Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 42e Législature
Volume 150, Numéro 231
Le jeudi 27 septembre 2018
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- L’organisme Matthew House
- Visiteurs à la tribune
- L’honorable Joyce Fairbairn, C.P., C.M
- Visiteurs à la tribune
- Le trouble de stress post-traumatique
- Visiteur de marque à la tribune
- Visiteurs à la tribune
- Le service commémoratif national des policiers
- Visiteurs à la tribune
- Betty Plett
- Visiteurs à la tribune
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu
- Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2018
- Discours du Trône
- Le Sénat
- L’ajournement
- Le Code criminel
- Projet de loi sur les dons de sang volontaires
- Projet de loi de 2018 sur les changements de noms de circonscriptions
- Modernisation du Sénat
- L’étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes
- L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général
- Les universités régionales
- Banques et commerce
LE SÉNAT
Le jeudi 27 septembre 2018
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, il y a eu des consultations, et il a été convenu de permettre la présence d’un photographe dans la salle du Sénat pour photographier la présentation des nouveaux sénateurs.
Êtes-vous d’accord, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Nouveaux sénateurs
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’informer le Sénat que le greffier du Sénat a reçu du registraire général du Canada des certificats établissant que les personnes suivantes ont été appelées au Sénat :
Beverley Busson
Martin Klyne
(1340)
Présentation
Son Honneur le Président informe le Sénat que les sénateurs attendent à la porte pour être présentés.
L’honorable sénatrice suivante est présentée, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. La sénatrice, en présence du greffier du Sénat, prête le serment prescrit et prend son siège.
L’honorable Bev Busson, de la région de North Okanagan, en Colombie-Britannique, présentée par l’honorable Peter Harder, C.P., et l’honorable Gwen Boniface.
L’honorable sénateur suivant est présenté, puis remet les brefs de Sa Majesté l’appelant au Sénat. Le sénateur, en présence du greffier du Sénat, fait la déclaration solennelle et prend son siège.
L’honorable Marty Klyne, de White City, en Saskatchewan, présenté par l’honorable Peter Harder, C.P., et l’honorable Murray Sinclair.
Son Honneur le Président informe le Sénat que chacun des honorables sénateurs susmentionnés a fait et signé la déclaration des qualifications exigées prescrite par la Loi constitutionnelle de 1867, en présence du greffier du Sénat, commissaire chargé de recevoir et d’attester cette déclaration.
Félicitations à l’occasion de leur nomination
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, en tant que représentant du gouvernement au Sénat, je suis ravi de souhaiter la bienvenue au Sénat à nos nouveaux collègues.
De nombreuses premières ont marqué la carrière de la sénatrice Busson. Elle a fracassé bien des plafonds de verre dans le secteur de l’application de la loi en devenant l’une des premières femmes à se joindre à la Gendarmerie royale du Canada et à travailler comme agente d’infiltration. Bien entendu, elle a aussi été la première femme à être nommée commissaire de la Gendarmerie royale du Canada. La sénatrice Busson a de quoi être fière de ses réalisations, des premières qui revêtent un caractère extrêmement important. Qui plus est, la sénatrice Busson nous réserve encore d’autres premières.
Grâce à son leadership et à son exemple, la sénatrice Busson a fait œuvre de pionnière afin que d’autres femmes puissent accéder au secteur de leur choix et y gravir les échelons.
La sénatrice Busson a travaillé inlassablement pour faire progresser la cause des femmes au sein de la population active, surtout dans le secteur de la sécurité publique. En reconnaissance de sa contribution, la sénatrice Busson s’est vu décerner de nombreux honneurs, y compris l’Ordre du Canada.
Certains ne le savent peut-être pas, mais la sénatrice Boniface, qui parraine la sénatrice Busson et l’a accompagnée lors de son entrée au Sénat, a été la première femme à être nommée commissaire de la Police provinciale de l’Ontario. Les sénatrices Boniface et Busson se sont jointes en même temps aux cadets et se sont entraidées tout au long de leur carrière respective — et ce n’est pas une coïncidence qu’elles siègent toutes deux au Sénat aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Harder : Passant à présent à la Saskatchewan, je tiens à souhaiter la bienvenue à Marty Klyne. Le sénateur Klyne a consacré la majeure partie de sa carrière au développement économique de sa région et, plus particulièrement, des communautés autochtones, puisqu’il est lui-même Autochtone.
Il est un esprit universel qui s’intéresse à une foule de choses : sports, divertissement, médias. Il a d’ailleurs été éditeur et chef de la direction du Saskatoon StarPhoenix et du Regina Leader-Post.
Pour s’être consacré inlassablement au bien-être économique de sa province, de sa région, du peuple cri et du peuple métis, et pour les démarches particulières qu’il a faites en vue d’aider les Autochtones du Canada, le sénateur Klyne a reçu de trop nombreuses distinctions pour que je les énumère toutes. Je vais toutefois mentionner la plume d’aigle qu’il a reçue de la part d’un danseur du soleil de la bande Carry the Kettle de la Première Nation nakoda. C’est la plus haute distinction qu’on puisse recevoir dans la culture autochtone.
J’aimerais également mentionner qu’il a occupé la présidence du Conseil nationaI de développement économique des Autochtones au début des années 2000, alors que j’étais sous-ministre de l'Industrie. Il occupait cette fonction, dont il s’acquittait extrêmement bien, lorsque nous avons fait connaissance.
Pour terminer, je remarque, sénateur, que vous avez déjà été président de la Coupe Grey. Permettez-moi donc, sénateur Klyne, à titre de sénateur d’Ottawa, de vous souhaiter la bienvenue dans la région du Rouge et Noir, l’équipe championne de la Coupe Grey de 2016.
Chers collègues, souhaitons la bienvenue à nos nouveaux sénateurs. Nous nous réjouissons à la perspective de travailler avec eux.
Des voix : Bravo!
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour féliciter nos deux nouveaux collègues, la sénatrice Bev Busson et le sénateur Martin Klyne, qui ont été nommés au Sénat du Canada lundi sur recommandation du premier ministre Trudeau. Les membres du caucus conservateur sont impatients de faire leur connaissance et de leur faire découvrir l’opposition officielle, non seulement ses membres, mais aussi le travail collectif qu’elle réalise au Sénat.
La sénatrice Busson est la toute nouvelle représentante de la Colombie-Britannique. Elle est bien connue des Canadiens puisqu’elle a été la première femme à la tête de la GRC, en 2006 et 2007. La sénatrice n’est pas non plus une étrangère pour le Sénat, puisqu’elle a déjà témoigné devant certains de nos comités.
Le sénateur Klyne représentera la Saskatchewan. Tout le monde s’entend pour dire qu’il possède une solide expérience du monde des affaires et de la participation citoyenne.
(1350)
Sénateur Harder, je souligne que le sénateur Klyne a été président de l’édition 2003 de la Coupe Grey, qui a eu lieu à Regina. À titre d’ancien président des Alouettes de Montréal, j’ai les larmes aux yeux en songeant à la 91e Coupe Grey dont le souvenir est douloureux, puisque l’équipe de Montréal s’était inclinée devant celle d’Edmonton au compte de 34 à 22.
Je ne vous accueillerai pas sur le territoire des Alouettes parce que je n’y suis plus, mais je vous souhaite tout de même la bienvenue. Je ne vous tiens absolument pas rigueur d’être de la Saskatchewan parce que, lorsque j’étais footballeur, au cours de ma première année comme recrue, j’ai porté le ballon deux fois et j’ai perdu trois verges, alors que George Reed a accumulé 500 verges au sol contre les Alouettes. Nous avons dû nous incliner. Allez, Riders.
Je ne pouvais pas courir sur une telle distance.
[Français]
Au nom de tous les honorables sénateurs, je présente nos meilleurs vœux de succès à nos nouveaux collègues ainsi qu’à leur famille respective, alors qu’ils assument leurs nouvelles responsabilités parmi nous aujourd’hui.
[Traduction]
Des voix : Bravo!
L’honorable Yuen Pau Woo : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour ajouter quelques mots de bienvenue et féliciter Beverley Busson et Marty Klyne de leur nomination au Sénat du Canada.
C’est avec grand plaisir que j’accueille à la Chambre haute une concitoyenne de la Colombie-Britannique, la sénatrice Busson. Elle est une pionnière de longue date. Comme nous l’avons déjà entendu, elle a été l’une des 32 femmes à se joindre à une GRC dominée par les hommes en 1974. Il s’agit de la même année où la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a recommandé de permettre aux femmes de joindre les rangs.
Alors que la sénatrice Busson luttait sans relâche contre les crimes graves, à titre de policière et d’agente d’infiltration, elle se battait aussi pour l’avancement des femmes dans les forces de l’ordre. Elle a excellé au-delà de toute espérance et a été la première femme nommée commandante de la GRC d’une province. Comme on l’a déjà mentionné, en 2006, elle est aussi devenue la première femme à être nommée commissaire de la GRC.
Après avoir pris sa retraite de la GRC, la sénatrice Busson a occupé un certain nombre de postes bénévoles ai sein d’organismes comme le Justice Institute of British Columbia, le programme de mentorat du Réseau des femmes exécutives et l’ Okanagan College Foundation.
En reconnaissance de son travail dans le domaine de la sécurité et de l’application de la loi, on lui a décerné de nombreuses distinctions, notamment la Mention élogieuse du vice-chef d’état-major de la Défense, l’Ordre de la Colombie-Britannique, l’Ordre du Canada et l’Ordre du mérite des corps policiers.
Un autre pionnier se joint à nous aujourd’hui : le sénateur Marty Klyne. Il arrive à la Chambre haute avec un bagage impressionnant dans le milieu des affaires, notamment à titre de propriétaire de petite entreprise, d’éditeur et PDG de deux grands journaux de la Saskatchewan, de président-directeur général de la Société des jeux de hasard de la Saskatchewan et de président de l’Autorité de développement économique régional de Regina.
Le sénateur Klyne est un fier Métis cri. Dans une province qui compte plus d’un million d’Autochtones, le sénateur Klyne est un ardent défenseur des intérêts des Autochtones et de leur participation accrue dans le développement économique.
Il a été un membre actif du conseil du marché du travail de la chambre de commerce de la Saskatchewan, du Conseil national de développement économique des Autochtones et de la Ignite Adult Learning Corporation.
À l’instar de la sénatrice Busson, le sénateur Klyne a été reconnu pour ses nombreuses réalisations. Comme nous l’avons appris, il a reçu la plus haute distinction possible, à savoir une plume d’aigle d’un danseur du soleil de la bande Carry the Kettle de la Première Nation nakoda. Il a aussi reçu la Médaille du centenaire de la Saskatchewan ainsi que le prix des anciens de l’Université de Regina pour réalisations professionnelles distinguées.
Sénatrice Busson, sénateur Klyne, nous sommes honorés de vous compter parmi nous et nous avons hâte de travailler avec vous.
Au nom du Groupe des sénateurs indépendants, bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Joseph A. Day (leader des libéraux au Sénat) : Honorables collègues, je suis ravi d’accueillir deux nouveaux sénateurs parmi nous : Beverly Busson et Marty Klyne.
La sénatrice Busson est bien connue de ceux d’entre nous qui ont siégé au Comité de la sécurité nationale et de la défense. Durant son mandat comme première femme commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, elle a comparu devant le comité à plusieurs occasions et j’ai toujours été impressionné par sa franchise, sa minutie et sa bonne connaissance des enjeux dont nous discutions.
On a entendu qu’elle a été une pionnière tout au long de sa carrière, dès le début, comme membre de la Troupe 17, la première troupe féminine à passer par le Centre de formation de la GRC à Regina, jusqu’à ce qu’elle accède au poste de commissaire, en 2006.
Notre autre nouveau collègue, le sénateur Klyne, a lui-même mené une brillante carrière. Ce fier Métis cri, cet homme d’affaires de Regina, fait depuis longtemps la promotion du développement économique, non seulement pour les Premières Nations et les Métis, mais aussi pour l’ensemble de sa province. Il a été chef de la direction de plusieurs organisations en Saskatchewan, a siégé à divers comités et conseils et, pendant cinq ans, a été éditeur des journaux Leader-Post et StarPhoenix.
Étant donné leurs carrières réussies, je suis certain que nos nouveaux collègues apporteront des points de vue précieux à nos délibérations ici, au Sénat. Les gens de la Colombie-Britannique et de la Saskatchewan ont de la chance que vous vous joigniez à leur excellente équipe de représentants dans cette Chambre. Vous verrez qu’il y a ici des gens qui possèdent une riche expérience variée pour représenter tous les Canadiens.
Tous ceux qui ont déjà siégé au Sénat peuvent témoigner de ses particularités, et cela exige une période d’ajustement en arrivant. Ce lieu de second examen objectif se trouve actuellement — et probablement depuis sa création — dans une période de transformation, mais notre objectif fondamental demeure le même, soit de faire de nos provinces, de nos régions et de notre pays un meilleur endroit pour tous les Canadiens. N’hésitez pas à demander des conseils ou du soutien à n’importe quel sénateur, n’importe quand.
Sénatrice Busson, sénateur Klyne, mes collègues libéraux indépendants et moi vous souhaitons la bienvenue au Sénat du Canada. Nous sommes impatients de travailler avec vous.
Des voix : Bravo!
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
L’organisme Matthew House
Félicitations à l’occasion de son vingtième anniversaire
L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner le 20e anniversaire de l’organisme Matthew House, chef de file reconnu partout au pays pour sa contribution à l’accueil et au soutien des demandeurs d’asile.
Anne Woolger a fondé cet organisme à but non lucratif après avoir constaté qu’il n’y avait pas, à Toronto, de refuges axés sur les besoins particuliers des demandeurs d’asile. Cette motivation est toujours d’actualité, puisqu’il n’existe encore aucun système qui soutienne adéquatement les demandeurs d’asile à leur arrivée au Canada.
Depuis l’ouverture de son premier établissement en 1998, Matthew House a accueilli près de 2 000 personnes provenant de plus de 100 pays. L’organisme a aussi inspiré l’ouverture de 10 autres refuges, notamment à Ottawa, à Windsor et à Fort Erie.
Matthew House compte maintenant quatre maisons à Toronto. L’une d’entre elles se concentre sur l’accueil, et les trois autres sont des maisons de transition qui offrent des soins et un soutien supplémentaires aux personnes particulièrement vulnérables, par exemple les jeunes réfugiés non accompagnés et les mères monoparentales.
(1400)
Matthew House a aussi mis en place un programme novateur qui aide les demandeurs du statut de réfugié à se préparer à leur audience en combinant expérience pratique, préparation émotionnelle et rétroaction constructive. Grâce à ce programme, un nombre accru de demandeurs reçoivent une réponse positive.
Quand j’ai visité Matthew House, j’y ai rencontré des employés, des résidents et des bénévoles. J’ai été touché de voir tous ces gens profondément résolus à redonner à la société et à faire quelque chose de bien pour des personnes venues au Canada en quête de protection. Merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Anita et de M. Ben Saunders. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Omidvar.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
L’honorable Joyce Fairbairn, C.P., C.M
L’honorable Jim Munson : Honorables sénateurs, plus tôt cette semaine — mardi pour être exact —, vous avez entendu les bons mots que la sénatrice Jaffer a eus pour l’ex-sénatrice Joyce Fairbairn. Elle nous a alors annoncé qu’il y a deux semaines, une école intermédiaire de la ville où Joyce est née, c’est-à-dire Lethbridge, en Alberta, a été nommée en son honneur.
Pouvez-vous imaginer qu’une école puisse un jour porter votre nom?
L’ex-sénatrice Fairbairn n’a pas pu assister à la cérémonie, mais j’ai bien l’impression qu’elle sait qu’il s’est passé ce jour-là quelque chose et que ce quelque chose visait à honorer le travail de toute une vie, la sienne. Je pense beaucoup à Joyce ces derniers temps. Mon regard se porte parfois sur la banquette de la première rangée où elle s’asseyait, vêtue de rouge et toujours souriante.
Je doute qu’elle ait pu croire qu’un jour viendrait où un tel hommage lui serait rendu. J’allais oublier : la Senator Joyce Fairbairn Middle School a aussi mis sur pied une initiative pour l’achat d’ordinateurs portables. Les élèves doivent y contribuer chaque année, mais, à la fin de leurs études, ils peuvent garder leur appareil.
Je rappelle, pour la petite histoire, que Joyce était une pionnière, une vraie : elle était par exemple la seule femme à faire partie de la Tribune de la presse parlementaire en 1962. Imaginez, elle n’avait même pas le droit d’assister au dîner officiel de la tribune.
Au début des années 1970, elle s’est jointe au cabinet du premier ministre. C’était le premier jour de la crise du FLQ et on lui a demandé de conseiller le premier ministre Pierre Elliott Trudeau pour le préparer à la période des questions. Joyce est devenue une des proches du premier ministre et de ses fils, à tel point qu’elle était considérée comme une tante.
La marque qu’a laissée la sénatrice Joyce Fairbairn ne se limite pas à sa personnalité chaleureuse et à sa bienveillance. En effet, la sénatrice a été nommée chef honoraire des Gens-du-Sang de la nation kainai de l’Alberta et a été la première femme à exercer la fonction de leader du gouvernement au Sénat.
Je mentionne ces choses aujourd’hui parce que je veux que les nouveaux sénateurs qui n’ont jamais connu Joyce sachent qu’elle a défendu de multiples causes. De la création de programmes d’alphabétisation aux Jeux paralympiques, Joyce Fairbairn a été l’instigatrice de nombreux projets. En fait, je ne pense pas que le mouvement paralympique existerait comme on le connaît aujourd’hui si Joyce n’avait pas été la première présidente de la Fondation paralympique. Imaginez les membres de l’équipe de hockey sur luge aux Jeux d’hiver de 2010 à Vancouver, en train de lever leur bâton pour la saluer. Ce fut un moment rempli d’émotion.
Honorables sénateurs, j’ai vu la sénatrice travailler pendant un certain temps. J’ai été le whip de son parti durant une période extrêmement difficile pour elle. Elle était déterminée à demeurer au Sénat et à voter sur des questions importantes.
C’est pendant cette période qu’elle m’a invité au festival Whoop-Up Days, à Lethbridge. Je me suis retrouvé dans le défilé, à bord d’une voiture décapotable. Personne ne savait qui j’étais, mais tout le monde connaissait Joyce. Les gens l’adoraient.
C’était un long défilé. Je lui ai demandé : « Joyce, pour combien de temps en avons-nous encore? » Elle m’a répondu : « Jim, peu importe le temps qu’il reste, gardez le sourire. » Ces mots ont été pour moi une source de motivation dans la vie.
Le lendemain, Joyce et mon épouse lançaient des pierres au bord d’une rivière pour faire des ricochets. Elle voulait seulement parler de son enfance; elle a eu une enfance bien remplie. Pour cette sénatrice remarquable, ce moment de quiétude était une façon de se libérer l’esprit.
Que la paix soit avec vous, Joyce. Nous n’oublierons jamais la dame en rouge. Merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Adam Black, fils de l’honorable sénateur Black (Ontario), et de Jordan Petros. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Black (Ontario).
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le trouble de stress post-traumatique
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour saluer les membres de la Police provinciale de l’Ontario qui pleurent ensemble le décès récent de trois collègues.
Ma collectivité, Centre Wellington, n’est pas à l’abri de cette vague récente de suicides qui a sévi dans les rangs de la Police provinciale de l’Ontario l’été dernier. Un jeune agent qui a grandi à Alma a quitté ce monde à la mi-août, et il manque terriblement à sa conjointe, à sa fille, à sa mère, à son père, à sa sœur, à ses proches et à ses amis.
Au sein des collectivités où nous vivons, nous pouvons tous compter sur des agents et des premiers intervenants d’exception qui travaillent tous les jours pour nous, en veillant à notre sécurité. Cela dit, le travail qu’ils font est extrêmement stressant. Je n’arrive pas à m’imaginer à leur place.
Je sais que, dans ma collectivité, les agents du détachement du comté de Wellington sont résilients. Ils ont toutefois besoin de notre soutien collectif et indéfectible pour traverser cette terrible épreuve. C’est aussi le cas à l’échelle de la province et du pays.
La mort de Josh a eu d’importantes répercussions au sein du détachement du comté de Wellington de la Police provinciale de l’Ontario. Je sais que la haute direction suit la situation à tous les niveaux et à tous les quarts de travail, tous les jours.
Le fait que les premiers intervenants sont exposés quotidiennement à des facteurs de stress est assurément une source de préoccupation bien réelle. J’ai cru comprendre que plusieurs agents de Centre Wellington ont demandé de l’aide et profité des divers services de soutien offerts à la suite du décès de Josh et à cause des activités auxquelles ils se livrent chaque jour.
Je remercie l’inspecteur Lawson, du détachement du comté de Wellington de la Police provinciale de l’Ontario, et son équipe de gestion supérieure d’avoir entrepris les démarches nécessaires pour aider les collègues de Josh. Ils ont fait preuve de vigilance, ils ont créé un environnement rassurant afin de favoriser le bien-être et ils ont réduit les préjugés associés à la demande d’aide.
L’état de stress post-traumatique est une maladie mentale. Il est souvent associé à l’exposition à un événement traumatisant ou terrifiant impliquant des sévices, des blessures graves, des menaces, des décès et des catastrophes. C’est une conséquence à long terme liée aux effets cumulatifs et à la nature de ces événements traumatisants.
Dans l’univers des policiers et des premiers intervenants, les faiblesses sont mal vues. Le travail passe avant tout; les sentiments, le bien-être et la famille viennent probablement ensuite. Quand une personne souffre de stress post-traumatique, sa famille doit se débrouiller comme elle peut. Ce n’est pas une bataille que les familles devraient mener toutes seules. Elles doivent savoir que nous nous soucions vraiment d’elles.
Nos courageux policiers et premiers intervenants enfilent leur uniforme tous les jours en sachant pertinemment qu’ils mettent leur vie en danger au service de nos collectivités et de notre pays. Ils sont conscients du fait que leur dévouement pourrait leur faire consentir le sacrifice ultime.
J’espère que ces quelques mots s’ajouteront aux messages de soutien et de bienveillance envoyés aux membres des forces de police et aux premiers intervenants partout dans la province et au pays, alors qu’ils accomplissent leur nécessaire devoir aujourd’hui et tous les jours.
Enfin, je souhaite dire à la famille de Josh que je partage son deuil, même si je ne le connaissais pas. Qu’il repose en paix.
Visiteur de marque à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de notre ancienne collègue, l’honorable JoAnne L. Buth.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je suis heureux de vous revoir au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jimmy Engineer, artiste pakistanais de renommée mondiale, et de Samir Dossal, président du Conseil de commerce Canada–Pakistan. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Ataullahjan.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le service commémoratif national des policiers
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, dimanche prochain, des membres des services de police du Canada et les êtres qui leur sont chers se réuniront sur la Colline du Parlement à l’occasion du 30e service commémoratif annuel organisé en hommage aux agents de police et agents de la paix tués dans l’exercice de leurs fonctions. Par cette tradition amorcée en 1978, les Canadiens veulent reconnaître les immenses sacrifices consentis par ces agents. Chaque année ce jour-là, tous les drapeaux des édifices fédéraux au Canada sont en berne, du lever au coucher du soleil.
Il y a 20 ans, le solliciteur général du Canada proclamait le dernier dimanche de septembre Jour commémoratif national des policiers, donnant ainsi aux Canadiens l’occasion d’exprimer officiellement leur reconnaissance pour le dévouement des agents de police et des agents de la paix qui ont consenti le sacrifice ultime afin de maintenir la sécurité publique.
(1410)
Voici les six agents auxquels nous rendons hommage cette année. Tout d’abord, il y a l’agent John Davidson, qui a travaillé 24 ans au service de police d’Abbotsford et qui est mort à 53 ans, en novembre 2017, à la suite d’une blessure par balle. Il tentait d’arrêter un suspect qui a ouvert le feu sur lui dans un stationnement. Il laisse dans le deuil son épouse et ses trois enfants aujourd’hui adultes.
L’agente Sara Burns, 43 ans, du service de police de Fredericton, laisse dans le deuil son époux, Steven, et leurs trois enfants. Mme Burns n’était dans le service que depuis deux ans. Elle avait décidé de réaliser son rêve de devenir agente de police à l’âge de 40 ans.
L’agent Robb Costello, qui a travaillé 20 ans au service de police de Fredericton et qui était père de quatre enfants, est mort à l’âge de 45 ans. Il laisse dans le deuil sa compagne, Jackie. Il était connu pour son engagement communautaire et pour l’intérêt qu’il portait aux enjeux de santé mentale chez les premiers intervenants.
L’agent Ian Jordan, du service de police de Victoria, a eu un accident de voiture en répondant à une alerte dans le centre-ville de Victoria. Atteint d’un traumatisme crânien, il était dans le coma depuis 1987. Il est décédé à l’âge de 66 ans, en avril 2018. Il laisse dans le deuil son fils, qui n’avait que 16 mois au moment de l’accident, et son épouse, Hilary.
En septembre dernier, l’agent de la GRC Francis Deschênes, âgé de 35 ans, a été heurté par une camionnette, sur la route 2, au Nouveau-Brunswick, alors qu’il aidait un automobiliste à changer un pneu. Il avait déjà été acclamé pour les efforts héroïques qu’il avait déployés dans sa carrière, notamment lorsqu’il s’était servi de sa voiture de patrouille pour pousser hors de danger une voiture qui était coincée sur une voie ferrée en Nouvelle-Écosse afin d’empêcher que son occupante soit tuée par un train qui approchait à grande vitesse.
L’agent Jacques Ostigny, qui a été membre de la Sûreté du Québec pendant 24 ans, est mort à l’âge de 51 ans d’une crise cardiaque alors qu’il tentait de trouver des randonneurs dans le Parc national du Fjord-du-Saguenay.
Leurs noms paraîtront sur le Mur du souvenir, ici, sur la Colline du Parlement, à la suite des noms de 865 policiers et agents de la paix qui ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions depuis 1867.
Plus tôt ce mois-ci, Postes Canada a émis un timbre honorant les policiers et les civils canadiens qui les appuient en reconnaissance de l’important travail qu’ils font. J’espère, mesdames et messieurs les sénateurs, que nous prendrons tous un instant dimanche pour penser aux agents qui ont servi notre pays, aux êtres chers qu’ils ont laissés derrière eux et à ceux qui continuent de nous servir et de nous protéger. Merci.
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Mme Betty Plett, l’épouse de l’honorable Don Plett, de Kevin et Larissa Plett, de Travis et Rose Penner, et de Jaime Spyksma et ses fils, Lane et Camryn Spyksma. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Betty Plett
Félicitations à l’occasion de son cinquantième anniversaire de mariage
L’honorable Donald Neil Plett : Chers collègues, le 26 décembre 1950, M. Erdman Harder a téléphoné à ses parents pour annoncer ceci : « Car un enfant nous est né. Une fille nous est donnée. On l’appellera Betty et elle sera une merveilleuse conseillère, et une princesse de la paix. »
Dix-sept ans et demi plus tard, cette jeune fille — très mature pour son âge — se tenait, tremblante, dans l’église Landmark aux côtés de Don Plett, un jeune homme de 18 ans — immature — qu’elle prenait pour légitime époux...
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : ... pour le garder, dans la richesse comme dans la pauvreté, dans la maladie comme dans la santé et — plus important encore — pour le meilleur et pour le pire, jusqu’à ce que la mort nous sépare.
Il y aura 50 ans de cela demain, chers collègues.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Plett : Depuis ce jour-là, Betty a élevé quatre garçons, ce qu’elle a fait toute seule pendant de nombreuses années. Nous avons 4 magnifiques belles-filles et 12 merveilleux petits-enfants.
Betty a fait une croix sur ses ambitions et sa carrière pour être une mère, une grand-mère, une épouse, et la meilleure amie que j’aurai jamais eue.
Chers collègues, si je le pouvais, je présenterais une motion au Sénat afin d’ajouter une sixième statue à celles qui représentent les Célèbres cinq sur la Colline du Parlement.
Au cours des 10 premières années de notre mariage, Betty devait être à la fois la mère et le père pour nos enfants car j’ai travaillé loin de la maison, pour l’entreprise de plomberie de mon père, pendant la plus grande partie de cette période.
Betty m’a raconté cette fois où elle était chez notre médecin, le Dr Peters, alors qu’elle était enceinte de notre premier fils. Le Dr Peters était notre médecin, ainsi que le médecin de nos parents et de mes grands-parents. Disons qu’il connaissait bien notre famille. Betty a éclaté en sanglots dans son bureau, se demandant comment elle, une si jeune fille, allait pouvoir élever un enfant. C’est à ce moment-là que le Dr Peters lui a donné une petite tape sur l’épaule et lui a dit : « Bon, bon, vous pourrez grandir en même temps que vos enfants. » Même si j’ignore comment, c’est exactement ce que Betty a fait.
J’aimerais également rendre hommage à mon père et ma mère, Archie et Ruby Plett, qui nous ont soutenus dans les bons moments comme dans les difficiles et qui ont toujours cru en moi, de même qu’aux parents de Betty, Erdman et Ann Harder, qui m’ont accueilli à bras ouverts au sein de leur famille. Je sais qu’ils ont sûrement demandé à Dieu bien souvent : « Qu’avons-nous fait pour mériter cela? »
Chers collègues, j’aimerais inviter chacun de vous à vous joindre à Betty et à moi à la salle 279 de l’édifice de l’Est dès la levée de la séance du Sénat pour une boisson et des collations afin de célébrer nos 50 ans de mariage.
Comme je l’ai dit au sénateur Mercer l’autre jour : « Terry, nous avons tous les deux obtenu bien mieux que ce que nous méritions. »
Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour applaudir et honorer mon épouse, qui est aussi ma meilleure amie, Betty Plett.
Des voix : Bravo!
Visiteurs à la tribune
Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Janet Wood, de Jane MacKenzie, de Joan Murphy et de Valerie Duffy. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Griffin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Français]
AFFAIRES COURANTES
La justice
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-81—Dépôt de document
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte, préparé par la ministre de la Justice en ce qui a trait au projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.
Les ressources naturelles
L'État des forêts au Canada—Dépôt du rapport de 2018
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport sur l’état des forêts au Canada pour l’année 2018, conformément à la Loi sur le ministère des Ressources naturelles, L.C. 1994, ch. 41, par. 7(2).
[Traduction]
La contribution de Terre-Neuve-et-Labrador aux forces armées en ce qui concerne la guerre en Afghanistan
Préavis d’interpellation
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, après-demain :
J’attirerai l’attention du Sénat sur la contribution de la Terre-Neuve-et-Labrador aux forces armées en ce qui concerne la guerre en Afghanistan.
(1420)
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les affaires étrangères et le commerce international
Les négociations de l’ALENA
L’honorable Larry W. Smith (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat et porte sur les négociations de l’ALENA.
Tous les Canadiens veulent que l’accord qui sera conclu soit bon pour les familles et les entreprises du pays, et je suis sûr que tous ceux qui se trouvent dans cette enceinte aujourd’hui le souhaitent aussi. Cet été, le Canada a été écarté des négociations de l’ALENA lorsque les États-Unis et le Mexique ont décidé de conclure un accord bilatéral, qui a été annoncé le 27 août. Les États-Unis et le Mexique disent qu’ils veulent que le Congrès des États-Unis ratifie cet accord avant le 1er décembre, c’est-à-dire avant qu’entre en fonction le prochain président du Mexique. Dimanche, le 30 septembre, est la date limite pour que les États-Unis et le Canada présentent au Congrès le texte d’un accord destiné à inclure notre pays dans ce nouvel accord commercial.
Monsieur le sénateur, pourriez-vous nous aider à comprendre ce qui se produira si l’échéance n’est pas respectée? Existe-t-il un plan d’urgence ou une solution de rechange? Qu’arrivera-t-il aux Canadiens? Il serait important aussi que les parlementaires réunis dans cette salle puissent comprendre ce qui se passe et qu’ils obtiennent les avis, les données et l’information provenant des États-Unis.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Comme il le sait déjà, puisque le premier ministre l’a indiqué, en particulier au cours des derniers jours, le gouvernement du Canada examine plusieurs éventualités et se prépare en conséquence. Le gouvernement du Canada continue de croire qu’il est possible de conclure un accord. Les parties poursuivent leurs discussions actuellement. Évidemment, l’ALENA reste en vigueur tant qu’aucun avis n’a été donné pour y mettre fin. Le gouvernement du Canada est convaincu qu’il n’y a pas de meilleur moyen de bien servir les intérêts du Canada que de conclure un accord négocié où toutes les parties seront gagnantes.
Le sénateur Smith : Merci, monsieur.
Lors de sa conférence de presse hier, comme il l’a fait à de nombreuses reprises auparavant, le président des États-Unis a menacé d’imposer des droits sur les voitures importées dans son pays depuis le Canada. Plus tôt cette année, le président américain avait menacé d’imposer des droits ciblant les industries canadiennes de l’acier et de l’aluminium. À la fin du mois de mai, il a mis cette menace à exécution. L’imposition de droits dans le secteur automobile serait désastreuse pour le Canada. Un rapport de la Banque TD publié en juin estimait que le pays pourrait perdre jusqu’à 160 000 emplois.
Pouvez-vous nous dire ce que le gouvernement entend faire pour protéger l’industrie automobile au Canada, ainsi que les centaines et les milliers d’emplois directs et indirects qu’elle représente au pays?
Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Je voudrais d’abord dire qu’il est prématuré, à l’heure actuelle, de dire précisément quelles mesures pourraient être prises, mais nous pouvons affirmer que le gouvernement du Canada est fort préoccupé par la possibilité que des droits supplémentaires soient imposés. Il serait malheureux que cela survienne et ce sont les consommateurs, les travailleurs et le secteur de l’automobile des deux pays qui en feraient les frais. Ce n’est pas une menace qui peut être mise à exécution à la légère. Le gouvernement du Canada considère toujours que la meilleure solution demeure la conclusion d’une entente entre toutes les parties.
[Français]
La sécurité publique
L’incarcération de Terri-Lynne McClintic
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Tori Stafford était une jeune fille de huit ans qui a été enlevée, agressée sauvagement et assassinée en 2009. Sa famille est encore sous le choc d’apprendre que Terri-Lynne McClintic, celle qui l’a assassinée, a été transférée dans un pénitencier de niveau minimum quelques années après son incarcération.
Sénateur Harder, la Charte canadienne des droits des victimes, adoptée en 2015, reconnaît le droit aux familles et aux victimes d’être informées. Cela signifie que la famille aurait dû être informée à l’avance du transfert de cette criminelle. Cette décision de Service correctionnel Canada ne respecte pas la Charte canadienne des droits des victimes.
Alors, ma question est la suivante : pourquoi Service correctionnel Canada n’a-t-il pas informé la famille avant de procéder à ce transfert?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question et le remercie de se soucier, à juste titre, des membres de la famille de Tori Stafford. Ils souffrent de cette disparition depuis bien des années — depuis neuf ans, je crois —, et nous partageons encore leur douleur.
Je dois informer tous les sénateurs que le Service correctionnel du Canada détermine le lieu d’incarcération des détenus de manière à assurer la sécurité publique. Les facteurs pris en compte dans ces décisions n’ont pas changé au cours des dernières années et n’ont certainement pas été modifiés pendant le mandat du gouvernement actuel.
La détenue en question a été transférée dans un établissement à sécurité moyenne en 2014, et elle est toujours détenue dans un établissement à sécurité moyenne.
Je souligne cependant que le ministre concerné a demandé à la nouvelle commissaire du Service correctionnel du Canada d’examiner en détail la décision de placement qui a été faite par son prédécesseur afin de s’assurer qu’elle respecte toutes les politiques du Service correctionnel.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je désire rappeler au leader du gouvernement que, depuis 2015, toutes les institutions fédérales doivent adapter leurs règlements à la Charte canadienne des droits des victimes. C’est une loi supra-constitutionnelle, qui est donc au-dessus de toutes les lois. L’intérêt des victimes doit primer sur l’intérêt du public.
Est-ce que le ministre de la Sécurité publique entend s’excuser auprès de la famille d’avoir manqué à ses obligations de l’informer avant le transfert?
[Traduction]
Le sénateur Harder : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Les honorables sénateurs doivent savoir que le ministre a répondu directement et personnellement à cette question, à l’autre endroit et à l’extérieur. Comme je l’ai dit, le ministre a demandé à ce qu’on examine les décisions qui ont été prises afin de s’assurer qu’elle respectent les politiques en place depuis nombre d’années.
La justice
L’aide médicale à mourir—Les directives anticipées
L’honorable Pamela Wallin : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.
Comme vous vous en rappellerez, il y a deux ans, le gouvernement a rejeté le concept de directives anticipées dans la mesure législative sur l’aide médicale à mourir, le projet de loi C-14. Après l’adoption du projet de loi, le gouvernement a nommé un groupe d’experts pour étudier la question. Ce dernier soumettra ses constatations en décembre prochain. Or, le gouvernement lui a donné pour directive de ne pas formuler de recommandations précises.
Mes questions pour vous, monsieur le leader, ainsi que pour la ministre de la Justice par votre entremise, sont les suivantes : quelle est l’utilité de ce groupe d’experts? Quelles sont les prochaines étapes envisagées par le gouvernement pour tenir compte de l’appui d’une majorité croissante de la population à l’égard de l’option des directives anticipées?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie la sénatrice de sa question et de l’intérêt qu’elle porte depuis des années à ce dossier. Je transmettrai certainement le point de vue de la sénatrice à la ministre. Cela dit, il n’est pas inhabituel qu’un groupe d’experts examine les paramètres de la situation — en l’occurrence, leur expérience juridique au cours des deux dernières années d’exercice de leur profession et les préoccupations soulevées par les médecins directement concernés — afin que le gouvernement puisse bénéficier de cette recherche avant de déterminer les options stratégiques qui s’offrent à lui.
[Français]
La sécurité publique
Les services de police autochtones
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Je sais que vous n’aurez peut-être pas la réponse sur-le-champ, mais je tiens à souligner le caractère urgent de la situation.
Votre gouvernement a réglé la question du financement de 20 des 21 corps policiers autochtones du Québec. Il reste celui du Nunavik, le plus important et celui qui couvre le plus grand territoire, c’est-à-dire 14 communautés. Ce service de police pourrait fermer ses portes à cause d’un manque d’effectifs et d’argent, situation qui s’aggravera avec la légalisation prochaine de la marijuana.
Le remplacement de ce corps policier par la Sûreté du Québec coûterait au moins 110 millions de dollars à la province de Québec, alors que, selon mes informations, avec quelque 2 millions de dollars, tout pourrait s’arranger.
Pourquoi les représentants du ministère de la Sécurité publique s’entêtent-ils à ne pas négocier la contribution fédérale en fonction des besoins de ces communautés autochtones isolées, où il faut parfois 30 heures aux agents de la Sûreté du Québec pour prêter main-forte à leurs collègues du Grand Nord québécois? À titre d’exemple, dans un cas de violence familiale, 30 heures, c’est souvent la différence entre sauver une vie et ouvrir une enquête pour meurtre.
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie le sénateur de sa question. Conformément à ce qu’il a suggéré dans son préambule, je vais porter la question à l’attention de la ministre et veillerai à ce qu’une réponse soit fournie rapidement.
L’Agence des services frontaliers du Canada—La détention d’enfants réfugiés
L’honorable Victor Oh : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. La politique du gouvernement fédéral ne protège pas véritablement les enfants ni leur droit à l’unité familiale.
Le Canada continue de garder en détention des enfants migrants dans le cadre de procédures d’immigration et, dans certains cas, les sépare de leurs parents. Des enfants nés au Canada sont aussi maintenus dans des centres de détention pour immigrés ou séparés de leur famille.
Ces pratiques sont une violation manifeste des droits des enfants. Il y a d’autres manières de faire les choses, moins coûteuses et plus conformes aux valeurs humanitaires et à la compassion des Canadiens.
(1430)
Ma question est la suivante : le gouvernement fédéral procédera-t-il à une réforme législative qui sera mieux en mesure d’assurer le respect, la protection et la pleine reconnaissance des droits de tous les enfants détenus et séparés de leur famille, maintenant et à l’avenir?
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie l’honorable sénateur de sa question. Elle est liée à la question de l’honorable sénatrice Jaffer à laquelle j’ai répondu la semaine dernière. J’avais alors présenté au Sénat les changements de politique qui ont été mis en œuvre par le ministre au mois d’août dernier, si je ne m’abuse. Ces changements imposent de nouvelles lignes directrices et ont des répercussions sur les peines d’incarcération. Comme je l’ai dit la semaine dernière, je pense qu’il y a deux mineurs non accompagnés actuellement détenus. Ce chiffre est nettement inférieur à ce qu’il était la dernière fois que j’en ai parlé. Je crois qu’il y en avait alors 36.
Évidemment, le gouvernement du Canada continue de veiller à ce que les instances décisionnaires aient toujours à cœur l’intérêt supérieur des enfants. C’est pour cette raison que le ministre a accordé du financement pour des services et du personnel supplémentaires et, surtout, a donné des instructions pour que seuls les enfants pour qui la détention est considérée comme la meilleure solution dans leur intérêt soient détenus.
[Français]
Le patrimoine canadien
L’entente Netflix
L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Monsieur le leader, il y a un an, la ministre Mélanie Joly annonçait en grande pompe sa nouvelle politique culturelle, qui devait projeter le Canada dans une ère nouvelle en matière de culture. La pierre angulaire de cette politique était l’entente conclue avec le géant Netflix, qui aurait promis de consacrer 500 millions de dollars à la production de contenu canadien. Je dis bien « aurait promis », parce que le gouvernement refuse toujours de rendre cette entente publique. Tout ce que nous savons, c’est que Netflix a obtenu une exemption au titre des lois fiscales canadiennes.
Sénateur Harder, pouvez-vous nous dire, un an plus tard, combien Netflix a investi en contenu canadien? Quels sont les engagements en matière de contenu francophone? En outre, quelle part des 500 millions de dollars promis a-t-elle été consacrée au contenu francophone au cours de la dernière année?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Encore une fois, je remercie le sénateur de sa question. Je m’assurerai que le ministère et le ministre en question lui fournissent une réponse appropriée.
[Français]
Les affaires étrangères et le commerce international
Les droits de la personne au Venezuela
L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Plus tôt cette semaine, le gouvernement Trudeau s’est joint à certains pays d’Amérique du Sud pour déposer une plainte devant la Cour internationale de Justice contre le régime Maduro, au Venezuela, pour crimes contre l’humanité.
Je tiens évidemment à féliciter le premier ministre Trudeau et son équipe pour ce geste et pour avoir compris que, une fois de plus, l’application de théories économiques socialistes ne peut conduire qu’à la ruine d’un pays. Cependant, je suis curieux de savoir pourquoi le gouvernement Trudeau peut se montrer aussi inflexible envers le Venezuela, alors qu’il continue de courtiser le régime brutal iranien.
Sénateur Harder, pourquoi y a-t-il deux poids, deux mesures dans la politique étrangère de votre gouvernement? Pourquoi accorder des passe-droits à l’Iran?
[Traduction]
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie encore une fois l’honorable sénateur de sa question et de l’intérêt soutenu qu’il porte à ces questions. Je suis heureux qu’il appuie la décision qu’a prise le gouvernement du Canada et d’autres pays aux vues similaires en réponse à la crise qui sévit au Venezuela. En raison de cette crise, un exode est en cours au Venezuela, qui entraîne de grands bouleversements et qui met de la pression sur les pays avoisinants, surtout l’Équateur. Le gouvernement du Canada est prêt à collaborer pour faire ce qui s’impose afin de soulager la crise humanitaire.
Les conséquences économiques de la situation au Venezuela sont catastrophiques pour un pays qui était, à une époque, l’un des joyaux économiques de l’Amérique du Sud. C’est pourquoi le gouvernement du Canada, comme on pouvait s’y attendre, opte dans ce cas, avec les pays qui partagent notre point de vue, pour la voie du tribunal pénal.
Le sénateur a posé une question au sujet de l’Iran. Là aussi, le gouvernement du Canada continue à la fois d’exprimer son point de vue et de travailler en collaboration avec des pays aux vues similaires pour mettre de la pression sur le gouvernement iranien et appuyer l’accord conclu entre les principales parties, qui est essentiel pour limiter la prolifération nucléaire qu’aurait engendrée la situation antérieure.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, pendant son voyage à New York, le premier ministre a également vertement critiqué le gouvernement du Myanmar pour la façon dont il traite les Rohingyas. Encore une fois, c’est tout à fait justifié et nous applaudissons sa dénonciation. Nous applaudissons chaque fois que le gouvernement du Canada défend les droits de la personne, comme il l’a fait récemment dans le cas du Venezuela. Pourquoi, cependant, le gouvernement Trudeau reste-t-il muet devant les mauvais traitements infligés à la minorité musulmane ouïghoure par le gouvernement chinois?
Sénateur Harder, pourquoi votre gouvernement applique-t-il deux poids, deux mesures dans la politique étrangère canadienne? On dirait qu’il choisit dans quelles circonstances les droits de la personne sont importants, mais, pour nous, les droits de la personne sont universels et ils s’appliquent partout, que ce soit en Iran, au Venezuela ou en Chine, et tous les êtres humains de la planète doivent être traités de la même façon.
Le sénateur Harder : Je remercie l’honorable sénateur de sa question. Elle mérite, en fait, une réponse plus approfondie parce que, très franchement, la manière dont le gouvernement actuel du Canada et les gouvernements qui l’ont précédé ont envisagé la question des droits de la personne depuis, je dirais, la Déclaration des droits de l’homme, depuis la Seconde Guerre mondiale, disons, est un sujet qui mérite de faire l’objet d’une conversation plus approfondie.
Il est important de comprendre qu’il n’y a pas qu’une seule manière de répondre à des abus en matière de droits de la personne, c’est-à-dire l’opprobre ou les sanctions, bien évidemment. On peut agir autrement. J’ai accompagné des premiers ministres de tous les partis en Chine, et tous ont soulevé la question des droits des Ouïgours ou se sont enquis d’autres dossiers particuliers en lien avec les droits de la personne. À ce moment-là, c’était la manière adéquate d’émettre des réserves et d’essayer d’user de son influence pour que les questions des droits de la personne soient abordées.
J’espère que nous pourrons discuter d’autres mesures à prendre, des partenariats que nous devrions établir et maintenir avec des pays aux vues similaires afin que notre intérêt commun pour la défense des droits de la personne ne devienne pas un enjeu partisan et ne se réduise pas à une solution unique.
Les droits de la personne en Iran
L’honorable Leo Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, je pense qu’il ne fait aucun doute que l’Iran est un pays qui parraine régulièrement le terrorisme partout dans le monde. Les dirigeants iraniens réclament l’anéantissement d’un groupe religieux et racial, ainsi que la destruction d’un pays voisin.
Je ne crois pas que nous pouvons nous contenter de maintenir le dialogue avec un pays qui parraine le terrorisme à l’échelle mondiale, un pays qui s’attaque et porte atteinte tous les jours aux valeurs occidentales. Nous devons reconnaître l’urgence croissante du problème. Je pense que le gouvernement doit faire plus que dialoguer avec les autorités iraniennes. Il a l’obligation d’agir pour défendre nos valeurs.
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de son intervention, qui me permet de répéter que le gouvernement ne se contente pas de dialoguer avec le gouvernement de l’Iran. Il continue de rencontrer les groupes qui expriment leurs préoccupations, en Iran et ailleurs, et de leur apporter son soutien. Il collabore avec des pays aux vues similaires pour continuer d’exercer des pressions constantes et réelles sur les autorités du pays. Cependant, contrairement à d’autres pays, il ne veut pas aller jusqu’à retirer son appui à l’accord sur le nucléaire, qui joue un rôle crucial dans la prévention de la prolifération nucléaire.
(1440)
ORDRE DU JOUR
Projet de loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu
Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable André Pratte propose que le projet de loi C-71, Loi modifiant certaines lois et un règlement relatifs aux armes à feu, soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, le 29 janvier 2017, à Québec, Alexandre Bissonnette a tué six personnes à l’extérieur d’une mosquée. Même s’il souffrait de troubles psychologiques, M. Bissonnette détenait un permis de possession et d’acquisition valide. Le pistolet Glock de calibre 9 mm qu’il a utilisé, une arme à feu à autorisation restreinte au Canada, était dûment enregistré.
Le 6 juin dernier, à Toronto, près de l’intersection des rues Queen Ouest et Peter, deux hommes ont été abattus en plein jour. La police a lancé un mandat d’arrêt pour meurtre au premier degré contre un homme de 22 ans et un adolescent de 16 ans. Le maire de Toronto, John Tory, a établi un lien entre le double homicide et la violence des gangs.
Le 22 juillet, à Toronto, sur l’avenue Danforth, Faisal Hussain a ouvert le feu. La fusillade a fait 2 morts et 13 blessés. M. Hussain, qui s’est enlevé la vie quelques minutes après la fusillade, souffrait de graves problèmes de santé mentale. Il a utilisé une arme à feu prohibée appartenant à son frère, qui entretiendrait des liens avec des gangs de rue.
Le 10 août, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, Matthew Vincent Raymond a tué quatre personnes par balle, y compris deux agents de police, selon les accusations portées contre lui. M. Raymond a utilisé un fusil de chasse. Il détenait un permis de possession d’arme à feu.
Le 11 septembre, à Desmaraisville, au Québec, deux chasseurs se sont disputés. Stéphane Morin, âgé de 55 ans, est accusé du meurtre de son ami Serge Paré, âgé de 61 ans, avec une arme à feu. M. Morin a déjà été reconnu coupable de voies de fait.
Ces cinq tragédies ont un point commun : les armes à feu. Elles se distinguent à bien d’autres égards : le modèle d’arme à feu, le motif du tireur, le fait qu’il détenait ou non un permis et le fait qu’il était ou non membre d’un gang. Voilà qui montre que la criminalité armée au Canada ne doit pas être considérée sous un seul angle, car elle prend toutes sortes de formes.
Certains affirment que le Canada n’a pas un problème d’armes à feu, mais un problème de gang. Je soutiens que nous avons à la fois un problème de gang et un problème d’armes à feu. L’un n’exclut pas l’autre.
À l’heure actuelle, le Canada compte environ 2,1 millions de propriétaires d’armes à feu titulaires de permis. Chers collègues, veuillez me pardonner, mais je vais citer de nombreuses statistiques cet après-midi. Je sais qu’elles rendent rarement un discours captivant, mais, dans ce cas-ci, les statistiques sont essentielles pour dissiper les nombreux mythes et les fausses idées qui entourent la violence armée.
Allons-y. Le nombre d’armes à feu à autorisation restreinte — essentiellement les armes de poing et les armes semi-automatiques — est passé de 660 000 en 2013 à 839 000 en 2016, soit une augmentation de presque 180 000 en trois ans. Cela ne comprend pas les 180 000 armes à feu prohibées et les 7 millions de fusils de chasse qui sont en circulation.
On dit souvent que les propriétaires légitimes d’armes à feu ne sont pas responsables de la violence armée et que, par conséquent, le gouvernement ne devrait pas prendre de mesures supplémentaires qui pourraient le moindrement empiéter sur ce que certains appellent leur droit de posséder et d’utiliser des armes à feu. Il est évident que la grande majorité des propriétaires d’armes à feu sont des citoyens respectueux des lois qui achètent et utilisent leurs armes à feu de manière responsable à des fins entièrement légales et légitimes, que ce soit pour le loisir, la sécurité ou la subsistance.
Toutefois, nous ne pouvons ignorer le fait qu’il existe des exceptions scandaleuses. Des gens comme Matthew Raymond, de Fredericton, Joseph Anthony Raymond-Papatie, Richard Bain, Alexandre Bissonnette, Lionel Desmond et Kimveer Gill, des gens qui, à l’origine, n’auraient jamais dû obtenir de permis ou auraient dû se faire confisquer leurs armes à feu, des gens qui sont devenus des tueurs.
Selon des données fournies par Statistique Canada, au cours des 10 dernières années, pas moins de 169 homicides par balle ont été commis par des propriétaires d’armes à feu détenant un permis. C’est beaucoup moins que le nombre d’homicides commis par des tireurs sans permis, mais ce chiffre n’est pas négligeable. Ce ne sont pas seulement les criminels endurcis qui se servent d’une arme à feu pour tuer.
Avec tout ce qui se dit au sujet des fusillades liées aux gangs, nous avons tendance à croire qu’il s’agit du seul problème, à savoir un problème associé aux gangs. Or, les statistiques brossent, une fois de plus, un tableau différent. Il est évident que les fusillades liées aux gangs sont en hausse, mais les autres fusillades le sont aussi et elles représentent la moitié de tous les homicides par balle.
Bien des propriétaires d’armes à feu trouvent que les lois et les règlements stricts sur les armes à feu sont inutilement lourds, voire injustes, et nous devons bien écouter ce qu’ils ont à dire. Cependant, n’est-il pas vrai que la plupart des lois et règlements s’appliquent à tous, mais visent à dissuader ou à punir les activités illégales de très peu de gens? Les automobilistes parmi nous auraient la vie bien plus facile si nous n’avions pas à immatriculer nos véhicules, à détenir un permis de conduire valide et à observer le code de la route, mais conduire est une activité dangereuse, raison pour laquelle elle fait l’objet de contraintes juridiques strictes.
Il en va de même pour l’usage récréatif des armes à feu. Lorsque les faits font ressortir la nécessité d’un régime plus strict, le Parlement a le devoir d’agir.
Au cours des quatre dernières années, nous avons assisté à une augmentation des crimes commis avec une arme à feu au Canada. Certains diront — vous allez les entendre au cours des prochaines semaines — que cette augmentation ne veut pas dire grand-chose puisque, l’année où ces crimes ont commencé à augmenter, en 2013, leur nombre n’avait jamais été aussi bas. Ils accuseront même le gouvernement de manipuler les chiffres pour avoir des arguments en faveur de ce projet de loi. Toutefois, chers collègues, il n’y a pas de manipulation ici, seulement des faits étayés par les statistiques. Les chiffres et les rapports de police révèlent une inversion fort inquiétante de la tendance à la baisse qui avait commencé il y a plus de 20 ans.
Si tout cela se passe en partie dans les grandes villes et est causé par les activités des gangs de criminels, les régions rurales et éloignées n’y échappent pas. Ainsi, en 2016, 61 p. 100 des crimes commis avec une arme à feu en Saskatchewan sont survenus à l’extérieur d’une grande ville.
Dans une importante proportion, c’est une arme de poing qui est utilisée dans les cas de violence commise au moyen d’une arme à feu. Or, durant la seule année 2016, 50 homicides ont été commis avec une carabine ou un fusil de chasse. Il s’agit du nombre le plus élevé depuis 2005.
Toujours en 2016, 14 p. 100 des victimes des homicides commis avec une arme à feu étaient des Autochtones alors que, comme nous le savons, les Autochtones comptent pour 5 p. 100 de la population canadienne.
Enfin, il ne faut pas oublier que la violence commise au moyen d’une arme à feu comprend également le suicide. Là aussi, les chiffres sont perturbants. Entre 2014 et 2016, près de 600 Canadiens par année, en moyenne, se sont enlevé la vie avec une arme à feu. C’est la moyenne sur trois ans la plus élevée depuis les trois années 2004 à 2006. C’est donc six fois plus de personnes qu’il n’y a de sièges au Sénat qui meurent par suicide chaque année au Canada. Comme dans les cas de violence familiale, l’arme le plus souvent employée dans ces tragédies est la carabine ou le fusil de chasse.
Avec de tels faits en main, il serait irresponsable de la part du gouvernement, de n’importe quel gouvernement, de ne rien faire. Il ne s’agit pas de harceler les Canadiens propriétaires d’arme à feu respectueux de la loi, qui constituent la majorité des propriétaires d’arme à feu. Il s’agit de sauver des vies.
Les forces policières ont besoin d’outils supplémentaires pour combattre ce fléau que sont les actes violents commis avec une arme à feu. Dans un premier temps, il faut s’attaquer aux crimes à main armée commis par les gangs et le crime organisé. C’est pourquoi le gouvernement a annoncé un financement de 327,6 millions de dollars sur cinq ans et de 100 millions de dollars par année par la suite. Une grande partie de cette somme est destinée à aider les provinces et les territoires à lutter contre les gangs.
Ce financement permettra également d’ajouter davantage de ressources et d’outils technologiques à la frontière, de façon à mettre fin au trafic d’armes.
Par ailleurs, en mars dernier, le ministre Goodale a tenu à Ottawa le Sommet national sur la violence liée aux armes à feu et aux gangs, auquel bon nombre de nos collègues ont participé. Nous avons pu y entendre plusieurs intervenants, parmi lesquels des maires et des représentants des provinces, des territoires, des communautés autochtones et des forces policières.
Enfin, le 18 juillet dernier, Bill Blair a été nommé ministre de la Sécurité frontalière et de la Réduction du crime organisé. Il a le mandat d’élaborer d’autres politiques, règlements ou lois visant à réduire le crime organisé. Personne n’est mieux placé que lui pour relever ce défi.
Bien qu’il soit absolument essentiel de combattre la criminalité des gangs, cela ne suffit pas. En effet, les femmes qui sont menacées ou tuées par un partenaire violent ne sont pas victimes du crime organisé. Les personnes qui utilisent une arme à feu pour se suicider ne sont pas victimes des gangs. Les Canadiens pacifiques qui sont tués par des loups solitaires ne le sont pas non plus. Ces tragédies entraînent des centaines de décès évitables chaque année.
(1450)
De toute façon, contrairement à ce qui a souvent été dit, le problème d’armes à feu au Canada ne se limite pas aux armes à feu illégales importées en contrebande des États-Unis. En fait, un grand pourcentage des armes à feu utilisées pour commettre des crimes proviennent du Canada.
Par exemple, au cours de la dernière décennie, la moitié des armes à feu utilisées pour commettre des crimes à Toronto étaient d’origine canadienne. Ces armes à feu ont été volées à leurs propriétaires légitimes ou achetées par des gens sans casier judiciaire et ensuite détournées vers le marché noir.
Voilà les raisons qui sous-tendent la présentation du projet de loi C-71. De toute évidence, le projet de loi ne réglera pas tous les problèmes associés à la violence armée. Ses objectifs sont beaucoup plus modestes. Il ne propose pas une réforme générale, mais plutôt des modifications législatives visant à renforcer les lois canadiennes sur les armes à feu.
Le projet de loi ne vise pas à rétablir, directement ou indirectement, le registre des armes d’épaule. Au contraire, l’article 1 du projet de loi a été amendé à l’unanimité à l’autre endroit de manière à préciser que le gouvernement ne peut pas reproduire le registre fédéral des armes d’épaule et qu’il ne le fera pas. Le nouvel article se lit comme suit :
Il est entendu que la présente loi ne permet ni n’exige l’enregistrement des armes à feu sans restriction.
Rien ne saurait être plus clair.
Permettez-moi de parler brièvement des six principales initiatives prévues dans le projet de loi.
Premièrement, examinons la vérification des antécédents. À l’heure actuelle, lorsque les autorités délivrant les permis évaluent si une personne est admissible à un permis d’arme à feu, elles sont seulement obligées de tenir compte de certains facteurs survenus au cours des cinq années précédant la demande. Aux termes du projet de loi, les autorités devront tenir compte de nouveaux critères précis portant sur toute la vie du demandeur, plutôt que sur les cinq dernières années seulement.
Les autorités délivrant les permis devront déterminer si le demandeur a fait preuve de comportement menaçant, s’il a fait l’objet d’une ordonnance de non-communication et s’il présente un risque pour la sécurité d’autrui.
Elles seront tenues de vérifier si le demandeur a fait l’objet d’une ordonnance lui interdisant de posséder une arme à feu rendue relativement à une infraction commise avec usage, tentative ou menace de violence contre son partenaire intime ou un ancien partenaire intime.
Certaines personnes craignent que, comme la limite de cinq ans applicable à la vérification des antécédents sera éliminée, on pourrait interdire à un demandeur d’obtenir un permis d’arme à feu parce que, par exemple, il a souffert d’une dépression 20 ou 30 ans plus tôt. Cette crainte n’est pas fondée. Le projet de loi indique clairement que les infractions et les problèmes de santé mentale pris en compte lors de la vérification des antécédents doivent être accompagnés de violence.
Deuxièmement, il y a l’achat d’armes à feu sans restriction. À l’heure actuelle, quand une personne souhaite acheter une arme à feu à autorisation restreinte, comme une arme de poing ou un fusil semi-automatique, elle doit prouver qu’elle détient un permis valide. Or, depuis 2012, cette exigence ne s’applique plus aux fusils de chasse sans restriction. Le vendeur peut vérifier que l’acheteur détient bien un permis de possession et d’acquisition, mais légalement, rien ne l’oblige à le faire.
Le projet de loi C-71 reviendrait en arrière et exigerait que tous ceux qui souhaitent acheter une arme à feu sans restriction aient un permis valide. Comment peut-on s’opposer à un changement aussi sensé?
Pour vérifier la validité d’un permis, le vendre devra appeler le directeur de l’enregistrement des armes à feu ou se rendre sur son site web. Pour confirmer que la vérification a été faite, un numéro de référence lui sera communiqué. Le tout ne prendra que quelques minutes.
Les opposants au projet de loi crient au retour du registre des armes d’épaule. C’est faux.
Le gouvernement ne recueillera aucun renseignement sur l’arme achetée. L’acheteur n’aura pas à l’enregistrer ni à se procurer le moindre certificat d’enregistrement. Alors, si les armes d’épaule ne sont pas enregistrées et si les propriétaires n’ont pas besoin de se procurer une preuve d’enregistrement, il ne peut pas y avoir de registre, n’est-ce pas? C’est aussi simple que cela.
Troisièmement, parlons des registres et fichiers des détaillants. Le projet de loi C-71 uniformisera les pratiques des détaillants d’armes à feu en exigeant qu’ils fassent tous ce que les plus responsables d’entre eux faisaient déjà, c’est-à-dire consigner par écrit les ventes d’armes à feu sans restriction. En en faisant une exigence, on fait en sorte que cette pratique devienne la norme dans l’industrie, et les forces de l’ordre pourront mieux retracer les armes à feu utilisées par les criminels.
Là aussi, les opposants au projet de loi affirment qu’il s’agit d’un registre déguisé, mais là aussi, ils ont tout faux. Je répète que les propriétaires d’armes d’épaule ne seront pas tenus de se procurer un certificat d’enregistrement. Les policiers auront besoin d’un mandat délivré par un juge dans le cadre d’une enquête criminelle en bonne et due forme pour consulter les livres des détaillants. Le gouvernement n’y aura jamais accès.
Peu importe sous quel angle on le regarde, il ne s’agit pas d’un registre des armes d’épaule.
[Français]
Quatrièmement, il y a la classification des armes. Le projet de loi C-71 redonne à la GRC le dernier mot sur la classification des armes à feu à l’intérieur des catégories définies par le Code criminel. Il y en a trois : les armes prohibées, les armes à autorisation restreinte et les armes non restreintes. Autrement dit, le projet de loi dépolitise la classification des armes à feu.
Les opposants au projet de loi disent que cette disposition est antidémocratique et que cette tâche devrait revenir aux élus, aux députés. Cette thèse ne tient pas. Ceux qui ont visité le laboratoire du Programme canadien des armes à feu, ici à Ottawa, savent à quel point le travail qui s’y fait est de nature extrêmement technique. Déterminer la provenance exacte d’une arme ou si telle arme semi-automatique peut ou non être transformée en arme automatique n’est pas la tâche des ministres ou des députés, mais celle de spécialistes en la matière.
Cinquièmement, il y a les carabines Swiss Arms et CZ858. Il y avait une raison pour laquelle le gouvernement conservateur s’était donné le pouvoir d’ignorer la définition d’armes à feu prohibées dans le Code criminel : essentiellement, il voulait annuler les décisions de la Gendarmerie royale du Canada de bannir deux familles populaires de carabines semi-automatiques, les CZ858 et les Swiss Arms. La reclassification de ces carabines à titre d’armes prohibées avait soulevé la colère de plusieurs dans le milieu du tir sportif, et c’est à cette colère que le gouvernement précédent a voulu répondre.
Le projet de loi C-71 confirme la décision des experts de la Gendarmerie royale du Canada de classer comme prohibées les carabines semi-automatiques CZ858 et Swiss Arms. Contrairement à ce qu’on en a dit, cette décision n’avait rien d’arbitraire. Au contraire, elle avait été très soigneusement soupesée. La GRC a clairement démontré que ces deux modèles de carabines sont, en réalité, des dérivés d’armes automatiques. Parce qu’ils peuvent être facilement convertis à leur fonctionnement automatique d’origine, les dérivés d’armes automatiques sont prohibés au Canada. C’est indiqué dans le Code criminel et cela tombe sous le sens.
En vertu du projet de loi C-71, les propriétaires actuels de ces armes pourront continuer à les posséder et à les utiliser. Donc, lorsqu’on parle d’ « expropriation » ou de « confiscation », comme plusieurs le font ces jours-ci, on se trompe complètement.
[Traduction]
Sixièmement, il y a l’autorisation de transport. L’escouade contre les armes à feu illégales de la Colombie-Britannique a déclaré ce qui suit :
La présence d’armes à feu dans les véhicules, possiblement en vue d’une utilisation offensive ou défensive dans des conflits entre bandes rivales, constitue un danger pour la sécurité publique.
Le projet de loi C-71 propose un changement mineur mais important concernant l’autorisation de transport d’armes à feu prohibées et à autorisation restreinte. Comme vous le savez, aucune autorisation n’est nécessaire pour transporter des armes à feu sans restriction, et cela reste inchangé. Dans le même ordre d’idées, des autorisations automatiques continueront d’être délivrées en même temps que le permis de possession pour le transport d’une arme prohibée ou à autorisation restreinte entre le domicile du propriétaire et un champ de tir dans la province de celui-ci. Cette autorisation s’applique à 90 p. 100 des besoins de transport.
Voici un changement par rapport à la loi actuelle : le projet de loi prévoit qu’une autorisation précise soit exigée pour le transport d’armes à feu prohibées ou à autorisation restreinte ailleurs qu’à un champ de tir, chez un armurier, à une exposition d’armes à feu ou à un poste frontalier, par exemple. Cette autorisation constituera un important outil à la disposition des policiers. Elle les aidera à établir si une personne qui transporte dans son véhicule une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte est un utilisateur légitime ou non.
Pour la vaste majorité des propriétaires d’armes à feu, qui n’apportent leur arme qu’au club de tir, cette mesure ne changera rien. Pour les quelques centaines d’autres qui seront touchés, sur un total de plusieurs centaines de milliers de propriétaires d’armes à feu, il suffira de faire un court appel téléphonique ou d’aller sur le site web du programme des armes à feu. C’est tout.
Honorables sénateurs, tout compte fait, le projet de loi C-71 propose une réforme qui, à mon avis, est sensée, pratique et équitable.
(1500)
Permettez-moi de vous rappeler que ces mesures étaient clairement prévues dans la plateforme électorale du Parti libéral. Les amendements adoptés à l’autre endroit ont été proposés par tous les partis. De plus, le projet de loi a reçu un accueil largement favorable de la part des intervenants clés. Par exemple, l’Association canadienne des chefs de police s’est dite encouragée par l’orientation prise afin que le pays se dote de dispositions législatives judicieuses sur les armes à feu et que les outils dont dispose la police pour garantir la sécurité publique soient améliorés.
Des vies sont en jeu, alors le débat que nous tiendrons sur ce projet de loi est crucial. En outre, comme beaucoup de Canadiens pensent que ce projet de loi va à l’encontre de leurs droits, le sujet débattu peut être qualifié de très sensible.
Au-delà des sentiments et des facteurs politiques associés à cet enjeu, il est important que nous écoutions ce que tous les intéressés ont à dire au sujet du projet de loi. Nous devons essayer de les rassurer tout en ne perdant pas de vue les objectifs essentiels du projet de loi C-71.
[Français]
C’est ainsi que je vois mon rôle de parrain du projet de loi : fournir de l’information crédible sur le contexte et le contenu du projet de loi, et engager un dialogue ouvert et franc avec toutes les parties concernées, à l’extérieur et à l’intérieur de cette Chambre.
Jeudi prochain, le gouvernement tiendra son habituelle séance d’information sur le projet de loi. Après la pause de l’Action de grâce, mon bureau organisera des séances d’information sur la violence par armes à feu, le contrôle des armes à feu et les principaux aspects du projet de loi. Mon personnel sera disponible en tout temps pour vous aider dans vos propres recherches, si besoin est, bien sûr, et je serai toujours ici pour écouter vos inquiétudes, apprendre de vos expériences et accueillir vos suggestions.
[Traduction]
Cela dit, je tiens à dissiper toute ambiguïté : je ne ménagerai aucun effort pour que ce projet de loi soit adopté, parce qu’il prévoit des améliorations concrètes et judicieuses qui accordent la priorité à la sécurité publique, tout en permettant que la loi soit appliquée équitablement et sans préjudice pour les propriétaires d’arme à feu responsables.
Surtout, je suis convaincu que des vies seront sauvées grâce aux nouvelles dispositions, qui font partie de la stratégie globale du gouvernement pour combattre la violence liée aux armes à feu.
[Français]
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Pratte : Bien sûr.
Le sénateur Boisvenu : D’abord, merci beaucoup pour votre discours qui était très clair. Le projet de loi C-71 doit prévenir la commission de crimes horribles, notamment des meurtres. La loi actuelle permet aux autorités de valider ou de faire des vérifications sur les antécédents criminels et de santé mentale d’un individu au cours des cinq années précédentes. On ne peut remonter plus loin que cela.
On a connu au Québec des événements très malheureux; je pense, entre autres, en 2008, au cas de l’agente Gignac, à Laval, qui a été assassinée par un homme à qui on venait de remettre une arme à feu et qui souffrait de problèmes de santé. Le juge lui avait remis son arme à feu pour qu’il puisse aller à la chasse et, ce week-end-là, il a abattu l’agente Gignac d’un coup de feu.
Au lac Saint-Jean, on a vécu un drame similaire, où une mère de famille a été assassinée par son conjoint. Elle avait signalé plus tôt les problèmes de santé mentale de celui-ci, mais les policiers n’avaient pas eu le temps d’aller saisir l’arme à feu.
Le projet de loi permettra de suivre les antécédents du demandeur pour l’ensemble de sa vie passée. Ma question est assez simple : on sait à quel point les policiers sont débordés à cause de toutes les recherches qu’ils doivent faire relativement à toutes sortes de crimes — prédateurs sexuels, et cetera. Ayant cela à l’esprit, avez-vous mesuré les besoins en ressources des grands corps policiers comme la Sûreté du Québec, la GRC et d’autres pour mener ces recherches? Les a-t-on consultés afin de savoir s’ils disposaient des ressources pour faire ces validations?
Le sénateur Pratte : Merci de votre question, sénateur. Je dois dire que, selon les informations que j’ai, et malgré le fait que la loi ne permette de remonter qu’à cinq ans, à la suite du jugement d’un tribunal, dans les faits, les contrôleurs d’armes à feu remontent déjà parfois à plus de cinq ans.
Par ailleurs, mes consultations avec la Gendarmerie royale du Canada et la Sûreté du Québec, entre autres, m’indiquent qu’ils assurent avoir les ressources nécessaires pour faire toutes les vérifications demandées par le projet de loi C-71.
L’honorable Raymonde Gagné : Mon collègue accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Pratte : Bien sûr.
La sénatrice Gagné : Les incidents que vous nous avez décrits au début de votre discours avaient une chose supplémentaire en commun, soit le fait que la grande majorité de ces incidents ont eu lieu dans une région rurale. Que pensez-vous de l’affirmation faite par certains selon laquelle la violence liée aux armes à feu est un problème urbain plutôt qu’un problème rural? Je suis consciente du fait que certains disent que le projet de loi touchera de façon disproportionnée les propriétaires d’armes à feu qui habitent en milieu rural. J’aimerais connaître votre opinion sur ce point.
Le sénateur Pratte : Merci de votre question, sénatrice. Je voudrais dire deux choses. D’une part, pour ce qui est de l’impact plus grand sur les gens des régions rurales ou urbaines, je pense qu’il est important de rappeler en premier lieu que, dans les faits, le projet de loi C-71 touchera très peu les propriétaires respectueux des lois sur les armes à feu. Quand on laisse la poussière retomber, on se rend compte que la grande majorité des propriétaires légaux d’arme à feu ne verront aucune incidence pour eux qui découleront des mesures prévues dans le projet de loi.
Maintenant, quant aux différences de criminalité entre les régions rurales et urbaines, les statistiques de Statistique Canada montrent clairement que les crimes par armes à feu sont aussi présents dans les régions rurales que dans les régions urbaines. Une des différences — il y en a plusieurs —, c’est le type d’arme à feu utilisé. Dans les grandes villes, la plupart des homicides sont commis avec des armes de poing — on en a beaucoup entendu parler à Toronto, notamment. Dans les régions rurales, les armes de prédilection, si on peut dire, pour la commission d’homicides, sont surtout des fusils et des carabines de chasse.
En ce qui a trait à la gravité du problème, les statistiques montrent de façon constante, depuis plusieurs années, que les régions rurales, les régions éloignées et le Nord sont aussi susceptibles, sinon plus, dans certains cas, de connaître des taux élevés de criminalité par armes à feu que les grandes villes.
L’honorable Jean-Guy Dagenais : Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Pratte : Bien sûr.
Le sénateur Dagenais : On sait que, lorsqu’on réforme une loi, il y a toujours des coûts. Lorsque le premier registre des armes à feu a été mis en place par le gouvernement libéral, le tout s’est avéré très coûteux; on parle d’une somme d’environ 2,5 milliards de dollars. Est-ce que vous avez évalué le coût de la réforme que propose le projet de loi C-71?
Le sénateur Pratte : Je sais que, dans le débat sur ce projet de loi, nous entendrons très souvent les expressions « registre » et « 2 milliards de dollars », parce que c’est un parallèle qui est très rentable à faire, j’imagine, d’un point de vue politique. Je répète encore une fois que ceci n’a rien à voir avec le registre des armes à feu, et que le programme des armes à feu et les contrôleurs d’armes à feu nous assurent avoir les ressources nécessaires pour appliquer le projet de loi C-71 dans les limites des ressources qu’ils ont à leur disposition en ce moment.
[Traduction]
L’honorable Tony Dean : Monsieur le sénateur, accepteriez-vous de répondre à une question? Premièrement, monsieur le sénateur Pratte, je vous remercie d’avoir planté le décor de manière très utile. Il était important de le faire à l’heure où nous entreprenons, dans cette enceinte, une série de discussions cruciales. Je voudrais aborder la question du registre des armes à feu parce que, malgré les précisions données à répétition et malgré un amendement apporté à la Chambre des communes, je continue d’entendre des gens affirmer que ce projet de loi permet, d’une manière ou d’une autre, la création d’un registre des armes à feu déguisé, un retour à l’utilisation d’un registre pour les armes à feu sans restrictions. Auriez-vous l’obligeance d’éclairer davantage nos lanternes à ce sujet?
Le sénateur Pratte : Merci de votre question, sénateur Dean.
Qu’est-ce qu’un registre des armes à feu? En quoi consistait l’ancien registre des armes à feu? Il s’agissait d’une base de données centrale sur les armes à feu. C’est tout.
Ce que nous tentons de faire valoir aujourd’hui, c’est que le projet de loi ne prévoit pas de base de données centrale. Le gouvernement ne recueille pas de renseignements au sujet des armes à feu sans restriction, il n’aura donc pas accès à ces informations. En ce qui concerne les registres qui seront tenus par les détaillants, qui, d’ailleurs, tiennent déjà de tels registres, le gouvernement n’y aura pas accès. Seuls les enquêteurs de police qui auront obtenu un mandat dans le cadre d’une enquête criminelle précise pourront y accéder.
Maintenant, pour ce qui est de l’amendement, j’aimerais le relire au cas où il aurait été mal compris. Il est entendu que :
[...] la présente loi ne permet ni n’exige l’enregistrement des armes à feu sans restriction.
(1510)
Il est important de noter que cet amendement a été placé dans la section « Interprétation de la loi » et, selon mes amis avocats — j’ai beaucoup d’amis avocats, je ne sais pas pourquoi. Je ne sais pas si je devrais le reconnaître ou pas. Probablement pas. Quoi qu’il en soit, selon mes amis avocats, le fait qu’il se trouve dans la section « Interprétation de la loi » signifie, en premier lieu, qu’il s’applique à la loi dans son entier, et, en second lieu, que les tribunaux vont clairement en déduire que le Parlement n’a pas l’intention d’avoir un registre des armes d’épaule.
L’honorable Art Eggleton : Peut-être en avez-vous déjà un peu parlé, mais la Ville de Toronto, la Ville de Montréal et les maires d’autres villes ont réclamé l’interdiction des armes de poing. Pensez-vous que ce projet de loi devrait être amendé pour interdire les armes de poing?
Le sénateur Pratte : Je vous remercie de votre question. Comme vous le savez, le gouvernement a chargé le nouveau ministre, Bill Blair, de réfléchir à la possibilité d’interdire les armes de poing et d’assaut. Je crois que le gouvernement entend consulter les Canadiens à ce sujet, ce qui devrait être source de controverses et une modification majeure de notre régime de contrôle des armes à feu. Selon moi, c’est comme cela qu’il faut procéder, c’est-à-dire consulter les Canadiens, les intervenants, les policiers et ainsi de suite.
Tout le monde n’est pas d’accord. Même si les sondages montrent que la majorité des Canadiens sont d’accord pour interdire les armes de poing, un grand nombre d’entre eux, même dans les forces de police, pensent que cela ne serait pas une bonne solution.
Le projet de loi C-71 représente un changement significatif mais modeste dans notre régime de contrôle des armes à feu. Interdire les armes à feu ou même les armes d’assaut, c’est une autre idée à laquelle le gouvernement réfléchit, et le gouvernement prendra son temps avant de prendre une décision, après avoir consulté les Canadiens.
L’honorable Mary Coyle : Puis-je poser une question à l’honorable sénateur? Je me suis rendue cet été dans la nation mi’kmaq Paqtnkek, qui est installée tout prêt de la ville où je vis en Nouvelle-Écosse. L’un de mes amis qui y vit, l’ancien chef Kerry Prosper, est vraiment inquiet pour la population de cette communauté et pour lui-même, qui s’adonne à la chasse et à la cueillette de fruits sauvages dans la région. Je n’ai pas su quoi lui répondre et, d’ailleurs, il ne m’a pas parlé en détail de ses inquiétudes.
Pourriez-vous nous dire ce qui a été fait pour consulter la population autochtone du Canada, quelles sortes de questions vous pose-t-on, à vous et aux autres, et que devrais-je répondre à Kerry Prosper?
Le sénateur Pratte : Merci de votre question. À ce que je sache, on a consulté l’Assemblée des Premières Nations et l’Association des chefs de police des Premières Nations.
Les inquiétudes exprimées par votre ami sont celles de bien des gens dans les communautés autochtones. L’Assemblée des Premières Nations, notamment, a témoigné au comité à l’autre endroit et a parlé de ces préoccupations. Les gens ont de graves inquiétudes et craignent que le projet de loi n’empiète sur leurs droits de chasse protégés par la Constitution.
Il s’agit là d’une inquiétude profonde que le gouvernement et moi prenons très au sérieux. J’en parlerai d’ailleurs avec l’Assemblée des Premières Nations, d’autres représentants des communautés autochtones et les communautés autochtones de cette Chambre. Nous avons déjà commencé à collaborer pour voir comment nous pouvons atténuer ces inquiétudes ou en tenir compte, d’une manière ou d’une autre.
[Français]
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui afin d’appuyer l’objectif et les grandes lignes du projet de loi C-71 sur les armes à feu. Ce projet de loi va dans la bonne direction.
Comme beaucoup de femmes et beaucoup de Québécois, j’ai été profondément déçue lorsque le gouvernement fédéral précédent a affaibli les lois sur le contrôle des armes à feu. Soyons clairs : au Canada, posséder une arme à feu n’est pas un droit, c’est un privilège. Plus il y a d’armes en circulation dans une société, plus il y a d’accidents et de crimes commis avec des armes, et cela inclut des blessures et des meurtres dans des cas de violence familiale, de violence conjugale et de suicide.
Comme j’ai travaillé ces dernières années sur les enjeux liés à la violence faite aux femmes, je constate qu’il y a des liens essentiels à faire. La présence d’une arme à feu dans un domicile est l’un des principaux facteurs, sinon le principal facteur de risque pour prédire la mortalité dans chaque cas de violence conjugale.
Il est important de noter que, entre 1989 et 2005, le nombre de femmes tuées par arme à feu a diminué de 74 à 32 à travers le pays. Le fait notable, c’est qu’il y a corrélation entre cette forte baisse et l’entrée en vigueur de lois plus sévères sur les armes à feu en 1991 et en 1995. Bien que plusieurs facteurs aient dû jouer dans cette décroissance, il est intéressant de constater que les meurtres commis avec une arme à feu ont connu une chute plus dramatique que les crimes commis avec des couteaux, par exemple.
La gravité du phénomène varie d’une province à l’autre. Au Québec, 3 p. 100 des cas de violence conjugale impliquent des armes. Cette proportion augmente à 13 p. 100 au Manitoba, selon une étude réalisée en 2009. Beaucoup savent que cette forme de violence est un phénomène de genre : ce sont les hommes, et non les femmes, qui, majoritairement, possèdent des armes à feu.
Statistique Canada a calculé que, en 2016, près de 600 femmes canadiennes, comparativement à 100 hommes, ont été victimes de violence conjugale ou de violence entre partenaires intimes commise avec une arme à feu. En Ontario, de 2002 à 2015, le quart des cas de meurtres conjugaux ont été commis avec des armes à feu. Ces crimes touchent les femmes de façon disproportionnée. En outre, au Québec, le tiers des victimes de meurtres conjugaux sont des femmes.
De plus, sur ce grave enjeu, il est trop facile d’opposer le monde rural à l’élite urbaine, comme certains le font. Il n’y a pas que des chasseurs ou des amateurs d’armes à feu qui obéissent aux lois qui vivent à la campagne. N’oublions pas leurs conjointes et leur famille. En fait, les carabines et les fusils de chasse sont les armes qui sont le plus souvent récupérées sur des lieux de crime. Ce sont les plus utilisées dans les cas de violence conjugale, de suicide et de meurtre d’agents de police, particulièrement en région rurale.
Il est également trop facile de limiter cette violence armée aux gangs de rue en ville. En fait, dans les zones rurales, parce qu’elles sont plus isolées, les femmes sont plus à risque.
Voici quelques exemples révoltants, y compris un meurtre, survenu au printemps dernier à Calgary. Nadia El-Dib, une jeune femme de 22 ans qui avait toute la vie devant elle, a été sauvagement assassinée par 40 coups de couteau et 2 coups de feu qui l’ont achevée. Son ex-copain avait acheté légalement une carabine semi-automatique deux semaines auparavant. Selon la sœur de la victime, le jeune homme croyait qu’il avait le droit de tuer son ex-amie de cœur, car elle voulait reprendre le contrôle de sa vie, et elle avait choisi de dire non à un homme qui voulait s’imposer. Ce drame montre bien les mécanismes à l’œuvre dans ce type de violence : pouvoir et usage de la violence pour contrôler le corps des femmes, quitte à les tuer.
En 2016, une Ontarienne de 26 ans a été tuée par balle par son ancien petit ami. L’agresseur avait obtenu un permis de possession et d’acquisition d’arme à feu en dépit de ses antécédents criminels et de ses problèmes de santé mentale.
Durant l’été 2015, dans le comté de Renfrew, en pleine campagne ontarienne, un homme a tué trois de ses anciennes conjointes avec une carabine à canon scié. Il avait un lourd passé de violence conjugale.
En 2015 également, au Manitoba, un autre exemple a fait beaucoup de bruit : Kevin Runke, qui a assassiné son ex-femme, Camille, par balle, à son lieu de travail. L’homme faisait pourtant l’objet d’une ordonnance de protection. Son ex-femme avait affirmé aux autorités qu’il avait une arme et qu’elle vivait dans la peur.
Plusieurs éléments du projet de loi C-71 me satisfont particulièrement, mais je tiens à soumettre à cette Chambre quelques pistes de réflexion en vue de l’étude en comité.
Dans la liste des critères suivis par les agents qui délivrent des permis de port d’arme, on devrait peut-être parler de prévention afin d’encourager des vérifications plus exhaustives. Le fait de refuser un permis d’achat d’arme ne doit pas être perçu comme étant une punition, mais plutôt comme une façon de prévenir les crimes. La tâche des agents qui délivrent ces permis est particulièrement difficile. Ils ont donc besoin d’indications claires dans la loi et les règlements pour bien faire leur travail. Doit-on, par exemple, se contenter de déclarations écrites de la part de répondants ou tenter de les joindre de vive voix pour confirmer qu’ils ou elles n’ont aucune crainte à ce que leur ami ou conjoint obtienne un permis d’arme à feu?
(1520)
Voici une autre piste de réflexion. Les services policiers devraient-ils avoir davantage de marge de manœuvre afin de consulter rapidement les registres des vendeurs commerciaux ou individuels d’armes à feu sans obtenir de mandat au préalable? C’est ce qui est prévu dans le projet de loi C-71. Souvent, le temps compte dans les enquêtes. Dans les cas de violence conjugale, savoir combien il y a de fusils dans un domicile est crucial.
Le travail en comité, j’en suis certaine, nous permettra de réfléchir à ces questions, mais il est clair pour moi que le projet de loi C-71 est nécessaire et bienvenu. Le contrôle des armes à feu n’est, bien sûr, qu’un élément des stratégies de prévention qui peuvent réduire la violence conjugale et familiale. C’est bien connu, les lois ne suffisent pas, mais elles sont essentielles, car l’objectif de réduire cette inégalité entre les femmes et les hommes qui engendre la violence nécessite des changements profonds de mentalités, donc du temps, beaucoup de temps. Il s’agit ici de sauver des vies, car chaque vie compte, et d’éviter que des milliers de femmes vivent dans la peur parce qu’il y a des armes dans leur domicile. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion du sénateur Wells, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Projet de loi no 1 d’exécution du budget de 2018
Premier rapport du Comité spécial sur l’Arctique sur la teneur du projet de loi—Suppression du Feuilleton
À l’appel des affaires du gouvernement, rapports de comités, autres, article no 13, par l’honorable Dennis Glen Patterson :
Étude du premier rapport du Comité spécial sur l’Arctique (Teneur du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures), déposé au Sénat le 30 mai 2018.
L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-7k) du Règlement, je propose que l’article no 13, sous la rubrique Rapports de comités, autres, concernant la teneur du projet de loi C-74 qui a été adopté en juin, soit supprimé du Feuilleton.
Son Honneur le Président : L’honorable sénateur Patterson, avec l’appui de l’honorable sénatrice Stewart Olsen, propose que l’article no 13... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(L’article est annulé.)
Dix-septième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense—Suppression du Feuilleton
À l’appel des affaires du gouvernement, rapports de comités, autres, article no 15, par l’honorable Gwen Boniface :
Étude du dix-septième rapport (intérimaire) du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (Teneur du projet de loi C-74, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 février 2018 et mettant en œuvre d’autres mesures), déposé au Sénat le 31 mai 2018.
L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, conformément à l’article 5-7k) du Règlement, je propose que l’article no 15, sous la rubrique Rapports de comités, autres, concernant la teneur du projet de loi C-74 qui a été adopté en juin, soit supprimé du Feuilleton.
Son Honneur le Président : L’honorable sénatrice Boniface, avec l’appui de l’honorable sénatrice Wallin, propose que l’article no 15... Puis-je me dispenser de lire la motion?
Des voix : Oui.
Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Des voix : Le vote!
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(L’article est annulé.)
Discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Jaffer, appuyée par l’honorable sénatrice Cordy,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Son Excellence le Gouverneur général du Canada :
À Son Excellence le très honorable David Johnston, Chancelier et Compagnon principal de l’Ordre du Canada, Chancelier et Commandeur de l’Ordre du mérite militaire, Chancelier et Commandeur de l’Ordre du mérite des corps policiers, Gouverneur général et Commandant en chef du Canada.
QU’IL PLAISE À VOTRE EXCELLENCE :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Sa Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Excellence d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours qu’elle a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Yvonne Boyer : Honorables sénateurs, je prends la parole pour mon premier discours au Sénat.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Boyer : C’est pour moi un honneur de prendre la parole en cette enceinte et c’est avec une grande humilité que je le fais pour aborder une question qui me tient vraiment à cœur. J’invite tous les sénateurs à porter attention à cette question liée à la santé des peuples autochtones et, plus particulièrement, à celle des femmes autochtones.
Je voudrais d’abord signaler que nous sommes ici sur des terres algonquines non cédées, et je remercie le peuple algonquin de son hospitalité.
J’ai appris ma nomination au Sénat le 8 mars, soit la Journée internationale des femmes. Quelques jours plus tard, lorsque ma nomination était sur le point d’être annoncée dans les médias, j’ai regardé avec empressement le fil des nouvelles en ligne. La première chose que j’y ai vue, c’était une nouvelle concernant Leah Jade Lavallee Matthews, une jeune Autochtone portée disparue à Bonnyville, en Alberta. J’ai retenu mon souffle, car j’avais suivi cette affaire dans l’espoir qu’on la retrouve. Malheureusement, elle n’avait pas été retrouvée saine et sauve; c’était sa dépouille qu’on avait retrouvée.
Leah avait 18 ans; elle était une belle jeune femme autochtone dynamique, mais, le jour où ma nomination au Sénat était annoncée, cette jeune femme s’ajoutait aux statistiques. Elle était une fille, une petite-fille, une sœur, une tante et une cousine que tous aimaient. Mon cœur a cessé de battre, j’ai eu la nausée et ma gorge s’est nouée. J’ai eu les larmes aux yeux. Quand cela cessera-t-il? Quand la vie des femmes autochtones comptera-t-elle enfin? C’est ainsi qu’a débuté ma vie de sénatrice.
Honorables sénateurs, mon intervention d’aujourd’hui n’aura rien de particulièrement joyeux. Nombre de ces questions ont été abordées au Sénat, et je vous ai écoutés humblement et attentivement parler de sujets qui vous tiennent à cœur et invoquer les principes d’équité, de respect, d’égalité, de santé et de justice pour contribuer à faire du Canada un pays plus juste et plus inclusif. Je m’estime énormément privilégiée de pouvoir me joindre à vous pour participer aux travaux importants que nous réalisons ensemble dans cette enceinte.
Je suis avocate, et j’étais auparavant infirmière. Je suis une Métisse. Je suis mère et grand-mère. Tout au long de ma vie et de mon parcours professionnel, je me suis penchée sur des questions qui touchent à la fois la santé et le droit, en particulier les nombreux problèmes qui touchent la santé des Autochtones.
Avant de parler de cette question plus en détail, je tiens à expliquer d’où je viens et pourquoi j’ai choisi d’œuvrer dans mon domaine de travail. Je suis née dans une famille métisse du Sud de la Saskatchewan. Ma grand-mère, Mary Rosalie LaRocque, et mon grand-père, Louis Amable Boyer, étaient originaires de la vallée de la rivière Rouge, au Manitoba. Il est important pour nous de présenter notre famille et de dire d’où nous venons, car c’est une façon de souligner nos liens de parenté et ce qui nous relie les uns aux autres; cela influence également mon point de vue en tant que sénatrice.
Ma grand-mère est née en 1881, et mon père était le benjamin de 13 enfants. Certaines de ses sœurs avaient 20 ans de plus que lui. Il était beaucoup aimé. J’ai habité avec sa sœur, ma tante Lucy. Quand j’étais petite, les histoires que j’entendais avant de m’endormir étaient ses histoires du sanatorium où elle avait passé 10 ans de sa vie. C’était à Fort San, dans la vallée de la rivière Qu’Appelle, en Saskatchewan. Elle avait la tuberculose à une époque où les antibiotiques n’existaient pas encore et où le seul traitement était le repos au lit et l’air frais. Elle est restée couchée sur le dos pendant dix ans, dont cinq qu’elle passés le corps complet dans le plâtre. Elle m’a fait vivre comment étaient les choses pour une toute petite fille métisse ojibway au sanatorium.
Elle essayait de rester positive et, malgré ses épreuves, elle m’a transmis trois leçons de vie importantes. La première est que les soins de santé pour les enfants bruns sont différents de ceux qui sont destinés aux enfants blancs. La deuxième est qu’il existe des gens très méchants qui font du mal aux autres en raison de leur race, surtout lorsqu’aucun membre de la famille n’est à proximité pour surveiller. Ma tante a vu sa famille une fois au cours de ces 10 années. La dernière leçon qu’elle m’a enseignée est qu’il y a des prédateurs dans le système hospitalier.
Ma tante est restée dans ce sanatorium de 1925 à 1935. Elle n’a jamais été capable de porter des enfants, mais je ne sais pas si elle a été stérilisée puisque ses dossiers ont été détruits.
J’avais beaucoup de tantes et d’oncles. Mes tantes et ma grand-mère étaient des guérisseuses et des fournisseuses de soins. Elles prenaient soin les unes des autres, et d’autres encore. On s’attendait à ce que je devienne infirmière, et c’est exactement ce que j’ai fait à la fin de mes études secondaires. Dans le cadre de mes fonctions d’infirmière, j’ai observé les mêmes réalités qui, selon ma tante, existaient déjà dans les années 1920 et 1930 : le racisme, la discrimination, une méchanceté intentionnelle et des agressions sexuelles.
J’ai travaillé dans des petits hôpitaux comptant une cinquantaine de lits. Au fil des ans, je suis devenue de plus en plus contrariée par ce que je voyais. Je parle du racisme institutionnalisé et des commentaires que les racistes formulaient spontanément devant moi parce qu’ils croyaient que j’étais comme eux. Ils me parlaient de mes sœurs, de mes tantes et de mes frères, et ils me disaient que les femmes autochtones devraient être stérilisées pour les empêcher de se reproduire. Ces paroles me hantent encore aujourd’hui.
D’abord, je me suis plainte, puis j’ai décidé que j’avais le choix entre rester les bras croisés ou agir. J’ai donc commencé à suivre des cours du soir à l’université. J’étais une mère seule avec trois enfants et je suis retournée à l’école pour devenir avocate. Je voulais me battre contre les injustices du domaine de la santé. Je croyais vraiment être en mesure de régler certains problèmes si j’avais les bons outils. J’ai eu mon quatrième bébé pendant ma première année de droit. J’ai survécu malgré mon horaire très chargé, car j’étais complètement investie, et je n’avais qu’une seule envie : lutter contre les atrocités dont j’avais été témoin. Il était hors de question que je m’arrête.
C’est ce que j’ai fait : j’ai commencé et je n’ai jamais pu arrêter. J’ai obtenu une maîtrise en droit, puis un doctorat, tout en exerçant le droit en même temps. Mes recherches étaient centrées sur le lien entre la santé des Autochtones et le droit. Dès le début, j’ai exprimé mon opinion au sujet du racisme exercé à l’endroit des Autochtones et des soins de qualité inférieure à la norme offerts à ceux-ci au sein du système de soins de santé.
Je vais sauter par-dessus quelques années et vous parler d’une pratique particulièrement sinistre. Certains seront peut-être surpris d’apprendre que, pas plus tard qu’en 2015, des femmes autochtones ont subi des pressions pour se faire stériliser dans le cadre de soins courants offerts par notre système de soins de santé, comme je l’ai signalé dans un de mes ouvrages.
(1530)
La même année, une journaliste du StarPhoenix de Saskatoon m’a téléphoné. Betty Ann Adam m’a indiqué que deux femmes autochtones avaient communiqué avec elle pour lui raconter qu’elles avaient récemment été stérilisées contre leur gré dans un hôpital de Saskatoon. Elle m’a demandé mon opinion sur l’affaire et je me suis exprimée sans retenue : « Qu’en est-il du consentement et des droits des Autochtones? Que fait-on de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause? Que dire de la négligence, des voies de fait et de la violence physique? »
Les histoires de ces femmes, qui se nomment Brenda Pelletier et Tracy Bannab, ont été publiées. Ces femmes courageuses se sont défendues, même si c’était difficile pour elles. Elles ont dévoilé au grand jour ce qui leur est arrivé. Peu après elles, une autre femme s’est manifestée, puis une autre et encore une autre.
On m’a demandé d’accorder quelques entrevues aux médias. J’ai répété ce que j’avais dit : les femmes autochtones ne reçoivent pas un traitement juste et équitable. Les histoires de Brenda Pelletier et Tracy Bannab trahissent une attitude dans le système de soins de santé, qui influe sur l’ensemble des politiques gouvernementales visant les peuples autochtones. Leurs histoires sont des exemples de la théorie du gardien et de la pupille : les acteurs du système de soins de santé présument qu’ils savent ce qui convient le mieux pour les peuples autochtones parce qu’ils ne pensent pas que les Autochtones sont en mesure de prendre de telles décisions. Ces notions ont été mises de l’avant par la colonisation et ont été intégrées dans le droit canadien dans les années 1800. Elles continuent aujourd’hui de sous-tendre de nombreuses politiques canadiennes à l’endroit des peuples autochtones en matière de santé.
Dans le cas de Brenda, elle se trouvait sur la table d’opération lorsqu’elle a affirmé clairement qu’elle ne voulait pas subir l’intervention. Le médecin, debout à côté d’elle, a demandé à l’infirmière si Brenda avait signé le formulaire de consentement, ce qu’elle avait fait. Il a procédé à la stérilisation même après que Brenda a retiré son consentement sur la table d’opération.
On peut facilement faire valoir que, dans ces circonstances, le médecin n’a pas respecté les normes des Nations Unies exigeant l’obtention d’un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Effectivement, elle n’a pas donné son consentement librement, mais plutôt sous la contrainte. Ce n’était pas en connaissance de cause, étant donné qu’elle croyait que la procédure était réversible. Le consentement n’était pas préalable : l’infirmière a dit que la salle d’opération était prête avant même que Brenda signe le formulaire.
Elle a clairement retiré son consentement quand elle était sur la table d’opération. L’intervention chirurgicale aurait dû s’arrêter là, mais elle s’est poursuivie. En plus de soulever des questions de responsabilité légale, cette situation rappelle le racisme présent dans les soins de santé, la théorie du gardien et du pupille, et le fait que les professionnels de la santé croient savoir ce qui convient le mieux aux femmes autochtones.
J’ai ensuite eu une surprise en octobre 2016, quand des représentants de l’administration de la région sanitaire de Saskatoon ont communiqué avec moi. Ils m’ont demandé si j’étais prête à mener un examen externe de leur région parce qu’ils avaient reçu des plaintes au sujet de la stérilisation forcée. Je leur ai demandé s’ils savaient bien à qui ils parlaient, puisque j’avais abondamment exprimé mes opinions. Ils m’ont dit que les aînés avaient demandé qu’on fasse appel à moi. J’ai donc accepté.
C’est ainsi que nous avons commencé à mettre au jour l’une des pratiques médicales les plus ignobles.
La Dre Judith Bartlett, médecin et chercheuse métisse, a accepté de contribuer au processus d’examen. Notre rapport, publié en juillet 2017, décrit comment des femmes ont été contraintes à subir une ligature des trompes après la naissance d’un enfant, certaines ayant été forcées de signer des formulaires de consentement alors qu’elles étaient sur le point d’accoucher ou sur la table d’opération. La ligature des trompes est une intervention chirurgicale qui stérilise une femme; elle consiste à couper les trompes de Fallope et à en brûler les extrémités ou à les lier. Bon nombre de celles qui ont subi cette intervention la croyaient réversible alors qu’elle est, en fait, considérée permanente.
Notre étude a eu recours à un processus de recherche mené par la communauté, ce qui correspond au protocole culturel approprié des Autochtones qui détenaient le territoire sur lequel nous nous trouvions. La Dre Bartlett et moi avons agi en tant que facilitatrices au cours du processus. L’examen était limité à l’administration de la région sanitaire de Saskatoon et à sa circonscription hospitalière, ce qui correspond à une population urbaine et rurale d’environ 350 000 personnes.
Notre étude était aussi limitée aux femmes qui se sont fait stériliser immédiatement après avoir accouché. Nous avons publié des annonces en cri et en anglais. Seize femmes ont appelé la ligne sans frais, et nous avons interrogé six femmes gravement traumatisées. Sept autres femmes avaient pris un rendez-vous, mais, pour diverses raisons, elles n’ont pas pu se présenter. Nous avons interrogé huit personnes de l’administration de la région sanitaire de Saskatoon, notamment deux médecins et deux autres travailleurs sociaux.
Le nombre relativement faible de femmes interrogées n’était que la pointe de l’iceberg, car je crois qu’il y en avait beaucoup plus qui ne pouvaient ou ne voulaient pas se manifester pour raconter leur histoire d’horreur.
Près de la moitié des femmes qui ont communiqué avec nous étaient incapables d’aller au-delà d’un l’appel téléphonique et de participer une entrevue. Certaines ont tenté à plus d’une occasion de se présenter à une entrevue. Il est important de souligner que, pour des raisons et des facteurs liés au colonialisme résiduel qui touche négativement les femmes autochtones, il fallait s’attendre à cette incapacité à se faire interroger. On ne peut que s’imaginer le courage qu’il a fallu pour prendre un rendez-vous, et ces femmes ont probablement vécu encore plus d’angoisse et de culpabilité quand elles n’arrivaient pas à s’y présenter.
Toutes les femmes interrogées disent avoir subi des pressions psychologiques pour se faire stériliser. Elles ont été harcelées par des infirmières, des médecins et des travailleurs sociaux. Le personnel s’est employé à leur faire peur et a usé de tactiques d’intimidation. Une femme qui avait eu un enfant atteint de paralysie cérébrale s’est fait dire que les suivants allaient connaître le même sort et qu’elle devait donc se faire stériliser.
Un autre médecin a dit à une femme qui avait donné naissance à six enfants, alors qu’on l’amenait contre son gré à la salle d’opération : « Tu vas être attachée, coupée et brûlée; rien ne va pouvoir passer après. »
Ces femmes étaient impuissantes et le personnel soignant en profitait, disant qu’il valait mieux qu’elles soient stérilisées.
Nous avons aussi entendu des travailleurs de la santé, et leurs histoires étaient tout aussi sinistres s’ils étaient Autochtones. Par exemple, un participant s’est fait dire par un collègue : « Je vous hais plus que n’importe quelle autre race sur la planète. »
Puis, il y a l’histoire de Morningstar Mercredi, une conteuse très connue et respectée des Premières Nations qui, à six mois de grossesse, est allée à l’hôpital dans la région sanitaire de Saskatoon parce qu’elle perdait du sang. Elle s’est réveillée stérilisée. Le bébé et une partie de son système reproducteur avaient été retirés. Elle n’avait pas consenti à subir un avortement au deuxième trimestre ni l’opération qui a suivi. Elle a subi des dommages irréversibles à 20 ans et a compris qu’elle n’aurait jamais plus d’enfant.
En octobre 2017, deux des femmes touchées ont intenté un recours collectif contre l’administration de la région sanitaire de Saskatoon, et chacune demande 7 millions de dollars en dommages-intérêts. Depuis, près de 60 femmes se sont jointes au recours collectif.
La demande d’autorisation du recours collectif a été présentée à la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan à Saskatoon, et une audience a eu lieu le 8 juin. Les défenderesses attendent une décision concernant leurs demandes préliminaires.
Le rapport d’examen externe montre clairement les atrocités et le traitement inhumain dont sont victimes les Autochtones dans le système de soins de santé. Lorsque le rapport a fait les nouvelles partout au Canada, de nombreuses Autochtones de l’extérieur de la Saskatchewan sont venues décrire, en détail, les horreurs qu’elles avaient aussi connues dans le système de santé. Elles réclament de l’aide. Depuis la publication du rapport, j’ai reçu et je continue de recevoir des courriels, des appels et des supplications de femmes provenant des quatre coins du pays qui ont enduré des atrocités aux mains du système de santé.
Une Anishinaabe de l’Ontario m’a écrit pour affirmer, douloureusement, avoir été contrainte à se faire avorter et ligaturer les trompes à l’âge de 18 ans. Ces procédures ont été accomplies contre son gré. Elle a indiqué que la Société d’aide à l’enfance soutenait qu’elle lui enlèverait le bébé « d’une manière ou d’une autre ». Elle a dit ceci:
Je n’avais personne vers qui me tourner pour obtenir de l’aide. La Société d’aide à l’enfance est devenue la voix de mon enfant à naître. Cette voix m’a dit en des termes on ne peut plus clairs de me faire avorter, car on allait d’une façon ou d’une autre me prendre mon bébé. J’ai été forcée et contrainte par la Société d’aide à l’enfance. Le médecin qui s’occupait de moi a appuyé la recommandation de la Société d’aide à l’enfance de me faire AVORTER et STÉRILISER. Je n’ai pas compris tout ce qui se passait, car tout mon être était dans un état de confusion totale. J’avais l’impression que ce qui se passait n’était pas correct. Or, comment pouvais-je me battre contre ces gens qui avaient déjà décidé que ma vie était sans intérêt et, en plus, que la vie de l’enfant que j’attendais était sans intérêt? À tel point qu’ils m’ont contrainte et ont aussi jugé que mon droit de porter la vie était sans intérêt. Ils m’ont rabaissée et, qui plus est, ils m’ont enlevé toute possibilité de jamais me prévaloir de mon droit fondamental de porter la vie à nouveau. Ce système s’est fait mon juge, jury et bourreau. Pire encore, il s’est fait ceux de l’enfant que je portais.
Que peut-on faire pour endiguer le flot de stérilisations forcées et autres formes de mauvais traitement dont semblent être victimes — même encore aujourd’hui — les femmes autochtones partout au pays?
Son Honneur le Président : Je regrette, sénatrice, mais votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
La sénatrice Boyer : Cinq minutes de plus.
Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
La sénatrice Boyer : Les Autochtones portent des cicatrices directes et intergénérationnelles des traumatismes causés par le système des pensionnats. Les politiques qui ont régi les pensionnats étaient ancrées dans le racisme, un sentiment de supériorité de la part des colonisateurs et certaines croyances en matière de tutelle. Malheureusement, un important déséquilibre des forces existe toujours entre les fournisseurs de soins de santé non autochtones et les Autochtones, ce qui explique leurs expériences négatives au sein du système de santé. Pourtant, bien des professionnels de la santé ne comprennent pas bien ce problème ou n’arrivent même pas à le percevoir.
(1540)
Je crois que ma nomination au Sénat me donne la possibilité de défendre ces causes. Je crois qu’il nous incombe de parler au nom des personnes qui n’ont pas de voix. On ne les entend pas, et la voix de leurs futurs enfants sera réduite au silence. Dans mon nouveau rôle de sénatrice, j’ai bien hâte de travailler avec chacun d’entre vous pour contribuer à la résolution de ce problème. J’exhorte tous les honorables sénateurs à travailler ensemble et à se demander ce qui peut être fait pour aider à remédier à cette situation honteuse. Meegwetch. Merci.
Des voix : Bravo!
(Sur la motion de la sénatrice Bellemare, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Sénat
Adoption de la motion concernant la période des questions de la séance du 2 octobre 2018
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 septembre 2018, propose :
Que, pour permettre au Sénat de recevoir un ministre de la Couronne au cours de la période des questions tel qu’autorisé par le Sénat le 10 décembre 2015, et nonobstant ce que prévoit l’article 4-7 du Règlement, lorsque le Sénat siégera le mardi 2 octobre 2018, la période des questions commence à 15 h 30, toutes les délibérations alors en cours au Sénat étant interrompues jusqu’à la fin de la période des questions, qui sera d’une durée maximale de 40 minutes;
Que, si un vote par appel nominal coïncide avec la période des questions tenue à 15 h 30 ce jour-là, ce vote soit reporté et ait lieu immédiatement après la période des questions;
Que, si la sonnerie d’appel pour un vote retentit à 15 h 30 ce jour-là, elle cesse de se faire entendre pendant la période des questions et qu’elle retentisse de nouveau à la fin de la période des questions pour le temps restant;
Que, si le Sénat termine ses travaux avant 15 h 30 ce jour-là, la séance soit suspendue jusqu’à 15 h 30, heure de la période des questions.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 26 septembre 2018, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 2 octobre 2018, à 14 heures.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénateur Gold, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-251, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux) et apportant des modifications connexes.
L’honorable Howard Wetston : Honorables sénateurs, je parlerai aujourd’hui du projet de loi S-251, Loi modifiant le Code criminel (indépendance des tribunaux) et apportant des modifications connexes.
J’aimerais tout d’abord remercier sa marraine, la sénatrice Pate, de l’avoir présenté.
Je m’attarderai surtout aux peines minimales obligatoires, aux incohérences qu’elles ont suscité pour ce qui est des peines imposées dans l’ensemble du pays et à leurs répercussions sur le pouvoir discrétionnaire des juges lorsque vient le moment de déterminer les peines à imposer aux prévenus. Pour que les peines qu’ils infligent soient justes et équitables, les juges doivent avoir ce pouvoir discrétionnaire, et c’est là l’objectif du projet de loi.
La peine doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction commise et au degré de responsabilité du contrevenant. Elle doit refléter le rôle joué par ce dernier relativement à l’infraction en cause, de même que les torts qu’il a pu causer. Cela dit, il y a aussi un principe voulant que la peine doit être équivalente, et non supérieure, à la culpabilité morale du contrevenant. Ce principe est tellement fondamental qu’il a été inscrit dans le Code criminel, à l’article 718.1 pour être exact. La raison est simple : les peines disproportionnées vont à l’encontre de ce que la société considère comme normal et acceptable.
Or, quand on impose des peines minimales obligatoires et qu’on prive les juges du pouvoir discrétionnaire d’adapter les peines, il est très difficile, pour ne pas dire impossible, d’atteindre cette proportionnalité. En accordant aux juges la possibilité condamner les contrevenants à autre chose que la peine universelle d’emprisonnement qui constitue le minimum obligatoire, le projet de loi S-251 permettra de revenir à une meilleure proportionnalité. Il se peut même qu’il contribue à atténuer la surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées dans le système carcéral.
Qu’arrive-t-il à l’heure actuelle, honorables sénateurs, si la peine minimale obligatoire est nettement démesurée par rapport au crime? Le contrevenant doit demander une réparation en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Cela arrive bien trop souvent.
Selon le ministère de la Justice du Canada, en mai 2018, il y avait 174 contestations constitutionnelles à l’égard de peines minimales obligatoires qui se déroulaient devant les tribunaux. Le Code criminel prévoit environ 80 peines minimales obligatoires, et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances en prévoit au moins 26 de plus.
La Cour suprême du Canada et d’autres tribunaux d’appel ont invalidé plusieurs peines minimales obligatoires sur la base qu’elles étaient anticonstitutionnelles. Les tribunaux se fondent sur un processus en deux étapes — un processus compliqué, à mon avis — pour évaluer la disproportion des peines par rapport aux crimes. Ce processus prend beaucoup du temps précieux des tribunaux, lors des procès et des appels.
Le rapport final, préparé en juin 2017 par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles et intitulé Justice différée, justice refusée : L’urgence de réduire les longs délais dans le système judiciaire au Canada, indique que de nombreux témoins partagent le point de vue « que les peines minimales obligatoires sont l’un des facteurs qui nuisent à la célérité du système ».
Les défis liés à l’application des peines minimales obligatoires au Canada ont été décrits par Kent Roach, que certains d’entre vous connaissent peut-être puisqu’il est professeur de droit à l’Université de Toronto. Il a dit ceci :
[...] elles ne se penchent pas sur la question de savoir si les délinquants vivent dans une pauvreté abjecte, ont des déficiences intellectuelles ou des problèmes de santé mentale, ont été victimes de racisme et de violence ou ont des enfants qui comptent sur eux. Les peines minimales obligatoires ne permettent pas à un juge de décider si l’incarcération est nécessaire pour dissuader, réhabiliter ou punir un délinquant.
Honorables sénateurs, j’ai trois points à faire valoir. Tout d’abord, le carcan judiciaire des peines minimales obligatoires a contribué à une hausse particulièrement importante du taux d’incarcération de délinquants autochtones et de personnes racialisées. Comme l’a déclaré la Cour suprême, la peine minimale est implacable, car elle est axée sur la dénonciation, la dissuasion générale et le châtiment au détriment d’une peine appropriée.
Le sommaire du rapport de la Commission de vérité et réconciliation de 2015, qui est bien connue de vous tous, insiste sur le fait que, bien que les causes de la surreprésentation des peuples autochtones soient complexes, la situation témoigne d’un parti pris systémique au sein du système de justice canadien. L’une des raisons qui expliquent l’état des choses est l’adoption récente d’une loi qui prévoit des peines d’emprisonnement minimales obligatoires pour certaines infractions. L’appel à l’action no 30 demande au gouvernement d’agir pour éliminer la surreprésentation au cours de la prochaine décennie.
(1550)
L’appel à l’action no 32 de la commission recommande au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, avec motifs à l’appui, de déroger à l’imposition des peines minimales obligatoires, de même qu’aux restrictions concernant le recours aux peines d’emprisonnement avec sursis.
En novembre 2015, la lettre de mandat du premier ministre à l’intention de la ministre de la Justice demandait à cette dernière de « [r]éviser les changements apportés depuis dix ans à notre système de justice pénale ainsi que les réformes de la détermination des peines apportées au cours de la dernière décennie [...] » en vue « [...] d’accroître le recours à la justice réparatrice et à d’autres initiatives visant la réduction du taux d’incarcération chez les Autochtones du Canada. »
Hier, nous avons tenu une réunion de caucus ouvert fort productive au sujet de la justice réparatrice. Nous sommes en 2018 et la situation se détériore. Les disparités en matière de détermination de la peine n’ont toujours pas été réglées.
Honorables sénateurs, le projet de loi S-251 permettrait de répondre à certaines de ces préoccupations en accordant aux juges le pouvoir discrétionnaire nécessaire pour décerner des peines adaptées et proportionnelles. Je veux souligner que l’idée n’est pas de serrer la vis aux criminels.
Le deuxième point est que la Cour suprême a mentionné que ces changements étaient nécessaires et elle a donné des balises. Dans son jugement majoritaire concernant l’affaire R. c. Lloyd, la Cour affirme que le Parlement pourrait réduire le champ d’application des peines minimales obligatoires pour les infractions qui ratissent large, de manière à ce que seuls les contrevenants qui les méritent se les voient imposées.
La deuxième balise est celle dont traite précisément le projet de loi S-251 en donnant aux juges un éventail élargi d’options pour la détermination de la peine, en leur permettant d’accorder, avec justification, une exemption dans les cas exceptionnels où le minimum obligatoire constituerait une peine cruelle et inusitée.
Je n’ai pas besoin de rappeler à qui que ce soit ici l’article 12 de la Charte.
La troisième disposition du projet de loi S-251 propose que le tribunal conserve le pouvoir discrétionnaire de reporter la détermination de la peine afin de permettre à une personne déclarée coupable d’une infraction de participer à un programme d’aide ou de traitement. Cela ne serait fait que si le délinquant y consent et en tenant compte de l’intérêt de la victime — de toute évidence important — et de la justice.
Le troisième élément que je veux soulever est que la lettre de mandat de la ministre dit ceci :
Réviser les changements apportés depuis dix ans à notre système de justice pénale ainsi que les réformes de la détermination des peines apportées au cours de la dernière décennie, avec le mandat d’évaluer ces changements et de veiller à ce [...] que les dispositions actuelles cadrent avec les objectifs du système de justice pénale.
Dans le cadre de l’examen, le ministère de la Justice a tenu, depuis mai 2016, une série de tables rondes — environ 12, 13 ou 14, peut-être plus, mais la sénatrice Pate le saurait certainement — et a publié un rapport intitulé Ce que nous avons entendu — Transformer le système canadien de justice pénale : Un rapport sur les consultations avec les acteurs clés provinciaux et territoriaux.
Ce rapport propose des améliorations, et je me permets d’en souligner quelques-unes: donner aux juges et aux autres intervenants du système de justice pénale le pouvoir discrétionnaire dont ils ont besoin pour prendre des décisions en tenant compte de la situation de la personne; abroger immédiatement les peines minimales obligatoires prévues pour les infractions au Code criminel ou, à tout le moins, examiner les effets de ces peines; imposer des peines minimales obligatoires uniquement dans le cas des crimes les plus graves — nous avons parlé du problème des armes à feu aujourd’hui et des meurtres qui sont malheureusement perpétrés avec elles —; et, enfin, avoir recours à des lignes directrices pour la détermination de peines présomptives comme solution de rechange.
Ces recommandations sont conformes à ce que préconisent la Commission de vérité et réconciliation et la Cour suprême du Canada.
Honorables sénateurs, un examen rigoureux des dispositions du projet de loi S-251 serait sans doute bénéfique, mais il reste que ce projet de loi est une bonne façon d’amorcer la discussion visant à tenir compte des considérations soulevées par la Commission de vérité et réconciliation et par les consultations du ministère.
Ensemble, ces propositions pourraient constituer un élément de réponse aux objections relatives aux peines minimales obligatoires soulevées par la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Lloyd. Elles pourraient en outre éliminer ou réduire les contestations coûteuses en vertu de la Charte et les longs délais observés dans les tribunaux au cours des dernières années.
Les peines appliquées au Canada proviennent d’un ensemble de dispositions que l’on peut bel et bien qualifier de disparates. Par conséquent, il serait raisonnable de dire que les propositions de la sénatrice Pate peuvent également se justifier par une importante recherche d’efficacité.
Donc, honorables sénateurs, j’espère que vous vous joindrez à moi pour appuyer le renvoi du projet de loi S-251 à un comité. Je tiens à remercier encore une fois la sénatrice Pate d’avoir soumis à l’attention du Sénat les modifications législatives qu’elle préconise.
(Sur la motion du sénateur Plett, le débat est ajourné.)
[Français]
Projet de loi sur les dons de sang volontaires
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénatrice Boniface, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-252, Loi sur les dons de sang volontaires (Loi modifiant le Règlement sur le sang).
L’honorable Chantal Petitclerc : Honorables sénateurs, c’est un plaisir pour moi de prendre la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi S-252, présenté par la sénatrice Wallin. Il s’agit d’un projet de loi qui propose de modifier le Règlement sur le sang afin de prohiber partout au pays la rémunération des donateurs de sang ou de plasma, sauf en de rares circonstances. Notons que le dédommagement pour les produits sanguins est déjà interdit au Québec, en Ontario, en Alberta ainsi qu’en Colombie-Britannique.
[Traduction]
Honorables sénateurs, si je peux me permettre, combien d’entre vous ont pris 10 minutes pour faire un don de sang cette année? Faites-vous partie des 4 p. 100 de Canadiens qui font chaque année un don de sang auprès de la Société canadienne du sang, ou des 3 p. 100 de Québécois qui donnent du sang à Héma-Québec?
[Français]
Je serai honnête, je n’y suis pas encore allée. Pourtant, je sais que c’est important et que, littéralement, cela sauve des vies. Je crois que je suis un exemple du défi que doivent relever la Société canadienne du sang et Héma-Québec. Nous les appuyons, nous savons combien ils sont importants, nous avons confiance en eux, donner du sang ne demande pas beaucoup de notre temps et, pourtant, plusieurs Canadiens ne posent pas ce geste de façon régulière et répétée. Alors, imaginez à quel point il est difficile d’avoir des donneurs de plasma, un don qui est un peu moins connu et qui prend environ 90 minutes de notre temps. C’est là tout l’enjeu de ce projet de loi : comment s’assurer que les dons de sang et de plasma seront effectués de façon bénévole, un principe que j’appuie, tout en étant capable de répondre à la demande?
La subtilité du projet de loi S-252 se situe aussi dans la différence à faire entre le sang et l’un de ses dérivés, le plasma, qui constitue 55 p. 100 du volume total du sang. Le plasma peut, je vous le rappelle, être utilisé pour des transfusions, bien sûr, mais une des particularités de ce liquide est également sa richesse en protéines plasmatiques qui servent de plus en plus à fabriquer des médicaments et des traitements. Les médicaments dérivés du plasma sont essentiels et, dans plusieurs cas, il n’existe pas d’alternative thérapeutique.
Vous le comprendrez, le plasma est donc une substance très précieuse pour le système hospitalier et, de plus en plus, pour l’industrie pharmaceutique. La réalité est qu’aujourd’hui l’industrie mondiale du plasma réalise des ventes annuelles de plus de 14 milliards de dollars. D’après la Société canadienne du sang, la demande de produits pharmaceutiques dérivés du plasma augmente de 10 p. 100 par année au Canada. C’est la même chose aux États-Unis, en Europe ou encore en Australie.
[Traduction]
Grâce aux dons de sang volontaires à la Société canadienne du sang et à Héma-Québec, la réserve de plasma destinée aux transfusions au Canada est autosuffisante la plupart du temps. Cependant, ces deux organismes publics, qui n’offrent aucune rétribution, ont du mal à répondre à la demande de plasma qui sert à la création de produits pharmaceutiques.
Selon Santé Canada, seulement 17 p. 100 de nos besoins en plasma sont comblés par les dons. À l’heure actuelle, le reste du plasma doit principalement être acheté auprès des États-Unis.
[Français]
L’argument de la rareté du plasma est d’ailleurs celui que la ministre fédérale de la Santé a évoqué lorsqu’elle a permis la commercialisation du plasma au Canada en 2016. La ministre Philpott avait soutenu que les cliniques de collecte de plasma contre rémunération aideraient possiblement à combler le fossé entre l’offre et la demande de produits plasmatiques.
(1600)
Bref, la principale question à laquelle le projet de loi S-252 nous invite à répondre est de savoir si la commercialisation du plasma est la seule façon réaliste d’atteindre l’autosuffisance de ce produit au Canada. Sinon, il faudra s’assurer que la Société canadienne du sang et Héma-Québec seront en mesure de répondre à cette demande qui va en augmentant.
Certains organismes affirment qu’il n’est pas réaliste de penser à un modèle uniquement bénévole, d’autant plus que, selon eux, il n’y a pas de crainte à avoir quant à la sécurité du produit lui-même. Selon eux, encore, ce n’est pas nécessairement parce que les produits sont fabriqués à partir de plasma de donneurs rémunérés qu’ils sont moins sûrs. Il faut savoir qu’au Canada tous les centres qui prélèvent du plasma pour produire des produits plasmatiques, que ce soit fait de manière bénévole ou rémunérée, doivent en effet respecter la même Loi sur les aliments et drogues et le Règlement sur le sang. Toutefois, d’autres organismes, comme BloodWatch, dont le sérieux et la réputation ne sont plus à faire, sont d'avis que, lorsqu’il y a commercialisation et gains, il y a possiblement augmentation des risques.
Cependant, il n’y a pas que la question de la sécurité du produit lui-même. La Société canadienne du sang craint que la commercialisation ait des répercussions néfastes sur le modèle de don non rémunéré qui est déjà en place... C’est difficile à quantifier, mais, à une large échelle, on peut concevoir que les centres de prélèvement avec rémunération pourraient être en concurrence directe avec notre système d’approvisionnement à but non lucratif.
Ce constat a déjà été fait par la Société canadienne du sang après que Santé Canada a octroyé, en février 2016, un permis à Canadian Plasma Resources pour ouvrir à Saskatoon une clinique de collecte de plasma contre des cartes-cadeaux prépayées de 25 $. À cette clinique, on encourageait aussi les donneurs à donner davantage s’ils voulaient devenir admissibles à des tirages mensuels de prix d’une valeur de plus de 2 000 $. Par la suite, on a permis à cette entreprise d’ouvrir une succursale à Moncton, et elle compte, d’ici 2020, ouvrir 10 autres cliniques de collecte de plasma sanguin.
La sénatrice Wallin nous a d’ailleurs informés que 18 permis sont en attente d’être attribués à des entreprises privées. Selon plusieurs, ces entreprises feront diminuer les dons bénévoles. D’autres affirment cependant que le profil des uns n’est pas le même que celui des autres, et qu’il n’y aura pas nécessairement de concurrence. Selon moi, c’est une question centrale qu’il nous faudra bien étudier en comité.
[Traduction]
Cependant, j’ai fait un constat et il me préoccupe. Nous devons nous inquiéter du fait que les entreprises semblent délibérément cibler des segments de la population. En effet, beaucoup de centres de collecte qui offrent une compensation financière se sont installés dans des zones fréquentées par des gens vulnérables, pauvres et défavorisés. Sur le plan moral, nous devons admettre qu’il s’agit d’un gros problème. Lorsqu’on sait qu’une personne peut donner du plasma chaque semaine, ou plus précisément tous les six jours, et recevoir 25 $, il est facile d’imaginer des scénarios dans lesquels une personne vulnérable se sert des dons de plasma comme source de revenus additionnelle. Personnellement, j’éprouve un grand malaise à l’idée que ceux qui vendent des produits sanguins sont surtout les membres de la société les plus pauvres et défavorisés. À mon avis, il est inacceptable sur les plan éthiques et social qu’un système si crucial soit fondé sur les citoyens les plus vulnérables. Au contraire, il nous incombe de les protéger.
[Français]
Cela commence certainement en votant pour que le projet de loi S-252 soit renvoyé à un comité, où il fera l’objet d’une étude approfondie. Parmi les questions auxquelles il nous faudra répondre, il y aura, bien entendu, les questions de nature éthique, par exemple : est-il moralement légitime de payer pour un produit sanguin? Si oui, comment s’assurer de la sécurité de ce produit du sang, mais aussi, comment protéger ceux qui se font rémunérer pour leurs dons de sang et de plasma? Comment, aussi, protéger la Société canadienne du sang et Héma-Québec et veiller à ce que leur modèle bénévole survive à la concurrence avec une industrie qui sera plus solide financièrement?
D’un autre côté, si ce projet de loi devient loi, comment s’assurer que nos deux organismes de collecte répondent à la demande de sang et de plasma et continuent de sauver des vies? Quand il s’agit de plasma, n’oublions pas que, au Canada, les dons bénévoles ne répondent qu’à 17 p. 100 de la demande nécessaire à la fabrication des produits dérivés du plasma. Pour l’instant, on achète le reste. Héma-Québec et la Société canadienne du sang ont des plans stratégiques bien définis pour devenir autosuffisants, mais la réalité est que l’on est loin d’atteindre cet objectif. S’il devient illégal de payer pour obtenir du plasma au Canada, que se passera-t-il, du moins pendant une certaine période de transition? Arrêtera-t-on de traiter les citoyens? Bien sûr que non, ce serait immoral. Continuera-t-on d’acheter aux États-Unis, comme on le fait déjà? Cela me semble un peu paradoxal et, encore une fois, certains diraient que c’est difficile à défendre moralement.
Il est clair qu’il ne suffira pas d’interdire la rémunération. Il faudra aussi outiller nos organismes pour qu’ils puissent rapidement répondre à la demande, sans que la santé des citoyens soit mise en danger.
[Traduction]
Bref, les questions soulevées par ce projet de loi sont beaucoup plus complexes qu’on ne l’imagine et, surtout, elles sont toutes très importantes. J’en profite pour remercier la sénatrice Wallin d’avoir porté à notre attention ce sujet important. C’est pour cette raison, honorables sénateurs, que je vous invite à renvoyer ce projet de loi au comité le plus tôt possible afin qu’il l’étudie. J’en profite également pour vous inviter, si vous le permettez — en fait, je m’y invite aussi moi-même — à prendre 10 minutes, et pourquoi pas 90, pour donner du sang ou du plasma. Comme on le sait, cela sauve des vies, et chaque vie est précieuse.
(Sur la motion de la sénatrice Omidvar, le débat est ajourné.)
Projet de loi de 2018 sur les changements de noms de circonscriptions
Deuxième lecture—Suite du débat
À l’appel des autres affaires, projets de loi d’intérêt public des Communes, deuxième lecture, article no 7, par l’honorable Peter Harder :
Deuxième lecture du projet de loi C-402, Loi visant à changer le nom de certaines circonscriptions électorales.—(L’honorable sénateur Harder, C.P.)
L’honorable Peter Harder (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je vois que nous en sommes au 14e jour en ce qui concerne cet article. Je voudrais ajourner le débat pour le reste de mon temps de parole.
L’honorable Patricia Bovey (Son Honneur la Présidente suppléante) : L’honorable sénateur Harder, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que le débat soit ajourné à la prochaine séance du Sénat.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
(Le débat est reporté à la prochaine séance du Sénat.)
[Français]
Modernisation du Sénat
Septième rapport du comité spécial—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Massicotte, appuyée par l’honorable sénateur Moore, tendant à l’adoption du septième rapport (intérimaire), tel que modifié, du Comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, intitulé La modernisation du Sénat : Aller de l’avant (Intérêt régional), présenté au Sénat le 18 octobre 2016.
L’honorable Diane Bellemare (coordonnatrice législative du gouvernement au Sénat) : Madame la Présidente suppléante, comme cet article en est à sa 15e journée, si personne ne demande l’ajournement, je le demanderai à mon nom.
(Sur la motion du sénateur Housakos, le débat est ajourné.)
(1610)
[Traduction]
L’étude sur les modifications proposées par le ministre des Finances à la Loi de l’impôt sur le revenu concernant l’imposition des sociétés privées et les stratégies de planification fiscale connexes
Adoption du vingt-quatrième rapport du Comité des finances nationales et de la demande de réponse du gouvernement
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Mockler, appuyée par l’honorable sénateur Tkachuk,
Que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des finances nationales, intitulé Un régime fiscal équitable, simple et concurrentiel : La voie à suivre pour le Canada, déposé auprès de la greffière du Sénat le 13 décembre 2017, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre des Finances étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.
Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
L’étude sur les questions concernant les affaires sociales, la science et la technologie en général
Adoption du vingt-quatrième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de la demande de réponse du gouvernement
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Mercer,
Que le vingt-quatrième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Le rôle du gouvernement fédéral dans un fonds de financement social, qui a été déposé au Sénat le 10 mai 2018, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, le ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social étant désigné ministre chargé de répondre à ce rapport.
Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Adoption du vingt-sixième rapport du Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie et de la demande de réponse du gouvernement
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Eggleton, C.P., appuyée par l’honorable sénateur Joyal, C.P.,
Que le vingt-sixième rapport du Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, intitulé Éliminer les obstacles : Analyse critique du Crédit d’impôt pour personnes handicapées et le Régime enregistré d’épargne-invalidité, qui a été déposé auprès du greffier du Sénat le 27 juin 2018, soit adopté et que, conformément à l’article 12-24(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement, la ministre du Revenu national étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec les ministres des Finances et de la Famille, des Enfants et du Développement social.
Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
[Français]
Les universités régionales
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Tardif, attirant l’attention du Sénat sur les universités régionales et leur importance pour le Canada.
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, je propose que le débat soit ajourné au nom du sénateur Cormier jusqu’à la prochaine séance du Sénat.
(Sur la motion de la sénatrice Moncion, au nom du sénateur Cormier, le débat est ajourné.)
[Traduction]
Banques et commerce
Autorisation au comité d’étudier les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers
L’honorable Carolyn Stewart Olsen, au nom du sénateur Black (Alberta), conformément au préavis donné le 20 septembre 2018, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce soit autorisé à examiner, pour en faire rapport, les avantages et les défis éventuels inhérents au système bancaire ouvert pour les consommateurs canadiens de services financiers, en mettant l’accent sur le rôle réglementaire du gouvernement fédéral.
Que le Comité présente son rapport final au plus tard le 22 février 2019 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions pendant 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
— Honorables sénateurs, je propose la motion inscrite au nom du sénateur Black.
Son Honneur la Présidente suppléante : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 16 h 16, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 2 octobre 2018, à 14 heures.)