peu mon parcours professionnel sont au courant de mon intérêt marqué et soutenu, depuis plus de 40 ans, pour toutes les questions qui touchent les ressources humaines, le marché du travail et l’emploi.

Je désire également féliciter la sénatrice Ringuette pour son initiative. Je crois fermement qu’il est urgent qu’un comité sénatorial permanent sur les ressources humaines soit créé.

J’invite tous les sénateurs et sénatrices à lire l’excellent et vibrant discours que la sénatrice Ringuette a livré en cette Chambre le 9 mars 2017. Elle y explique pourquoi le moment est tout indiqué pour créer un tel comité, et je la cite :

[Traduction]

C’est d’ailleurs le moment tout indiqué pour le faire, puisque nous avons entamé un processus de modernisation du Sénat. Or, qu’y aurait-il de plus urgent pour notre institution que de reconnaître notre richesse humaine? Il est temps de développer une expertise pour voir à l’élaboration des politiques socioéconomiques nécessaires au plein emploi de nos citoyens dans une économie de globalisation qui nécessite une adaptation continue.

[Français]

Il n’est pas possible de mieux l’exprimer que ne l’a fait la sénatrice Ringuette. Dans son discours, la sénatrice nous en dit davantage sur le mandat de ce nouveau comité permanent. Permettez-moi de citer ses propos, que je partage entièrement :

[Traduction]

Les travaux du nouveau comité permanent seraient axés sur la recherche et la recommandation de politiques visant à optimiser les ressources humaines au Canada et à relever les défis d’aujourd’hui et de demain.

Permettez-moi de mentionner quelques-uns des défis en matière de ressources humaines que la sénatrice Ringuette a soulignés dans son discours : le vieillissement de la population et le changement démographique créé par les baby-boomers qui quittent le marché du travail, l’emploi et le sous-emploi chez les jeunes, l’écart entre les revenus, la reconnaissance des titres de compétence étrangers, la mobilité interprovinciale et internationale de la main-d’œuvre, les questions liées aux perturbations causées par la technologie et les difficultés auxquelles certains groupes et certaines minorités, comme les Premières Nations et les Inuits, sont confrontés sur le marché du travail.

[Français]

Ces mandats abordent plusieurs problématiques urgentes auxquelles fait face le Canada, y compris certaines régions en particulier. Il s’agit de problèmes liés à la pénurie de main-d’œuvre, au chômage et au sous-emploi dans certaines communautés et régions. Ces mandats abordent également le sujet très important de l’adaptation continue aux changements, qu’ils soient de nature technologique, comme ceux liés à l’avènement de l’intelligence artificielle, ou de nature économique, comme ceux liés à la mondialisation de l’économie. Ils comprennent également les sujets du travail décent, du salaire minimum et des travailleurs pauvres.

Ces mandats touchent également à la problématique de l’insécurité économique qui est liée à la rapidité des changements et à la nécessité pour tous les Canadiens et Canadiennes d’avoir les moyens de s’y adapter. Ce comité permettra de répondre aux questions que se posent la main-d’œuvre et les entreprises.

Toutes ces problématiques sont urgentes. Pensons seulement à nos jeunes. Il est impensable que, à l’heure actuelle, les jeunes ne participent pas, comme les autres groupes démographiques, à la croissance économique du pays. Au Canada, le pourcentage de jeunes âgés de 15 à 24 ans qui ne sont ni étudiants, ni employés, ni stagiaires, qu’on appelle communément le groupe des NEET — « Not in Education, Employment or Training » —, est d’environ 6,3 p. 100, selon les données de l’OCDE. Vous me direz que 6,3 p. 100, ce n’est pas beaucoup, mais 6,3 p. 100 des jeunes qui sont complètement inactifs, c’est beaucoup. Ce pourcentage est relativement élevé, puisqu’il est supérieur au pourcentage de la moyenne des pays membres de l’OCDE. On fait moins bien pour nos jeunes que la moyenne des pays de l’OCDE.

On sait que cette proportion est très élevée chez les jeunes Autochtones. C’est inacceptable, surtout dans une société vieillissante où les entreprises dénoncent la pénurie de main-d’œuvre. Pourquoi en est-il ainsi, compte tenu du fait que bon nombre des jeunes au sein du groupe des NEET sont scolarisés? Que faire? Ce sont là des questions que pourrait traiter un comité sur les ressources humaines. Ce défi est d’autant plus urgent que l’avenir de notre pays se bâtit également avec les jeunes.

Pensons au phénomène de l’intelligence artificielle. Selon une étude publiée en 2013 par deux chercheurs de l’Université d’Oxford, Carl Benedikt Frey et Michael Osborne, 47 p. 100 des professions du secteur des services pourront ainsi être exercées par des robots d’ici les 20 prochaines années.

La première sous-gouverneure de la Banque du Canada, Mme Carolyn A. Wilkins, nous rappelle ceci :

[…] l’automatisation causera de profondes répercussions sur près de la moitié des emplois dans certaines économies avancées au cours des vingt prochaines années.

Elle précise aussi :

Nous aurons besoin de personnes avec des compétences techniques hautement spécialisées pour programmer et réparer les composantes technologiques. Nous aurons aussi besoin de travailleurs pour accomplir des tâches qu’une machine ne sera peut-être jamais capable de reproduire parce qu’elles nécessitent de la créativité, de l’intuition, de l’inspiration ou simplement une intervention humaine. […] Il est important d’adopter des politiques en vue de faciliter une transition qui pourrait s’avérer difficile pour les entreprises et les travailleurs. Il est également essentiel de nous doter de politiques pour faire face à une possible amplification des inégalités de revenus et, dans certains cas, à un accroissement potentiel du pouvoir de marché.

Nous devons donc nous préparer à l’impact que l’intelligence artificielle aura sur notre capital humain et, notamment, sur ceux qui sont plus vulnérables dans cette période de transition, tels que les jeunes et les jeunes Autochtones, sur les femmes, sur les personnes qui vivent avec un handicap, mais aussi sur les quelque 300 000 nouveaux arrivants que nous accueillons chaque année et qui constituent le moteur de la croissance démographique du pays. Nous devons préparer l’économie innovante qu’exigent les changements climatiques et préparer ainsi les ressources humaines en conséquence.

Nous devons surtout placer la personne, l’emploi et la formation professionnelle au cœur de notre réflexion quand nous pensons à une économie juste et prospère. Peut-être que certains d’entre vous croient que toutes ces questions relèvent du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Ce n’est pas évident. Selon le Règlement du Sénat, à l’article 12-7(9), on peut lire ce qui suit, et je cite les deux versions, française et anglaise, pour permettre une compréhension plus fine du mandat :

[Traduction]

The Standing Senate Committee on Social Affairs, Science and Technology, to which may be referred matters relating to social affairs, science and technology generally, including : cultural affairs and the arts, social and labour matters, health and welfare, pensions, housing, fitness and amateur sport, employment and immigration, consumer affairs and youth affairs.

[Français]

En français, l’article se lit comme suit :

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui peut être saisi de toute question concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général, et notamment :

a) les affaires culturelles et les arts,

b) les affaires sociales et les relations de travail,

c) la santé et l’assistance sociale,

d) les pensions,

e) le logement,

f) la condition physique et le sport amateur,

g) l’emploi et l’immigration,

h) la consommation,

i) la jeunesse;

Les honorables sénateurs peuvent constater que le mandat du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie est très vaste. On relève les mots « relations de travail », « emploi » et « immigration ». Toutefois, le mandat de ce comité est très vaste, et je tiens à le féliciter, ainsi que son équipe, de l’excellent travail qu’ils entreprennent et du temps qui y est consacré. Il est donc permis de croire que, avec tous ces mandats, il est difficile d’embrasser, avec toute l’importance qu’il revêt, le dossier des ressources humaines, du marché du travail et de l’emploi dans les délais impartis. Ainsi, la création d’un comité permanent à part entière consacré aux enjeux des ressources humaines, du marché du travail et de l’emploi s’impose.

(1540)

Par surcroît, ce nouveau comité sur les ressources humaines, l’emploi et le marché du travail permettra aux sénateurs de s’occuper plus concrètement des préoccupations de leur province et de leur région. Il permettra de développer une expertise spécifique fondée sur des réalités diverses, et non pas sur des moyennes statistiques nationales. Ces nouvelles analyses contribueront à l’élaboration de politiques économiques et sociales adaptées aux besoins de chacune des régions. Après tout, n’est-il pas vrai que tout individu, jeune et moins jeune, souhaite avoir une vie professionnelle valorisante et bien rémunérée? D’ailleurs, plusieurs partis politiques dans le monde gagnent des élections en accordant une importance à ces préoccupations.

La création d’un tel comité pourrait répondre également à plusieurs préoccupations soulevées par la résolution des Nations Unies qui a été adoptée en septembre 2015 et qui s’intitule, en anglais, « Transforming our World: The 2030 Agenda for Sustainable Development », et en français, « Transformer notre monde : le Programme de développement durable à l’horizon 2030 ».

Cette résolution cerne 17 objectifs interdépendants qui représentent, selon les Nations Unies, les défis actuels pour la paix mondiale, l’éradication de la pauvreté extrême, la survie de notre planète et le maintien de notre niveau de vie. Ces objectifs des Nations Unies concernent tous les pays, peu importe leur niveau de développement. Ils ont été signés et adoptés par l’ensemble des pays membres des Nations Unies. Cette résolution est endossée par le Canada et invite les pays membres à susciter, chacun dans leur milieu, une collaboration productive et une mise en valeur du potentiel de chaque être humain, et ce, à l’échelon fédéral, provincial, local, privé, communautaire et de la société civile.

Cette déclaration des 17 objectifs, sur laquelle je reviendrai un autre jour, est une sorte de prolongation de la Charte internationale des droits de l’homme qui a été adoptée après la Seconde Guerre mondiale. Elle a pour but de permettre au genre humain de faire face aux changements politiques, environnementaux et technologiques qui peuvent être très déstabilisants. On en voit des preuves tous les jours à la télévision avec les migrants, les changements climatiques et les comportements déplacés. Il faut recentrer notre réflexion et nos politiques sur ce qui compte le plus au monde, soit les aspirations de chaque être humain.

Le programme pour le développement durable 2030, qui regroupe 17 objectifs ambitieux, reconnaît que les problématiques économiques, sociales et environnementales sont interdépendantes. On ne peut pas s’occuper de l’environnement sans s’occuper des emplois et des personnes. Le premier ministre a confié à la ministre du Développement international et de la Francophonie, Mme Bibeau, le suivi de ce programme auprès de ses collègues.

De plus, honorables sénateurs, notre économie est en pleine mutation. Le Bureau international du Travail vient de créer, cet été, une importante commission mondiale sur l’avenir du travail qui est coprésidée par le premier ministre de la Suède et la présidente de l'île Maurice. Compte tenu de l’importance des changements profonds qui surviennent dans toutes les économies du monde, nous devons créer un comité sur les ressources humaines, le marché du travail et l’emploi. Dans l’intérêt de nos concitoyens et de notre économie, il est nécessaire que le Sénat prenne la mesure de la profonde transformation des emplois qui est à l’œuvre et de la nécessaire adaptation de nos ressources humaines. C’est un enjeu stratégique majeur pour la croissance de notre économie et pour notre bien-être.

Il est absolument essentiel de créer un Comité sénatorial permanent des ressources humaines, du marché du travail et de l’emploi. Je vous invite donc à appuyer cette motion dans les meilleurs délais.

(Sur la motion de la sénatrice Fraser, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Le Sentier transcanadien

Son histoire, ses bienfaits et ses défis—Interpellation—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Tardif, attirant l’attention du Sénat sur le Sentier transcanadien — son histoire, ses bienfaits et les défis auxquels ce projet fait face à l’approche du 25e anniversaire de son existence.

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, l’article no 11 est une interpellation de la sénatrice Tardif qui attire l’attention du Sénat sur le Sentier transcanadien. Le Sentier transcanadien m’inspire et je tiens à en parler. Vous remarquerez que cet article en est actuellement à son 15jour au Feuilleton, alors je propose que le débat soit ajourné maintenant et je serai heureux d’aborder cette question la semaine prochaine.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

Finances nationales

Motion tendant à autoriser le comité à étudier les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes—Ajournement du débat

L’honorable Anne C. Cools,conformément au préavis donné plus tôt aujourd’hui, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à étudier, en vue d’en faire rapport, les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes, et, plus particulièrement :

la répartition du revenu;

la détention de placements passifs dans une société privée;

la conversion du revenu régulier en gain en capital;

Que le comité porte une attention particulière aux répercussions des changements proposés sur :

les petites entreprises et les professionnels constitués en société;

la croissance économique et les finances publiques;

l’équité de l’imposition des différents types de revenus;

d’autres questions connexes;

Que le comité présente son rapport final au Sénat au plus tard le 30 novembre 2017, et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.

— Honorables sénateurs, j’aimerais faire quelques observations.

Le Comité sénatorial des finances nationales est bien conscient de l’ampleur et de l’énormité du projet que le gouvernement du Canada a entrepris. Le président du comité, le sénateur Mockler, devait être présent, mais son dos lui fait des misères.

Je prendrai donc sa place. Voici quelques raisons qui expliquent pourquoi le Comité sénatorial des finances nationales a jugé bon de mener une étude sur ces questions.

Je ne crois pas me tromper en disant que l’ensemble de la population est bien consciente des annonces du ministre Morneau et qu’elle attend avec impatience les décisions qui seront prises au sujet de la réforme fiscale. Je signale aussi que le ministre Morneau est ravi de l’intérêt manifesté par le comité du Sénat et qu’il a accueilli son étude avec enthousiasme.

J’aimerais parler d’une lettre en particulier. Comme vous pouvez le constater, sénateur Harder, j’ai lu les réponses que vous avez données à la période des questions du mardi 19 septembre. J’estime qu’elles sont fort pertinentes et judicieuses.

Honorables sénateurs, le comité a constaté que le ministre Morneau s’est montré ouvert aux préoccupations des Canadiens. Le leader du gouvernement au Sénat, le sénateur Harder, a parlé, le 19 septembre, d’une lettre que le ministre Morneau avait envoyée au sénateur Black, qui est membre du Comité des banques.

(1550)

J’aimerais vous lire cette lettre :

M. Morneau a écrit ceci :

Monsieur le sénateur Black,

Je vous remercie de votre lettre du 17 août 2017.

Je vous suis reconnaissant d’avoir pris le temps de m’informer de votre opinion sur le document intitulé Planification fiscale au moyen de sociétés privées. Comme vous le savez, nous tenons actuellement des consultations auprès des Canadiens et nous apprécions les commentaires du Sénat.

Cette lettre est très importante. Le ministre des Finances — qui gère un portefeuille très important — dit qu’il apprécie les commentaires du Sénat et qu’il veut en recevoir. M. Morneau a ajouté ceci :

Je serais favorable à une étude du Sénat sur le sujet. J’espère aussi avoir l’occasion de comparaître devant un comité sénatorial choisi par le Sénat dans les plus brefs délais.

Je vous remercie de votre lettre.

Je vous prie d’agréer, monsieur le sénateur, l’expression de mes sentiments distingués.

L’honorable Bill Morneau, C.P., député

Honorables sénateurs, je tiens aussi à noter que le Sénat considère et continuera de considérer son travail et son étude de la question vitale de la réforme fiscale comme une forme de respect envers le ministre et d’aide offerte au ministre pour son travail le plus difficile et exigeant.

Le ministre essaie de consulter les Canadiens pour déterminer leurs souhaits, leur pensée, leurs espoirs et leurs attentes à l’égard de la réforme fiscale. À mon avis, il s’agit d’une excellente et admirable démarche.

La réforme fiscale est une grosse responsabilité et une tâche très difficile dans les meilleures conditions. Je précise que le comité sénatorial a discuté de ces questions et que les membres ont été encouragés et inspirés par la réponse du ministre Morneau au sénateur Black et par les réponses du sénateur Harder aux sénateurs pendant la période des questions du 19 septembre dernier.

Honorables sénateurs, je vais lire les observations du représentant du gouvernement, le sénateur Harder, afin que nous puissions avoir un aperçu de la qualité du leadership dont il fait preuve au Sénat. J’ai connu le sénateur Harder bien des années avant qu’il ne devienne sénateur.

Honorables sénateurs, cette semaine, plus précisément le 19 septembre, au cours du débat dans cette enceinte, le sénateur Harder a répondu à des questions, dont une posée par le sénateur Smith. Le sénateur Harder a dit ce qui suit, et je cite :

Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Non seulement j’appuie l’idée que le Sénat examine les propositions pour lesquelles des consultations sont effectuées, mais j’aimerais aussi indiquer à tous les honorables sénateurs que le ministre des Finances a répondu à une lettre du sénateur Black, dont une copie a été envoyée au sénateur Tkachuk en sa qualité de président du Comité des banques. Dans cette lettre, le ministre se dit favorable à ce que le Sénat fasse ce qu’il juge nécessaire au chapitre des consultations avec les Canadiens à propos de cet ensemble de propositions. Il a assuré aux sénateurs — et je vous fais le message — qu’il est prêt à participer aux audiences qui auront lieu, et il exhorte le Sénat à aller de l’avant le plus rapidement possible.

Honorables sénateurs, cela veut dire sans attendre. Voici ce que le sénateur Harder a dit ensuite :

En effet, sénateur, le gouvernement encourage le Sénat à se livrer à sa réflexion objective au cours des consultations et à donner son point de vue en temps opportun. Je ne crois pas qu’il m’appartienne — ou que ce soit le rôle de la période des questions — de décider du comité qui sera responsable de l’étude. Il s’agit probablement d’une conversation qu’il vaut mieux traiter de la façon habituelle. Or, je crois qu’il est important pour nous, en cette journée de reprise des travaux, de souligner que le Sénat du Canada est prêt à se livrer à sa réflexion objective sur cette importante question de l’équité fiscale.

Honorables sénateurs, je pense que l’on peut dire sans se tromper que ce gouvernement s’est probablement lancé dans la tentative de réforme fiscale la plus vaste et peut-être la plus complète et détaillée depuis au moins les années 1970.

Sénateur Harder, vous êtes dans le milieu gouvernemental depuis fort longtemps, vous savez donc sans doute à quand remonte exactement la dernière démarche de ce genre.

Je dirais que la tâche est énorme. La plupart du temps, le public ne peut s’imaginer les sommes qu’impliquent les dépenses publiques — autrement dit les finances nationales, les finances publiques. Ces changements à venir seront probablement les plus importants et les plus complets à être apportés au régime fiscal.

Honorables sénateurs, lorsque le Comité sénatorial des finances nationales a soulevé la question auprès de ses membres, nous nous sommes rendu compte que nous, sénateurs, devions agir de la bonne manière au sein du comité, c’est-à-dire rencontrer le public et, au besoin, donner au ministre Morneau une tribune importante.

Cela dit, chers collègues, j’ajouterai que j’appartiens à ce groupe de sénateurs qui voyaient dans le sénateur Allan J. MacEachen une sorte de dieu. Même s’il avait 96 ans, sa mort, il y a quelques jours, m’a brisé le cœur et j’ai été très triste. Il insistait sans cesse sur le fait que le Sénat a le devoir d’informer le public des affaires qui sont pressantes pour le gouvernement. Nous, sénateurs, avons le devoir d’utiliser nos pouvoirs d’inquisition, nos pouvoirs d’enquête, pour examiner ces affaires importantes de façon à rapprocher la population des rouages et des actes du gouvernement.

Honorables sénateurs, il y a dans la fiscalité et dans les nouvelles mesures fiscales des éléments qui susciteront toujours énormément d’intérêt chez les Canadiens. Les chiffres associés aux dépenses du gouvernement intimident les citoyens. Quand je fais des déclarations, et cela m’arrive souvent, du genre : « J’ai examiné hier une loi de crédits pour un montant de 50 milliards de dollars », ou « Le gouvernement veut obtenir 250 milliards de dollars », la plupart des gens sont surpris. Je pense toutefois que l’une des plus belles choses que le Sénat peut faire pour notre pays serait d’envoyer son Comité des finances nationales dans certaines régions — Terre-Neuve, par exemple — où beaucoup souhaitent être informés mais n’ont pas aussi facilement accès à l’information que ceux qui vivent dans le triangle d’or que constituent Toronto, Ottawa et Montréal.

Honorables sénateurs, je vous invite donc à appuyer cette motion, sachant que le président du comité, le sénateur Mockler, moi, la vice-présidente, ainsi que les autres membres du comité agirons d’une façon dont le Sénat pourra être très fier.

Je vous remercie. Je crois que le sénateur Day a une question.

Son Honneur le Président : Sénateur Day, avez-vous une question à poser?

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question, ou même à deux ou trois?

La sénatrice Cools : Absolument. J’ai peut-être déjà répondu à votre question, mais poursuivez.

Le sénateur Day : Nous avons eu une brève discussion à ce sujet, mais je crois qu’il est important de faire part de ces questions à l’ensemble des sénateurs.

En premier lieu, j’aimerais que vous confirmiez que la motion a été présentée aujourd’hui même et qu’on nous en a fait part il y a cinq minutes. Y a-t-il une raison pour laquelle vous agissez avec une telle précipitation que nous n’avons pas eu le temps d’examiner la proposition?

La sénatrice Cools : Je ne crois pas que nous agissions avec précipitation. En fait, la sénatrice Ringuette vient tout juste de me dire que nous avons commencé trop tard. Je ne crois donc pas que le comité agit avec précipitation.

Le Comité des finances nationales compte de nouveaux membres, dont le sénateur Woo, mais d’autres membres y siègent depuis longtemps, notamment le sénateur Mockler et moi. Je ne crois pas que vous puissiez accuser l’un ou l’autre d’entre nous d’agir de façon précipitée ou imprudente. Ce n’est tout simplement pas dans notre nature.

Le sénateur Mockler vient du Nouveau-Brunswick, une magnifique région du Canada, mais cette région a toujours été touchée par la pauvreté, plus que toute autre en fait. J’aime l’idée d’envoyer les comités du Sénat dans des villes moins grandes, où le rythme de vie est plus lent.

Je comprends votre prudence en ce qui concerne ce comité. Je peux vous assurer que c’est toujours bon et souhaitable d’être prudent. Cela dit, je peux aussi vous assurer que la prudence dont je ferai preuve à ce sujet sera encore plus grande que vos sages préoccupations, car je comprends ce qui est en jeu au Canada à l’heure actuelle. La réforme fiscale est un enjeu complexe et important.

Je siège au Sénat depuis bientôt 34 ans. Au début des années 1990, j’ai fait partie du Comité sénatorial de la taxe sur les produits et services, avec lequel j’ai parcouru le pays d’un bout à l’autre. J’ai pu alors comprendre une fois pour toutes les objections et les craintes que peuvent avoir les Canadiens lorsque le gouvernement se propose de faire des changements majeurs qu’ils ne comprennent pas vraiment parce que personne ne prend le temps de leur présenter objectivement et en toute franchise ces questions difficiles.

(1600)

Honorables sénateurs, voilà quelques réflexions émanant du Comité sénatorial des finances nationales. Monsieur le sénateur Day, vous avez été membre de ce comité avec moi pendant des années.

Vous admettrez sans doute que je suis l’une des personnes les plus fiables à avoir siégé dans cette enceinte. Le sénateur MacEachen me le répétait souvent.

Monsieur le sénateur Day, vous n’avez pas besoin de vous en faire; l’ordre de renvoi que nous demandons au Sénat est judicieux et nécessaire. Je crois sincèrement que le travail de notre comité bonifiera celui du ministre Morneau et du gouvernement du Canada et leur sera utile.

Le sénateur Day : Merci. Je ne suis pas certain d’avoir entendu une réponse à ma question. Peut-être que ma question n’était pas aussi directe qu’elle aurait dû l’être. Il existe une règle au Sénat qui veut qu’on donne un préavis, puis qu’on débatte de la motion à la séance suivante. Dans le cas présent, vous nous demandez de nous prononcer tout de suite sur une motion, sans préavis. Autrement dit, vous nous priez de changer les règles pour que cette motion soit traitée de manière expéditive. Je vous demande pourquoi il est nécessaire de procéder ainsi.

La sénatrice Cools : La réponse est beaucoup plus simple que vous ne le croyez. Sachant que les consultations du ministre Morneau se terminent le 2 octobre, le personnel du comité veut entreprendre le travail sans tarder. Il ne peut à peu près rien faire sans ordre de renvoi. Je pense qu’il a raison de s’inquiéter. Le 2 octobre approche à grands pas, monsieur le sénateur Day.

Le sénateur Day : Je comprends. Je comprends que le 2 octobre est dans un peu plus d’une semaine.

Entendez-vous étudier la proposition qui fait actuellement l’objet d’une consultation ou celle qui sera faite après le 2 octobre, étant donné que M. Morneau et le premier ministre nous ont dit qu’il y aurait probablement des changements après la consultation, qui se terminera le 2 octobre?

Son Honneur le Président : Sénatrice Cools, je suis désolé, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous plus de temps pour répondre à la question?

La sénatrice Cools : Oui, quelques minutes.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Cools : Je ne crains rien de tel, sénateur Day. Si c’était le cas, je n’occuperais pas la fonction de vice-présidente du Comité des finances nationales. J’ai la conviction que M. Morneau aimerait connaître l’avis du Sénat. Il est clair que la population canadienne est aussi très intéressée. Je suis absolument certaine que notre équipe de sénateurs saura procéder judicieusement et comme il se doit. Je ne m’en fais nullement au sujet de vos questions. Croyez-moi si je vous dis que quiconque agira de manière inappropriée entendra parler de moi.

Le sénateur Day : La question est la suivante : avez-vous l’intention d’étudier les propositions qui font actuellement l’objet de la consultation ou ce qui sera la position du gouvernement après la période de consultation, qui se termine le 2 octobre?

La sénatrice Cools : Comme je vous l’ai déjà dit, j’ai passé la majeure partie de la matinée à me préparer à présenter cette motion au Sénat, car il est difficile pour nous de mettre le personnel du comité au travail sans ordre de renvoi. Nous avons donc décidé de nous atteler immédiatement à la demande de l’ordre de renvoi. Je pense que vous comprenez cela très bien, sénateur Day.

Son Honneur le Président : Souhaitez-vous poser une autre question que celles que vous avez déjà posées?

Le sénateur Day : Celles auxquelles je n’ai pas encore eu de réponse?

Son Honneur le Président : Je crois bien que la sénatrice Cools vous a déjà répondu. Quant à savoir si ses réponses vous plaisent, c’est une autre histoire. Vous pouvez proposer l’ajournement, ou alors continuer à poser la même question.

Le sénateur Day : Dans ce cas, je crois que je vais remercier la sénatrice Cools et lui signifier qu’il ne fait aucun doute dans mon esprit qu’elle fera de son mieux, dans l’intérêt du Sénat. Je suis toutefois loin d’être convaincu que nous accordons à cette question toute la réflexion qu’elle mérite.

(Sur la motion du sénateur Day, le débat est ajourné.)

(À 16 h 5, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 26 septembre 2017, à 14 heures.)

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