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Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 223

Le mardi 19 juin 2018
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mardi 19 juin 2018

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

John Ward

Félicitations à l’occasion de sa retraite

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j’aimerais aujourd’hui saluer le travail de John Ward. John travaille à La Presse Canadienne depuis près d’un demi-siècle — 48 ans, pour être exact. C’est lui qui a les plus longs états de service de toute la boîte.

John prendra sa retraite à la fin du mois. Même s’il avait déjà l’allure du journaliste typique d’antan au moment où il a été embauché comme messager pour un emploi d’été, en juin 1970, il ne gagnait à l’époque que 49 $ par semaine. John ne figurait peut-être pas dans le film Spéciale première, mais cela ne l’a pas empêché de jouer de nombreux rôles pendant ses 48 ans dans le milieu de la presse. En fait, il était juste là, à la tribune, à l’époque où les journalistes couvraient les travaux quotidiens du Sénat — je crois même qu’il en est question sur le site web Ripley’s Believe It or Not! Il couvre la Colline depuis 30 ans déjà. Surnommé « le professeur » dans le milieu, John donne l’impression d’avoir tout couvert à Ottawa. Selon son épouse, il n’a jamais voulu travailler ailleurs qu’à La Presse Canadienne. Et il en a fait, du chemin : Toronto, London, en Ontario, le siège des Nations Unies, à New York, Edmonton, puis retour au bureau d’Ottawa.

Quand John est arrivé sur la Colline en 1970, son père, Ben Ward, travaillait lui aussi à La Presse Canadienne. Pendant un certain temps, il était « le fils de Ben ». Pour tout vous dire, quand je suis moi-même arrivé à Ottawa, deux ans plus tard, j’ai connu son père, Ben, avant de le rencontrer, lui.

Je me suis toujours senti à l’aise avec les Ward parce que nous pouvions tout nous dire, si vous voyez ce que je veux dire. Les réalisations de John Ward sont nombreuses : il a couvert 30 budgets, de nombreuses élections fédérales, des scrutins provinciaux dans six provinces différentes; il est allé aux Nations Unies et dans les zones de guerre de Bosnie et de Somalie; il était aussi là pour plusieurs événements marquants, comme les visites du dalaï-lama, de Nelson Mandela et du prince Charles. Il a été souvent finaliste au Concours canadien de journalisme, qu’il a remporté deux fois. Ce n’est toutefois pas la gloire qui l’intéressait : c’est simplement qu’il adorait écrire et aller au fin fond des choses.

Pendant les premières années de La Presse Canadienne, les articles ne portaient pas de signature personnelle; ils provenaient simplement de La Presse Canadienne. Toutefois, on pouvait presque toujours deviner lesquels avaient été rédigés par John. Qu’il s’agisse de procès pour meurtre de personnes riches, mais pas très célèbres, des séries éliminatoires de la Coupe Stanley, de la Coupe Grey, des Jeux olympiques, de la tornade qui a frappé Edmonton, de l’accident ferroviaire survenu à Hinton, en Alberta, ou de la tragédie du vol 111 de la Swiss Air, John Ward rédigeait des articles nets et précis. Il ne prenait jamais le pas sur le récit; il le décrivait, tout simplement.

La semaine prochaine, les collègues et les amis de John vont lui rendre hommage dans un débit de boisson local. Voici le titre : Le 28 juin 1970, Elvis Presley et les Beatles trônaient toujours en tête des palmarès, l’âge légal de voter venait de passer de 21 à 18 ans et John Ward, alors adolescent, venait de mettre les pieds pour la première fois dans la salle de rédaction de La Presse Canadienne.

Honorables sénateurs, quand on connaît John Ward, on ne peut pas faire autrement que l’aimer. Son nouveau surnom sera « professeur émérite ». Merci, John, de nous avoir raconté le quotidien au cours du dernier demi-siècle. Honorables sénateurs, je vous invite à rendre hommage à John Ward.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, demain, le 20 juin, nous soulignerons la Journée mondiale des réfugiés. Je vous demande de réfléchir pendant quelques minutes à la vie et au sort des 68,5 millions de personnes qui, partout dans le monde, fuient la violence, la persécution et la guerre civile.

Au cours des derniers jours, deux nouvelles qui ont fait les manchettes ajoutent à l’urgence de la situation. La première a trait aux ravages de la mousson au Myanmar et au Bangladesh. Cela me rappelle le témoignage livré devant le Comité des droits de la personne par l’envoyé spécial du premier ministre auprès du Myanmar, l’honorable Bob Rae. Il nous a parlé des femmes rohingyas, qui lui ont raconté les agressions brutales et les viols dont elles ont été victimes dans leur propre foyer, aux mains des forces de sécurité. Neuf mois plus tard, les travailleurs de la santé au Cox’s Bazar craignent que bon nombre de ces femmes et de ces filles ne cachent leur grossesse par crainte d’être stigmatisées.

Il nous a parlé de la crainte des Rohingyas que le monde ait oublié qu’ils étaient des êtres humains, sans parler du fait qu’ils étaient des habitants et citoyens du Myanmar. Il nous a parlé, en pleurant, des milliers de jeunes qui se trouvent dans des camps à court de ressources et menacés à présent par les eaux de la mousson et le surpeuplement, des jeunes dont l’avenir est en jeu.

L’autre manchette qui retient l’attention touche une situation plus près de nous, soit au sud de la frontière, où 2 000 enfants migrants provenant de pays comme le Salvador et le Honduras ont été séparés de leurs parents lorsqu’ils ont franchi la frontière américaine de manière non officielle et ont demandé l’asile. On voit des images de ces enfants détenus dans des camps de fortune — de grandes cages —, des enfants étendus sur des couvertures improvisées faites de feuilles d’aluminium. Ces images ont ébranlé plus d’une personne au Canada et partout dans le monde, de même qu’aux États-Unis d’ailleurs. Ces deux grands titres, l’un sur la mousson qui empire les conditions de vie dans les camps de réfugiés du Bangladesh, l’autre sur les enfants détenus qui sont arrachés des bras de leur mère aux États-Unis — appellent à l’action plutôt qu’à l’inaction, à la compassion plutôt qu’à l’indifférence et au respect de la primauté du droit international plutôt qu’au mépris flagrant de celui-ci.

En cette Journée mondiale des réfugiés, arrêtons-nous un instant sur notre propre passé inégal. Il est arrivé au Canada de fermer ses portes et de renvoyer des bateaux et des gens. Cependant, il lui est arrivé aussi de faire preuve de grande générosité et de grande compassion et d’accueillir des réfugiés à bras ouverts. Posons-nous la question suivante : lesquels de ces choix ont fait du Canada un pays plus fort, à l’échelle nationale et à l’échelle internationale? Mettons davantage l’accent sur ce que nous pouvons et devons faire individuellement, en tant que nation et en tant que participant à l’ordre mondial.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Dianne Ravalia, la femme de l’honorable sénateur Ravalia.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Norma Dubé et de Roxanne Fairweather. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Hartling.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

(1410)

Le programme Emplois d’été Canada

L’honorable Nicole Eaton : Honorables sénateurs, alors que nous nous apprêtons à quitter cette enceinte pour la relâche estivale, j’attire votre attention sur le fait que des centaines d’enfants ne pourront aller au camp cet été — des enfants qui vivent dans la pauvreté et d’autres qui ont des besoins spéciaux —, parce que certaines organisations qui dirigent des camps n’ont pu obtenir de financement du gouvernement fédéral.

Cette année, plus de 1 500 demandes de financement ont été rejetées dans le cadre de l’initiative Emplois d’été Canada — par rapport à 126 l’an dernier — à cause du critère lié aux valeurs du gouvernement. Tout refus de signer une attestation indiquant que vous êtes favorable à l’avortement entraîne automatiquement le rejet de la demande de financement.

Je suis catholique et, dans l’archidiocèse de Toronto où j’habite, au moins 150 emplois ont été mis en péril à cause de cette attestation. Selon le cardinal Collins, au nombre des groupes les plus pénalisés figurent une organisation qui dirige un camp d’été pour les enfants sourds, une autre qui emploie des jeunes souffrant de troubles du développement et un groupe d’étudiants qui accueille les nouveaux venus au Canada.

D’autres groupes confessionnels, notamment des communautés juive et musulmane, ont subi un traitement similaire. Bernadette Sharpe, chef de la Première Nation de Loon River, en Alberta, affirme que certains groupes autochtones ont également essuyé un refus parce qu’ils n’avaient pas signé l’attestation.

Le grand paradoxe de cette décision malavisée tient au fait que le gouvernement semble parfaitement disposé à enfreindre le droit à la liberté de religion garanti en vertu de la Charte, en alléguant qu’il défend le droit à l’avortement, également garanti par la Charte. Comme vous le savez, honorables collègues, la Charte garantit la liberté de conscience et de religion, de même que la liberté de pensée et de croyance. Sur le plan juridique, on peut faire valoir à juste titre que le fait d’exiger que des groupes renient leurs croyances fondamentales pour obtenir du financement constitue une violation des droits garantis par la Charte.

Par ailleurs, celle-ci ne garantit pas le droit à l’avortement. En fait, la Cour suprême a invité le Parlement à adopter une autre loi sur l’avortement lorsqu’elle a invalidé la loi existante dans la décision rendue dans l’affaire R. c. Morgentaler.

Ceux qui subiront les conséquences de cette mesure sont les jeunes qui travaillent pour ces organismes et les personnes que ces programmes permettent d’aider. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du Dr Neal Rowe, d’Ottawa, du Dr Luke Lavallée, d’Ottawa, de la Dre Kristen McAlpine, d’Ottawa, du Dr Luke Witherspoon, d’Ottawa, du Dr Bohdan Bidovanets, d’Ukraine, du Dr Nikolaos Grivas, de Grèce, de la Dre Carmen Mir, d’Espagne et du Dr Frans Debruyne, de Belgique.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le désastre d’Escuminac

L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, aujourd’hui, je prends la parole au sujet du désastre d’Escuminac.

Le 19 juin 1959, des dizaines de dériveurs ont pris la mer, de petits bateaux de pêche de 28 à 32 pieds de long. On les appelle des dériveurs parce que, lorsque les pêcheurs arrivent dans la zone de pêche, ils éteignent le moteur et ils se laissent dériver toute la nuit sous les étoiles en laissant trainer des filets derrière eux sur des centaines de mètres afin d’attraper le saumon qui est parti du Groenland pour revenir dans la baie de Miramichi au cours de sa migration de printemps.

Il s’agissait d’hommes et de garçons, des garçons qui accompagnaient leur père pour célébrer la fête des Pères et la fin de l’année scolaire. Comme toutes les autres années, ils avaient l’intention de prendre un saumon à minuit et de le faire cuire sur la cuisinière à la belle étoile, les garçons allant se coucher dans les cabines tandis que les petits bateaux continuaient à dériver. Ils auraient ensuite tiré leurs filets à l’aube pour récupérer le poisson, puis ils auraient entamé le chemin du retour vers les quais dans le soleil matinal.

Or, cette nuit-là a été différente. De plus, il n’y a pas eu d’avertissement. Le vent a commencé à se lever vers 20 heures, et, comme tous les marins le disent, la mer est devenue grosse, mais le cauchemar a vraiment commencé vers minuit, lorsque l’ouragan a frappé de plein fouet du sud.

Les hommes devaient s’occuper d’eux-mêmes et des garçons. Les grands bateaux faisaient le tour des petits pour leur venir en aide. Cependant, la force de la houle a augmenté et la hauteur des vagues a atteint de 40 à 60 pieds, submergeant des bateaux et détruisant des moteurs, des cabines et des timoneries. Cela leur a tout pris pour rester à flot. Ils ont dû couper les filets derrière eux pour éviter que la poupe ne les entraîne par le fond.

Leur seule chance de survie était de tenir le coup pendant la tempête. Les navires qui ont essayé de se réfugier à l’île Fox se sont échoués sur les bas-fonds. Beaucoup d’hommes ont perdu la vie en sauvant d’autres personnes et plusieurs ont refusé d’abandonner des gens en détresse.

Un cuisinier de Tignish, à l’Île-du-Prince-Édouard, a attaché son fils au mât avant d’être emporté par la mer. Le garçon a survécu. Lorsque des hommes attrapaient les câbles qui leur étaient lancés par des membres de l’équipage de grands harenguiers qui pouvaient se maintenir à flot, ils les passaient à leurs amis. Lorsque Theodore Williston, du Sharon Lloyd, a attrapé une corde qui lui a été lancée par un pêcheur, il y a d’abord attaché son cher ami en lui promettant de ne jamais l’abandonner.

Il y a ensuite l’histoire d’Alphonse Doucet, un jeune homme de 17 ans. Lorsque le harenguier Everett Williston a réussi à s’approcher suffisamment de son navire pour lancer une corde, il a d’abord attaché son frère de 13 ans, puis son oncle, qui était mort dans la timonerie, et finalement son père, qui était toujours vivant et qui s’accrochait désespérément à la proue. En raison de l’état de la mer, cela a pris une demi-heure avant que les sauveteurs reviennent avec une autre corde.

Le jeune Doucet, qui avait 17 ans, a grimpé sur le plat-bord, marché jusqu’à la proue, attaché son père et lui a dit : « Papa, je suis le capitaine ici ce soir. » Quarante minutes plus tard, les sauveteurs sont revenus chercher le garçon.

Malheureusement, 35 hommes et garçons sont morts dans la tempête lors de ce qui est peut-être le plus grand désastre de pêche de la côte Est. Deux des survivants, Alphonse Doucet et Theodore Williston, recevront des médailles du Sénat le 14 juillet.

Des auteurs, ainsi que des politiciens et des politiciennes de toutes les allégeances, parlent de la façon dont il faut se comporter dans la vie. Il suffit de penser au comportement de ces hommes et de ces garçons de la baie de Miramichi, cette nuit-là, il y a bien des années, pour le savoir.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Linda Taylor et de Janice Darcy. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice McPhedran.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Christina Huang, du Comité olympique canadien. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Deacon (Ontario).

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


[Français]

AFFAIRES COURANTES

Le directeur parlementaire du budget

Dépôt du certificat de nomination
et du curriculum vitae

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le certificat de nomination et curriculum vitæ d’Yves Giroux, candidat proposé au poste de directeur parlementaire du budget.

[Traduction]

Le Bureau du conseiller en responsabilité
sociale des entreprises de l’industrie
extractive

Dépôt du rapport annuel de 2017
(juin 2016 à mai 2017)

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport intitulé « Le Bureau du conseiller en responsabilité sociale des entreprises (RSE) de l’industrie extractive — Rapport annuel au Parlement, 2017 (de juin 2016 à mai 2017) ».

Le directeur parlementaire du budget

Préavis de motion tendant à approuver
sa nomination

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, conformément au paragraphe 79.1(1) de la Loi sur le Parlement du Canada, L.R.C, 1985, ch. P-1, le Sénat approuve la nomination de Yves Giroux à titre de directeur parlementaire du budget.

[Français]

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à modifier
l’heure du début de la séance de mercredi

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose :

Que, nonobstant l’article 3-1(1) du Règlement, le mercredi 20 juin 2018, la séance du Sénat commence à 13 h 30.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Afrique

La mission bilatérale, tenue du 11 au 17 mars 2018—
Dépôt du rapport

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne de l’Association parlementaire Canada-Afrique concernant sa mission bilatérale à Nairobi et d’autres villes, en République du Kenya, du 11 au 17 mars 2018.

Le Groupe interparlementaire Canada-Japon

La visite annuelle des coprésidents au Japon,
du 14 au 16 mars 2018—Dépôt du rapport

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de la délégation canadienne du Groupe interparlementaire Canada-Japon concernant la visite annuelle des coprésidents au Japon, à Tokyo et à Osaka, au Japon, du 14 au16 mars 2018.

(1420)

Le Sénat

Adoption de la motion tendant à autoriser
la photographie des travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Qu’un photographe soit autorisé à avoir accès aux tribunes du Sénat pour photographier les travaux au cours d’une séance du Sénat entre l’adoption de cette motion et le vendredi 29 juin 2018, d’une manière qui perturbe le moins possible les travaux.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

[Français]

Finances nationales

Préavis de motion tendant à autoriser le comité
à déposer son rapport sur le système de paie Phénix
dans le cadre de son étude sur les prévisions
budgétaires fédérales en général auprès
du greffier pendant l’ajournement du Sénat

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer auprès du greffier du Sénat, entre le 21 juin 2018 et le 31 juillet 2018, si le Sénat ne siège pas, un rapport intérimaire sur son étude du système de paie Phénix dans le cadre de son ordre de renvoi général, et que ledit rapport soit réputé avoir été déposé au Sénat.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

[Traduction]

Préavis de motion tendant à autoriser le comité
à siéger en même temps que le Sénat

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je donne préavis que, plus tard aujourd’hui, je proposerai :

Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales soit autorisé à se réunir le mercredi 20 juin 2018, même si le Sénat siège à ce moment-là, et que l’application de l’article 12-18(1) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

L’honorable Betty Unger

Préavis d’interpellation

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :

J’attirerai l’attention du Sénat sur la carrière de l’honorable sénatrice Unger.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Les finances

La taxe sur le carbone

L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur la taxe sur le carbone.

La semaine dernière, un rapport de la Banque Scotia a signalé qu’une guerre commerciale mondiale pourrait faire rétrécir l’économie canadienne de près de 2 p. 100 d’ici 2020. L’an dernier, l’investissement étranger direct au Canada a atteint son niveau le plus bas depuis 2010, selon un rapport de Statistique Canada publié en mars. En plus de la perte des capitaux d’investissement et de la montée du protectionnisme chez les Américains, les entreprises canadiennes doivent composer avec les coûts supplémentaires occasionnés par la taxe sur le carbone du premier ministre, à laquelle les entreprises de l’autre côté de la frontière ne sont pas soumises.

En réponse à un sondage effectué par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, la grande majorité des propriétaires de petite entreprise ont déclaré que la taxe sur le carbone ferait grimper leurs coûts de revient et réduirait la rentabilité de leur entreprise.

Sénateur Harder, pourquoi le gouvernement compte-t-il encore maintenir la taxe sur le carbone, qui nuira à la capacité de nos entreprises de concurrencer les entreprises américaines?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de poser cette question. C’est un sujet dont nous discutons dans cette assemblée depuis un moment, tant à la période des questions que lors de l’étude de mesures législatives.

Le sénateur sait que 80 p. 100 de la population canadienne habite dans une province où un prix est appliqué sur le carbone. Ces régimes de tarification font partie du cadre global du Canada en vue d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés aux fins de la lutte contre les changements climatiques. Ils demeurent les objectifs du gouvernement du Canada.

Le sénateur Smith : Merci, monsieur le leader.

Selon le directeur parlementaire du budget, d’ici 2022, la taxe sur le carbone aura privé notre économie de 10 milliards de dollars. En avril, lorsque j’ai questionné le leader du gouvernement au sujet de ce rapport et que je lui ai demandé si le gouvernement fournirait aux Canadiens de l’information sur ce que la taxe sur le carbone leur coûterait, il a déclaré que le gouvernement a toujours été transparent.

Malheureusement, ce n’est pas le cas, puisque le gouvernement a résisté à toutes les tentatives pour lui faire donner cette information aux Canadiens. Dans un premier temps, le gouvernement a cherché à imposer des modifications fiscales aux petites entreprises avec un minimum de consultations et, maintenant, il impose la taxe sur le carbone sans dire aux familles et aux entreprises canadiennes combien cette mesure leur coûtera.

Sénateur, en quoi cette façon de garder de l’information secrète correspond-elle au gouvernement transparent et ouvert qui a été promis aux Canadiens pendant la dernière campagne électorale?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question, une question qu’il a d’ailleurs déjà posée. Je répéterai donc que la transparence avec laquelle le gouvernement s’est engagé à mener ses activités est tout à fait au rendez-vous dans le dossier de la tarification du carbone. Comme le sait le sénateur, le cadre de tarification du carbone proposé par le gouvernement permet aux provinces de choisir comment elles comptent atteindre les objectifs liés aux changements climatiques. Le sénateur souhaite savoir quels seront les effets de la tarification du carbone pour des ménages précis, mais ces effets dépendront des choix qu’ont fait ou que feront les provinces.

L’honorable Norman E. Doyle : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat, et elle concerne également la taxe sur le carbone du premier ministre. Plusieurs provinces avaient promis, au départ, de fournir à leurs résidents des explications plus détaillées sur la façon dont elles comptaient aborder la taxe sur le carbone. À Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement provincial n’a encore fourni aucun renseignement à ce sujet, et il semble qu’il ne le fera pas avant septembre. Les familles et les entreprises de ma province ne savent toujours pas combien ils devront débourser pour cette taxe dans quelques mois.

Le gouvernement fédéral a analysé combien la taxe sur le carbone coûterait aux familles du pays, mais il refuse de communiquer ces chiffres. Dans les documents obtenus grâce à des demandes d’accès à l’information, les données ont été noircies.

Pourquoi refuse-t-on de dire aux familles combien la taxe sur le carbone leur coûtera?

Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Pour faire suite à ma réponse précédente, quand il s’agit de connaître les retombées qu’auront ces décisions sur une province ou un territoire, notamment sur la province que mentionne le sénateur, la réponse dépendra grandement de la façon dont chaque province choisira d’appliquer la tarification du carbone, selon les engagements qu’elle a pris.

Le sénateur Doyle : Une étude réalisée à l’Université de Calgary l’année dernière a révélé qu’une taxe sur le carbone fixée à 50 $ la tonne coûterait au ménage moyen de Terre-Neuve-et-Labrador la somme de 859 $ par année. Monsieur le leader, étant donné que le gouvernement fédéral détient ce genre de renseignements, pourriez-vous vous renseigner, puis nous dire si ce chiffre est exact?

Le sénateur Harder : Je remercie le sénateur de sa question au sujet d’une étude réalisée à l’Université de Calgary. Le gouvernement du Canada n’a pas l’habitude de vérifier les études réalisées par les universitaires, mais je prends note de la question.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les États-Unis—L’Entente sur les tiers pays sûrs

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et concerne l’Entente sur les tiers pays sûrs.

Monsieur le leader, nous avons conclu l’Entente sur les tiers pays sûrs avec les États-Unis. Je crois savoir que c’est le seul pays avec qui nous avons conclu cette entente. Vous savez aussi bien que nous que cette entente vise à ce que les gens qui arrivent aux États-Unis et qui demandent le statut de réfugié dans ce pays ne l’obtiennent pas ici, au Canada. S’ils sont d’abord arrivés aux États-Unis, nous les renvoyons dans ce pays.

Compte tenu de la conjoncture aux États-Unis — je ne m’attends pas à de grandes déclarations, et je suis consciente de la situation et de la façon dont il faut se comporter —, puis-je vous demander de sonder le ministre de l’Immigration pour savoir ce que le gouvernement compte faire à l’avenir pour protéger les réfugiés? Étant donné les images que nous voyons, nous avons une responsabilité à l’égard des gens qui se présentent à nos frontières.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie la sénatrice de sa question et, à vrai dire, de l’intérêt qu’elle porte depuis toujours à ces enjeux. Nous avons eu l’occasion, au sein d’autres tribunes et dans d’autres fonctions, de discuter de ce dossier.

La sénatrice a parfaitement raison : l’Entente sur les tiers pays sûrs que nous avons conclue en 2004 avec les États-Unis constituait, à l’époque, un progrès très important. Cette entente avait été approuvée par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et était considérée comme un prototype pour stabiliser les déplacements irréguliers de réfugiés et améliorer la situation.

(1430)

L’honorable sénatrice sait sans doute que c’est en raison de la frontière qui sépare nos pays que nous avons conclu une telle entente seulement avec les États-Unis. Néanmoins, le modèle fonctionne et sert les intérêts des Canadiens. Au titre de l’entente, nous sommes tenus d’examiner les demandes d’asile que l’on présente à nos frontières et nous continuons de le faire.

Il est absolument certain que je m’entretiendrai avec le ministre des récents problèmes vécus le long de la frontière et des événements chez nos voisins du Sud, dont parle la sénatrice. En outre, le ministre a publiquement déclaré, et souhaite faire savoir au Sénat, que lui et ses fonctionnaires comptent travailler avec leurs homologues respectifs aux États-Unis pour assurer que les demandeurs potentiels soient traités de manière appropriée et conformément aux obligations prévues dans l’Entente sur les tiers pays sûrs.

La sénatrice Jaffer : Je vous remercie de votre réponse, monsieur le leader. Je sais que vous déployez beaucoup d’efforts dans ce dossier.

L’entente indique ceci :

Plus précisément, la Loi exige que les pays désignés soient examinés d’après les quatre facteurs suivants:

1. le fait que ces pays sont parties à la Convention sur les réfugiés de 1951 et à la Convention contre la torture de 1984;

2. leurs politique et usages en ce qui touche la revendication du statut de réfugié au sens de la Convention sur les réfugiés de 1951 et les obligations découlant de la Convention contre la torture de 1984;

3. leurs antécédents en matière de respect des droits de la personne;

4. le fait qu’ils sont ou non parties à un accord avec le Canada concernant le partage de la responsabilité de l’examen des demandes d’asile.

Comme vous le savez, monsieur le leader, Amnistie internationale a fait la déclaration suivante hier :

Les souffrances psychologiques aiguës que les agents font subir aux familles sont délibérées et infligées à des fins coercitives, et, partant, sont assimilables à de la torture aux termes des lois américaines et internationales.

Cela faisait donc partie des critères que nous devons considérer, monsieur le leader. Si Amnistie internationale, que nous considérons tous comme un organisme très crédible, considère que cela équivaut à de la torture, alors je vous demande de porter cette question à l’attention du ministre et de lui recommander de l’étudier attentivement en vue de déterminer les prochaines mesures à prendre.

Le sénateur Harder : J’assure à l’honorable sénatrice que je le ferai. Je tiens également à réaffirmer que le ministre et ses hauts fonctionnaires examinent les circonstances de près, à la lumière des critères à considérer dans le cadre de l’Entente sur les tiers pays sûrs, afin de déterminer s’il y a encore lieu de les appliquer.

L’environnement et le changement
climatique

Les objectifs de développement
durable des Nations Unies

L’honorable Rosa Galvez : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, la commissaire à l’environnement et au développement durable, Julie Gelfand, a témoigné devant le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles au sujet du rapport qu’elle a présenté récemment. Ma question porte sur les conclusions du rapport que la vérificatrice indépendante a publié à l’automne 2018, intitulé L’état de préparation du Canada pour la mise en œuvre des objectifs de développement durable des Nations Unies. Voici ce que Mme Gelfand a déclaré au sujet des conclusions du rapport :

Lors de notre étude, nous avons constaté que, trois ans après s’être engagé, le gouvernement n’était pas prêt à mettre en œuvre le Programme 2030 des Nations Unies. Qu’avons-nous découvert? Nous avons constaté que le gouvernement n’a pas une approche pangouvernementale; le leadership de la mise en œuvre était réparti entre cinq ministères. Selon moi, il est difficile d’avancer avec 10 mains sur le volant.

Lorsqu’on l’a questionnée à ce sujet, elle a répondu ceci :

Je ne comprends pas comment c’est possible, mais le gouvernement nous a dit que cette initiative est dirigée par cinq ministères.

Cher sénateur Harder, pourriez-vous préciser quels sont les ministères qui travaillent activement à l’atteinte des objectifs de développement durable des Nations Unies, et quel est, le cas échéant, le ministère qui dirige ou qui coordonne ces efforts?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénatrice de sa question. J’ai, moi aussi, rencontré la commissaire à l’environnement pour obtenir plus de renseignements sur le rapport déposé. Je souligne que la période de l’audit précède l’adoption du cadre pancanadien, ce que le rapport reconnaît d’ailleurs.

Je rappelle également au Sénat que, étant donné les fonds alloués, le cadre pancanadien faisait partie des engagements du budget de 2018, plus particulièrement par rapport au Programme 2030. Le gouvernement a pris l’engagement suivant :

[…] le gouvernement propose de fournir un financement de 49,4 millions de dollars sur treize ans à compter de 2018-2019, en vue de mettre sur pied une unité d’objectifs de développement durable et de financer des activités de surveillance et d’établissement de rapports par Statistique Canada. Cela rendra possible une meilleure coordination entre tous les ordres de gouvernement, les organisations de société civile et le secteur privé quant aux mesures prises par le Canada pour mettre en œuvre le Programme de développement durable à l’horizon 2030 […]

Le Sénat connaît aussi l’engagement suivant :

Le gouvernement propose par ailleurs de fournir, à même les ressources ministérielles existantes, jusqu’à 59,8 millions de dollars sur 13 ans à compter de 2018-2019, pour des programmes à l’appui de la mise en œuvre des objectifs de développement durable.

Par ailleurs, Statistique Canada a créé le Carrefour de données liées aux objectifs de développement durable, qui offrira des indicateurs pour suivre les progrès réalisés.

L’essentiel ici, chers collègues, c’est que l’ensemble des efforts que le Canada s’engage à déployer en vue d’atteindre les objectifs de 2030 doivent s’appuyer sur des données pertinentes et sur une coordination appropriée, non seulement entre les différents ministères, mais également entre tous les intervenants.

La sénatrice Galvez : Je vous remercie de votre réponse. Merci beaucoup des précisions sur le budget alloué, mais je crois que le problème relève de la coordination. Il est important de déterminer qui dirige l’initiative. J’aimerais que vous me nommiez les cinq ministères.

Le sénateur Harder : Je serai heureux de le faire et de faire rapport à ce sujet. Cependant, comme pour toutes les initiatives gouvernementales interministérielles, des efforts de coordination sont requis, même s’il y a un ministre responsable. Par exemple, le carrefour de données de Statistique Canada dont j’ai parlé relève du ministère de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique, mais n’est qu’un des outils utilisés pour recueillir des données auprès de tous les intervenants concernés. Cette initiative nécessitera un grand nombre de nouveaux mécanismes de coordination et de leadership.

Je signale que la motion n215 inscrite au nom de notre honorable collègue, le sénateur Dawson, offre au Sénat du Canada une bonne occasion de s’exprimer et d’exprimer son point de vue sur le programme 2030 d’une manière plus réfléchie.

[Français]

Les pêches et les océans

La pêche au homard

L’honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques jours, le ministre des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne a interdit toute pêche au homard au Québec et dans les Maritimes. Par conséquent, des bateaux de centaines, voire de milliers de travailleuses et travailleurs de la mer sont restés à quai.

Les usines ferment, alors que les gens ont à peine travaillé six semaines. Le ministre a-t-il prévu un plan pour dédommager ces mères et ces pères de famille, travailleuses et travailleurs de la mer?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de sa question. Je tiens à lui assurer, ainsi qu’à tous les sénateurs, que le ministre responsable et ses fonctionnaires sont au courant de la situation et des effets qu’elle a sur les collectivités touchées. Ils veillent donc à offrir rapidement une couverture gouvernementale à ces collectivités et aux travailleurs concernés.

[Français]

Le sénateur Maltais : Monsieur le leader, les pêcheurs de homard sont des pêcheurs côtiers, ce ne sont pas des pêcheurs hauturiers, donc ils ne pêchent pas en haute mer. À ce que je sache, les baleines noires ne nagent pas près des côtes ni dans la baie de Bonaventure.

Je crois que le ministre a pris une mauvaise décision, car, au Canada, il reste très peu de pêcheurs hauturiers. Ce sont surtout les bateaux transatlantiques qui, lorsqu’ils empruntent la Voie maritime du Saint-Laurent, sont les ennemis naturels des baleines noires.

Vous n’êtes pas sans savoir que le gouvernement du Québec a mis immédiatement en place un programme d’aide destiné aux travailleuses et aux travailleurs de la mer. Toutefois, étant donné que les propriétaires de bateaux sont enregistrés par le gouvernement fédéral et naviguent dans les eaux fédérales, est-ce que le ministre compte également les dédommager?

(1440)

[Traduction]

Le sénateur Harder : Je le répète, je vais porter la demande de l’honorable sénateur à l’attention du ministre. Je tiens toutefois à lui donner l’assurance que le ministre suit la situation de près et qu’il a pris des décisions qui sont dans l’intérêt des pêches. Je vais rendre compte de mes démarches, comme il se doit.

Les affaires étrangères et le commerce international

L’Accord économique et commercial global
entre le Canada et l’Union européenne

L’honorable Victor Oh : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. La semaine dernière, on a appris que le nouveau gouvernement de l’Italie ne compte pas ratifier l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. Le nouveau régime relatif aux coûts d’investissement négocié dans le cadre de l’Accord économique et commercial global ne peut être mis en œuvre qu’une fois que tous les pays de l’Union européenne ont achevé leur processus de ratification respectif. Le leader du gouvernement peut-il nous dire quelle est la réponse du gouvernement du Canada à l’égard de cette nouvelle difficulté avec laquelle doit composer le Canada? Croyez-vous qu’ils signeront l’accord même s’ils menacent de le rejeter?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Il soulève un point très important, que les ministres responsables ont, déjà eux, aussi soulevé auprès de la nouvelle administration italienne, et ce, dès son arrivée au pouvoir. À l’occasion du Sommet du G7, la ministre des Affaires étrangères et le premier ministre ont soulevé la question auprès des autorités italiennes.

Je crois qu’il est important de profiter de toutes les occasions qui s’offrent à nous pour démontrer que l’Accord économique et commercial global est profitable pour l’Italie. Les exportations de produits italiens vers le Canada ont augmenté de 8 p. 100 au cours de la dernière année, passant ainsi de 7,54 milliards de dollars en 2016 à 8,15 milliards de dollars en 2017. Tous les volets économiques et importants de l’Accord économique et commercial global sont en vigueur. Les sénateurs savent que cela comprend l’élimination des droits de douane et des engagements en matière d’admission temporaire, ainsi que, bien entendu, des obligations concernant les marchés publics. De plus, l’accord actuel corrige ou élimine les obstacles dans tous les secteurs du commerce bilatéral. Le gouvernement du Canada travaille de concert avec tous les partenaires signataires de l’Accord économique et commercial global en vue de la ratification, qui se fait à l’échelle nationale.

Le sénateur Oh : Divers litiges commerciaux opposent déjà le Canada et l’Italie par rapport à nos exportations de blé dur et aux exigences discriminatoires imposées par l’Italie concernant la mention du pays d’origine sur les étiquettes. Selon Cam Dahl, président de Céréales Canada, en moins d’un an, les exportations de 500 millions de dollars ont été réduites à néant à cause des mesures protectionnistes non prévues par notre accord commercial et imposées par le gouvernement italien.

Lorsque le ministre de l’Agriculture est venu nous rendre visite pour participer à la période des questions il y a trois semaines, il a indiqué que le gouvernement envisageait de faire appel devant l’Organisation mondiale du commerce.

Sénateur Harder, savez-vous si le gouvernement du Canada a décidé de contester auprès de l’Organisation mondiale du commerce les règles d’étiquetage de l’Italie?

Le sénateur Harder : Je remercie de nouveau l’honorable sénateur de sa question. Certes, le gouvernement étudie toujours la question, surtout au vu de l’attitude adoptée par le nouveau gouvernement de l’Italie. Il est sûrement dans l’intérêt du Canada que la mise en œuvre de l’Accord économique et commercial global se fasse le plus rapidement possible, et que nous puissions tous tirer profiter des débouchés économiques qu’elle entraînera.

Évidemment, le gouvernement du Canada continuera de prendre toutes les mesures qui sont à sa disposition — notamment le recours à l’Organisation mondiale du commerce — pour protéger et faire avancer les intérêts des exportateurs canadiens.

Les pêches et les océans

La viabilité de l’industrie des pêches

L’honorable Percy E. Downe : Ma question est un complément à celle qui a été posée sur l’importance de protéger les baleines qui, comme on peut le voir sur les photos aériennes, s’approchent très près du rivage, et sur l’importance du marché américain des fruits de mer pour éviter l’interdiction de nos produits, en particulier sur le marché européen. Sur la côte Est, nous comprenons tous la valeur des pêches, du homard et d’autres produits. Nous savons tous par ailleurs ce qui est arrivé à l’industrie du phoque lorsque des militants, particulièrement des militants européens, ont essentiellement détruit cette industrie. Nous pourrions nous retrouver dans la même situation si d’autres baleines sont tuées ou meurent pour quelque raison que ce soit. Je suppose que le gouvernement tient compte de ces facteurs dans les études qu’il mène.

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. C’est exactement la situation à laquelle je faisais référence quand je parlais du fait que le ministre des Pêches prenait en considération les intérêts du secteur des pêches. Le ministre doit voir aux intérêts et à la viabilité à long terme des pêches, non seulement d’un point de vue écologique, mais également d’un point de vue commercial.

Les affaires étrangères et le commerce international

Les relations diplomatiques avec l’Iran

L’honorable David Tkachuk : Sénateur Harder, le gouvernement, en appuyant la semaine dernière la motion sur l’Iran, ce dont nous lui sommes reconnaissants, n’a pas seulement renversé sa politique, il a adopté une position qui y est complètement contraire. Selon l’ancienne politique, le dialogue avec l’Iran — plutôt que le retrait ou l’isolement — était la meilleure façon de promouvoir les intérêts du Canada. Cependant, le gouvernement semble maintenant croire que le dialogue et l’engagement sont inutiles en ce qui concerne l’Iran, comme certains d’entre nous qui ont voté pour l’adoption du projet de loi S-219 l’avaient prédit et comme vous l’avez admis dans vos réponses qui n’en étaient pas à mes questions la semaine dernière. Ce que vous avez dit la semaine dernière, quand vous avez expliqué ce changement, c’est que le gouvernement a adopté cette nouvelle position en raison du peu de progrès accomplis et qu’il la conservera tant que rien ne bougera.

Puis vous avez expliqué que :

Ce dialogue doit toutefois être précédé d’une plus grande ouverture aux intérêts énoncés.

Cependant :

Cela ne change rien à l’objectif qu’il s’est fixé d’en arriver à un dialogue au moment opportun, lorsque les conditions seront favorables.

Sénateur Harder, nous avons abandonné la politique d’engagement, car elle ne fonctionnait pas, mais vous avez dit vous-même que, dès que la position que nous avons adoptée fera bouger les choses — autrement dit, dès qu’elle fonctionnera —, nous l’abandonnerons et nous reviendrons à la politique d’engagement qui ne fonctionnait pas. Ai-je bien compris?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : L’honorable sénateur a beau dire que ma réponse n’en était pas une, je trouve qu’il y a consacré beaucoup d’énergie. Je répète ce que j’ai dit : quoi qu’ait pu conclure l’honorable sénateur du vote qui a eu lieu à l’autre endroit, le gouvernement du Canada estime que le moment est venu de bien faire comprendre au gouvernement de l’Iran que le dialogue n’ira pas plus loin tant et aussi longtemps que les questions consulaires qui ont été soulevées à maintes reprises auprès des autorités, y compris au plus haut niveau, ne seront pas résolues. C’est le message que l’ensemble des parlementaires a décidé d’envoyer la semaine dernière, à mon grand plaisir, et je crois que ce serait à l’avantage de tout le monde si nous adoptions tous ce point de vue et si nous faisions tout en notre pouvoir pour obtenir la libération des personnes qui, de l’avis du gouvernement du Canada, sont détenues illégalement en Iran.

Le sénateur Tkachuk : Que se passera-t-il, alors, une fois ces questions consulaires réglées? Quelle sera la politique du Canada à l’égard de l’Iran? Sera-t-elle la même qu’à l’heure actuelle, ou reviendra-t-on aux anciennes méthodes?

Le sénateur Harder : Il s’agit d’une situation purement hypothétique, sénateur, puisque vous partez du principe que les efforts requis pour régler ces questions sont déployés. Disons simplement qu’il y a présentement un obstacle à la reprise du dialogue et que cet obstacle doit disparaître avant qu’on puisse même envisager de reprendre le dialogue.

Le Vietnam—La cybersécurité

L’honorable Thanh Hai Ngo : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Le 12 juin, l’Assemblée nationale du Vietnam communiste a adopté une loi controversée sur la cybersécurité exigeant que les géants de la technologie, comme Google, Apple, Samsung, Facebook, Twitter et LinkedIn, communiquent aux autorités toutes les données qu’ils possèdent sur les usagers vietnamiens. Cette nouvelle loi s’en prend ni plus ni moins à la liberté d’expression et à l’accès à l’information. Cette mesure draconienne fournira, à un régime communiste déjà corrompu, un motif de plus pour traquer les gens qui vaquent pacifiquement à leurs occupations en ligne et pour les traîner en justice. Le 8 juin, juste avant l’adoption du projet de loi, l’ambassade des États-Unis au Vietnam a publié une déclaration qui fait écho à la position du Canada :

(1450)

Nous estimons que le projet de loi sur la cybersécurité que l’Assemblée nationale étudie actuellement risque de présenter de graves obstacles à la cybersécurité du Vietnam ainsi qu’à son avenir en matière d’innovation numérique, et n’est peut-être pas conforme aux engagements du Vietnam en matière de commerce international. Les États-Unis et le Canada exhortent le Vietnam à reporter la mise aux voix du projet de loi et à faire en sorte que ce dernier respecte les normes internationales.

Pouvez-vous nous dire pourquoi l’ambassade des États-Unis à Hanoï parle au nom du Canada dans ce dossier et pourquoi notre propre ambassade n’a pas publié de déclaration similaire?

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais évidemment me renseigner pour le sénateur. Je précise toutefois qu’il n’est pas inhabituel d’agir de manière concertée avec d’autres pays et de voir cette action concertée reflétée dans des déclarations formulées par d’autres parties que le Canada. Le sénateur devrait se réjouir que le gouvernement du Canada cherche à harmoniser sa réponse avec celle d’autres pays aux vues similaires dans des dossiers comme celui qu’il soulève.

Le sénateur Ngo : Merci, sénateur. Il serait tout aussi important pour l’ambassade du Canada à Hanoï de rendre publique cette position conjointe lorsque des pays comme la Chine et le Vietnam cherchent à réviser les règles d’Internet. Pourquoi le Parti communiste du Vietnam déclare-t-il que cette loi essentielle permettra de combattre la cybercriminalité? Cette mesure servirait à légaliser davantage la répression actuelle de l’opposition en ligne et des blogueurs.

Maintenant que le projet de loi a été adopté, pouvez-vous nous dire comment le gouvernement du Canada réagira à ce nouvel obstacle à la liberté d’expression et à la liberté en ligne?

Le sénateur Harder : Je dirai simplement que le gouvernement du Canada continuera de profiter de toutes les occasions pour exprimer aux États souverains son opinion concernant leurs actions. Le gouvernement du Canada veillera également à ce que les autres pays respectent leurs obligations aux termes des accords que nous avons en commun, tels que le Partenariat transpacifique, auquel le Vietnam est partie. Voilà pourquoi il est bon d’avoir des accords multilatéraux, car cela nous permet d’exiger des comptes de ces pays.

[Français]

Le patrimoine canadien

Les travaux de rénovation à la résidence
d’été du premier ministre

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Monsieur le leader du gouvernement, nous avons appris dans les médias que des rénovations majeures ont été effectuées, aux frais des contribuables, à la résidence d’été du premier ministre Trudeau, au lac Mousseau. Nous avons assumé collectivement 12 000 $ pour de nouveaux quais, 10 000 $ pour une terrasse, 7 500 $ pour des balançoires, et 4 000 $ pour des travaux électriques afin d’installer un sauna, l’acquisition d’une voiturette de golf, de deux kayaks, d’un canot, et j’en passe.

Alors que la résidence officielle du premier ministre actuel — et des chefs de gouvernement qui lui succéderont — nécessite des travaux de rénovation de longue haleine, pouvez-vous justifier le raisonnement du premier ministre, qui privilégie la rénovation du chalet plutôt que de la résidence officielle du 24, promenade Sussex?

[Traduction]

L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, permettez-moi de répéter ce que tous les sénateurs savent probablement déjà : il s’agit de propriétés détenues au nom du Canada par la Commission de la capitale nationale dont la responsabilité et l’entretien ne dépendent pas de la volonté du premier ministre.

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, le temps prévu pour la période des questions est écoulé.


ORDRE DU JOUR

Les travaux du Sénat

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la deuxième lecture du projet de loi C-80, suivie de tous les autres points dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

[Français]

Projet de loi de crédits no 2 pour 2018-2019

Deuxième lecture

L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) propose que le projet de loi C-80, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019, soit lu pour la deuxième fois.

— Honorables sénateurs, le projet de loi C-80 est le deuxième projet de loi de crédits pour l’année 2018-2019. Il s’intitule Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019.

Ce projet de loi autorise le gouvernement à dépenser une somme de 82 milliards de dollars, laquelle s’ajoute aux crédits de 30,9 milliards de dollars que nous avons autorisés au début de l’exercice financier de 2018, dans la Loi de crédits no 1.

[Traduction]

Avant de poursuivre, j’aimerais remercier tous les sénateurs qui ont participé aux travaux du Comité sénatorial permanent des finances nationales, et en particulier le président du comité, le sénateur Mockler.

[Français]

Je tiens aussi à souligner l’excellent travail de tous les sénateurs qui ont participé aux travaux du comité. Le comité a étudié le Budget principal des dépenses et a déposé un rapport à cet égard qui contient 15 observations. J’ai lu attentivement le rapport du comité.

En ce qui concerne les nouveaux sénateurs, je précise que l’un des rôles premiers du Comité sénatorial permanent des finances nationales est de poser des questions au pouvoir exécutif et d’analyser avec rigueur la façon dont le gouvernement dépense l’argent des contribuables. Nous n’avons pas à voter sur le rapport du comité, mais celui-ci nous aide à comprendre la nature des dépenses que nous allons autoriser dans le cadre du projet de loi C-80. Il résume les travaux effectués par le comité dans le but de rendre le gouvernement responsable de ses décisions.

[Traduction]

Comme vous le savez, le gouvernement prévoit consacrer 276 milliards de dollars aux dépenses publiques pour l’exercice en cours. Cela représente une augmentation de 7 p. 100 par rapport à l’année précédente. Les transferts aux Canadiens et aux autres ordres de gouvernement comptent pour 171 milliards de dollars, soit 62 p. 100 de toutes les dépenses publiques fédérales.

Le Parlement n’a pas à voter sur le montant total des dépenses. Une grande partie des dépenses, 59,1 p. 100, est formée de postes législatifs. Il s’agit de dépenses faites dans le cadre de programmes qui ont déjà été approuvés, comme les allocations familiales, la Sécurité de la vieillesse, les transferts sociaux aux provinces, et cetera.

Toutefois, le Budget principal des dépenses fournit de l’information sur ces postes. Les dépenses peuvent augmenter ou diminuer en fonction de multiples facteurs, tels que la démographie, le chômage et l’inflation.

[Français]

Cela dit, au cours d’un exercice financier, le Parlement doit adopter deux lois qui autorisent le gouvernement à dépenser pour d’autres programmes qui ne sont pas statutaires. Ces dépenses non statutaires, que l’on appelle des crédits votés, comprennent, par exemple, une bonne partie des dépenses du Sénat, les salaires de la fonction publique, une grande portion des subventions et des contributions accordées aux organismes publics ainsi que les nouvelles dépenses présentées dans le dernier budget. Nous avons adopté, en mars dernier, la Loi de crédits no 1, qui autorise le gouvernement à dépenser 30,9 milliards de dollars.

Aujourd’hui, nous avons devant nous la Loi de crédits no 2, qui demande au Parlement d’autoriser des dépenses de 82 milliards de dollars pour les charges et dépenses afférentes à l’exercice financier qui se terminera le 31 mars 2019.

Honorables sénateurs, je serai brève. Je n’ai pas l’intention d’expliquer en détail ces dépenses qui figurent dans le texte du projet de loi de 58 pages dans les deux langues officielles. Vous pouvez également lire le rapport du comité qui a étudié 61 p. 100 de l’ensemble des crédits votés demandés dans le Budget principal des dépenses. Toutefois, permettez-moi de faire quelques remarques explicites à propos du projet de loi C-80 et d’autres observations de nature procédurale.

Premièrement, comme je l’ai expliqué en mars dernier, le gouvernement a réformé le processus du cycle budgétaire dans le but de le rendre plus transparent et de répondre à de nombreuses critiques selon lesquelles les lois de crédits ne reflètent pas les choix budgétaires du ministre des Finances. Comme vous le savez, au cours des années précédentes, le Budget principal des dépenses précédait celui du ministre des Finances. Il ne pouvait donc pas comprendre les nouvelles dépenses ou même les coupes prévues au budget.

[Traduction]

La réforme actuellement entreprise par le président du Conseil du Trésor, le ministre Scott Brison, vise à insérer tous les choix budgétaires du ministre des Finances dans le Budget principal des dépenses pour l’exercice en cours. C’est la première fois que le Budget principal des dépenses inclut les dépenses anticipées du ministre des Finances. Cette année en est une de transition.

(1500)

[Français]

Cette réforme devrait réduire à deux le nombre de budgets supplémentaires à l’avenir.

Ma deuxième remarque, c’est que cette nouvelle présentation incorpore un nouveau crédit au budget du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, soit le fameux crédit 40, qui autorise le Conseil du Trésor à accorder des crédits à un ministère ou à un organisme figurant à l’appendice 1 du Budget principal des dépenses afin de financer une initiative annoncée dans le budget du 27 février 2018.

Chers collègues, sachez qu’une annexe détaillant le crédit 40 est incluse dans le document de l’énoncé budgétaire au tableau A2.11 à partir de la page 324 de la version française. Ce même document a aussi été reproduit dans le Budget principal des dépenses à l’appendice 1 et a été incorporé au projet de loi C-80. Ce crédit d’une valeur de 7 milliards de dollars a suscité des questions de la part des membres du comité, auxquelles le ministre a répondu le 7 juin dernier lorsqu’il a comparu au Comité sénatorial permanent des finances nationales. Il a dit ce qui suit, et je cite :

[Traduction]

Selon la loi, monsieur le président, l’argent ne peut être affecté qu’à des mesures annoncées dans le budget déposé le 27 février 2018. Le Conseil du Trésor n’a pas le pouvoir discrétionnaire lui permettant de s’en servir autrement. Le vérificateur général a fait remarquer qu’il fallait affecter les fonds dans cet esprit, qu’on ne peut pas simplement décider que quelqu’un devrait en avoir plus et quelqu’un d’autre, moins.

[…] Plus précisément, les parlementaires pourront retracer chaque affectation de ce nouveau crédit central jusqu’à un poste du tableau A2.11 du budget, qui est répété à l’annexe 1 du Budget principal des dépenses.

[Français]

C’est la réponse que le ministre a donnée pour répondre aux critiques selon lesquelles nous n’avions pas de détails sur ces dépenses, alors que des renseignements sont présentés dans ce document.

Troisièmement, je tiens à préciser que, pour obtenir plus de détails concernant les dépenses des différents ministères, il est toujours possible de consulter les plans ministériels qui sont déposés en même temps que le Budget principal des dépenses. Toutefois, comme cette année en est une de transition, l’harmonisation des plans ministériels n’est pas complétée, car, je le répète, c’est un processus graduel. Toutefois, il est possible d’obtenir encore plus de précision dans les rapports mensuels affichés en ligne, dans le prochain Budget principal des dépenses et dans le rapport sur les résultats ministériels une fois l’exercice terminé.

De plus, j’aimerais ajouter que le ministre a dit s’inspirer de l’Australie, pays qui est reconnu pour ses bonnes pratiques. Il vise éventuellement à déposer le Budget principal des dépenses au même moment que le budget du ministre des Finances. Donc, à l’avenir, je ne sais pas quand exactement, au moment même du dépôt du budget par le ministre des Finances, le président du Conseil du Trésor déposera le Budget principal des dépenses. Cela se fait déjà dans certaines provinces. L’exercice ne se fait pas ici au gouvernement fédéral, d’où le manque d’harmonisation entre les deux budgets. Alors, c’est à suivre. C’est une procédure qui est complexe, comme nous l’ont expliqué les fonctionnaires du Conseil du Trésor au Comité des finances.

Maintenant, en ce qui a trait à la procédure, je précise que, en pratique, les projets de loi de crédits ne sont pas renvoyés à un comité pour y être examinés, bien qu’ils puissent l’être. Le rapport concernant l’étude du Budget principal des dépenses par le Comité sénatorial permanent des finances nationales tient lieu d’examen du projet de loi, puisque le projet de loi est essentiellement une réplique du Budget principal des dépenses, mais qui est présentée de façon très sommaire. Je vous invite à aller consulter sur Internet le projet de loi C-80 sur le site LEGISinfo. Le texte de loi présente une série de pages avec des chiffres pour chacun des ministères et reprend essentiellement les renseignements contenus dans le Budget principal des dépenses, qui est plus détaillé.

En outre, avec le consentement du Sénat, pour les questions de procédure, je vous rappelle que, lorsque le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, on peut aussi procéder à la troisième lecture pendant la même séance. On peut le faire, mais la pratique veut qu’on espace d’une journée les étapes de la deuxième et de la troisième lecture.

Sur ce, je vous remercie de votre attention.

L’honorable Percy Mockler : Honorables sénateurs, j’aimerais faire un suivi du projet de loi C-80, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019. Les membres du comité, après avoir assisté à plusieurs rencontres et entendu différents témoins, représentants de ministères et cadres supérieurs, ont toujours des inquiétudes. J’aimerais donc profiter de cette occasion, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-80, pour porter à l’attention du gouvernement certaines de ces inquiétudes. Nous avons demandé au gouvernement et nous demandons maintenant au représentant du gouvernement au Sénat d’y répondre et de faire un suivi des observations des différents comités.

Honorables sénateurs, le projet de loi dont vous êtes saisis aujourd’hui, la Loi de crédits no 2 pour 2018-2019, prévoit la publication des crédits pour le solde du Budget principal des dépenses de 2018-2019. Par le passé, le gouvernement rédigeait cinq lois de crédits pendant l’exercice financier, qui prévoyaient notamment ceci : les crédits provisoires, soit un premier paiement pour financer les ministères d’avril à juillet 2018; le solde du budget, soit un deuxième paiement pour financer les travaux du mois de juin jusqu’à la fin de l’exercice le 31 mars 2019; et, enfin, trois lois de crédits supplémentaires appelées les Budgets supplémentaires des dépenses, pour financer de nouveaux programmes budgétaires et d’autres coûts imprévus qui surviennent au cours de l’année.

[Traduction]

Honorables sénateurs, pour la première fois, grâce aux réformes apportées par le gouvernement, ce budget devrait inclure toutes les mesures budgétaires. Je cite un passage de la page 1 du Budget principal des dépenses de 2018-2019 :

Par l’intermédiaire de ce crédit, le budget principal des dépenses comprendra la totalité des mesures de dépenses supplémentaires prévues dans le budget fédéral de 2018, améliorera l’alignement entre le budget fédéral et le budget des dépenses, et éliminera une partie du décalage entre l’annonce et la mise en œuvre des programmes.

Honorables sénateurs, le gouvernement demande au Parlement d’approuver des dépenses d’un peu moins de 276 milliards de dollars, pour toute l’année, d’un seul coup. À l’avenir, il n’y aura que deux Budgets supplémentaires des dépenses, et non trois.

Le coût pour les parlementaires — et, par le fait même, pour tous les Canadiens — est la perte de notre mandat de surveillance. Cependant, le gouvernement avance l’argument suivant :

Pour débloquer les fonds, les choses seraient beaucoup plus faciles si nous pouvions exclure tout simplement le Parlement du processus.

L’objectif est d’assurer une reddition des comptes.

(1510)

Donc, honorables sénateurs, quelque part dans cette somme de 276 milliards de dollars, le gouvernement a prévu un crédit de 7 milliards — le crédit 40 — qu’il pourra utiliser une fois que le projet de loi aura été approuvé pour payer les mesures prévues dans le budget de 2018.

[Français]

Honorables sénateurs, il faut comprendre que le crédit 40 prendra l’autorité du Parlement et la remettra au gouvernement. Dès lors, les 7 milliards de dollars n’auront pas à passer par le processus de présentation au Conseil du Trésor, qui est surveillé par le Parlement. Il en résultera moins de transparence, moins de redditions de comptes et moins d’examens spécifiques sur les crédits. Il s’agit ni plus ni moins d’une caisse discrétionnaire pour le gouvernement qui, s’il le désire réellement, l’appliquera sans aucun doute pour transférer de l’argent d’un programme à l’autre de son propre gré. D’ailleurs, c’est ce que l’une de nos collègues a appelé la « caisse noire ».

Pour le compte du Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous avons préparé une courte analyse qui a été présentée dans notre trente et unième rapport, le rapport provisoire sur le Budget principal des dépenses de 2018-2019. Nous demandons la permission de présenter les rapports de comité et de transmettre nos commentaires au même moment, puisque ledit rapport explique les travaux qu’effectue le Comité sénatorial permanent des finances nationales en ce qui concerne l’évaluation des dépenses relatives au projet de loi de crédits.

[Traduction]

Honorables sénateurs, je vais prendre quelques minutes pour vous faire part de certains des points qui préoccupent le plus les Canadiens

Un montant de 307 millions de dollars est affecté à Services publics et Approvisionnement Canada pour lui permettre de régler les problèmes liés au système de paie Phénix. Nous estimons qu’il est important de stabiliser ce système, or, pendant que le gouvernement étudie les diverses solutions possibles pour remplacer le système de paie, il doit pouvoir assurer aux fonctionnaires qu’ils seront payés avec exactitude et à temps et veiller à ce que les employés affectés au système de paie de la fonction publique reçoivent la formation et le soutien nécessaires pour pouvoir travailler avec le système de paie actuel et le système qui pourrait être adopté ultérieurement.

Voici un autre point qui nous préoccupe : Emploi et Développement social Canada reçoit un montant supplémentaire de 62,2 millions dans le budget de 2018-2019 pour la Stratégie emploi jeunesse. Le gouvernement, tout en investissant des fonds supplémentaires dans cette stratégie, devrait s’assurer que cette dernière permet bel et bien de respecter l’objectif visé, à savoir aider les jeunes à trouver et à conserver un emploi intéressant.

Je termine par un dernier exemple. Environnement et Changement climatique est chargé de gérer le Fonds pour une économie à faibles émissions de carbone, un fonds de 2 milliards de dollars qui a pour but d’aider les collectivités à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le ministère gère aussi le filet de sécurité fédéral pour la tarification du carbone qui serait appliqué aux provinces et aux territoires qui n’instaurent pas de régime de tarification du carbone. À notre avis, le ministère devrait veiller à ce que soit pris en compte dans le régime de tarification du carbone l’effet de celui-ci sur la compétitivité des industries à fortes émissions tributaires des échanges commerciaux.

Honorables sénateurs, nous sommes saisis du deuxième projet de loi de crédits de l’année, qui permettra l’attribution de fonds en fonction des exigences décrites dans le projet de loi C-80. Comme l’a signalé l’intervenante précédente, vous constaterez qu’il contient une longue liste d’annexes et de crédits.

Ces annexes et ces crédits décrivent la partie du financement total qui nécessite l’approbation du Parlement, soit 112,9 milliards de dollars figurant dans les prévisions budgétaires, sous la rubrique des crédits votés.

Honorables sénateurs, rappelons-nous que ces dépenses ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un budget équilibré. L’an dernier, les dépenses totales du gouvernement se sont chiffrées à 327,1 milliards de dollars, ce qui a engendré un déficit de 18,8 milliards de dollars.

Honorables sénateurs, le directeur parlementaire du budget estime que, pour 2018-2019, les dépenses totales s’élèveront à 346 milliards de dollars et que le déficit atteindra 22,1 milliards de dollars.

Le Budget principal des dépenses de 2018-2019 présente des dépenses de 275,97 milliards de dollars, soit 18,1 milliards de dollars, ou 7 p. 100, de plus que les autorisations totales cernées dans les prévisions budgétaires de 2017-2018. Je le répète : ces chiffres proviennent du Bureau du directeur parlementaire du budget.

Honorables sénateurs, partout au pays, les Canadiens sont très inquiets pour leurs enfants et leurs petits-enfants, ainsi que pour leur qualité de vie.

[Français]

Honorables sénateurs, à titre de président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, je tiens à saluer le dévouement et la détermination des membres du comité, qui veillent à montrer aux contribuables canadiens où va l’argent de leurs impôts.

[Traduction]

Sur ce, le comité continuera de s’employer à ce que les Canadiens et le gouvernement comprennent les principaux objectifs que visent à atteindre les personnes qui siègent dans cette vénérable enceinte, soit la transparence, la responsabilité et la prévisibilité.

[Français]

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’occasion de la deuxième lecture du projet de loi C-80. C’est souvent par l’entremise des chiffres qu’il est possible d’évaluer les véritables actions des gouvernements. Je souhaite donc attirer votre attention sur les dépenses du gouvernement liées au projet de loi C-80. En outre, j’aimerais vous faire part de mes préoccupations en ce qui concerne les impacts de ces dépenses sur les jeunes et sur la lutte contre la conduite avec les facultés affaiblies.

D’abord, le projet de loi C-80 ne propose aucune augmentation des dépenses pour soutenir les services de justice destinés aux jeunes qui ont des problèmes avec les policiers. Pourtant, les besoins seront de plus en plus criants au cours des années à venir. Il importe de mentionner, entre autres, qu’au Québec, de 2003 à 2012, chez les jeunes âgés de 12 à 17 ans, le taux de criminalité a augmenté de 30 p. 100. Les besoins pressent dans les centres jeunesse, car ceux-ci débordent de jeunes délinquants. Les Canadiens, plus particulièrement les parents, méritent de savoir ce qu'il adviendra du Programme de financement des services de justice pour les jeunes dans le cadre de ce projet de loi et pourquoi le gouvernement fédéral a réduit son enveloppe budgétaire.

Les subventions au titre du Fonds pour le renouvellement du système de justice pour les jeunes et des Contributions du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires pour l’aide juridique destinée aux jeunes demeureront les mêmes jusqu’en 2019. Plutôt que d’assurer une planification rigoureuse, le gouvernement fait de l’improvisation.

Le Programme de financement des services de justice pour les jeunes est une aide financière grâce à laquelle les provinces et les territoires peuvent offrir aux jeunes qui ont des démêlés avec la justice un éventail de programmes et de services favorisant des mesures de responsabilisation, de réadaptation et de réintégration sociale.

De la part d’un gouvernement qui souhaite légaliser la marijuana et augmenter les interactions entre les jeunes et le système de justice, on se serait attendu, à tout le moins, à une augmentation de ces budgets.

Il y a aussi une autre contradiction dans le projet de loi C-80 : les tribunaux de traitement de la toxicomanie connaîtront une baisse de leur financement. Ce programme vise à favoriser et à renforcer les recours aux solutions de rechange à l’incarcération lorsqu’un délinquant a des problèmes de toxicomanie.

En effet, lorsque nous avons analysé le Budget principal des dépenses de 2018-2019, et plus précisément le tableau 193 intitulé Liste des paiements de transfert de 2018-2019 — Ministère de la Justice, nous avons constaté une baisse du financement par rapport aux sommes accordées en 2016-2017. En 2016-2017, 3 646 000 $ ont été octroyés au titre des dépenses réelles pour ces tribunaux. Cependant, en 2017-2018, le gouvernement accorde moins de crédits, soit 3 631 276 $, ce qui représente une baisse de près de 30 000 $. Ce sera la même somme réduite pour le Budget principal des dépenses de 2018-2019. Donc, pendant trois ans, nous aurons des budgets réduits.

(1520)

Pourtant, le Programme de financement des tribunaux de traitement de la toxicomanie est plus important que jamais, étant donné la crise des opioïdes et la légalisation du cannabis. D’ailleurs, Le Devoir nous informait ce matin que les opioïdes et le cannabis ont causé la mort de plus de 4 000 Canadiens l’an dernier, ce qui équivaut à une augmentation de 33 p. 100 par rapport au taux de 2016. Les surdoses liées à ces drogues sont maintenant la cause principale de décès chez les hommes âgés de 30 à 39 ans.

Les Canadiens ont le droit de se questionner sur la logique de ce gouvernement et sur sa vision à long terme. En fait, la question que l’on devrait se poser est plutôt la suivante : a-t-il vraiment une vision?

D’autre part, j’aimerais porter à votre attention une autre contradiction flagrante dans le discours du gouvernement Trudeau. Ce dernier promet d’investir 80,5 millions de dollars sur cinq ans dans le cadre de sa Stratégie fédérale de lutte contre le tabagisme. Par contre, il consacrera moins d’argent aux campagnes de sensibilisation aux dangers du cannabis. En effet, des initiatives de prévention et d’éducation sur l’usage de cette drogue seront financées à hauteur de 62,5 millions de dollars sur cinq ans, ce qui correspond à près de 18 millions de moins que le financement destiné à la lutte antitabac.

Enfin, les dépenses liées à la réaffectation des laboratoires de la GRC responsables de l’analyse des échantillons feront aussi l’objet de réductions importantes. Cela est tout simplement inacceptable dans le contexte actuel où le gouvernement prétend vouloir renforcer la sécurité routière à l’heure de la légalisation de la marijuana.

J’ai révisé les budgets de la GRC de 2017 à 2019. On n’y trouve aucune augmentation budgétaire pour les laboratoires de la GRC, mais on y voit plutôt des compressions de l’ordre de 1 million de dollars pour cette année et de 2 millions de dollars pour l’an prochain. Le gouvernement ramènera ce budget à 3 millions de dollars dans trois ans. Pour les deux années subséquentes, on ne constate aucune augmentation des budgets. Pourtant, les services de toxicologie des Services nationaux de laboratoire judiciaire appuient l’application des lois qui traitent de la conduite avec facultés affaiblies. Ces services comprennent l’analyse judiciaire d’échantillons biologiques pour déceler la présence de drogues ou d’alcool et le soutien qu’apportent des témoins experts aux tribunaux.

Le 3 mai 2018, lors de son témoignage devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, M. Wade Oldford, surintendant principal et directeur général des Services nationaux de laboratoire judiciaire à la Gendarmerie royale du Canada, a expliqué que les laboratoires de la GRC ne suffisaient pas à la demande, et je cite ses propos :

Il est important de mentionner que les Services judiciaires des Services nationaux de laboratoire judiciaire, y compris la toxicologie judiciaire, fonctionnent actuellement à plein régime.

Il a ajouté ce qui suit :

[...] on s’attend à ce qu’il y ait une augmentation importante de la charge de travail quant aux demandes liées aux facultés affaiblies par la drogue une fois les contrôles routiers mis en œuvre.

On s’attend également à ce que le nombre de demandes de soutien scientifique et technique formulées par les procureurs auprès des toxicologues judiciaires avant les procès soit considérablement plus élevé.

Le fonctionnaire n’a jamais pu expliquer ces coupes budgétaires. Je trouve inconcevable que, dans ce contexte, on réduise le financement des laboratoires de la GRC.

Honorables sénateurs, je ne voterai certainement pas en faveur du projet de loi C-80. Celui-ci ne fait que confirmer le manque de planification et de logique dans l’approche du gouvernement face à la légalisation du cannabis. Les jeunes seront les grands perdants. Ce gouvernement a manqué une belle occasion d’adopter une véritable approche à long terme du système de justice à l’égard des jeunes dans le contexte de la légalisation du cannabis.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-80, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2019.

J’ai pris note des commentaires de la sénatrice Bellemare au sujet de la réforme du processus budgétaire par le gouvernement dans le but de le rendre plus transparent, mais je suis préoccupé par un aspect du projet de loi qui s’écarte de la transparence et de la reddition des comptes, c’est-à-dire le poste de 7 milliards de dollars dans le budget du Conseil du Trésor. Le directeur parlementaire du budget a indiqué que la mesure législative éliminera la nécessité de soumettre les dépenses de plus de 7 milliards de dollars à l’examen prévu par le processus actuel de présentation au Conseil du Trésor. Selon lui, cette mesure signifie que « la vérification diligente […] ne sera plus effectuée sur les nouvelles mesures de dépenses budgétaires avant que le gouvernement ne demande l’approbation du Parlement ».

Le directeur parlementaire du budget nous a affirmé inlassablement que nous renoncerons à une grande partie de notre surveillance parlementaire de la façon dont l’argent sera dépensé. Il s’agit d’un fonds géré séparément et quelque peu dissimulé. Certaines personnes l’ont qualifié de « caisse noire ». Je tiens à préciser que je ne pense pas nécessairement que des activités illicites découleront de cette demande de plus de 7 milliards de dollars, mais je me demande quels avantages ces fonds pourraient avoir pour mon territoire, le Nunavut.

Les 7 milliards de dollars serviront-ils à financer des projets d’infrastructure nécessaires, comme ceux qui ont récemment été rejetés par la direction du Fonds national des corridors commerciaux de Transports Canada, notamment le projet de construction d’une route et d’un port à Grays Bay, le projet de déménagement de l’aéroport de Pangnirtung, le projet de déménagement de l’aéroport de Kimmirut, le projet de construction d’une route à Kivalliq et le projet maritime de Qikitarjuaq? Ce montant de 7 milliards de dollars pourrait peut-être servir à financer la construction de plus de ports en eau profonde, l’achat de matériel de recherche et de sauvetage ou la construction de logements dont le Nord a désespérément besoin. Est-il possible qu’une partie du montant soit versée aux installations de santé mentale, aux programmes offerts par les centres de santé communautaires ou aux installations récréatives? Sans examen approprié, je ne sais pas s’il s’agit d’une réelle possibilité.

Chers collègues, je préférerais que ce montant de plus de 7 milliards de dollars soit mis de côté dans le projet de loi pour de futures demandes de fonds. Je préférerais savoir exactement comment cet argent sera dépensé, afin de pouvoir demander des comptes au gouvernement et lui faire respecter ses promesses. Toutefois, je crois comprendre que je recevrai une note après coup au sujet des décisions qui auront été prises sans le niveau de surveillance auquel on s’attend et que l’on exige d’habitude lorsque le gouvernement dépense de grosses sommes de fonds publics.

Honorables sénateurs, je ne peux pas, en toute conscience, appuyer la mesure du gouvernement visant à établir un fonds distinct de 7 milliards de dollars qui n’est pas géré avec la même rigueur et la même surveillance que les autres fonds. Le directeur parlementaire du budget est un mandataire du Parlement qui a le mandat de :

[...] présenter au Parlement une analyse indépendante sur le budget, les budgets des dépenses et d’autres documents, sur les questions d’importance particulière quant à l’état des finances ou à l’économie du pays énoncées dans son plan de travail annuel, ainsi que, à la demande d’un comité ou d’un parlementaire, sur les coûts de toute mesure proposée relevant des domaines de compétence du Parlement .

Dans ce cas, pourquoi ne tenons-nous pas compte des avertissements selon lesquels il s’agit d’une décision dangereuse? Ne devrions-nous pas respecter l’avis des personnes qui ont été choisies pour être des mandataires du Parlement? Voilà pourquoi je ne peux pas voter et je ne voterai pas en faveur du projet de loi C-80. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(1530)

[Français]

Projet de loi sur le cannabis

Projet de loi modificatif—Message des Communes—
Adoption de la motion d’adoption de l’amendement
des Communes et de renonciation aux amendements
du Sénat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Mitchell,

Que le Sénat agrée l’amendement que la Chambre des communes a apporté à l’amendement 31 du Sénat au projet de loi C-45, Loi concernant le cannabis et modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, le Code criminel et d’autres lois;

Que le Sénat n’insiste pas sur ses amendements 3, 4, 7, 8, 9, 11a), 17a), 23, 25, 26, 32, 33 et 38, auxquels les Communes n’ont pas acquiescé;

Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.

L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, nous sommes aujourd’hui face à une situation très particulière. Notre Chambre a fait une étude exceptionnelle du projet de loi C-45. Nous avons entendu plus de 240 témoins et reçu plusieurs mémoires. Nous avons posé des questions pertinentes et obtenu des réponses claires dans la plupart des cas. Nous avons mené une réflexion de fond et nous avons débattu sereinement, car c’est là notre rôle primordial. C’est justement ce dont nous débattons actuellement : le rôle du Sénat.

Je dois admettre que je suis déçu de la position du gouvernement. Par sa réponse, il fait preuve de peu de considération pour le travail impeccable et non partisan auquel nous nous sommes livrés. Toutefois, c’est sa prérogative.

En ce qui concerne le message de la Chambre des communes, j’aimerais tout d’abord exprimer mes vues au sujet de l’amendement no 25 sur la transparence et la divulgation des noms des administrateurs, des dirigeants et des investisseurs des compagnies qui produisent du cannabis.

Je comprends mal la position du gouvernement. Son objectif est de retirer le crime organisé du marché du cannabis. Pourtant, la Gendarmerie royale du Canada persiste et signe : la légalisation de la marijuana n’éliminera pas le crime organisé en ce qui concerne le commerce illicite de cette drogue, malgré les prétentions du gouvernement.

Permettez-moi de citer, à cet égard, les propos du commissaire Kevin Brosseau.

Étant donné la participation du crime organisé au marché illégal du cannabis, nous ne nous attendons pas à ce que la loi contribue à éliminer la présence du crime organisé dans le marché du cannabis. Elle contribuera à diminuer sa présence, mais pas à l’éliminer.

Plus de la moitié du cannabis que la Société des alcools du Québec prévoit acheter proviendra d’entreprises financées par l’entremise des paradis fiscaux. Le Québec a conclu des contrats avec six entreprises pour approvisionner la Société québécoise du cannabis, une filiale à part entière de la SAQ, qui aura le monopole de la vente de cannabis au Québec. Trois de ces entreprises, qui fourniront 33 000 des 62 000 kilos de marijuana qu’entend acheter Québec en 2018-2019, reçoivent des dizaines de millions de dollars provenant des paradis fiscaux.

À ma très grande surprise, notre amendement sur les paradis fiscaux a été rejeté par le gouvernement. Je dois en conclure que le premier ministre cautionne l’utilisation des paradis fiscaux pour investir dans des compagnies qui font la culture du cannabis et qui évitent d’être taxées au Canada. En tout, 35 des 86 producteurs autorisés par Santé Canada, soit 40 p. 100 d’entre eux, ont bénéficié d’un financement off-shore au cours des deux dernières années.

Honorables sénateurs, vous conviendrez que si nous souhaitons lutter contre les activités du crime organisé, il serait impératif de l’empêcher d’intégrer le marché légal du cannabis sous le couvert de l’anonymat ou des paravents des paradis fiscaux. Que le gouvernement rejette cet amendement, qui a pourtant reçu un appui solide des sénateurs, me laisse bouche bée.

L’organisme Transparency International Canada avait réagi à mon amendement en affirmant ceci :

Cet amendement est une étape cruciale et importante qui démasque ceux qui pourraient abuser des sociétés productrices de cannabis et des fiducies pour cacher la source de fonds et la richesse de leurs propriétaires véritables [...]

La réponse du gouvernement est également paradoxale. Elle se lit comme suit :

rejette respectueusement les amendements 17a) et 25 parce que d’autres amendements apportés par le Sénat que la Chambre accepte conféreraient au ministre des pouvoirs accrus permettant d’exiger des habilitations de sécurité, et que les amendements 17a) et 25 présenteraient des défis importants au niveau opérationnel et des préoccupations en ce qui concerne la vie privée;

Nous devons comprendre que, devant un défi opérationnel, le gouvernement fuit ses responsabilités en ce qui concerne l’élimination du crime organisé dans l’industrie du cannabis. Pourtant, n’est-ce pas là précisément l’objectif du projet de loi C-45?

Par ailleurs, nous sommes maintenant face à un message de la Chambre des communes qui me laisse pantois. Dans leurs déclarations antérieures, le premier ministre et certains de ses ministres ont laissé entendre que la loi fédérale s’appliquerait en soutenant que le projet de loi autorisait la culture de quatre plantes à domicile, en opposition à la volonté du Québec et du Manitoba de l’interdire. Ce faisant, le gouvernement crée une confusion dans l’esprit des citoyens. N’oublions pas que le projet de loi C-45 modifie le Code criminel. Il importe de rappeler que c’est la compétence fédérale en matière de droit criminel qui fonde l’intervention du gouvernement fédéral dans ce dossier. Voici les trois éléments d’une règle de droit criminel valide : 1) une interdiction; 2) une sanction qui l’appuie; 3) un but de nature publique qui permet de le rattacher au droit criminel.

Essentiellement, honorables sénateurs, le Code criminel interdit des comportements. L’exercice de la compétence ne permet pas de créer un droit ou de promouvoir des actions. Par ailleurs, les représentants du gouvernement ont mentionné, lors des audiences, que l’article sur la culture à domicile ne créait pas de droit. Ainsi, Mme Labelle, du ministère de la Justice, le 21 mars dernier, déclarait ce qui suit :

Je peux dire, cependant, qu’on a élaboré avec minutie le projet de loi afin de ne pas créer un transfert de droit ou un droit. Je ne suis pas certaine de savoir comment on soulèverait une contestation. Il ne s’agit pas d’un droit de possession. Ce n’est pas un transfert de droit de possession. C’est simplement le fait que le droit criminel ne s’y applique pas.

Pourtant, dans sa réponse, le gouvernement reste flou et entretient la confusion devant ces distinctions importantes.

Voici le message concernant l’amendement no 3 :

rejette respectueusement l’amendement 3 parce que le gouvernement a été clair que les provinces et territoires sont capables d’imposer des restrictions supplémentaires en ce qui concerne la culture personnelle, mais qu’il est essentiel que la culture personnelle soit permise afin de soutenir l’objectif du gouvernement de déplacer le marché illégal;

Toute personne un tant soit peu lucide comprendrait, à la lecture de ce texte, que le gouvernement fédéral prétend autoriser la culture à domicile au lieu de lever l’interdiction à moins de quatre plantes à la maison.

Dans le Renvoi relatif à la Loi sur la procréation assistée, la juge en chef McLachlin mentionnait ce qui suit, en ce qui concerne la compétence fédérale en droit criminel :

[Traduction]

À mon sens, l’exigence voulant qu’une disposition de droit criminel renferme une interdiction fait l’obstacle à l’affaiblissement de la compétence provinciale en matière de santé. Le pouvoir fédéral de légiférer en droit criminel ne peut être exercé que pour interdire des actes, et non pour promouvoir des pratiques médicales bénéfiques. Une loi fédérale (comme celle visée en l’espèce) peut prévoir de nombreuses exceptions pour les pratiques que le Parlement n’entend pas interdire. Or, ce faisant, elle n’autorise pas vraiment ces pratiques, elle s’abstient seulement de les interdire. Cela a d’importantes répercussions sur l’application de la règle de la prépondérance fédérale. Dans le cas où une province adopte une réglementation plus stricte que celle du Parlement, il n’y a pas de conflit d’application, puisqu’il est possible d’observer les deux. En outre, l’objectif législatif fédéral ne serait pas contrecarré, car une disposition pénale fédérale ne vise qu’à interdire certaines pratiques. Le régime provincial plus strict complèterait le droit criminel fédéral […] Il pourrait y avoir incompatibilité entre une règle de droit criminel et un régime provincial moins sévère.

[Français]

Cela nous amène à approfondir davantage la question de la prépondérance de la loi fédérale en cas de conflit avec une loi provinciale. Qu’en est-il exactement? La législation fédérale, qui est validement adoptée, a préséance sur toute législation également valide, mais incompatible avec elle. Pour appliquer ce principe, il doit y avoir un conflit entre les deux lois. Il y a conflit dans les cas suivants : 1) l’application concomitante ou complémentaire des lois est impossible, ce qui suppose que le respect d’une loi entraîne la violation de l’autre loi; 2) lorsque la loi provinciale vient contrecarrer ou entraver l’objectif du législateur fédéral. En suivant la jurisprudence en la matière, le degré d’incompatibilité est exigeant.

(1540)

Selon l’ouvrage Droit constitutionnel, 6e édition, les auteurs Henri Brun, Guy Tremblay et Eugénie Brouillet soutiennent ce qui suit, et je cite :

Le fait que la loi provinciale comporte des exigences plus sévères que la loi fédérale, ou des exigences additionnelles, ne peut entraîner d’incompatibilité d’application : le justiciable peut se conformer au deux : Irwin Toy Ltd c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p.963-964

Ils soutiennent également ceci, dans l’arrêt Québec (procureur général) c. Canadian Owners and Pilots Association, [2010] 2 R.C.S. 536, paragraphe 66, et je cite :

De façon générale, La cour suprême a jugé que la norme d’invalidation d’une loi provinciale au motif qu’elle entrave la réalisation de l’objet fédéral est élevée; une loi fédérale permissive, sans plus, ne permettra pas d’établir l’entrave de son objet par une loi provinciale qui restreint la portée de la permissivité de la loi fédérale [...]

De plus, pour que le principe de la prépondérance fédérale s’applique, la loi fédérale doit être valide et se justifier au regard de l’exercice, par le Parlement fédéral, de l’une ou l’autre de ses compétences.

Or, la loi provinciale et la loi fédérale poursuivent les mêmes objectifs, soit d’éloigner les jeunes du cannabis et d’éliminer le marché illicite, pour ne nommer que ces deux objectifs. Les deux lois, fédérale et provinciale, peuvent cohabiter sans qu’il n’y ait de conflit. Il s’agit de deux voies distinctes qui visent à nous conduire vers la même destination.

Cependant, honorables sénateurs, avec les déclarations des ministres du gouvernement et avec le texte de la réponse de la Chambre des communes, il m’apparaît essentiel que nous insistions pour maintenir l’amendement no 3, visant à intégrer au projet de loi C-45 une clause interprétative visant à reconnaître la compétence des provinces pour réglementer et prohiber l’usage du cannabis à domicile.

Hier, le sénateur Harder nous a livré un long discours dans lequel il nous invitait à appuyer la position du gouvernement. À plus de huit reprises, il a affirmé que les provinces pouvaient fixer une limite quant au nombre de plantes de cannabis pour la culture à domicile, soit d’une à quatre plantes. En aucun temps il n’a été question de zéro plante. Je le mets au défi de nous indiquer l'article dans le projet de loi qui traite de cette notion selon laquelle les provinces peuvent fixer la limite à une seule plante, mais pas à zéro plante. Il ne pourra pas le faire, car une telle disposition n’existe tout simplement pas dans le projet de loi.

Le sénateur Harder affirme que les propriétaires d’immeubles en copropriété pourront interdire la culture à domicile, contrairement aux gouvernements provinciaux. Il s’agit d’une contradiction évidente dans les propos du sénateur Harder, ce que le sénateur Forest n’a pas hésité à faire ressortir.

En avril, le ministre Fournier, lors de son témoignage au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, a justifié l’interdiction de la culture à domicile prévue par la loi québécoise en invoquant notamment la protection des jeunes. À son avis, la possibilité de cultiver des plantes à domicile créait des occasions pour le marché illicite. Il s’agit des mêmes objectifs que ceux du gouvernement fédéral. Il ne peut donc y avoir une entrave à l’une ou l’autre des lois fédérale et provinciale.

Rejet de la motion d’amendement

L’honorable Claude Carignan : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée :

1.par suppression, au deuxième paragraphe, du renvoi à l’amendement 3;

2.par substitution, au troisième paragraphe, de ce qui suit :

« Que le Sénat insiste sur son amendement 3, auquel les Communes n’ont pas acquiescé;

Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur son amendement 3 et présente son rapport exposant les motifs de cette insistance au plus tard le premier jour que le Sénat siège après l’adoption du présent ordre;

Que, après que le Sénat a agréé les motifs de son insistance, un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer. ».

Son Honneur la Présidente intérimaire : En amendement, il est proposé par l’honorable sénateur Carignan, appuyé par l’honorable sénatrice Andreychuk, que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée...

Des voix : Suffit!

Son Honneur la Présidente intérimaire : En débat.

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos de l’amendement du sénateur Carignan.

Cet amendement important vise à corriger une grave erreur dans le message de la Chambre des communes que nous avons reçu hier. Il faut insister pour que l’amendement no 3 soit maintenu dans le projet de loi C-45. Cet amendement que nous, les sénateurs conservateurs, vous invitons à maintenir dans le projet de loi C-45 vise à préserver la compétence du Québec et des provinces qui désirent interdire la culture du cannabis à domicile.

Honorables collègues, le rejet de cet amendement irait à l’encontre des objectifs légitimes de l’Assemblée nationale du Québec, qui a adopté, il y a quelques jours, un projet de loi qui interdit la culture des plantes de cannabis à domicile. Cette loi est notamment le fruit de nombreuses consultations auprès d’experts et de fonctionnaires qui comprennent bien le Québec. Pour reprendre les mots de la ministre québécoise dans son discours à l’Assemblée nationale, et je cite :

[...] on a mis en place un comité qui regroupait plus d’une dizaine de ministères. Je vous les énumère : ministère de la Santé et des Services sociaux, ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, ministère du Conseil exécutif, ministère de la Sécurité publique, ministère des Finances du Québec, ministère de la Justice du Québec, ministère du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, ministère des Transports, de la Mobilité durable et de l’Électrification du transport, ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport, ministère de l’Enseignement supérieur, Secrétariat aux affaires autochtones et Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes.

Vous comprendrez, chers collègues, que la position du Québec est basée sur la réalité québécoise. On ne peut pas passer sous silence la position légitime du Québec, appuyée par des preuves scientifiques et sérieuses.

Le gouvernement du Québec a aussi tenu des consultations dans toutes les régions du Québec. Les consultations régionales ont été menées à Rimouski, à Québec, au Saguenay, à Trois-Rivières, à Granby, à Montréal et à Gatineau. En tout, 128 mémoires ont été déposés par des organisations et 570 citoyens ont participé aux consultations. La ministre québécoise était présente à toutes ces réunions. Le processus de consultation mis en place par le gouvernement du Québec a pris la forme d’un forum d’experts sur l’encadrement du cannabis. Plus de 200 experts de divers horizons ont discuté des enjeux québécois liés à l’encadrement fondé.

Enfin, les Québécois ont été invités à répondre à une consultation en ligne entre le 21 août et le 12 septembre 2017. Environ 12 500 Québécois et Québécoises ont répondu à ce sondage. À titre comparatif, la consultation du Groupe de travail fédéral sur la législation et la réglementation du cannabis est bien maigre, puisqu’elle n’a rejoint que 2 000 Canadiens. Six fois plus de Québécois se sont prononcés sur le projet de loi du gouvernement québécois en matière de légalisation de la marijuana.

Sur la base de ces consultations, le Québec a adopté sa loi. Cette loi est fondée sur des principes de santé et de sécurité publiques conformes à la position du Québec, soit d’interdire la culture du cannabis à domicile. Les Québécois veulent que l’on restreigne la culture du cannabis à domicile. À titre de sénateur québécois, j’ai le devoir de représenter le Québec dans l’espace fédéral, en cette Chambre.

Le 13 juin dernier, la ministre québécoise déléguée à la Réadaptation, à la Protection de la jeunesse, à la Santé publique et aux Saines habitudes de vie, Mme Lucie Charlebois, a clairement résumé la position légitime du gouvernement québécois en affirmant ce qui suit, et je cite :

Je m’attends à un respect de nos champs de compétence. S’il y a une bataille juridique à faire, on va la faire.

Dans un discours qu’elle a livré à l’Assemblée nationale le 11 juin dernier, la ministre responsable de ce dossier a expliqué une des raisons de cette position comme suit, et je la cite à nouveau :

Donc, il aurait été conséquent et cohérent que la ministre accepte notre proposition de légaliser et d’accepter que, pour usage personnel, les gens puissent faire pousser leurs propres plantes, je le répète, pour diminuer les conséquences néfastes sur le plan social, de l’aggravation des problèmes sociaux liés à la fragilisation économique lorsque quelqu’un a des problèmes de dépendance.

À titre de sénateur conservateur qui défend les intérêts du Québec en cette Chambre, je ne veux pas faire partie du fossé qui se creusera entre Ottawa et le Québec. Je m’attends à un respect des champs de compétence des provinces, comme le Québec et le Manitoba.

Lorsque le gouvernement Trudeau dit non au Québec, il dit non à l’Assemblée nationale. Je suis très fier, à titre de sénateur du district sénatorial de La Salle, qui se trouve au cœur du Québec, de me prononcer au nom du Québec en appuyant l’amendement du sénateur Carignan. Voter contre l’amendement du sénateur Carignan signifie s’opposer au droit légitime de l’Assemblée nationale d’appliquer sa propre loi, qui est le fruit d’une consultation intensive. Voter contre l’amendement du sénateur Carignan équivaut à sanctionner la position irresponsable des députés libéraux du caucus du Québec, qui n’ont jamais pris la parole au nom de leur province dans le cadre de ce débat.

(1550)

Honorables sénateurs du Québec, la question fondamentale que vous devez vous poser lorsque vous voterez sur l’amendement du sénateur Carignan est la suivante : est-ce que je représente ici l’intérêt du Québec ou celui du premier ministre du Canada?

Son Honneur la Présidente intérimaire : Sénateur Boisvenu, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Boisvenu : Oui.

L’honorable André Pratte : Sénateur Boisvenu, vous avez parlé des consultations complètes sur la légalisation du cannabis que le gouvernement du Québec a tenues. Vous avez mentionné le fait que plus de 12 000 personnes ont été consultées par le truchement d’Internet. Comment interprétez-vous le fait que, sur ces quelque 12 000 personnes consultées, plus de 60 p. 100 d’entre elles se sont dites en faveur de la culture du cannabis à domicile?

Le sénateur Boisvenu : Je comprends la position de ceux qui ont répondu au sondage. Toutefois, sur une base scientifique et en matière de sécurité publique, le gouvernement estime que la culture de la marijuana à domicile constitue un risque au chapitre de la santé des jeunes et de l’interrelation sociale lorsque le cannabis sera légalisé. Or, c’est un choix que le Québec fait et, en tant que sénateur du Québec, je respecte ce choix.

L’honorable Marc Gold : Honorables sénateurs, à titre de sénateur du Québec, je prends la parole pour vous expliquer pourquoi je voterai contre l’amendement, et ce, dans un esprit de transparence.

Premièrement, comme vous le savez, j’appuie fortement le projet de loi C-45. J’ai plaidé et voté contre plusieurs amendements, à la fois au sein du comité et à la Chambre, parce que je les jugeais incompatibles avec les objectifs du projet de loi. J’ai voté contre les autres amendements parce que je m’opposais fermement à l’idée de retarder l’entrée en vigueur du projet de loi.

Par ailleurs, j’ai appuyé l’amendement sur la culture à domicile dont il est question aujourd’hui et, à mon avis, le gouvernement a eu tort de le rejeter. Néanmoins, je comprends l’argument du gouvernement, qui a tout de même du mérite. Cependant, je ne suis pas convaincu que l’interdiction de la culture à domicile compromette nécessairement l’objectif de réduction du marché illicite, surtout dans le cas où des mesures sont prises pour que le prix du cannabis légal dans les régions plus éloignées soit comparable à celui des centres urbains.

Malgré les arguments solides qui ont été évoqués en faveur de l’interdiction provinciale et qui sont compatibles avec le projet de loi C-45, je suis d’accord avec le sénateur Carignan en ce qui concerne cet aspect du droit constitutionnel, notre sujet favori ces jours-ci. J’ai appuyé l’amendement en question, parce qu’il clarifie l’incertitude entourant l’interaction entre les lois fédérales et provinciales. De plus, il correspond, à mon sens, au juste équilibre qu’il faut établir entre l’exercice de la compétence législative fédérale et provinciale.

Deuxièmement, soyons clairs sur ce qui est ici en cause et sur ce qui ne l’est pas. Il ne s’agit pas d’une attaque envers la compétence provinciale. Ce n’est pas non plus un cas où le gouvernement fédéral impose une vision très centralisée du fédéralisme pour détruire les provinces. Au contraire, le projet de loi C-45 et l’approche du gouvernement fédéral comprennent un large éventail de moyens par lesquels les compétences provinciales sont reconnues. Cela a été bien expliqué lors du discours du sénateur Harder, et je ne le répéterai pas ici, sauf pour ajouter quelque chose. Le sénateur a mentionné à quel endroit, dans le texte de loi, se trouve cette référence aux pouvoirs législatifs des provinces. Il dit que cela n’existe pas. Il n’est pas nécessaire que cet aspect s’y trouve, compte tenu du paragraphe 92(13) de la Constitution. Il est donc clair que les provinces ont le pouvoir de légiférer, et elles l’ont fait de plusieurs façons.

J’aimerais dire également qu’il ne fait aucun doute que le pouvoir fédéral de légiférer en droit criminel est adéquat pour appuyer le projet de loi C-45 en ce qui concerne la décriminalisation de la possession ou de la culture à domicile d’un maximum de quatre plantes. Il n’est aucunement question de droit constitutionnel. Les deux champs de compétence sont là et sont respectés.

Alors, quel est l’enjeu? Il s’agit simplement d’un argument sur une branche de la doctrine de la prépondérance en droit constitutionnel. Dans ce cas-ci, le rejet de l’amendement vise simplement à éliminer une zone d’incertitude quant à la portée de la compétence provinciale.

Je continue de croire que l’amendement est une bonne idée. Alors, pourquoi est-ce que je m’oppose à l’amendement du sénateur Carignan? Je le fais pour deux raisons. La première, c’est la conviction que nous devons nous fonder sur des principes dans notre prise de décisions et nous assurer que nos positions sont cohérentes et constantes.

J’appuie le projet de loi C-45 et je crois toujours qu’un report de l’application de la loi est nuisible. Bien que le gouvernement n’ait pas accepté l’amendement, il a reconnu, dans une mesure encore plus grande qu’il ne l’a fait jusqu’à présent, la vaste gamme de règlements et de compétences provinciales qui seraient conformes à l’approche du projet de loi C-45.

Honorables sénateurs, nous avons bien fait notre travail. Nous avons été entendus. Nous nous sommes acquittés de nos responsabilités envers les citoyens et citoyennes que nous représentons. Nous ne sommes pas ici pour représenter les gouvernements provinciaux. Nous nous sommes acquittés de nos responsabilités envers les Canadiens, les Canadiennes, les Québécois et les Québécoises.

Cela m’amène à la deuxième raison, c’est-à-dire ma compréhension du rôle constitutionnel approprié que joue le Sénat en tant qu’institution législative indépendante et complémentaire au sein du système parlementaire.

Honorables sénateurs, il y a eu des circonstances où le Sénat a insisté sur ses amendements, et cela se reproduira peut-être encore à l’avenir. Cependant, lorsque je considère toutes les positions concurrentes en ce qui concerne ce message du gouvernement, j’en conclus qu’il ne s’agit pas d’une attaque contre la compétence provinciale. Ce n’est pas non plus une attaque contre les minorités vulnérables ni un cas où le projet gouvernemental est déraisonnable et sans fondement rationnel. Il s'agit d'un désaccord avec quelques gouvernements provinciaux au sujet d’une branche de la doctrine de la prépondérance en droit constitutionnel.

Selon moi, cela n’atteint pas un niveau tel que notre devoir constitutionnel de résister aux décisions stratégiques de la Chambre élue entre en jeu. Notre travail au Sénat est de fournir un examen objectif de la législation et de l’améliorer, le cas échéant. Notre rôle est aussi de bonifier le travail de la Chambre des communes dans le cadre du processus législatif. C’est ce que nous avons fait. À mon humble avis, il est maintenant temps d’accepter la décision légitime de la Chambre des communes. Je voterai contre l’amendement. Merci.

L’honorable Ghislain Maltais : Honorables sénateurs, je ne répéterai pas ce que les sénateurs Carignan et Boisvenu ont bien expliqué, mais je parlerai d’une chose : la confrontation. Nous nous dirigeons vers une crise constitutionnelle. Le gouvernement du Québec l’a annoncée. Le gouvernement fédéral devra y faire face, et le gouvernement du Manitoba, qui l’a aussi annoncée, devra y faire face également. Pourquoi en sommes-nous arrivés là? Tout simplement parce que le gouvernement fédéral a oublié une chose : obtenir l’accord des provinces avant de s’aventurer dans ce projet de loi. Cela aurait été si simple.

(1600)

Je rappellerai à l’honorable sénateur Gold qu’une crise constitutionnelle commence par de petites choses. Vous ne vous souvenez sans doute pas — compte tenu de votre jeune âge — de la Constitution de 1982, dont le Québec n’était pas signataire. Je vous le rappelle, j’étais à l’Assemblée nationale à l’époque. C’était un beau gâchis, ce qui a fait que le Québec n’a jamais adhéré à la Constitution du Canada, malgré les efforts des premiers ministres Mulroney et Bourassa, malgré l’accord du lac Meech et l’accord de Charlottetown. Nous sommes toujours en attente.

Un projet de loi comme celui-ci est un affront à l’Assemblée nationale du Québec et à l’Assemblée législative du Manitoba. Pourquoi? Parce qu’il empiète sur leurs pouvoirs. Le sénateur devrait se référer à l’article 93 de la Loi constitutionnelle, qui définit fort bien les pouvoirs des provinces. Je suis malheureux de voir qu’il ne m’écoute pas. Il aurait avantage à écouter. Si, aujourd’hui, nous en sommes là, c’est en raison d’un manque de consultation. Un manque de consultation, c’est une insulte, et vous vous dirigez vers cela.

Regardez ce qui se passe en ce moment dans notre pays. Dieu sait que, s’il y a un parlementaire ici qui a défendu la fédération canadienne depuis 35 ans, c’est moi. J’ai vécu tous les référendums pour que le Québec demeure à l’intérieur de la Constitution du Canada. J’ai consacré 25 ans de ma vie au Québec pour qu’il demeure au sein de la Confédération que nos pères ont bâtie avec les provinces en 1867. Ils ne l’ont pas bâtie sur la confrontation, comme aujourd’hui, mais plutôt sur la bonne entente, en respectant les compétences de chacun. C’est ce qui a fait le Canada d’aujourd’hui.

Nonobstant ce qui a été dit par le sénateur Harder, car j’ai écouté attentivement son discours, je lui rappelle simplement et gentiment, avec le sourire, que si c’est la nouvelle Confédération — hier, vous m’avez souhaité la bienvenue dans la nouvelle Confédération —, ce n’est pas la Confédération que je souhaite. Je veux une fédération coopérative, une fédération qui s’entend avec les provinces et qui évite le choc des titans que nous vivrons avec ces deux provinces et que nous verrons peut-être davantage à l’avenir.

Rappelez-vous qu’il y a un courant de changement dans les provinces. Vos appuis s’effritent, c’est une peau de chagrin. D’ici peut-être six mois à deux ans, nous serons votre principal soutien. Seront-ce encore les provinces qui sont avec vous aujourd’hui? Poser la question, c’est y répondre. Simplement, monsieur le Président, si nous en sommes là, c’est à cause d’un manque d’entente.

Je représente le district de Chaouinigane, celui de l’ancien premier ministre avec qui vous avez travaillé, monsieur le Président. L’honorable Jean Chrétien fait partie de mon district sénatorial. Je représente aussi le Québec. J’invite tous les sénateurs à regarder le certificat qu’ils signent lorsqu’ils sont assermentés. Ils doivent avoir à cœur les intérêts de leur province. Il s’agit de leur assemblée législative et, dans le cas du Québec, de l’Assemblée nationale. Nous devons tout faire, ensemble, pour éviter toute confrontation qui finirait devant les tribunaux et qui pourrait durer des années, tout simplement parce qu’on ne s’est pas entendu.

Est-ce le temps pour le Canada de s’embarquer dans des luttes interprovinciales? L’économie, selon les rapports des banquiers, risque de stagner au cours des prochaines années. Le Canada n’a pas les moyens de s’aventurer dans une guerre constitutionnelle qui finirait on ne sait où. Il y aurait certainement des perdants. Y aurait-il des gagnants? Non. Que ce soit les provinces ou le gouvernement fédéral, il n’y aurait pas de gagnants. Tout cela — et je vous le rappelle bien humblement — pour mettre en vigueur une loi qui servira à vendre de la drogue dans notre pays.

Était-ce nécessaire? Si le Canada était en guerre, je voterais immédiatement les crédits dont le gouvernement a besoin pour nous défendre, mais toute cette perte de temps pour permettre à notre pays de devenir un vendeur de drogue... Il doit franchement y avoir autre chose à faire dans notre pays. Il n’est pas nécessaire, pour en arriver là, de faire une confrontation constitutionnelle. J’invite les sénateurs du Québec, lorsqu’ils se lèveront tout à l’heure pour voter, à penser aux intérêts de leur province, de leur pays, de peser le pour et le contre, et c’est très important. Nous allons tous retourner chez nous dans quelques jours et nous aurons à répondre de nos actions. Nous sommes le dernier rempart du Québec, et je vous invite à être sur ce rempart.

[Traduction]

Son Honneur le Président : Voulez-vous poser une question, sénatrice Lankin?

La sénatrice Lankin : Non, je veux participer au débat sur l’amendement.

Son Honneur le Président : J’ajoute votre nom à la liste.

Nous poursuivons le débat. Le sénateur Pratte a la parole.

[Français]

L’honorable André Pratte : Honorables sénateurs, de tous les amendements que le Sénat a proposés à la Chambre des communes — à l’autre endroit, pardon —, il y en a un qui était particulièrement important à mes yeux. C’est l’amendement qui vise à protéger la compétence des provinces sur la question de la culture du cannabis à domicile. L’amendement était notamment important pour deux raisons.

D’abord, partout au pays, la culture à domicile suscite beaucoup de préoccupations, y compris chez ceux qui sont favorables à la légalisation. On s’inquiète de ses impacts sur le marché criminel, les relations entre voisins, la salubrité des logements et la santé des enfants, entre autres choses. Il est vrai que certaines de ces inquiétudes sont fondées sur des scénarios peu réalistes, mais il y en a beaucoup qui sont légitimes aussi.

La deuxième raison pour laquelle cet amendement revêtait une importance particulière, c’est que le désaccord entre le gouvernement du Canada et certaines provinces, y compris le Québec et le Manitoba, plongera les habitants de ces régions dans la confusion pendant quelques années. C’est une situation légalement et socialement malsaine.

Le gouvernement a rejeté l’amendement en affirmant que la culture personnelle doit être permise afin de déplacer le marché illégal. Or, on peut tout aussi bien soutenir que la culture à domicile servira à fournir le marché illégal, car il sera très difficile de la contrôler, comme l’ont unanimement affirmé les représentants des forces de l’ordre.

Le gouvernement fédéral soutient aussi que la culture personnelle sera, pour bien des gens qui habitent en région éloignée, le seul moyen de s’approvisionner légalement. En réalité, Ottawa n’en sait rien, puisque la vente au détail du cannabis relèvera des provinces, et rien n’indique que celles-ci ne feront pas en sorte que tous leurs résidents aient accès à la marijuana à un prix concurrentiel. Elles auront d’ailleurs tout intérêt à le faire, puisqu’elles veulent aussi éliminer le marché illicite.

[Traduction]

L’amendement du Sénat proposait un compromis intéressant pour régler ces problèmes, un moyen auquel la Cour suprême a souvent recours dans les cas, comme celui-ci, où les pouvoirs du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux se recoupent : le fédéralisme coopératif.

Dans le cas de la culture de la marijuana à domicile, le gouvernement du Canada invoque ses pouvoirs en matière pénale pour imposer aux provinces le droit absolu de cultiver du cannabis. Ce droit, qui découle du pouvoir fédéral en matière pénale, s’applique à toutes les habitations, indépendamment des circonstances propres aux différentes régions et des choix qui y sont faits.

(1610)

Dans son discours hier soir, le représentant du gouvernement a affirmé qu’un seul plant sépare les provinces et le gouvernement, puisque celles-ci pourront réduire le nombre de plants pouvant être cultivés chez soi. Ce simple plant peut sembler anodin, mais un important principe y est rattaché. Les provinces peuvent-elles légiférer librement dans leur champ de compétence, en l’occurrence, les biens et les droits civils, ou bien est-ce la suprématie fédérale qui s’applique? Les ramifications de cet enjeu vont bien au-delà du débat sur le cannabis, car, chaque fois que le gouvernement invoque la doctrine de la suprématie et chaque fois que les tribunaux sont appelés à en faire l’interprétation, cela a des conséquences cruciales sur la nature de la fédération canadienne.

[Français]

Je précise que, pour ma part, je suis favorable à la culture à domicile. J’estime que, puisqu’il s’agira d’un produit légal, sa culture devrait être autorisée, mais sujette à des limites strictes, comme le prévoient la Loi sur le cannabis, les lois provinciales et les règlements municipaux.

Cependant, je constate que les arguments défavorables à la culture du cannabis à domicile sont tout aussi valables que ceux qui sont mis de l’avant par le gouvernement du Canada. Or, lorsqu’il y a des arguments solides d’un côté comme de l’autre, et qu’il s’agit d’un domaine qui relève de compétences partagées, il vaut mieux laisser aux provinces une marge de manœuvre afin qu’elles mettent en place des solutions qui correspondent à leurs réalités et aux choix de leur population.

Le représentant du gouvernement au Sénat a raison de dire qu’une certaine flexibilité est permise par le projet de loi C-45, mais cette flexibilité s’arrête là où le gouvernement du Canada a décidé unilatéralement qu’elle s’arrêterait. Il est donc clair, à mes yeux, que l’amendement portant sur la compétence des provinces en matière de culture personnelle était justifié et raisonnable. Malheureusement, le gouvernement ne voit pas les choses du même œil.

[Traduction]

De nombreux sénateurs — dont je fais partie — ont réagi avec déception et colère à la réponse du gouvernement sur ce point, mais l’émotion est très mauvaise conseillère dans de telles circonstances, surtout lorsqu’il faut effectuer un second examen objectif. Ce que nous devons décider ce soir, ce n’est pas la façon dont nous allons exprimer notre frustration. Nous devons décider d’accueillir favorablement le message du gouvernement ou d’insister sur cet amendement.

Dans cette décision, il y a lieu de répondre à deux questions : premièrement, serions-nous capables de convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision concernant cet amendement et, deuxièmement, quel que soit notre choix, comment préserver, sinon renforcer, la réputation et la crédibilité du Sénat?

[Français]

Pourrions-nous, en insistant sur cet amendement, amener le gouvernement à changer d’idée? En tenant compte notamment du fait que le premier ministre a mis sa crédibilité personnelle en jeu sur cette question, je réponds que cela serait très difficile, que cela exigerait une lutte de longue durée et qu’il faudrait que le Sénat réussisse à mobiliser à ses côtés une bonne partie de la population canadienne.

Un tel scénario me paraît très improbable à l’heure actuelle. Pour être bien franc, je ne pense pas qu’une telle lutte serait même justifiée. La culture du cannabis à domicile et la compétence provinciale en la matière sont certes des questions importantes, mais pas au point de provoquer une crise politique de grande envergure. Qui plus est, les provinces ont un autre recours, soit le recours devant les tribunaux. Cette dernière voie, la voie juridique, leur est ouverte, et elle me semble à la fois plus sage et plus prometteuse.

Compte tenu de ces circonstances, le dénouement de loin le plus probable, si une majorité de sénateurs votait pour insister sur cet amendement, serait que nous n’insisterions qu’une seule fois, c’est-à-dire que lorsque le gouvernement, 24 heures ou 48 heures plus tard, rejetterait une nouvelle fois cet amendement, nous déférerions à la Chambre des communes. Alors, qu’aurions-nous gagné? Qui aurions-nous mis dans l’embarras, à part nous-mêmes? Bien des gens se demanderaient pourquoi nous avons provoqué tout ce brouhaha, si ce n’était que pour nous précipiter tout de suite après vers nos vacances estivales.

Cela m’amène à une deuxième question. Comment nos faits et gestes des prochains jours contribueront-ils à préserver et, idéalement, à rehausser la réputation et la crédibilité du Sénat auprès de la population du pays?

[Traduction]

Je soulève cette question parce que j’estime que nous devrions examiner tout ce que nous faisons à l’aune de la réputation et de la crédibilité du Sénat. Comme vous le savez, la crédibilité du Sénat est fragile. Les travaux sérieux que nous avons menés sur le projet de loi C-45 ont contribué à renforcer sa crédibilité, mais, à ce stade, tout faux pas risquerait de compromettre les gains modestes que nous avons faits. On ne devrait insister que dans des circonstances relativement rares, lorsque le sujet revêt une importance spéciale par rapport à notre rôle constitutionnel, lorsque nous sommes prêts à mener le combat à son terme, lorsque l’opinion publique est — ou pourrait être — de notre côté, sauf circonstances exceptionnelles, et lorsqu’il est réaliste de croire que nous pouvons convaincre le gouvernement de changer d’avis ou le forcer à le faire.

Voyons voir de quelle façon la question dont nous sommes saisis cadre avec ces quatre critères. Premièrement, la question de la compétence provinciale en matière de culture du cannabis à domicile est importante, mais je ne crois pas qu’elle le soit au point de justifier une intervention extraordinaire de la part de la Chambre haute du Parlement du Canada.

Deuxièmement, comme je l’ai dit, j’ai l’impression que la majorité des sénateurs ne sont pas prêts à se battre longtemps contre le gouvernement dans ce dossier.

Troisièmement, les chances que la population soit de notre côté sont minces, sauf peut-être au Québec, et même dans ce cas, c’est loin d’être gagné.

Quatrièmement, les chances que le gouvernement change d’idée sont très faibles.

[Français]

Honorables sénateurs, dans le dossier de la culture du cannabis à domicile, le gouvernement du Canada a préféré un fédéralisme plus uniformisateur à un fédéralisme coopératif. Il a fait la sourde oreille aux préoccupations du Sénat plus moderne qu’il a lui-même créé. Cette attitude a de quoi susciter chez nous déception, colère et inquiétudes. Cependant, nous ne devons pas nous laisser guider par ces émotions, car la raison doit prévaloir.

La crédibilité du Sénat à titre de Chambre complémentaire sera d’autant plus grande si ses interventions sont mesurées et bien choisies. Cela ne signifie pas qu’il faille reculer devant tout combat législatif. Il est arrivé et il arrivera encore que nous devions nous livrer à un bras de fer avec le gouvernement. Toutefois, si nous lançons de telles luttes à la légère, le gouvernement et, surtout, la population cesseront bientôt de nous prendre au sérieux.

En termes clairs, honorables sénateurs, la question se résume ainsi : faut-il provoquer une crise au Parlement, crise qui pourrait durer des semaines, dans l’espoir de faire reculer le gouvernement sur le sujet important, mais non crucial, de la culture du cannabis à domicile? Je réponds non à cette question. Faut-il insister une fois, symboliquement, et s’en remettre tout de suite après à la Chambre des communes? Je réponds également non à cette question.

Pour ces raisons, et parce que je suis favorable à la légalisation du cannabis, je voterai contre l’amendement proposé par le sénateur Carignan.

[Traduction]

Chers collègues, lorsque le projet de loi C-45 a été déposé au Sénat il y a sept mois, notre chemin s’annonçait parsemé d’embuches. Cependant, nous avons surmonté les difficultés et avons mené un examen beaucoup plus exhaustif du projet de loi que celui qui a été effectué à l’autre endroit. Nous avons proposé des amendements importants et raisonnables. Le gouvernement n’en a accepté que cinq, mais ils amélioreront le projet de loi sur le cannabis.

Bref, honorables sénateurs, nous pouvons être fiers, très fiers de ce que nous avons accompli dans ce dossier. Si nous insistions sur cet amendement, cela changerait-il quelque chose aux yeux de la population canadienne, qui est sceptique à l’égard de l’utilité du Sénat, ou risquerions-nous d’amoindrir ou d’anéantir la contribution appréciable du Sénat dans ce dossier? Honorables sénateurs, selon moi, les gains en jeu sont fort improbables, mais les risques sont grands — pas pour le gouvernement, pas pour aucun parti ou groupe, mais pour le Sénat.

Son Honneur le Président : Sénateur Pratte, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Pratte : Bien sûr.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Sénateur Pratte, je vous ai écouté et vous avez dit que nous devrions mettre l’accent sur le Sénat et sa réputation. D’après ce que je comprends, notre réputation devrait reposer sur le fait que nous respectons la Constitution et la Loi sur le Parlement du Canada dans la façon dont nous servons la population, et nous devrions vraiment écouter les arguments, adopter une approche raisonnée et nous écouter les uns les autres pour voir où cela nous mène dans l’œil du public.

(1620)

Par ailleurs, je trouve certainement difficile de vous entendre dire que nous devrions craindre pour le Sénat, puis vous entendre présumer de ce que la Chambre va faire. Le Sénat est un lieu de débat. Ne croyez-vous donc pas que, en tenant simplement le présent débat, nous instruisons et informons davantage les gens et que, peut-être, davantage de Canadiens comprendront les enjeux? N’est-ce pas l’un de nos rôles? Non pas de nous inquiéter uniquement de notre réputation, mais aussi de la façon dont nous servons la population?

Des voix : Bravo!

Le sénateur Pratte : J’ai l’impression que la plupart des Canadiens pensent en ce moment — et penseraient, si nous insistions — que nous devrions adopter le projet de loi. C’est mon interprétation de ce que la plupart des Canadiens pensent. Nous débattons de ce projet de loi depuis maintenant sept mois. Je pense que nous avons fait notre travail. Je pense que, si nous retardons l’adoption de ce projet de loi, la plupart des Canadiens n’auront pas beaucoup de patience.

En ce qui concerne cet amendement, pour les provinces qui veulent interdire la culture à domicile, il y a une autre solution pour le Sénat que d’empêcher l’adoption de ce projet de loi. Cette autre solution, c’est le recours aux tribunaux et c’est, je pense, une voie beaucoup plus prometteuse qu’une crise politique à Ottawa créée par le Sénat.

Son Honneur le Président : Le sénateur Tkachuk a la parole.

L’honorable David Tkachuk : Honorables sénateurs, le projet de loi C-45 prouve qu’on ne peut pas faire des miracles, mais Dieu sait que nous avons essayé. Nous avons proposé 19 amendements provenant du gouvernement avec, en fait, près d’une cinquantaine d’amendements proposés par notre caucus et le Groupe des sénateurs indépendants. J’espère que nous retournerons le message avec l’amendement du sénateur Carignan.

Je tenais à dire quelques mots à propos de ce projet de loi avant la tenue du vote d’aujourd’hui. Bien que cette mesure vienne concrétiser l’une des rares promesses que le gouvernement Trudeau a tenues, le Canada se trouve décidément dans un piteux état si c’est le genre de changement dont le gouvernement s’enorgueillira.

Le gouvernement libéral a rejeté des amendements qui visaient à améliorer le projet de loi. Le rejet de deux amendements en particulier devrait nous inspirer des doutes à propos des intentions du gouvernement et des gens avec lesquels il fait affaire. Il s’agit de l’amendement sur la transparence proposé par notre porte-parole, le sénateur Carignan, qui portait sur les entreprises œuvrant dans le secteur de la marijuana, et de la possibilité, pour les provinces, d’interdire la culture de la marijuana à domicile si elles le désirent.

Comme le Sénat tient à ce que les provinces aient des droits solides dans leur sphère de compétence, cette décision est déconcertante. Les provinces peuvent décider qui pourra faire le commerce de la marijuana et à quel endroit, mais elles ne peuvent pas décider si la culture à domicile sera autorisée ou non. La plupart des données probantes montrent pourtant qu’il s’agit d’une bonne option. Pourquoi diable le gouvernement rejette-t-il ces deux amendements?

Je crois que, dans 50 ans, ou même avant, le gouvernement du Canada présentera des excuses à la population canadienne pour les effets catastrophiques que ce projet de loi aura eus sur la nation. Il est ahurissant de voir le Parti libéral affirmer qu’il fonde ses décisions sur la science, sauf quand cela ne lui convient pas. Débrouillons un peu tout cela, si vous me le permettez. Voici quelques faits. Nous savons que la consommation de marijuana endommage le cerveau des jeunes de moins de 25 ans. Nous savons que le cannabis est maintenant plus puissant qu’il ne l’était il y a quelques décennies. Nous savons que les policiers ne sont pas prêts à intervenir efficacement à propos de la conduite avec facultés affaiblies par la marijuana. Nous savons qu’un nombre accru de personnes mourront sur les routes et que la plupart seront des victimes innocentes tuées par un autre véhicule. Nous savons aussi que les criminels vendront désormais des drogues légales, comme le sénateur White l’a fait valoir avec beaucoup d’éloquence dans son discours, à l’intention d’adolescents mineurs.

Le sénateur Pratte fait valoir qu’il en est de même avec l’alcool. Justement, pensons aux malheurs causés par la conduite en état d’ébriété, à toutes les croix le long des routes et aux cliniques. L’alcool a au moins une valeur qui compense sur le plan social. La plupart des gens en boivent sans voir l’intention de s’enivrer, ce qui est le contraire de la marijuana, qu’on fume dans le but de planer.

La plupart du temps, fumer de la marijuana provoque une intoxication immédiate. Le THC agit rapidement sur le cerveau et le fait sécréter librement de la dopamine. L’effet prend plus de temps à se manifester avec les produits comestibles — parfois des heures de plus —, mais il dure plus longtemps, jusqu’à huit heures. Parce que l’effet ne se fait pas sentir tout de suite, beaucoup de gens croient qu’ils n’ont pas ingéré suffisamment de produits. Le résultat est qu’ils en mangent plus — trop — et sont alors transportés d’urgence à l’hôpital. Ce scénario vous semble improbable? Il se trouve que deux agents de police ont connu ce sort l’an dernier.

L’acceptation de la part des adultes minera la crédibilité des arguments que nous présentons aux jeunes. La dissuasion est un moyen de prévention. Le fait de dire que l’on consomme de toute façon est un argument fallacieux. Nous ne légalisons pas le vol pour promouvoir le partage social. L’éducation est la solution à privilégier, et non la vente de pot au bistro du coin.

Si l’éducation est la meilleure solution, qu’en est-il du programme antidrogue du fédéral? Mercredi dernier, sur les ondes de CBC, nous avons entendu le ministre responsable du dossier déplorer l’inefficacité de la politique antidrogue. Le taux de consommation au pays est l’un des plus élevés au monde, a-t-il déclaré. Par conséquent, nous devons procéder à la légalisation.

Pourtant, le reste du monde, où on n’a pas légalisé le cannabis, affiche un taux de consommation inférieur. Nous savons qu’aucun autre pays n’a légalisé la marijuana. Ce n’est pas tout à fait vrai. La Corée du Nord et l’Uruguay l’ont fait, et c’est leur exemple que nous décidons de suivre. La journaliste de CBC n’a pas posé cette pertinente question. L’entrevue sur les ondes de notre télévision d’État n’était que de la promotion pour le ministre et le Parti libéral.

Il n’y a rien de logique ici. Cette politique est le résultat de la réponse d’un candidat du troisième parti à une question posée par la presse en Colombie-Britannique avant les dernières élections. En réponse à une question sur la décriminalisation, le premier ministre Trudeau a répondu : « Non, nous allons légaliser le cannabis. » Il n’y a eu ni étude, ni politique du parti, ni données scientifiques. On essaie simplement d’acheter des votes.

Deux personnes dirigent actuellement les efforts de légalisation : M. Blair, qui tire des conclusions tout à fait illogiques, et M. Trudeau, qui souscrit aux annonces politiques spontanées.

Beaucoup de travail a été effectué ici, mais tous les amendements substantiels ont été rejetés. Le gouvernement a ensuite le culot d’affirmer qu’il a accepté des amendements présentés par le Sénat. En théorie, oui, il a accepté des amendements, mais, en pratique, ce n’est pas le cas. Il n’a accepté que les amendements qu’il a préparés lui-même.

M. Trudeau reproche au Sénat de ralentir l’adoption du projet de loi. Il lui a bien fallu, à lui, du temps pour corriger le projet de loi et y apporter ses propres amendements d’ordre technique. Le public canadien ne sait des choses sur le projet de loi que grâce au travail accompli par le Sénat, et j’inclus les sénateurs qui se sont opposés au projet de loi et ceux qui l’ont approuvé. Ce débat contredit ceux qui souhaitaient faire disparaître l’opposition officielle.

Dans le cas de chaque projet de loi controversé, le sénateur Harder a l’habitude de se comporter comme si une telle chose ne s’était jamais produite auparavant. Le Sénat étudie des projets de loi et mène des études depuis 150 ans, et c’est une insulte à l’égard de tous ceux qui nous ont précédés que d’affirmer à quel point les sénateurs indépendants font du bon travail. Ils se retournent ensuite et approuvent le projet de loi, qui contient quelques-uns des amendements que nous avons adoptés.

Je peux vous dire que des débats sérieux dans cette enceinte — et je suis ici depuis 25 ans —, il y en avait régulièrement, et ce, bien avant que vous n’arriviez tous ici. En fait, si je devais m’aventurer à choisir, l’une des meilleures allocutions dans cette enceinte a été donnée par le sénateur Carignan à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-45. Je suis fier de lui, tout comme je le suis de tous les autres sénateurs. Je suis fier de notre caucus et je le remercie de tous les efforts qu’il a déployés afin d’étudier et de débattre de ce projet de loi. J’appuie l’amendement du sénateur Carignan.

La plupart, sinon tous les sénateurs indépendants ont appuyé le projet de loi. L’opposition officielle a obligé les sénateurs du gouvernement à justifier leurs décisions, en comité et au Sénat. Cela a été très avantageux pour les Canadiens, les dirigeants d’industrie qui vont se lancer dans la culture et la vente de la marijuana et, enfin, pour ceux qui choisiront d’en consommer.

Pierre Claude Nolin était un collègue et un ami. Je n’accepte pas que certains disent que nous ne l’avons pas inclus dans ce débat. La sénatrice Andreychuk a parlé de son étude, à deux reprises. Son rapport proposait une solution avant même de modifier les lois. Cela ne justifie pas ce que fait le gouvernement actuel. À l’époque, les libéraux étaient au pouvoir, et ils avaient la majorité au Sénat. Le rapport n’a jamais été adopté au Sénat. Il est mort au Feuilleton.

Merci.

(1630)

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, plusieurs membres de cette Chambre ont accompli un travail remarquable en ce qui a trait au projet de loi C-45. Ils méritent nos remerciements sincères pour leur dévouement et leurs efforts. J’ai pu suivre le débat à distance, notamment grâce aux médias, qui ont accordé une attention aux travaux du Sénat en raison de la qualité du travail accompli dans cette Chambre de second examen objectif et au sein des comités. Leur travail assidu a donné lieu à plus de 40 amendements au projet de loi reçu de la Chambre des communes. Les gouvernements du Québec et du Manitoba ont d’ailleurs invité le gouvernement fédéral et la Chambre des communes à accepter les amendements adoptés par le Sénat le 7 juin dernier et pour lesquels j’ai voté.

Nous avons reçu hier la réponse de la Chambre des communes qui nous informe qu’elle a accepté plusieurs de ces amendements, mais qu’elle a rejeté celui qui fait l’objet de la proposition de mon collègue, le sénateur Carignan. Nous devons maintenant réfléchir à notre réponse, et décider essentiellement si nous insistons pour que l’amendement reconnaissant aux provinces le pouvoir de réglementer la production à domicile soit réexaminé par la Chambre des communes. Au sens de l’article 16-3(2) du Règlement, et je cite :

[...] le Sénat insiste pour maintenir des amendements [...]

À mon avis, une réponse à celle de la Chambre des communes, une Chambre élue, commande de la part du Sénat un haut degré de déférence, puisque les élus seront, ultimement, responsables de leur réponse devant les électeurs.

Honorables sénateurs, je soumets à votre considération le fait que le Sénat ne devrait écarter une réponse de l’autre endroit que dans des situations très particulières, et jamais en fonction d’une opinion politique quant aux objectifs poursuivis par la législation en jeu. Cela a été fait aux étapes des première, deuxième et troisième lectures. Nous avons dépassé ce stade. En réalité, il doit s’agir d’une situation où les principes gouvernant les rapports entre les deux Chambres commandent à la Chambre haute d’insister sur sa position.

[Traduction]

Autrement dit, nous en sommes à débattre non pas de la teneur du projet de loi, mais de la nature de la relation que nous aimerions établir entre la Chambre haute et l’autre endroit.

Je crois, à ce stade-ci, qu’il faut se fonder seulement sur d’autres critères que ceux qui ont été invoqués au cours des dernières minutes du débat. Je sais que certains sénateurs s’opposent au projet de loi et le font, à mon avis, pour de bonnes raisons, mais ce n’est plus l’objet du débat. Le débat a largement dépassé ce cadre. Nous devons définir la relation.

Honorables collègues, à titre de sénateur indépendant, permettez-moi de suggérer humblement, particulièrement à mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, d’adopter, à cette étape du processus législatif, une approche de principe reposant sur l’application de critères objectifs, et non sur des opinions personnelles de nature politique, économique, sociologique ou autre.

À la lumière de certains discours prononcés précédemment au Sénat par des collègues beaucoup plus expérimentés que moi ainsi que de textes écrits par de savants auteurs, dont le professeur Thomas, de l’Université du Manitoba, je crois que nous devons procéder à une analyse contextuelle qui incorpore les critères suivants, et sans doute d’autres critères également.

Premièrement, la réponse, si elle est acceptée, entraînera-t-elle l’adoption d’une loi qui constituera une violation manifeste ou fort probable de la Constitution ou de la Charte des droits et libertés? Si la réponse n’est pas claire, ne faut-il pas laisser aux tribunaux la mission de répondre à cette question?

Deuxièmement, l’objet du projet de loi a-t-il été un enjeu de la campagne électorale pour le gouvernement, ou s’agit-il plutôt d’une question extrêmement controversée pour laquelle le gouvernement n’a pas reçu de mandat lors des dernières élections?

Troisièmement, la preuve faite devant les Chambres démontre-t-elle que les assises du projet de loi sont clairement mal fondées et que la réponse est, en pareil contexte, manifestement déraisonnable en partie ou en totalité?

Quatrièmement, la réponse montre-t-elle que la majorité porte atteinte aux droits d’une ou de plusieurs minorités, démontre-t-elle un mépris des droits linguistiques et favorise-t-elle une région au détriment d’une autre?

Cinquièmement, la réponse de la Chambre des communes écarte-t-elle des amendements proposés par le Sénat et visant à prévenir des préjudices imprévisibles et irréparables à l’intérêt national?

[Français]

En l’espèce, le seul point soulevé pour insister sur notre amendement à la suite de la réponse de la Chambre des communes est l’avantage d’une clarification quant à la validité d’une loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec. Avec égard, mon collègue, le sénateur Carignan, me semble avoir démontré que le procureur général du Québec aura de très bons motifs à offrir pour défendre la validité constitutionnelle de la loi adoptée par l’Assemblée nationale du Québec si celle-ci est attaquée. De plus, si cette loi est attaquée, la décision reviendra aux tribunaux, et non aux membres du Sénat. La question de la validité de la loi de l’Assemblée nationale du Québec appartient aux tribunaux du Québec et, ultimement, à la Cour d’appel et à la Cour suprême, non pas au Sénat, ce que je soumets respectueusement. Je fais confiance à ce chapitre à mes anciens collègues qui, je le sais, feront un excellent travail.

Pour tous ces motifs, honorables sénateurs, je vous invite à voter contre l’amendement et à voter en faveur de la réponse de la Chambre des communes. Je vous remercie.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je n’avais pas vraiment l’intention de prendre la parole à cette étape du processus, mais le sénateur Carignan a ouvert la porte à ce que je vous transmette les résultats de mes récentes recherches. Je n’ai pas pris la parole aux étapes des première, deuxième et troisième lectures du projet de loi.

De prime abord, en tant que francophone du Nouveau-Brunswick, je me suis toujours intéressée à la façon dont le Québec légiférait les éléments de progrès social parce que, pour moi, le Québec représente l’élément le plus progressiste de notre pays, socialement parlant, et je le félicite.

La question que je me suis posée et sur laquelle, à plusieurs reprises, nous avons eu des échanges et obtenu de l’information est la raison pour laquelle, en ce qui a trait au cannabis récréatif, le Québec et le Manitoba ont interdit la culture de plantes de cannabis à domicile.

C’est surtout le Québec qui a d’abord attiré mon attention. La réponse que j’ai reçue était qu’il était plus facile d’exercer un contrôle lorsqu’on interdit la culture du cannabis à domicile que lorsqu’il s’agit d’une à quatre plantes. Il me semblait que cet argument était un peu louche. J’ai poursuivi ma recherche en examinant la panoplie de systèmes d’autorisation au Québec, et j’ai fait une volte-face en ce qui concerne la production de vin et de bière maison. L’alinéa 91i) de la Loi sur les infractions en matière de boissons alcooliques (chapitre 1-8.1) précise ce qui suit :

(1640)

[Traduction]

Section IX. Possession de boissons alcooliques

91. Aucune boisson alcoolique ne peut être gardée, ni possédée au Québec, excepté […]

i) par une personne dans sa résidence, pourvu qu’il s’agisse de bière, de cidre ou de vin de fabrication domestique et qui n’est pas gardé dans le but d’en vendre; […]

[Français]

En ce qui concerne la bière et le vin, il est permis d’en faire la production à la maison, à condition que l’intention ne soit pas d’en vendre sur le marché. Je suis tout à fait d’accord avec ce principe.

J’ai consulté la réglementation du Québec concernant le cannabis à des fins médicales — il s’agit d’un élément très pertinent de la question qui est devant nous. Or, le Règlement fédéral sur l’accès au cannabis à des fins médicales est le DORS/2016-230. À ce sujet des fonctionnaires fédéraux ont précisé ce qui suit :

La quantité autorisée est fixée par un professionnel de la santé [...] une personne qui a une prescription d’un gramme par jour aurait accès à deux plants si elle les fait pousser à l’extérieur et cinq, à l’intérieur [...]

Vous comprendrez ma confusion. Je me pose alors la question suivante : comment se fait-il que cette même province accepte qu’on puisse cultiver cinq plantes à des fins médicales, alors que, pour le cannabis à des fins récréatives, on n’en tolère aucune?

J’ai poursuivi mon enquête en questionnant plusieurs amis du Québec et des membres de ma famille pour comprendre les défauts de ce dispositif. Le problème est que tout est régi par le corps professionnel médical. La réalité est que les personnes progressistes du Québec qui ont besoin de cannabis à des fins médicales ont beaucoup de difficulté à obtenir une ordonnance des médecins du Québec. Ils doivent, la plupart du temps, aller consulter au Nouveau-Brunswick ou en Colombie-Britannique pour obtenir une ordonnance par l’entremise de Skype. J’ai donc de la difficulté à comprendre en quoi consiste une société progressiste.

De plus, il semble y avoir une division des pouvoirs. C’est ce qu’on a entendu pendant des mois dans cette Chambre. La compétence des provinces, celle du gouvernement fédéral dans certaines juridictions, et l’aspect constitutionnel ont alimenté le débat. Il est dommage que le sénateur Carignan ne soit pas présent pour entendre ces propos. En fait, le débat était uniquement axé sur la question constitutionnelle.

Par la suite, j’ai adopté une nouvelle approche. Je me suis posé la question suivante : pourquoi le gouvernement fédéral, dans le cadre de ses compétences juridictionnelles, a-t-il décidé de fixer la limite d’une à quatre plantes de cannabis en ce qui a trait à la culture à domicile? Je comprends que cet aspect fasse partie de l’intention de retirer le crime organisé de la production et de la vente de cannabis. Toutefois, je me suis arrêtée à la décision Allard, de la Colombie-Britannique, prononcée par la Cour fédérale tout récemment, soit en février 2016. Ce procès mettait en cause deux personnes qui ne disposaient pas d’un accès raisonnable à du cannabis à des fins médicales. La décision se lit comme suit :

[Traduction]

Décision et réparation

Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que le régime du RMFM…

[Français]

Il s’agit du régime du cannabis à des fins médicales.

[Traduction]

Pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que le régime du RMFM porte atteinte aux droits des demandeurs garantis par l’article 7 de la Charte et qu’une telle atteinte n’est pas justifiée.

[Français]

Je poursuis.

[Traduction]

En l’absence d’un règlement de rechange ou d’une exemption, les personnes qui ont besoin de marihuana à des fins médicales — et étant donné que l’accès à un régime de marihuana à des fins médicales conforme à la Charte est juridiquement nécessaire — risquent de voir des accusations criminelles portées contre elles.

[…] par des personnes qui possèdent une autorisation ou une ordonnance médicale. Toutefois, il s’agit d’un instrument rudimentaire qui pourrait ne pas être nécessaire si un régime conforme à la Charte était établi ou qu’une loi différente était adoptée.

[Français]

En d’autres mots, la Cour fédérale avait conclu que Santé Canada, dans le cadre de son régime de soins de santé, n’autorisait pas, de façon raisonnable, l’accès à de la marijuana à des fins médicales. On enfreignait donc la Charte des droits et libertés.

À mon humble avis — et, je le répète, je n’ai pas de diplôme en droit —, la question constitutionnelle dont nous devons débattre sur le projet de loi C-45 ne concerne pas l’amendement proposé par le sénateur Carignan. Il faut plutôt se demander si le Québec, dans sa législation, contrevient à la Charte des droits et libertés des citoyens du Québec pour ce qui est de l’accès raisonnable à du cannabis récréatif. Voilà la question constitutionnelle que l’on doit se poser. Comment les citoyens habitant dans les petites collectivités du Québec auront-ils accès au cannabis à des fins récréatives, alors que le Québec aura le monopole?

Mon trajet entre Ottawa et le Nouveau-Brunswick se fait à 90 p. 100 près des petites collectivités situées le long du fleuve Saint-Laurent. Après 15 ans, la plupart des résidents croient que j’habite dans leur région, car je m’y arrête souvent. Toutefois, je comprends ce qu’ils disent.

Jamais je ne donnerai raison au gouvernement du Québec, malgré la législation adoptée et l’ouverture d’esprit par rapport à la vente de la bière et du vin, et malgré la disponibilité de ces produits dans tous les dépanneurs et dans toutes les épiceries. Le gouvernement du Québec montre une compréhension limitée de la situation. Ces gens, soit à cause de la distance ou pour des raisons financières, n’auront pas un accès juste et équitable au cannabis récréatif comme l'auront ceux qui vivent dans les grandes villes comme Montréal et Québec.

(1650)

Pour terminer, j’aimerais vous dire que la division constitutionnelle des pouvoirs que soulève le projet de loi C-45 n’est pas le point le plus important de ce projet de loi. La question essentielle devant nous sera le respect de la Charte canadienne des droits et libertés et l’accès équitable au produit.

Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

Son Honneur le Président : Sénatrice Saint-Germain, désirez-vous poser une question ou prendre la parole?

L’honorable Raymonde Saint-Germain : J’aimerais poser une question à l’honorable sénatrice, si elle accepte.

La sénatrice Ringuette : Certainement.

La sénatrice Saint-Germain : Sénatrice Ringuette, vous avez longuement parlé du Québec et des programmes sociaux. J’aimerais savoir si vous connaissez les programmes sociaux fiscaux du Québec, qui permettent notamment aux personnes âgées, aux personnes vulnérables, aux jeunes sans emploi, ainsi qu’aux nouveaux arrivants en attente de statut de bénéficier de l’assurance-médicaments ou de traitements contre la toxicomanie, par exemple. Avez-vous tenu compte de l’existence de ces programmes dans votre exégèse de la situation au Québec?

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, votre temps de parole est écoulé. Désirez-vous cinq minutes de plus?

La sénatrice Ringuette : S’il vous plaît.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

La sénatrice Ringuette : Je vous remercie de votre question, sénatrice. Comme je l’ai dit au début de mon intervention, à mes yeux, le Québec est à l’avant-garde en ce qui concerne les programmes sociaux par rapport aux autres provinces.

Par contre, je dois dire que j’ai été déçue des résultats de mes premières recherches quant à la possibilité, pour les Québécois, de se procurer de la marijuana à des fins médicales au moyen d’une prescription. Je serai très honnête avec vous, je me suis demandé jusqu’à quel point on pouvait y voir une influence de la part des compagnies pharmaceutiques.

J’ai lu l’excellente présentation que l’ancien ministre Benoît Pelletier a faite et dans laquelle il affirmait qu’il s’agissait de législations complémentaires.

Cependant, nous devons nous rappeler qu’il est de notre devoir de nous assurer que les projets de loi sont conformes au cadre constitutionnel et à la Charte canadienne des droits et libertés. Nous savons que la Constitution et la Charte canadienne des droits et libertés ne s’appliquent pas uniquement au Parlement canadien; elles s’appliquent également à toutes les législatures provinciales et territoriales, ainsi qu’à l’ensemble des Canadiens. Je préfère donc mettre un bémol à cette situation.

Je vous remercie.

[Traduction]

L’honorable Frances Lankin : Je remercie tous les sénateurs qui ont pris la parole jusqu’à présent de leur contribution. Je sais qu’il y a de profondes divergences d’opinions au sujet du projet de loi. Je comprends cela. Je crois également qu’il est important, comme l’a mentionné le sénateur Dalphond, que nous nous rendions compte de l’étape à laquelle nous sommes et de ce dont il est vraiment question dans ce débat.

La question qui découle principalement de l’amendement proposé par le sénateur Carignan est celle de savoir quand insister ou ne pas insister sur un amendement donné. J’aimerais m’en tenir à cela.

Je parlerai brièvement de l’enjeu sous-jacent. De nombreux sénateurs d’en face ont décrit avec intensité le fait qu’un conflit entre les gouvernements du Québec et du Manitoba et le gouvernement fédéral en ce qui concerne le nombre de plants permis pour la culture à domicile constituerait une question d’ordre constitutionnel.

Je ne suis pas de cet avis. Ce n’est pas ce que je crois. Il y a un partage des pouvoirs au Canada.

Je ne veux pas manquer de sensibilité quant à la place unique qu’occupe la province de Québec au sein de la Confédération. Absolument pas. Pendant de nombreuses années, que ce soit dans le cadre de l’accord du lac Meech ou de celui de Charlottetown ou de ce genre de dossiers, j’ai toujours fait la promotion d’un fédéralisme fort et d’un pays uni, mais j’ai toujours cru au droit des Québécois à l’autodétermination.

J’ai travaillé pendant un certain temps à la promotion de la possibilité du fédéralisme asymétrique, qui veut que l’on reconnaisse le statut spécial et unique de la province de Québec, sa contribution historique ainsi que la façon dont notre pays a été construit. Cette idée a été rejetée au pays. Ce n’est pas une approche que nous souhaitons adopter.

D’ailleurs, lorsque le Sénat a eu l’occasion d’organiser une partie de ses travaux, notamment en fonction de la présence de représentants des différentes régions, les sénateurs d’en face se sont époumonés à dire que nous allions détruire le fédéralisme et que ce n’était pas de cette façon qu’avait été conçu le Sénat. La situation a bien changé aujourd’hui. Je crois que différentes circonstances donnent l’occasion aux gens d’exprimer des opinions et des idées diverses, mais je n’irais pas jusqu’à dire que nous vivons une crise constitutionnelle.

J’ai participé à des tables fédérales-provinciales et j’ai dû me frotter au gouvernement fédéral lorsque j’étais ministre en Ontario. Il n’y a pas une crise constitutionnelle chaque fois que des gens sont en désaccord, encore moins lorsqu’il est question d’un domaine de compétence bien établi du gouvernement fédéral.

Le fédéralisme de coopération est, à mon avis, un concept important; tous les gouvernements disent qu’ils ont l’intention de le respecter et, dans l’ensemble, ils réussissent dans certaines situations, mais pas toujours.

Je suis d’accord avec le sénateur Pratte pour dire que l’amendement que nous avons proposé à la Chambre des communes était raisonnable. J’accepterais que les provinces soient impliquées d’une différente manière, pour le bien du fédéralisme de coopération, mais le gouvernement fédéral a choisi de dire non.

Comme j’ai déjà été ministre, je sais que ce qui incitera le gouvernement à agir, ce sera notamment la possibilité d’établir là où il a entière compétence et préséance, et de défendre cette position; c’est vrai du gouvernement libéral actuel, mais également de tout gouvernement futur, peu importe sa couleur politique.

Je respecte leur droit de faire cela. Je respecte le fait qu’ils ont soumis cette recommandation au Parlement et que le Parlement nous a renvoyé le présent message, adopté par les députés, avec l’appui d’un certain nombre de députés du Québec.

Je ne veux pas exagérer. Cela plairait peut-être à certains, mais je ne crois pas que ce soit utile pour le Canada, en particulier en ce moment, compte tenu des difficultés que nous éprouvons dans nos relations interprovinciales et provinciales-fédérales, notamment au chapitre des pipelines. Il se passe bien des choses en ce moment.

Je suis tout à fait d’accord avec le sénateur Dalphond lorsqu’il dit que, à ce moment-ci, notre travail consiste à déterminer si nous allons insister sur un amendement qui figurait dans le message que nous avons envoyé à la Chambre des communes, mais qui est rejeté dans le message qui nous a été communiqué en retour, et que nous devons le faire en nous demandant dans quelles circonstances il convient, en principe, d’insister ou non sur un amendement du Sénat.

Rien, ici, n’est inconstitutionnel ou non conforme à la Charte. Il n’est pas question de discrimination à l’égard de certaines régions. Il n’y a pas d’incidence en particulier quand on pense à tous les pouvoirs de réglementation conférés aux provinces et à la flexibilité que procure le projet de loi. Tout compte fait, le projet de loi établit des principes et influence la perception que les gens ont des relations entre le gouvernement fédéral et les provinces, mais en ce qui a trait au contenu, soit une plante.

(1700)

Je crois sincèrement qu’il est important pour nous tous d’adopter une approche rationnelle et non partisane pour examiner ces principes. Je ne parle pas seulement de la partisanerie des partis politiques. Je pense que n’importe qui peut devenir partisan au sujet d’un ensemble de questions ou d’une partie d’un projet de loi et décider de lutter dans ce sens avec les arguments qu’il présente. Cependant, je pense que cela ait quoi que ce soit à voir avec le mandat du Sénat.

Selon moi, lorsqu’il s’agit d’une préférence pour une politique, car c’est ce que j’entends dans ce point de vue et dans l’insinuation que nous vivons un problème constitutionnel — et, comme je l’ai dit, je rejette cet argument — ou pour une certaine approche, nous, au Sénat, ne devrions pas insister pour imposer nos préférences préalables. À cette étape-ci du processus, nous devrions respecter le Parlement élu, qui a confirmé la recommandation du gouvernement et qui nous l’a renvoyée. Donc, je voterai contre la motion du sénateur Carignan, et je voterai pour accepter le message. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Carignan, avec l’appui de l’honorable sénatrice Andreychuk, propose que la motion ne soit pas maintenant adoptée, mais qu’elle soit modifiée… Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Trente minutes. Le vote aura lieu à 17 h 32.

Convoquez les sénateurs.

(1730)

La motion d’amendement de l’honorable sénateur Carignan, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mégie
Batters Mockler
Beyak Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Forest Richards
Galvez Saint-Germain
Greene Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tannas
Marshall Tkachuk
Martin Verner
Massicotte Wells—35
McInnis

CONTRE
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Bernard Harder
Black (Alberta) Hartling
Boniface Jaffer
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Christmas McCallum
Cools McPhedran
Cormier Mercer
Coyle Mitchell
Dalphond Moncion
Dasko Munson
Dawson Omidvar
Day Pate
Deacon (Nova Scotia) Petitclerc
Dean Pratte
Downe Ravalia
Duffy Ringuette
Dyck Wallin
Eggleton Wetston
Gagné Woo—45
Gold

ABSTENTION
L’honorable sénatrice

Dupuis—1

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur la motion principale.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, comme il s’agit probablement de la dernière occasion de discuter de ce projet de loi, je tenais à répéter qu’il est démoralisant de voir que le gouvernement a fait les choses à l’aveuglette. On peut ne pas être d’accord sur une politique du gouvernement, mais la situation devient très grave quand le gouvernement ne procède pas à des consultations sérieuses et que les préparatifs en vue de mettre en œuvre une mesure aussi importante que le projet de loi C-45 ne sont faits qu’en partie, la plus grande partie du travail devant être effectuée quand le projet de loi aura été adopté.

Un des sujets intéressants qui a été abordé est celui du rapport du Comité spécial du Sénat sur les drogues illicites, qui avait été déposé au Sénat en septembre 2002. On y formulait 11 recommandations. Le comité s’était penché sur la question de savoir si les lois en vigueur à l’époque étaient effectivement utiles à la société canadienne. Les 11 recommandations ont toutefois mis en place une feuille de route, un objectif à atteindre en vue d’apporter un changement important au sein de la société.

(1740)

Permettez-moi de lire une des recommandations de ce rapport. La recommandation 11 prévoyait ce qui suit :

Le Comité recommande que le Gouvernement du Canada instruise le ministre des Affaires étrangères et du Commerce international d’informer les autorités compétentes des Nations Unies qu’il demande la modification des Conventions et Traités réglementant les drogues illicites relativement au cannabis; et qu’il soutienne le développement d’un Observatoire des drogues et des dépendances pour les Amériques.

Rien n’a été fait pour faire savoir aux Nations Unies ou à d’autres organismes internationaux que le Canada va enfreindre trois des principales conventions internationales, sans parler de certaines autres. Si le Canada l’avait fait, je crois qu’il serait en meilleure position pour maintenir sa réputation en matière de politique étrangère lorsqu’il s’interroge sur les violations des conventions qui sont commises par d’autres pays dans l’intérêt national. Je tiens à souligner de nouveau ce point, car, selon moi, c’est extrêmement important.

Le Comité des affaires étrangères et du commerce international a toutefois indiqué que tout ne sera pas perdu si le gouvernement adopte un plan concerté pour composer avec ces enjeux, ce qui inclut la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et, plus particulièrement, les conventions relatives aux drogues. Le gouvernement doit agir s’il veut maintenir la réputation du Canada sur la scène internationale.

On parle souvent de la position unique et importante du Canada. Je crois toutefois qu’il ne faut pas se contenter d’en parler; il faut faire quelque chose à ce sujet. Le gouvernement aurait dû signaler ses intentions il y a deux ans. Le Canada ne serait pas sur le point d’enfreindre les conventions en question. Il pourrait se conformer aux conventions, conformément aux processus prévus dans celles-ci. Je souhaitais souligner cela.

Je tenais également à rendre hommage aux sénateurs qui ont siégé au comité qu’a présidé le sénateur Nolin, parce qu’ils ont présenté une feuille de route. Ils ont compris la complexité de la question. J’exhorte le gouvernement du Canada, les sénateurs, la Chambre des communes et les autres parties concernées à prendre connaissance de ces 11 recommandations. Vous pouvez soutenir que certaines sont dépassées, mais elles ne le sont qu’à la lumière des nouvelles données scientifiques et des changements survenus dans nos sociétés. Quoi qu’il en soit, les recommandations de base valent toujours, par exemple ne prenez aucune décision avant d’avoir fait des recherches et d’avoir sensibilisé la population. Le rapport comporte d’innombrables appels à la sensibilisation et à la mise en place de personnes chargées de surveiller et d’évaluer la situation avant que la loi soit modifiée.

Le rapport envoie aussi le message qu’il ne faut pas complètement changer l’approche à l’égard des drogues. Il faut procéder de manière graduelle pour permettre à la société de s’adapter aux changements. Malheureusement, je crains fort que ce ne soit pas le cas du projet de loi C-45.

Je tiens aussi à souligner que cette mesure aura le plus de répercussions non pas sur les personnes de mon âge et les adultes, mais bien sur le segment de la population que le Comité sénatorial permanent des droits de la personne appelle « les citoyens sans voix », ceux qui n’ont pas encore le droit de vote, c’est-à-dire les enfants canadiens. Ce seront eux et leurs enfants qui devront composer avec les répercussions de cette mesure législative.

Le gouvernement n’a pas mis en œuvre le programme de sensibilisation qui s’impose. Les pièces ne sont pas en place sur l’échiquier. La direction du magazine MacLean’s avait peut-être raison — si on utilise les médias écrits. Le gouvernement fédéral a annoncé son intention de légaliser la marijuana, mais il a confié la plus grande partie du travail aux provinces et aux municipalités. Ce sont aussi les enfants qui seront confrontés aux changements. Or, le gouvernement ne leur fournit ni les ressources ni l’information nécessaires. À cet égard, je crois que la population n’est pas prête non plus; elle découvrira les répercussions de cette nouvelle loi sur la société au fur et à mesure que surviendront les changements.

Chose certaine, de nos jours, un gouvernement transparent et responsable aurait mis en place les mesures nécessaires. Le projet de loi aurait dû prévoir des ressources en vue de sa mise en œuvre. Nous éprouvons des difficultés, comme nous l’avons constaté au sein des comités. Nous faisons des propositions et des demandes par rapport à ce qui s’impose, mais ce que nous disons, c’est ce qui devrait être fait.

Ce n’est pas nous qui en subirons les contrecoups, mais plutôt les prochaines générations. Je pense que nous ne rendons pas service aux jeunes en adoptant le projet de loi C-45 avant d’avoir mis en place les ressources nécessaires.

Je demeure convaincue que nous ne devrions pas nous engager dans cette voie. Je m’opposerai au projet de loi C-45, car, à mon avis, il ne s’agit pas d’une bonne mesure législative. Je vais continuer de faire valoir que ce projet de loi comporte des lacunes, simplement parce que nous n’avons pas réfléchi à tout ce qu’il implique. Par conséquent, je ne peux pas accepter le message de la Chambre.

J’estime qu’il nous reste encore du temps, si le gouvernement consulte adéquatement les provinces et les municipalités, ainsi que toutes les personnes qui devront s’occuper de ces enfants — les professeurs, les travailleurs sociaux, les juges, les voisins —, pour comprendre l’importance de ce projet de loi et de ses répercussions sur les prochaines générations. Nous aurions dû tendre l’oreille aux jeunes. Nous aurions dû tenir des consultations plus exhaustives.

Si le gouvernement ne retarde pas les choses de manière à permettre une bonne mise en œuvre, j’ai peur des conséquences négatives que cela pourrait entraîner. J’exhorte le gouvernement à mettre un frein au projet de loi et à y réfléchir sérieusement avant que les prochaines générations se retrouvent aux prises avec des difficultés. Chaque mesure législative comporte son lot de conséquences imprévues. Nous ne devrions pas aller de l’avant aujourd’hui sans bien comprendre les conséquences réelles, parce que la société évolue, tout comme ses besoins. C’est déjà en soi plus que ce qu’une société peut gérer, mais de dire que nous allons légaliser la marijuana et que tout va se mettre en place tout seul — si vous avez déjà travaillé avec des enfants, vous savez que cela ne fonctionne pas ainsi.

J’ose espérer que nous continuerons à suivre la situation de près, à faire ce qui s’impose et à implorer le gouvernement de reporter l’application des aspects qui ne sont pas encore en place. Rien n’a encore été fait pour sensibiliser la population.

Dans le rapport du sénateur Nolin, on prévoyait une période de sensibilisation de cinq ans, des études et des échéances. En 2002, nous en savions beaucoup moins sur le cannabis. Aujourd’hui, nous en connaissons beaucoup mieux les conséquences, ce qui me fait craindre pour les jeunes. C’est là-dessus que je veux insister.

J’ose espérer que le gouvernement prendra ses responsabilités au sérieux, qu’il se penchera sur la question et qu’il ne se contentera pas de fêter l’entrée en vigueur du projet de loi. Je vous remercie.

L’honorable Art Eggleton : Honorables sénateurs, le régime actuel nuit aux jeunes Canadiens. Il est défaillant et doit être corrigé. Il y a un grand nombre de consommateurs de cannabis au Canada, surtout chez les jeunes de 18 à 25 ans. Le taux de consommation des Canadiens est l’un des plus élevés au monde, et cette consommation génère une industrie illicite de 7 milliards de dollars.

Le gouvernement a fait preuve de courage en présentant un projet de loi qui change beaucoup de choses et qui permet d’éviter la judiciarisation d’un grand nombre de jeunes. Les dispositions actuelles font en sorte que ces jeunes se retrouvent avec un casier judiciaire qui leur nuit à bien des égards et qui leur ferme des portes sur le marché du travail et dans la société. Le gouvernement a présenté un projet de loi qui change tout cela et qui mise sur la santé, la sécurité et la réglementation afin que les gens sachent vraiment ce qu’ils consomment.

(1750)

En même temps, le projet de loi prévoit des mesures de sensibilisation. Le gouvernement est actuellement en bonne voie de sensibiliser les Canadiens. Il se peut que nous ne voyions pas le matériel de sensibilisation puisqu’il est axé sur les jeunes, qui ont des moyens différents d’accéder à l’information par rapport à certaines personnes plus âgées.

Il est également vrai qu’il leur reste énormément de travail à faire. Cela doit aller tout à fait de pair avec la mise en œuvre du projet de loi. Il n’y a aucun doute à ce sujet. Le gouvernement l’a dit, mais je crois que nous l’avons dit encore plus fort dans le cadre de toutes les études menées par les cinq comités, y compris celui que j’ai la chance de présider, le Comité des affaires sociales, qui a réuni quelque 200 témoins au cours de l’étude de deux mois et des autres études qui l’ont précédée. Il s’agit de beaucoup de renseignements.

Nous avons effectivement proposé quelques modifications qui, selon nous, amélioreraient le projet de loi. Eh bien, le gouvernement en a accepté quelques-unes, mais a refusé certaines des plus importantes. Je dois admettre que ce qui m’a le plus déçu dans sa réponse est son utilisation de l’expression courante : « Eh bien, nous sommes respectueusement en désaccord », parce qu’il estimait avoir une meilleure réponse. C’est ce que cela voulait dire.

Je crois qu’il aurait été préférable pour le gouvernement de se pencher sur les raisons pour lesquelles les amendements ont été proposés, puisque les arguments que nous avons entendus au comité étaient convaincants et méritaient d’être reconnus. Autrement dit, il aurait dû examiner non seulement le libellé de l’amendement, mais aussi les facteurs qui le motivaient. Il a suivi toutes nos délibérations au cours des études. J’estime donc qu’il aurait pu faire un peu mieux à cet égard.

Lorsqu’on parle d’adopter une approche axée sur la santé et la sécurité, l’un des arguments qui m’ont le plus impressionné a été avancé par le Dr Bernard Le Foll, qui est directeur médical du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Il s’agit d’une des institutions prestigieuses du pays. Dans le débat, nous avons cité des positions favorables et des positions défavorables. Il ne manque pas d’intervenants qui se contredisent et qui présentent différents faits, différentes statistiques ou différentes analyses des statistiques. Il y en a beaucoup, assez pour créer de la confusion.

Je pense que c’est assez impressionnant lorsque le directeur d’une organisation prestigieuse comme le Dr Le Foll dit que nous devrions adopter une approche globale axée sur la santé publique, et non sur le droit criminel. Il a déclaré que nous pourrons grandement réduire les méfaits liés aux drogues illicites, y compris le cannabis, en adoptant une approche axée sur les questions sous-jacentes de santé publique. Il a ajouté que la plupart des méfaits sont, en vérité, le fruit des lois en vigueur, et non des drogues elles-mêmes.

La Criminal Lawyers’ Association a répété la même chose. Elle nous a dit ceci :

En termes simples, c’est la criminalisation de la marijuana qui cause le préjudice, pas la substance en tant que telle.

Je pense donc que le fondement de cette mesure législative est bon pour les Canadiens.

Ce ne sont pas tous nos amendements qui ont été acceptés, mais nous avons réussi quelques bonnes choses que je veux souligner, car il n’en a pas encore été question aujourd’hui. D’abord, il y a les questions qui ont été soulevées au Comité des peuples autochtones. Nous avons obtenu un engagement ferme de la part du gouvernement. C’est une grande réussite. Il fallait que le gouvernement agisse et il connaissait la position du Sénat dans ce dossier. Je suis heureux que le gouvernement ait décidé de prendre ces mesures.

C’est un processus à ce stade-ci. Il requiert encore beaucoup de confiance quant à la façon dont il se déroule, mais, au moins, il est en place. Les sénateurs, qui sont nombreux à y avoir contribué, participent à ce processus continu.

Il y a peut-être autre chose qui est ressorti de certains arguments que nous avons présentés au sujet de la double incrimination, ou double peine. Quelqu’un qui est résident permanent plutôt que citoyen canadien pourrait non seulement être pénalisé en vertu de la présente loi sur le cannabis, mais aussi se voir refuser la citoyenneté ou être expulsé.

Dans ce cas-là, on s’interrogeait sur les cas de simple possession ou sur la peine qui pourrait être prévue, ou même sur une amende qui serait prévue dans ces cas. Pour les gros revendeurs de drogue, c’est tout autre chose, et ce n’est pas d’eux que nous parlions dans ce cas-ci. Nous disons que, pour les infractions mineures, il ne devrait pas y avoir de double incrimination.

Dans une lettre qu’il a adressée à quelques-uns d’entre nous, qui avons eu une téléconférence avec lui samedi dernier, en matinée, le ministre a dit : « J’aimerais vous assurer que je m’engage à examiner avec soin les conséquences des projets de loi C-45 et C-46 sur l’immigration. Mon ministère est en train de se pencher sur les moyens dont je dispose pour les atténuer, y compris les moyens discrétionnaires. » Un groupe formé de certains d’entre nous va faire un suivi.

Je crois donc que nous pouvons encore apporter quelques améliorations au moyen des deux dispositions qui ont été proposées dans le cours des discussions avec les ministres fédéraux.

Pour l’heure, nous en sommes à l’étape où il faut répondre au message qui nous est parvenu, et je dis simplement qu’il est temps de l’accepter.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui au sujet du message que nous avons reçu de l’autre endroit à propos du projet de loi C-45.

Alors que je me demandais si j’allais accepter le message de l’autre endroit ou faire valoir que le Sénat devrait tenir bon, j’ai repensé à tout ce que j’ai entendu au Nunavut pendant notre étude et nos débats approfondis au sujet de ce projet de loi, et j’ai relu le document de travail publié par le sénateur Harder en avril dernier, intitulé « La complémentarité : Le rôle constitutionnel du Sénat du Canada ».

Le premier point qui a retenu mon attention, c’est que, d’après le sénateur Harder, il faut que le Sénat :

[…] fasse preuve de retenue par rapport aux projets de loi mettant en œuvre la plateforme électorale du gouvernement lorsque ceux-ci ont reçu l’aval de la Chambre des communes, conformément aux principes sous-jacents de la Convention de Salisbury (ce qui n’exclut aucunement des amendements qui amélioreraient le projet de loi).

J’ai donc examiné la plateforme des libéraux. Elle promet qu’un gouvernement libéral :

[…] avec des spécialistes en santé publique, en toxicomanie et en application de la loi, mettra en place un réseau strict de vente et de distribution de marijuana qui sera dûment soumis aux taxes d’accise provinciales et fédérale.

Selon moi, cela signifie que le Sénat, grâce aux débats qu’il a tenus et aux amendements qu’il a proposés, s’efforce d’améliorer le projet de loi et de voir à ce que le gouvernement respecte sa promesse. Plusieurs amendements adoptés par le Sénat, puis rejetés par l’autre endroit étaient justement fondés sur les conseils que nous avons reçus de spécialistes pendant les travaux des comités.

Mentionnons aussi que, comme le sénateur Christmas l’a souligné pendant les débats, alors que les libéraux de Trudeau ont promis pendant la campagne de « redoubler d’efforts pour faire entendre la voix des peuples autochtones à Ottawa », le projet de loi contredit cette promesse, puisque les peuples autochtones n’ont pas été consultés adéquatement, de toute évidence, et qu’ils ne participeront pas au régime de la taxe d’accise.

Le sénateur Harder ajoute qu’il faudrait que le Sénat :

[…] adopte une approche équilibrée lorsque des amendements sont apportés aux projets de loi du gouvernement, avec une perspective axée, sans toutefois s’y limiter, sur les domaines qui sont au cœur de la mission institutionnelle du Sénat […]

Honorables sénateurs, j’estime que c’est ce que l’étude du projet de loi nous a permis d’accomplir. Le sénateur Harder avait soulevé plusieurs autres aspects, dont un examen objectif :

[...] de l’interaction de la loi avec :

- la Constitution du Canada, y compris la Charte canadienne des droits et libertés et la division des pouvoirs législatifs entre le Parlement et les législatures provinciales et territoriales;

- les traités et les accords internationaux que le Canada a ratifiés;

- des conséquences négatives de la légalisation sur les minorités et les groupes économiquement désavantagés;

- de l’incidence de la législation sur les régions, provinces et territoires, tout en considérant principalement l’intérêt national de la fédération dans son ensemble;

- des consultations effectuées avec les groupes d’intervenants, si exigés par la loi;

- du texte pour y déceler des erreurs de rédaction, des conséquences graves non souhaitées ou d’autres omissions […]

Eh bien, honorables sénateurs, j’estime que les amendements du Sénat portaient sur chacun de ces aspects.

(1800)

Nous pouvons tous convenir que les amendements du sénateur Dean, comme l’ajout de virgules oubliées et les corrections apportées à la version française, ont corrigé les erreurs de rédaction contenues dans ce projet de loi. La proposition de la sénatrice Seidman d’interdire l’extension de marque visait manifestement à exercer ce que la majorité des sénateurs voyaient comme une surveillance en vue de protéger les jeunes. L’amendement de la sénatrice Petitclerc avait pour but de clarifier le partage des pouvoirs entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux.

Honorables sénateurs, les lois qui ont un caractère régional relèvent habituellement de la compétence exclusive des provinces, et la compétence en matière de propriété et de droits civils relève des provinces. Pourquoi ne…

Son Honneur le Président : Je suis désolé de vous interrompre. Comme il est 18 heures, vous plaît-il, honorables sénateurs, de faire abstraction de l’heure?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Le sénateur Patterson a la parole.

Le sénateur Patterson : Dans ce cas, pourquoi les provinces ne peuvent-elles pas décider que les dommages liés à la culture à domicile sont trop sérieux pour qu’on autorise une telle activité, et pourquoi ne peuvent-elles pas décider que cultiver de la marijuana dans une maison d’habitation empiète sur les libertés civiles des personnes vivant dans un immeuble de logements qui décident de ne pas s’exposer au cannabis?

En passant, ce ne sont pas seulement le Québec et le Manitoba qui sont préoccupés par cette question, mais aussi le gouvernement du Nunavut.

La liste continue. La sénatrice Omidvar a insisté pour que l’on protège les immigrants qui subissent des répercussions disproportionnées après avoir reçu une peine inférieure à six mois. Le sénateur White a insisté pour que l’on apporte un amendement qui donnait suite aux inquiétudes des témoins experts représentant les chefs de police du pays. L’amendement du sénateur Carignan visait à améliorer la mesure législative pour garantir que nous ne fournissions pas involontairement au marché noir une façon détournée d’accéder au nouveau commerce licite en exigeant que le nom des actionnaires et des installations autorisées soit rendu public.

Honorables sénateurs, nous avons bien accompli notre devoir. Nous avons le devoir constitutionnel, comme le sénateur Harder l’a souligné, de défendre les intérêts des régions, les intérêts des minorités. Nous avons le devoir constitutionnel de donner une voix aux groupes sous-représentés : les jeunes et les immigrants. Nous avons le devoir constitutionnel de veiller à ce les projets de loi qui sont adoptés au Sénat soient exempts d’erreurs et de préjudices et qu’ils soient conformes à la Charte, à la Constitution et aux traités internationaux. Nous avons recueilli des témoignages d’experts, et nous avons débattu de ce projet de loi avec attention, rigueur et passion pendant des mois. Les amendements rejetés ont fait l’objet d’une étude approfondie et avaient été adoptés majoritairement au Sénat. Tous les amendements rejetés portaient sur les aspects dont parle le sénateur Harder dans son document.

Selon le sénateur Harder, lorsque le Sénat s’adonne au ping-pong législatif, il peut bien proposer des amendements, mais il devrait se garder d’insister pour les faire adopter. Or, chers collègues, je vous pose la question suivante : si nous ne défendons pas notre position aujourd’hui, à quel moment faudra-t-il le faire? Si nous n’insistons pas relativement à un projet de loi que le gouvernement lui-même a qualifié de mesure évolutive, à quel moment devrions-nous alors exercer notre mandat constitutionnel, qui consiste à améliorer les projets de loi en fonction des éléments qui sont au cœur de la mission institutionnelle du Sénat?

Chers collègues, voilà un message que je ne puis accepter.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, j’interviens au sujet du message provenant de l’autre endroit dont nous sommes saisis aujourd’hui. Le sénateur Harder a expliqué de manière détaillée le contenu du message, et j’aimerais particulièrement revenir sur les conséquences pour les résidents permanents qui sont reconnus coupables d’infractions punissables par procédure sommaire au titre du projet de loi C-45.

Évidemment, je suis déçue que le gouvernement ait jugé bon de rejeter cet amendement, en dépit de l’approche raisonnée que nous avions proposée. Nous avons mis en relief les conséquences démesurées et imprévues de certaines dispositions du projet de loi C-45 sur les résidents permanents. Je ne voudrais pas me répéter mais, essentiellement, on impose une double sanction aux résidents permanents qui contreviendraient au projet de loi C-45. Cette double sanction serait imposée, même lorsqu’il y aurait une absolution conditionnelle ou que la personne ne purgerait aucune peine.

En comité et dans cette enceinte, nous avons fait valoir que cette distorsion est non seulement injuste, mais aussi contraire à l’objet du projet de loi, qui est la décriminalisation. La disposition a des répercussions négatives et disproportionnées pour une catégorie d’individus, c’est-à-dire les résidents permanents, alors qu’elle permet à d’autres de s’engager dans la voie de la réhabilitation. Autrement dit, il y a deux poids, deux mesures.

Nous n’avons pas réclamé de traitement spécial, mais plutôt un traitement égal pour les personnes visées qui se trouvent à être déclarées coupables. En limitant l’amendement aux cas où la peine est inférieure à six mois, nous excluons les personnes qui auraient causé des lésions corporelles et qui sont reconnues coupables d’un crime grave.

Notre amendement était raisonnable, constructif et prônait une approche progressive, mais, comme on le sait, le gouvernement l’a rejeté.

Toutefois, certains sénateurs ignorent peut-être que, ces dernières semaines, quelques sénateurs, moi y compris, se sont entretenus à quelques reprises avec le ministre et son cabinet alors que nous rédigions différentes versions de l’amendement. Au cours de ces conversations, nous avons réussi à convaincre le ministre de la nécessité d’agir — dès maintenant, en fait — et on en est actuellement à explorer différentes avenues. Par conséquent, je n’insisterai pas sur l’adoption de l’amendement parce que, personnellement, je suis prête à accepter la parole du gouvernement et du ministre, qui se disent saisis de cette question et souhaitent la résoudre d’urgence. Ils nous ont donné l’assurance qu’ils cherchent activement des solutions à court et à moyen termes.

Je ne répéterai pas le passage de la lettre du ministre Hussen que le sénateur Eggleton a cité. Je souligne toutefois qu’on a pris l’engagement de collaborer avec nous. Le ministre déclare ce qui suit dans sa lettre :

[…] je m’engage à examiner avec soin les conséquences des projets de loi C-45 et C-46 sur l’immigration. Mon ministère est en train de se pencher sur les moyens dont je dispose pour les atténuer […]

Voilà ce que dit la lettre, entre autres. Même si je vais croire le ministre et le gouvernement sur parole, lorsque j’analyse les phrases, la nature des verbes employés m’amène à la prudence. Le ministre utilise des mots comme « explorer », « considérer » et « examiner ». Ce ne sont pas tout à fait des mots qui évoquent des actions.

Voici donc ce que je compte faire. J’ai l’intention de demander des comptes au ministre sur les promesses qu’il a faites dans sa lettre et sur les mesures qu’il a prises. Nous allons rencontrer le ministre en septembre afin de discuter des progrès réalisés par rapport aux solutions qu’il propose, qu’il s’agisse de directives à court terme ou de mesures législatives à long terme.

Par ailleurs, je suis rassurée par une phrase dans la lettre qui dit que le ministère informera de façon proactive le public, y compris les résidents permanents, afin de les aviser des conséquences auxquelles les immigrants s’exposent s’ils s’adonnent à des activités criminelles et interdites liées au cannabis, y compris la conduite avec facultés affaiblies, ce qui nous amène au projet de loi C-46.

Je crois que cette Chambre et le Comité des affaires sociales a fait de l’excellent travail en cernant un problème dont le gouvernement n’avait manifestement pas tenu compte et sur lequel il doit maintenant se pencher. Nous avons rempli notre rôle en étudiant soigneusement le projet de loi et en cernant un problème majeur et une solution possible. J’estime que nous avons trouvé une façon de bien travailler avec l’autre endroit dans un respect mutuel et que, ce faisant, nous avons démontré aux Canadiens l’importance du travail accompli à la Chambre de second examen objectif. Par conséquent, je vous félicite de votre excellent travail, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Sénatrice Omidvar, accepteriez-vous de répondre à une question?

La sénatrice Omidvar : Bien sûr.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Sénatrice Omidvar, selon ce que je comprends, vous déployez tous les efforts nécessaires pour rédiger un amendement. La lettre du ministre ne lie pas les futurs gouvernements. Tout repose donc sur la bonne relation que vous entretenez avec le ministre. Est-ce vraiment la voie que nous voulons suivre par rapport aux amendements? Nous avons déjà vu ce scénario, et la meilleure façon de procéder aurait été un changement. Je ne sais pas qui rencontrera le ministre, mais j’espère que vous nous tiendrez au courant. Envisageriez-vous, dans une autre session, de proposer un autre amendement au projet de loi. Nous avons déjà vu ce scénario, et la meilleure façon de procéder aurait été un changement. Je ne sais pas qui rencontrera le ministre, mais j’espère que vous nous tiendrez au courant. Envisageriez-vous, dans une autre session, de proposer un autre amendement au projet de loi?

(1810)

La sénatrice Omidvar : Je vais certainement informer le Sénat des progrès réalisés par rapport à ces engagements. Un projet de loi a été promis. Le processus s’inscrit dans le contexte de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Une mesure législative sera donc présentée. Je ne sais pas si elle viendra d’ici ou de l’autre endroit. Ces décisions seront prises dans le cadre des discussions que nous aurons et de l’entente que nous conclurons.

[Français]

L’honorable Éric Forest : Honorables sénateurs, je serai bref. En toute honnêteté, chers collègues, je ne croyais pas prendre la parole sur le message reçu de l’autre endroit à propos du projet de loi C-45. J’avais vraiment espoir que le gouvernement verrait le bien-fondé des amendements que nous avons élaborés avec diligence et réflexion tout au long du processus de l’étude du projet de loi C-45, depuis novembre dernier. À ce chapitre, je tiens à souligner l’excellent travail de notre collègue, le sénateur Dean, dans le cadre de ce dossier fort complexe.

Je ne peux cacher ma déception devant la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui. Je veux réaffirmer que je suis en faveur de la légalisation du cannabis, et ce, dans le meilleur environnement législatif possible. Ce projet de loi pourra permettre désormais de faire un choix, un choix entre celui de consommer du cannabis provenant du marché noir, dont on ignore tout de sa composition, et celui de consommer du cannabis contrôlé, tout en sachant ce que contient le produit et en connaissant son taux de THC. Il s’agit d’un engagement électoral, et j’en suis pleinement conscient. Nous devons respecter les volontés du gouvernement élu, mais je ne peux me permettre de rester inactif devant le message que la Chambre des communes nous renvoie.

[Traduction]

Je tiens à reconnaître le travail que nos collègues ont effectué de bonne foi afin d’améliorer le projet de loi, en s’appuyant sur l’étude exhaustive que nous avons menée et sur les témoignages pertinents que nous avons entendus. Le fait que le gouvernement semble complètement sous-évaluer ce travail soulève toutefois un malaise chez moi.

[Français]

Mon point de vue ici ne se situe pas sur le plan constitutionnel ou législatif, parce que nous avons des collègues qui ont énormément plus d’expertise que moi. Cependant, mon intervention aujourd’hui défendra deux principes qui me sont particulièrement chers et qui sont basés sur le respect et le partenariat.

Dans un premier temps, il y a le principe du respect des champs de compétence. Je suis un ferme partisan du principe de subsidiarité, et ce, à tous les niveaux. Les gouvernements du Québec, du Manitoba et du Nunavut ont tous la légitimité de proscrire la culture du cannabis à domicile. Lors de sa comparution au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, le ministre des Affaires intergouvernementales du Québec, M. Jean-Marc Fournier, était limpide à ce sujet. Le rejet du troisième amendement s’explique mal. Il aurait confirmé les compétences du Québec à cet égard.

À l’heure actuelle, les tribunaux sont aussi congestionnés que l’échangeur Turcot à Montréal à l’heure de pointe. Le gouvernement sait très bien qu’il y aura des contestations judiciaires dès la mise en vigueur du projet de loi. Son manque d’ouverture ne fera qu’aggraver cette situation déjà très problématique.

Je trouve inadmissible qu’on ne respecte pas la législature des provinces, qui est tout aussi légitime, ni le niveau de gouvernance avec lequel le gouvernement canadien doit bâtir un fort climat de partenariat s’il souhaite atteindre les objectifs fort complexes de la légalisation du cannabis, avec tous les risques que cette législation comporte. De plus, les provinces et les territoires devront également créer un environnement favorable à un partenariat solide et efficace avec les municipalités, qui seront quotidiennement confrontées à la réalité de cette nouvelle loi.

L’étude qu’a menée le Québec dans le cadre du projet de loi no 157 n’est pourtant pas sans valeur. Le Canada est toujours une fédération, et non pas un État unitaire qui dicte unilatéralement la marche à suivre à ses partenaires provinciaux, sans possibilité de compromis. La politique, c’est justement l’art du compromis. Je ne sens pas aujourd’hui la volonté du gouvernement d’arriver à un compromis à ce sujet. Par exemple, je m’explique mal que les propriétaires d’immeubles au Québec auront le droit de bannir certaines activités liées à la consommation du cannabis, mais que le gouvernement du Québec lui-même n’y soit pas autorisé. Il y a ici une question de cohérence. Je constate que ce problème soulève un véritable malaise.

Enfin, je perçois mal les objectifs des politiques publiques de créer un marché commercial légal de vente du cannabis si on autorise la culture à domicile. Le gouvernement croit-il que la vente commerciale sera profitable si les échanges de cannabis entre individus deviennent de plus en plus populaires? La question se pose, à mon humble avis. Sommes-nous en train de fragiliser un marché potentiel avant même sa création?

Dans un deuxième temps, je m’interroge sur la volonté du gouvernement de baliser la promotion du produit. L’amendement présenté par le Sénat pour restreindre davantage les activités promotionnelles était prudent et plein de bon sens. Nous connaissons tous les dangers de la consommation du cannabis. Un des objectifs cruciaux du projet de loi, selon moi, doit être d’éviter de banaliser la consommation du produit afin de ne pas en promouvoir l’usage, particulièrement chez nos jeunes. Le projet de loi C-45 doit avoir plus de mordant à ce chapitre. Il ne m’apparaît pas aussi solide qu’il devrait l’être. Ne soyons pas timides. Ce qui se passe avec l’alcool et ses promotions agressives au Québec devrait nous servir d’exemple. Il est inconcevable de promouvoir la consommation de cannabis comme nous le faisons en ce moment avec l’alcool.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous sommes témoins d’un manque flagrant d’ouverture de la part du gouvernement. Je ne peux pas cacher ma déception.

[Français]

Nous avons collectivement une responsabilité constitutionnelle de porter un second regard objectif et non partisan aux projets de loi. Selon moi, ma responsabilité est également de protéger et de défendre les intérêts du Québec et de ses régions, et c’est ce que je tente de faire aujourd’hui. Si nous choisissons d’amender un projet de loi, ce n’est pas uniquement pour le seul plaisir de le faire et d’alimenter des réunions à l’autre endroit, au bureau du premier ministre. Les amendements qui ont été proposés par le Sénat consolident de manière cohérente et légitime la complémentarité entre la législation provinciale, le projet de loi no 157 dans le cas du Québec, et la législation fédérale. Le gouvernement semble malheureusement y voir autrement.

Chers collègues, je m’opposerai au message de la Chambre des communes sur le projet de loi C-45. Je maintiens que ces changements législatifs sont indispensables. Je vous remercie.

L’honorable Raymonde Saint-Germain : Honorables sénateurs, je tiens d’abord à saluer les engagements qui ont été pris envers les Premières Nations par le gouvernement au moyen d’une lettre d’entente dans le but de favoriser l’adoption du projet de loi C-45, engagements auxquels je souscris, parce qu’ils permettent la prise en compte éclairée du contexte qui leur est propre. J’aurais espéré la même considération pour le travail sérieux et les arguments des provinces et du territoire qui ont choisi une approche prudente en prévoyant d’interdire la culture à domicile afin d’assurer une transition en douceur de la prohibition vers la légalisation. Cette approche prudente peut se justifier. Le Canada est le premier pays membre de l’OCDE à légaliser cette substance.

Or, les arguments évoqués par le gouvernement fédéral pour justifier son refus de l’amendement qui aurait permis aux provinces d’interdire la culture à domicile n’ont pas été documentés de manière fouillée ni approfondie quant aux enjeux en matière de santé publique. Le Cabinet s’est contenté d’invoquer des rapports d’expertise qui n’ont pas été divulgués à ce jour.

Pour ma part, je crois qu’il n’est pas suffisant d’énumérer les mesures qui pourront être prises par les provinces et les municipalités pour encadrer la culture à domicile ni de conclure, sans preuve à l’appui, que la culture de quelques plantes permettra de combattre efficacement les grandes plantations clandestines du crime organisé.

À l’opposé, un travail sérieux, notamment fondé sur des considérations de santé publique, a été fait par le gouvernement du Québec. Plusieurs arguments solides soutiennent l’interdiction de cultiver le cannabis à domicile, et je reconnais que des arguments contraires sont également soulevés par le gouvernement fédéral.

Parmi les arguments issus des travaux de spécialistes de la santé publique du Québec, j’en retiens trois; d’abord, celui d’éviter la distribution du cannabis cultivé à domicile à l’extérieur du régime légal, notamment auprès des jeunes. Cela n’a pas été dit souvent ici, mais c’est important. Ensuite, il y a celui d’adopter une approche prudente et progressive alors que la loi québécoise prévoit un rapport sur la mise en œuvre trois ans après l’entrée en vigueur et, par la suite, tous les cinq ans. Enfin, il y a la question d’éviter l’engorgement du système de justice causé par la multiplication des recours jusqu’en Cour suprême, lorsque des individus contesteront à grands frais l’interdiction de cultiver des plantes à domicile, interdiction adoptée par le gouvernement du Québec, en invoquant que cela pourrait contrecarrer les objectifs du projet de loi C-45. Par le fait même, cela obligera le gouvernement du Québec et celui du Canada à engager des fonds publics pour se défendre.

(1820)

Cela dit, je souhaite rappeler que le parrain du projet de loi, le sénateur Tony Dean, a fait un travail remarquable afin de bien documenter l’ensemble des enjeux au cœur de ce texte de loi et de répondre à toutes les questions des sénateurs. Plusieurs sénateurs qui, à l’origine, étaient opposés au projet de loi — et je pense à plusieurs sénateurs membres du Groupe des sénateurs indépendants ainsi qu’à d’autres sénateurs qui souscrivaient davantage à la décriminalisation plutôt qu’à la légalisation — ont changé d’avis à la lumière des réponses éclairantes du sénateur Dean et de son équipe.

Même si je suis convaincue du bien-fondé de la légalisation du cannabis, j’aurais espéré qu’elle se fasse dans le respect de l’opinion de toutes les parties prenantes. Je constate un manque d’ouverture et de souplesse de la part du gouvernement fédéral. Par contre, je crois que le Sénat a le devoir de ne pas contrecarrer la volonté d’un gouvernement démocratiquement élu, ou de ne le faire que dans des circonstances exceptionnelles et rarissimes. Dans le cas présent, je ne crois pas que la balance des inconvénients milite en faveur d’une insistance exceptionnelle de la part du Sénat. Ultimement, le gouvernement est responsable de ses choix et ce sera à la population d’en juger au moment opportun. C’est le propre de tout État démocratique qui s'appuie sur la règle de droit.

Je crois néanmoins que la prévention des litiges et la reconnaissance des compétences constitutionnelles des provinces devraient s’imposer en tant que pratique courante. C’est pour tenter, une dernière fois, de prévenir l’enjeu de la judiciarisation de la mise en œuvre du projet de loi C-45 que j’ai appuyé plus tôt l’amendement de l’honorable sénateur Carignan.

Aux prises avec ce dilemme, d’accord avec le principe de la légalisation, et ne voulant pas indûment bloquer la volonté légitime du gouvernement — et, ne l’oublions pas, la volonté de la Chambre des communes dans le message qui nous a été transmis hier —, mais convaincue du bien-fondé de la position des provinces, je continuerai d’espérer que la situation évoluera, mais je voterai en faveur du message de la Chambre des communes. Je le ferai surtout en pensant à tous ceux qui, au sein des provinces et des territoires, ont travaillé très fort, notamment les services de sécurité publique, les corps policiers, les services de santé, les services sociaux et l’ensemble des services publics. J’inclus aussi les entreprises qui seront dorénavant accréditées sur le plan légal pour veiller à ce que les citoyens qui veulent s’approvisionner en cannabis de façon légale le fassent dans des conditions qui soient maximales du point de vue de la qualité. Je le fais donc aussi afin d’appuyer ces entreprises. Dans l’éventualité d’un échec de la non-judiciarisation de ce débat, l’enjeu de l’équilibre entre la légalisation encadrée et ses bienfaits pour contrer le crime organisé et protéger les jeunes demeure, à mon avis, plus important.

Il n’en reste pas moins que, une fois que le Sénat en aura déféré au gouvernement, c’est ce dernier, dûment élu, qui sera responsable devant l’électorat. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

L’honorable Renée Dupuis : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du message que nous a transmis la Chambre des communes, parce que je suis d’avis que la situation actuelle — que j’ai qualifiée et que je continue de qualifier de situation marquée par la banalisation, l’indifférence et la complaisance — encourage la culture de produits dangereux pour la santé et la vente sur le marché illicite.

Honorables collègues, nous avons travaillé très sérieusement et je suis convaincue que nous connaissons maintenant la complexité de la question du cannabis. Nous avons également contribué à faire connaître nos travaux à la population, qui a pu suivre nos délibérations en comité et entendre les réponses aux questions que nous avons posées aux très nombreux témoins qui ont comparu devant nous.

Je voterai en faveur de la légalisation du cannabis qui doit, à tout le moins, permettre d’assurer un assainissement du marché actuel, en assurant le contrôle de la qualité de produits légaux qui seront vendus dans un marché légal. Par contre, je ne prétends pas croire que l’adoption de cette loi réglera tous les problèmes actuels.

Même si la Chambre des communes a rejeté l’amendement que nous avons proposé quant à la compétence des provinces et des territoires de légiférer afin d’autoriser ou d’interdire la culture à domicile, comme l’ont déjà annoncé les gouvernements du Québec, du Manitoba et du Nunavut, je crois que le rejet de cette clarification n’affecte pas cette compétence provinciale, et qu’il reviendra, de toute façon, aux tribunaux de clarifier l’état du droit sur ces questions.

Je suis d’avis que le Sénat devra profiter de l’occasion pour réviser la loi et pour exiger des comptes précis de la part du gouvernement fédéral sur la mise en œuvre de sa loi.

Enfin, j’aimerais inviter toutes les sénatrices et tous les sénateurs à examiner attentivement un élément méconnu de la procédure parlementaire canadienne en cas d’impasse entre le Sénat et la Chambre des communes au sujet d’un projet de loi. En effet, en cas de désaccord entre la Chambre des communes et le Sénat, deux procédures existent. Premièrement, il y a l’échange de messages, comme celui dont on débat aujourd’hui, qui peut, comme on l’a constaté, s’éterniser. Deuxièmement, il y a la tenue d’une conférence entre les Chambres, comme le prévoient l’article 16 du Règlement du Sénat et le chapitre 16 de l’ouvrage intitulé La procédure et les usages de la Chambre des communes.

La nomination de sénateurs indépendants a profondément changé la dynamique des débats au Sénat et a remplacé la dynamique traditionnelle, fondée sur la relation exclusive entre deux partis politiques. Je suis d’avis que le gouvernement doit tenir compte de ce changement et qu’il doit analyser sérieusement le travail qui a été fait par le Sénat dans le cadre de son étude du projet de loi C-45. Il se doit également d’analyser les conséquences de cette nouvelle dynamique au Sénat sur l’adoption de ses projets de loi. Je vous remercie.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

L’honorable Leo Housakos : Honorables collègues, je n’avais pas prévu de participer au débat, mais je me sens obligé d’y participer, car il est très important. Je tiens à exprimer mon point de vue et je compte être bref.

J’ai écouté plus tôt mon bon ami et collègue, le sénateur Eggleton, parler des faits en jeu dans ce débat. Nous ne semblons pas voir les faits de la même façon, lui et moi.

Il est évident que le gouvernement a fait de la réduction de la consommation de cannabis chez les jeunes son principal objectif. Tout au long de ce débat, et pour justifier ce qu’ils font, ils ont systématiquement fait valoir que le taux de consommation de marijuana chez les jeunes Canadiens est parmi les plus élevés au monde. Le fait est, chers collègues, que, au cours des trois dernières années, depuis que les libéraux ont remporté les élections — et personne ne nie qu’ils avaient le mandat clair, dans leur plateforme, de mettre en place une loi sur le cannabis —, ils n’ont aucunement tenté d’obtenir des données de référence solides. Il n’y a pas un seul organisme gouvernemental qui a commandé le moindre sondage, la moindre étude ou la moindre analyse pour appuyer leurs arguments.

Dans le cas d’un projet de loi aussi important que celui-ci, il semblerait logique que le gouvernement ne tienne pas uniquement compte de l’information provenant d’organismes d’autres pays du monde et qu’il s’affaire à rassembler ses propres données.

À ce jour, la seule étude que le gouvernement a commandée est celle de Santé Canada, qui ne vise qu’à analyser les installations de traitement des eaux usées au pays pour mesurer la quantité de marijuana présente dans l’eau.

Les libéraux disent que leur objectif principal est de réduire la consommation de cannabis chez les jeunes.

(1830)

Je n’en ai vu aucune preuve dans le cadre de nos divers travaux au Sénat. Ce que j’ai vu, cependant, c’est le gouvernement tenter véritablement de transformer une activité illégale en une activité légale. Je l’ai vu prendre des mesures pour obtenir une part du gâteau.

Honorables collègues, ce qui se passe maintenant est fort semblable à ce qui s’est produit à l’ère de la prohibition. Ce qui est arrivé durant cette période est très simple. À l’époque, le gouvernement avait décidé qu’il voulait une part du gâteau. Il avait donc légalisé l’alcool, qui était alors illégal, ce qui avait permis aux gouvernements de réaliser d’énormes profits.

L’argument invoqué pour justifier cette décision était bien sûr que la légalisation permettrait d’écarter les entités illégales du commerce de l’alcool. Nous savons tous ce qui s’est produit au bout du compte. Les contrebandiers d’alcool sont devenus des multinationales établies qui ont fait beaucoup d’argent, et nous avons passé des décennies à essayer d’enrayer le problème de l’alcoolisme. La société a dépensé des milliards de dollars pour éduquer les gens et tenter de réparer les dommages de cette politique sociale qui s’est révélée catastrophique.

C’est essentiellement ce qui va se produire ici. Les entités qui vendent actuellement de la marijuana illégalement deviendront des grandes entreprises qui gagneront beaucoup d’argent. Beaucoup de jeunes consommeront de la marijuana parce que nous la normalisons maintenant en adoptant ce projet de loi.

Un petit pourcentage de ces jeunes — j’admets que c’est un petit pourcentage, de 8 à 16 p. 100 selon les études — se serviront de la marijuana comme d’une drogue d’introduction, puis passeront de nombreuses années de leur vie à suivre des programmes de traitement pour toxicomanie. Bien sûr, le gouvernement dépensera des tonnes d’argent dans des programmes de santé et d’autres programmes sociaux pour réadapter ces personnes et traiter toutes les conséquences qui découlent de la toxicomanie.

Encore une fois, pourquoi est-ce que j’examine les faits d’un point de vue différent? Je ne suis pas convaincu que le gouvernement se soucie de la sensibilisation, car, tout compte fait, cela fait près de trois ans qu’il est au pouvoir et, dans ses trois budgets successifs, nous avons vu bien peu de ressources consacrées à la sensibilisation, voire aucune. Cela n’a rien à voir avec les plateformes. Mes enfants utilisent diverses plateformes et je peux vous assurer que, à l’heure où je vous parle, ni le gouvernement actuel ni ses prédécesseurs n’ont déployé d’effort majeur concerté en vue de sensibiliser la population comme nous l’avons fait pour le tabac et l’alcool. Malheureusement, les gouvernements attendent qu’un problème devienne une crise avant d’agir, mais, dans ce cas-ci, agir trop tard risque tout simplement d’avoir un prix trop élevé.

Encore une fois, je me demande si l’intention du gouvernement correspond vraiment à son grand objectif, qui consiste à empêcher les jeunes de consommer de la marijuana. Prenons, par exemple, l’amendement très intelligent présenté par le Sénat concernant l’extension de marque et que l’autre endroit a rejeté. C’était un petit pas en vue de limiter et de réduire la promotion de l’usage du cannabis chez les jeunes.

Le Sénat a rejeté un amendement visant à faire passer l’âge légal de 18 ans à 19 ou à 21 ans. C’est dommage, car nous mettons ainsi au rancart les rapports de l’Association médicale canadienne, de l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, de la Société canadienne de psychologie, d’établissements d’enseignement secondaire et postsecondaire et de gens qui travaillent auprès des jeunes au quotidien. Toutes les personnes qui ont témoigné devant notre comité ont dit, témoignage après témoignage, que cela sera rien de moins que catastrophique.

Bien sûr, le sénateur Dean soutient que j’exagère quand je dis que les médecins estiment que l’usage de marijuana chez les jeunes de 0 à 24 ans a un effet néfaste sur le développement du cerveau. En fait, il prétend que, à mesure que le jeune vieillit, le niveau de dommage cérébral s’amoindrit.

Peu m’importe si c’est 2 p. 100 ou 3 p. 100 pour un jeune de 23 ans qui fume de la marijuana. Au bout du compte, il y aura des répercussions sur les personnes malavisées qui en consomment, et c’est la société qui en fera les frais à l’avenir. Il m’est impossible de ne pas en tenir compte.

Comme l’a souligné ma collègue, la sénatrice Andreychuk, le Canada est signataire de trois importantes conventions internationales des Nations Unies. La ministre des Affaires étrangères a témoigné devant le comité et a déclaré que nous manquons aux règles. Quelles mesures avez-vous prises afin d’atténuer ces manquements? Absolument rien. Tout ce que fait le gouvernement, c’est parler avec les amis et les alliés du Canada.

C’est ce qu’il y a de moins grave. C’est la réaction de notre principal partenaire commercial qui aura les plus importantes répercussions sur le Canada. Nous avons entendu à maintes reprises que leurs lois fédérales sont claires en ce qui concerne l’utilisation de la marijuana. Quelle incidence cela aura-t-il sur les échanges frontaliers, sur nos échanges commerciaux, sur les Canadiens qui tentent de franchir la frontière à divers postes frontaliers entre les États-Unis et le Canada?

Chers collègues, au bout du compte, le Sénat a une responsabilité fondamentale. J’ai entendu aujourd’hui l’argument selon lequel ce n’est pas le rôle du Sénat de faire obstacle à la Chambre des communes, dont les représentants sont légitimement élus. Non, ce n’est pas notre rôle, sauf à des moments particuliers dans l’histoire. Le Sénat s’est, à certains moments, opposé à des mesures législatives du gouvernement et les a rejetées. Je reconnais que cela ne s’est pas produit souvent, mais, lorsque le Sénat juge certaines mesures législatives inacceptables et dangereuses pour l’avenir du pays, il a l’obligation de se faire entendre.

Chers collègues, au bout du compte, l’autre endroit est responsable des politiques et des mandats publics mais, au Sénat, il n’est pas seulement question de cote de popularité. Le Sénat doit faire ce qui s’impose. Si les sénateurs — et je cite le sénateur Joyal, qui l’a dit à maintes reprises — ont le droit de voter en faveur de mesures législatives, ils ont également le droit de s’opposer à des mesures législatives lorsqu’ils estiment que c’est dans l’intérêt des régions et des personnes qu’ils représentent.

C’est l’une de ces occasions où nous devons nous montrer fermes et prendre la parole selon ce que nous dicte notre conscience, au nom des gens que nous représentons. Peu importe si cela vient des leaders autochtones de ce groupe. Nombre de sénateurs défendent énergiquement les collectivités autochtones. C’est maintenant le moment de se faire entendre.

Encore une fois, sénateur Eggleton, le fait est que je n’ai pas confiance en un gouvernement qui arrive avec une lettre à minuit moins cinq, juste avant le vote, et qui dit : « Ne vous inquiétez pas. Vous avez des préoccupations; nous allons nous en occuper. »

Je pense que les groupes autochtones ne sont pas étrangers aux promesses voilées des gouvernements. Voici maintenant leur occasion de se montrer fermes et d’envoyer un message.

Nous avons maintenant l’occasion de voter sur ce projet de loi non seulement comme législateurs, mais aussi comme parents et comme grands-parents. Au bout du compte, je ne crois pas qu’il y ait une seule personne au Sénat qui dirait à son enfant ou à son petit-enfant que c’est bien de consommer la marijuana et que c’est une chose normale. Je pense que nous sommes tous conscients des répercussions sociales et économiques que cela aura.

J’ose croire que, en fin de compte, nous écouterons ce que nous dicte notre conscience, au lieu de céder aux impératifs politiques. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas appuyer le projet de loi.

L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, je me suis dit que ce serait bien d’alléger un peu la fin du débat avec un message enjoué que j’ai rédigé.

Les sénateurs pour débattre sont venus,

et ils ont débattu.

Le cannabis, voilà qui a piqué leur curiosité,

fallait-il le légaliser

ou le décriminaliser

Ils ont vite compris, toujours à leur affaire,

que ce n’était pas une question ordinaire.

À l’évidence le débat,

polarisait le Sénat.

Chaque jour, de nouvelles idées étaient présentées.

Pour ou contre,

tous les sénateurs se sont prononcés,

laisser libre cours au marché noir

ou favoriser le libre marché,

parler de santé publique et de sensibilisation,

penser aux habitudes de la prochaine génération.

Bien des questions ont été posées,

et autant d’affirmations ont été lancées.

Il faut dire qu’au Sénat du Canada personne n’a craint

de défendre son opinion à tous crins.

Tous les sénateurs savaient

que ce projet de loi qu’ils étudiaient

changerait l’allure du pays.

Au bout du compte,

le Sénat a amendé le projet de loi.

Certaines propositions ont été retenues,

d’autres pas.

Mais comme le veut la chanson,

Il vient un temps où il faut passer à l’action,

Entre deux joints, nous avons fait quelque chose.

Honorables sénateurs, si vous n’avez pas saisi la dernière référence,

je pourrai vous l’expliquer après la séance.

Merci beaucoup.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorable sénateurs, je prends la parole pour ajouter quelques commentaires à cet important débat avant que nous mettions aux voix le message de la Chambre des communes.

J’étais très déçue de ce message en raison de tous les amendements qui ont été rejetés. Je sais que les notes d’allocution parlent de 45 amendements acceptés, mais, au fond, il s’agit surtout d’amendements techniques provenant du gouvernement et présentés par l’entremise du sénateur Dean au comité.

Si le débat à l’étape de la troisième lecture est révélateur du manque de rigueur que nous continuerons d’observer, n’oubliez pas que le dernier amendement technique présenté par le sénateur Mitchell comportait une erreur. Si la sénatrice Seidman n’avait pas relevé cette erreur, un « s » manquant à un mot — car l’exactitude linguistique est primordiale —, et le signe de ponctuation, si nous ne les avions pas inclus et corrigés, le Sénat aurait pu être exclu du processus d’examen et de reddition de comptes.

(1840)

C’est ce qui est arrivé à l’étape de la troisième lecture. À présent, nous constatons que le gouvernement a presque entièrement rejeté tout le travail accompli par le Sénat, tout l’incroyable travail du parrain, des porte-parole, des présidents et des vice-présidents des comités et de nous tous, qui avons participé à ce processus qui a duré sept mois.

Je suis profondément déçue de prendre la parole aujourd’hui pour vous faire part de ma frustration à ce stade-ci, car je me demande si tout ce que nous avons fait va changer quelque chose.

Cela dit, alors que nous sommes sur le point de passer au vote, j’ai pensé à un point de vue qui manquait, celui d’une plus petite entité. Au nom des municipalités, à propos des préoccupations qu’elles ont soulevées — tout comme le sénateur Carignan a parlé de l’importance des provinces et des raisons qui nous ont amenés à appuyer l’amendement, qui m’ont incitée à appuyer l’amendement —, je tiens à rappeler aux sénateurs les différents points de vue autour de la table. Il n’y en a pas eu autant que nous l’aurions souhaité, mais, pour les municipalités et une administration dans ma province, et un conseiller qui continue de m’envoyer des messages pour me demander s’il y a quoi que ce soit d’autre que nous puissions faire, je me dois de dire ces mots aujourd’hui pour rappeler aux sénateurs les préoccupations soulevées par les conseillers municipaux et les maires.

Le conseiller Au, de la Ville de Richmond, en Colombie-Britannique, est un des témoins convoqués par le Comité des affaires sociales. Je vais le citer. Il a présenté les cinq grands motifs de préoccupation de la municipalité. Le premier est la culture à domicile :

[...] la culture à domicile [...] éveille des craintes chez nous. Dans notre évaluation de la situation, nous croyons que c’est inapplicable et que ça contredit l’objectif officiel et originel du projet de loi C-45, la protection des jeunes contre l’accès à la marijuana.

Le deuxième motif de préoccupation est l’âge minimum pour la possession :

Nous avons remarqué qu’aucune province ne propose d’autoriser des mineurs, c’est-à-dire des jeunes de moins de 18 ans, d’être en possession de marijuana.

Je constate qu’on a répondu à cette préoccupation en rejetant l’un des amendements.

Il a poursuivi comme suit :

Le troisième concerne l’état de préparation des polices à l’application de la loi ou des règlements. Beaucoup d’autres villes canadiennes l’ont dit : nous ne sommes pas prêts. Nous n’avons pas les ressources, la formation, les moyens ou les ressources humaines pour appliquer la loi après son adoption, l’été ou l’automne prochain […]

J’ai deux autres observations. D’abord, nous nous sommes opposés à l’utilisation de terres agricoles pour la production de marijuana […]

Enfin, en ce qui concerne les coûts, différentes sources nous ont appris que, pour les municipalités, ceux de mise en œuvre ou de réglementation de la législation seront considérables.

Les préoccupations soulevées par le conseiller municipal Au sont semblables à celles qui ont été exprimées par des municipalités de partout au pays. Au cours de l’étude du projet de loi, Matt Zabloski, de la Ville de Calgary, a déclaré ce qui suit :

Comme les possibilités de production personnelle augmentent et que les particuliers sont en mesure de cultiver leur propre cannabis, les fonctionnaires municipaux éprouvent des craintes sérieuses sur les éventuelles conséquences pour la santé et les ressources exigées pour réglementer la culture non commerciale.

Bill Karsten, conseiller à la Ville d’Halifax, a dit ceci :

Sénateurs, nous avons besoin de nouveaux outils financiers pour accomplir ce travail. Nous sommes reconnaissants — très reconnaissants, en fait — envers le gouvernement fédéral qui s’est engagé à verser 81 millions de dollars à l’appui de municipalités pour former les services de police à la mise en œuvre du nouveau régime. Toutefois, selon nous, ces 81 millions de dollars ne représentent qu’une goutte d’eau dans l’océan.

Chers collègues, la mesure législative dont nous discutons délestera le fédéral de ses responsabilités, mais pour mieux les refiler aux provinces, puis aux municipalités, et ce, sans jamais tenir compte de l’avis des personnes qui seront justement chargées de la faire appliquer. Les municipalités sont inquiètes, les provinces aussi. Nous devrions tous être inquiets.

Le gouvernement prétend que ce projet de loi empêchera les jeunes d’avoir librement accès au cannabis, mais nous savons que c’est faux. Comme l’âge légal pour en acheter sera de 18 ans dans certaines provinces, les élèves au niveau secondaire risquent de pouvoir s’en procurer plus facilement que jamais.

S’il avait été accepté, l’amendement de la sénatrice Seidman sur l’extension de marque aurait protégé les mineurs en évitant qu’ils soient exposés inutilement aux efforts de marketing des détaillants de marijuana.

J’en ai vu un exemple avant même que cette substance soit légale, et force est d’admettre que c’était très réussi comme logo. Les sacs pouvaient servir à toutes sortes de choses, alors on peut imaginer ce à quoi les mineurs et les enfants du pays seront exposés lorsque le projet de loi sera en vigueur.

Nous savons aussi que la sécurité en milieu de travail pose problème. L’armée canadienne a justement annoncé récemment qu’elle allait s’adapter, mais j’assistais l’autre jour à un dîner régimentaire, et les officiers sur place me disaient que la politique de tolérance zéro actuellement en place serait sans aucun doute maintenue. Alors, quand j’ai vu le rapport que l’on sait, je me suis demandé ce qui allait se passer dans les milieux de travail, mais aussi dans les rangs de l’armée. Le travail des militaires sort déjà de l’ordinaire, alors il faudra surveiller la situation de près. Cela dit, pour un milieu où la tolérance zéro est actuellement de mise, ce sera toute une adaptation.

Alors malgré les assurances du gouvernement, et je sais que j’en ai déjà parlé, le sénateur Massicotte a demandé au sénateur Harder de lui fournir les données montrant que la légalisation de la marijuana et la création d’un marché légal nuira à la contrebande et au marché noir. Nous savons que les infrastructures sont là, et je ne doute pas un instant qu’elles serviront à assurer la survie, voire l’expansion du marché noir. Comment expliquer, autrement, que certaines entreprises annoncent tout à coup que leur chiffre d’affaires devrait tripler, pour ne pas dire décupler, d’ici la fin de l’année, en l’absence de légalisation? Où va-t-il, tout ce cannabis?

Le Canada va donc devenir le deuxième pays du monde, c’est-à-dire la deuxième administration fédérale, à légaliser le cannabis. Je suppose que nous allons devenir un exportateur de cannabis. Ce n’est pas une perspective que je souhaite voir ou appuyer.

J’ai déjà mentionné que la criminalisation de la marijuana ne fonctionne pas et que nous devons nous attaquer à ce problème. Nous devrions nous concentrer sur ce sujet urgent plutôt que d’exposer tout le pays à un marché légal de marijuana sans avoir au moins vu les détails de la réglementation et obtenu l’assurance que les préparatifs sont terminés afin de garantir que les Canadiens, les sociétés et les municipalités sont prêts à affronter la situation. Je m’attends à voir beaucoup de lacunes dans l’ensemble du système au cours des cinq premières années, et nous devrions tous être très préoccupés.

Étant donné qu’il est temps de voter sur le message de la Chambre des communes, j’exhorte encore une fois les honorables sénateurs à bien réfléchir à l’objet du vote. Je sais que je vais voter contre le message, qui nous rappelle essentiellement que tout notre travail a été vain, car la majorité de nos amendements ont été rejetés. La plupart des amendements que le gouvernement a acceptés étaient ses propres amendements de forme, visant à corriger des erreurs dans la rédaction du projet de loi initial.

J’exhorte tous les sénateurs à bien réfléchir au vote final sur le message de la Chambre et à rejeter le message. Merci.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Harder, C.P., avec l’appui de l’honorable sénateur Mitchell, propose que le Sénat agrée l’amendement que la Chambre des communes a apporté... Puis-je me dispenser de lire la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Une voix : Trente minutes.

Son Honneur le Président : Le vote aura lieu à 19 h 18.

Convoquez les sénateurs.

(1920)

La motion, mise aux voix, est adoptée :

POUR
Les honorables sénateurs

Bellemare Griffin
Bernard Harder
Black (Alberta) Hartling
Boniface Jaffer
Bovey Lankin
Boyer Lovelace Nicholas
Campbell Marwah
Cools Massicotte
Cordy McCallum
Cormier McPhedran
Coyle Mercer
Dalphond Mitchell
Dasko Moncion
Dawson Munson
Day Omidvar
Deacon (Nouvelle-Écosse) Pate
Dean Petitclerc
Downe Pratte
Duffy Ravalia
Dupuis Richards
Dyck Ringuette
Eggleton Saint-Germain
Furey Tannas
Gagné Wallin
Gold Wetston
Greene Woo—52

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McInnis
Ataullahjan McIntyre
Batters Mockler
Beyak Ngo
Boisvenu Oh
Carignan Patterson
Dagenais Plett
Doyle Poirier
Forest Seidman
Housakos Smith
MacDonald Stewart Olsen
Maltais Tkachuk
Manning Verner
Marshall Wells—29
Martin

ABSTENTIONS
Les honorables sénatrices

Galvez Mégie—2

Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2018

Quinzième rapport du Comité de l’énergie,
de l’environnement et des ressources naturelles
sur la teneur du projet de loi—Fin du débat

Le Sénat passe à l’étude du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles (Teneur du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures), déposé au Sénat le 31 mai 2018.

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du quinzième rapport du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles.

Comme j’ai longtemps siégé à ce comité, c’est avec plaisir que j’ai participé à l’étude préalable de certains éléments de la partie 5 du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures. La partie 5 constitue la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre et résume le filet de sécurité fédéral pour la taxe sur le carbone au Canada.

Chers collègues, avant, pendant et après l’étude, j’ai été très inquiet de l’effet qu’une taxe sur le carbone aurait sur mon territoire, le Nunavut. Lorsque le Nunavut a signé, le 9 décembre 2016 à Vancouver, à l’occasion de la conférence des premiers ministres, le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques, cela a immédiatement déclenché des signaux d’alarme. L’honorable Joe Savikataaq, qui était à l’époque ministre de l’Environnement, s’est dit « pris au dépourvu ». Le ministre Savikataaq, qui est aujourd’hui premier ministre, a déclaré aux journalistes que si « les ministres de l’Environnement ont reconnu que le Nord est unique et qu’il devrait y avoir des circonstances particulières […] on ne peut demander [au Nunavut] d’assumer un fardeau financier supplémentaire ».

Le gouvernement du Nunavut et les administrations municipales sont de grands consommateurs de carburant et d’électricité. À l’exception de quelques entreprises minières qui acheminent du carburant pour leur propre consommation, tous les produits pétroliers sont importés par la Division des produits pétroliers du gouvernement du Nunavut. Des entreprises telles que Kitnuna et Uqsuq sont exploitées conformément à un contrat avec le gouvernement du Nunavut pour la location et l’exploitation d’installations de stockage en vrac — nous les appelons des réservoirs — et de réseau de distribution. Cependant, au bout du compte, le gouvernement du Nunavut est l’unique acheteur et fournisseur de carburant au Nunavut.

Conformément aux régimes de tarification du carbone, lorsque le gouvernement du Nunavut achète du pétrole par l’intermédiaire des fournisseurs canadiens du Sud, il existe déjà une tarification du carbone qui est intégrée au coût de ce carburant ou qui est déjà prévue. Par conséquent, cela crée une situation potentielle de double imposition du carburant puisqu’il est ensuite distribué dans l’ensemble du Nunavut.

Voici la façon dont le gouvernement du Nunavut décrit la question de l’énergie :

Le Nunavut dépend entièrement des produits pétroliers importés pour combler ses besoins de consommation quotidienne. Les quatre principaux produits importés sont les suivants : 114 millions de litres de carburant diesel P50 pour le chauffage, 33,4 millions de litres de carburant diesel pour la production d’électricité, 17,8 millions de litres d’essence pour les véhicules et 43,8 millions de litres de carburant aviation pour les aéronefs. Les produits pétroliers sont livrés aux collectivités au cours de l’été et stockés dans des réservoirs pour distribution et utilisation tout au long de l’année.

Le GDN paie sa consommation d’énergie en tant que consommateur et par le biais de subventions aux Nunavummiut. Une partie importante du budget du GDN est allouée à l’énergie.

La stratégie énergétique du GDN énonce plusieurs mesures visant à contrôler les coûts, réduire la consommation et promouvoir une plus grande autonomie énergétique. Parmi ces mesures, on retrouve l’exploration d’autres sources d’énergie à grande échelle, comme la production d’énergie électrique, et la production d’énergie solaire et éolienne à plus petite échelle. En dernier lieu, le GDN examine des projets de conservation d’énergie qui permettraient de réduire la consommation d’énergie et la dépendance au pétrole dans son ensemble.

(1930)

Comme les tarifs sont fortement subventionnés, il est difficile d’avoir une idée claire des répercussions sur le coût. La ventilation la plus claire des coûts du gouvernement du Nunavut, de la Société d’énergie Qulliq et de la Nunavut Housing Corporation vient du site web sur la stratégie Ikummatiit du secrétariat des changements climatiques du gouvernement du Nunavut, qui est consacré à la stratégie énergétique du gouvernement du Nunavut et rend compte des données pour l’exercice 2012-2013. La Division des produits pétroliers a acheté pour environ 195 millions de dollars de combustibles fossiles. La Société d’énergie Qulliq a acheté pour environ 42 millions de dollars de combustible destiné à la production d’électricité, la Nunavut Housing Corporation en a acheté pour environ 43 millions de dollars pour le chauffage et l’électricité et le gouvernement du Nunavut a dépensé environ 21,6 millions de dollars pour l’électricité et 6,7 millions en combustible pour la Division des produits pétroliers.

Les dépenses du gouvernement du Nunavut et des autres sont donc estimées au total à 338 millions de dollars. Ce chiffre équivaut à environ 25 p. 100 du budget de 1,34 milliard de dollars pour 2012-2013.

Les ministères fédéral et territorial des Finances ont lancé une étude sur les répercussions potentielles de la taxe sur le territoire, mais les évaluations finales n’ont jamais été publiées. Le 1er février 2018, une lettre déposée auprès de notre comité qui avait été envoyée par le ministre des Finances du gouvernement du Nunavut, David Akeeagok, à son homologue fédéral, le ministre Morneau, disait ceci :

Les entreprises, les ménages et les gouvernements du Nunavut ont peu de solutions de rechange réalisables aux activités à grande intensité carbonique. Nous craignons que la tarification du carbone ne soit pas un outil efficace ou efficient pour réduire les émissions de carbone du Nunavut.

Il ajoute ce qui suit :

Ces craintes ne datent pas d’hier. Les fonctionnaires du territoire ont soulevé ces questions auprès de leurs homologues fédéraux avant que le Canada publie le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques [….] Environnement et Changement climatique Canada vient de terminer son étude d’impact, mais nous n’avons pas encore vu l’évaluation et la proposition de solutions fédérales pour le Nunavut.

Comme vous pouvez l’imaginer, chers collègues, j’étais très inquiet lorsque j’ai entendu que le Nunavut, à ce stade tardif, ne dispose toujours pas des renseignements nécessaires pour prendre des décisions éclairées, afin d’atténuer les effets préjudiciables possibles d’une taxe sur le carbone dans le Nord. C’est pourquoi j’ai cherché à obtenir des réponses du représentant du gouvernement au Sénat et, plus récemment, du bureau de la ministre McKenna.

On m’avait promis qu’on recevrait mercredi dernier une lettre faisant état de mesures spéciales pour le Nunavut. Je tiens à remercier les sénateurs Harder et Mitchell d’avoir fait en sorte que la lettre soit reçue avant ce débat.

Dans la lettre, les ministres McKenna et Morneau s’engagent à faire en sorte que la redevance sur les combustibles, au titre du filet de sécurité fédéral, ne s’applique pas au carburant utilisé pour les transports aériens dans les territoires et que ce soit précisé dans la réglementation adoptée pour mettre en œuvre le filet de sécurité.

Les ministres ont ajouté dans la lettre qu’ils organiseraient une discussion sur les activités minières dans les territoires et qu’ils continueraient de collaborer avec leurs homologues des territoires afin de réduire leur dépendance aux combustibles fossiles tout en aidant les collectivités à supporter les effets incontournables des changements climatiques.

Honorables sénateurs, c’est un premier pas très positif. Je remercie le gouvernement d’avoir reconnu les circonstances particulières du Nord. Les résidents des 25 collectivités accessibles seulement par avion dépendent en grande partie des transports aériens pour le transport des personnes et des marchandises.

Je dois toutefois reconnaître que je suis toujours préoccupé par le silence qui persiste en ce qui concerne les conclusions finales de l’étude conjointe sur l’évaluation d’impact. Je suis également préoccupé par l’absence de solutions concrètes offertes pour atténuer les répercussions de cette taxe sur le chauffage domestique et l’électricité, puisque le carburant d’aviation ne représente qu’un peu plus de 20 p. 100 de la consommation de carburant au Nunavut.

Je suis reconnaissant qu’une mesure soit prise pour exempter le carburant d’aviation de la tarification du carbone au Nunavut, mais, pour ce qui est des 80 p. 100 qui restent — l’essence que les chasseurs utilisent pour chasser et pêcher, le diesel que nous utilisons pour produire de l’électricité et les combustibles de chauffage —, il reste toujours de l’incertitude quant à savoir si la tarification du carbone y sera appliquée, alors que c’est la région du pays où le coût de la vie est le plus élevé et où 45 p. 100 des résidents bénéficient de l’aide au revenu.

Par conséquent, le but ici est de laisser le plus d’argent possible dans les poches de ceux qui en ont le plus besoin. Selon Statistique Canada, en juin 2017, le Nunavut affichait un taux de chômage de 16,3 p. 100, lorsqu’on sait que le poulet s’y vend en moyenne 16 $ le kilo par rapport à 7 $ dans le reste du pays.

La taxe pourrait sans doute coûter aux résidents du Nunavut des centaines de dollars de plus par année en chauffage et en électricité. Pour bien comprendre le fardeau injuste qu’on impose à ces résidents, permettez-moi de mettre en perspective les émissions de gaz à effet de serre que produit le Nunavut.

En 2013, le Canada était responsable de 1,6 p. 100 des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Le Nunavut ne représente qu’une petite fraction de ce pourcentage, c’est-à-dire 0,0008 p. 100 des émissions totales de gaz à effet de serre au pays. D’après Environnement et Changement climatique Canada, le Canada a émis 721,8 mégatonnes de dioxyde de carbone. Selon sa ventilation des émissions par province ou territoire, le Nunavut n’a émis que 0,6 mégatonne et se trouve tout juste derrière le Yukon, avec 0,3 mégatonne.

Le Canada produit moins d’émissions que les grands émetteurs comme la Chine et les États-Unis, qui dépendent du charbon polluant pour produire de l’électricité, étant donné qu’il produit 60 p. 100 de son énergie à partir de l’énergie hydroélectrique propre alors qu’un autre 3 p. 100 de sa consommation d’énergie totale provient de sources d’énergie renouvelable non hydraulique, qu’il s’agisse de la biomasse ou de l’énergie solaire, marémotrice ou éolienne. À l’inverse, aux États-Unis, 30 p. 100 de l’approvisionnement en électricité repose sur le charbon, alors que c’est 73 p. 100 en Chine.

Par conséquent, non seulement cette taxe pénalisera les résidents, mais elle risque aussi de nuire à la compétitivité du Nunavut. L’exploitation d’une société minière coûte trois plus cher dans le Nord que dans le Sud.

En avril dernier, j’ai assisté à un exposé très pertinent du président d’Agnico Eagle, M. Ammar Al-Joundi, à l’occasion du Symposium minier du Nunavut. M. Al-Joundi avait alors annoncé une nouvelle fort réjouissante, soit un investissement de l’ordre de 1,5 milliard de dollars dans l’exploitation aurifère au Nunavut, ce qui allait faire passer le nombre de travailleurs du Nord de 1 100 à 2 000 dans cette région qui affiche le plus haut taux de chômage au Canada.

Lors du symposium, M. Al-Joundi a dit que son entreprise cherche à réduire la consommation de combustibles fossiles et comprend qu’il faut favoriser l’utilisation des autres sources d’énergie en tarifiant les émissions de carbone au Canada, mais il a aussi dit ceci : « Si on choisit de pénaliser les utilisateurs de combustibles fossiles alors qu’il n’y a aucune solution de rechange, il ne s’agit pas d’une politique, mais d’une taxe. » Selon lui, la tarification du carbone, dans sa forme actuelle, coûterait 20 millions de dollars par année à son entreprise d’ici 2023. Ces coûts compromettraient la viabilité de la mine.

Honorables sénateurs, je félicite encore une fois le gouvernement d’avoir exempté le carburant d’aviation de la taxe sur le carbone au Nunavut — c’est une première étape —, mais je vais continuer de réclamer des compromis sur le carburant utilisé pour se chauffer, s’éclairer et se déplacer, et d’autres compromis relativement au secteur minier du Nunavut, qui est en plein essor. Je vous remercie.

(Le débat est terminé.)

(1940)

Vingt-neuvième rapport du Comité des finances
nationales sur la teneur du projet de loi—
Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur l’étude du vingt-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales (Teneur du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures), déposé au Sénat le 12 juin 2018.

L’honorable A. Raynell Andreychuk : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour faire quelques observations au sujet du projet de loi C-74, la Loi no 1 d’exécution du budget de 2018.

Je tiens particulièrement à attirer l’attention des sénateurs sur certaines préoccupations soulevées par des témoins pendant l’étude préalable menée par le Comité sénatorial permanent des finances nationales.

Je m’attarderai sur des éléments de politique concernant les modifications fiscales prévues à la section 1 du projet de loi C-74. Celles-ci portent sur les arrangements de répartition du revenu et sur le revenu de placement passif des sociétés privées, mais la catégorie ciblée comprend des entreprises de très petite taille et de taille moyenne, qui sont le moteur de notre économie.

Pendant notre étude préalable et notre étude initiale, des témoins nous ont dit qu’ils avaient l’impression d’être traités comme des malfaiteurs alors qu’ils respectaient les dispositions de la loi. Convaincus qu’ils n’avaient rien à se reprocher, ils avaient l’impression de subir des interrogatoires exagérés à propos d’avantages fiscaux dont le gouvernement semblait penser qu’ils profitaient. Nous avons entendu de nombreux témoins lorsque nous sommes allés dans diverses régions du pays, et je crois que leurs propos figurent déjà dans le compte rendu. C’est un problème persistant pour plusieurs petites entreprises.

Pendant notre étude préalable du projet de loi C-74, des témoins ont signalé que la stratégie de consultation adoptée par le gouvernement ne se prêtait pas à une participation suffisante et réaliste des Canadiens. J’attire l’attention des honorables sénateurs sur le rapport du Comité des finances nationales intitulé Un régime fiscal équitable, simple et concurrentiel : La voie à suivre pour le Canada, qui a été publié le 13 décembre 2017.

Le 2 mai 2018, lors de sa comparution devant le comité, Mme Rachel Gervais, associée, chef des services en fiscalité du groupe de la région du Grand Toronto chez BDO Canada, a déclaré ceci :

Si on veut mieux s’y prendre en matière de réforme fiscale et quand on propose une nouvelle loi, on réunit toutes les parties concernées au moment de la préparation du projet de loi. On inclut des représentants du gouvernement, des contribuables et des fiscalistes, ainsi que les politiques, l’administration et l’éducation, et on met tout le monde dans une salle avec pour instruction de trouver les bonnes solutions, au lieu de lancer un projet de loi très compliqué, d’attendre la réaction des fiscalistes et des contribuables, et d’avoir à apporter des changements par la suite.

En dépit des modifications apportées aux propositions de juillet 2017, des témoins ont soulevé un certain nombre de préoccupations relativement aux propositions fiscales révisées qui subsistent dans le projet de loi C-74. Certains témoins ont notamment signalé au comité que les nouvelles propositions relatives à la répartition du revenu demeurent complexes et difficiles à interpréter.

Des témoins ont soulevé d’autres préoccupations relativement au fardeau administratif qui sera imposé aux petites entreprises à cause de ces modifications fiscales.

Pour prouver leur admissibilité à une exemption à la nouvelle mesure fiscale sur la répartition du revenu, les petites entreprises devront fournir des registres et des feuilles de temps.

Le 2 mai 2018, lors de sa comparution devant le comité, Mme Jennifer Kim Drever, associée à la fiscalité chez MNP S.E.N.C.R.L., s.r.l, nous a fait part de l’inquiétude suivante :

La plupart des entreprises de famille, y compris les entreprises agricoles familiales, n’ont jamais jusqu’à présent fait un suivi du nombre des heures travaillées par les propriétaires de l’entreprise. Nous nous demandons comment nous pourrons satisfaire l’ARC lors d’audits. Nous n’aurons aucune autre preuve à l’appui que les témoignages personnels.

On s’inquiétait aussi de l’interprétation faite par l’Agence du revenu du Canada du terme « répartition raisonnable » du revenu. Cette préoccupation a été soulevée par certains des témoins.

Lorsqu’il a comparu devant le comité, le 8 mai 2018, Ron Bonnett, président de la Fédération canadienne de l’agriculture, a dit ceci :

[…] le critère du caractère raisonnable fait en sorte que les contributions antérieures en matière de main-d’œuvre font l’objet d’un examen attentif. Même si nous sommes d’avis que la plupart des membres des familles des agriculteurs satisferont à cette exigence, il n’est pas clair quels renseignements devront être fournis pour faire la preuve de ces contributions. Toute personne qui a travaillé dans une ferme familiale sait qu’on ne compte pas les heures.

Nombre de témoins ont souligné que l’ARC et le ministère des Finances doivent fournir des directives supplémentaires en ce qui concerne l’application du critère de caractère raisonnable.

D’autres préoccupations ont été soulevées au sujet de la date d’entrée en vigueur des nouvelles propositions.

Lorsqu’il a comparu devant le comité, le 2 mai 2018, Peter Weissman, associé chez Cadesky Tax, a résumé de la façon suivante le problème auquel sont confrontés les contribuables et les fiscalistes :

Le fait que l’impôt doive être payé en avril 2019 au moment de la déclaration de revenus de 2018 n’est pas le problème. Le problème, c’est que nous soyons maintenant assujettis à des règles sans même savoir quelles sont les règles.

Ce n’est pas la question du moment où l’impôt doit être payé, mais du moment où les règles entrent en fait en vigueur.

Nombre de témoins ont donc recommandé de reporter la mise en œuvre en janvier 2019.

Comme le savent les sénateurs, la promotion de l’égalité entre les hommes et les femmes est un volet clé du budget de 2018. Ainsi, notre comité a beaucoup discuté de la question de l’analyse comparative entre les sexes. Des fonctionnaires du ministère des Finances ont informé le comité que les propositions relatives à la répartition du revenu ont fait l’objet d’une telle analyse.

Cependant, nous n’avons pas été en mesure d’étudier en détail la portée de cette analyse. À défaut de comprendre ce processus en détail, nous avons encore de la difficulté à faire part de nos observations ou de notre analyse au sujet du processus d’analyse comparative entre les sexes et, par le fait même, à remplir notre devoir d’examiner le budget en fonction de ce que le gouvernement a proposé.

J’ose croire, par conséquent, que le gouvernement nous offrira son aide pour comprendre ce processus. Rien ne justifie de ne pas révéler aux sénateurs — ni, en fait, à la Chambre des communes — en quoi consiste l’analyse comparative entre les sexes. Il ne suffit pas d’affirmer qu’une telle analyse a été effectuée.

De plus, le comité a entendu des témoignages sur les conséquences des propositions fiscales pour les femmes. En particulier, le comité a appris que les propositions relatives à la répartition du revenu pourraient ne pas refléter avec justesse les contributions indirectes des femmes dans les petites entreprises, surtout dans le cas des entreprises familiales.

Je reviens au témoignage de Mme Jennifer Kim Drever, associée à la fiscalité chez MNP S.E.N.C.R.L., s.r.l, qui a précisé ce qui suit:

Ce que je sais, c’est que le document publié en même temps que le projet de loi mentionnait que 68 p. 100 des personnes recevant les dividendes du revenu fractionné étaient des femmes, pas tous les dividendes, mais ceux du revenu fractionné. Pour moi, c’est préoccupant et beaucoup de femmes craignent d’être celles qui auront bien plus à défendre le caractère raisonnable.

Compte tenu de cette réalité, des témoins ont recommandé d’exempter les conjoints des règles sur la répartition du revenu.

En ce qui concerne les entrepreneures, la Dre Nadia Alam, qui est présidente de l’Association médicale de l’Ontario, a affirmé ce qui suit lors de son témoignage devant le comité, le 8 mai 2018 :

Il est aussi important de mentionner que ces modifications auront un impact disproportionné sur les femmes médecins qui comptaient sur les mesures en place pour épargner de l’argent en prévision d’un congé de maternité, des frais de garderie ou d’autres initiatives de planification financière.

Elle a ensuite ajouté ceci :

Je suis sûre que tous les parlementaires conviendront que les femmes ne devraient pas avoir à choisir entre avoir une famille et pratiquer la médecine au Canada.

J’aimerais également souligner une autre préoccupation qui a été soulevée au sujet de la diminution du taux d’imposition des petites entreprises. Lors de son témoignage devant le comité, M. Peter Weissman, associé chez Cadesky Tax, a résumé l’enjeu ainsi :

(1950)

Une réduction du taux d’imposition de 11,5 p. 100 à 9 p. 100 d’ici 2019 signifie que, sur un revenu de 500 000 $, une entreprise paiera 7 500 $ de moins en impôt. Le gouvernement a présenté ceci comme étant un bienfait extraordinaire pour les entreprises.

En réalité, si l’on regarde les notes de bas de page du document d’information publié le 16 octobre, je crois, une petite note précise qu’il y aura une augmentation du taux d’imposition des dividendes. Nous avons d’une part 1,5 p. 100 de réduction du taux d’imposition des petites entreprises à compter de 2019, et nous avons d’autre part une augmentation de 1,5 p. 100 du taux d’imposition des dividendes à compter de cette date.

Enfin, je tiens à parler de la question de la compétitivité fiscale du Canada. Bien des témoins ont dit au comité qu’une réforme fiscale s’impose de manière urgente au Canada. Ils ont réaffirmé la nécessité d’entreprendre cette réforme en collaboration avec tous les intervenants clés.

Chers collègues, étant donné que les contribuables et les intervenants demandent au gouvernement d’entamer ce processus, une réforme pourrait et devrait être amorcée rapidement.

La compétitivité est importante pour le Canada. Nous ne pouvons pas continuer d’avoir un régime fiscal que tout le monde trouve trop compliqué et dépassé, et qui ne nous permettra pas d’être compétitifs dans l’avenir. Cette réforme fiscale urgente a été au cœur de l’étude préalable et l’étude du projet de loi. Elle continue de l’être. J’espère donc que le gouvernement nous écoute.

Merci.

L’honorable Rosa Galvez : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour me prononcer au sujet du rapport du Comité des finances sur le projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget. Je vais parler de la partie 5 du projet de loi, la loi proposée sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre, qui vise à atténuer les changements climatiques en mettant en place le mécanisme de tarification des émissions de gaz à effets de serre ayant été énoncé dans le Cadre pancanadien sur la croissance propre et les changements climatiques.

Nous avons tous constaté les changements climatiques à l’échelle mondiale et observé une augmentation sans précédent de la fréquence des phénomènes météorologiques extrêmes. L’atmosphère terrestre se réchauffe parce que des gaz comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone et le méthane retiennent la chaleur. Sans gaz à effet de serre, la température à la surface de la terre serait en moyenne de moins 18 degrés Celsius au lieu d’être de 15 degrés Celsius, une température vivable. Les scientifiques sont convaincus que l’activité humaine est responsable de la hausse récente et rapide des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère.

Étant donné les effets dévastateurs des phénomènes météorologiques extrêmes causés par les changements climatiques, les pays dans le monde choisissent de mettre en place des mesures pour lutter contre la pollution, comme la tarification du carbone.

Je tenterai d’expliquer certaines des innombrables raisons pour lesquelles les Canadiens doivent agir afin de contrer les changements climatiques, ainsi que d’expliquer comment l’humanité est à une croisée des chemins historique et pourquoi nous devons faire notre part pour limiter les émissions de gaz à effet de serre anthropiques.

Je ne dévoile rien de nouveau en disant que ces émissions causent le réchauffement de la planète. En 1938, un mécanicien d’appareils à vapeur nommé Guy Stewart Callendar a écrit ceci :

Peu de ceux qui sont familiers des échanges de chaleur naturels dans l’atmosphère, intervenant dans la configuration de nos climats et de notre météo, seraient prêts à admettre que les activités de l’homme peuvent influencer des phénomènes d’une telle ampleur […] J’espère démontrer que cette influence n’est pas seulement possible, mais qu’elle est bel et bien à l’œuvre aujourd’hui.

[Français]

Il importe aussi de noter qu’ExxonMobil a financé la recherche sur les changements climatiques, a publié plus de 180 communications scientifiques sur la science du climat entre 1977 et 2014, et a contribué ainsi paradoxalement à l’avancement de notre compréhension du système planétaire et du réchauffement anthropique.

Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a été créé en 1988 afin d’évaluer les effets des changements climatiques sur notre planète.

[Traduction]

Je suis désolée, Votre Honneur, je ne peux pas me concentrer à cause du bruit.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Serait-il possible de faire preuve de politesse à l’endroit de la sénatrice Galvez et de l’écouter? Merci.

Merci, madame la sénatrice.

La sénatrice Galvez : Merci.

[Français]

Les rapports du GIEC font la synthèse des plus récents développements en science climatique et traitent des vulnérabilités, de l’adaptation et de l’atténuation des impacts des changements climatiques. Le cinquième rapport est la synthèse la plus complète à ce jour, avec la collaboration de plus de 830 experts indépendants provenant de plus de 80 pays. Ces rapports fournissent à nos décideurs politiques les évaluations scientifiques et techniques les plus objectives sur les changements climatiques.

Les rapports du GIEC nous indiquent sans équivoque que le système climatique se réchauffe. La concentration atmosphérique en CO2 a augmenté de 40 p. 100 depuis l’ère préindustrielle et provient principalement des émissions de gaz à effet de serre de la combustion des combustibles fossiles. Les océans ont absorbé 30 p. 100 du CO2 émis, ce qui a entraîné un autre problème environnemental sérieux, soit l’acidification des océans. Les émissions de gaz à effet de serre anthropique doivent être contrôlées pour assurer la survie des humains et des espèces avec qui nous partageons cette planète.

[Traduction]

Les ingénieurs sont conscients des changements climatiques depuis longtemps. Nous sommes sur la ligne de front d’un environnement en pleine transformation. Nous modifions et adaptons nos pratiques de conception pour tenir compte des nouvelles forces exercées et du nouveau stress causé par l’augmentation des précipitations ainsi que la fréquence accrue des inondations, des glissements de terrain, de l’érosion et des phénomènes météorologiques extrêmes, lesquels ont des incidences destructrices sur les infrastructures.

En 2017, 17 catastrophes naturelles associées au climat ont coûté chacune 16 milliards de dollars au gouvernement des États-Unis. Les coûts totaux du dévastateur ouragan Harvey ont été estimés à 125 milliards de dollars. L’Institut international du développement durable estime que, au Canada, les phénomènes météorologiques extrêmes ont coûté aux contribuables 1,6 milliard de dollars en 2015 et que les coûts liés à la santé et au bien-être sont probablement beaucoup plus élevés puisque les catastrophes naturelles liées au climat propagent également les maladies, réduisent la biodiversité, exacerbent les conflits et réduisent la productivité.

Comme l’a expliqué à maintes reprises mon collègue, le sénateur Patterson, les effets des changements climatiques sont encore plus sentis dans le Nord. Ils causent des changements dans les tendances climatiques en termes d’inondations, de précipitations et de dégel du pergélisol près de la surface, de même que dans les cycles de gel et de dégel et dans l’érosion des littoraux. La fonte du pergélisol cause des dommages aux routes, aux logements, aux bâtiments, aux pistes des aéroports, aux chemins de fer ainsi qu’aux oléoducs et aux gazoducs.

Le revenu généré par la tarification du carbone peut aider à financer les technologies voulues pour nous adapter afin d’atténuer les dommages et de protéger les infrastructures existantes.

[Français]

Les changements climatiques posent aussi d’importantes questions morales. Le premier enjeu moral découle du fait que les changements climatiques sont un phénomène réellement mondial. Les émissions de gaz à effet de serre affectent l’atmosphère et les impacts peuvent être sentis partout sur la planète, peu importe la source des émissions.

Deuxièmement, les émissions ont des effets profondément intergénérationnels. Les émissions persistent dans l’atmosphère, les océans et la biosphère pour des siècles et même des millénaires. Le décalage temporel soulève la situation éthique où nous exposons les générations futures à des effets cumulatifs potentiellement plus sévères.

Le troisième défi moral est que nos outils théoriques pour traiter les causes et évaluer les impacts du changement climatique global sont sous-développés dans plusieurs domaines, notamment la justice internationale, l’éthique intergénérationnelle et la conversation environnementale mondiale. Par exemple, quelle est la valeur de la biodiversité de notre planète? Ne détenons-nous pas une obligation morale à l’égard de la protection de l’environnement?

Imposer un prix sur la pollution du carbone pourrait atténuer ces pressions morales en finançant la protection de l’environnement et les infrastructures résilientes qui appuieront les générations futures. Autrement dit, les pollueurs paient pour les dommages causés.

Le Canada a signé la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques à New York en 1992, l’Accord de Copenhague en 2009 et l’Accord de Paris en 2015. Le Canada a accepté de prendre des mesures pour réduire les émissions dans tous les secteurs économiques, accélérer la croissance dite « propre » et se bâtir une résilience face aux impacts des changements climatiques.

Le gouvernement libéral a promis un environnement propre et une économie forte en liant croissance et développement durable. Il a promis de mener des actions en matière de changements climatiques en réduisant la pollution causée par les émissions de carbone et en imposant un prix sur le carbone. En honorant cette promesse, le gouvernement augmentera la confiance envers la démocratie et affirmera son rôle de leadership sur la scène internationale.

[Traduction]

L’OCDE a conclu que la tarification directe du carbone ou un système de plafonnement et d’échange représentent les moyens les plus efficaces de réduire les émissions. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale approuvent ces systèmes de tarification et les voient comme le meilleur moyen de réduire les émissions et les préconisent par rapport à d’autres politiques telles que les tarifs de rachat, la réglementation des industries et même les subventions.

(2000)

Ces organisations, ainsi que le Forum économique mondial, recommandent, en plus de la tarification du carbone, l’élimination ou la réduction de toutes les subventions concernant les combustibles fossiles et l’adoption de règlements qui tiennent compte du coût social du carbone.

La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre exige des provinces et territoires qu’ils taxent le carbone. Jusqu’à maintenant, le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique l’ont déjà fait. Ces provinces regroupent plus de 80 p. 100 de la population canadienne.

L’Ontario, je le sais, compte mettre fin à son programme, mais, déjà, les contrecoups se feront sentir dans le marché. Les provinces et territoires qui n’auront pas mis en place la tarification du carbone d’ici la fin de 2018 seront contraints d’adopter le filet de sécurité. Ce dernier comporte deux éléments : une redevance sur le carbone pour les combustibles fossiles et un régime de tarification fondé sur le rendement pour les émetteurs industriels, au-delà d’une certaine limite. La Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre tient compte des secteurs vulnérables en offrant des mesures d’allégement, notamment dans les situations suivantes : le combustible qui est utilisé à une installation dont les émissions sont prises en compte sous le régime de tarification fondé sur le rendement; l’essence et le combustible diesel utilisés par des fermiers inscrits; le combustible qui est exporté ou retiré d’une province ou d’un territoire assujetti au filet de sécurité; le combustible qui sert de provisions de bord de navires internationaux; et, enfin, le combustible qui sert de matière brute, diluant ou solvant utilisé dans un procédé pétrochimique ou de fabrication d’une manière qui produit aucune chaleur ou énergie.

Le concept de la tarification du carbone n’est pas nouveau au Canada. En 2007, l’Alberta a été la première en Amérique du Nord à imposer un prix sur le carbone aux émetteurs. Plus tard la même année, la Colombie-Britannique et cinq États américains ont signé la Western Climate Initiative, en vue de mettre en place des cibles régionales de réduction des émissions en compagnie du Manitoba, de l’Ontario et du Québec. Toujours la même année, le ministre conservateur de l’Environnement, John Baird, a dit que les échanges de droits d’émission de carbone étaient un « élément clé » du plan du gouvernement en matière d’émissions, plan qui ciblait les producteurs de pétrole et de gaz, ainsi que les centrales électriques au charbon. En 2008, la Colombie-Britannique a imposé une taxe sur le carbone dont les recettes sont remises aux contribuables.

Les retombées de la bourse du carbone pour les contribuables, l’industrie et les entreprises vont bien au-delà de la réduction des émissions de gaz à effet de serre et des coûts connexes. La tarification du carbone favorise l’émergence d’une économie à faibles émissions de carbone, le développement durable ainsi que l’extraction et l’exploitation efficaces des ressources naturelles.

Le Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, que je préside, a entendu 30 témoins représentant 19 organismes, intervenants, ONG, groupes de réflexion et ministères. Il a aussi reçu des mémoires. En général, les témoins issus de l’industrie étaient en faveur des efforts visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à tarifer le carbone, à condition qu’ils soient bien planifiés. Les ONG et les organismes de recherche ont confirmé que les mécanismes de tarification du carbone fonctionnent et qu’il s’agit du moyen le plus économique pour le Canada d’atteindre les objectifs qu’il s’est fixés.

À en croire les lettres qu’ils nous ont fait parvenir, le gouvernement du Nunavut et celui du Yukon sont, somme toute, favorables à l’idée qu’on se serve de la tarification du carbone pour réduire la pollution qu’il cause. Le gouvernement du Nunavut a fait remarquer que, en raison de la situation particulière des territoires, qui dépendent énormément du diesel, la tarification du carbone ne saurait être efficace que si l’on a une solution de rechange.

Le gouvernement doit donc offrir technologies de rechange consommant peu de gaz carbonique. Le gouvernement du Yukon, de son côté, rappelle que la tarification du carbone doit tenir compte de la réalité particulière des territoires. Le rapport du comité précise d’ailleurs que, lorsque la tarification du carbone sera une réalité, le gouvernement fédéral devra tenir compte du fait que la demande énergétique est particulièrement élevée dans les territoires.

Honorables sénateurs, pour toutes les raisons que je viens d’énumérer, j’entends appuyer le plan de tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, je vous exposerai ce soir les réserves que suscite chez moi le projet de loi C-74, Loi d’exécution du budget de 2018. Je parlerai en outre du rapport dont le Sénat est saisi.

Ce projet de loi mettrait à exécution certaines des dispositions figurant dans le budget présenté au Parlement en février dernier et un certain nombre de nouvelles mesures qui n’y figuraient pas. Ce projet de loi me préoccupe terriblement, car, contre toute attente, il a été glissé dans les affaires courantes pour être adopté plus rapidement. Les Canadiens de partout au pays ont beau se préparer aux festivités de la fête du Canada et aux vacances estivales, l’incertitude et les tensions économiques n’ont jamais été aussi vives. Les négociations de l’ALENA sont dans l’impasse et la menace d’une guerre commerciale avec notre voisin du Sud, qui est aussi notre principal partenaire commercial, plane sur nos têtes, alors les entreprises du pays ont plus que jamais besoin que le gouvernement les soutienne et leur garantisse qu’elles pourront garder la tête hors de l’eau pendant cette période de turbulences, idéalement sans mettre personne à pied. Malheureusement, s’il est vrai que ce projet de loi de 559 pages comporte certains allégements, il alourdit encore davantage le fardeau fiscal des travailleurs canadiens.

Chers collègues, je me suis toujours portée à la défense des petites entreprises, et ce n’est pas aujourd’hui que je vais arrêter. Ce sont elles, le véritable moteur de l’économie. Elles représentent environ 97,9 p. 100 de toutes les entreprises du pays et elles donnent de l’emploi à plus de 8,2 millions de Canadiens : des agriculteurs, des propriétaires de dépanneur ou de buanderie, des chefs d’entreprise familiale, bref des familles qui travaillent nuit et jour pour gagner de quoi joindre les deux bouts et nourrir tout le monde. C’est sans oublier les médecins, les comptables et les avocats, qui ont suivi une formation rigoureuse. Ces entrepreneurs cherchent à améliorer la vie de leur prochain grâce à l’innovation.

Le gouvernement Trudeau a annoncé qu’il réduira à 9 p. 100 le taux d’imposition des petites entreprises à partir du 1er janvier 2019, afin d’appuyer la classe moyenne et ceux qui s’efforcent d’y accéder. Toutefois, il a omis de préciser aux Canadiens que, étant donné les nouvelles dispositions du projet de loi, il sera plus difficile d’être admissible au taux d’imposition des petites entreprises. L’abolition, en janvier dernier, des nouvelles règles en matière de revenu passif et de répartition du revenu, ainsi que d’autres dispositions du projet de loi, alourdiront le fardeau fiscal des petites entreprises plutôt que de l’alléger.

D’après un rapport du gouvernement du Canada intitulé Mesures fiscales: Renseignements supplémentaires, le gouvernement prévoit recueillir 43 millions de dollars de plus en recettes durant le présent exercice financier, grâce aux modifications apportées aux règles en matière de revenu passif. Selon ses projections, le supplément de recettes devrait se chiffrer à 2,3 milliards de dollars d’ici 2023. À mes yeux, cela revient à s’enrichir aux dépens de la classe moyenne et de ceux qui travaillent fort pour y accéder.

Qu’est-ce que le revenu passif et pourquoi est-ce important dans le contexte qui nous occupe? Un revenu est dit passif lorsqu’il est tiré d’une source que l’investisseur n’exploite pas activement, comme les obligations, les actions, les sociétés de personnes en commandite, les fiducies de revenu, et cetera. C’est différent du revenu qu’on retire de l’exploitation quotidienne d’une entreprise, comme la vente de biens et services. Les investissements passifs sont importants parce qu’ils permettent aux entreprises de diversifier leurs sources de revenus et de mettre de l’argent de côté pour des besoins futurs. Ainsi, on peut recourir au revenu passif au creux du cycle économique, lorsque les ventes ralentissent et qu’il faut éponger les pertes. Le revenu passif peut aussi servir à financer l’achat éventuel d’équipement ou d’un bien immobilier.

Les nouvelles règles que propose le gouvernement ne feraient que pénaliser les entreprises qui ont des revenus de placement passifs. Selon ces nouvelles règles, la déduction accordée aux petites entreprises diminuerait pour les entreprises dont les revenus de placement passifs dépassent 50 000 $. Ces entreprises pourraient même ne plus pouvoir bénéficier du taux d’imposition des petites entreprises. Toutes les entreprises dont les revenus dépassent 150 000 $, soit 100 000 $ de plus que le seuil de 50 000 $ n’auraient carrément plus droit au taux d’imposition des petites entreprises.

Le 11 juin, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi, j’ai demandé au sénateur Mitchell, le parrain du projet de loi au Sénat, de m’expliquer en quoi le resserrement des règles concernant les revenus passifs et la répartition du revenu aiderait les petites entreprises. Le sénateur m’a répondu que les placements passifs « ne créent pas des emplois ».

Je ne suis pas d’accord. Si le gouvernement dissuade les petites entreprises d’investir dans les revenus passifs, celles-ci deviendront plus vulnérables en cas de ralentissement économique. Les investissements dans les revenus passifs permettent aux entreprises de maintenir leur personnel lorsque les temps sont difficiles. Il s’agit essentiellement d’une réserve pour les périodes de vaches maigres.

Les chefs de petite entreprise prennent des risques et renoncent souvent à une partie de leur salaire pour que leur entreprise puisse prospérer. Pour moi, il est inacceptable que le gouvernement impose une seule et même politique aux sociétés privées sous contrôle canadien. Chaque petite entreprise a ses débouchés et ses difficultés, et les chefs d’entreprise comprennent beaucoup mieux leur situation que le gouvernement. En fait, une pétition a été présentée à la Chambre des communes lundi dernier : les 45 000 Canadiens qui l’ont signée demandent au gouvernement de laisser tomber l’ensemble de modifications qu’il veut apporter au régime d’imposition des petites entreprises.

En cette période de protectionnisme, les revenus passifs n’ont jamais été aussi cruciaux. Avec les négociations relatives à l’ALENA qui battent de l’aile, laissant présager le risque d’une guerre commerciale contre les États-Unis, notre plus important partenaire commercial, les entreprises canadiennes ont plus que jamais besoin de l’appui du gouvernement. C’est pour des périodes d’incertitude pareilles que les petites entreprises mettent de l’argent de côté. Elles peuvent ainsi mieux s’en sortir lors des périodes économiques difficiles. Plus de 70 p. 100 des exportations canadiennes se font vers les États-Unis. L’économie des deux pays est interreliée et l’état actuel des relations commerciales bilatérales touchera gravement les entreprises canadiennes et leurs employés.

(2010)

Ce qui est encore plus insultant pour les petites entreprises canadiennes, c’est que le gouvernement n’ait pas tenu sa promesse quant à l’octroi de droits acquis pour les placements passifs existants. Le gouvernement avait d’abord promis que les investissements passifs effectués avant l’arrivée des nouvelles règles ne seraient pas touchés. Dan Kelly, président de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, a affirmé ce qui suit :

Les règles proposées pénaliseront d’honnêtes propriétaires d’entreprise qui, par prudence, ont investi dans des placements passifs afin de pouvoir faire face aux ralentissements économiques et aux risques qui y sont associés. Nous demandons au gouvernement de tenir la promesse qu’il a faite aux PME qui ont déjà des placements passifs et de les protéger des nouvelles règles, avant l’adoption du budget.

En brisant sa promesse, le gouvernement fédéral imposera injustement les petites entreprises qui avaient déjà effectué des placements passifs bien avant l’annonce des nouvelles règles ou tout juste après cette annonce. Matthew MacAdam, partenaire et chef des services fiscaux en Nouvelle-Écosse pour Grant Thornton, a affirmé que le secteur commercial au Canada ne s’attendait pas à un revirement de la position du gouvernement. Il a ajouté qu’il était désolé que ses clients aient « transféré leurs placements passifs au sein de leur société en vue du budget, croyant bien faire, avant de comprendre que leur revenu passif allait faire en sorte que leur société n’aura plus accès à certaines déductions pour les petites entreprises dès 2019 ».

Ces modifications fiscales injustes auront de vastes répercussions qui toucheront d’autres industries, y compris le secteur financier. Dave McKay, président et chef de la direction de la Banque Royale du Canada, a dit ceci :

Nous encourageons certainement le gouvernement fédéral à se pencher sur ces problèmes, car nous voyons les capitaux fuir le pays à vue d’œil.

[…] si on ne retient pas le capital ici, on ne peut pas retenir les gens ici […]

Les investisseurs vont là où il y a de la certitude. Avec ces modifications, nous envoyons le mauvais message aux entrepreneurs et aux investisseurs.

Le sénateur Mitchell a déclaré fièrement que le gouvernement Trudeau a créé 600 000 très bons emplois au cours des deux dernières années. Malheureusement, les emplois créés de manière temporaire grâce à des stimulants budgétaires à court terme sont en train de disparaître rapidement. Un article du Financial Post publié le 14 juin disait ce qui suit :

Alors que le Canada a perdu 50 000 emplois depuis décembre, près de 1 million d’emplois ont été créés aux États-Unis.

L’article ajoutait ceci :

Selon les résultats de l’enquête annuelle de Statistique Canada, pour la quatrième année consécutive, des entreprises comptent encore réduire leurs investissements, qui baisseraient de 1 p. 100 cette année. En revanche, selon une étude semestrielle sur les intentions d’investir aux États-Unis, des entreprises ont revu à la hausse leurs investissements dans ce pays. Ainsi, cette hausse, qui était estimée à 2,7 p. 100 il y a à peine six mois, grimperait à 10 p. 100, selon la plus récente étude.

Voilà qui devrait nous inquiéter, car la baisse des investissements au Canada se traduira par des pertes d’emplois pour les Canadiens. Cela va également à l’encontre du mandat du gouvernement fédéral de faire croître la classe moyenne et baisser le chômage.

Chers collègues, en adoptant le projet de loi C-74, nous avons créé un contexte défavorable aux affaires qui nuit aux investissements et à l’épargne, qui sont pourtant d’une importance cruciale en cette époque marquée par l’incertitude économique. La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a dit ceci : « Nombre de membres de notre organisation ont dit craindre d’avoir de la difficulté à soutenir la concurrence au Canada et encore plus sur la scène internationale; certains ont même exprimé le désir de transférer leurs activités au sud de la frontière. »

Pour que les entreprises canadiennes puissent prospérer et créer davantage d’emplois, le gouvernement devrait alléger la bureaucratie et imposer moins de ponctions fiscales sournoises pour financer ses folles dépenses, ce qui permettrait aux entreprises d’utiliser leurs ressources dans des secteurs qui produiront davantage de valeur pour elles et, partant, de créer des emplois bien rémunérés.

Au Sénat, nous qualifions souvent la petite entreprise de moteur de l’économie. À mon avis, le projet de loi C-74, loin d’appuyer la petite entreprise, lui imposera d’autres fardeaux.

Toutefois, ce qui est fait est fait. Encore une fois, le gouvernement a fait semblant de s’intéresser à la petite entreprise, qui est de nouveau oubliée et qui pâtit maintenant de promesses creuses et non tenues. Les conservateurs ont toujours défendu — et ils défendront toujours — la petite entreprise et toutes les familles canadiennes.

L’honorable Lillian Eva Dyck : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler brièvement du vingt-neuvième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui porte sur la teneur du projet de loi C-74.

Je mettrai en particulier l’accent sur la partie 3 du projet de loi C-74, qui comprend les modifications proposées à la Loi de 2001 sur l’accise (taxation du cannabis), à la Loi sur la taxe d’accise et à des textes connexes.

Comme l’indique le titre de cette partie, il s’agit du cadre du régime sur la taxe d’accise prévu pour la légalisation du cannabis, qui entrera en vigueur lorsque le projet de loi C-45 recevra la sanction royale et qu’il sera mis en œuvre.

Comme le savent les sénateurs, la question des ententes sur le partage des recettes tirées de la taxe d’accise sur le cannabis entre les provinces et le gouvernement fédéral a été soulevée lors de l’étude du projet de loi C-45 par le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Selon l’entente conclue, les recettes de la taxe d’accise sur le cannabis seront partagées entre les provinces et les territoires, et le gouvernement fédéral, les premiers au prorata de 75 p. 100 et le second au prorata de 25 p. 100. Ce qu’on nous a dit au comité, c’est qu’il devrait aussi y avoir un mécanisme de partage des recettes avec les Premières Nations. Toutefois, comme je l’ai dit dans le discours que j’ai prononcé à l’étape du rapport au sujet du projet de loi C-45, concernant le rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Sénat est aux prises avec un dilemme pour ce qui est de régler ce problème. On nous a dit qu’il est hors de question que le Sénat propose des amendements visant à créer ou à imposer une nouvelle taxe, ou supposant l’affectation de fonds, car ce rôle est l’apanage de l’autre endroit, la Chambre élue.

Je signale aux sénateurs que nous avons consulté le Bureau de la légiste à ce sujet. On nous a dit que de tels amendements outrepasseraient les pouvoirs du Sénat tels qu’ils sont définis par les pratiques et usages du Sénat, les décisions de la présidence et les dispositions constitutionnelles de l’article 53 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui dit clairement ce qui suit :

Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des Communes.

Chers collègues, comme aucun article du projet de loi C-45 ne portait précisément sur le cadre de la taxe d’accise, il n’était pas possible d’apporter un amendement afin de prévoir un partage des revenus provenant de la taxe d’accise avec les Premières Nations. Le cadre et les dispositions en question se trouvent dans le projet de loi C-74.

Quand le Comité des finances a effectué son étude préalable du projet de loi C-74, il a aussi été question de la participation des Premières Nations à la taxe d’accise. Ce point figure dans le rapport du comité.

Le Comité des finances a également entendu le commissaire en chef de la Commission de la fiscalité des premières nations, Manny Jules. De plus, lorsqu’il a comparu devant le comité, le secrétaire parlementaire, Bill Blair, a aussi abordé la question des modèles qui permettraient de partager avec les Premières Nations les revenus provenant de la taxe d’accise pour le cannabis. Le Comité des finances a noté ce qui suit dans ses observations :

Notre comité encourage le gouvernement à poursuivre son dialogue avec les Premières nations dans le respect de leurs compétences.

Lorsqu’il a comparu devant le Comité des finances nationales, le 23 mai 2018, le secrétaire parlementaire Bill Blair a déclaré ceci :

Le gouvernement est entré en contact avec les groupes autochtones pour connaître leurs points de vue, notamment quant à l’accès aux recettes fiscales. Cet engagement s’inscrit dans le cadre d’un effort plus global visant la mise au point d’un nouvel arrangement fiscal avec les collectivités des Premières Nations.

[…] Je crois que les questions relatives aux recettes et à la taxation du cannabis doivent être abordées dans le contexte de ce cadre général plutôt qu’à titre d’événement distinct.

(2020)

Chers collègues, je vais nommer les sénateurs autochtones, parce qu’une certaine confusion règne à ce sujet : le sénateur Sinclair, le sénateur Christmas, la sénatrice McCallum, la sénatrice Boyer, le sénateur Brazeau, la sénatrice Lovelace Nicholas et moi.

Dans la foulée du rapport sur le projet de loi C-45 que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a publié et des préoccupations supplémentaires soulevées par l’ensemble des sénateurs autochtones, la ministre des Services aux Autochtones, Jane Philpott, et la ministre de la Santé, Ginette Petitpas Taylor, ont envoyé une lettre publique au comité au sujet des fortes inquiétudes des Autochtones par rapport au projet de loi. Le sénateur Harder a lu la lettre dans le cadre du débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-45.

En ce qui concerne l’obligation de conclure une entente avec les Premières Nations sur le partage des recettes provenant de la taxe d’accise sur le cannabis, voici ce que les ministres Philpott et Petitpas Taylor ont affirmé dans la lettre qu’elles ont adressée au sénateur Tannas et à moi :

Le gouvernement a déjà accepté que notre engagement envers une nouvelle relation financière avec les collectivités autochtones comprenne des discussions sur le partage des recettes et des arrangements fiscaux. Comme vous nous l’avez mentionné, cela doit inclure des discussions avec les organisations autochtones nationales et des organisations comme la Commission de la fiscalité des Premières Nations, notamment. Nous souhaitons faire progresser une nouvelle relation financière avec les collectivités autochtones en fonction des besoins pour des ententes de financement durables, adéquates, prévisibles et applicables à long terme.

Nous allons faire progresser cette nouvelle relation financière avec les collectivités autochtones à l’aide de notre engagement envers des ententes financières durables, prévisibles et adéquates, et applicables à long terme, en plus d’appuyer l’amélioration continue de la fiscalité des Premières Nations et des régimes de réglementation.

De plus, le gouvernement s’est engagé à produire deux rapports officiels. Le premier doit être publié en septembre, dans trois mois, et le second le sera dans les 12 mois suivant la sanction royale du projet de loi C-45. Les sénateurs du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones continueront de faire avancer ce dossier et d’exiger que le gouvernement respecte sa parole.

Chers collègues, s’il avait été possible de proposer un amendement pour adapter, pour les Premières Nations, un système de partage des recettes provenant de la taxe d’accise dans le cadre actuel, comme dans le projet de loi C-74, moi ou un autre sénateur autochtone l’aurions fait. Toutefois, comme je viens de l’expliquer, le Sénat ne peut pas apporter à un projet de loi un amendement qui entraîne l’affectation de fonds ou l’imposition d’une taxe. Merci.

(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)

Projet de loi visant à mettre fin à la captivité des baleines et des dauphins

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—
Motion d’amendement—Motion de sous-amendement—
Report du vote

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Sinclair, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-203, Loi modifiant le Code criminel et d’autres lois (fin de la captivité des baleines et des dauphins), tel que modifié.

Et sur la motion d’amendement de l’honorable sénateur Tannas, appuyée par l’honorable sénatrice Batters,

Que le projet de loi S-203, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié :

a)par adjonction, après l’article 6 (ajouté par décision du Sénat le 26 avril 2018), de ce qui suit :

« Exemption

7(1) L’article 445.2 du Code criminel, l’article 28.1 de la Loi sur les pêches et l’article 7.1 de la Loi sur la protection d’espèces animales ou végétales sauvages et la réglementation de leur commerce international et interprovincial ne s’appliquent pas aux personnes dont le nom figure à l’annexe de la présente loi.

(2) S’il l’estime dans l’intérêt public, le gouverneur en conseil peut, par décret, ajouter des noms à l’annexe ou en retirer.

(3) Pour déterminer s’il est dans l’intérêt public d’ajouter le nom d’une personne à l’annexe ou de le retirer, le gouverneur en conseil tient compte du fait que la personne, selon le cas :

a) mène des recherches scientifiques relativement à des cétacés;

b) fournit des soins à des cétacés ou assure leur réadaptation. »;

b)par adjonction, à la fin du projet de loi, de l’annexe suivant :

« ANNEXE

(article 7)

Personnes désignées

The Ocean Wise Conservation Association (Aquarium de Vancouver) ».

Et sur le sous-amendement de l’honorable sénateur Plett, appuyé par l’honorable sénateur Wells,

Que la motion d’amendement proposée par l’honorable sénateur Tannas soit modifiée, à l’alinéa b), par adjonction de « Marineland of Canada Inc. » après « The Ocean Wise Conservation Association (Aquarium de Vancouver) ».

L’honorable Yuen Pau Woo : Votre Honneur, honorables collègues, la dernière fois que nous avons débattu du projet de loi S-203, il y a une semaine, il n’y a pas vraiment eu de débat, seulement une série de sonneries qui nous ont gardés ici jusque tard en soirée, à nous tourner les pouces pour la plus grande partie du temps. Comme vous l’aurez observé, cela a légèrement attiré l’attention des médias, mais également, récemment, de nos collègues à l’autre endroit.

Certains d’entre vous savent qu’une conférence de presse a été donnée aujourd’hui par, si je ne m’abuse, quatre députés de la Chambre des communes représentant quatre différents partis : les libéraux, les conservateurs, les néo-démocrates et les verts. Le but de la conférence était de nous demander, disons-le franchement, d’aller de l’avant, en particulier à l’égard du présent projet de loi, le projet de loi S-203, qui porte sur les baleines et les dauphins en captivité.

Si certains d’entre vous ont du mal à se souvenir de la dernière fois où nous avons débattu du projet de loi — la semaine dernière ne compte pas, car il n’y a pas vraiment eu de débat, seulement une série de motions en vue d’ajourner le débat, séparées par des sonneries d’une heure —, c’est parce que nous n’avons pas vraiment débattu du projet de loi depuis longtemps, et ce, même s’il est à l’étude au Sénat depuis plus de trois ans. D’ailleurs, en près de quatre mois en 2018, pouvez-vous deviner combien de discours ont été prononcés à son sujet? Aucun, même si le rapport a été déposé au Sénat en octobre 2017.

Le sénateur Plett : Pourquoi n’en avez-vous pas parlé?

Le sénateur Woo : En fait, avant que le rapport soit présenté, on avait débattu du projet de loi à 7 occasions à l’étape de la deuxième lecture, à 17 occasions au Comité des pêches et des océans et à 4 autres occasions, lors de l’examen du rapport du comité.

Je ne crois pas qu’il soit nécessaire de parler en détail du temps qui a été consacré jusqu’à présent à ce projet de loi et du fait que nous avons assez laissé traîner les choses, peut-être même de manière déraisonnable.

Je vais vous parler un petit peu plus de ce que nos collègues à l’autre endroit ont dit. Ils ont voulu nous donner des conseils constructifs. Voici ce qu’a dit Michelle Rempel, députée conservatrice de l’Alberta : « Nous devons voter. Nous avons débattu de ces questions ad nauseam, et ce, aux deux endroits, et je crois sincèrement que l’opinion publique a changé. Je lance cet appel à mon collègue du Sénat. »

D’autres députés ont dit des choses semblables. Ce soir, lorsque nous avons débattu du projet de loi C-45, nous avons parlé quelque peu de la relation entre les deux Chambres et du respect mutuel que nous nous témoignons les uns envers les autres. De temps à autre, la Chambre veut, elle aussi, nous donner des conseils. Nous devrions avoir l’obligeance d’en tenir compte.

Chers collègues, je n’entrerai pas dans un débat sur ce projet de loi, et encore moins sur les amendements et le sous-amendement. Nous avons déjà entendu les arguments, non seulement de nos collègues sénateurs, qui ont cette question à cœur, mais également des experts qui ont témoigné devant le Comité des pêches.

J’interviens très brièvement pour exhorter et encourager les sénateurs à faire en sorte que le projet de loi soit soumis à un vote. Je serai très clair. Je ne vous demande pas quel est votre choix et je ne vous dis pas la façon dont vous devriez vous prononcer. Là n’est pas la question. La question, c’est que nous sommes saisis du projet de loi depuis environ trois ans et qu’il a été retardé de manière tout à fait déraisonnable. Nous devons le mettre aux voix, pas seulement le sous-amendement, mais également l’amendement, ainsi que la motion initiale.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Woo : Ces retards ne touchent pas uniquement le présent projet de loi. Je remercie nos collègues de la Chambre des communes de nous avoir rappelé qu’il y a deux autres projets de loi sur le bien-être des animaux inscrits au Feuilleton depuis longtemps, qui ont eux aussi été débattus de long en large et dont l’étude s’éternise pour diverses raisons. Il s’agit du projet de loi S-214, concernant les cosmétiques sans cruauté, et du projet de loi S-238, portant sur les nageoires de requin. Les trois projets de loi devraient être évalués selon leur mérite. Je ne tente pas d’établir des liens entre eux. Cependant, on a naturellement tendance à regrouper les trois projets de loi parce qu’ils se rapportent au bien-être des animaux. C’est pour cette raison que je mentionne ces deux autres projets de loi, qui reviendront à l’ordre du jour très bientôt.

Je pense qu’il y a également lieu de mettre aux voix ces trois mesures législatives, si le Sénat y consent. Je veux toutefois plaider spécialement en faveur du projet de loi sur lequel porte actuellement mon intervention. Je parle du projet de loi S-203 qui, parmi les trois, est inscrit au Feuilleton depuis le plus longtemps. Il a fait l’objet de tactiques dilatoires particulièrement flagrantes, et je crois que la population canadienne attend avec impatience que nous prenions une décision à son sujet. Comme je l’ai déjà dit, je ne parle pas nécessairement de la décision d’appuyer ou de rejeter le projet de loi, mais de le mettre aux voix, tout simplement.

J’obtiendrai peut-être des manifestations de soutien à l’égard de la mise aux voix du projet de loi. Je m’apprête à m’asseoir et à demander à ce qu’on passe au vote et j’espère, chers collègues, que nous voterons sur les trois motions, dont la motion principale, car c’est bien cela l’objectif. Si le sous-amendement seulement est mis aux voix, je crois que tout le monde pourra voir qu’il s’agit d’une autre tactique dilatoire, d’une autre tentative de noyer le poisson, de tergiverser et de procrastiner. Nous en avons assez de ces mots en « -er ».

(2030)

Je crois que j’ai été clair. La décision nous appartient. J’espère que, par la suite, avec les deux autres projets de loi qui suivront, nous prendrons tous des décisions dignes de la Chambre haute — la Chambre de second examen objectif, non pas la Chambre de second examen paresseux, de second examen différé ou de second examen exagérément long. Il est temps pour nous de prendre une décision.

Honorables collègues, j’espère que vous serez d’accord pour que nous fassions ce qu’il faut pour en arriver à voter sur la motion principale. Merci.

Des voix : Bravo!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : Comme sous-amendement, l’honorable sénateur Plett, avec l’appui de l’honorable sénateur Wells, propose que la motion d’amendement proposée par l’honorable sénateur Tannas soit modifiée, à l’alinéa b), par adjonction de « Marineland of Canada Inc. » après « The Ocean Wise Conservation Association (Aquarium de Vancouver) ».

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Puis-je entendre tout d’abord les non de ceux qui sont contre la motion?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Et ceux qui appuient la motion?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non, sur le sous-amendement. Dois-je lire le sous-amendement une autre fois pour éviter toute confusion?

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Non. D’accord. Que les sénateurs qui sont en faveur du sous-amendement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre le sous-amendement veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent. Je déclare donc le sous-amendement rejeté.

Le sénateur Plett : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Eh bien, oui. Il a été rejeté.

Le sénateur Plett : Deux sénateurs se sont levés.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Très bien. C’est ce que j’allais dire, sénateur Plett.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet du moment de la tenue du vote?

Le sénateur Plett : Nous souhaitons reporter le vote à demain, à la prochaine séance du Sénat.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Le vote est reporté à demain, à 17 h 30.

La Loi sur les aliments et drogues

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Stewart Olsen, appuyée par l’honorable sénateur White, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-214, Loi modifiant la Loi sur les aliments et drogues (cosmétiques sans cruauté), tel que modifié.

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Le vote!

Des voix : Le vote!

Son Honneur la Présidente intérimaire : À l’ordre, s’il vous plaît. Nous sommes ici pour encore longtemps, alors allons-y.

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : L’honorable sénatrice Stewart Olsen… Pardon, sénatrice Ringuette, proposez-vous l’ajournement du débat?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Voilà qui règle la question.

L’honorable sénatrice Ringuette, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dyck, propose que cet article soit inscrit à l’ordre du jour de la prochaine séance.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion d’ajournement veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur la Présidente intérimaire : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Le sénateur Plett : Une heure.

Son Honneur la Présidente intérimaire : La sonnerie retentira pendant une heure. Convoquez les sénateurs. Le vote aura lieu à 21 h 34.

(2130)

Son Honneur le Président : À l’ordre, s’il vous plaît. À l’ordre!

Honorables sénateurs, simplement par souci de clarté, je vais lire la motion de nouveau.

L’honorable sénatrice Ringuette, avec l’appui de l’honorable sénatrice Dyck, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

La motion, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Cordy Jaffer
Day Mercer—5
Downe

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk Manning
Ataullahjan Marshall
Batters Martin
Bernard McInnis
Beyak McIntyre
Boisvenu McPhedran
Boniface Mitchell
Bovey Mockler
Cormier Ngo
Coyle Oh
Dalphond Plett
Doyle Poirier
Duffy Pratte
Eaton Ravalia
Forest Richards
Gagné Saint-Germain
Galvez Seidman
Gold Smith
Griffin Stewart Olsen
Harder Tannas
Hartling Tkachuk
Housakos Wells
Lankin Wetston
MacDonald White
Maltais Woo—50

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bellemare McCallum
Carignan Mégie
Dagenais Munson
Dasko Omidvar
Dawson Patterson
Deacon (Nova Scotia) Petitclerc
Dupuis Ringuette
Dyck Wallin—17
Greene

(2140)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur le projet de loi S-214.

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté, avec dissidence.)

[Français]

Le Code criminel

Projet de loi modificatif—Troisième lecture—
Suite du débat

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Ringuette, appuyée par l’honorable sénatrice Moncion, tendant à la troisième lecture du projet de loi S-237, Loi modifiant le Code criminel (taux d’intérêt criminel), tel que modifié.

L’honorable Pierrette Ringuette : Honorables sénateurs, je suis heureuse de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture de mon projet de loi, le projet de loi S-237, qui vise à réduire le taux d’intérêt criminel, qui est actuellement à 60 p. 100.

[Traduction]

Tout d’abord, je souhaite remercier les sénateurs qui ont participé aux discussions sur cette question très importante qui concerne les gens.

La version d’origine de la mesure législative établissait la nouvelle limite au taux de financement à un jour de la Banque du Canada majoré de 20 p. 100 pour les prêts à des fins ménagères. Elle enlevait aussi la limite du prêt à des fins commerciales si celui-ci était supérieur à 1 million de dollars, et elle maintenait le taux à 60 p. 100 pour le prêt inférieur à 1 million de dollars.

Je pense que le taux de 20 p. 100 est raisonnable. En-dessous de cela, la grande majorité des prêts ne seraient pas touchés; toutefois, dans les cas où les citoyens les plus vulnérables sont exploités, l’exploitation serait diminuée.

Les principales cibles sont les prêts qui concernent les personnes qui sont les moins en mesure de payer, mais qui sont, paradoxalement, assujetties à un taux d’intérêt supérieur. L’intérêt élevé des cartes de crédit pour étudiants, les frais de retard excessifs imposés à d’autres, et les prêts remboursables par versements, entre autres, sont des exemples, et même certaines compagnies de téléphones imposent un intérêt de 59,99 p. 100 pour les paiements en retard.

Je reconnais qu’il existe des opinions divergentes à ce sujet. Tous les membres du comité ont convenu que le taux de 60 p. 100 était trop élevé. Ensuite, honorables sénateurs, nous avons eu droit à un épisode de The Price is Right au comité. « Plus, Bob. Non, moins, Bob, Non, plus, Bob. » Finalement, le sénateur Tannas a joué le rôle de Vanna et le projet de loi a été amendé afin qu’on y retrouve un taux de 45 p. 100 avec une période d’examen de trois ans.

Je suis heureuse qu’on ait ajouté un mécanisme d’examen. J’estime qu’il sera très utile pour maintenir un taux d’intérêt raisonnable.

Quant au taux d’intérêt proposé, même si je trouve encourageant qu’on ait appuyé une réduction du taux d’intérêt, je suis contente de pouvoir discuter de ce qui pourrait constituer un taux admissible.

Je considère qu’un taux d’intérêt de 45 p. 100 est beaucoup trop élevé. Je vais proposer un amendement, à la fin de mon discours, pour faire passer le taux à 35 p. 100, ce qui, à mon sens, est un compromis raisonnable pour les trois prochaines années.

Honorables sénateurs, pourquoi doit-on diminuer le plafond?

La Banque du Canada a signalé récemment que l’endettement élevé des ménages demeure une faiblesse accrue du système financier au Canada. C’est particulièrement vrai pour les familles canadiennes à revenu faible ou moyen.

Selon Statistique Canada, l’endettement des ménages sur le marché du crédit s’est élevé à 168 p. 100 du revenu disponible. Il a légèrement diminué au cours des deux dernières années, mais il est encore beaucoup trop élevé pour faire face à une crise économique. Tout cela est dangereux pour la stabilité économique de notre pays.

De plus, ce sont les gens qui sont les moins à même de payer qui doivent assumer les taux d’intérêt les plus élevés. Ils s’enlisent ainsi dans un cycle d’endettement dont ils n’arrivent pas à se sortir, et cela exerce des pressions sur nos systèmes de soutien social, à l’échelle fédérale, provinciale ou municipale.

Selon Ipsos Reid, près de la moitié des Canadiens sont à 200 $ près de l’insolvabilité après avoir payé leurs factures mensuelles. Un simple imprévu, que ce soit des réparations de la voiture ou de la maison ou encore des médicaments d’ordonnance pour un enfant ou une personne âgée, peut les pousser dans l’engrenage de l’endettement dont ils ont du mal à se sortir.

Pendant ce temps, les cinq grandes banques ont empoché 10,6 milliards de dollars de profits, seulement lors du deuxième trimestre. Cela représente une hausse de 11 p. 100 par rapport à l’année dernière. Ce niveau d’augmentation s’est maintenu d’année en année au cours de la dernière décennie. Ces mêmes grandes banques réduisent leur présence dans de nombreuses localités et collectivités. Elles ont fermé 1 800 succursales au cours des 20 dernières années. Elles limitent leurs risques et évitent de servir les familles les plus pauvres.

Aucun autre secteur au Canada n’a droit à des garanties fédérales pour les dépôts du public ou les prêts commerciaux. Il y aurait lieu de s’attendre à un engagement social fort de la part de ceux qui jouissent d’un tel privilège. Il semble toutefois que les banques font montre d’engagement social uniquement si elles en retirent de la publicité payante, c’est-à-dire qui atteint leur clientèle cible. Je suis d’avis que les banques nationales cherchent davantage à satisfaire les gros bonnets qu’à remplir leur mandat premier, qui consiste à offrir des services bancaires au titre de la charte à tous les Canadiens, et pas seulement à l’élite.

Honorables sénateurs, je crois que le taux devrait être fixé à 35 p. 100, et ce, pour plusieurs raisons.

Premièrement, au début des années 1980, les taux d’intérêt étaient très élevés. En 1981, le taux d’escompte a atteint la barre des 21 p. 100. Ceux qui avaient une hypothèque à cette époque s’en souviennent. C’est durant cette période que le taux d’intérêt de 60 p. 100 a été inscrit au Code criminel par le gouvernement fédéral.

(2150)

Avec un taux criminel de 45 p. 100, selon l’amendement proposé par le comité, plus 21 p. 100 de taux de financement à un jour — il était déjà de 21 p. 100 en 1981 —, le taux criminel s’établirait à 66 p. 100, soit un taux plus élevé que celui prévu dans le Code criminel actuel.

Il se pourrait maintenant que nous ne voyions plus jamais ces taux — ce que je souhaite vraiment —, mais il importe de noter que, dans une perspective historique, le taux de 45 p. 100 pourrait nous amener à rehausser le taux criminel au-delà de son niveau actuel.

L’autre raison est que ce serait conforme au taux limite imposé au Québec. Si les autres provinces, à l’exception de Terre-Neuve, se sont servies de l’exemption relative aux prêts sur salaire pour établir des taux à court terme de l’ordre de 15 $ pour 100 $ sur deux semaines, le Québec a adopté une approche différente et n’accordera pas de permis aux entreprises qui ne s’engagent pas à maintenir leur taux en deçà de 35 p. 100. Il ne s’agit pas d’un plafond légal, mais plutôt d’une mesure découlant du pouvoir qu’a le gouvernement de réglementer l’octroi des permis, le pouvoir d’établir les taux d’intérêt étant un pouvoir constitutionnel fédéral.

L’article 8 de la Loi sur la protection du consommateur du Québec précise que :

Le consommateur peut demander la nullité du contrat ou la réduction des obligations qui en découlent […] lorsque l’obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante.

Cet article a été invoqué par les tribunaux du Québec, ce qui a abouti au taux de 35 p. 100.

Cela signifie — et c’est important de le noter — que le plafond de 35 p. 100 a résisté à l’épreuve des tribunaux et que l’on a déterminé, de façon générale, que les taux plus élevés étaient exorbitants.

Au Québec, cette mesure s’applique aux prêts sous licence, comme la location-achat et tous les prêts à la consommation, et non pas seulement aux prêts sur salaire. Le Québec offre ainsi un bon exemple de l’efficacité potentielle d’un système de ce genre. Le système financier ne s’est pas effondré au Québec. Les gens peuvent obtenir des prêts, et d’autres solutions s’offrent aux personnes qui ont besoin d’un prêt à court terme, par exemple par l’intermédiaire d’Option consommateurs.

Une autre raison pour laquelle le taux a été fixé à 35 p. 100, c’est que, en 2005, le Sénat a approuvé ce taux dans le projet de loi S-19. En 2005, le Sénat a approuvé un taux criminel à 35 p. 100, plus le taux de financement à un jour de la Banque du Canada. Ce projet de loi a été adopté au Sénat, mais il n’a pas franchi l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit à cause du déclenchement des élections. Il avait reçu l’appui des deux partis au Sénat et du Comité des banques, tels qu’ils existaient à l’époque.

J’ai aussi en main un rapport qui appuie un taux de 35 p. 100. Il s’agit d’un document publié par le National Consumer Law Center des États-Unis. Je l’ai fait traduire et je l’enverrai par courriel aux sénateurs, dans les deux langues officielles, dès que je retournerai à mon bureau, du moins je l’espère. Le rapport s’intitule Why 36%? The History, Use and Purpose of the 36% Interest Rate Cap.

Certains d’entre vous ont peut-être remarqué que le rapport parle d’un taux de 36 p. 100. Toutefois, étant donné les deux raisons que j’ai déjà expliquées pour fixer le taux à 35 p. 100, je pense qu’il convient de l’arrondir en l’abaissant d’un point de pourcentage. Qui plus est, mon projet de loi, S-237, ajoute le taux de financement à un jour de la Banque du Canada pour permettre une certaine marge de manœuvre.

Ce rapport — et je vous recommande fortement de prendre le temps de le lire — retrace l’historique du plafond du taux d’intérêt aux États-Unis et explique pourquoi le taux de 36 p. 100 est généralement accepté à cet égard. Le rapport porte surtout sur les prêts modestes à court terme.

Au Canada, nous avons un cadre précis à l’intention des provinces pour qu’elles puissent fixer un plafond aux prêts sur salaire, soit des prêts de 1 500 $ ou moins, pour une durée de 62 jours ou moins. Comme des affaires judiciaires l’ont montré récemment, il s’agit d’une exclusion limitée. Par conséquent, le taux criminel est toujours important à cet égard, car il s’applique à tous les autres produits financiers qui dépassent la limite fixée à 1 500 $ pour 62 jours.

Voici un passage du rapport américain :

Les plafonds de taux d’intérêt ne sont pas de simples chiffres : ils reflètent une vision collective de ce qu’est un comportement éthique et moral, ainsi que de la responsabilité des entreprises et des particuliers.

En voici un autre :

Les plafonds de taux d’intérêt sont en outre fondés sur une évaluation de la limite supérieure de prêt soutenable, c’est-à-dire qui ne va pas fragiliser la stabilité financière de la personne ou de la société.

L’auteur du rapport soutient que le plafond de 36 p. 100 est généralement accepté, puisque c’est un plafond qui date d’une centaine d’années aux États-Unis. Il a été confirmé par les gouvernements des États et le gouvernement fédéral et adopté par le département de la Défense américain comme plafond pour les prêts consentis aux militaires. La Federal Deposit Insurance Corporation a en outre approuvé cette limite dans ses lignes directrices sur les petits prêts et 15 États américains, plus le district de Columbia, ont établi des plafonds ne dépassant pas 36 p. 100. D’après ce rapport, 36 p. 100 est un taux qui est raisonnable pour le remboursement, il permet de tenir compte du risque et du coût et il favorise des structures de prêt plus sensées.

Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il convient de fixer le taux à 35 p. 100, plus le taux du financement à un jour de la Banque du Canada. On obtiendrait ainsi un plafond de 36,25 p. 100 au Canada.

J’exhorte mes collègues sénateurs à prendre connaissance des débats du comité et du rapport Why 36%? et à appuyer l’amendement que je propose sans tarder.

Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je propose…

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette, étant donné qu’il s’agit de votre projet de loi et que vous avez déjà proposé qu’il soit lu pour la troisième fois, vous avez raison de demander le consentement du Sénat avant de proposer votre amendement.

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Une voix : Non.

Son Honneur le Président : J’entends un « non ». Je regrette, mais l’amendement ne peut être proposé.

Le sénateur Plett : Donnez-le à quelqu’un pour qu’il le lise.

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat. La sénatrice Cools a la parole.

Motion d’amendement

L’honorable Anne C. Cools : Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :

Que le projet de loi S-237, tel que modifié, ne soit pas maintenant lu une troisième fois, mais qu’il soit modifié à l’article 1, à la page 1, par substitution, à la ligne 14 (telle que remplacée par décision du Sénat le 19 avril 2018), de ce qui suit :

« Canada majoré de trente-cinq pour cent si le capital prêté ou ».

Son Honneur le Président : Quelqu’un souhaite-t-il débattre de l’amendement? Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Quelqu’un souhaite-t-il débattre de l’amendement? Le sénateur Tannas a la parole.

L’honorable Scott Tannas : Je prends la parole au sujet de l’amendement proposé aujourd’hui par la sénatrice Cools. Tout d’abord, je tiens à dire que j’appuie le projet de loi dans sa forme initiale et j’aimerais remercier la sénatrice Ringuette d’avoir soulevé cette importante question. À ce moment-ci, honorables sénateurs, je ne peux pas appuyer cet amendement. Je vais vous expliquer pourquoi.

(2200)

Tout d’abord, la sénatrice Ringuette a parlé de l’expérience du taux de 35 p. 100 au Québec. Or, il se trouve que la formule de calcul qui aboutit à 35 p. 100 au Québec est très différente de la formule qui existe à l’heure actuelle ou qui figure dans l’amendement.

Je vais vous donner quelques exemples du Québec. Le premier est la carte de crédit Visa DOLLARS, de la Banque Laurentienne. Il s’agit d’une carte de crédit standard; ce n’est pas une carte privilège. Le taux d’intérêt est fixé à 20 p. 100, et les frais annuels s’élèvent à 65 $. Si le titulaire de la carte fait un achat de 2 000 $ avec cette carte et qu’il le rembourse deux mois plus tard, d’après le calcul du Québec, cela représenterait un taux d’intérêt de 20 p. 100, ce qui serait légal. Selon l’amendement de la sénatrice Ringuette, dans sa forme actuelle, le taux s’établirait à 39 p. 100 et serait donc illégal. En fait, le président de la Banque Laurentienne pourrait être envoyé en prison.

C’est donc la différence entre les pommes et les oranges dont il est question ici. C’est l’une des raisons pour lesquelles je suis préoccupé par ce taux de 35 p. 100.

Au comité, nous avons pris en considération plusieurs facteurs au moment de fixer le taux d’intérêt criminel à 45 p. 100. Nous avons entendu des témoignages et nous avons convenu que, en ce moment, en ce qui concerne le taux d’intérêt criminel, ce n’est pas la meilleure façon d’améliorer les choses et de surveiller cette industrie au Canada. Il s’agit plutôt d’un outil contondant pour assommer les gens. Ce n’est pas du tout la bonne manière de régler la situation.

Il était évident pour nous que cette industrie devait être mieux réglementée. Quelqu’un doit surveiller ce qui se passe. J’avais honte. Je suis un des rares fondateurs encore vivants d’une banque à charte, que je ne possède plus pour ne pas être en conflit d’intérêts, mais il est honteux de voir ce qui se passe du côté de l’industrie des prêts financiers au pays. Ce sont les gens les moins fortunés qui en font les frais. En fait, ce sont les pauvres à l’intégrité irréprochable qui écopent, puisqu’ils les paient, eux, ces intérêts faramineux, pendant que certains autres ne se donnent pas la peine de rembourser l’argent qu’ils empruntent. Voilà pourquoi les taux d’intérêt sont aussi élevés.

Il faut resserrer la surveillance, c’est indéniable. Certains témoins ont expliqué qu’en abaissant dès maintenant le taux usuraire en deçà de 45 p. 100, nous pourrions nuire à certains clients qui comptent sur ces prêts. À l’heure où l’on se parle, ce taux est de 60 p. 100. Or, selon de nombreux témoins, même à 59,9 p. 100, ce type de prêt rend de fiers services à bon nombre de Canadiens. Cette déclaration en a toutefois laissé plus d’un sceptique.

Il y a toutefois un grand nombre de prêteurs légitimes qui comptent de très nombreux clients et qui, à 45 p. 100, disent faire un modeste profit — et pour dire vrai, je les crois. Selon nous, ce serait risqué, en y allant trop brusquement, de déstabiliser le secteur canadien des services financiers et d’empêcher certains clients d’avoir accès au crédit, aussi douteux soit-il. Selon nous, nous devrions commencer par ramener le taux à 45 p. 100. C’est quand même 15 p. 100 de moins qu’à l’heure actuelle.

Selon nous, cela enverrait un bon signal au gouvernement, qui comprendrait qu’il doit agir. Nous sommes toutefois allés un cran plus loin et nous avons proposé d’exiger un examen dans trois ans. Si le gouvernement fait la sourde oreille, nous pourrons le relancer. Je crois que les membres du comité s’entendaient pour dire que, si jamais le gouvernement ne tient pas compte du projet de loi, il y aura toujours moyen de le talonner parce qu’à notre avis la situation actuelle est inacceptable.

Je vous laisse sur ces quelques pistes de réflexion. Comme l’a dit la sénatrice Ringuette — avec raison —, quand le taux usuraire a été fixé à 60 p. 100, les taux d’intérêt pour les prêts sans risque au Canada étaient de 17 p. 100. On pouvait alors acheter des bons d’épargne du Canada qui rapportaient 17 p. 100 d’intérêt. Alors oui, ce n’était peut-être pas si terrible d’imaginer que les prêteurs les plus retors exigeaient des intérêts de 60 p. 100 aux emprunteurs les plus retors. Sauf que, de nos jours, les taux d’intérêt pour les prêts sans risque sont tous en bas de 10 p. 100, alors on ne peut plus tolérer des taux de 60 p. 100.

Cependant, nous ne voulions pas répéter l’erreur commise en 1982 et fixer un pourcentage trop bas, parce que les taux d’intérêt sont manifestement à la hausse. Notre situation est probablement tout à fait l’inverse de celle de 1982 sur le plan des taux d’intérêt. Le pourcentage de 45 p. 100 qui a été convenu au comité constitue une mesure modérée, mais valable.

Je remercie encore une fois la sénatrice Ringuette de sa vigilance et de sa ténacité dans ce dossier. J’exhorte les honorables sénateurs à voter contre l’amendement. À ce stade, j’estime qu’il s’agit d’une mesure excessive qui perturbera les emprunteurs et qui minera possiblement la crédibilité de la cause qui nous a été présentée par la sénatrice Ringuette.

Le projet de loi C-237, dans sa forme actuelle non modifiée, établit un juste équilibre et représente un pas dans la bonne direction. J’exhorte les sénateurs à voter contre l’amendement et à voter en faveur du projet de loi. Merci.

Son Honneur le Président : Sénateur Tannas, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice Ringuette : C’est bien beau, mais je travaille sur ce problème depuis sept ans. Pendant ce temps, la famille à faible revenu s’est trouvée endettée envers une institution qui lui impose des intérêts de 60 p. 100. Nous sommes demeurés assis à ne rien faire, et je le dis poliment.

Nous sommes ici avec notre beau revenu annuel et notre compte d’épargne libre d’impôt. Sénateur Tannas, une motion que j’ai présentée est inscrite au Feuilleton depuis près de 16 mois. Elle demande que le Sénat étudie les opérations de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Son Honneur le Président : Sénatrice Ringuette...

La sénatrice Ringuette : J’arrive à ma question.

Son Honneur le Président : J’interviens pour que vous puissiez prendre part au débat sur l’amendement, si vous le souhaitez. Cela semble être le cas. Si vous voulez poser une question, vous pouvez le faire. Voulez-vous participer au débat sur l’amendement ou poser une question?

La sénatrice Ringuette : Je vais me joindre au débat.

L’honorable Frances Lankin : J’ai une question.

Son Honneur le Président : La sénatrice Lankin a une question pour le sénateur Tannas d’abord.

La sénatrice Lankin : Acceptez-vous de répondre à la question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice Lankin : Sénateur Tannas, j’ai l’impression que nous voulons tous les deux abaisser le taux et que nous comprenons les conséquences pour les familles et les quartiers à faible revenu.

J’ai eu l’occasion de prendre la parole la semaine dernière et j’ai parlé de l’histoire du taux d’intérêt au Canada et, aussi, aux États-Unis. Le taux de 36 p. 100 établi là-bas est le taux qui convient.

Je trouve intéressant que les institutions financières canadiennes, comme les cinq grandes banques, se sont, dans bien des cas, installées aux États-Unis. La BMO Harris Bank et la TD en sont des exemples. La Banque Scotia est surtout présente dans les Caraïbes. Désolée, j’arrive à ma question. Ces banques respectent la règle des 36 p. 100, ou une variante de cette règle, selon l’État et l’autorité à laquelle elles sont assujetties. Avez-vous vu cela? Si c’est suffisant pour les activités des banques canadiennes aux États-Unis, si elles arrivent à fonctionner malgré un taux plus bas, pourquoi n’est-ce pas suffisant pour leurs activités au Canada?

(2210)

Le sénateur Tannas : Nous n’avons pas examiné cette question au Comité des banques. Après votre discours, je suis allé faire quelques recherches. La majorité des États ont une variante de la règle des 36 p. 100 depuis des années. Je ne serais pas surpris si, un jour, nous en arrivions à 36 p. 100. Le problème pour nous, c’est que nous n’avons pas le bon moyen pour y arriver. C’est le premier point.

Le deuxième point, c’est que nous ne sommes pas à 36 p. 100. Nous avons une industrie florissante à 45 p. 100, et elle devra complètement se réajuster si nous passons soudainement à 36 p. 100, ce qui causera bien des problèmes à un grand nombre de personnes qui respectent déjà les règles. C’est pourquoi nous avons dit : « Agissons maintenant. » Envoyons un message quant au caractère inacceptable de la situation. Essayons de faire comprendre au gouvernement qu’il faut être plus attentifs et mettre sur pied un plan adéquat pour que nous atteignions un taux équitable qui maximisera l’accès pour les gens qui ont besoin d’argent. Quelqu’un qui doit payer un taux aussi élevé n’est pas un emprunteur modèle. C’est un emprunteur à risque, et le risque est qu’il ne rembourse pas sa dette.

Le fait est que, aux États-Unis, il y a un taux de 36 p. 100. De plus, il y avait d’énormes écarts entourant ce taux. C’est là le problème avec cet instrument qui devrait être un chiffre global, étant donné que les taux comptent dans le calcul des intérêts. Dans plusieurs États américains, ce n’est pas le cas.

L’honorable Lucie Moncion : Accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Tannas : Oui.

La sénatrice Moncion : Vous venez tout juste de mentionner que ce n’est pas la bonne façon de réglementer le taux. Quelle serait la bonne façon?

Le sénateur Tannas : Je crois que le gouvernement fédéral doit passer un peu de temps à étudier cette question. Au Comité sénatorial des banques et du commerce, nous avons tenu quatre ou cinq séances à ce sujet. Il ne nous a pas fallu longtemps avant de commencer à nous regarder les uns les autres et de déclarer : « Ma foi, ce problème est énorme, il faut absolument le régler. » Par contre, ce n’est pas nous qui le réglerons. C’est le gouvernement qui devrait le régler, et il devrait mettre une série de politiques en place pour s’attaquer à un tel problème.

La sénatrice Moncion : Êtes-vous au courant si les banques imposent des taux d’intérêt de 36 p. 100? Le font-elles, le savez-vous?

Le sénateur Tannas : Selon ce calcul, elles le font. En fait, je vous en ai donné un exemple, mais une autre banque impose un taux de 37 p 100 pour une carte de crédit. C’est la Banque Nationale. Si on retire 250 $ dans un guichet automatique bancaire, puis qu’on le rembourse un mois plus tard, il faut payer les frais de 3,50 $ du guichet et le taux d’intérêt de 20 p. 100 pendant un mois, ce qui équivaut à 37 p. 100. Voilà le problème.

Ce ne sont pas là les taux inacceptables dont on a entendu parler. Je parle des taux de 50 à 60 p. 100.

La sénatrice Moncion : Vous venez de préciser pourquoi les sociétés émettrices de carte de crédit s’opposent à la réduction de ce taux. Selon vous, est-ce une raison suffisante de ne pas réduire le taux?

Le sénateur Tannas : Nous avons constaté que, dans le secteur bancaire ou le secteur légèrement à l’écart de celui-ci, personne n’impose un taux supérieur à 45 p. 100. C’est là que nous avons fixé la barre, car la plupart d’entre nous n’étaient pas à l’aise avec des taux supérieurs à 45 p. 100. Toutefois, les entités qui imposent des taux inférieurs à 45 p. 100 comprennent toutes les banques et le secteur qui se situe tout juste après celles-ci, soit les sociétés de prêt, qui existent depuis longtemps.

Son Honneur le Président : La sénatrice Ringuette a la parole.

La sénatrice Ringuette : Le sénateur Tannas vient de donner l’exemple des frais de 3,50 $ imposés aux guichets automatiques. Je rappelle à mes honorables collègues que la plupart des guichets automatiques appartiennent aussi aux banques. Je dirais que, au Canada, environ 80 p. 100 des guichets automatiques appartiennent aux institutions bancaires. Pour elles, c’est donc l’abondance de frais et, comme je l’ai mentionné dans mon discours, c’est aussi l’abondance de profits.

Il faut fixer une limite aux profits infinis que peut engranger une institution dont les dépôts des clients sont garantis à 80 p. 100. Les prêts consentis aux petites entreprises sont garantis par le gouvernement fédéral, mais, au bout du compte, il ne semble y avoir aucun problème pour ce qui est des citoyens corporatifs. Il faut trouver des moyens d’aider les Canadiens qui sont les moins bien servis par les banques. Celles-ci ont réduit de 1 800 le nombre de succursales au pays au cours de la dernière décennie.

Revenons au taux de 36 p. 100 et au jugement de la cour relativement au taux d’intérêt et aux frais liés à tout type de contrat ou de formalités administratives. Les banques américaines n’ont pas pris à cet égard une décision différente de celle qu’ont prise les banques du Canada et du Québec. Le gouvernement du Québec a décidé que, pour protéger les consommateurs, il fallait délivrer des permis aux entreprises.

Au bout du compte, je ne souscris pas à l’argument qui dit que nous devons tenir compte des frais et que, alors que le taux de la Banque du Canada est de 1,25 p. 100, un taux de 45 p. 100 est acceptable. À l’heure actuelle, avec une marge de crédit et pas la moindre garantie, vous pouvez obtenir un taux d’intérêt de 8,36 p. 100 dans n’importe quelle banque canadienne.

Pourquoi les plus démunis parmi les pauvres du Canada devraient-ils avoir à dire qu’ils ont besoin d’un prêt sur-le-champ afin de se procurer un médicament sur ordonnance pour leurs enfants ou d’acheter de l’essence pour se rendre au travail, où ils gagnent 12 $ l’heure? Pourquoi devrions-nous être ceux qui décident que le bien-être de l’industrie des prêts sur salaire l’emporte sur tous les autres facteurs? Allez sur Google et tapez « prêt sur salaire ». Vous trouverez au moins 76 entités différentes qui exercent des activités au Canada, physiquement ou en ligne.

Je suis d’accord avec le sénateur Tannas pour dire que personne, y compris les gouvernements fédéral et provinciaux, n’examine la question. C’est bien de parler des travailleurs pauvres et de l’amélioration du niveau de vie au Canada, mais il s’agit d’enjeux quotidiens. De plus, nous pouvons seulement nous attaquer au problème par l’intermédiaire du Code criminel, parce que c’est le seul endroit où le gouvernement du Canada établit un taux d’intérêt. C’est le seul moyen dont nous disposons.

(2220)

Je suis donc tout à fait d’accord avec le sénateur Tannas, qui est d’avis que ce n’est probablement pas le meilleur endroit pour aborder cette question. Pour le moment, toutefois, et comme j’essaie de soulever cette question depuis sept ans, c’est le seul endroit où nous pouvons l’aborder. Si un taux de 35 p. 100 est bon pour le Québec, je crois sincèrement qu’il devrait l’être pour le reste du Canada également. Si le secteur des prêts, qui dispose de politiques et de règlements convenables, peut faire des affaires au Québec au titre de ces lignes directrices, il devrait être en mesure de faire des affaires ailleurs au pays au titre des mêmes lignes directrices.

Par conséquent, je soutiens, pour le moment, que la meilleure façon de remédier à la situation, c’est d’adopter l’amendement que je vous ai présenté. J’espère qu’à l’automne nous irons de l’avant avec la motion que j’ai inscrite au Feuilleton et que nous examinerons le programme et la responsabilité du régime fédéral de protection des consommateurs relativement à des questions financières. Je crois qu’il y a, là aussi, quelque chose qui cloche.

Allons-nous simplement dire que nous avons entendu l’industrie et que celle-ci nous a dit que nous ne pouvons pas survivre si nous n’avons pas un taux de 45 p. 100? Je ne suis pas d’accord, parce que l’industrie survit au Québec alors que le taux est de 35 p. 100. Cela me convient parfaitement. Grâce à vous et à votre amendement, sénateur Tannas, nous pouvons l’examiner, puisqu’une période d’examen de trois ans a été prévue. Cela me convient parfaitement.

Allons jusqu’à 35 p. 100. Insistons pour que l’industrie fasse de son mieux et examinons les résultats dans trois ans. Cet automne, j’espère que tous les sénateurs s’engageront à faire avancer la motion que j’ai inscrite au Feuilleton. Nous devons nous occuper non seulement de l’industrie dans ce pays, mais également des gens qui travaillent sans relâche et qui ont parfois trois emplois différents. Nous avons de la chance. Ne l’oublions pas.

En définitive, j’espère vivement que, dans l’intérêt des Canadiens, nous essaierons ce taux de 35 p. 100 pendant trois ans. Faisons en sorte que cela fonctionne et examinons ce qui se passe à l’échelle fédérale relativement à la protection financière des consommateurs. Assez, c’est assez. Je parle de ce problème depuis sept ans.

Une voix : Votons.

La sénatrice Ringuette : Votons. J’espère que vous appuierez l’amendement que j’ai présenté. Merci beaucoup.

Son Honneur le Président : Sénateur Mercer?

Le sénateur Mercer : Je propose l’ajournement du débat.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Mercer, avec l’appui de l’honorable sénateur Day, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : Oui.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les non l’emportent.

Et deux honorables sénateurs s’étant levés :

Son Honneur le Président : Je voix deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?

Des voix : Maintenant.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs savent que, s’il n’y a pas d’entente au sujet de la sonnerie, elle retentira par défaut pendant une heure. Il n’y a pas d’entente. Le vote aura lieu à 23 h 20…

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : J’invoque le Règlement, Votre Honneur.

Son Honneur le Président : La sénatrice Martin invoque le Règlement.

La sénatrice Martin : J’avais l’impression que, selon le Règlement, le whip de l’opposition et le whip du gouvernement devraient s’être entendus. N’est-ce pas exact?

Son Honneur le Président : C’est vrai, sénatrice Martin. Les whips peuvent s’entendre sur une durée, mais il faut…

Le sénateur Plett : Quinze minutes.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : Je n’ai pas terminé. Ils peuvent s’entendre sur une durée, mais, si une personne s’y oppose, la sonnerie retentira, par défaut, pendant une heure. Autrement dit, tout le monde doit être d’accord. J’ai entendu une objection à la durée convenue. La sonnerie retentira donc pendant une heure. Le vote aura lieu à 23 h 25.

Convoquez les sénateurs.

(2320)

La motion d’ajournement du débat, mise aux voix, est rejetée :

POUR
Les honorables sénateurs

Cordy Jaffer
Coyle McCallum
Day McPhedran
Downe Mercer
Dyck Munson—10

CONTRE
Les honorables sénateurs

Andreychuk McIntyre
Ataullahjan Mégie
Batters Mitchell
Bellemare Mockler
Bernard Moncion
Beyak Ngo
Black (Ontario) Oh
Boisvenu Omidvar
Cormier Patterson
Dagenais Petitclerc
Dalphond Plett
Dasko Poirier
Doyle Pratte
Dupuis Ravalia
Eaton Richards
Forest Ringuette
Gagné Seidman
Galvez Smith
Gold Stewart Olsen
Griffin Tannas
Housakos Tkachuk
Lankin Wallin
Maltais Wells
Manning Wetston
Marshall White
Martin Woo—53
McInnis

ABSTENTIONS
Les honorables sénateurs

Bovey Greene
Deacon (Nova Scotia) MacDonald—4

(2330)

Son Honneur le Président : Nous reprenons le débat sur l’amendement. La sénatrice Cordy a la parole.

L’honorable Jane Cordy : Merci beaucoup, Votre Honneur.

Le projet de loi S-237 m’intéresse beaucoup. Je félicite la sénatrice Ringuette de tout le travail qu’elle a accompli au cours des ans, et pas seulement sur ce projet de loi particulier. Je pense que son projet de loi est celui dont nous avons besoin pour régler le problème.

J’ai écouté attentivement les débats de ce soir comme j’ai écouté d’autres débats au cours des ans, mais j’ai besoin de temps pour lire celui de ce soir. Je propose donc l’ajournement du Sénat.

Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Cordy, avec l’appui de l’honorable sénateur Munson, propose que le Sénat s’ajourne maintenant. Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix : Oui.

Son Honneur le Président : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Des voix : Non.

Son Honneur le Président : À mon avis, les oui l’emportent. Aucun honorable sénateur ne se lève.

Conformément à l’ordre de l’honorable Sénat, je déclare que le la séance est levée et le Sénat s’ajourne au mercredi le 20 juin 2018, à 13 h 30, par décision du Sénat.

(À 23 h 32, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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