Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 198
Le jeudi 26 avril 2018
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- Le directeur parlementaire du budget
- La gouverneure générale
- L’étude sur le rôle de l’automatisation dans le système de santé
- La Loi sur les océans
- La Loi fédérale sur les hydrocarbures
- Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
- La Conférence annuelle de l’Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue du 26 au 28 mai 2016—Dépôt du rapport
- Le Congrès national du Parti démocrate, tenu du 25 au 28 juillet 2016—Dépôt du rapport
- Les rencontres au Congrès américain, tenues du 20 au 22 mars 2017—Dépôt du rapport
- La réunion annuelle du Council of State Governments—WEST, tenue du 15 au 19 août 2017—Dépôt du rapport
- Le Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Le Code criminel
- La Loi sur le ministère de la Justice
- Le Sénat
- L’ajournement
- Projet de loi sur le cannabis
- Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins
- La Loi sur la concurrence
- Le Sénat
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- Le Sénat
- Motion tendant à permettre aux sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président de renoncer à l’indemnité à laquelle ils ont droit relativement à ces postes additionnels de président ou de vice-président—Ajournement du débat
- Les politiques et mécanismes pour répondre aux plaintes contre les sénateurs et sénatrices en matière de harcèlement—Interpellation—Suite du débat
- Énergie, environnement et ressources naturelles
- Pêches et océans
- Le Sénat
- Pêches et océans
- Affaires étrangères et commerce international
- Les pères fondateurs du Canada
- Le Code criminel
LE SÉNAT
Le jeudi 26 avril 2018
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Les Jeux paralympiques de 2018
Félicitations à Mark Arendz
L’honorable Diane F. Griffin : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner les réalisations de Mark Arendz, l’homme de 28 ans de Hartsville, à l’Île-du-Prince-Édouard, qui a récemment remporté six médailles en biathlon et en ski de fond aux Jeux paralympiques de Pyeongchang, en Corée du Sud, et a porté le drapeau canadien à la cérémonie de clôture des jeux.
En l’honneur de Marc, le gouvernement de l’Île-du-Prince-Édouard a renommé le parc de ski provincial Brookvale, qui porte maintenant le nom de parc de ski provincial Mark Arendz. Voici ce que Marc a déclaré au Toronto Star :
J’espère pouvoir être une source d’inspiration […], avoir montré qu’avec de la détermination on peut arriver à tout […] à partir de la plus petite province ou d’une petite ville, on peut se tailler une place sur la scène internationale, on peut remporter des titres paralympiques.
Marc Arendz a perdu son bras gauche dans un accident de ferme, dans une vis à grain, alors qu’il avait 7 ans. Il a déclaré au Times Colonist que le sport était devenu sa thérapie. Son accomplissement nous rappelle combien il est important de soutenir le sport. Marc n’avait pas beaucoup de commanditaires avant les jeux; ses parents, Janny et Johan Arendz, ont dit à CBC que le programme À nous le podium avait joué un rôle crucial dans sa réussite.
Honorables sénateurs, 2018 a été une excellente année pour le Canada aux Jeux paralympiques. Le pays a établi un nouveau record avec 28 médailles — le record précédent était de 19. En tant que parlementaires, rendons hommage à nos athlètes en réaffirmant notre soutien pour les programmes qui contribuent à leur succès.
Merci.
Des voix : Bravo!
L’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique
L’honorable Judith Seidman : Honorables sénateurs, l’intelligence artificielle — la science ayant pour but de concevoir et de programmer une machine capable d’imiter l’intelligence humaine — est partout. On emploie des technologies avancées dans ce domaine pour s’attaquer tant à des défis mondiaux qu’à des obstacles personnels, par exemple en ce qui concerne les changements climatiques, le vieillissement de la population, la faim, les soins de santé, la conception industrielle, les crises économiques mondiales et la fraude bancaire.
Tout le monde se rappelle la victoire du robot Watson d’IBM à l’émission Jeopardy, mais on en sait moins sur la grande portée de l’intelligence artificielle dans le domaine des soins de santé.
Le mardi 1er mai, de 15 h 30 à 18 h 30, dans le salon du Président de la Chambre des communes, le Comité parlementaire sur la recherche en santé sera l’hôte d’un événement sur l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique, plus précisément sur le remodelage de la recherche et de l’innovation en santé. Ce sera l’occasion pour les parlementaires de découvrir comment la technologie peut changer des vies, et de rencontrer 15 experts, scientifiques et innovateurs canadiens de premier plan dont plusieurs utilisent des techniques d’intelligence artificielle pour améliorer les résultats en matière de survie chez les patients.
Parmi les sujets abordés, mentionnons l’amélioration de la santé et des soins aux patients, la résolution de mystères de la génétique et de la génomique grâce à la médecine de précision, le potentiel de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique pour la réadaptation et, enfin l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique en santé mentale.
Je vous invite à vous joindre à moi pour assister à cet important événement qui vous permettra d’en apprendre davantage sur le travail d’avant-garde qui se fait ici même au Canada pour améliorer les soins prodigués aux patients au moyen de techniques novatrices.
Merci.
Le Jour de la Terre
L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du Jour de la Terre, qui a eu lieu le dimanche 22 avril. Cette année, le Jour de la Terre s’est déroulé sous le thème de la fin de la pollution par le plastique.
L’OCDE estime qu’environ un cinquième des matières brutes extraites à l’échelle mondiale deviennent des déchets, ce qui représente 12 milliards de tonnes de déchets par année. Les Nations Unies ont établi un lien clair entre le niveau de revenu national et la quantité par habitant de déchets solides selon les municipalités. Les Canadiens figurent parmi les 10 premiers producteurs de déchets. C’est un bien triste bilan. Le plastique représente entre 10 et 20 p. 100 des déchets domestiques.
Le plastique est principalement fabriqué à partir de produits pétrochimiques et est utilisé partout au quotidien. S’il est vrai qu’on garde certains produits de plastique pendant de nombreuses années, comme les panneaux dans les réfrigérateurs ou les voitures, il est également vrai qu’on se débarrasse en quelques minutes de sacs et de contenants de plastique, sans même penser qu’ils risquent de se retrouver dans l’estomac d’une baleine ou d’un phoque. Qui plus est, les déchets de plastique ne sont pas biodégradables, comme bien des gens voudraient le croire. En fait, 80 p. 100 des déchets qui aboutissent dans les océans proviennent de la terre ferme, notamment des régions urbaines et des sites d’enfouissement.
En 2010, 8 millions de tonnes de plastique se sont retrouvées dans les océans. En fait, vous avez peut-être entendu parler du vortex de déchets du Pacifique. Ce ramassis de détritus, qui a la taille de la Saskatchewan — ou de la France —, est situé aux confins de plusieurs grands couloirs océaniques où les débris s’accumulent dans les gyres à cause du vent et des courants.
La vie marine est gravement compromise par la pollution attribuable au plastique. Les tortues de mer sont incapables de faire la différence entre les méduses et les sacs de plastique qui jonchent l’océan. Une fois ingéré, le plastique peut causer des blocages, voire la mort. Plus tôt cette année, un cachalot mort s’est échoué sur une plage d’Espagne. Son estomac contenait 29 kilos de plastique, et c’est l’inflammation causée par tous ces corps étrangers qui a fini par le tuer.
Loin des yeux, loin du cœur, dit l’adage. Pourtant, les océans nous entourent : à l’est, à l’ouest et au nord. Quand le plastique et les microplastiques contaminent les océans au point où les écosystèmes s’effondrent et où les populations de poisson s’atrophient, nous ne pouvons pas faire comme si de rien n’était. La prochaine fois qu’on vous offrira une paille de plastique à usage unique, je vous invite à dire non.
[Français]
La pollution, la dégradation environnementale et les changements climatiques sont des enjeux qui n’ont pas de frontières politiques et qui doivent être traités de manière non partisane.
Quoique nous devions protéger l’environnement et combattre les changements climatiques, nous ne devons pas ignorer l’équilibre entre préservation environnementale et stabilité économique. La gestion des déchets, l’analyse de cycle de vie et l’efficacité énergétique doivent être le fondement de la conception de tout nouveau projet. Autrement, nous en paierons le prix à la fin. Le coût de la pollution est déjà très élevé en ce qui a trait à la réhabilitation des habitats naturels et à la vie humaine.
Sénateurs, j’étais triste de remarquer que le Sénat est mon premier lieu de travail où je ne vois pas de boîte de recyclage dans chaque édifice...
Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Galvez, mais votre temps de parole est écoulé.
[Traduction]
Le système d’alerte Silver
L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, nous avons presque tous connu la crainte de voir un proche — un père, une mère, un mentor — perdre les traits de caractère qui le définissent. L’Alzheimer ou la démence sont des maladies brutales qui frappent sans discrimination et touchent plus de 700 000 Canadiens et leur famille, un chiffre qui devrait doubler d’ici 15 ans. À cause d’elles, l’ex-président Ronald Reagan a perdu son sens de l’humour, et l’humoriste Robin Williams a perdu la vie. Elle a aussi eu raison de la défenseure des droits civils Rosa Parks. Nous sommes tous touchés par cette maladie aussi détestable que frustrante.
Je me rappelle que, il y a bien des années, ma grand-mère quittait parfois la maison, mallette à la main, pour affronter le froid mordant de l’hiver saskatchewanais à la recherche d’un souvenir et d’un passé depuis longtemps révolus. Ce comportement, appelé errance, est fréquent chez les personnes atteintes de démence. Notre famille vivait dans un état de panique continuel : quand ce n’était pas mon père ou ma mère qui devaient s’absenter du travail pour la retrouver, nous devions compter sur la bienveillance d’amis ou d’étrangers pour la ramener chez nous.
Malheureusement, ce n’est pas toujours le cas pour bien d’autres familles. On entend trop souvent parler de gens atteints de démence qui partent en promenade et ne reviennent jamais chez eux. Une personne qui n’est pas retrouvée dans les 12 heures suivant son départ a une chance sur deux de se blesser ou de mourir. Environ 6 personnes sur 10 atteintes de démence auront des comportements d’ errance.
Le système d’alerte AMBER, qui a été créé aux États-Unis, témoigne de la façon dont nous pouvons tous faire partie de la solution. Il a été conçu pour alerter la population lorsqu’un enfant a été enlevé ou a disparu. Mis en place partout au Canada, il est reconnu pour son efficacité. Entre 2003 et 2012, sur 73 enfants ayant fait l’objet d’alertes AMBER au Canada, 70 ont été retrouvés sains et saufs.
Nous pourrions sauver des vies si nous élaborions une stratégie similaire pour les adultes qui souffrent problèmes d’ordre cognitif. Les alertes Silver, aussi appelées alertes argent, permettent aux forces de l’ordre de collaborer avec les médias et la population dans le but de retrouver les personnes disparues. Plusieurs administrations américaines ont déjà instauré un système de ce genre. Ici, au Canada, l’Alberta et le Manitoba ont adopté des mesures législatives qui instaurent un système d’alertes Silver. À l’échelon fédéral, une pétition électronique disponible sur le site de la Chambre des communes demande au gouvernement d’élaborer une stratégie nationale d’alerte argent.
(1340)
Parallèlement à la Loi relative à une stratégie nationale sur la maladie d’Alzheimer et d’autres démences, adoptée par le Parlement l’an dernier, la création d’un cadre national sur les alertes Silver nous permettrait d’offrir une aide concrète aux familles. Nous espérons qu’elle encouragerait également toutes les provinces à adopter le système d’alertes Silver. Je continuerai avec plaisir de sensibiliser le Sénat et les Canadiens à cet enjeu, et j’encourage mes collègues sénateurs à communiquer avec moi et avec mon bureau à ce sujet, ou à profiter de l’interpellation pour intervenir.
Otto P. Kelland, C.M.
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, c’est avec plaisir que je vous présente aujourd’hui le chapitre 32 de « Notre histoire ».
La province de Terre-Neuve-et-Labrador est renommée pour le haut calibre de ses auteurs-compositeurs, de ses conteurs et de ses musiciens. Grâce à leurs récits et à leurs chansons, ces hommes et ces femmes font connaître au monde entier la culture et l’histoire extraordinaires de la province.
Mesdames et messieurs les sénateurs, s’il fallait choisir une chanson, une seule, qui soit d’un niveau comparable à celui de notre bien-aimée Ode to Newfoundland, ce serait sûrement Let Me Fish Off Cape St. Mary’s. Cette chanson légendaire a été écrite en 1947 par l’un des meilleurs poètes et écrivains de la province, M. Otto Kelland.
M. Kelland travaillait à son bureau, au pénitencier de St. John’s, quand il a eu l’idée de mettre en musique sa conversation avec un capitaine à propos d’un marin souffrant du mal du pays, qui rêvait de rentrer chez lui, dans le sud-est de Terre-Neuve, et de pêcher dans les eaux avoisinantes. Il n’a fallu que 20 minutes à cet auteur et poète, qui gagnait sa vie comme policier et comme gardien de prison, pour écrire les superbes paroles mélancoliques de cette chanson célèbre, qui touche le cœur et l’âme de tous les Terre-Neuviens.
Né en 1904 à Lamaline, un petit village de Terre-Neuve, M. Kelland a élevé 10 enfants avec son épouse. Il est décédé le 8 juillet 2004, seulement un mois avant son 100e anniversaire.
M. Kelland est l’auteur de plusieurs livres, dont Dories and Dorymen et Strange and Curious, et ses miniatures de doris de Terre-Neuve, produites avec minutie, sont très prisées des collectionneurs. Toutefois, on le connaît surtout pour sa complainte empreinte de nostalgie portant sur la rude existence à bord des petits bateaux de pêche. Le chant raconte l’envie d’un pêcheur avide de retourner sur son bateau, au large du cap majestueux, pour y pêcher avec ses voisins au son des cornes de brume, sur les flots tumultueux, survolés par des canards sauvages.
Dans le sixième couplet, le pêcheur rejoint le dernier banc de poissons emporté par la houle déferlant sur le sable. Le chant se termine avec les vers suivants :
Lorsque la grève se verra par le ressac agitée
Faites que comme un homme je sache accepter
Que mon doris n’ait pu se rendre au quai
Le chant a touché une corde sensible chez les gens de Terre-Neuve, où la culture est fortement influencée par la mer. Le texte évoque le désir d’une existence plus simple et l’amour de la vie en mer.
Au cours des années 1990, après que l’industrie de la pêche à la morue se soit effondrée et que des milliers de pêcheurs aient été forcés de revenir à terre, la chanson a connu un regain de popularité chez ceux qui voulaient revenir à la rude existence de la pêche traditionnelle.
Let Me Fish Off Cape St. Mary’s a été enregistrée par plus d’une dizaine d’artistes et interprétée par des chœurs et des orchestres symphoniques partout dans le monde. Le Newfoundland Symphony Youth Choir l’a chantée en 1994, lorsque M. Kelland a été décoré de l’Ordre du Canada pour sa contribution à la culture de Terre-Neuve.
Denis Ryan, du célèbre groupe Ryan’s Fancy, qui a interviewé M. Kelland sur les ondes de CBC en 1977, a déclaré ce qui suit à son sujet :
C’était un homme très digne et d’une grande force […] Il incarnait Terre-Neuve par sa robustesse, sa culture et sa vigueur […] On n’a qu’à fermer les yeux, et les paroles nous transportent à Terre-Neuve.
J’aimerais conclure en récitant un couplet de cette merveilleuse chanson, que je me garderai de chanter :
Comme j’aimerais de nouveau naviguer vers le couchant,
Pêcher avec mes amis les Brown et les Cleary
Au large du cap St. Mary’s,
Où le vent porte les puffins et la complainte des cornes de brume.
Oh, j’aimerais tant pêcher au large du cap St. Mary’s,
Me réfugier au creux de l’anse verdoyante,
Où les vagues déferlent avec fracas,
M’échouer sur le sable frais,
Là où le ciel est constellé d’ étoiles
Et les vagues déferlent avec fracas.
M. Kelland avait presque 100 ans, mais sa chanson restera bien vivante pendant encore des centaines d’années. Reposez en paix.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le directeur parlementaire du budget
La prolongation de la durée des brevets et le coût des médicaments—Dépôt du rapport
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport du Bureau du directeur parlementaire du budget intitulé La prolongation de la durée des brevets et le coût des médicaments, conformément à la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C. 1985, ch. P-1, par. 79.2(2).
La gouverneure générale
La commission nommant Marie-Geneviève Mounier à titre de suppléante—Dépôt de document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, une copie de la commission désignant Marie-Geneviève Mounier suppléante de la gouverneure générale.
[Traduction]
L’étude sur le rôle de l’automatisation dans le système de santé
Dix-huitième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie—Dépôt de la réponse du gouvernement
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse officielle du gouvernement au dix-huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Défi en vue : Intégrer les technologies de la robotique, de l’intelligence artificielle et de l’impression en 3D dans les systèmes canadiens de soins de santé, déposé auprès de la greffière du Sénat le 26 avril 2018.
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, conformément à l’article 12-24(4) du Règlement, cette réponse et le rapport initial sont renvoyés d’office au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Français]
La Loi sur les océans
La Loi fédérale sur les hydrocarbures
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-55, Loi modifiant la Loi sur les océans et la Loi fédérale sur les hydrocarbures, accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Harder, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis
La Conférence annuelle de l’Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue du 26 au 28 mai 2016—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 9e Conférence annuelle de l’Alliance des États du Sud-Est des États-Unis et des provinces canadiennes, tenue à Nashville, au Tennessee, aux États-Unis d’Amérique, du 26 au 28 mai 2016.
Le Congrès national du Parti démocrate, tenu du 25 au 28 juillet 2016—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au Congrès national du Parti démocrate, tenu à Philadelphie, en Pennsylvanie, aux États-Unis d’Amérique, du 25 au 28 juillet 2016.
Les rencontres au Congrès américain, tenues du 20 au 22 mars 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation aux rencontres avec des membres du Congrès américain, tenues à Washington, D.C., aux États-Unis d’Amérique, du 20 au 22 mars 2017.
La réunion annuelle du Council of State Governments—WEST, tenue du 15 au 19 août 2017—Dépôt du rapport
L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 70e réunion annuelle du Council of State Governments—WEST, tenue à Tacoma, à Washington, aux États-Unis d’Amérique, du 15 au 19 août 2017.
Le Sénat
Préavis de motion tendant à demander au gouverneur en conseil de nommer le greffier du Sénat conformément à la recommandation du Sénat
L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, dans le souci de promouvoir l’autonomie et l’indépendance du Sénat, le Sénat demande au gouverneur en conseil de nommer le greffier du Sénat et greffier des Parlements conformément à la recommandation expresse du Sénat.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La justice
La légalisation des drogues illicites
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la justice et la décriminalisation de la drogue.
Le week-end dernier, la ministre de la Justice a indiqué qu’elle était prête à entendre les arguments en faveur de la décriminalisation des drogues illicites. La ministre Wilson-Raybould a affirmé qu’il s’agit certainement d’une discussion importante à avoir.
Le leader du gouvernement se souviendra peut-être que le premier ministre a affirmé ceci à l’autre endroit en février 2017 :
Nous nous sommes engagés à légaliser la marijuana, mais nous ne prévoyons pas légaliser quoi que ce soit d’autre à l’heure actuelle.
(1350)
Le leader du gouvernement pourrait-il nous informer des intentions du gouvernement en ce qui a trait à la décriminalisation ou à la légalisation des drogues illicites autres que la marijuana?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de la question. Je me contenterai de réaffirmer que la position du gouvernement du Canada annoncée dans la déclaration du premier ministre — qu’il a citée — est la position du gouvernement du Canada.
Le sénateur Smith : Monsieur le leader, je vous remercie de la réponse.
J’ai une question complémentaire. Le Sénat examine minutieusement le projet de loi C-45. Le gouvernement devrait être honnête avec les parlementaires et les Canadiens au sujet de ses plans concernant les drogues illégales créant une forte dépendance autres que la marijuana, comme la cocaïne et l’héroïne.
Le leader du gouvernement pourrait-il s’informer et nous dire si, au cours de la dernière année, tout ministère ou organisme du gouvernement du Canada a effectué un sondage ou organisé un groupe de discussion sur la décriminalisation ou la légalisation des drogues illégales autres que la marijuana?
Le sénateur Harder : Je vais m’informer au sujet de ces questions précises qu’a posées l’honorable sénateur. Laissez-moi réaffirmer que la position du gouvernement du Canada telle qu’exprimée par le premier ministre est celle du gouvernement du Canada dans ce dossier.
Le Secrétariat du Conseil du Trésor
Le projet de loi sur le cannabis—Les règlements
L’honorable Judith Seidman : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Harder, il y a plusieurs mois, j’ai demandé des renseignements du Conseil du Trésor au sujet de l’exemption inhabituelle accordée à Santé Canada, qui lui permet de sauter une étape importante du processus de réglementation en vue de la légalisation du cannabis.
La semaine dernière, j’ai reçu une réponse qui a confirmé nos doutes selon lesquels le gouvernement coupe les coins ronds pour respecter l’échéance politique que le premier ministre s’est imposée. La réponse du Conseil du Trésor indique clairement, et je cite :
[…] qu’une exemption de publication dans la Partie I de la Gazette du Canada serait requise pour garantir que la réglementation nécessaire à l’application de la Loi sur le cannabis serait prête au plus tard en juillet 2018, moment où le gouvernement s’est engagé à assurer l’entrée en vigueur de la Loi.
Étant donné que le gouvernement a annoncé que la mise en œuvre sera retardée à l’automne, y a-t-il une raison de ne pas prépublier le projet de règlement dès maintenant?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Mes collègues se souviendront que le ministre responsable, le président du Conseil du Trésor, a répondu devant le Sénat à des questions semblables à celle qui vient d’être posée. Le gouvernement du Canada est d’avis que le président du Conseil du Trésor respecte les critères d’exemption de la loi, et que son approche est tout à fait justifiée en raison de la priorité accordée à ce projet de loi et à sa mise en œuvre.
La sénatrice Seidman : La question revêt une importance particulière parce que ce sont les villes, les provinces et les territoires qui seront responsables de l’application de cette réglementation. À l’heure actuelle, ils n’ont pas d’idée précise de ce à quoi elle ressemblera.
Par ailleurs, une admission du Conseil du Trésor a également soulevé des inquiétudes chez moi. Les intervenants ont dit au gouvernement qu’il serait très important qu’ils puissent commenter le texte réglementaire, une pratique courante dont ils seront privés en raison de l’empressement du gouvernement à faire avancer le dossier.
Il a été encore plus préoccupant d’apprendre que, pendant les réunions avec les provinces et les territoires, les provinces ont soulevé l’importance d’harmoniser leur propre règlement et ont demandé à pouvoir étudier la réglementation fédérale avant sa publication.
Le document indique également que les intervenants ont suggéré un compromis : une période abrégée de consultation publique de seulement 15 jours, qui contribuerait à faire en sorte que tout le monde soit sur la même longueur d’onde avant la légalisation.
Sénateur Harder, le gouvernement écoutera-t-il les provinces et les intervenants clés en leur accordant la période de consultation écourtée qu’ils réclament?
Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question. Je serai heureux de transmettre sa question au ministre.
L’emploi, le développement de la main-d’œuvre et le travail
L’attestation exigée pour les emplois d’été
L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Elle aura vraiment un air de déjà-vu.
La saison d’embauche d’Emplois d’été Canada a commencé cette semaine, et de nombreux groupes confessionnels ont été privés de financement parce que le gouvernement refuse de leur permettre de s’exprimer librement et d’avoir leurs propres croyances. Selon de nombreuses personnes, l’attestation obligeant les employeurs à renoncer à leurs libertés d’expression, de religion et de croyance est peut-être inconstitutionnelle.
Nous avons maintenant appris que Dogwood, un groupe de la Colombie-Britannique qui s’oppose à la construction de pipelines, a reçu des fonds du programme Emplois d’été Canada et qu’il se sert de cet argent pour embaucher une personne qui sera chargée expressément de l’aider à manifester et à s’organiser contre le projet d’expansion du réseau Trans Mountain.
Mon bureau a aussi découvert depuis que Leadnow, un groupe qui organise des manifestations et des campagnes de sensibilisation, reçoit lui aussi des fonds, cette année, à Victoria et à Vancouver. Or, des membres du groupe ont récemment participé à des manifestations contre les pipelines en Colombie-Britannique. Ils avaient aussi participé à une campagne de vote stratégique contre l’ancien gouvernement lors des dernières élections.
Maintenant que nous savons qu’au moins deux groupes anti-pipelines reçoivent des fonds du programme Emplois d’été Canada, saurons-nous finalement si l’attestation oblige réellement la personne qui la signe à renoncer à ses libertés de parole, d’expression et de croyance? Le gouvernement apportera-t-il des modifications au formulaire d’attestation, ou serait-il disposé à l’éliminer?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je tiens à remercier l’honorable sénatrice d’avoir soulevé cette question. Comme elle l’a fait remarquer, ce n’est pas la première fois qu’on parle de cette question au Sénat. J’aimerais faire valoir deux points à ce propos.
Premièrement, je voudrais simplement rappeler que l’attestation visait à donner l’assurance que l’activité principale de l’organisme ne consiste pas à faire la promotion d’une cause liée aux droits fondés sur le genre ou aux droits des femmes en matière de procréation. Cette attestation a évidemment fait l’objet de débats dans cette enceinte et ailleurs, et la ministre elle-même a signalé qu’elle est prête à réfléchir à ce qui sera fait l’an prochain à cet égard.
Pour ce qui est du programme en tant que tel, je peux informer le Sénat que, au pays, il devrait se créer près de 70 000 emplois pour étudiants à la suite des demandes reçues. Quelque 29 000 employeurs des quatre coins du pays ont présenté des demandes de participation au programme, lesquelles sont examinées à l’heure actuelle.
Pour ce qui est des commentaires de la sénatrice concernant un groupe de défense d’intérêts particuliers dont la demande a été retenue, j’aimerais simplement dire que cet organisme, dont le mandat n’a jamais changé, a reçu du financement au cours des dernières années,, y compris, comme on le sait, sous le gouvernement précédent. En soi, la défense d’intérêts particuliers ne constitue pas un motif de rejet d’une demande de participation au programme.
La sénatrice Wallin : Je pense que la raison pour laquelle tant de gens sont inquiets à ce sujet, c’est qu’il semble y avoir deux poids, deux mesures. Si l’attestation vise à garantir que les groupes qui reçoivent des fonds publics participent à des activités conformes aux valeurs et aux normes canadiennes, il est difficile de comprendre pourquoi, selon le gouvernement, il est acceptable de protester contre un projet d’oléoduc qui est essentiel à l’économie et à la création de millions d’emplois au pays, alors que le fait de fréquenter un camp d’été ne l’est pas.
Le sénateur Harder : Avec tout le respect que je vois dois, honorable sénatrice, présenté ainsi, bien sûr que c’est acceptable, mais le droit de manifester en est un que nous reconnaissons tous. L’attestation que j’ai mentionnée ne vise pas à refuser à quiconque le droit d’aller à un camp d’été, mais de s’assurer que tous y ont accès, indépendamment de leur genre ou de leur orientation sexuelle.
Les pêches et les océans
La protection des baleines—Consultation
L’honorable Rose-May Poirier : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
[Français]
Mardi cette semaine, afin de protéger les baleines noires, le gouvernement Trudeau a défini une zone de fermeture statique où les pêcheurs de homard ne pourront pas se rendre à partir du 28 avril. De plus, il a délimité les possibilités de zones de fermeture temporaire selon la présence des baleines.
Tout le monde s’accorde pour dire qu’il faut protéger les baleines noires, cela ne fait aucun doute. Cependant, le gouvernement n’a pas consulté les pêcheurs ni ne leur a donné de préavis afin qu’ils aient assez de temps pour s’adapter. Le gouvernement dit aimer consulter la population. Pourquoi le ministre n’a-t-il pas consulté les pêcheurs afin d’en arriver à un compromis pour protéger les baleines, tout en minimisant l’impact sur l’industrie de la pêche?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice de poser cette question. Je vais devoir en prendre note et la poser au ministre responsable.
La sénatrice Poirier : Je comprends bien l’importance de protéger l’environnement et la faune. C’est notre cas à tous, y compris les pêcheurs, mais nous nous préoccupons des répercussions sur les travailleurs et sur l’économie locale.
(1400)
Encore une fois, des gens seront pénalisés parce qu’ils travaillent dans un secteur saisonnier. En outre, ils se retrouveront dans une situation impossible en raison d’une décision à courte vue du gouvernement.
Comme il y aura plus d’embarcations, le nombre de prises par bateau sera moindre. On réduira le nombre d’heures pour tous les intervenants du secteur de la pêche au homard. Par conséquent, le problème du trou noir s’aggravera sans qu’ils puissent bénéficier de mesures d’aide. En outre, si on aperçoit une baleine tout près, la zone sera fermée pendant 15 jours supplémentaires, ce qui est considérable dans une saison de 60 jours.
Pourquoi le gouvernement abandonne-t-il ces travailleurs à leur sort sans prévoir de mesures financières pour les aider à s’adapter aux conséquences de cette décision?
Le sénateur Harder : Honorable sénatrice, je vais aussi m’en informer auprès du ministre.
Les ressources naturelles
L’oléoduc Trans Mountain
L’honorable Betty Unger : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte sur le projet d’oléoduc Trans Mountain.
Après l’annonce de Kinder Morgan, ce mois-ci, qui fait sérieusement douter de l’avenir du projet d’oléoduc Trans Mountain, le premier ministre s’y est encore une fois montré favorable et il a déclaré qu’il allait bel et bien se réaliser. Eh bien, ce ne sont que des mots, et on peut douter de sa parole parce qu’il a très peu parlé dernièrement des moyens qu’il entend prendre pour agir concrètement.
Sénateur Harder, il est minuit moins cinq. L’impasse dans le dossier du pipeline de Kinder Morgan a de graves conséquences pour l’Alberta et l’ensemble du Canada. Le premier ministre est le seul à pouvoir la dénouer. Il a abandonné les travailleurs à leur sort.
Quelles mesures concrètes le premier ministre entend-il prendre pour que l’oléoduc Trans Mountain puisse être construit?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénatrice pour sa question. Elle n’est pas sans savoir que, pas plus tard qu’hier, le premier ministre a répété son engagement à l’égard de ce projet. Les sénateurs savent également que le ministre des Finances a entamé des discussions avec la société Kinder Morgan, et je suis sûr que des annonces seront faites en temps et lieu.
La sénatrice Unger : Pas plus tard que la semaine dernière, Tim McMillan, le président-directeur général de l’Association canadienne des producteurs pétroliers, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. M. McMillan a dit au comité que, sur la scène internationale, le Canada a la réputation d’être incapable d’accomplir quoi que ce soit.
La Banque Royale, de son côté, a fait savoir que les capitaux d’investissement quittent le pays en temps réel. Des projets énergétiques représentant des dizaines de milliards de dollars ont été annulés depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement libéral, et l’Association canadienne de pipelines d’énergie a récemment déclaré que le secteur de l’énergie au Canada est en crise.
Cela dit, comment le gouvernement peut-il faire preuve d’autant de laxisme face au déclin de cet important secteur, et pourquoi le gouvernement Trudeau finance-t-il les activités des militants anti-pipelines?
Le sénateur Harder : Encore une fois, je dois vous rappeler qu’il n’y a aucune apparence de laxisme de sa part. Le premier ministre est intervenu personnellement dans ce dossier.
Comme les honorables sénateurs le savent, le gouvernement du Canada a pu compter sur l’engagement ferme des ministres responsables. Le premier ministre a rencontré les premiers ministres concernés et continue de s’occuper activement de ce dossier pour assurer la réalisation du projet, car il est dans l’intérêt du Canada.
[Français]
Les finances
Le système de paie Phénix
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du premier ministre au Sénat. Hier, la Cour supérieure du Québec a autorisé un recours collectif des fonctionnaires contre le gouvernement du Canada en ce qui a trait aux problèmes de paie liés au système Phénix. Il s’agit d’un problème que le gouvernement n’a toujours pas réglé, et on semble être encore loin de la solution. Il est clair que ces fonctionnaires ont subi des dommages et du stress et que le gouvernement actuel en est responsable.
Le représentant du premier ministre peut-il nous dire si le gouvernement agira en amont et versera immédiatement les 1 600 $ de dommages réclamés par chacun des fonctionnaires ou s’il attendra d’être condamné et d’avoir payé des milliards de dollars d’honoraires d’avocats pour le faire?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur pour sa question. Comme nous l’a dit l’honorable ministre Qualtrough, la ministre responsable du dossier, lors de sa comparution dans cette enceinte il y a environ une semaine, le gouvernement prend toutes les mesures nécessaires pour remédier aux problèmes que le système de paie Phénix cause manifestement aux fonctionnaires à l’échelle du pays.
Nous avons discuté ici d’un certain nombre de mesures pour avancer des fonds et aider ceux qui ont été pénalisés. C’est un grave problème qui découle d’un manque de planification au début de ce programme.
Pour ce qui est des récents recours judiciaires, le gouvernement se penche sur les prochaines mesures à prendre.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J’ai une question complémentaire. On a mentionné qu’il y avait eu une mauvaise planification du programme. Cependant, je crois que le gouvernement précédent avait recommandé au gouvernement actuel de ne pas mettre en vigueur immédiatement le système Phénix, parce qu’il n’était pas prêt. Je ne comprends pas pourquoi on blâme le gouvernement précédent, alors que le gouvernement actuel avait déjà été informé du fait que le système ne pourrait pas fonctionner immédiatement.
[Traduction]
Le sénateur Harder : Je vais m’informer. Ce n’est pas mon interprétation des faits dont je dispose.
[Français]
Le Secrétariat du Conseil du Trésor
Les fonctionnaires fédéraux—L’Agence des services frontaliers du Canada
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement Trudeau au Sénat. Monsieur le représentant, cela fait des années que le premier ministre Trudeau et ses collègues accusent les conservateurs d’avoir voulu museler les fonctionnaires. C’est bien le mot qu’ils emploient : « museler ». Or, le 12 avril dernier, dans un message destiné à ses employés, l’Agence des services frontaliers leur demandait de cesser d’informer les journalistes au sujet du phénomène des migrants irréguliers qui entrent au pays. On leur rappelait que seuls les porte-parole désignés peuvent faire des déclarations aux médias, autrement dit, ceux qui transmettent les réponses du gouvernement.
Alors, sénateur, pourquoi le gouvernement Trudeau cherche-t-il à museler les douaniers?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il était évident, depuis le début de son mandat, que le gouvernement voulait que les fonctionnaires prennent la parole publiquement et assument un rôle de porte-parole de façon appropriée. C’est le premier geste que le nouveau premier ministre a posé en signalant ce changement d’attitude à nos chefs de mission déployés partout dans le monde.
Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas s’efforcer de bien coordonner les efforts afin d’assurer l’uniformité des messages pour qu’ils reflètent le point de vue du gouvernement du Canada sur une foule de sujets.
[Français]
Le sénateur Carignan : La ministre Duncan disait la semaine dernière que le gouvernement ne devait pas museler les scientifiques et que ceux-ci devaient avoir le droit de parler aux journalistes comme bon leur semble, parce que, selon elle, il est important que nous sachions la vérité.
Sénateur Harder, si le gouvernement Trudeau veut museler les douaniers, est-ce parce qu’il a peur que les Canadiens apprennent la vérité sur l’ampleur de la vague d’immigrants illégaux?
[Traduction]
Le sénateur Harder : J’aimerais simplement dire, sénateur, que le gouvernement du Canada juge qu’il est tout à fait approprié — c’est du moins mon avis — de s’assurer que les messages transmis par les fonctionnaires reflètent l’avis de l’institution qu’ils représentent sur les dossiers qu’elle gère. Cette uniformité des messages est importante à la fois pour les Canadiens, les intervenants et les clients.
ORDRE DU JOUR
Le Code criminel
La Loi sur le ministère de la Justice
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Mitchell, tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.
L’honorable Paul E. McIntyre : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-51, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur le ministère de la Justice et apportant des modifications corrélatives à une autre loi.
[Français]
Il y a trois aspects au projet de loi C-51. Les deux premières parties modifient le Code criminel alors que la troisième partie modifie la Loi sur le ministère de la Justice.
(1410)
[Traduction]
La première partie modifie le Code criminel pour modifier ou abroger des dispositions qui ont été jugées inconstitutionnelles, ou qui sont similaires à d’autres déclarées inconstitutionnelles par les cours d’appel ou qui sont contraires à la Charte.
Par exemple, le projet de loi C-51 modifie la définition de « publier » utilisée pour décrire des infractions de libelle diffamatoire; supprime, relativement à de nombreuses infractions du Code criminel, l’exigence, pour l’accusé, d’établir une excuse légitime, également appelée inversion du fardeau de la preuve; règle la question de la détention présentencielle; et, enfin, supprime également certaines présomptions en matière de preuve.
En outre, le projet de loi modifie ou abroge les dispositions du Code criminel pouvant être considérées redondantes ou désuètes, c’est-à-dire les dispositions ou les infractions introduites il y a de nombreuses années, mais qui n’ont plus leur place dans le droit pénal.
Le projet de loi C-51 abroge des articles du Code criminel pouvant être considérés comme des exemples précis de l’infraction générale de fraude. Par exemple, l’article 41 du projet de loi propose d’abroger l’article 365 du Code criminel, qui érige en infraction le fait d’affecter de pratiquer la magie.
[Français]
Je note que l’article 14 du projet de loi C-51 proposait l’abrogation de l’article 176 du Code criminel, selon lequel représente un acte criminel le fait d’illicitement gêner, menacer ou blesser un officiant avant, pendant ou après la célébration d’un service religieux. Il érigeait également en infraction le fait d’interrompre ou de troubler un service religieux. À la suite des témoignages qu’ils ont entendus aux réunions du comité, les membres du Comité des affaires juridiques ont voté pour laisser l’article 176 du code intact.
[Traduction]
Le projet de loi élimine également d’autres infractions pouvant être visées par d’autres dispositions du Code criminel. Il y a aussi des infractions qui semblent désuètes ou redondantes. Cela dit, il est difficile de dire si l’on a considéré leur abrogation dans la préparation de ce projet de loi.
La deuxième partie du projet de loi modifie les dispositions du Code criminel relatives aux infractions d’ordre sexuel ou les dispositions sur l’agression sexuelle. Cette partie comporte trois voletes : le consentement, les dispositions sur la protection des victimes de viol, la production, par la défense, des dossiers personnels d’un plaignant qui sont en sa possession à un procès ainsi que l’obtention, par la défense, des dossiers personnels d’un plaignant qui sont entre les mains d’un tiers.
Le projet de loi C-51 nous propose de préciser les dispositions du Code criminel relatives aux agressions sexuelles, pour ce qui est du consentement et du moyen de défense fondé sur la croyance sincère mais erronée au consentement. Dans les dispositions sur les agressions, le concept de « consentement » comporte un volet juridique, c’est-à-dire la définition qui en est donnée, ainsi qu’un volet factuel, c’est-à-dire si le plaignant a subjectivement consenti et si l’accusé a pu croire de bonne foi qu’il l’avait fait, mais s’est trompé.
Les modifications contenues dans les articles 19 et 20 du projet de loi C-51 visent à préciser les deux volets. L’article 19 vise à mettre en application la décision de la Cour suprême dans l’affaire R c. J.A., en 2011.
La juge McLachlin, qui rédigeait l’opinion majoritaire, a écrit qu’on ne peut pas dire qu’une personne qui est inconsciente a consenti à avoir des rapports sexuels sous prétexte qu’elle avait consenti au préalable. Autrement dit, une personne ne peut pas consentir à l’avance à avoir certains types de rapports sexuels lorsqu’elle sera inconsciente.
Le juge Fish, lui, rédigeait l’opinion dissidente et était d’avis que le Parlement pouvait emprunter l’approche mise en œuvre dans la loi sur les infractions sexuelles adoptée en 2003 au Royaume-Uni.
Autrement dit, le Parlement pourrait adopter une disposition selon laquelle un plaignant inconscient serait présumé ne pas avoir consenti à des rapports sexuels sauf si le défendeur est capable de démontrer, preuve à l’appui, que le plaignant avait vraisemblablement consenti.
Comme je l’ai indiqué il y a un instant, le projet de loi C-51 vise à préciser les dispositions juridiques sur le consentement à avoir des rapports sexuels pour tenir compte de la décision de la Cour suprême dans l’affaire R. c. J.A., qui portait sur le consentement donné à l’avance à avoir des rapports sexuels pendant que la personne est inconsciente.
[Français]
Le projet de loi tente également de clarifier le fait que la croyance erronée ne constitue pas un moyen de défense si cette croyance se fonde sur une erreur de droit, notamment si l’accusé croyait que l’omission de résister ou de protester était un signe de consentement. Cette modification codifiera certains éléments de la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’affaire R. c. Ewanchuck (1999).
[Traduction]
Dans leurs critiques du projet de loi C-51, certains soutiennent qu’il ne modifie pas la définition d’une agression sexuelle. À leurs yeux, les modifications contenues dans le projet de loi C-51 ne sont qu’une codification de la décision rendue dans l’affaire R. c. J.A. et ne change pas la loi, au Canada, en ce qui concerne le consentement à des rapports sexuels.
L’article 21 du projet de loi apporterait des modifications aux dispositions de protection des victimes de viol ou d’utilisation de preuves relatives aux activités sexuelles, dispositions qui se trouvent à l’article 276 du Code criminel et qui précisent comment l’information concernant les activités sexuelles antérieures peut être utilisée dans un procès.
Le projet de loi modifie le Code criminel, de sorte que, pour l’application des dispositions relatives à la protection des victimes de viol, le terme « activité sexuelle » s’entend notamment de toute communication à des fins d’ordre sexuel ou dont le contenu est de nature sexuelle. L’article s’appliquerait, par exemple, aux courriels, aux vidéos, ainsi qu’à d’autres images faisant partie d’une communication, dans la mesure où cette communication est faite à des fins d’ordre sexuel ou que son contenu est de nature sexuelle.
[Français]
Ces dispositions du Code criminel préciseront désormais que des éléments de preuve sur les antécédents sexuels d’un plaignant ne peuvent être utilisés pour étayer la conclusion selon laquelle il était plus susceptible d’avoir consenti à l’activité sexuelle à l’origine de l’accusation ou qu’il est moins digne de foi — ce qu’on appelle les « deux mythes ».
[Traduction]
Le projet de loi C-51 prévoit un processus en deux étapes lorsque la défense veut déposer des éléments de preuve relatifs à l’activité sexuelle. Tout d’abord, il y a une audience de demande, puis, si celle-ci est accueillie, une audience d’admissibilité a lieu. Le projet de loi prévoit également qu’un plaignant a le droit d’être représenté par un avocat lors de procédures sur la protection des victimes de viol. Les plaignants n’avaient pas auparavant le droit de comparaître et de présenter des observations dans le cadre de procédures sur la protection des victimes de viol.
En ce qui concerne les dispositions sur la protection des victimes de viol, le seul autre point que j’aimerais faire valoir, c’est que le projet de loi ne modifie pas une liste d’infractions auxquelles s’appliquent les dispositions sur la protection des victimes de viol qui incluent de façon explicite les anciennes infractions sexuelles ayant donné lieu à des poursuites au titre d’une ancienne version du Code criminel.
Les anciennes infractions sont incluses de façon explicite dans la liste des infractions figurant à l’article 21 du projet de loi, créant ainsi un nouveau régime sur l’utilisation du dossier personnel d’un plaignant lorsque celui-ci est en la possession de la défense ou en la possession d’un tiers.
Le projet de loi C-51 vise également à clarifier les dispositions relatives à l’admissibilité du dossier personnel d’un plaignant. Il y a deux types de dossiers. Il y a ceux en la possession d’un tiers et ceux en la possession de l’accusé. En ce qui concerne le dossier personnel d’un plaignant qui est en la possession d’un tiers, le projet de loi apporte une seule modification au régime en place pour la production du dossier. Il fait passer de 14 à 60 jours la période de préavis avant la tenue de l’audience pour déterminer si le détenteur du dossier sera tenu de présenter le dossier au juge à des fins d’examen. En ce qui concerne le dossier d’un plaignant qui est déjà en la possession de l’accusé, le projet de loi C-51 prévoit une nouvelle procédure applicable à l’utilisation pendant un procès d’un dossier qui a trait au plaignant et qui est déjà en la possession de la défense. Cela comprend les textes, les messages, les photos et les courriels.
Les nouvelles dispositions exigeraient qu’un juge tienne une audience avant que la défense puisse utiliser ces preuves et contre-interroger le plaignant à leur sujet lors du procès. La nouvelle procédure pourrait obliger la défense à divulguer des éléments de son argumentation, des preuves qu’elle a en sa possession, ainsi que la pertinence de ces preuves au plaignant et à son avocat, car le plaignant aura désormais le droit de participer à l’audience d’admissibilité.
Des avocats de la défense ont dit craindre que le plaignant et son avocat puissent ainsi préparer une réponse au contre-interrogatoire bien avant le procès et que ces amendements ne concordent pas avec les droits de l’accusé.
(1420)
La troisième partie du projet de loi C-51 concerne de nouvelles exigences relatives aux énoncés concernant la Charte.
Présentement, l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice exige du ministre de la Justice qu’il fasse rapport au Parlement de toute incompatibilité d’un projet de loi avec la Charte. Cela n’est jamais arrivé.
La ministre de la Justice a déposé, de façon volontaire, des énoncés concernant la Charte au sujet de projets de loi qu’elle a présentés à la Chambre des communes. Aucun énoncé concernant la Charte n’a été déposé pour des projets de loi présentés par d’autres ministres.
[Français]
Divers observateurs ont lancé un appel en faveur d’un examen plus attentif des projets de loi à la lumière de la Charte. Dans d’autres pays, tels que le Royaume-Uni, la Nouvelle-Zélande et l’Australie, lorsqu’un gouvernement présente un projet de loi, il doit soumettre à l’assemblée législative une analyse fondée sur les droits.
[Traduction]
Le projet de loi C-51 exigera du ministre de la Justice qu’il dépose au Parlement un énoncé concernant la Charte pour chaque projet de loi du gouvernement afin de décrire ses effets potentiels sur les droits et libertés garantis par la Charte. Cependant, la nouvelle disposition n’explique pas plus en détail ce qui devra être inclus dans ces énoncés.
[Français]
Je comprends que l’obligation légale imposée à la ministre de la Justice s’appliquera à toutes les mesures législatives du gouvernement.
[Traduction]
Honorables sénateurs, dans l’ensemble, le projet de loi C-51 est bien conçu et il vise à clarifier différentes dispositions du code concernant les agressions sexuelles, à modifier ou abroger d’autres dispositions et, finalement, à modifier l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice de façon à garantir qu’on tienne compte de la Charte.
Cependant, différentes questions soulevées par le projet de loi devraient être étudiées au comité. Comme le projet de loi en est à l’étape de la deuxième lecture, afin de répondre à ces questions, j’invite le parrain du projet de loi à le renvoyer à un comité pour qu’il soit étudié davantage.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Mercer, au nom de la sénatrice Jaffer, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 1er mai 2018
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 25 avril 2018, propose :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 1er mai 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 25 avril 2018, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 1er mai 2018, à 14 heures.
— Chers collègues, je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Bellemare, avec l’appui de l’honorable sénateur Harder, propose que, lorsque le Sénat… Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi sur le cannabis
Autorisation au Comité des affaires étrangères et du commerce international de reporter la date du dépôt de son rapport sur l'étude de la teneur du projet de loi
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 25 avril 2018, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le 15 février 2018, la date pour la soumission du rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international relativement à son étude de la teneur du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, dans la mesure où il concerne les obligations internationales du Canada, soit reportée du 1er mai 2018 au 9 mai 2018.
—Je propose de faire un tour du chapeau. Je propose l’adoption de la motion inscrite à mon nom.
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénateur Mitchell, propose que… Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Quelqu’un souhaite-t-il prendre la parole dans le cadre du débat?
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins
Projet de loi modificatif—Adoption du septième rapport du Comité des pêches et des océans
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Manning, appuyée par l’honorable sénateur Housakos, tendant à l’adoption du septième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), avec amendement, présenté au Sénat le 31 octobre 2017.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je demande humblement au Sénat le consentement de prendre la parole à ce sujet.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs se souviendront que le 18 avril 2018 le sénateur Patterson a proposé l’ajournement du débat sur le septième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, et que la motion a été rejetée. Dans une décision rendue en 2009 par l’ancien Président Kinsella, citant Bourinot, il a été décidé que si un membre propose un ajournement qui est par la suite rejeté, ce dernier perd son droit de parole. Le sénateur Patterson demande que, nonobstant cette décision, il soit autorisé à prendre la parole.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Patterson : Merci, honorables sénateurs. Je vous sais gré de me permettre de parler de ce projet de loi. Après tout, ce projet de loi concerne les baleines. Les eaux du Nunavut abritent la plupart des baleines du Canada, et de nombreux Inuits chassent la baleine.
Il y a une disposition du projet de loi qui a retenu mon attention, car elle pourrait bien se répercuter sur les droits de nombreux chasseurs de baleine du Nunavut. Bien que le rapport traite de cette disposition, je crains que l’amendement proposé ne suffise pas. J’y reviendrai un peu plus tard.
Qui plus est, après avoir pris connaissance de la transcription des séances du comité, j’en suis venu à remettre le projet de loi en question du point de vue juridique. Empièterait-il sur une compétence provinciale? Représente-t-il un bon outil pour protéger le bien-être des cétacés ou pourrait-on plutôt améliorer des mécanismes déjà existants? Enfin, je me demande si le Sénat a suffisamment pris en compte les conséquences économiques et sociales de ce projet de loi.
L’article 4 de la mesure législative est celui qui me préoccupe. Dans son libellé initial, si elle avait été adoptée, cette disposition aurait soudainement érigé des obstacles au commerce ou à la vente de produits dérivés de la baleine dans le monde circumpolaire. Dans le Nord, nous avons l’habitude des lois qui font entrave aux droits de chasse et pêche des Inuits. L’opposition à la chasse au phoque — avec l’interdiction d’importer des produits du phoque qui a suivi dans différents pays et au sein de l’Union européenne — a eu un effet dévastateur sur notre industrie de la fourrure et de la mode.
Depuis des années, la loi américaine sur la protection des mammifères marins empêche le commerce de produits dérivés de mammifères marins avec les États-Unis, ce qui nous prive d’un énorme marché potentiel, car les chasseurs d’ours polaires américains ne viennent pas au Canada puisque cette loi leur interdit de rapporter la peau de l’ours qu’ils ont tué. Il faut savoir que ces parties de chasse sont très, très rentables pour les pourvoyeurs inuits. On utilise les attelages de chiens. Les ours doivent être chassés de la façon traditionnelle par des amateurs de chasse sportive, et les Inuits sont généreusement rétribués pour les vêtements d’hiver, le transport et le soutien qu’ils fournissent au chasseur. Des familles entières participent et fournissent vêtements, nourriture et articles divers.
Si nous devions ensuite adopter une loi canadienne qui criminaliserait l’exportation d’un cétacé, notamment une baleine, un dauphin ou marsouin, qu’il soit mort ou vivant — et je mets l’accent sur le mot « mort » —, nous limiterions essentiellement la capacité des baleiniers inuits à partager le fruit de leur travail et à rentabiliser leurs efforts. L’exploitation des défenses de narval a été décrite dans un mémoire présenté par le ministère des Pêches et des Océans comme une industrie qui rapporte 400 000 $.
La chasse annuelle à la baleine boréale au Nunavut est un événement majeur dans les collectivités qui choisissent de la tenir. Elle permet d’obtenir des aliments traditionnels qui sont partagés avec les membres de la famille et les amis dans l’ensemble du territoire et partout dans le monde circumpolaire, ainsi que des gravures sur des os de baleine qui sont très prisées et recherchées.
Les dispositions du projet de loi qui portent sur la pêche constituent l’autre point qui, selon moi, est susceptible de préoccuper les Inuits. Le projet de loi érigerait en infraction criminelle le fait d’avoir « la garde ou [d’assurer] la surveillance d’un cétacé », mais notez bien les mots utilisés dans le projet de loi : « la garde » et « la surveillance ».
Le 2 mars 2017, Adam Burns, directeur général adjoint de la gestion des ressources halieutiques à Pêches et Océans Canada, a exprimé ceci au comité : « Les droits qui permettent aux Inuits d’exploiter les ressources fauniques et qui sont enchâssés dans divers accords sur les revendications territoriales comprennent le droit de chasser la baleine. Les droits des Inuits d’exploiter les ressources fauniques aux termes de ces accords sont protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle. »
L’exploitation de la baleine au Canada est confinée aux besoins de subsistance des Autochtones, mais les dispositions en la matière permettent aux membres de certains groupes autochtones de vendre des produits résultant de cette exploitation, comme des défenses de narval, pour peu que cette exploitation soit conforme à la loi. En moyenne, 500 narvals, 800 bélugas et 300 baleines boréales sont récoltés chaque année dans l’Arctique canadien, dans le respect de conditions de gestion strictes.
(1430)
Honorables sénateurs, dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut, il est prescrit que la notion de récolte « s’entend des activités d’appropriation de ressources fauniques, notamment de la chasse, du piégeage, de la pêche ― au sens [de l’article 2] de la Loi sur les pêches ―, de la capture au filet, de la cueillette, du ramassage, notamment des œufs, du harponnage, de l’abattage, de la capture ou de la prise par quelque moyen que ce soit ». En fait, l’appropriation entraîne la garde et à la surveillance, d’où mon appréhension à l’égard de cette définition. Généralement, lors de la chasse, les Inuits se servent du harpon pour capturer les baleines et les maîtriser.
Je reconnais qu’une disposition de non-dérogation type a été ajoutée dans le cadre d’un amendement, mais je ne crois pas qu’elle puisse prévenir des contestations judiciaires. Je crois fermement que s’il y a la moindre possibilité que ce projet de loi porte atteinte aux droits des Inuits, il nous incombe de consulter adéquatement, conformément à l’article 35 de la Constitution. On ne peut pas exiger que les Inuits fassent des frais et subissent des inconvénients pour demander au tribunal de redéfinir et de confirmer leurs droits. Il est vraiment regrettable que la consultation nécessaire avec les Inuits n’ait pas eu lieu durant l’étude de ce projet de loi.
Deuxièmement, chers collègues, j’attire votre attention sur les témoignages, les mises en garde et les conseils que le comité a entendus. Selon moi, il est important que tous les sénateurs en soient mis au courant dans le cadre du présent débat.
Mme Joanne Klineberg, avocate-conseil à la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice du Canada, a soulevé deux questions importantes qui ont retenu mon attention à titre d’avocat. Premièrement, elle a déclaré: « […] la réglementation des aquariums relèverait des provinces. Toute inspection éventuelle et tout code relatif aux pratiques exemplaires, et cetera, seraient du ressort provincial ».
Elle a aussi dit que le droit pénal a tendance à être d’ordre général :
Le droit pénal consiste à établir un code d’exigences morales minimales de base pour l’ensemble de la société. C’est ce qu’on s’évertue à faire en adoptant des règles suffisamment précises pour reconnaître leur non-respect et pour assurer leur application, tout en étant assez générale — la moralité est de nature générale — pour que nous puissions décrire globalement ce qui est répréhensible. […]
[I]l est difficile pour le ministère de la Justice de se prononcer sur cette mesure législative. Nous ne sommes pas des spécialistes des cétacés, de leurs besoins sociaux et de leurs besoins relativement à l’eau et à l’équipement dans les réservoirs dans lesquels ils se trouvent. […]
Nous essayons de penser à ce à quoi ressemblerait le droit pénal dans 5 ou 10 ans s’il devenait trop précis et trop détaillé. C’est une question de politique. […]
[…] il faudrait avoir l’assurance, dans une certaine mesure, que l’idée selon laquelle le simple fait de garder des cétacés en captivité est cruel repose sur des bases scientifiques.
Honorables sénateurs, les données scientifiques que j’ai lues dans les témoignages ne me donnent pas, en tant que législateur, l’assurance que garder des cétacés en captivité est en soi cruel pour ces animaux. M. Michael Noonan, professeur en comportement animal, en écologie et en conservation au Canisius College, a comparu devant le comité et, dans son témoignage, il a déclaré que, selon lui, « cibler les cétacés en leur accordant une exception spéciale ne repose sur aucune justification scientifique ».
M. Burns, de Pêches et Océans Canada, a aussi témoigné devant le comité et a soumis un mémoire présentant une liste exhaustive des mesures déjà prévues dans la Loi sur les pêches pour accomplir une bonne partie des objectifs de cette mesure législative.
Pourrions-nous améliorer les normes générales pour les soins des animaux en captivité? Peut-être. Cette amélioration nécessiterait-elle des modifications du Code criminel? Je ne crois pas.
En ne tenant pas compte des contradictions dans les témoignages scientifiques et en criminalisant la captivité d’un ordre d’animaux, nous créons un précédent qui pourrait, un jour, s’étendre facilement à d’autres ordres ou catégories et mettre en péril tous les jardins zoologiques et aquariums au Canada.
En supposant que vous pouvez maintenant justifier l’empiètement potentiel sur les droits de chasse des Autochtones grâce à la disposition de non-dérogation et faire abstraction du dépassement potentiel du champ de compétences, du dédoublement inutile des lois et du précédent que nous risquons de créer, je vous demande de prendre ceci en considération : le maire qui a été en fonction le plus longtemps à Niagara Falls, qui est maintenant président de l’organisme Tourisme Niagara Falls, M. Wayne Thomson, a décrit l’économie de Niagara avant l’ouverture du parc aquatique Marineland, une entreprise qui pourrait être accusée d’activité criminelle si ce projet de loi était adopté, et a exprimé son appui à M. Holer, le propriétaire du parc, en ces termes :
Je suis ravi d’être ici pour lui offrir mon soutien, pour soutenir notre collectivité, parce que c’est ce qu’il nous reste. Notre collectivité dépend entièrement du tourisme et des visiteurs.
Nous revenons à ce que nous appelions les 100 jours magiques. Les gens qui venaient à Niagara Falls allaient se faire photographier devant les chutes, puis poursuivaient leur voyage ailleurs au Canada. Nous appelions cela les 100 jours magiques, car les premiers touristes arrivaient la fin de semaine du 24 mai, et ils se succédaient pendant tout l’été. Après la fête du Travail, tout fermait, les emplois disparaissaient et tout le monde se retrouvait sans emploi à bénéficier de l’assurance-emploi. C’était plutôt triste.
Maintenant, nous avons du tourisme à longueur d’année en raison des nombreuses choses spectaculaires qui se sont produites dans notre collectivité: les casinos, Marineland, les bons restaurants, les viticulteurs de notre région, les terrains de golf — tout est spectaculaire à voir. C’est Marineland qui est à l’origine de tout cela et qui demeure la grande attraction.
Chers collègues, le projet de loi ne toucherait pas seulement les actionnaires et les employés de Marineland. En effet, l’économie de la ville dépend des attractions comme Marineland, qui appuient les hôtels, les restaurants, les organisateurs de visites touristiques, les compagnies de taxis, les services de navettes et j’en passe. Le projet de loi aurait des répercussions sur le marchand de souvenirs qui vient de renouveler son bail, le serveur qui doit payer son loyer ou le concierge qui doit subvenir aux besoins de sa famille.
Et que dire des milliers d’enfants qui viennent visiter cet endroit pour acquérir des connaissances sur les animaux et vivre une expérience amusante, qui favorise la participation et l’interaction? Comme notre collègue, le regretté sénateur Enverga, l’a si bien dit en comité :
Lorsque les enfants visitent Marineland — et je me souviens de mon enfant —, ils vivent une belle expérience, ils sont inspirés et ils peuvent apprécier la nature. C’est ce que mon enfant m’a dit.
Le projet de loi aurait des conséquences sur de vraies personnes. Nous ne devons pas ignorer les coûts qu’il entraînerait sur le plan humain. D’après ce que j’ai lu, il n’existe pas de preuves scientifiques solides qui appuient l’idée selon laquelle les cétacés sont victimes de cruauté pour la seule raison qu’ils sont en captivité.
M. Noonan a fait une déclaration pondérée à ce sujet :
[…] sans contredit [...] la captivité entraîne des problèmes pour le bien-être des animaux.
Le thème central sur lequel je veux insister ne touche pas seulement les cétacés. La captivité ne nuit-elle pas au bien- être de tous les animaux au zoo de Toronto? Pis encore, n’a-t-elle pas une incidence sur tous les animaux dans l’industrie alimentaire? Ne nuit-elle pas au bien-être des animaux dans l’industrie des animaux de compagnie? Nous savons qu’il y a toutes sortes de préoccupations liées au bien-être en lien avec les gens qui sont de mauvais propriétaires d’animaux et des propriétaires d’animaux mal informés. Pensez à l’équitation et à toutes les répercussions sur le bien-être des animaux, ou aux cirques.
Honorables sénateurs, à mon humble avis, ce rapport ne donne pas au Sénat un portrait complet de la situation, qu’on considère les observations qu’il contient ou les amendements. Il n’y a eu aucune consultation auprès des Inuits au sujet des répercussions que la mesure proposée aurait sur leurs droits de chasse et de pêche et sur leur économie traditionnelle. C’est une grave omission. De plus, bien qu’il existe des conflits et des chevauchements évidents entre la compétence fédérale et la compétence provinciale, ils n’ont pas été traités. Je n’appuierai donc pas ce projet de loi si jamais il parvient à l’étape de la troisième lecture.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Manning propose que le rapport soit adopté. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)
(1440)
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Sinclair, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
La Loi sur la concurrence
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public du Sénat, deuxième lecture, article no 4, par l’honorable Yonah Martin :
Deuxième lecture du projet de loi S-242, Loi modifiant la Loi sur la concurrence (indications trompeuses).
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ce projet de loi n’a pas encore fait l’objet d’une motion à l’étape de la deuxième lecture. Je demande le consentement du Sénat pour ajourner le débat pour l’instant et reprendre le compte des jours à zéro.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
Le Sénat
Motion tendant à autoriser une modification à la Loi constitutionnelle de 1867 (qualifications des sénateurs en matière de propriété) par proclamation de Son Excellence le gouverneur général—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Patterson, appuyée par l’honorable sénateur Runciman,
Attendu :
que le Sénat défend les intérêts de groupes souvent sous-représentés au Parlement, tels les Autochtones, les minorités visibles et les femmes;
que le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 prévoit qu’une personne doit, pour être nommée au Sénat et y conserver son siège, posséder des terres d’une valeur nette minimale de quatre mille dollars situées dans la province pour laquelle elle est nommée;
qu’il se peut que des circonstances personnelles ou le marché immobilier d’une région donnée empêchent une personne de posséder la propriété requise;
que chacun devrait être admissible à une nomination au Sénat, indépendamment de la valeur nette de ses biens immobiliers;
que la qualification en matière de propriété immobilière n’est pas conforme aux valeurs démocratiques de la société canadienne moderne et qu’elle ne constitue plus une garantie adéquate ou valable de l’aptitude d’une personne à siéger au Sénat;
que chacun des vingt-quatre sénateurs du Québec est nommé pour un collège électoral donné et doit remplir la qualification en matière de propriété immobilière dans ce collège électoral ou y résider;
que les dispositions de la Constitution du Canada applicables à certaines provinces seulement ne peuvent être modifiées que par proclamation du gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l’assemblée législative de chaque province concernée;
que la Cour suprême du Canada a déclaré que l’abrogation complète du point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 concernant la qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière requiert une résolution de l’Assemblée nationale du Québec conformément à l’article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982,
Le Sénat a résolu d’autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l’annexe ci-jointe.
ANNEXE
MODIFICATION À LA CONSTITUTION DU CANADA
1.(1) Le point 3 de l’article 23 de la Loi constitutionnelle de 1867 est abrogé.
(2) L’article 23 de la même loi est modifié par remplacement du point-virgule à la fin du point 5 par un point et par abrogation du point 6.
2. La Déclaration des qualifications exigées figurant à la cinquième annexe de la même loi est remplacée par ce qui suit :
Je, A.B., déclare et atteste que j’ai les qualifications exigées par la loi pour être nommé membre du Sénat du Canada.
3.Titre de la présente modification : « Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (qualification des sénateurs en matière de propriété immobilière) ».
L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, la motion a été déposée au Sénat quelques jours avant mon assermentation, il y a deux ans. Je m’en souviens parce que l’un des premiers sénateurs à venir me serrer la main a été le sénateur Patterson. Il m’a alors parlé de la motion et de sa mesure jumelle, le projet de loi S-221. Saisi par l’émotion de cette journée et pris par le tourbillon des procédures du Sénat, j’ai compris très peu de ce que le sénateur Patterson essayait de m’expliquer. J’ai toutefois retenu que la question touchait d’une certaine façon ma province et que je devrais l’examiner de près dès que possible. Voilà qui me ramène à aujourd’hui. Deux ans plus tard, j’ai enfin eu le temps d’étudier la motion et le projet de loi.
Je tiens à remercier le sénateur Patterson d’avoir soulevé la question. Je le remercie aussi de sa patience. Il faut bien le reconnaître, le dossier avance à pas de tortue au Sénat. Il progresse lentement pendant la présente session, mais c’était aussi le cas dans les sessions précédentes. En effet, des projets de loi et des motions similaires ont été soumis au Sénat pour éliminer les qualifications des sénateurs en matière de propriété. Ces projets de loi et motions sont morts au Feuilleton ou ont été retirés.
L’idée de laisser tomber l’obligation relative à l’avoir immobilier remonte au moins à 1984, il y a 34 ans, lorsqu’elle a été présentée par le Comité mixte spécial de la réforme du Sénat, surnommé le comité Molgat-Cosgrove. L’ancien sénateur Tommy Banks a déposé trois projets de loi sur le sujet en 2008 et 2009. Le sénateur Banks avait certainement raison d’affirmer que ces qualifications étaient « une exigence ridicule » et « dépassée ». Je crois que nous sommes tous de cet avis.
Le porte-parole de l’opposition pour le projet de loi, le sénateur Consiglio Di Nino, après un discours bien documenté sur la raison d’être des qualifications en matière de propriété, a conclu ce qui suit :
[…] que ces exigences sont désuètes, qu’elles relèvent de l’anachronisme et qu’elles sont un vestige d’une autre époque de l’histoire de notre pays.
Je ne vous fatiguerai donc pas avec l’historique de cette exigence. Vous connaissez l’histoire aussi bien que moi et vous arriverez certainement à la conclusion que cette exigence n’a plus de raison d’être aujourd’hui.
En principe, le projet de loi du sénateur Patterson, le projet de loi S-221, et sa motion, la motion no 73, auraient dû être adoptés il y a bien longtemps. Qu’est-il arrivé? Ce qui est arrivé peut se résumer en deux mots : la Constitution et le Québec.
Comme vous le savez, dans la décision historique qu’elle a rendue il y a quatre ans sur la réforme du Sénat, la Cour suprême a affirmé que les qualifications en matière de propriété pouvaient être abrogées unilatéralement par le Parlement pour toutes les provinces, à l’exception du Québec. C’est ce que ferait le projet de loi S-221 en se débarrassant des qualifications pour toutes les provinces et tous les territoires, sauf le Québec.
La motion no 73 concerne le Québec. Elle autorise la modification de la Loi constitutionnelle de 1867 de manière à supprimer définitivement les qualifications en matière de propriété pour tous les sénateurs, y compris ceux du Québec, et à abolir les dispositions relatives aux divisions sénatoriales qui, comme vous le savez, sont propres à ma province.
Elle affirme en outre qu’une telle modification exige l’adoption d’une résolution en ce sens par l’Assemblée nationale du Québec, et c’est là que le bât blesse.
[Français]
En 2009, lorsque le sénateur Banks a déposé son projet de loi S-215, il a écrit au gouvernement du Québec pour savoir si celui-ci serait prêt à faire adopter la résolution nécessaire à l’Assemblée nationale. Le gouvernement du Québec lui a poliment répondu : « Merci beaucoup, mais non merci. » Ou, plus exactement, on lui a dit que si Ottawa voulait modifier quelque chose au Sénat, Québec serait prêt à en parler, à condition qu’on mette toute la réforme du Sénat sur la table. Notamment, depuis les années 1960, le gouvernement du Québec demande à avoir son mot à dire dans le choix des personnes qui seront appelées à représenter la province à la Chambre haute. C’est une revendication que le gouvernement dirigé par M. Philippe Couillard a réitérée en 2015, lorsque le gouvernement du premier ministre Justin Trudeau a mis en place le nouveau système de sélection des candidats aux postes de sénateurs. Comme à chaque occasion par le passé — sauf à l’époque de l’accord du lac Meech —, Ottawa a rejeté cette demande.
Devant le peu d’intérêt manifesté en 2009 par le gouvernement du Québec de l’époque, le sénateur Banks a décidé tout simplement de retirer sa motion. Est-ce le sort qui attend inévitablement la motion no 73 du sénateur Patterson?
C’est la raison pour laquelle plusieurs sénateurs, moi y compris, ont longtemps hésité avant de s’engager dans le débat lancé par le sénateur Patterson. Est-ce que cela en vaut vraiment la peine? N’allons-nous pas débattre pour rien? Le gouvernement du Québec dira qu’il n’est pas intéressé, à moins qu’on lui offre quelque chose en retour; le gouvernement Trudeau dira qu’il n’en est pas question.
De toute façon, on le sait, personne ne veut entendre parler de la Constitution; c’en sera fait de la motion no 73 et du projet de loi S-221.
[Traduction]
Je suis de ceux qui pensent qu’il faudra bien, un jour, surmonter cette phobie constitutionnelle. Je comprends l’origine de cette crainte et je suis tout à fait conscient des risques que présentent les débats constitutionnels. Néanmoins, la Constitution doit, surtout dans une fédération, être un contrat qui évolue. La Cour suprême la qualifie d’arbre vivant, mais les interprétations qu’elle en fait ne peuvent être le seul moyen de la faire évoluer. Si on en arrivait là, la population canadienne perdrait graduellement le contrôle de son évolution. La Constitution doit changer, non seulement de par la volonté de la magistrature, mais aussi de par la volonté du peuple représentée par le Parlement et par les assemblées législatives, et manifestée à l’occasion d’élections et de référendums.
[Français]
Sans doute, la Constitution ne devrait pas être modifiée tous les 5 ans ou tous les 10 ans. Cependant, on ne devrait pas non plus tenir pour acquis que les lois constitutionnelles sont coulées dans le béton pour l’éternité. Pour tout ce qui est vivant, la stagnation est malsaine.
[Traduction]
Nous n’en sommes toutefois pas là. Que devrions-nous faire, alors, de l’exigence désuète en matière de propriété?
L’une des options serait évidemment de ne rien changer. Il va sans dire qu’il est absurde, de nos jours, d’exiger que les sénateurs détiennent des biens immobiliers. Nous ne sommes plus en 1867, dans un contexte où l’élite considérait la démocratie avec méfiance. Il faut dire que le montant exigé, 4 000 $, qui n’a pas changé depuis 150 ans, ne veut plus dire grand-chose de nos jours.
(1450)
Au total, 68 p. 100 des Canadiens sont déjà propriétaires de leur maison, ce qui veut dire qu’ils remplissent la condition exigée pour devenir sénateur. Qu’en est-il du 32 p. 100 qu'il reste? De nombreux Canadiens, y compris à faible revenu, mettent de l’argent de côté chaque année, par exemple dans un compte d’épargne libre d’impôt. Les personnes qui souhaitent être nommées au Sénat pourraient ainsi puiser dans leurs économies pour acheter un lopin de terre.
N’oublions pas non plus ce que disent les règles actuelles :
La personne doit satisfaire aux exigences d’admissibilité inscrites dans la Constitution au moment de sa nomination au Sénat.
Autrement dit, quand le premier ministre recommande la candidature d’une personne au gouverneur général, si cette personne n’a pas déjà une propriété valant 4 000 $, elle dispose d’un certain temps, avant sa nomination officielle, pour s’en procurer une.
Soit, l’achat d’une propriété au Nunavut pourrait s’avérer plus ardu que dans le reste du pays. J’en suis conscient, mais, comme ce coin de pays compte déjà 2 000 propriétaires, ce n’est, de toute évidence, pas impossible non plus. Si, en outre, on tient compte du fait que le salaire d’un sénateur est d’environ 150 000 $, même les personnes qui n'ont pas beaucoup de moyens ne devraient pas avoir trop de mal à trouver les 4 000 $ nécessaires pour acquérir une propriété.
Bref, à mes yeux, le critère lié à la propriété ne constitue plus vraiment un problème pratique. C’est plutôt un problème symbolique. Tout est une question d’image, et on sait que les institutions aussi mal aimées que la nôtre ne peuvent pas se permettre de ne pas soigner leur image.
[Français]
Depuis quelques années, les sénateurs travaillent fort pour redorer le blason de la Chambre haute. À part quelques erreurs de parcours, je pense que les choses vont plutôt bien. Cependant, il nous reste encore énormément de travail à faire pour regagner la confiance des Canadiens. Ce sera un travail de longue haleine. Malheureusement, de nombreux citoyens nous perçoivent encore comme des profiteurs, des paresseux et des gens surpayés qui siègent dans une institution d’une autre époque. Les qualifications des sénateurs en matière de propriété, qui font la nouvelle presque chaque fois qu’un nouveau sénateur est nommé, contribuent à cette image négative. C’est une raison suffisante pour vouloir s’en débarrasser.
[Traduction]
Nous voulons aussi que le Sénat soit perçu comme une institution législative efficace et moderne. Je ne suis pas en train de dire que nous devons tourner le dos à nos traditions, non. Les traditions ont leur importance. Elles nous rappellent les valeurs et les principes qui ont présidé à la fondation de notre pays et du Parlement, mais nous devons quand même changer la plomberie et épousseter les meubles. Les critères liés à la propriété sont comparables aux tuyaux de fonte d’une époque maintenant révolue, alors leur élimination est plus que souhaitable.
En principe, nous ne devrions donc avoir aucun mal à adopter à la fois le projet de loi S-221 et la présente motion. Les deux seraient renvoyés à l’autre Chambre, et nous aurions à convaincre le gouvernement de les adopter. En toute franchise, je serais extrêmement surpris si le gouvernement manifestait le moindre intérêt à l’égard de ce dossier. On peut imaginer qu’il craindrait d’ouvrir la boîte de Pandore constitutionnelle.
Dans le meilleur des cas, le gouvernement pourrait décider d’adopter le projet de loi S-221, abolissant ainsi les qualifications en matière de propriété pour tous les sénateurs, sauf ceux du Québec. Cela créerait deux catégories de sénateurs : ceux qui seraient nommés sans remplir les qualifications en matière de propriété et ceux du Québec, qui devraient remplir ces qualifications. Je ne pense pas que ce serait vraiment un gros problème. Comme nous le savons, les sénateurs québécois doivent déjà se conformer à des critères différents, et cela n’a jamais causé de difficulté.
Je suis certain que le gouvernement ne voudrait pas que la Chambre des communes mette aux voix la motion no 73 avant qu’une entente soit conclue avec le Québec. Une telle entente nécessiterait probablement de longues et difficiles négociations, ce que personne ne souhaite en ce moment.
On peut donc encore se poser la question suivante : est-ce que cela en vaut la peine?
Après mûre réflexion, ma réponse est oui. Voter en faveur du projet de loi S-221 et de la motion no 73 aurait au moins deux effets. Premièrement, cela enverrait le message fort et clair que les sénateurs prennent au sérieux la modernisation de notre assemblée. Les sénateurs prendraient clairement une position de principe contre l’élitisme dans la Chambre haute et en faveur d’un processus de nomination moderne et équitable.
Deuxièmement, cela exercerait une certaine pression — je ne veux pas surestimer son importance, mais nous ne devrions pas non plus la sous-estimer— sur les gouvernements du Canada et du Québec pour qu’ils s’attaquent à cette question un jour. Je suis convaincu que le public serait de notre côté. En fait, la majorité des Canadiens ne comprendraient pas comment il se peut que nous ne parvenions pas à régler facilement la question.
Par conséquent, honorables sénateurs, j’appuie cette motion et je vous encourage à l’appuyer également, ainsi que le projet de loi S-221, afin que nous puissions faire un autre pas vers la modernisation du Sénat du Canada.
[Français]
Son Honneur le Président : Sénateur Pratte, votre temps de parole est écoulé, mais des sénateurs souhaitent vous poser des questions. Demandez-vous encore cinq minutes?
Le sénateur Pratte : Oui.
L’honorable Ghislain Maltais : Sénateur Pratte, je vous le pardonne, puisqu’il n’y a pas longtemps que vous êtes ici, mais je pense que votre recherche n’est pas tout à fait complète. Depuis quelques années, le sénateur Joyal et moi avons débattu de ce dossier en Chambre. Nous avons établi le processus nécessaire : l’unanimité au Sénat, à la Chambre des communes et à l’Assemblée nationale. Je vous invite à aller prêcher la bonne nouvelle à la Chambre des communes et à l’Assemblée nationale. Revenez ensuite et nous voterons pour le projet de loi.
Le sénateur Pratte : Je voudrais bien répondre à la question, mais je n’ai pas entendu de point d’interrogation à la fin de votre phrase. J’ai bien lu tous les débats, et je conçois très bien la situation. Il n’y a pas de désaccord entre vous et moi. Nous sommes tous d’accord. La question est d’obtenir l’accord des différents gouvernements, ce qui me paraît plus difficile.
[Traduction]
L’honorable Anne C. Cools : Je remercie le sénateur Pratte de ses opinions originales. J’aimerais lui poser une question. J’ai toujours pensé que la nature des constitutions était de résister au changement. C’est ce que j’ai toujours compris. C’est la raison pour laquelle les constitutions sont conçues pour être difficiles à modifier.
Parmi tous les pays, le Canada a obtenu de bons résultats, puisque sa Constitution subsiste depuis 150 ans, et c’est tout simplement parce que les hommes qui ont conçu et rédigé la Constitution étaient très savants dans les domaines de la politique et du droit.
J’aimerais par conséquent que le sénateur Pratte réponde à la question suivante : quel est le raisonnement qui sous-tend cette opinion originale? L’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 est une grande réussite. Les Américains, quant à eux, ont dû composer avec deux échecs constitutionnels et les carnages qui s’ensuivirent.
La pérennité de la Constitution du Canada est tout à fait remarquable.
J’aurais une autre question à poser, une fois que le sénateur aura répondu à celle-ci.
Le sénateur Pratte : Je ne suis pas sûr de voir une contradiction dans ce que vous dites au sujet du succès de la Constitution du Canada, et je suis du même avis que vous en ce qui concerne son succès. Dois-je comprendre, sénatrice Cools, qu’il y aura un carnage au Canada si nous éliminons la qualification foncière des sénateurs?
La sénatrice Cools : Ce n’est pas ce que je disais du tout. Je parlais de l’excellente approche adoptée par le Canada et qui est axée sur la paix, l’ordre et le bon gouvernement. Nous avons obtenu de très bons résultats, et ce, pour chaque Loi constitutionnelle du Canada, de la Proclamation royale de 1763 jusqu’à l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, qui a maintenant 150 ans. Ce que je vous dis, c’est que ce succès signifie quelque chose. J’aimerais que vous tiriez courage de ce succès, parce que les Pères de la Confédération canadienne ont procédé de façon brillante et sage pour obtenir et conserver un consensus.
(1500)
Si vous lisez les débats de la Confédération et de la Conférence de Québec de 1864, vous verrez que ces hommes ont travaillé avec ardeur pour tenter de s’entendre. Il est très difficile de s’entendre, mais ils étaient désireux d’y arriver, car ils avaient compris que leur survie en dépendait puisqu’ils étaient la proie d’agressions américaines.
Je vous invite à étudier cette période de l’histoire, car ces hommes étaient brillants. Je les ai lus attentivement. J’ai passé beaucoup de temps à étudier la façon dont ils procédaient, car leur réussite n’était pas le fruit du hasard. Les exemples ne manquaient pas aux Pères fondateurs du Canada, qui avaient été témoins de deux échecs américains : la révolution — et ils en avaient contre cette partie-ci de l’Amérique du Nord britannique, car elle avait refusé d’y participer — ainsi qu’une guerre encore plus sauvage, la guerre de Sécession.
Il y a certains avantages aux constitutions durables.
(Sur la motion du sénateur Gold, le débat est ajourné.)
Affaires juridiques et constitutionnelles
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
Consentement ayant été accordé de revenir aux Préavis de motions :
L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mardi 1er mai 2018, à 14 h 30, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat son rapport sur la teneur de certaines parties du projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois, le 1er mai 2018, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Le sénateur Joyal : Honorables sénateurs, permettez-moi d’expliquer brièvement pourquoi je propose cette motion cet après-midi.
Comme le lui a demandé le Sénat, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles étudie le projet de loi C-45 et il doit présenter son rapport à ce sujet d’ici le 1er mai, soit mardi prochain. Le comité a siégé pendant 8 jours, a entendu plus de 39 témoins et, aujourd’hui, il a siégé pendant 3 heures, soit de 10 h 30 à 13 h 30, pour rédiger son rapport.
Il nous reste encore du travail à faire avant d’avoir terminé la rédaction du rapport. Pour respecter l’échéancier du 1er mai qui a été fixé pour le dépôt de notre rapport, il faudrait que le comité puisse poursuivre sa séance mardi après-midi. C’est pourquoi la deuxième partie de la motion nous autoriserait à déposer notre rapport auprès du greffier du Sénat. Évidemment, advenant l’ajournement du Sénat, en ma qualité de président du comité, je ne pourrais pas présenter le rapport. Toutefois, nous souhaitons respecter l’échéancier fixé, et c’est pourquoi nous vous demandons de nous autoriser à siéger mardi après-midi, en même temps que le Sénat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Le Sénat
Motion tendant à permettre aux sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président de renoncer à l’indemnité à laquelle ils ont droit relativement à ces postes additionnels de président ou de vice-président—Ajournement du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Saint-Germain, appuyée par l’honorable sénatrice Lankin, C.P.,
Que, conformément au chapitre 4:01, article 2, du Règlement administratif du Sénat, pour le reste de la présente session, les sénateurs qui occupent plus d’un poste de président ou de vice-président d’un comité donnant droit à une indemnité additionnelle soient autorisés à renoncer à la portion de l’indemnité à laquelle ils ont droit relativement à ces postes additionnels de président ou de vice-président d’un comité.
L’honorable Serge Joyal : Honorables sénateurs, je réalise que cet article en est à son quatorzième jour et j’aimerais demander l’ajournement à mon nom, si la sénatrice Andreychuk est d’accord, bien entendu.
(Sur la motion du sénateur Joyal, le débat est ajourné.)
Les politiques et mécanismes pour répondre aux plaintes contre les sénateurs et sénatrices en matière de harcèlement—Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice McPhedran, attirant l’attention du Sénat sur l’importante occasion qui nous est offerte de revoir nos principes et procédures pour que le Sénat ait les politiques et mécanismes les plus solides et les plus efficaces possible pour répondre aux plaintes contre les sénateurs et sénatrices en matière de harcèlement sexuel ou d’autres formes de harcèlement.
L’honorable Grant Mitchell : Chers collègues, je me réjouis de participer au débat sur l’interpellation no 26, laquelle parle de faire en sorte que le Sénat ait les politiques et mécanismes les plus solides et les plus efficaces possible pour lutter contre le problème du harcèlement.
À l’instar des collègues qui ont pris la parole avant moi, j’estime qu’il s’agit ici d’une question grave et urgente pour le Sénat. Je crois également qu’il faudra modifier à la fois nos politiques et notre culture en milieu de travail. Évidemment, le harcèlement peut être sexuel, physique ou psychologique. Il n’est jamais acceptable. De plus, au Sénat, il nous cause du tort à tous, tant aux membres du personnel qu’aux sénateurs. C’est une question qui est au cœur même de toute institution, et la prendre au sérieux améliore inévitablement l’efficacité et l’intégrité des organismes et des institutions comme la nôtre.
Je crois qu’il est juste de dire que nous pouvons faire mieux pour prévenir le harcèlement, enquêter sur les cas déclarés, intervenir lorsqu’il survient et veiller à ce que chacun comprenne comment le processus fonctionne. Nous sommes une institution importante qui montre la voie à suivre à bien des égards à l’échelle nationale. Veiller à avoir les meilleures politiques et pratiques possible pour lutter contre le harcèlement peut faire de nous des modèles pour la société canadienne.
Ce que je sais du harcèlement me vient surtout de mon travail auprès de membres de la GRC qui, dans leur milieu de travail, ont été victimes d’actes de harcèlement, d’intimidation et d’abus parfois ahurissants. Les sénateurs se souviendront que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a étudié cette question importante et déposé son rapport en 2013. De plus, j’ai organisé, de concert avec la députée Judy Sgro, des tables rondes afin de permettre aux victimes de harcèlement au sein de la GRC de raconter ce qu’elles ont vécu. À la suite de ces tables rondes, nous avons publié un rapport en 2014 dans lequel nous avons indiqué différents changements à la structure et à la culture de la GRC qui, selon nous, sont nécessaires pour en faire un milieu de travail plus sûr. Je dois dire que des progrès sont en cours à la GRC.
J’en ai aussi appris beaucoup sur le harcèlement et l’intimidation dans le cadre de mon travail auprès des transgenres, notamment pendant les débats au sujet des projets de loi C-279 et C-16. Les personnes transgenres sont aussi victimes de harcèlement et d’intimidation dans leurs milieux de travail, mais aussi, trop souvent, dans la société en général.
Même s’ils nous diraient qu’il reste beaucoup de chemin à parcourir, ces deux groupes ont réussi de manière remarquable à trouver des façons de faire connaître les problèmes qu’ils vivent, offrir du soutien à ceux qui en ont besoin et créer des processus de guérison et de ressourcement. Tous ces gens remarquables m’ont appris différentes leçons importantes. Je vais vous en faire part.
Premièrement, il faut que les plaintes soient traitées de manière sérieuse et respectueuse et il faut que le soutien offert soit suffisamment flexible pour accommoder les besoins de personnes de diverses identités.
Deuxièmement, il faut comprendre l’importance de la formation en milieu de travail sur les façons d’éviter et de prévenir le harcèlement. Cette formation doit également couvrir ce qu’il faut faire lorsqu’on est témoin de comportements inacceptables.
Troisièmement, le choix des mots est important. Nous devons tous faire attention au poids de nos mots et à l’impact qu’ils peuvent avoir sur les gens.
Enfin, il va sans dire qu’il est difficile d’apporter des changements culturels au sein d’une institution et que cette démarche exige un effort concerté, de la persévérance, de la détermination et du leadership organisationnel sur une longue période.
(1510)
En terminant, j’aimerais exprimer mon appui au travail du Sous-comité sénatorial des ressources humaines, qui examine les politiques et les procédures du Sénat en matière de harcèlement. Je considère que les quatre leçons que je viens de souligner méritent d’être étudiées par le sous-comité.
D’autre part, je crois que, pour obtenir de bons résultats, le processus d’examen du sous-comité et les procédures révisées qui en découleront devront inclure ceux qui seront les plus touchés : les employés du Sénat.
J’apprécie le leadership et les réflexions de mes collègues qui ont pris la parole avant moi et qui ont participé à ce débat, et je serais heureux qu’on discute davantage de cette question.
Encore une fois, je tiens à remercier le sous-comité de son travail, de même que la sénatrice McPhedran, qui a lancé cette importante interpellation.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Galvez, le débat est ajourné.)
Énergie, environnement et ressources naturelles
Autorisation au comité de déposer son rapport sur les effets de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat
L’honorable Rosa Galvez, conformément au préavis donné le 24 avril 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, au plus tard le 4 mai 2018, son rapport provisoire sur la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, si le Sénat ne siège pas, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Pêches et océans
Autorisation au comité de reporter la date du dépôt de son rapport final sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes
L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 24 avril 2018, propose :
Que, nonobstant l’ordre du Sénat adopté le mardi 28 novembre 2017, la date du rapport final du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans relativement à son étude sur les activités de recherche et de sauvetage maritimes, y compris les défis et les possibilités qui existent, soit reportée du 30 juin 2018 au 31 décembre 2018.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Le Sénat
Motion tendant à présenter des demandes à la Conférence des évêques catholiques du Canada—Ajournement du débat
L’honorable Mary Jane McCallum, conformément au préavis donné le 24 avril 2018, propose :
Que le Sénat demande à la Conférence des évêques catholiques du Canada :
a)d’inviter le pape François à venir au Canada afin de présenter des excuses aux Autochtones, au nom de l’Église catholique, comme le prévoit l’appel à l’action no 58 dans le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, pour le rôle joué par cette église dans le système des pensionnats autochtones;
b)de respecter son obligation morale ainsi que l’esprit de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006 et de recommencer à faire tout son possible pour recueillir la somme convenue;
c)de faire constamment des efforts pour remettre les documents demandés aux survivants des pensionnats, à leur famille et aux spécialistes qui s’efforcent de comprendre pleinement l’horreur du système de pensionnats, afin de favoriser la recherche de la vérité et la réconciliation.
— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la motion no 325, qui fait pendant à la motion déposée à l’autre endroit le 18 avril.
La motion demande à la Conférence des évêques catholiques du Canada d’aider notre pays à avancer sur le chemin de la réconciliation et de contribuer à la guérison spirituelle de nombreux Autochtones partout au Canada.
Je prends la parole aujourd’hui, honorables sénateurs, en tant que survivante. J’ai vécu pendant 11 ans au pensionnat autochtone Guy Hill, situé à The Pas, au Manitoba.
Le pensionnat autochtone Guy Hill était dirigé par l’Église catholique romaine et j’y ai reçu, dès mon plus jeune âge, les enseignements du christianisme et de la religion catholique.
Cependant, lorsque, toute petite, je suis arrivée au pensionnat, j’avais déjà des croyances spirituelles. Ces croyances faisaient partie du mode de vie de ma famille et de mon peuple, les Cris et les Dénés de Brochet.
Il y avait toujours du pain bannock et du thé sur la table pour les visiteurs. Les hommes retiraient leur chapeau à la porte en signe de respect. Après un repas avec des invités, on discutait, on racontait des histoires et on riait. L’esprit d’accueil, de soutien et de partage favorisait le rapprochement avec la famille et la collectivité. Le silence, quand je pagayais, m’enseignait la pleine conscience. La recherche lente et méthodique de nourriture enseignait la patience. Le caractère spirituel de chaque geste, aussi petit soit-il, renforçait notre croyance en une force supérieure.
Nos activités quotidiennes étaient intimement liées à la terre et témoignaient de la spiritualité de mon peuple. Au cours de ces moments heureux de ma jeunesse, j’ai acquis des connaissances sur l’éthique du travail, ainsi que sur l’importance du partage, de la compassion, de la paix, de l’absence de jugement et de l’amour. Cependant, ma spiritualité a été changée à jamais lorsque je suis entrée au pensionnat autochtone.
Honorables sénateur, j’aimerais vous lire un extrait d’un chapitre que j’ai écrit, qui est intitulé « Bless Me Father, For I Have Sinned » et qui est tiré de l’ouvrage First Lady Nation Vol. II: Stories by Aboriginal Women :
L’homme était attaché à la grande roue, qui continuait de tourner sans fin. Au bas du cycle de rotation, les pointes métalliques, qui étaient fixées au sol, perforaient son abdomen. Au sommet du cycle de rotation, du sel était versé sur ses plaies. Les flammes intenses ronflaient près de la roue, chauffant le labyrinthe. Lorsque la roue atteignait le sol, le pichet d’eau se trouvait tout juste hors de la portée de l’homme, dont la soif était d’autant plus insupportable en raison de la chaleur intense.
Honorables sénateurs, cette vision de l’enfer m’a valu le premier prix dans ma classe de religion au pensionnat quand j’avais 9 ans. Cette peur de l’enfer est restée avec moi tout au long de ma vie. J’ai toujours cru, et je crains toujours, que je vais finir en enfer.
Plus loin, le chapitre continue ainsi:
La petite fille de 4 ans ouvrit la porte de la cabine sur le sentier de piégeage et regarda la pleine lune qui éclairait la neige immaculée recouvrant les branches du pin gris et les talus. La forêt était silencieuse. La petite fille scruta la lune avec émoi, tentant d’y apercevoir le visage de sa mère. Elle se demanda si sa mère pouvait voir comme elle était une bonne petite fille.
La nuit où j’ai admiré la pleine lune, je savais que ma mère était dans un endroit appelé le paradis et j’étais pleine d’espoir, d’innocence, d’amour et d’attentes. Telle était mon identité lorsque je suis entrée au pensionnat.
Honorables sénateurs, je n’étais pas une tarée. Dans mon enfance crie, avant le pensionnat, j’ai appris que l’être spirituel supérieur s’appelait Kici Manitou, ce qui signifie le grand dieu, et Kici Manitou vivait dans le kicikisikok, ce qui veut dire le paradis. Kici Manitou avait créé Aski, ou la Terre, et tout ce qui y vit.
Toute la création vivait et était étroitement liée. Les humains dépendaient de la Terre pour assurer leur survie. Les Autochtones avaient un mode de vie nomade, ce qui favorisait la durabilité puisqu’ils ne prenaient que ce qu’il leur fallait pour bien vivre.
Avant d’entrer au pensionnat, j’étais en sécurité, j’étais aimée et j’étais épanouie dans la spiritualité qui entourait mon existence même. Il n’y avait pas de violence chez moi. On mettait plutôt l’accent sur une éthique de travail rigoureuse, le perfectionnement de mon aptitude à la pensée critique, la transmission de compétences liées à la vie traditionnelle, l’ingéniosité, la créativité, la curiosité, la liberté, la spiritualité et, par-dessus tout, le rire et un véritable amour de la vie.
Tout cela a changé dramatiquement lorsque j’ai été admise dans un pensionnat.
Honorables sénateurs, j’avais 5 ans quand ma mère est morte, en décembre 1957. Trois semaines plus tard, je me trouvais à bord d’un avion, en direction du pensionnat. J’ai alors quitté ma petite localité dans les bois. Malgré la présence de ma sœur à mes côtés pendant tout le trajet en avion, j’étais très peu rassurée, car tout était pour moi extrêmement étrange et effrayant. Je me souviens avoir pleuré pendant tout le voyage, car je ne souhaitais qu’une chose : rentrer chez moi et retrouver mon père et ma famille.
J’aimerais lire un autre extrait du chapitre dont j’ai parlé tout à l’heure, « Bless Me Father, For I Have Sinned », qui fait état d’une réalité que de nombreux élèves ont rapidement comprise. Ce ne sera pas facile :
(1520)
Le soir venu, elle fut incapable de retenir ses larmes plus longtemps. Seule, loin de chez elle, le cœur brisé, elle pleura, ses larmes venant du plus profond d’elle-même. Il lui arriva souvent de pleurer pendant cet hiver et on permit à son frère qui était installé dans l’autre bâtiment de venir près d’elle pour la réconforter.
Au cours des deux années qui ont suivi, alors qu’elle apprenait encore à parler et à comprendre l’anglais, elle observa les autres petites filles et imita leurs gestes. Elle alla en classe avec sa poupée et apprit à se tenir tranquille. Elle vit les femmes vêtues de longues robes noires administrer des corrections aux élèves avec une lanière de cuir sans arriver à saisir ce que les enfants avaient fait de mal. Elle comprit assez rapidement que tous les élèves étaient vilains. Il lui sembla qu’elle était là pour qu’on lui dise à quel point elle était vilaine.
Honorables sénateurs, dans mon travail de guérison personnel, j’ai dû aller au fond des choses et chercher à savoir ce qui causait et entretenait le manque d’harmonie et le dysfonctionnement dans ma vie. J’ai tenté d’en comprendre les causes profondes. Les années d’éducation axées sur la honte qui avaient remodelé mon identité au pensionnat m’avaient appris à ne pas m’aimer.
En décembre 2013, dans le cadre de mon processus de guérison personnel, je suis allée rendre visite à des religieuses à la retraite à la maison mère de Sherbrooke, au Québec, avec la plus jeune de mes filles. Je voulais leur parler des pensionnats et les remercier de leurs années de service. Pendant notre visite, je leur ai dit à quel point j’étais étonnée qu’un établissement dirigé par l’Église catholique romaine ne fonde pas son travail sur le principe selon lequel « Dieu a donné aux êtres humains des talents incroyables ». Plutôt que d’affirmer à quel point nous étions vilains, les représentants de l’Église auraient dû dire : « Que pouvons-nous faire pour développer les aptitudes et valoriser la nature de l’enfant? »
Chers collègues, pendant les deux derniers siècles, les Premières Nations ont été brutalement traitées par le gouvernement fédéral et les Églises, les secondes administrant les règles, politiques et procédures des institutions financées par le premier et appelées pensionnats. Quant à moi, j’ai été confiée aux prêtres et aux religieuses catholiques qui dirigeaient le pensionnat Guy Hill. Les jeunes élèves ont subi la violence structurelle, politique et spirituelle créée par le système des pensionnats, tout cela au nom de Dieu. Plusieurs de ces enfants jeunes et innocents sont aujourd’hui des adultes marqués à jamais par les traumatismes qu’ils ont subis dans ces institutions.
Comme l’indique Carolyn Yoder dans son ouvrage intitulé Trauma Healing, les traumatismes affectent la physiologie humaine, y compris la capacité de penser de façon intégrée. Retirer les enfants de leur foyer, les emprisonner dans des territoires lointains et étrangers et les priver de leur langue et de leur culture a été une forme de terrorisme. La conjugaison de ces événements traumatisants amplifie la violence structurelle et l’injustice.
Honorables sénateurs, à propos de la motion dont nous sommes saisis, plusieurs se poseront cette question : pourquoi ces excuses sont-elles nécessaires aux anciens pensionnaires? En guise de réponse, j’aimerais vous citer le fameux ouvrage intitulé Cheval indien, du grand et regretté auteur ojibwé Richard Wagamese, qui écrit ce qui suit :
Nous vivions constamment sous la menace. Si ce n’était pas la menace physique directe des coups […] c’était celle, terrible, du purgatoire, de l’enfer et de l’agonie éternelle que leur religion promettait aux impurs, aux païens et à ceux qu’on ne pouvait pas sauver. Ceux d’entre nous qui se souvenaient des histoires racontées autour du feu par notre peuple tremblaient de peur à l’évocation de ces images de l’enfer, de la damnation, du feu et du soufre.
Lorsque l’on vous dépouille de votre innocence, que l’on dénigre votre peuple, que l’on dénonce votre famille d’origine et que l’on qualifie d’arriérés, de primitifs et de sauvages vos coutumes et vos rituels tribaux, vous finissez par croire que vous êtes moins qu’humain. Ce sentiment d’indignité, c’est l’enfer sur terre. Voilà ce qu’ils nous ont infligé.
Pourquoi ces excuses sont-elles si importantes, alors? Le cheminement nécessaire pour guérir les blessures profondes que ces pensionnats ont infligées à notre âme et à notre esprit est aussi long que tortueux. Bon nombre de victimes ont soif de validation. Tout le monde, au plus profond de soi, a besoin de tourner la page en sachant que les torts ont été réparés.
Pour ce faire, et pour atteindre la guérison et la réconciliation, il faut aussi qu’il y ait équilibre sur le plan moral. Les anciens pensionnaires que nous sommes veulent savoir que nous ne sommes pas à blâmer et que la responsabilité de tout ce qui s’est passé revient à quelqu’un d’autre. Nous devons notamment nous débarrasser de la honte et de l’humiliation qui sont le propre des victimes et les remplacer idéalement par un bon sens de l’honneur et du respect. Parfois, de simples excuses et un exercice de restitution peut suffire. Même si les pertes réelles sont incalculables, il doit y avoir un type quelconque de reconnaissance et réparation, même symboliques, comme le disait l’auteure Carolyn Yoder à la page 26 de son livre intitule Trauma Healing.
Chers collègues, Affaires autochtones et du Nord Canada a recensé 139 pensionnats autochtones reconnus au pays. Du nombre, 64 étaient administrés par l’Église catholique romaine. Pour qu’il y ait réconciliation, il doit y avoir réparation, un principe que l’Église catholique elle-même reconnaît, comme le prouve sa participation à la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens de 2006. C’est avec cette convention en tête, mais aussi avec l’intention qui a présidé à sa rédaction, que je prête ma voix à l’appel destiné à la Conférence des évêques catholiques du Canada : qu’elle vienne en aide aux Canadiens — autochtones ou non — et qu’elle franchisse un pas important vers la véritable réconciliation.
Il n’y a pas de meilleur moyen pour atteindre cette véritable réconciliation que les 94 appels à l’action lancés par la Commission de vérité et réconciliation, dont les vastes efforts sans précédent ont rendu la réconciliation envisageable. Il s’agit d’un concept vers lequel j’ai moi-même tendu pendant des dizaines d’années sur le chemin de la guérison. Même s’il m’est parfois arrivé de me dire qu’il n’y avait aucun espoir et que tout cela ne menait à rien, j’aimerais citer les mots de notre collègue, le sénateur Murray Sinclair, dont la sagesse éclaire mon âme et me remplit d’espoir. Le 14 février 2001, il a dit ceci au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones :
[...] il ne faut pas croire qu’il y aura une réconciliation, mais bien qu’il doit y avoir une réconciliation. C’est ce qui vous permettra de passer au travers. Il faut être convaincu qu’il faut faire quelque chose. Si l’on croit que cela arrivera, puis que cela n’arrive pas, on renoncera très facilement à y croire. Il faut plutôt se dire que cela doit être fait et qu’il faut faire son possible pour y arriver.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorable sénatrice, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?
Des voix : D’accord.
La sénatrice McCallum : Chers collègues, c’est sur ces mots que je vous exhorte à vous joindre à moi pour faire tout ce que nous pouvons, à titre de parlementaires canadiens, pour parvenir à une réconciliation. Il existe des blessures profondes et historiques qui doivent être soignées. Soyons attentifs. Utilisons nos voix pour appuyer cette étape importante du processus de guérison pour de nombreux peuples autochtones. Servons-nous de nos voix comme catalyseur du processus de réconciliation.
Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Coyle, au nom du sénateur Sinclair, le débat est ajourné.)
Pêches et océans
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L’honorable Fabian Manning, conformément au préavis donné le 25 avril 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à se réunir le mardi 1er mai 2018, à 17 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1530)
Affaires étrangères et commerce international
Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat
L’honorable A. Raynell Andreychuk, conformément au préavis donné le 25 avril 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit autorisé à se réunir le mardi 1er mai 2018, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.
L’honorable Donald Neil Plett : Madame la Présidente, j’aimerais poser une question.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Acceptez-vous de répondre à une question, sénatrice Andreychuk?
La sénatrice Andreychuk : Oui.
Le sénateur Plett : Pouvez-vous nous dire à quelle heure aurait lieu la réunion? La motion précédente spécifiait que la réunion aurait lieu à 17 heures, mais celle-ci ne précise pas l’heure.
La sénatrice Andreychuk : L’heure n’a pas été fixée. Nous espérons commencer à 16 heures. Nous attendons la confirmation finale de la ministre elle-même. On nous a dit que ce serait 16 heures. Toutefois, en raison de mon bagage juridique, je ne peux pas affirmer une heure sans confirmation; il pourrait y avoir un jeu de 5 ou 10 minutes. Je peux néanmoins vous dire qu’il est prévu que la réunion commence à 16 heures.
Le sénateur Plett : Est-il prévu qu’elle se termine à 17 heures?
La sénatrice Andreychuk : Oui.
Le sénateur Plett : Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Les pères fondateurs du Canada
William Wyndham Grenville, John Graves Simcoe et John White—Interpellation—Ajournement du débat
L’honorable Anne C. Cools, ayant donné préavis le 28 mars 2018 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur les grands fondateurs de la nation et leur acte constitutif, à savoir l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867, ainsi que sur le cadre conceptuel et exhaustif unique de cet Acte, exprimé à l’article 91 en ces mots : « [i]l sera loisible à la Reine […] de faire des lois pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement du Canada »; sur le premier ministre britannique whig William Wyndham Grenville, l’architecte de la loi britannique Canada Act 1791, connue sous le nom d’Acte constitutionnel de 1791, qui a divisé le Québec en deux provinces, c’est-à-dire le Haut-Canada et le Bas-Canada; sur le premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, le grand général et abolitionniste de l’esclavage John Graves Simcoe qui, en 1793, avec l’aide du premier procureur général du Haut-Canada John White, a fait adopter la loi visant à prévenir à l’avenir l’entrée d’esclaves et à limiter la durée du contrat de servitude dans la province, la première loi abolitionniste de l’esclavage du monde.
— Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de mon interpellation no 41 sur l’Acte de l’Amérique du Nord britannique de 1867 et sur William Wyndham Grenville, l’architecte de la loi britannique Canada Act 1791, connue sous le nom d’Acte constitutionnel de 1791. Cet acte a divisé le Québec en deux provinces, le Haut-Canada et le Bas-Canada. Je parlerai également du premier lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, John Graves Simcoe, qui, avec l’aide du premier procureur général du Haut-Canada, John White, en 1793, a réussi à faire adopter dans leur assemblée législative la loi visant à interdire l’entrée de nouveaux esclaves et à limiter la durée du contrat de servitude dans la province, c’est-à-dire dans le Haut-Canada. Il s’agissait de la première loi abolitionniste dans les colonies britanniques.
Chers collègues, le 20 octobre 1789, au palais de Whitehall, à Londres, alors qu’il n’avait pas encore été élevé à la Chambre des lords, le secrétaire de l’Intérieur du premier ministre William Pitt, William Wyndham Grenville, écrivait à lord Dorchester, titre que portait désormais le général Guy Carleton, afin de lui demander son avis sur l’avant-projet de loi qu’il avait élaboré, soit l’Acte constitutionnel de 1791. Grenville y proposait de diviser la province de Québec en deux provinces distinctes, le Haut-Canada et le Bas-Canada. Lord Dorchester s’opposait à cette division. La lettre de Grenville à Dorchester a été publiée dans le livre Statutes, Treaties and Documents of the Canadian Constitution 1713-1929, publié en 1930 sous la direction du grand professeur canadien William Paul McClure Kennedy. Voici ce que Grenville écrivait et que l’on retrouve à la page 185 :
Palais de Whitehall, 20 octobre 1789
Votre Seigneurie,
Comme il a été décidé de consulter le Parlement, dès le début de la prochaine session, sur l’opportunité prendre de nouvelles dispositions pour la bonne gouvernance de la province de Québec, je soumets à Votre Seigneurie un avant-projet de loi préparé dans ce but.
Avant que ce plan ne soit proposé au Parlement, les serviteurs de Sa Majesté voudraient bénéficier des observations que Votre Seigneurie pourrait leur faire grâce à son expérience et sa connaissance du territoire en question […]
Votre Seigneurie constatera que ce plan a comme but général de doter cette province d’une Constitution calquée sur celle de la Grande-Bretagne, dans la mesure où le permettent les mœurs du peuple et la situation actuelle de la province.
Cela devra se faire en accordant une grande attention à la mentalité et aux traditions des habitants français, qui forment une proportion importante de la population. Toutes les précautions devraient être prises pour qu’ils puissent continuer à jouir des droits civils et religieux qui leur ont été garantis lors de la capitulation de la province ou qui leur ont été accordés depuis ce temps grâce à l’esprit libéral et éclairé du gouvernement britannique. Cette considération a pesé lourd dans la balance lorsque le plan de division de la province de Québec a été adopté, en vue d’en faire deux districts qui resteront, comme c’est le cas actuellement, sous l’administration d’un gouverneur général, mais qui auront chacun un lieutenant-gouverneur et une assemblée législative distincte. Les serviteurs du roi ont tenu compte des raisons invoquées par Votre Seigneurie contre l’idée de cette séparation, et ils pensent que, s’il fallait que la forme de gouvernement du Canada demeure inchangée, les suggestions de Votre Seigneurie auraient beaucoup de poids. Cependant, au moment où il a été décidé de doter la province d’assemblées législatives comme nous le proposons maintenant, avec des députés en partie choisis par le peuple, tout ce qui a été pris en considération pour définir la politique a semblé indiquer que, vu la grande prépondérance des anciens sujets du roi dans les districts du Haut et celle des Canadiens français dans les districts du Bas, la bonne décision à prendre consistait à former des assemblées législatives séparées plutôt que de mélanger ces deux populations dans la première version de la nouvelle Constitution, avant que le temps n’ait fait son œuvre pour effacer les ressentiments du passé, que l’habitude de l’obédience à un même gouvernement ne se soit installée et que le sentiment d’avoir des intérêts en commun ne soit apparu [...]
Honorables sénateurs, dans son ouvrage de référence intitulé Documents of the Canadian Constitution 1759-1915, publié en 1918, le professeur W.P.M. Kennedy a choisi et édité des extraits de l’ébauche de l’Acte constitutionnel de 1791 proposée par William Grenville. Voici ce que dit l’article I du préambule de l’Acte constitutionnel de 1791, à la page 207 :
Un Acte ayant été passé dans la quatorzième année du Règne de sa présente Majesté, intitulé, Acte qui pourvoit plus efficacement pour le Gouvernement de la Province de Québec, dans l’Amérique du Nord; […]; Et étant expédient et nécessaire de pourvoir actuellement plus amplement pour le bon Gouvernement et la prospérité d’icelle : À ces causes, qu’il plaise à votre très Excellente Majesté, qu’il soit statué, et il est statué par la très Excellente Majesté du Roi, par et de l’avis et consentement des Lords Spirituels et Temporels, et des Communes, assemblés dans ce présent Parlement, et par la dite Autorité, Qu’autant du dit Acte qui a dans aucune manière rapport à la Nomination d’un Conseil, pour les affaires de la dite Province de Québec, ou au pouvoir donné par le dit Acte au dit Conseil, ou à la majorité des membres, de faire des Ordonnances pour la paix, le bonheur et le bon gouvernement de la dite Province, avec le consentement du Gouverneur de sa Majesté, du Lieutenant Gouverneur, ou Commandant en Chef pour le tems d’alors, sera et est par ces présentes rappellé.
Chers collègues, l’article II de cette loi réaffirme la disposition fondamentale de la Constitution du Canada, qui est au cœur de toutes mes interventions jusqu’à présent. Voici ce que dit l’article II, à la page 208 :
II. Et ayant plû à sa Majesté de signifier par son message aux deux Chambres de Parlement, son intention Royale de diviser sa Province de Québec en deux Provinces séparées, qui seront appellées la Province du Haut-Canada et la Province du Bas-Canada; il est statué par la dite autorité qu’il y aura dans chacune des dites Provinces respectivement un Conseil Législatif et une Assemblée, qui seront séparément composés et constitués dans la manière qui sera ci-après désignée; et que dans chacune des dites Provinces respectivement sa Majesté, ses héritiers ou successeurs, auront le pouvoir, pendant la continuation de cet acte, par et de l’avis et consentement du Conseil Législatif et de l’Assemblée de telles Provinces respectivement, de faire des Loix pour la tranquilité, le bonheur et le bon Gouvernement d’icelles, telles loix ne répugnant point à cet acte […]
Honorables sénateurs, William Wyndham Grenville connaissait très bien les grands abolitionnistes d’Angleterre et d’Amérique du Nord britannique, ainsi que leur dévouement envers l’humanité, la justice et le bien commun. En 1807, après la mort de William Pitt le Jeune, le roi George III a demandé à Grenville de former et de diriger un gouvernement whig. La même année, dans la Chambre des lords, lord Grenville, le premier ministre whig, a présenté son propre projet de loi visant à abolir la traite des esclaves africains.
Ce dont je parle en ce moment, chers collègues, pour ceux qui ont étudié cette époque à l’école ou de façon autodidacte, ce sont les grands efforts en vue de gagner en humanité qui sous-tendent l’œuvre de ces hommes et le lien étroit qu’ils avaient avec les plus grands humanistes de tous les temps. Je parle des abolitionnistes. Grenville est l’un d’entre eux. En fait, le comté de Grenville n’est pas très loin d’ici.
En passant, je souligne que le brillant député whig abolitionniste de la Chambre des communes britannique, le célèbre Charles James Fox, fut le premier député à être qualifié de libéral. Les whigs et le whiggisme étaient présents et actifs dans les Canadas et en Grande-Bretagne. Je souligne que les célèbres réformistes du Haut-Canada — la sénatrice Eaton connaît sans doute leur nom — William Warren Baldwin et Robert Baldwin, de Toronto, avaient aussi des racines irlandaises whigs. À ce moment-là, les whigs britanniques constituaient une force puissante, faisant progresser les droits et les libertés de la population et en obtenant de nouveaux. Au cours du XIXe siècle, ce sont les gouvernements britanniques whigs qui ont appuyé les réformes relatives au libre-échange, au droit de vote, à l’émancipation des catholiques et toute une série d’autres réformes, particulièrement pour le droit de vote. Aux États-Unis, Thomas Jefferson et d’autres dirigeants avaient adopté les idéaux sociaux et politiques whigs.
Chers collègues, dans son livre intitulé The Constitution of Canada publié en 1922, le professeur Kennedy traite des réformes politiques de l’Acte constitutionnel de 1791. À la page 84, il a écrit ceci :
(1540)
Le 24 août 1791, un décret en conseil a divisé la province de Québec en deux colonies distinctes, soit le Haut-Canada et le Bas-Canada, et a ordonné au secrétaire d’État de préparer un mandat autorisant le gouverneur de la province à fixer l’entrée en vigueur de la loi au plus tard le 31 décembre 1791. Alured Clarke a proclamé le 18 novembre 1791 que la loi entrerait en vigueur le 26 décembre suivant. En septembre 1791, Dorchester a été commissionné gouverneur en chef du Haut et du Bas-Canada, et Alured Clarke et John Graves Simcoe ont été nommés lieutenants-gouverneurs du Bas-Canada et du Haut-Canada respectivement. Le 7 mai 1792, le lieutenant-gouverneur Clarke a divisé le Bas-Canada en 27 districts électoraux qui ont élu 50 membres à la Chambre d’assemblée, et en juillet de la même année, Simcoe a divisé le Haut-Canada en 19 comtés qui ont élu seize membres. Lorsqu’on regarde les débats sur l’Acte constitutionnel, on remarque certains principes de la nouvelle constitution. La division de la province visait à mettre un terme aux différends opposant les Canadiens français et les Britanniques. Pitt avait proposé la création de deux colonies distinctes devant trouver leur propre destinée. Ce qu’on voulait, cependant, c’était reproduire, autant que possible, la constitution britannique du XVIIIe siècle dans chacune des provinces, avec une aristocratie locale et une église établie. En fait, cette reproduction était une tentative pour empêcher que la première grande tragédie coloniale ne se répète; [...].
C’est-à-dire la révolution aux États-Unis et la perte de 13 colonies.
Honorables sénateurs, William Grenville croyait que la véritable cause du succès de la Révolution américaine et de la perte des 13 colonies de la Grande-Bretagne, c’est le fait que la Grande-Bretagne n’a pas su accorder à ses colonies la possibilité d’avoir un gouvernement plus flexible et représentatif. Il a dit qu’une telle tragédie devait absolument être évitée dans les deux Canadas, et dans le reste des provinces de l’Amérique du Nord britannique, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve.
À l’époque, on appelait les provinces maritimes les basses provinces.
Le 17 septembre 1792, à l’Assemblée législative du Haut-Canada, à Newark — qui s’appelle aujourd’hui Niagara —, Son Excellence le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe a ouvert, conformément à l’Acte constitutionnel de 1791, la séance de la première législature du Parlement du Haut-Canada : le Conseil législatif du Haut-Canada. Son Président était le juge en chef William Osgoode. Dans les Journaux du Conseil législatif de la province du Haut-Canada figure à cette date le premier discours du Trône du gouverneur Simcoe. Il dit ceci à la page 1 :
Je vous ai convoqués en vertu de la loi du Parlement de la Grande-Bretagne […] qui établit la Constitution britannique, ainsi que des documents qui l’appliquent et la maintiennent dans ce pays lointain.
Honorables sénateurs, un mois plus tard, le 15 octobre 1792, le gouverneur Simcoe clôt la première session de la législature avec un discours du Trône et une prorogation. Ce jour-là, le gouverneur Simcoe dit ce qui suit, à la page 11 des Journaux du Conseil législatif de la province du Haut-Canada :
Messieurs les honorables sénateurs, messieurs les députés…
— comme toujours pour le discours du Trône, les deux Chambres étaient réunies —
… je ne peux pas vous laisser partir sans souhaiter ardemment vous voir défendre par vos paroles et vos actes, dans vos comtés respectifs, les mœurs pieuses et morales, sûrs fondements de toute félicité publique et privée. Ici, je vous recommande tout particulièrement d’expliquer aux autres que cette province a le bonheur singulier d’être pourvue d’une Constitution non pas informe, mais bien entière, qui a fait ses preuves et qui est le reflet même et la transcription de celle de la Grande-Bretagne, par laquelle cette dernière donne depuis longtemps à ses sujets toute la liberté et tout le bonheur dont il est possible de jouir sous la tutelle nécessaire à toute société civilisée. Le Président, sous le commandement de Son Excellence, proroge alors la séance des deux Chambres jusqu’au lundi 31 décembre.
Honorables sénateurs, je souligne que le 19 juin 1793, au Haut-Canada, le lieutenant-gouverneur John Graves Simcoe, ce grand général et abolitionniste de l’esclavage, et son procureur général, John White, ont proposé et débattu leur projet de loi sur l’abolition de l’esclavage à l’Assemblée législative du Haut-Canada. Ce projet de loi s’intitulait Loi visant à prévenir à l’avenir l’entrée d’esclaves et à limiter la durée du contrat de servitude dans la province. Le procureur général White avait vécu en Jamaïque, dans les Antilles britanniques, et connaissait bien le droit de l’esclavage et ses codes. L’adoption et la promulgation du projet de loi de Simcoe par le Parlement du Haut-Canada en a fait la première loi abolitionniste de l’esclavage de l’Empire britannique. En Ontario, le 1er août, ce que nous appelons aujourd’hui le Congé civique, s’appelait la fête de Simcoe, et, avant cela, le Jour de l’émancipation, évoquant l’abolition de l’esclavage par la loi britannique de 1833, dont le nom au long se traduit par Loi portant sur l’abolition de l’esclavage dans les colonies britanniques pour le développement du travail des esclaves émancipés et pour indemniser les personnes ayant droit aux services de ces esclaves. La loi abolissant l’esclavage a reçu la sanction royale le 28 août 1833 et est entrée en vigueur le 1er août 1834.
Voilà pourquoi les gens l’appellent un Congé civique. Avant, la journée portait le nom de Jour de l’émancipation. Je demande aux sénateurs de s’en souvenir à l’arrivée du mois d’août, à ladite date.
Chers collègues, je terminerai en abordant les activités malveillantes et troublantes qui surviennent depuis peu au Canada. Je parle des mesures révisionnistes qui cherchent à diaboliser John Macdonald et compagnie et à réécrire l’histoire.
Un article paru dans le Globe and Mail il y a quelques jours a particulièrement attiré mon attention.
Je souligne l’article d’opinion érudit de Bob Plamondon paru dans le Globe and Mail le 19 février, intitulé « Calomnier Macdonald, c’est causer du tort au Canada ». Dans l’article, M. Plamondon écrit, à la page A13 :
La Fédération des enseignantes et des enseignants de l’élémentaire de l’Ontario veut retirer son nom de ses écoles. En raison du vandalisme, son anniversaire n’est plus souligné à Kingston. Les membres de la Société historique du Canada se prononceront bientôt sur la suppression de son nom de son prix littéraire annuel. Est-ce seulement une question de temps avant que nous fassions tomber la statue de sir John A. Macdonald sur la Colline du Parlement?
Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénatrice Cools, voulez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Cools : Oui. Merci.
Son Honneur la Présidente intérimaire : Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Cools : Direct et lucide, Plamondon a ajouté ce qui suit :
Même si Macdonald peut certainement être critiqué, il était néanmoins le reflet de son temps. Il faisait partie des rares personnes à exprimer de la sympathie pour les Autochtones, disant : « Nous devons nous rappeler qu’ils sont les premiers propriétaires des terres, dont ils ont été dépossédés par nos ancêtres, par convoitise ou ambition […] les Indiens sont les grandes victimes de la découverte de l’Amérique et de sa cession à une vaste population de blancs. » […] Macdonald voulait éviter une « guerre avec les Indiens » comme celle qui avait ravagé les États-Unis, disant que mieux valait les nourrir que les combattre […]Comme l’a noté la Commission de vérité et réconciliation, les pensionnats autochtones étaient en place avant que Macdonald devienne premier ministre et ils ont atteint leur apogée environ 40 ans après sa mort.
Nous pouvons donc dissocier sir John A. Macdonald de ce régime.
Honorables sénateurs, je ne comprends pas la dureté de cette approche ni pourquoi certains choisissent de piétiner la réputation d’autres personnes, plus particulièrement celle de John A. Macdonald. Une chose est certaine : les Pères de la Confédération qui ont créé et façonné le Canada étaient des êtres exceptionnels qui ont opté pour un gouvernement et une gouvernance par la paix, l’ordre et une saine administration. Voilà un modèle d’excellence. Je remercie mes collègues de leur attention.
C’est pourquoi le Canada est le pays qu’il est. Ce n’est pas un hasard. Ces hommes ont travaillé ensemble pour conclure une entente. Ils voulaient un pays qui ne serait pas aussi sauvage que les États-Unis d’Amérique, malgré leur grand respect pour la Constitution de ce pays.
Je remercie mes collègues de leur attention. J’espère qu’ils partageront l’amour et l’affection que je ressens pour ces hommes et pour les choses remarquables qu’ils ont faites, ainsi que pour le pays, la nation et la Constitution dont ils sont les pères fondateurs. Je les encourage à répandre cet amour et cette affection. Comme je le disais plus tôt à mon ami, le sénateur Pratte, la Constitution du Canada existe déjà depuis 150 ans.
Honorables collègues, 150 ans, c’est un long moment pour une Constitution. Je pense que la Constitution du Canada est meilleure que celle de la France et des États-Unis d’Amérique. En fait, elle est meilleure que celle de la plupart des pays.
Je recommande de maintenir notre Constitution, d’en faire l’éloge et de l’apprécier à sa juste valeur. J’exhorte les honorables sénateurs à la lire avant de se coucher. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Ringuette, le débat est ajourné.)
(À 15 h 50, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 1er mai 2018, à 14 heures.)