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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 220

Le mercredi 13 juin 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 13 juin 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le décès de Joan Dillon, O.N.S.

L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à Joan Dillon, héroïne locale, championne des enfants et de la jeunesse, militante de l’harmonie entre les groupes raciaux, éducatrice, amoureuse de la poésie et précieuse amie.

« Il faut savoir s’épanouir là où on plante ses racines. » Voilà un adage qui a guidé cette femme tenace durant toute sa vie. Joan s’était profondément ancrée à Antigonish, dans le nord-est de la Nouvelle-Écosse. Originaire du Nord de l’Angleterre, Joan a migré au Canada alors qu’elle était enfant, puis a fait son chemin jusqu’à notre municipalité, où elle a laissé une marque indélébile sur tous ceux qui l’ont rencontrée — tous ceux qu’elle a aidé à s’épanouir.

Joan a été intronisée à l’Afrikan Canadian Heritage and Friendship Centre, à Guysborough, et a reçu l’Ordre de la Nouvelle-Écosse, la Médaille commémorative du 125e anniversaire de la Confédération, le prix du Gland d’argent pour le scoutisme, de même qu’une chevalière honorifique et un doctorat honorifique de l’Université St. Francis Xavier.

Pourquoi Joan a-t-elle reçu toutes ses distinctions? Pour son bénévolat auprès des jeunes, son leadership novateur en éducation, ses efforts d’édification de la collectivité et sa contribution à ce que nous appellerions aujourd’hui la « réconciliation ».

Anne Marie Paul, de la nation mi’kmaq Paqtnkek, a dit ce qui suit :

Joan aimait tous ceux qu’elle rencontrait. L’amour n’avait ni frontière ni couleur pour elle et elle traitait chacun de nous également. Elle avait un immense cœur d’or.

Joan Dillon était surtout connue comme le cœur et l’âme du X-Project, une société étudiante établie en 1965. Joan a joué un rôle clé dans la mobilisation de milliers d’étudiants, de membres de la communauté, de parents, d’aînés et de jeunes, qui se sont joints au cercle du X-Project.

Pendant des décennies, des autobus bondés d’étudiants de l’Université St. Francis Xavier se sont rendus dans la communauté mi’kmaq Paqtnkek et celle de Pictou Landing, ainsi que dans les communautés afro-néo-écossaises de Lincolnville, de Sunnyville et d’Upper Big Tracadie, pour aider des enfants à faire leurs devoirs et s’adonner à des sports et à des loisirs avec eux. Les enfants de ces communautés étaient à leur tour accueillis sur le campus pour des activités de développement du leadership et des événements sportifs universitaires.

Anne Marie Paul a rencontré Joan à l’âge de cinq ans en participant à des activités du X-Project. Aujourd’hui, Anne Marie fait partie du conseil de bande et est bénévole pour le X-Project.

À Paqtnkek, une rue a même été nommée en l’honneur de Joan Dillon.

La révérende Elaine Walcott, de Lincolnville, a dit : « Plusieurs d’entre nous n’avaient jamais quitté le comté de Guysborough avant que Joan Dillon nous fasse participer au X-Project. Joan nous a aidés à nous forger une idée du monde à l’extérieur de nos communautés. » Elle ajoute : « Elle encourageait les gens à réaliser leurs rêves et à célébrer les dons qu’ils avaient. »

La professeure Lisa Lunney Borden, de l’Université St. Francis Xavier, a vanté la clairvoyance de Joan, qui savait que le X-Project permettrait aux étudiants de sortir de leurs cercles habituels sur le campus et de se rendre dans d’autres communautés pour apprendre de nouvelles choses.

Joan Dillon a même organisé des activités à partir de son lit dans le foyer de soins où elle est récemment décédée. C’est à son chevet que nous avons trouvé ensemble de nouvelles façons d’inspirer et éduquer les membres de la communauté, notamment en faisant venir Wab Kinew, le sénateur Murray Sinclair et Buffy Sainte-Marie.

Joan Dillon était l’une de ces personnes à qui l’on ne dit jamais non. Sa manière de vivre donnait à tout le monde l’envie de travailler sur soi.

Joan aimait beaucoup mon petit-fils, Jack; il l’aimait beaucoup lui aussi.

Pour terminer, je vais dire les mots d’au revoir qu’elle avait appris à Jack. Pip Pip Cheerio, Joan!

Le monde est meilleur grâce à toi.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Shelley Rolland-Poruks et de sa famille. Ils sont les invités de l’honorable sénateur White.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Semaine nationale de la fonction publique

L’honorable Vernon White : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Semaine nationale de la fonction publique. Cette semaine, nous célébrons l’excellent travail des fonctionnaires fédéraux du Canada et nous reconnaissons leur dévouement à servir les Canadiens.

Aujourd’hui, dans le cadre des activités de la semaine, Centraide a remis un Prix de bâtisseur communautaire à l’un de ces extraordinaires fonctionnaires au gouvernement fédéral.

Mme Shelley Rolland-Poruks est une employée fédérale qui a notamment fait carrière dans la fonction publique au sein des Laboratoires de Chalk River et d’Élections Canada. Elle travaille actuellement à l’Agence canadienne d’évaluation environnementale.

Mme Rolland-Poruks a consacré des milliers d’heures à appuyer de nombreux organismes communautaires à Ottawa et dans les environs. Elle fait du bénévolat depuis 15 ans auprès de divers organismes de bienfaisance dont Centraide Ottawa, Centraide du comté de Renfrew, le YMCA de Durham, le Club Kiwanis et beaucoup d’autres.

De plus, elle fait preuve de générosité en appuyant depuis longtemps Centraide Ottawa et d’autres organismes de charité dans le cadre de la Campagne de charité en milieu de travail du gouvernement du Canada. Elle a contribué à l’élaboration de campagnes efficaces et fructueuses dans le ministère où elle travaille, en plus de maintenant siéger au conseil d’administration de Centraide Ottawa.

Les bénévoles offrent temps et efforts pour transformer les collectivités. Centraide a donc un programme spécial appelé Prix de bâtisseur communautaire qui lui permet de rendre hommage à des gens exceptionnels, que ce soit des organisations, des partenariats, des organismes, des groupes de quartier ou des particuliers, qui travaillent à faire d’Ottawa un endroit meilleur pour tous.

Un grand nombre de bénévoles poursuivent leur travail sans recevoir de reconnaissance officielle : ils sont les héros méconnus de nos milieux de vie.

Mme Rolland-Poruks est un véritable modèle de ce qu’est un bâtisseur communautaire. Au nom de Centraide Ottawa, et en tant que bénévole auprès de cet organisme, c’est tout un honneur pour moi de souligner ses réalisations en cette Semaine nationale de la fonction publique.

Merci, Mme Rolland-Poruks, de votre dévouement envers la fonction publique et de vos années de bénévolat dans la région d’Ottawa.

Des voix : Bravo!

Le Mois national de l’histoire autochtone

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, à l’occasion du Mois national de l’histoire autochtone, je salue et je félicite Cameron Lozinski, de Gimli, au Manitoba, qui s’emploie à revitaliser et à préserver le maskégon, ou cri des marais, la langue de ses ancêtres. Cameron a 19 ans et il étudie à l’Université de Winnipeg, où il fait une majeure en études autochtones.

Cameron a grandi dans le Nord du Manitoba, où le maskégon est largement parlé. La famille de sa mère est crie des marais et son arrière-grand-mère parlait le maskégon dans son enfance. Ces facteurs sont à l’origine du vif intérêt que Cameron a développé à l’égard de cette langue. Au fil du temps, cet intérêt est devenu une passion qui l’a amené à apprendre le maskégon et à le faire connaître.

Quand il était très jeune, comme Cameron n’avait personne autour de lui avec qui parler le maskégon, il s’est tourné vers les livres et Internet pour enrichir son vocabulaire. Sur Facebook, il a trouvé le groupe d’apprentissage cri #CreeSimonSays, mis sur pied par Simon Bird, enseignant et directeur d’école de la Saskatchewan. Ce groupe Facebook s’intéresse à l’enseignement de tous les dialectes cris. Au fur et à mesure que Cameron améliorait ses connaissances de la langue crie, son désir de la faire connaître grandissait aussi. À preuve, au cours de son dernier semestre à l’école secondaire, pour susciter l’intérêt de ses compagnons de classe, Cameron a commencé à traduire en maskégon le menu quotidien du repas du midi à la cafétéria de l’école.

Cameron étudie maintenant à l’université, où il continue de parfaire ses connaissances linguistiques. Il est déterminé à garder bien vivant le maskégon, ou cri des marais, actuellement parlé par environ 2 500 personnes. Alors qu’il s’interrogeait sur la façon d’atteindre son but, Cameron a eu un éclair de génie : il fallait élaborer une application.

Cameron Lozinski a déclaré : « Les gens utilisent leur téléphone cellulaire toute la journée en anglais. À mon avis, ce n’est pas l’intérêt pour l’apprentissage de la langue qui fait défaut, c’est le manque d’accessibilité. Une application aiderait à préserver la langue et à la mettre au niveau de 2018. »

Il travaille actuellement à la création de la première application en langue maskégon, qui inclura de la terminologie actuelle et un correcteur d’orthographe standardisé. Cameron estime que l’élaboration d’une telle application pourrait coûter entre 20 000 et 80 000 $. Par conséquent, il a lancé une campagne de financement collectif sur le site GoFundMe, pour que son rêve devienne réalité.

Cameron a déclaré : « Un investissement de 80 000 $ pour sauver une langue parlée depuis les temps immémoriaux est pleinement justifié. »

(1410)

Quant à moi, je suis du même avis que Cameron. La langue est une partie essentielle de ce qui fait de nous des êtres humains et est indispensable à la vitalité d’une culture. Préserver une langue, c’est préserver un mode de vie, et j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer Cameron dans sa noble entreprise pour faire exactement cela.

Merci, kinanaskomitin.

Des voix : Bravo!

L’honorable Ratna Omidvar

Félicitations à l’occasion de l’octroi d’un doctorat honorifique en droit

L’honorable Frances Lankin : Honorables sénateurs, cette période-ci de l’année est un moment de réjouissances pour bien des gens. Je pense à tous les étudiants qui terminent leurs études et à toutes les cérémonies de remise des diplômes et je sais que bon nombre d’entre nous, comme grands-parents, parents ou autres, sont fiers de la réussite de nos jeunes.

Souvent, il se passe aussi quelque chose de spécial lors de ces cérémonies. Les établissements d’études supérieures en profitent pour souligner à la fois les réalisations et les contributions de personnes exceptionnelles dans notre pays et dans le monde.

Ces gens deviennent des modèles pour les étudiants. Les messages qu’ils livrent sont importants en ce qu’ils aident les étudiants à se voir eux-même réussir dans la vie, alors qu’ils débutent dans la vie et voient le chemin que d’autres ont parcouru.

Une telle cérémonie a eu lieu lundi, à l’Université Ryerson, à Toronto, et une de nos collègues a reçu de tels honneurs. On lui a décerné un doctorat honorifique en droit. Cette collègue compte aussi parmi mes amis. Je trouve fantastique d’avoir une collègue et amie à qui on rend hommage en tant qu’experte de renommée mondiale en migration, diversité et inclusion. Je suis fière de la connaître.

D’autres sénateurs se distinguent sur la scène internationale. Le Sénat est vraiment un endroit extraordinaire, mais nous ne prenons pas le temps de tous les mentionner. Je prends le temps de le faire aujourd’hui.

Outre le doctorat honorifique en droit qu’elle a reçu cette semaine — son deuxième —, ce qui rend la sénatrice Ratna Omidvar exceptionnelle, c’est l’effet qu’elle a eu sur la société canadienne. Après avoir immigré ici, elle a fait sa marque dans le milieu communautaire. Son travail dans le domaine des migrations, de l’immigration et de la réinstallation lui a permis de changer la vie de bien des gens. Sa ténacité, sa force de caractère, le leadership grandissant dont elle a fait montre au fil des ans, les nombreux prix et distinctions qui lui ont été remis, les ouvrages et rapports qu’elle a rédigés, seule ou en collaboration, voilà autant d’exemples de ce qui la rend aussi extraordinaire. Il y en a d’ailleurs beaucoup d’autres, et je vous invite à en faire vous-mêmes la lecture.

Tout cela pour dire que je connais bien le milieu communautaire, y compris à Toronto, grâce au travail que j’ai fait à Centraide et auprès des nombreux organismes qui ont collaboré avec Ratna à l’époque où elle dirigeait la fondation Maytree. Elle tendait toujours la main aux gens que l’on n’entendait jamais et dont le point de vue et l’expertise n’étaient jamais pris en compte, pour notre plus grande perte, d’ailleurs. Son passage à la fondation Maytree a littéralement changé la dynamique communautaire à Toronto, et le rôle qu’elle a joué dans la mise sur pied de nombreux organismes un peu partout au pays, dont le Toronto Region Immigrant Employment Council, a rendu notre pays meilleur.

Joignez-vous à moi pour célébrer Ratna Omidvar et son doctorat honorifique.

Des voix : Bravo!

La Semaine nationale du don de sang

L’honorable Pamela Wallin : Honorables sénateurs, j’aimerais faire écho aux propos que le sénateur Mercer a tenus hier. De nombreux sénateurs ont un proche qui a déjà eu besoin d’une transfusion de sang pour rester en vie. Certains sénateurs en ont même déjà eu besoin eux-mêmes, alors disons que la Semaine nationale du don de sang nous tient particulièrement à cœur.

Pour répondre aux besoins des malades et des blessés, le pays doit pouvoir compter sur des réserves de sang suffisantes, sûres et prévisibles. Après la crise du sang contaminé qui a secoué le pays il y a une vingtaine d’années, de nombreuses restrictions ont été mises en place pour filtrer les donneurs. Par exemple, je ne pouvais plus donner du sang parce que j’ai été traitée pour un cancer. Aujourd’hui, les personnes qui sont en rémission depuis cinq ans peuvent donner du sang, et les critères d’admissibilité continuent de s’assouplir.

Les hommes qui ont des relations sexuelles avec d’autres hommes étaient auparavant inadmissibles aux dons de sang. Avec l’évolution de la recherche, la fameuse interdiction a été presque totalement éliminée. Je sais que de nombreux hommes homosexuels sont impatients d’aider leurs concitoyens. J’espère donc sincèrement que la recherche leur permettra bientôt de le faire.

La Société canadienne du sang encourage régulièrement les Canadiens à participer aux collectes de sang volontaires. Toutefois, elle doit maintenant soutenir la concurrence des centres de prélèvement qui rémunèrent les donneurs de sang et qui sont maintenant présents dans deux provinces. Plus tôt cette semaine, la Société canadienne du sang a déclaré que 44 000 donneurs supplémentaires sont nécessaires dès maintenant pour qu’on puisse renflouer la banque de sang, dont le niveau est désespérément bas à l’approche du long week-end de juillet. Selon la Société canadienne du sang, 1 Canadien sur 2 est admissible au don de sang, mais seulement une personne sur 60 le fait.

Les situations terribles, comme l’accident d’autocar de Humboldt et l’attaque au camion-bélier survenue à Toronto, font toujours ressortir ce qu’il y a de meilleur chez l’être humain. Les gens sont alors nombreux à se retrousser les manches et à donner du sang afin d’appuyer les victimes. En temps de crise, il est important d’attirer l’attention sur ces gestes désintéressés. Il faut toutefois que les Canadiens donnent du sang régulièrement. Avoir une réserve nationale de sang suffisante représente littéralement une question de vie ou de mort.

À l’occasion de la Semaine nationale du don de sang, j’encourage les sénateurs, les employés du Sénat et tous les Canadiens à faire un don de sang. Tous les deux mois, pendant le week-end, au lieu d’aller au centre commercial, de regarder un film ou d’avoir une manucure, si vous êtes admissibles à le faire, passez donc quelques heures à une collecte locale afin de faire un don de sang, le geste le plus désintéressé qui soit.

Merci.

Visiteur à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de l’imam Shaikh M. Tawhidi. Il est l’invité de l’honorable sénateur Tkachuk.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

L’honorable Yvonne Boyer

Félicitations à l’occasion de l’octroi d’un doctorat honorifique

L’honorable Kim Pate : Honorables sénateurs, j’aimerais d’abord me joindre à la sénatrice Lankin pour féliciter la sénatrice Omidvar de son doctorat.

Yvonne Boyer a, elle aussi, reçu un doctorat honorifique, qui lui a été décerné par l’Université Nipissing vendredi dernier. Je pense que vous vous joindrez tous à moi pour la féliciter.

Des voix : Bravo!

Les femmes autochtones dans les prisons

L’honorable Kim Pate : Par ailleurs, sur une note moins positive, la Cour suprême du Canada a conclu aujourd’hui que le système carcéral du Canada n’avait pas pris les mesures requises pour veiller à ce que ses outils d’évaluation du risque ne soient pas empreints d’un préjugé culturel à l’endroit des détenus autochtones.

Le Service correctionnel du Canada utilise des outils d’évaluation du risque pour prendre des décisions à propos des conditions d’incarcération des détenus et des programmes et services qui leur sont offerts, des éléments qui ont tous des répercussions appréciables sur la capacité des détenus de réintégrer la communauté de manière sûre, supervisée et structurée. Le processus d’attribution de cote de sécurité déficient employé à l’heure actuelle a abouti à un système carcéral fédéral dans lequel la moitié des femmes en isolement sont des Autochtones.

Dans l’affaire Ewert c. Canada, la cour a déclaré ceci :

Il a été reconnu dans un grand nombre de commissions gouvernementales et de rapports, ainsi que dans des décisions de notre Cour que la discrimination subie par les Autochtones, qu’elle soit le résultat d’attitudes ouvertement racistes ou de pratiques inappropriées sur le plan culturel, s’étend à l’ensemble du système de justice pénale, y compris au système carcéral […].

La cour a conclu que les pratiques du Service correctionnel du Canada entraînaient un risque de discrimination systémique à l’égard des détenus autochtones. Elle s’est toutefois abstenue de conclure à la violation des droits à la liberté et à l’égalité des détenus autochtones, invoquant la preuve insuffisante au dossier. Eh bien, devinez qui administre le dossier.

Le Service correctionnel du Canada sait depuis de nombreuses années que ses politiques et ses façons de faire ont des conséquences négatives, qu’elles entraînent une discrimination fondée sur des motifs qui se recoupent, notamment la race, le sexe et les handicaps, et, par conséquent, qu’elles violent les droits des prisonniers.

C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivée la Commission canadienne des droits de la personne en 2003. Le Service correctionnel du Canada a donc ordonné la tenue d’un examen sur le traitement qui est réservé aux femmes. À quelle conclusion cet examen est-il arrivé? L'examen a conclu que, bien que les femmes ne présentent pratiquement aucun danger pour la sécurité publique, le niveau de sécurité de leurs conditions de détention dépasse souvent la gravité des infractions commises, surtout si elles sont autochtones, si elles appartiennent à des groupes d’origine ethnique différente ou si elles ont des troubles de santé mentale.

Je nous invite à réfléchir à la décision qui a été rendue dans l’affaire Ewert à l’occasion du troisième anniversaire des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que du 10e anniversaire des excuses que le Canada a présentées aux anciens élèves des pensionnats indiens. Reconnaissons aussi l’effet discriminatoire des politiques gouvernementales sur la vie des Autochtones. Ces politiques font que les détenus autochtones sont incarcérés plus longtemps et purgent des peines plus sévères et plus longues que les autres détenus.

Je nous invite à profiter du Mois national de l’histoire autochtone pour réfléchir à la décision qui a été rendue dans l’affaire Ewert et à reconnaître que le Canada doit, de toute urgence, améliorer ses rapports avec les peuples autochtones afin de tisser des liens de confiance et de progresser ensemble vers un but commun.

(1420)

Tous ensemble, profitons de l’occasion pour promouvoir la justice, l’équité et la réconciliation, ainsi que pour mettre fin à l’héritage d’inégalité que nous a légué le passé colonialiste du Canada. Merci, meegwetch.

Des voix : Bravo!

Hommages aux pages à l’occasion de leur départ

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, nous saluons aujourd’hui le travail remarquable de deux de nos pages, de même que leur dévouement dans l’exécution de leurs tâches ici, au Sénat. Ils nous quitteront cette année.

Bailey Muir-Cressman vient de Whitehorse, au Yukon. Il entamera sa troisième année à l’Université Carleton, où il fait une double majeure en histoire et en études africaines. Il nous dit qu’il est très fier d’avoir représenté son territoire et le Nord au cours des deux dernières années, et qu’il est enthousiaste à l’idée d’explorer de nouvelles possibilités sur la Colline du Parlement.

Bailey veut remercier tous les sénateurs et les employés de leur contribution inestimable à cette expérience.

Nous aimerions nous aussi vous remercier, Bailey.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : La première page adjointe Sarah Crosby vient de l’Île-du-Prince-Édouard. Ce mois-ci, elle a obtenu un baccalauréat spécialisé en science politique avec une mineure en espagnol à l’Université d’Ottawa. Même si elle va quitter le Sénat, elle a hâte de continuer à travailler sur la Colline en tant que participante au Programme de stage parlementaire auprès de l’Association canadienne de science politique. Elle nous dit qu’elle a beaucoup appris grâce au temps qu’elle a passé au Sénat et qu’elle est extrêmement honorée d’avoir exercé les fonctions de première page adjointe au cours de l’année 2017-2018.

Sarah, nous aimerions vous remercier de votre travail remarquable.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’étude sur les questions relatives à la création d’un système professionnel, cohérent et défini pour les anciens combattants lorsqu’ils quittent les Forces armées canadiennes

Dépôt du dix-neuvième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense auprès du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 7 mars 2017 et le 11 juin 2018, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a déposé auprès du greffier du Sénat, le 13 juin 2018, son dix-neuvième rapport intitulé De la vie militaire à la vie civile : Professionnaliser le processus de transition.

(Sur la motion du sénateur Dagenais, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La mission au prochain pays à assumer la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne et la deuxième partie de la session de 2018 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenues du 16 au 27 avril 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant sa mission au prochain pays qui assurera la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne et sa participation à la deuxième partie de la session de 2018 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, tenues à Vienne, en Autriche, et à Strasbourg, en France, du 16 au 27 avril 2018.

La réunion du Comité permanent des parlementaires de la région arctique, tenue les 13 et 14 mai 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Percy E. Downe : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant sa participation à la réunion du Comité permanent des parlementaires de la région de l’Arctique, tenue à Kiruna, en Suède, les 13 et 14 mai 2018.

L’Association parlementaire canadienne de l’OTAN

Le séminaire Rose-Roth, tenu du 3 au 5 juillet 2017—Dépôt du rapport

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation au 95e séminaire Rose-Roth, tenu à Kyiv, en Ukraine, du 3 au 5 juillet 2017.

Le Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN, la Sous-commission sur la transition et le développement et la Sous-commission sur les partenariats de l’OTAN, tenus les 5 et 6 mars 2018—Dépôt du rapport

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation au Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN, à la Sous-commission sur la transition et le développement et à la Sous-commission sur les partenariats de l’OTAN, tenus à Odessa, en Ukraine, les 5 et 6 mars 2018.

La visite conjointe du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN et de la Sous-commission sur les partenariats de l’OTAN, du 4 au 7 avril 2017—Dépôt du rapport

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la visite conjointe du Conseil interparlementaire Ukraine-OTAN et de la Sous-commission sur les partenariats de l’OTAN, tenue à Kyiv et Hostomel, en Ukraine, du 4 au 7 avril 2017.

[Français]

La session annuelle de l’Association parlementaire de l’OTAN, tenue du 6 au 9 octobre 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire canadienne de l’OTAN concernant sa participation à la 63e session annuelle de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, tenue à Bucarest, en Roumanie, du 6 au 9 octobre 2017.

[Traduction]

Le Groupe interparlementaire Canada-États-Unis

La réunion annuelle de la Conférence législative du Midwest du Council of State Governments, tenue du 9 au 12 juillet 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 72e réunion annuelle de la Midwestern Legislative Conference du Council of State Governments, tenue à Des Moines, en Iowa, aux États-Unis d’Amérique, du 9 au 12 juillet 2017.

Le Sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu du 6 au 9 août 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation au Sommet législatif annuel de la National Conference of State Legislatures, tenu à Boston, au Massachusetts, aux États-Unis d’Amérique, du 6 au 9 août 2017.

L’Assemblée annuelle et le Forum sur les politiques régionales de la Conférence régionale de l’Est du Conseil des gouvernements des États, tenus du 13 au 16 août 2017—Dépôt du rapport

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis concernant sa participation à la 57e assemblée annuelle et au Forum sur les politiques régionales de l’Eastern Regional Conference du Council of State Governments, tenus à Uncasville, au Connecticut, aux États-Unis d’Amérique, du 13 au 16 août 2017.

Affaires juridiques et constitutionnelles

Autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

Consentement ayant été accordé de passer aux motions, article no 347 :

L’honorable Serge Joyal, conformément au préavis donné le 7 juin 2018, propose :

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à se réunir le mercredi 13 juin 2018, à 15 heures, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

— Honorables sénateurs, cette motion vise essentiellement à nous permettre de faire témoigner la ministre des Institutions démocratiques cet après-midi, à 15 h 15, au sujet du projet de loi C-50, Loi modifiant la Loi électorale du Canada (financement politique).

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à exhorter le gouvernement à mettre fin aux relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, à la lumière du changement considérable que le gouvernement du Canada a récemment adopté à l’égard de sa politique étrangère concernant l’Iran, lequel changement ne reflète pas la récente décision du Sénat de rejeter les principes du projet de loi S-219, Loi visant à dissuader l’Iran de parrainer des actes constituant du terrorisme, de l’incitation à la haine et des violations des droits de la personne, qui prévoyait notamment l’établissement d’un rapport annuel sur les violations des droits de la personne commis par l’Iran, le Sénat :

a)condamne fermement le régime iranien actuel parce qu’il continue de commanditer le terrorisme dans le monde entier et notamment de fomenter des attaques violentes à la frontière de Gaza;

b)condamne les récentes déclarations du chef suprême, l’ayatollah Ali Khamenei, appelant au génocide contre le peuple juif;

c)demande au gouvernement :

(i)d’abandonner son plan actuel et de cesser immédiatement toute négociation ou discussion avec la République islamique d’Iran en vue du rétablissement des relations diplomatiques;

(ii)d’exiger que le régime iranien libère immédiatement tous les Canadiens et les résidents permanents du Canada qui sont actuellement en détention en Iran, dont Maryam Mombeini, veuve du professeur Kavous Sayed-Emami, et Saeed Malekpour, qui est emprisonné depuis 2008;

(iii)d’inscrire immédiatement la Brigade des Gardiens de la révolution islamique dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel du Canada;

(d)se tient solidaire du peuple iranien et reconnaît que, comme tous les autres peuples, il a un droit fondamental à la liberté de conscience et de religion, à la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de presse et d’autres formes de communication, à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association.

(1430)

Préavis de motion tendant à encourager le gouvernement à entamer des consultations auprès de différents groupes afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés

L’honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que le Sénat encourage le gouvernement à entamer des consultations auprès des provinces, des territoires, des peuples autochtones et d’autres groupes intéressés afin d’élaborer un programme national et universel de nutrition adéquatement financé et à frais partagés, qui vise à garder les enfants et les jeunes en santé en leur enseignant des principes de nutrition et en leur fournissant un repas nutritif quotidiennement dans le cadre d’un programme assorti de mécanismes adéquats pour assurer une supervision indépendante de l’approvisionnement alimentaire, le respect des normes nutritionnelles et la gouvernance.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable David Tkachuk : Sénateur Harder, hier, à l’autre endroit, on a adopté une motion condamnant l’Iran et demandant au gouvernement, entre autres, « d’abandonner son plan actuel et de cesser immédiatement toute négociation ou discussion avec la République islamique d’Iran en vue du rétablissement des relations diplomatiques » et « d’inscrire immédiatement la Brigade des Gardiens de la révolution islamique dans la liste des entités terroristes établie en vertu du Code criminel du Canada ».

Le premier ministre et la ministre des Affaires étrangères ont tous les deux voté en faveur de la motion.

Lorsque le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international était saisi du projet de loi S-219, Affaires mondiales Canada a écrit une lettre à la présidente du comité pour s’opposer au projet de loi parce que, pour reprendre les termes employés, « il est probable que l’Iran réagisse négativement au dépôt du projet de loi. Cette réaction négative de la part de l’Iran pourrait nuire à la reprise ultérieure des relations diplomatiques “normales” entre le Canada et ce pays. » La lettre dit également que le Canada « examine […] la possibilité de reprendre progressivement les relations avec l’Iran » et que « c’est par le dialogue — et non par le retrait et l’isolement — qu’il peut le mieux promouvoir les intérêts du Canada ».

Lorsque vous êtes intervenu au Sénat, le 8 mai, au sujet du projet de loi S-219, vous avez formulé les mêmes critiques et indiqué que si l’on adopte cette mesure, il sera très difficile de promouvoir les intérêts du Canada.

Le gouvernement du Canada croit-il toujours que le rétablissement des relations avec l’Iran sert les intérêts du Canada, comme il l’a farouchement soutenu lorsqu’il s’est opposé au projet de loi S-219?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il a mentionné à juste titre les votes tenus à l’autre endroit, qui reflètent le point de vue du gouvernement, qui est le suivant : le gouvernement iranien s’est montré peu coopératif récemment, comme en témoignent les gestes qu’il a posés, particulièrement en ce qui concerne les cas consulaires dont il a été question au Sénat. Dans ce contexte, le gouvernement du Canada a décidé de laisser de côté le rétablissement des relations avec l’Iran, du moins jusqu’à ce que le gouvernement iranien ait réglé les problèmes en question, qui préoccupent grandement le gouvernement du Canada et tous les Canadiens.

De toute évidence, tant que ces problèmes n’auront pas été réglés, nous ne pourrons pas œuvrer au rétablissement des relations avec l’Iran, comme nous le souhaitions.

Le sénateur Tkachuk : Hier, un porte-parole du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, a laissé entendre que le ministre et le ministère ne se conformeraient peut-être pas au désir du Parlement, qui demande que les Gardiens de la révolution islamique iranienne soient inscrits sur la liste des entités terroristes. Ce porte-parole, Scott Bardsley, a dit que « Sécurité publique prend note du point de vue exprimé par les députés » et précisé que la Brigade al-Qods des Gardiens de la révolution islamique figure déjà dans la liste.

Le sénateur Harder : Comme je l’ai déjà dit, lorsqu’il est question d’ajouter certaines entités à une liste, les ministres responsables tiennent compte des votes auxquels ils ont eux-mêmes participé et voient à ce que les mesures appropriées soient prises.

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Elle porte aussi sur la situation actuelle entre le Canada et l’Iran.

Les abus commis par le régime iranien sont nombreux et bien connus. Le régime iranien continue de financer le terrorisme au Moyen-Orient, notamment en soutenant la violence perpétrée par le Hamas à Gaza, comme nous l’avons vu au cours des dernières semaines.

Les droits les plus fondamentaux des Iraniens continuent d’être violés. Des gens sont poussés du haut des toits, simplement parce qu’ils sont gais ou lesbiennes. Des femmes sont arrêtées par la police des mœurs et battues à mort pour ne pas s’être couvert le visage en public. Je suis certain que le gouvernement Trudeau trouve que ces actes commis contre la population sont épouvantables.

À la lumière de tous ces abus et plus encore, bien que je remercie le gouvernement libéral d’avoir enfin adopté une position de principe par rapport à l’Iran hier, je me demande pourquoi cela a été si long. Sénateur Harder, pourquoi votre gouvernement a-t-il changé sa politique par rapport à celle du gouvernement précédent, compte tenu tout ce que nous savons au sujet du régime iranien? Le gouvernement est-il simplement aveuglé par son obsession politique, qui consiste à saboter les efforts des gouvernements antérieurs à tout prix?

Le sénateur Harder : Je vous remercie de la question. Bien sûr que non. Les positions du gouvernement du Canada concernant nos relations avec des pays avec qui nous avons des divergences de vues importantes reposent sur le fait que nous croyons qu’il vaut mieux entretenir un dialogue que de ne pas le faire, que le multilatéralisme est préférable à l’unilatéralisme et, à vrai dire, qu’il vaut mieux laisser la diplomatie à la porte du Parlement pour ne pas limiter la capacité d’un gouvernement de participer à des activités diplomatiques avec ses homologues, des pays aux vues similaires et ainsi de suite.

Je crois que les problèmes qui ont été soulevés, en particulier au cours des derniers mois — et la ministre des Affaires étrangères y a réfléchi —, nous ont amenés à mettre de côté toute discussion et toute tentative pour relancer les relations jusqu’à ce que le gouvernement iranien prenne les mesures que le gouvernement du Canada souhaite qu’il prenne en ce qui a trait aux dossiers consulaires dont j’ai parlé.

Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, nous convenons tous que le dialogue et la diplomatie internationale sont importants, mais certains sénateurs, comme le sénateur Tkachuk et la sénatrice Frum, insistent depuis un mois maintenant pour que le gouvernement fasse au moins obstacle à des régimes comme celui de l’Iran en établissant certaines balises.

Étant donné que le gouvernement semble enfin se rendre compte de son erreur dans cette situation, à condition que les mesures prises hier n’aient pas été motivées uniquement par l’opportunisme politique, est-ce que vous et votre gouvernement êtes prêts à adopter la politique efficace et sérieuse de l’ancien gouvernement, à vous engager à rompre sur-le-champ tous les liens diplomatiques, notamment à arrêter les démarches en vue de rouvrir l’ambassade canadienne en Iran, et à imposer les sanctions que le gouvernement précédent imposait?

Le sénateur Harder : Je le répète, je crois que le sénateur interprète mal la position du gouvernement du Canada, que ce soit volontairement ou non. Le gouvernement, dans le cadre d’initiatives multilatérales, a commencé à imposer des sanctions en réponse au comportement du gouvernement iranien. Comme la ministre des Affaires étrangères l’a mentionné, à la lumière de certaines affaires consulaires, le gouvernement du Canada a écarté le processus de dialogue qui était en cours. Le gouvernement du Canada continue d’agir avec vigilance avec la communauté internationale appropriée dans ce dossier.

J’espère qu’il s’agit d’une question sur laquelle les Canadiens et les parlementaires peuvent faire front commun. Hier, j’ai été heureux de constater que c’est ce qu’on a fait à l’autre endroit.

Les ressources naturelles

L’oléoduc Trans Mountain

L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Harder, étant donné que le gouvernement fédéral a récemment acheté l’oléoduc Trans Mountain, j’espère que vous pourrez m’aider à clarifier certains points. Les Canadiens veulent des renseignements pour comprendre pourquoi le gouvernement a pris certaines décisions, comme l’achat d’un oléoduc avec une partie des fonds publics.

Le gouvernement a beaucoup à gagner en faisant preuve de transparence vis-à-vis de la population. Les médias donnent beaucoup de renseignements contradictoires à propos des pipelines. Parmi les faussetés véhiculées, on entend que les pipelines sont solides au point de durer éternellement, que la demande en énergie équivaut nécessairement à la demande en pétrole et que, malgré les récents investissements dans les technologies de production d’énergie propre et l’abondante offre de pétrole américain à bon marché, la demande des marchés asiatiques en pétrole canadien devrait se maintenir, voire augmenter.

Dans la mesure où le gouvernement fédéral vient d’acheter l’oléoduc Trans Mountain et où il est question du projet d’expansion du réseau Trans Mountain, pourriez-vous nous en dire davantage sur les prévisions qui ont été faites quant à la valeur des sables bitumineux et à leurs répercussions actuelles et futures sur l’économie canadienne? Dans la mesure où la Chine, par exemple, investit beaucoup dans les technologies de production d’énergie renouvelable et les autres solutions de rechange, la future demande des marchés asiatiques a-t-elle été évaluée?

(1440)

Étant donné la situation financière discutable de Kinder Morgan et l’empressement de cette entreprise à vendre le pipeline au Canada, le gouvernement du Canada s’est-il demandé si le pipeline sera effectivement profitable et à quel point il sera profitable?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : e remercie l’honorable sénatrice de ses questions. J’ai bien peur de ne pas être en mesure d’entrer dans les détails pendant la période des questions au sujet des questions qui m’ont été posées. Je vais faire quelques observations, toutefois.

Le Sénat s’est livré, à diverses occasions, tant dans le cadre du débat d’urgence que dans le cadre du débat sur le projet de loi qu’a présenté le sénateur Black, à des réflexions profondes sur l’état de l’industrie et les besoins du Canada dans le contexte général de l’énergie, ainsi que dans le contexte des pipelines.

Le Sénat s’est penché, par l’intermédiaire du comité permanent, sur l’avenir de l’industrie pétrolière et gazière et sur l’importance de faire la transition, au fil du temps, vers une économie à l’empreinte de carbone plus légère et d’examiner les effets de cette transition sur divers secteurs d’importation. Ce travail important se poursuit, et le Sénat s’acquitte de ses responsabilités.

Le Sénat n’est pas la seule organisation au Canada à se pencher sur les questions que l’honorable sénatrice a posées. Il y a des établissements de recherche, d’autres ordres de gouvernement, le secteur privé, les entreprises elles-mêmes et, si j’ose dire, des groupes de défense qui ont un point de vue différent. Toute cette information doit être présentée et doit faire l’objet d’un débat plus général.

Enfin, en ce qui concerne les questions précises au sujet de Kinder Morgan, le gouvernement est d’avis, comme l’ont annoncé les ministres responsables, que ce projet est essentiel au bien-être économique du Canada et qu’il doit aller de l’avant. C’est un projet valable, qui garantira l’accès aux ports d’exportation et les avantages économiques connexes. Le gouvernement a donc, comme il l’a dit dans son annonce, pris les mesures nécessaires pour faire en sorte que le projet se réalise.

À mesure que le projet avance, c’est-à-dire que l’entreprise prend des décisions, de concert avec ses actionnaires, et que le gouvernement poursuit ses objectifs ultimes, qui sont la construction puis la reprise du projet par le secteur privé, le gouvernement fera le point de temps à autre auprès des Canadiens pour garantir la transparence et la reddition de comptes.

Chose certaine, le gouvernement est d’avis qu’il s’agit d’un secteur essentiel pour le bien-être économique du Canada, tout comme l’est le projet pour le bien-être du secteur et pour le pays dans son ensemble.

La sénatrice Galvez : Oui, je pense qu’il serait avantageux de prendre connaissance de certains chiffres à propos de la rentabilité et du marché et des engagements qui ont été pris précédemment à l’égard des marchés asiatiques.

Je me pose une autre question. D’ici à ce que les travaux de construction débutent, qui assure l’exploitation du pipeline et qui assume la responsabilité du déversement de pétrole qui est survenu récemment?

Le sénateur Harder : Encore une fois, comme on l’a dit clairement à l’extérieur de cette enceinte, le projet deviendra la responsabilité du gouvernement du Canada une fois que la transaction sera conclue. Par conséquent, pour l’instant, l’exploitation se poursuit et les responsabilités sont les mêmes qu’auparavant.

Je pense que nous savons tous que — et des études réalisées par le Comité sénatorial des affaires étrangères et d’autres comités l’ont confirmé — que le marché asiatique, de manière générale, est un élément important de la stratégie de diversification qu’adopte le Canada pour assurer son bien-être économique. À la lumière des discussions au sujet de l’ALENA et de l’espace économique commun nord-américain ou, du moins, de ce que nous considérions comme étant l’espace économique commun, il est d’autant plus urgent d’assurer cette diversification. Nous devons mettre à profit nos ressources sur les marchés asiatiques, indépendamment des autres efforts visant à maintenir l’espace économique nord-américain.

Je félicite tous les gouvernements, tant au fédéral qu’au provincial, qui, au fil des années, ont outillé le Canada pour lui permettre de mieux profiter de la croissance du marché asiatique. Notre avenir en dépend et le bien de nos enfants l’exige, et j’espère que nous prêterons tous attention à ce dossier.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Dans un message envoyé la semaine dernière sur Twitter, le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Khamenei, affirme ce qui suit :

Notre position contre Israël ne change pas. Israël est pour le Moyen-Orient une tumeur cancéreuse maligne qui doit être enlevée et éradiquée: cela est possible et cela se fera.

De telles déclarations sont désormais courantes de la part du guide suprême et du régime iraniens. Toutefois, quel que soit leur nombre, chacune d’entre elles doit être dénoncée dans les termes les plus vifs et sans ambiguïté.

Étant donné qu’à l’autre endroit le gouvernement a appuyé la motion de l’opposition conservatrice condamnant Khamenei pour son appel au génocide du peuple juif, le gouvernement va-t-il mettre fin à son réengagement diplomatique avec l’Iran?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Je crois que la question a déjà été posée et qu’on y a répondu.

Par ailleurs, s’il fallait citer tous les messages envoyés sur Twitter par les guides suprêmes, cela nous prendrait tout l’après-midi.

Le sénateur Smith : Je respecte votre réponse, mais je vous dirais qu’il n’y a pas lieu de rire quand on voit les souffrances du peuple iranien. À un moment donné, il faut prendre position. Les gouvernements doivent prendre position et se demander, lorsque les injustices contre la population se poursuivent, s’il est judicieux de continuer de parler de bilatéralisme et de multiculturalisme. Cela semble formidable lorsque l’on parle du commerce, mais il s’agit ici des droits de la personne. Nous parlons de populations. Je fais simplement appel à votre aide. Pourriez-vous communiquer la gravité des propos tenus, et nous en donner des échos? L’attentisme n’est plus de mise; il faut agir.

Le sénateur Harder : Encore une fois, honorables sénateurs, le vote qui a eu lieu à l’autre endroit illustre sans doute les points de vue et le bilan du gouvernement à cet égard. Je ne sais pas quelles autres déclarations pourraient avoir plus de poids.

Le gouvernement du Canada souhaite établir une relation avec l’Iran qui tient compte des droits de la personne, du bien-être et de la stabilité de la région et des responsabilités de l’Iran au sein de la communauté internationale et qui respecte ces éléments.

Le gouvernement du Canada continuera d’exprimer ce souhait bilatéralement. Il continuera de travailler en collaboration et de façon multilatérale, et je crois que le gouvernement est en position de force si nous sommes tous solidaires de cet objectif.

La détention de Canadiens en Iran

L’honorable Dennis Glen Patterson : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et elle porte également sur l’Iran.

Le 8 mai, vous avez pris la parole à l'étape de la troisième lecture du projet de loi S-219, Loi sur les sanctions non liées au nucléaire contre l’Iran, et déclaré ceci :

[...] le gouvernement doit respectueusement s’y opposer, parce que c’est la responsabilité du gouvernement du Canada d’exprimer la volonté du Canada en matière de politique étrangère.

Hier, à l’autre endroit, j’ai été heureux de voir le gouvernement voter en faveur d’une motion des conservateurs portant sur l’Iran, qui demande au gouvernement de réclamer au régime iranien la libération immédiate de tous les Canadiens actuellement détenus en Iran, notamment Mariam Mombeini, veuve du professeur Seyed-Emami. On lui a interdit de quitter l’Iran.

Sénateur Harder, étant donné le nouvel objet de la politique étrangère, pourriez-vous informer le Sénat des mesures que le gouvernement prendra pour inciter l’Iran à la libérer afin qu’elle puisse enfin revenir chez elle, au Canada?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il va sans dire que l’objet et l’esprit de la question visent à faire en sorte que toutes les étapes soient suivies et que toutes les mesures appropriées soient prises pour obtenir sa libération. Comme le gouvernement l’a dit publiquement, il collabore bilatéralement — cela lui est arrivé à maintes reprises — et il collabore aussi multilatéralement avec des pays qui partagent ses vues pour la défense des droits de la personne et le bien-être des Canadiens.

(1450)

Il serait inapproprié, de ma part ainsi que de la part du gouvernement, de dévoiler publiquement tout ce qui est fait à ce sujet, car nous pourrions ainsi nuire à l’atteinte de nos objectifs. La ministre des Affaires étrangères et tous les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères cherchent, par tous les moyens possibles, à gérer les dossiers consulaires et à assurer le bien-être des Canadiens mentionnés dans la question.

Le sénateur Patterson : Je vous remercie de cette réponse. Je vous rappelle que la motion parlait de Saeed Malekpour, un résident permanent du Canada qui est détenu dans la tristement célèbre prison d’Evin, en Iran, depuis 2008.

Pourriez-vous indiquer au Sénat si le gouvernement a l’intention de chercher à obtenir la libération de M. Malekpour?

Le sénateur Harder : Je remercie encore le sénateur et je tiens à l’assurer que les efforts du gouvernement du Canada dans ce dossier ne datent pas d’hier. Le gouvernement est à l’œuvre depuis un bon bout de temps, et les efforts se poursuivent. Comme le gouvernement l’a indiqué hier, il n’est pas inutile, dans cette optique, que la Chambre des communes se prononce comme elle l’a fait.

[Français]

La défense nationale

La mission canadienne en Irak

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Le gouvernement a mis fin aux bombardements aériens directs du Canada contre l’État islamique, ainsi qu’à l’entraînement des forces kurdes par les Canadiens.

Pendant ce temps, il poursuit l’entraînement des forces de sécurité irakiennes, malgré que celles-ci soient soumises, en apparence, à la croissance de l’influence iranienne depuis l’intégration de la force de mobilisation populaire pro-iranienne au sein des forces de sécurité irakiennes. Or, cela m’apparaît plutôt incohérent.

Sénateur Harder, pourquoi le gouvernement croit-il qu’il est encore important pour le Canada de continuer à tenir ce rôle, alors que l’Iran joue un rôle de grande influence sur les forces de sécurité irakiennes que nous entraînons?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je devrai encore une fois obtenir de l’information à jour pour répondre à cette question, mais je peux donner au sénateur l’assurance que le gouvernement du Canada appuie sans réserve les restrictions et les autres mesures résultant des sanctions et des autres décisions du genre. Je vais demander une mise à jour pour pouvoir fournir au sénateur une réponse à la question qu’il vient de poser.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Sénateur Harder, le gouvernement a-t-il l’intention de réévaluer la mission canadienne en Iran dans un avenir rapproché?

[Traduction]

Le sénateur Harder : Encore une fois, pour répondre à la question, d’après les informations que j’ai en main, le gouvernement du Canada n’a toujours pas pris de décision à ce sujet, mais je serai heureux de vous communiquer les renseignements à mesure que je les recevrai.


[Français]

ORDRE DU JOUR

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Boniface, appuyée par l’honorable sénateur Sinclair, tendant à la troisième lecture du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, tel que modifié.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, je prends la parole pour m’exprimer à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Il me semble important de rappeler que le projet de loi a été présenté par le gouvernement dans la foulée de la légalisation de l’usage et de la possession du cannabis visée par le projet de loi C-45, que nous venons d’adopter avec plusieurs amendements.

[Traduction]

Le projet de loi C-46 cible la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et la drogue, modernise le Code criminel en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool et ajoute de nouvelles dispositions concernant la conduite avec facultés affaiblies par la drogue.

D’abord, je voudrais parler de cette partie du projet de loi.

[Français]

Le projet de loi C-46 crée, dans le Code criminel, la possibilité pour les agents de la paix d’utiliser un appareil de détection de drogue pour prélever un échantillon de la salive des conducteurs. Ainsi, si les policiers ont des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne a les facultés affaiblies par la drogue, ils pourront ordonner au conducteur visé de fournir un échantillon de salive qui sera testé sur place, en bordure de la route, à l’aide d’un appareil de détection approuvé par le gouvernement fédéral.

Si le test indique qu’il y a présence de drogue, l’individu sera alors dirigé vers le poste de police pour y passer des tests plus poussés administrés par l’agent évaluateur, qui déterminera si la personne a conduit avec les facultés affaiblies par la drogue. En fait, il s’agit d’une partie du projet de loi S-230 que j’ai parrainé au Sénat et qui avait été adopté unanimement par cette Chambre.

Ensuite, à l’article 1, le projet de loi C-46 vise à créer trois infractions distinctes qui traitent de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue, et je cite :

(3) Sous réserve du paragraphe (4), commet une infraction quiconque a, dans les deux heures...

— j’attire ici votre attention sur les deux heures —

... suivant le moment où il a cessé de conduire un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, d’aider à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire...

— j’insiste, ce n’est pas une intrusion dans les relations de travail, c’est tiré du projet de loi C-46 —

... ou d’avoir la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire :

a) une concentration de drogue dans le sang égale ou supérieure à celle établie par règlement pour cette drogue;

b) une concentration de drogue dans le sang égale ou supérieure à celle établie par règlement pour cette drogue, mais inférieure à celle établie par règlement pour l’application de l’alinéa a;

c) une alcoolémie et une concentration de drogue dans le sang égales ou supérieures à celles établies par règlement, pour l’alcool et cette drogue, pour les cas où ils sont combinés.

En consultant la Gazette du Canada du 14 octobre dernier, nous sommes en mesure de connaître les intentions du gouvernement à l’égard de ces crimes. Reprenons-les distinctement.

La première infraction est d’avoir conduit avec une concentration de drogue dans le sang égale ou supérieure à celle établie par règlement pour cette drogue. Le règlement nous indique ici que la limite serait égale ou supérieure à 5 nanogrammes par millilitre de sang.

La seconde infraction serait d’avoir conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire avec une concentration de drogue dans le sang égale ou supérieure à celle établie par règlement pour cette drogue, mais inférieure à celle établie par règlement pour l’application de l’alinéa a). En consultant le règlement, ces concentrations seraient entre 2 et 5 nanogrammes par millilitre de sang.

Enfin, la troisième infraction serait de conduire un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire en ayant à la fois de la drogue et de l'alcool dans l’organisme. On parle ici de plus de 2,5 nanogrammes de drogue et de plus de 50 milligrammes d’alcool par millilitre de sang.

[Traduction]

Comme on nous l’a dit au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, l’établissement de ces limites est fort problématique. Même la ministre de la Justice l’a laissé entendre le 31 janvier dernier lorsqu’elle a affirmé ce qui suit :

À l’heure actuelle, les données scientifiques indiquent clairement qu’il est plus difficile d’établir des limites légales ou des limites pour la drogue que pour l’alcool. Les limites proposées reposent sur les données scientifiques les plus fiables que nous ayons et s’inspirent de l’expérience d’autres pays. Le gouvernement du Canada reçoit ses données scientifiques sur les questions liées à la conduite avec facultés affaiblies par la drogue depuis plus de 30 ans du Comité de la drogue au volant de la Société canadienne des sciences judiciaires.

[Français]

Lors de cette rencontre, en réponse à une question que je lui ai adressée, elle m’a répondu ceci, et je cite :

Je dirai, au sujet de la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool, qu’on a ajouté le dépistage obligatoire. S’il n’y a pas de dépistage obligatoire pour la drogue, c’est que les données scientifiques sur la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue et les concentrations qui mènent à un affaiblissement des facultés ne sont pas aussi bien établies ou exactes que dans le cas de l’alcool.

(1500)

Le témoignage de M. Smith, toxicologue pour la GRC et membre du groupe de travail sur les drogues, ne nous rassure en rien. J’aimerais en citer quelques extraits qui méritent d’être notés.

En fait, le problème que nous avons eu, en ce qui concerne le THC, c’est que ça dépendra de la personne : est-ce un homme ou une femme, quelle est sa taille et quel est son pourcentage de gras corporel, étant donné que le THC est soluble dans les tissus adipeux? C’est pourquoi nous avons dû tenir compte des concentrations résiduelles de THC dans le sang très longtemps après qu’une personne a fumé.

Il faut tenir compte aussi d’un autre aspect, qui est probablement encore plus important, c’est-à-dire la tolérance de la personne et la fréquence à laquelle elle fume ou consomme de la drogue, étant donné que le produit peut maintenant être ingéré. Vous comprenez qu’il ne sera pas rare pour nous d’avoir affaire à des gens qui consomment de la marijuana à des fins médicales et qui afficheront toujours une certaine concentration de THC, parce qu’elles en consomment tous les jours en raison de leurs problèmes de santé.

Il y aura donc des gens qui affichent pendant très longtemps une concentration de THC dans le sang, et il y aura, par ailleurs, les fumeurs occasionnels chez qui on pourra constater la présence de THC dans le sang jusqu’à 24 heures plus tard. C’est le cas, par exemple, des gens qui partagent un joint pendant une fête, le vendredi soir, ou dans un cadre similaire.

Notre problème, au moment de créer des limites fixes et de communiquer cette information au gouvernement, concerne les résultats de la recherche. Malheureusement, il ne s’est pas fait énormément de recherches [...]

Enfin, en réponse à une question que je lui ai posée concernant l’établissement du taux réglementaire pour le THC, M. Smith m’a donné la réponse suivante :

Comme je l’ai dit, nous n’avons pas traité la question dans le but de fixer une limite à proprement parler. Quand le gouvernement a affirmé vouloir des chiffres, nous en avons présenté une série, ainsi que les avantages et inconvénients qui s’y rattachent, en précisant que, si vous choisissez « 2 », voici les problèmes que vous allez avoir. Si vous choisissez « 5 », voici les difficultés qui se poseront au moment de déterminer si les gens ont les capacités affaiblies ou non. Si vous choisissez « 10 », voici les avantages et les inconvénients liés à ces questions.

Cela devient un problème stratégique que le gouvernement, pas le Comité des drogues au volant, doit régler. Nous sommes tout simplement là pour dire : « Voici les avantages et les inconvénients, et, disons, les difficultés auxquelles vous serez confrontés en ayant affaire à des personnes qui pourraient ne pas avoir les facultés affaiblies au taux en question ou à des gens qui auront les capacités affaiblies à un taux inférieur à celui que vous choisissez. » Il s’agit d’un problème stratégique gouvernemental. Nous n’avons fait que présenter l’avis.

[Traduction]

Chers collègues, comme vous le savez, lorsqu’il y aura des contestations judiciaires, les tribunaux seront invités à examiner les délibérations qui ont eu lieu dans les deux Chambres et au comité. Les avocats de la défense y trouveront une grande abondance de déclarations qui montrent le manque de préparation du gouvernement, mais surtout l’absence de données scientifiques pour l’établissement des niveaux de THC.

De deux choses l’une. Si la science est suffisamment avancée pour créer une infraction, elle doit être suffisamment avancée pour adopter une méthode de détection. Inversement, si la science n’est pas suffisamment avancée pour détecter la présence de THC, comment peut-on créer une infraction?

[Français]

De deux choses l’une. Si la science est suffisamment avancée pour créer une infraction, elle doit être suffisamment avancée pour adopter une méthode de détection. Inversement, si la science n’est pas suffisamment avancée pour détecter la présence de THC, comment peut-on créer une infraction?

Lorsque j’ai présenté le projet de loi S-230 sur la détection de la présence de drogue chez les conducteurs de véhicule moteur, j’ai évité ce piège en n’établissant pas de seuil de concentration de THC, mais seulement en prévoyant la détection de la présence de drogue dans la salive. Par la suite, il appartenait aux agents évaluateurs d’effectuer une série de tests afin de déterminer si le conducteur avait les facultés affaiblies. En établissant un taux arbitraire qui n’est pas appuyé sur la science, le gouvernement ouvre la voie, encore une fois, à une myriade de contestations devant les tribunaux, ce qui provoquera assurément un engorgement inestimable.

M. Mario Harel, président de l’Association des chefs de police du Canada, partage ce point de vue. Le 15 février dernier, il tenait les propos suivants :

On sait que, à l’heure actuelle, les causes liées à la conduite avec facultés affaiblies par l’alcool sont souvent contestées et que les policiers sont appelés à témoigner aux tribunaux. Mon opinion, c’est qu’il y aura une augmentation exponentielle de cas de conduite avec les facultés affaiblies par les drogues devant les tribunaux.

À mon avis, ces nouvelles infractions seront très rapidement contestées et ne résisteront pas au test des tribunaux. Tristement, si ma prédiction s’avère exacte, nous nous retrouverons devant un vide juridique alors que la légalisation de l’usage du cannabis sera en vigueur, ce qui est très préoccupant.

Par ailleurs, nous venons de voter afin de ne pas réintroduire les tests de dépistage aléatoire pour les automobilistes en ce qui a trait aux facultés affaiblies par l’alcool. Nous verrons quelle sera la réponse du gouvernement à cette décision. Le projet de loi C-46 crée des infractions criminelles pour la conduite d’un véhicule moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire avec un taux d’alcool ou de THC dans le sang.

J’étais étonné de constater que le gouvernement voulait prévoir des tests aléatoires pour les automobilistes en ce qui a trait à l’alcool, mais pas pour la drogue, alors que le projet de loi C-46 est consécutif au projet de loi C-45 sur la légalisation du cannabis. J’étais également étonné de voir que l’on introduisait des tests aléatoires pour les automobilistes, mais pas pour les conducteurs de transport public, comme les avions, les trains et les bateaux. On comprendra que les chauffeurs d’autobus et de poids lourds auraient été concernés par les tests aléatoires pour l’alcool, certes, mais pas pour la drogue. Ne trouvez-vous pas, honorables sénateurs, qu’il y a ici un manque de cohérence et, surtout, un manque de prudence?

La question du contrôle de la présence d’alcool ou de drogue chez les pilotes d’aéronef, les ingénieurs de train ou les chauffeurs d’autobus ou de camions-remorques me préoccupe au plus haut point, surtout en l’absence de contrôles aléatoires pour les drogues. Vous vous rappellerez ce que j’ai mentionné dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture. Le 2 novembre 2017, le Bureau de la sécurité des transports déposait son rapport sur l’écrasement d’un appareil de la compagnie Carson Air, survenu le 13 avril 2015 en Colombie-Britannique. À la suite de l’enquête du BST, il a été déterminé que la concentration d’alcool dans l’organisme du pilote de l’avion dépassait de loin les limites permises, et on a conclu qu’il avait les capacités affaiblies par l’alcool. En fait, il présentait un taux d’alcoolémie de 0,24, soit trois fois la limite permise pour conduire une voiture. Or, les pilotes d’avion ne doivent pas avoir consommé d’alcool dans les huit heures qui précèdent leur vol. Le rapport du BST indique ce qui suit, et je cite :

Les personnes atteintes de troubles liés à la consommation d’alcool sont de 60 à 120 fois plus à risque de se suicider que les membres de la population qui ne souffrent pas de trouble psychiatrique. Le suicide représente de 20 % à 33 % du taux de mortalité accru chez les personnes ayant une dépendance à l’alcool comparativement à la population générale.

Or, l’enquête du BST sur cet accident d’avion conclut que l’écrasement a probablement été provoqué intentionnellement par le pilote. Heureusement, il ne s’agissait pas d’un vol qui transportait des passagers, comme celui de l’appareil Airbus A320 de la compagnie Germanwings, qui, quelque 20 jours avant l’accident à l’étude, s’était écrasé contre le relief d’une montagne, tuant les 150 personnes à bord. Il a été démontré dans cet autre accident que le copilote avait agi délibérément.

Pour sa part, l’Association des employeurs des transports et communications de régie fédérale nous a affirmé ce qui suit, le 2 mai dernier :

[Traduction]

Notre message clé est le suivant : dans le projet de loi C-46 et son pendant, le projet de loi C-45, le gouvernement du Canada omet de tenir compte de l’incidence qu’aura sur le milieu de travail la consommation de marijuana à des fins récréatives. Ce regrettable oubli pourrait avoir des conséquences catastrophiques sur les travailleurs, les employeurs et le public en général. La politique de sécurité du Canada comporte déjà une faille en ce qui a trait à la présence d’alcool et de drogue en milieu de travail. La légalisation du cannabis ne peut qu’aggraver ce problème.

(1510)

Les données provenant des États américains qui ont légalisé l’usage du cannabis, comme le Colorado, laissent entrevoir des tendances inquiétantes. Selon ces données, la consommation de cannabis est vouée à augmenter après avoir été légalisée. Cette tendance a de quoi inquiéter les employeurs. En effet, nous savons qu’elle finira par gagner les milieux de travail critiques pour la sécurité. [...]

Certains groupes prétendront que le dépistage d’alcool et de drogue constitue une atteinte à la vie privée. Or le projet de loi C-46 autorisera les contrôles routiers aléatoires de dépistage d’alcool. Or, le gouvernement estime que ce projet de loi respecte les principes de la Charte. Si la sécurité l’emporte sur le droit à la vie privée d’un conducteur automobile voyageant seul, il faut appliquer le même raisonnement à un pilote d’avion transportant 200 passagers, à un chef de train remorquant 50 wagons de produits chimiques, à un conducteur d’autobus transportant 60 passagers, à un conducteur de camion circulant sur une grande autoroute ou à n’importe quel travailleur dont les actions pourraient bouleverser la vie d’un collègue de travail ou d’un membre du public.

Nous estimons qu’il convient d’adopter une solution législative. Nous vous invitons à amender le projet de loi C-46 pour tenir compte de ces graves préoccupations.

[Français]

Certains, comme le sénateur Pratte, prétendent que c’est une question de droit du travail. L’enjeu a été soulevé par des employeurs. Cependant, on ne parle plus d’enjeux liés au droit du travail lorsque le projet de loi C-46 crée une infraction criminelle pour la conduite avec facultés affaiblies d’un avion ou d’un train. Il ne s’agit pas de la même situation que celle de l’affaire Irving, où un employeur voulait détecter la présence d’alcool ou de drogue chez les employés afin de prendre des mesures disciplinaires. Il s’agit de l’application et de la détection d’une infraction criminelle, créée par le projet de loi C-46, pour laquelle l’État doit élaborer les outils et les méthodes de détection nécessaires au respect de la loi.

L’Association canadienne des traversiers, l’Association des chemins de fer du Canada, la Commission de transport de Toronto et l’Association du camionnage du Québec ont toutes plaidé en faveur de la mise en place de tests aléatoires au sein de leur industrie.

En ce qui a trait à l’expérience internationale, voici en rafale trois citations.

Kathleen Fox, présidente du Bureau de la sécurité des transports du Canada, lors de son témoignage au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 3 mai dernier, nous a dit ce qui suit :

Dans le cadre de cet accident, on a examiné les programmes des États-Unis, du Royaume-Uni et de l’Australie. Les États-Unis et l’Australie ont des programmes de tests aléatoires. Par contre, il est difficile d’évaluer leur efficacité. Ils n’ont pas de statistiques qui révèlent combien de fois ils ont attrapé quelqu’un avant qu’il prenne les commandes d’un avion ou qu’il travaille dans un rôle critique à la sécurité. On n’est pas en mesure de dire si c’est efficace, mais ils ont très peu d’accidents. Ils ont fait des comparaisons avant et après l’entrée en vigueur de ces programmes. Ils ont constaté une diminution des accidents où la drogue ou l’alcool était des facteurs.

Nathalie Léveillé, coordonnatrice de la Conformité et des affaires juridiques à l’Association du camionnage du Québec, a déclaré ceci :

[…] depuis 1995, les transporteurs canadiens et les conducteurs de véhicules lourds qui circulent en sol américain sont soumis à une réglementation très stricte en matière de tests de dépistage de l’alcool et des drogues. Cela inclut notamment des tests aléatoires, des tests post-accident, et des tests de suivi lors d’un retour au travail. Or, depuis la mise en œuvre de ce système de tests, on peut affirmer que les préoccupations de l’industrie en ce qui a trait aux drogues et à l’alcool ont été pratiquement éliminées.

Voici d’ailleurs quelques données statistiques sur l’effet des contrôles aléatoires sur les conducteurs de transports publics. Aux États-Unis, selon l’American Journal of Epidemiology (volume 170, numéro 6, 2009), la mise en œuvre de programmes de dépistage obligatoire d’alcool en 1995 a entraîné une réduction de 23 p. 100 des accidents mortels impliquant des transporteurs routiers sous l’effet de l’alcool.

Toujours aux États-Unis, selon le paragraphe 105 de l’affidavit du Dr Mace Beckson, professeur de psychiatrie à l’UCLA, à la suite de la mise en place de tests aléatoires dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, le taux de tests positifs est passé de 1,76 p. 100 en 1995 à 1,2 p. 100 en 1998 et à 0,79 p. 100 en 2005. Le taux de tests positifs après accident a également chuté pour passer de 4,3 p. 100 en 1997 à 2,3 p. 100 en 2011.

Un autre exemple est le métro de Londres. Selon l’affidavit d’Andy Byford, directeur général de la Commission de transport de Toronto, en 1993, l’administration du métro de Londres a mis en place un régime de dépistage aléatoire pour ses employés. Depuis, le taux de tests positifs a radicalement diminué. Il est passé de 3,42 p. 100 en 1993 à 1,9 p. 100 en 1994 et à 1,18 p. 100 en 1995, et il est resté faible depuis.

Toujours selon Andy Byford, en Nouvelle-Galles du Sud, la mise en place, en 2004, d’un régime de dépistage aléatoire dans le secteur ferroviaire a entraîné une baisse du taux de tests positifs de dépistage de drogue, qui est passé de 3 p. 100 en 2004 à 1,4 p. 100 en 2006, et à environ 0,75 p. 100 en 2012. Le taux de tests positifs de dépistage d’alcool a également radicalement diminué.

Certains diront que si nous avons argué que les tests aléatoires étaient inconstitutionnels pour les automobilistes, ils le seraient tout autant pour les conducteurs de transports publics. Je ne partage pas ce point de vue.

Lors des audiences du Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles consacrées à l’étude du projet de loi C-45, j’ai spécifiquement posé cette question à Me Kyla Lee, avocate chez Acumen Law Corporation. Me Lee est avocate criminaliste à Vancouver, et sa pratique porte principalement sur les lois relatives à la conduite avec facultés affaiblies. Cette dernière est convaincue que, si les dépistages obligatoires étaient adoptés, les tribunaux seraient rapidement engorgés par des contestations. Elle nous a dit ce qui suit, et je cite :

Certaines des principales inquiétudes que j’ai à l’égard du projet de loi C-46 concernent les dispositions du projet de loi ayant trait aux alcootests obligatoires. Je suis d’avis que ces dispositions du projet de loi contreviennent à l’article 8 de la Charte, parce qu’elles permettent aux policiers de demander de manière totalement arbitraire un échantillon de substances corporelles aux fins d’analyse.

J’en ai profité pour demander à Me Lee ce qu’elle pensait des tests de dépistage aléatoires pour les conducteurs de transporteurs publics ou les titulaires de postes critiques, tels que les pilotes d’avion, les conducteurs d’autobus et les ingénieurs de train. Voici ma question, suivie de sa réponse :

[Traduction]

Si on appliquait le système de contrôle aléatoire à des transporteurs publics, comme les pilotes d’avion, les conducteurs de locomotive, et tout ce qui touche au transport public, comme les autobus et les trains, est-ce que vous pensez que cela aurait beaucoup plus de chance de passer le test des chartes que de l’imposer à l’ensemble de la population?

Elle a répondu ceci :

Je crois que oui, parce que cela éliminerait bon nombre de préoccupations relatives au ciblage des minorités visibles ou à celui d’individus particuliers. Cela interpelle aussi les personnes dans l’exercice de leur profession. Certains professionnels ont des obligations à cet égard, comme c’est le cas de ceux qui travaillent dans le transport en commun. Ils doivent connaître ces obligations. Les seules personnes ciblées sont d’ailleurs celles qui pilotent des moyens de transport qui transportent des gens ou qui, potentiellement, pourraient causer de graves blessures à un grand nombre de gens.

[…] Je crois aussi que ces dispositions s’harmonisent admirablement avec les contrôles, les règles et les règlements déjà en place pour les chauffeurs d’autobus, les pilotes et les conducteurs formés. Aucune obligation additionnelle ne leur est imposée. Ils sont déjà assujettis à des restrictions qui les obligent à subir des tests de dépistage de drogues et d’alcool à la demande de leur employeur. Or, les dispositions dont il est question n’augmentent en rien les obligations auxquelles ces personnes doivent s’astreindre.

(1520)

[Français]

J’ai déjà donné l’exemple du pilote d’avion qui est susceptible de se faire intercepter par les agents de la paix à l’aéroport, après l’atterrissage, pour subir des tests de dépistage. Toutefois, aucun test de dépistage aléatoire n’est prévu avant le décollage. Ce n’est pas sérieux et cela n’a aucun sens. Posez-vous la question, chers amis. Posez la question à vos parents et aux membres de votre famille. Préférez-vous que le pilote d’avion soit contrôlé avant le décollage ou après? Tous vous répondront « avant ». C’est le gros bon sens. Certains prétendent que, en intervenant dans le champ d’application de la loi, on ferait de l’ingérence dans les relations de travail. Encore une fois, c’est regarder par le petit bout de la lorgnette.

Je vous rappelle, honorables sénateurs, que nous étudions en ce moment le projet de loi C-46, Loi modifiant le Code criminel (infractions relatives aux moyens de transport) et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois. Dans le Code criminel, l’infraction liée à la conduite avec les facultés affaiblies est clairement énoncée au paragraphe 253(1), et je cite :

Commet une infraction quiconque conduit un véhicule à moteur, un bateau, un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou aide à conduire un aéronef ou du matériel ferroviaire, ou a la garde ou le contrôle d’un véhicule à moteur, d’un bateau, d’un aéronef ou de matériel ferroviaire, que ceux-ci soient en mouvement ou non […]

Or, nous traitons bien davantage de l’applicabilité de cet article du Code criminel et des moyens que nous devons mettre à la disposition des forces de l’ordre pour qu’elles puissent détecter et contrer cette problématique de sécurité publique, qui a été soulevée lors de l’étude du projet de loi C-46.

[Traduction]

Par conséquent, mesdames et messieurs les sénateurs, je crois que nous avons aujourd’hui une occasion en or, à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-46, de donner aux autorités policières les outils dont elles ont besoin pour que nos compatriotes soient en sécurité, non seulement sur les routes, mais aussi quand ils empruntent divers modes de transport en commun : avion, bateau et train.

[Français]

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Claude Carignan : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi C-46, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié, à l’article 15 :

a)à la page 23, par substitution, à la ligne 37 (tel que remplacée par décision du Sénat le 4 juin 2018), de ce qui suit :

« 320.27 (1) L’agent de la paix qui a des motifs raison- »;

b) à la page 24, par adjonction, après la ligne 16, de ce qui suit :

« (2) Un agent de la paix peut, dans l’exercice légitime de ses pouvoirs en vertu d’une loi fédérale, d’une loi provinciale ou de la common law, ordonner à la personne qui conduit un bateau, un aéronef, du matériel ferroviaire, un autobus, un camion de poids lourd ou un taxi de fournir immédiatement les échantillons ci-après que l’agent de la paix estime nécessaires à la réalisation d’une analyse convenable à l’aide d’un appareil ou du matériel approuvés et de le suivre à cette fin :

a) les échantillons d’haleine, si l’agent de la paix a en sa possession un appareil de détection approuvé;

b) les échantillons d’une substance corporelle, si l’agent de la paix a en sa possession le matériel de détection des drogues approuvé. »;

c)à la page 34, par substitution, à la ligne 20 (tel que remplacée par décision du Sénat le 4 juin 2018), de ce qui suit :

« ments à effectuer au titre de l’alinéa 320.27(1)a); ».

Son Honneur le Président : Il est proposé par l’honorable sénateur Carignan, appuyé par l’honorable sénatrice Stewart Olsen, que le projet de loi C-46 ne soit pas maintenant lu une troisième fois... Suffit?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : En débat? Sénatrice Lankin?

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Merci beaucoup, monsieur le sénateur Carignan. J’espère que vous me pardonnerez de poser une ou deux questions sur la procédure qui serait suivie, parce que je ne suis pas certaine de comprendre comment de telles dispositions pourraient être appliquées. Par la suite, j’aurai une ou deux questions à vous poser sur le fond. Dans le cas, par exemple, d’un pilote ou d’un conducteur de locomotive, de quelle manière et à quel endroit la police interviendrait-elle pour leur faire subir ce test?

[Français]

Le sénateur Carignan : Habituellement, c’est un agent de la paix, notamment un douanier. De nombreux policiers sont présents aux aéroports pour faire appliquer la loi.

Pour ce qui est des embarcations nautiques, il y a également des policiers. D’ailleurs, j’avais posé une question à un représentant d’Éduc’alcool à propos des embarcations de plaisance. J’ai repris l’exemple d’un accident survenu sur le Richelieu. Des policiers surveillent les cours d’eau et font les tests de dépistage nécessaires. Selon les témoins d’Éduc’alcool, les effets de l’alcool se font sentir de deux à trois fois plus rapidement en bateau qu’à l’extérieur de l’eau.

Quant aux chemins de fer, les tests peuvent se faire à la station même, aux endroits où le train s’arrête, avant que le conducteur ne prenne les commandes du train. Donc, c’est assez facile à appliquer. Dans les deux cas, les tests de dépistage d’alcool et de drogue peuvent être réalisés.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : Merci beaucoup. Compte tenu de la discussion que nous avons eue sur le dépistage obligatoire de l’alcool, et en pensant à la disposition prévue par le gouvernement qui a été annulée par le Sénat, je présume qu’il faudrait former les policiers, et ainsi de suite.

Pourriez-vous me dire quelle serait l’incidence de votre amendement pour ce qui est de la formation obligatoire donnée aux agents de la paix? Je tiens pour acquis qu’ils sont capables actuellement de faire passer un test conformément à la loi s’ils ont un soupçon raisonnable, puisqu’ils ont le droit d’arrêter un véhicule sur la route.

Au sujet des perquisitions et des saisies, je ne sais pas quelles dispositions permettraient à la police d’intercepter une personne. Je ne vois même pas une seule mention d’un test. Je me trompe peut-être et j’ai peut-être mal compris vos explications, mais, s’il y a un soupçon raisonnable, aucun test ni aucune façon d’intercepter la personne n’est prévu. Dans ce que vous proposez, comment un agent de la paix, qui n’a peut-être même pas reçu la formation spécialisée que les policiers devraient avoir reçue, aura-t-il la capacité de déterminer s’il doit intercepter une personne, et l’empêcher de poursuivre son chemin dans un aéroport, pour appliquer cette disposition?

[Français]

Le sénateur Carignan : Si vous prenez l’avion, je ne crois pas qu’on vous arrêtera après le décollage, mais plutôt avant. Dans les aéroports où on exerce un contrôle, les gens n’ont pas d’attentes élevées en ce qui concerne la protection de leur vie privée. Je vois que le sénateur Gold est d’accord avec moi à ce sujet. Les aéroports sont l’endroit où les gens ont peu d’attentes en ce qui a trait à la protection de leur vie privée. Je crois que vous êtes d’accord avec moi à ce point de vue.

[Traduction]

La sénatrice Lankin : J’ai remarqué que vous n’avez pas répondu à la question sur la formation spécialisée, mais vous y viendrez peut-être.

Pourquoi en êtes-vous arrivé à la conclusion que les critères dont il est question dans la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’affaire Irving ne sont pas applicables? En fait, la jurisprudence arbitrale invoque de tels critères dans le contexte des griefs entourant le droit administratif et la possibilité d’imposer un dépistage obligatoire. On en tient compte également dans la jurisprudence en matière de droits de la personne. Selon mon interprétation, la Commission ontarienne des droits de la personne s’est également prononcée sur le dépistage obligatoire, sur les complications que cela entraîne en ce qui concerne l’invalidité et la discrimination, ainsi que sur l’approche à privilégier. Ces tribunaux ont établi des critères. La Cour suprême a établi des critères. Selon ces critères, il faut avoir des motifs raisonnables de croire qu’un problème est suffisamment grave pour imposer le dépistage, et on ne peut pas seulement invoquer la sécurité dans un milieu dangereux. D’ailleurs, les tribunaux ont conclu que ce seul motif est insuffisant.

(1530)

Pourriez-vous m’expliquer comment vous en arrivez à penser que nous pouvons, en une journée, ajouter à ce dossier, qui compte des années de décisions arbitrales et d’arrêts de la Cour suprême, toute une série d’éléments visant à équilibrer les différents enjeux à votre convenance, surtout après qu’un grand nombre de sénateurs — même si vous avez dit vous y opposer — ont présenté un argumentaire solide sur les droits, la vie privée et la constitutionnalité?

[Français]

Le sénateur Carignan : La réponse à cette question est simple. L’affaire Irving concerne des tests aléatoires effectués dans un milieu privé, appliqués par un employeur privé dans le cadre d’un contrôle qui vise à imposer des mesures disciplinaires à des employés. En ce qui nous concerne, c’est le Code criminel qui entre en jeu, une infraction criminelle de l’action étatique dans le cadre de la détection et de la prévention d’infractions criminelles. Nous nous trouvons donc dans une tout autre sphère d’activités. Cela concerne une action de l’État sur un acte criminel, et non pas une mesure de prévention d’une infraction disciplinaire.

Évidemment, le degré d’exigence nécessaire pour traduire et appliquer une mesure disciplinaire afin de répondre au comportement d’un employé n’est pas le même que pour détecter et prévenir un acte criminel.

[Traduction]

Son Honneur le Président : D’autres sénateurs souhaitent poser des questions. Ainsi, si le temps le permet, nous reviendrons à vous, sénatrice Lankin.

L’honorable Art Eggleton : Sénateur Carignan, permettez-moi de vous poser une question au sujet des camions de poids lourd et des taxis. Je ne sais pas si les taxis incluent les nouveaux types d’entreprises comme Uber, mais vous pourriez nous dire ce que vous en pensez.

Cela dit, je présume qu’il s’agira de contrôles routiers. Si c’est le cas, qu’est-ce qui les rend différents des contrôles routiers effectués pour tous les autres types de véhicules? Vous maintenez le critère des motifs raisonnables. Donc, en quoi la situation est-elle différente par rapport à toute arrestation sur le bord de la route, si les agents doivent avoir des soupçons raisonnables avant d’agir?

[Français]

Le sénateur Carignan : Si l’objet est de viser les transporteurs publics comme les autobus — et cela peut aller jusqu’aux chauffeurs de taxi —, l’idée, c’est que, lorsque nous sommes dans le cadre de notre emploi, que nous avons une responsabilité à l’égard de la sécurité et que nous transportons des gens dans un objectif commercial, évidemment, les attentes en matière de vie privée sont beaucoup moins élevées que dans le cas d’un individu qui conduit son véhicule pour se rendre au travail ou pour aller s’amuser. Tout est une question de nuances en ce qui a trait aux attentes liées à la vie privée, ce qui est complètement différent pour un chauffeur de taxi, une organisation ou une activité réglementée par le gouvernement comparativement à un simple citoyen qui circule sur la route.

[Traduction]

L’honorable Marc Gold : Sénateur Carignan, pendant votre discours, vous avez relevé le manque de cohérence dans le traitement de l’alcool et des drogues dans le projet de loi C-46, en ce qui concerne le dépistage aléatoire et celui fondé sur les soupçons. À mon avis, il est important de faire preuve de cohérence, même si le gouvernement a peut-être raison dans ce cas-ci. Vous avez fait une distinction entre le dépistage aléatoire de l’alcool pour les conducteurs en général et pour les camionneurs et autres professionnels en vous fondant sur la déclaration d’un témoin qui a comparu devant le comité.

Cela dit, je n’ai pas l’habitude de dénigrer les témoins qui comparaissent devant les comités — ce qui serait contraire aux usages du Sénat — et je me garderai de le faire. Je veux simplement vous demander de défendre cette distinction, car elle me semble bien mince. Les droits à la vie privée et les valeurs de la Charte qui sont en jeu sont les mêmes que ceux qu’on a défendus de manière si remarquable l’autre jour. Je vous prie d’expliquer pourquoi votre argument en faveur de l’introduction des tests aléatoires est conséquent avec la position que vous et vos collègues avez prise dans l’étude du projet de loi C-46, qui consiste à supprimer les tests aléatoires de dépistage de l’alcool chez les conducteurs.

[Français]

Le sénateur Carignan : Je vous ai lu une portion de mon échange avec l’experte en droit constitutionnel que nous avons reçue en comité. Peut-être l’ai-je lu trop vite, mais, manifestement, les attentes en matière de vie privée que peuvent avoir un pilote d’avion ou un camionneur ne sont pas les mêmes. Permettez-moi de vous relire le passage dont je vous parle :

Si on appliquait le système de contrôle aléatoire à des transporteurs publics, comme les pilotes d’avion, les conducteurs de locomotive, et tout ce qui touche au transport public, comme les autobus et les trains, est-ce que vous pensez que cela aurait beaucoup plus de chance de passer le test des chartes que de l’imposer à l’ensemble de la population?

Voici sa réponse :

Je crois que oui, parce que cela éliminerait bon nombre de préoccupations relatives au ciblage des minorités visibles ou à celui d’individus particuliers. Cela interpelle aussi les personnes dans l’exercice de leur profession. Certains professionnels ont des obligations à cet égard, comme c’est le cas de ceux qui travaillent dans le transport en commun. Ils doivent connaître ces obligations. Les seules personnes ciblées sont d’ailleurs celles qui pilotent des moyens de transport qui transportent des gens ou qui, potentiellement, pourraient causer de graves blessures à un grand nombre de gens. [...]

Je crois aussi que ces dispositions s’harmonisent admirablement avec les contrôles, les règles et les règlements déjà en place pour les chauffeurs d’autobus, les pilotes d’avion et les conducteurs formés.

Donc, de par la nature de leurs activités, les attentes en matière de vie privée ne sont pas les mêmes. Ces gens occupent des postes critiques et, advenant le cas où il se produit un incident qui provoque un événement catastrophique, une distinction doit être faite.

Même en droit du travail, même en relations privées, si on prend le jugement Irving et qu’on l’applique aux relations de travail, la Cour suprême fera une distinction. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la juge McLachlin a signé une dissidence dans l’arrêt Irving afin d’indiquer qu’on ne peut pas attendre qu’une catastrophe se produise avant de commencer à contrôler une personne. Il y a, même en droit du travail entre entités privées, un courant jurisprudentiel qui s’établit en matière arbitrale. Plusieurs décisions, y compris une décision qui touche l’Ontario Transit Association, établissent que, lorsqu’une personne est dans une position critique et qu’un accident se produit qui entraîne une situation catastrophique, les tests aléatoires de dépistage d’alcool et de drogue respectent les chartes, même en matière de relations de travail. Donc, cela s’applique, surtout lorsque vient le temps de contrôler une situation pour prévenir un acte criminel.

[Traduction]

Le sénateur Gold : Merci, sénateur Carignan. C’est la deuxième fois que j’entends le témoignage de ce témoin. Avec tout le respect que je porte aux compétences des avocats de la défense, je signale que répéter un témoignage ne le rend pas plus convaincant.

Les sénateurs sont sans doute fatigués d’entendre des arguments de droit constitutionnel. Je dirai donc simplement ceci. Si nous soumettions la question à un groupe de spécialistes en droit constitutionnel — je parle de véritables experts et non de membres du barreau, y compris tous ceux qui ont été nommés dans cette enceinte, sans exception —, ils affirmeraient en majorité, sinon à l’unanimité, que la distinction établie entre les conducteurs de camion et les conducteurs automobiles, lesquels causent davantage de dommages et de décès sur la route, en ce qui concerne l’application de l’article 8 et de l’article premier de la Charte…

[Français]

Cela ne tient pas la route. Merci.

(1540)

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénateur Carignan, mais votre temps est écoulé.

[Français]

Le sénateur Carignan : Puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Carignan : Je pouvais m’attendre à certains commentaires de la part de sénateurs qui avaient voté contre votre amendement hier, mais je ne m’attendais pas à ce que vous ayez changé d’idée pendant la nuit. Ce qui était bon pour le contrôle aléatoire d’une personne qui conduit son véhicule ne serait pas bon pour le contrôle aléatoire d’un pilote d’avion ou d’un conducteur de véhicule lourd ou d’autobus. Je crois franchement qu’il y a une distinction et, si c’était constitutionnel hier, j’avancerais que cet amendement, aujourd’hui, est encore plus constitutionnel. Si vous posiez la question à votre ami, le professeur Hogg, je suis convaincu qu’il serait d’accord pour dire que cet amendement est constitutionnel. Je crois que, afin de favoriser la protection du public, nous devrions l’adopter.

[Traduction]

L’honorable Vernon White : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, bien sûr.

[Traduction]

Le sénateur White : Tout d’abord, j’appuie le dépistage obligatoire de l’alcool, évidemment, mais j’essaie de comprendre ce qui vous fait dire qu’il s’agit d’une question qui touche le commercial, car il y a des milliers d’aéronefs au Canada qui appartiennent à des propriétaires privés. Proposez-vous de rendre le dépistage obligatoire aussi pour les aéronefs privés et les pilotes privés, qui n’ont pas la même obligation que celle dont vous parliez plus tôt, relative aux aéronefs et aux véhicules lourds?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, bien sûr. Toute personne qui pilote un avion, qu’il s’agisse d’un avion privé ou de ligne, commettrait un acte criminel. La recommandation du Bureau de la sécurité des transports du Canada portait notamment sur un petit avion.

[Traduction]

Le sénateur White : À beaucoup d’endroits au Canada, on fait une utilisation privée des petits aéronefs, comme d’un véhicule, pour permettre aux gens de se rendre du point A au point B. C’est également le cas des embarcations sur la côte ouest de la Colombie-Britannique. Peut-être faudrait-il ajouter un sous-amendement après « taxi ». Peut-être « tout véhicule motorisé » ferait-il l’affaire.

[Français]

Le sénateur Carignan : C’est un sous-amendement que vous pouvez présenter, ou qui peut être proposé par le sénateur Gold.

[Traduction]

L’honorable Mary Jane McCallum : Lorsqu’on parle de prélever des substances corporelles, cela inclut-il les échantillons de sang?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui.

[Traduction]

La sénatrice McCallum : Vous parlez de prélèvement de substances corporelles, mais que faites-vous du consentement et des pouvoirs de l’agent en vertu de lois provinciales s’appliquant à des particuliers?

Que faites-vous de la conservation et du transport des échantillons de sang, des antécédents médicaux du client, y compris la vérification de la pression artérielle et la décision de l’agent de procéder ou non au prélèvement de l’échantillon?

[Français]

Le sénateur Carignan : Je ne sais pas ce que vous avez vu dans mon amendement, mais tout cela est déjà prévu dans le projet de loi C-46 et dans le Code criminel. Rien dans l’amendement que je propose n’ajoute à ce qui existe déjà dans le projet de loi C-46 ou dans le Code criminel en ce qui concerne les échantillons dont vous parlez, y compris les échantillons de sang, leur conservation et leur analyse.

[Traduction]

L’honorable Gwen Boniface : Sénateur Carignan, accepteriez-vous de répondre à une question?

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, bien sûr.

[Traduction]

La sénatrice Boniface : Quelle serait votre définition d’un camion poids lourd? J’essaie de bien comprendre de quoi il est question. J’aurai une deuxième question, si le temps le permet.

[Français]

Le sénateur Carignan : Oui, c’est celui qui est déjà défini. Je sais que vous voulez demander l’ajournement à votre nom pour cet article. Je peux vous dire que les différents niveaux de tonnage sont déjà définis dans le Code de la route. Cependant, je peux vous revenir avec une réponse plus précise, si vous me le permettez.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Je suis désolé, sénatrice Boniface, mais le temps de parole du sénateur Carignan est écoulé. Sénateur Carignan, demandez-vous plus de temps?

Le consentement n’est pas accordé.

Nous reprenons le débat. La sénatrice Lankin a la parole.

La sénatrice Lankin : Je tiens à répéter un point que j’ai mentionné lorsque j’ai posé une question au sénateur Carignan. J’ai regardé ce que disent la législation en matière d’arbitrage, les commissions des droits de la personne, la jurisprudence, les proclamations publiées sur les sites, ainsi que les décisions de la Cour suprême. Ce que vous proposez ne tient pas compte de l’immense somme de travail, de réflexion, d’examen et de prise de décisions qu’exigeront les critères à appliquer avant de pouvoir envisager l’instauration d’une mesure telle que l’utilisation de tests de dépistage aléatoires relativement au rendement des employés.

Plusieurs des points qui ont été mentionnés devraient nous faire réfléchir et nous convaincre de prendre notre temps lorsque des dispositions présentées à l’étape de la troisième lecture n’ont pas été examinées avec soin. Nous n’avons pas obtenu de réponse au sujet de la disposition parallèle qui vise, notamment, la sensibilisation, la formation spécialisée et le renforcement des compétences des agents de la paix, et qui est donc semblable aux dispositions concernant la formation que les policiers doivent suivre en matière de dépistage obligatoire d’alcool, tel que proposé dans le projet de loi du gouvernement.

Il n’a pas été question des distinctions qu’il faudrait peut-être établir ou qui n’ont tout simplement pas été prises en considération, étant donné ce que le sénateur White a dit au sujet du pilote aux commandes d’un avion commercial par opposition à un avion privé qui se rendrait à un camp de pêche, par exemple.

Bien qu’un policier puisse intercepter un véhicule dans l’exercice de ses pouvoirs, il n’a pas le pouvoir d’arrêter des personnes sans avoir des motifs raisonnables de soupçonner un crime quelconque ou, en l’occurrence, la conduite avec facultés affaiblies; rien n’est précisé ici.

La dernière chose que je tiens à dire ici, c’est que, dans ce contexte, on a tenu compte de deux questions : la sécurité et les emplois à risque en milieu de travail. Je suis d’avis que les critères qui ont été utilisés dans la jurisprudence relativement à ces questions sont pertinents.

J’aimerais vous lire le résumé de l’arrêt Irving. On dit que, à la suite des nombreuses décisions arbitrales qui ont été rendues, l’employeur ne peut imposer une règle portant des sanctions disciplinaires que si la nécessité d’adopter une telle règle l’emporte sur l’incidence négative de cette dernière sur le droit à la vie privée des employés.

On parle ici de sécurité et de droits qui sont en jeu, et le sénateur Carignan a abordé ces questions avec justesse.

De cette démarche a résulté une jurisprudence arbitrale constante suivant laquelle, dans un lieu de travail dangereux, l’employeur peut faire subir un test à un employé s’il a un motif raisonnable de croire que ce dernier a eu les facultés affaiblies dans l’exercice de ses fonctions, a été impliqué dans un accident ou un incident de travail ou reprend du service après avoir suivi un traitement pour combattre l’alcoolisme ou la toxicomanie.

À mon sens, il faut faire preuve de prudence. Cela dit, les arbitres ont rejeté massivement l’imposition unilatérale d’une politique de tests obligatoires, aléatoires et sans préavis s’appliquant à tous les employés d’un lieu de travail dangereux, estimant qu’il s’agissait d’une atteinte injustifiée à la dignité et à la vie privée des employés. Les tribunaux n’ont jamais jugé que la dangerosité d’un lieu de travail, bien que manifestement fort pertinente, justifiait automatiquement l’imposition d’une telle politique.

Cela ne veut pas dire, honorables sénateurs, que nous ne devrions pas, un jour, étudier en profondeur cette question et l’idée que propose le sénateur Carignan, mais nous ne pouvons pas le faire à l’étape de la troisième lecture, sans que des témoins aient d’abord comparu devant le comité.

Combien de témoins dont vous avez entendu le témoignage au comité avaient déjà été impliqués dans des litiges dont les tribunaux ou les arbitres ont été saisis? Combien de syndicats avez-vous convoqués? Il faudrait se pencher sur tous les aspects du problème et prendre cette question très au sérieux.

(1550)

Si vous êtes davantage préoccupés par le fait que vous souhaitez voir une violation explicite du Code criminel pouvant mener à une condamnation — si c’est ce que vous visez —, sachez que Michael Bryant, de l’Association canadienne des libertés civiles, nous a informés que le Code criminel en tient déjà compte. Il existe une disposition pour la négligence criminelle liée à l’intoxication par des professionnels dans le cadre de leurs fonctions. Je pense que c’est déjà prévu.

Je pense que cette proposition a été présentée beaucoup trop tard dans le débat pour que nous puissions l’étudier sérieusement et mener un second examen objectif. De plus, je crois que, dans sa forme actuelle, cette proposition va à l’encontre des règles mêmes que nous avons établies pour les policiers lorsque ces derniers exercent ce genre d’activités; il n’existe pas de définition claire concernant les personnes visées et, en fin de compte, c’est redondant, car c’est déjà un acte criminel.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Carignan, avec l’appui de l’honorable sénatrice Stewart Olsen, propose en amendement que le projet de loi C-46 ne soit pas maintenant lu pour la troisième fois... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Non.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : La sonnerie retentira pendant 30 minutes. Le vote aura lieu à 16 h 21.

Convoquez les sénateurs.

(1620)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mockler
Batters Neufeld
Beyak Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Housakos Seidman
MacDonald Smith
Maltais Tannas
Marshall Tkachuk
Martin Wells—27
McInnis

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Black (Alberta) Harder
Black (Ontario) Hartling
Boniface Jaffer
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas McCallum
Cools Mégie
Cordy Mercer
Cormier Mitchell
Coyle Moncion
Dalphond Omidvar
Dawson Pate
Day Petitclerc
Deacon Pratte
Dean Ravalia
Downe Richards
Duffy Ringuette
Dupuis Saint-Germain
Dyck Verner
Eggleton Wallin
Gagné Wetston
Galvez White
Gold Woo—51
Greene

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Forest Stewart Olsen—3
Massicotte

(Sur la motion de la sénatrice Boniface, le débat est ajourné.)

(À 16 h 29, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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