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Débats du Sénat (Hansard)

2e Session, 43e Législature
Volume 152, Numéro 41

Le mercredi 26 mai 2021
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le mercredi 26 mai 2021

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.


[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois du patrimoine asiatique

L’honorable Victor Oh : Honorables sénateurs, j’interviens encore une fois pour parler du Mois du patrimoine asiatique. En particulier, je veux souligner les précieuses contributions de M. Henry Lee, le consul honoraire du consulat honoraire de la Malaisie, situé à Toronto.

M. Lee est un diplomate respecté, un consultant en administration des affaires et un membre actif de la communauté dans la région du Grand Toronto.

M. Lee est venu à Toronto en 1978 en tant que consul de la Malaisie et il est revenu au Canada pour s’y installer 10 ans plus tard. Il s’est employé à établir de solides relations d’affaires entre le Canada et le Sud-Est asiatique afin d’encourager les nouveaux échanges commerciaux et les investissements, d’ouvrir des perspectives d’emploi et de favoriser la croissance économique.

M. Lee est président fondateur de l’Association malaisienne du Canada et ambassadeur du Centre culturel chinois du Grand Toronto. Conseiller et ancien président du Conseil canadien multiculturel asiatique en Ontario, il est aussi membre de diverses autres organisations.

M. Lee a dirigé des collectes de fonds pour de multiples causes, dont des opérations de secours internationales à la suite de catastrophes naturelles, des hôpitaux et des groupes de jeunes. D’ailleurs, le réseau Universal Peace Federation lui a remis récemment le prix de l’Ambassadeur de la paix, et le service de police de la région de York lui a décerné le prix Deeds Speak, pour ses efforts visant à favoriser la diversité et la paix dans sa collectivité.

L’an dernier, au début de la pandémie de COVID-19, M. Lee et le Conseil canadien multiculturel sont immédiatement passés à l’action afin de recueillir de l’argent pour aider des familles canadiennes dans le besoin et pour fournir de l’équipement de protection personnelle à des aînés vulnérables.

Récemment, il s’est impliqué pour contrer la montée du racisme anti-Asiatiques par l’éducation et la sensibilisation en vue de promouvoir la tolérance, le respect mutuel et l’inclusion.

Honorables sénateurs, je vous invite à vous joindre à moi aujourd’hui pour féliciter M. Henry Lee de ses efforts de promotion de la paix et des valeurs canadiennes de multiculturalisme et de diversité.

Merci. Xie xie.

Des voix : Bravo!

[Français]

Le décès de John Gomery, c.r.

L’honorable Jean-Guy Dagenais : Honorables sénatrices et sénateurs, je veux prendre quelques instants aujourd’hui pour rendre un hommage au juge John Gomery, qui est décédé le 18 mai dernier à l’âge de 88 ans.

Juge sans prétention de la Cour supérieure, John Gomery a marqué l’histoire à partir du jour où, en 2004, le premier ministre du Canada M. Paul Martin l’a choisi pour présider une commission d’enquête qui portait son nom et qui avait pour mission d’examiner ce qui s’appelait « le scandale des commandites », et surtout d’examiner l’éthique financière de l’époque dans les partis politiques.

Pendant 10 mois, le juge Gomery a vu défiler devant lui plus de 180 témoins, qui sont en quelque sorte devenus des vedettes du petit écran pendant un certain temps. Cependant, la vedette principale était le commissaire John Gomery lui-même. Il incarnait l’honnêteté et une patience qu’on peut qualifier de légendaire. C’est du moins ce qu’il fallait pour soutirer la vérité à certains témoins, autant du monde des affaires que du monde politique.

D’ailleurs, plusieurs de ces témoins ont brillé par leur manque de collaboration et leur absence manifeste de transparence quant à leur rôle dans toute cette affaire.

Grâce à l’ensemble de tous les témoignages auxquels se sont ajoutés pas moins de 28 millions de documents et 30 000 pages de transcriptions d’audiences, le juge Gomery a pu accoucher d’un rapport éloquent sur le détournement de 332 millions de dollars alloués au programme des commandites. Son rapport préliminaire, publié en novembre 2005, ne prêtait à aucune interprétation quant au détournement des fonds publics au profit d’agences de publicité.

Pour ceux qui ne s’en souviendraient pas, le rapport Gomery compte 1 088 pages. C’est titanesque comme document! Ce fut un véritable exercice d’écriture pour celui qui s’était donné comme mission de dénoncer les responsables du scandale, tout en respectant les restrictions de son mandat, qui lui interdisait de tirer des conclusions criminelles. Malgré sa gentillesse légendaire et son sourire télévisuel, le juge Gomery était définitivement révolté par la corruption qui a été exposée durant les 10 mois de travaux de la commission.

Tous les Canadiens lui doivent aujourd’hui une prise de conscience populaire et des changements législatifs importants qui ont été nécessaires pour mettre fin aux obscurs financements politiques de l’époque.

Au nom de tous les Québécois et de tous les Canadiens, je veux remercier John Gomery pour son travail et je souhaite sincèrement — bien que je ne mette pas beaucoup d’espoir dans ce souhait — que le gouvernement du Canada lui rende dans les plus brefs délais l’hommage qu’il mérite.

Merci.

Des voix : Bravo!

[Traduction]

Les femmes de couleur pour la paix, la sécurité et la transformation des conflits

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, j’ai eu l’honneur d’assister au lancement de la division canadienne de l’organisme Women of Colour Advancing Peace, Security, and Conflict Transformation, qui regroupe des femmes de couleur œuvrant pour la paix, la sécurité et la transformation des conflits.

Cet organisme est une idée de l’incroyable ambassadrice Bonnie Jenkins, la sous-secrétaire au contrôle des armements et à la sécurité internationale des États-Unis. Elle voulait faire en sorte que toutes les femmes puissent être incluses dans le processus de consolidation de la paix.

Le lancement de la division canadienne a été rendu possible grâce au travail acharné d’Iffat Rahman, une diplomate canadienne, et d’Esra Bengizi.

En tant qu’ancienne envoyée au Soudan et à titre de présidente de l’International Civil Society Action Network, je continue de m’impliquer dans ce dossier avec Sanam Anderlini. J’étais ravie qu’Iffat et Esra fondent la division canadienne du regroupement de femmes de couleur pour la paix, la sécurité et la transformation des conflits.

L’événement a été lancé par la première ambassadrice canadienne pour les femmes, la paix et la sécurité, Jacqueline O’Neill, que j’admire beaucoup. L’ambassadrice O’Neill nous a rappelé à tous que, sans inclusion, on ne peut pas vraiment parler de femmes, de paix et de sécurité.

(1410)

Ensuite elle nous a parlé de la naissance du regroupement des femmes de couleur pour la paix, la sécurité et la transformation des conflits :

[ce groupement] est né au niveau communautaire, par la volonté de femmes aux origines, identités et capacités diverses qui avaient connu les horreurs de la guerre — un peu partout dans le monde — et qui voulaient avoir davantage leur mot à dire dans les décisions ayant une incidence sur elles.

Caitlyn Kasper, une femme anashinaabe des Aboriginal Legal Services, nous a parlé de l’importance de prendre conscience de toutes les formes de racisme systémique et de travailler à les faire disparaître, au Canada comme à l’étranger.

Ketty Nivyabandi, la secrétaire générale d’Amnistie internationale Canada, une réfugiée du Burundi, a découvert, au Canada, la réalité de la racialisation et est maintenant connue comme « la femme noire ». Ketty a souligné qu’il est important de comprendre les effets des structures racistes dans notre monde moderne.

Yasmin Ullah travaille sans relâche pour nous faire connaître, à nous, Canadiens, la réalité du peuple rohingya, surtout celle des femmes.

Dans sa conclusion, l’ambassadrice O’Neill a déclaré :

Il est vraiment évident que nous ne pouvons être efficaces ni avoir des approches vraiment transformatrices en ce qui concerne le pouvoir et les femmes, la paix et la sécurité si nous ne luttons pas contre le racisme et si nous continuons à envisager notre aide avec un regard de colonisateur. Le regroupement des femmes de couleur pour la paix, la sécurité et la transformation a mis cela en lumière. J’ai hâte de voir les changements que vous allez générer ici aussi et j’espère en faire partie.

Merci, honorables sénateurs.

La communion des arts, du tourisme et des sports

L’honorable Patricia Bovey : Honorables sénateurs, cette période de l’année abonde en journées et en semaines spécialement désignées pour souligner des événements et des aspects de la vie au Canada qui sont particulièrement importants au pays, voire ailleurs dans le monde.

La Semaine du tourisme, qui se déroule actuellement, et la Journée internationale des musées, qui a eu lieu la semaine dernière, ne font pas exception. Puisque les arts et le tourisme sont inextricablement liés, il est normal qu’on les célèbre le même mois. Pour que les arts se portent bien, le tourisme doit bien se porter, et vice versa. La relance postpandémique de ces deux secteurs sera complexe. Elle suivra un parcours sinueux et difficile, j’en suis convaincue.

L’heure est venue de nous tourner vers l’avenir. Quel genre de société souhaitons-nous devenir? En tant que Canadiens, de quelle manière souhaitons-nous nous adonner à nos activités préférées ou en essayer de nouvelles? Quelle place souhaitons-nous nous tailler dans le monde? J’ai déjà parlé du rôle du Canada dans le futur Musée mondial du patrimoine panafricain.

Aujourd’hui, je suis ravie de vous dire que, en 2023, l’un des événements sportifs et culturels mondiaux les plus emballants se tiendra dans ma province. En effet, du 28 juillet au 6 août se dérouleront au Manitoba les Jeux mondiaux des policiers et des pompiers, le plus grand événement sportif au monde après les Jeux olympiques. Ces jeux uniront la planète, attireront de nouveau les touristes parmi nous, honoreront l’excellence et nous permettront d’assister au summum de l’esprit sportif, de la collégialité et de la fierté communautaire et nationale. Ils constitueront une merveilleuse célébration à la gloire des travailleurs de première ligne du monde entier une fois que la pandémie sera chose du passé.

Ces jeux, qui ont lieu tous les deux ans, mettent en vedette plus de 10 000 athlètes provenant de plus de 70 pays. Les participants, dont un grand nombre sont accompagnés des membres de leur famille et de leurs amis, feront de cette rencontre sportive et culturelle le plus grand événement de toute l’histoire du Manitoba. Plus de 100 langues sont parlées chaque jour à Winnipeg, alors quel autre endroit en Amérique du Nord serait mieux placé pour accueillir ces jeux? Le monde entier aura les yeux tournés vers les installations sportives de haut niveau du Manitoba où auront lieu des compétitions dans une soixantaine de disciplines sportives.

Je suis certaine que vous connaissez tellement bien les conventions de l’UNESCO que vous en rêvez la nuit. Vous savez alors qu’elles nous demandent d’intégrer les arts à toutes les manifestations sportives internationales. Le sport et les arts doivent communier en tant qu’expressions essentielles de notre humanité et des liens qui nous unissent.

Le volet artistique des jeux est en cours de préparation. Le secteur des arts de Winnipeg, une plaque tournante nationale pour la créativité et la diversité, enrichira les diverses activités. Personne ne sait mieux organiser un événement ou une fête que Winnipeg, qui l’a fait pour les Jeux panaméricains de 1967 et de 1999.

Le monde entier pourra admirer nos chefs-d’œuvre culturels comme le nouveau Centre des arts inuits, Qaumajuq, au Musée des beaux-arts de Winnipeg, le Musée canadien pour les droits de la personne, l’exposition « Voyage vers Churchill » au parc Assiniboine ainsi que le festival Folklorama. Chaque visiteur sera chaleureusement accueilli par le Manitoba, la « province amicale ». Je félicite toutes les personnes impliquées de près ou de loin dans cet événement. Merci.

Terre-Neuve-et-Labrador

Remerciements

L’honorable Thanh Hai Ngo : Honorables sénateurs, je tenais à faire cette déclaration plus tôt, mais je n’ai pas pu parce que nous n’avons pas siégé depuis deux semaines.

Chers collègues, je prends la parole aujourd’hui pour souligner l’incroyable élan de solidarité et d’entraide d’Andrew Furey, premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, qui a rapidement envoyé deux équipes de travailleurs de la santé en Ontario. Une première équipe composée de neuf professionnels de la santé — trois médecins, cinq membres du personnel infirmier et une infirmière praticienne, y compris la Dre Allison Furey, la femme du premier ministre Furey — est arrivée à Toronto le 27 avril dernier. Elle a été suivie d’une deuxième équipe de soutien composée de trois médecins et de quatre membres du personnel infirmier, qui s’est dirigée à Brampton au début mai.

Alors que les unités de soins intensifs en Ontario étaient aux prises avec la troisième vague, ce qui a poussé les médecins et les infirmiers au bord de l’épuisement, le premier ministre Furey a été le premier à répondre à la demande d’aide urgente du premier ministre Ford et de son gouvernement en envoyant ces deux équipes pour alléger la pression subie par le personnel actuel et pour leur fournir un répit bien nécessaire. La réponse rapide du premier ministre Furey en dit long sur la chaleur, la générosité et la bienveillance légendaires des habitants de Terre-Neuve-et-Labrador.

Nous devons une fière chandelle aux héros qui travaillent en première ligne : les travailleurs essentiels, les médecins et le personnel infirmier en Ontario et partout au pays, qui continuent à travailler sans relâche et à faire des sacrifices inouïs. Nous remercions aussi les gouvernements provinciaux, qui seront peut-être capables de fournir de l’aide après avoir pris en considération la demande du premier ministre Ford.

Cette période turbulente et difficile a eu de lourdes conséquences pour tout le monde, mais, si nous avons une leçon à tirer de la pandémie, c’est bien qu’il est important que les Canadiens continuent de s’entraider. Ensemble, nous traverserons cette crise.

Je le répète, je remercie sincèrement et chaleureusement le premier ministre Furey, les habitants de Terre-Neuve-et-Labrador et leurs héros du secteur de la santé de l’acte de bravoure, d’altruisme et de solidarité profondément canadien qu’ils ont posé pour leurs frères et sœurs en Ontario. Merci.

Des voix : Bravo!

[Français]

La Deuxième Guerre mondiale

La présentation d’excuses officielles aux Italo-Canadiens

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, le Canada compte 1,6 million de Canadiens d’origine italienne. Depuis plus d’un siècle, des milliers d’Italiens ont choisi le Canada comme nouvelle patrie. Venus de loin, les Italo-Canadiens ont contribué au paysage culturel et à la vitalité économique du Canada.

Malheureusement, l’histoire de notre communauté est aussi entachée par un événement qui s’est produit pendant la Seconde Guerre mondiale.

[Traduction]

Cet événement remonte au 10 juin 1940. En réponse à la nouvelle que l’Italie entrait en guerre en s’alliant à l’Allemagne, la Chambre des communes et le Sénat ont adopté une résolution confirmant que notre pays appuyait la France et le Royaume-Uni. Le même jour, dans un discours à la nation, le premier ministre Mackenzie King a déclaré la guerre à l’Italie et a prononcé les paroles suivantes :

Le ministre de la Justice a autorisé la Gendarmerie royale du Canada à prendre des mesures pour interner tous les résidants d’origine italienne dont les activités portent à croire ou à soupçonner qu’ils pourraient, en temps de guerre, compromettre la sécurité de l’État ou se livrer à des activités préjudiciables à la poursuite de la guerre.

Du jour au lendemain, 31 000 Italo-Canadiens ont été déclarés ennemis de l’État. Environ 600 hommes ont été arrachés à leurs foyers et envoyés dans des camps d’internement, sans procédure judiciaire équitable. Ils n’avaient commis aucun crime. Pourtant, leurs libertés civiles ont été suspendues, et ils ont été emprisonnés.

La blessure fut profonde. Les Italo-Canadiens ont fait face à de l’hostilité, de la violence et de la discrimination injustifiée. De nombreux entrepreneurs ont perdu leur entreprise et leur revenu, d’autres ont perdu l’emploi qui leur permettait de faire vivre leur famille.

Demain, le premier ministre présentera des excuses officielles pour l’internement des Italo-Canadiens. C’est une bonne nouvelle et je remercie le gouvernement de reconnaître les conséquences émotionnelles, physiques et financières de cette politique. Les camps d’internement ont eu des répercussions intergénérationnelles sur de nombreuses familles et personnes. Ces excuses contribueront à notre guérison collective et individuelle. Elles ne permettront peut-être pas à certaines personnes de tourner la page, mais j’espère qu’elles serviront à rappeler aux gens que les erreurs du passé peuvent façonner notre présent et influencer notre avenir. Que cela serve de leçon aux générations futures et d’appel à l’action pour toujours faire mieux, être juste et toujours éviter et dénoncer toute forme de discrimination.

(1420)

Honorables sénateurs, malgré les difficultés et les injustices, les Canadiens d’origine italienne sont un peuple résilient et je suis fier d’être membre de cette communauté. J’espère que les sénateurs se joindront à moi, à la veille du Mois du patrimoine italien, pour reconnaître l’importance de ces excuses et célébrer les innombrables contributions des Italo-Canadiens à notre riche mosaïque.

Grazie mille. Merci.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

L’ajournement

Préavis de motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 1er juin 2021, à 14 heures.

La Loi sur Investissement Canada

Projet de loi modificatif—Première lecture

L’honorable Thanh Hai Ngo dépose le projet de loi S-234, Loi modifiant la Loi sur Investissement Canada (examen obligatoire relatif à la sécurité nationale des investissements par des entreprises d’État étrangères).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Ngo, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

L’Association parlementaire Canada-Europe

La réunion d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue du 24 au 26 février 2021—Dépôt du rapport

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le rapport de l’Association parlementaire Canada-Europe concernant la 20e réunion d’hiver de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, tenue par vidéoconférence, du 24 au 26 février 2021.


PÉRIODE DES QUESTIONS

Le commerce international

L’Accord Canada—États-Unis—Mexique

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, le leader du gouvernement se réjouira, puisqu’il a dit hier commencer à trouver lassant de parler des vaccins et de répondre à mes questions à ce sujet. Je lui offre donc une pause d’une journée. Cette fois-ci, ma question portera sur l’Accord Canada—États-Unis—Mexique, ou ACEUM.

Hier, la représentante au Commerce des États-Unis a annoncé que les États-Unis avaient demandé l’établissement d’un groupe spécial de règlement des différends dans le cadre du nouvel ALENA, le premier depuis l’entrée en vigueur du nouvel accord. Les États-Unis s’en prennent ainsi au secteur laitier canadien, plus précisément aux contingents tarifaires associés à 14 produits laitiers.

Monsieur le leader, j’ai soulevé la question des contingents tarifaires avec vous plus tôt en mai, mais je n’ai pas reçu de réponse, comme c’est le cas quand il s’agit de vaccins.

Les Producteurs laitiers du Canada ont déclaré qu’à leur avis, les contingents tarifaires instaurés par le Canada respectent les dispositions de l’ACEUM. Sénateur Gold, étant donné toutes les concessions qu’a faites votre gouvernement depuis quelques années, comment pouvez-vous garantir aux producteurs laitiers qu’il se battra pour eux pendant ce recours commercial lancé par les États-Unis?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question.

Je réponds avec plaisir que les Canadiens, les producteurs laitiers et l’industrie peuvent avoir l’assurance que le gouvernement continuera de défendre leurs intérêts. Le Canada a défendu avec succès son approche à l’égard du secteur laitier pendant une série de négociations commerciales, et il continuera de le faire. Le Canada continuera de faire valoir nos intérêts avec diligence au moyen des mécanismes de règlement des différends que lui offre l’ACEUM, comme il l’a fait par le passé.

Le sénateur Plett : Quelle surprise, la réponse du leader n’est pas très différente de celle qu’il me donne quand je l’interroge sur les vaccins.

Monsieur le leader, les producteurs laitiers constatent que, récemment, les États-Unis sont allés à l’encontre des intérêts du Canada dans bien des domaines et que le gouvernement canadien brille par son absence. Le permis du projet Keystone XL a été révoqué, et le gouvernement Trudeau a pratiquement été muet à cet égard. La canalisation 5 est menacée, mais le gouvernement Trudeau a attendu la toute dernière journée pour la défendre devant le tribunal. De plus, nous ne sommes pas exemptés des nouvelles dispositions d’achat aux États-Unis. Je pourrais donner encore d’autres exemples.

Monsieur le leader, compte tenu de tout cela, les producteurs laitiers canadiens ont le droit de s’inquiéter. Ils ont le droit de savoir quand le gouvernement agira. Par ailleurs, ils attendent encore des détails sur l’indemnisation qui leur a été promise relativement à l’Accord Canada—États-Unis—Mexique.

Pourquoi les producteurs laitiers devraient-ils croire que le gouvernement Trudeau défendra leurs intérêts, comme vous le prétendez, quand, comme tous les Canadiens, ils ont été abandonnés dans ce domaine et dans d’autres? Quelles garanties nos producteurs laitiers ont-ils à part vos déclarations d’amour à leur endroit? Donnez-nous quelques réponses, monsieur le leader.

Le sénateur Gold : Merci de votre question.

Les gestes sont plus éloquents que les paroles. Le gouvernement du Canada a réussi à protéger le régime canadien de gestion de l’offre face à de nombreuses critiques et attaques venant de toutes parts. Le Canada continue de bien protéger ses intérêts.

Les mesures que prend le Canada dans ces relations complexes, en particulier celle avec son plus important partenaire commercial, ne sont pas toujours connues du public. Les Canadiens et les producteurs laitiers peuvent avoir l’assurance que le gouvernement canadien est au courant du dossier et qu’il travaille fort pour défendre leurs intérêts.

La santé

L’accès aux vaccins contre la COVID-19

L’honorable Salma Ataullahjan : Honorables sénateurs, je n’aime pas annoncer les mauvaises nouvelles, mais, aujourd’hui, je veux parler des vaccins.

La semaine dernière, l’Agence de la santé publique du Canada a affirmé que les personnes qui revenaient des États-Unis n’avaient pas à faire de quarantaine si elles s’y étaient rendues pour recevoir le vaccin contre la COVID-19. Le lendemain, l’agence s’est rétractée et a affirmé que l’exemption de quarantaine ne s’appliquait pas aux personnes qui voyagent pour se faire vacciner, ajoutant même que les vaccins étaient largement disponibles au Canada.

Les Ontariens qui habitent près de la frontière avec les États-Unis sont fâchés et déçus que le gouvernement fédéral envoie des signaux contradictoires. Le maire de Windsor est furieux et a fait la déclaration suivante :

Cela n’a simplement aucun sens; le gouvernement fédéral agit de façon à ralentir la vaccination des Canadiens.

Sénateur Gold, que fait le gouvernement Trudeau pour permettre aux Canadiens d’avoir accès aux vaccins offerts près de chez eux, aux États-Unis?

(1430)

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Le gouvernement du Canada comprend les préoccupations de tous les Canadiens qui attendent la distribution de nouvelles doses. Il a travaillé fort pour fournir aux provinces et aux territoires des quantités croissantes de vaccins. En même temps, le gouvernement du Canada a la responsabilité de s’assurer que ceux qui reviennent de l’étranger ou des États-Unis sont soumis à des règles appropriées pour protéger la santé et la sécurité des Canadiens.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Gold, en tant que sénatrice de l’Ontario, je suis profondément déçue que le gouvernement Trudeau n’ait rien fait pour permettre aux Canadiens de recevoir le vaccin aux postes frontaliers reliant Windsor et Détroit ou pour faire venir les vaccins au Canada. Le président-directeur général de l’hôpital régional de Windsor affirme qu’il y a des dizaines de milliers de vaccins à Détroit qui vont expirer ce mois-ci et le mois prochain, et il souhaite les mettre gratuitement à la disposition des Canadiens. Il craint que le gouvernement fédéral ne s’inquiète de l’impression que cela donnerait si un grand nombre de Canadiens traversaient la frontière pour se faire vacciner aux États-Unis.

Monsieur le leader, est-ce vraiment pour sauver les apparences que le gouvernement n’accepte pas la proposition? Est-ce la raison pour laquelle le gouvernement a fait volte-face et a déclaré que recevoir le vaccin contre la COVID-19 aux États-Unis n’était pas un service médical essentiel?

Le sénateur Gold : À ma connaissance, sénatrice, la réponse à la question est non. La position du gouvernement canadien est axée exclusivement sur la santé et la sécurité des Canadiens. Il travaille avec ses partenaires. Il travaille également avec ses homologues américains pour obtenir plus de vaccins pour le Canada.

La stratégie de lutte contre la résistance des bactéries aux antimicrobiens

L’honorable Stan Kutcher : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, la pandémie que nous traversons nous a démontré que les autorités de la santé publique doivent accorder une grande attention aux maladies infectieuses. Bien que la COVID-19 sollicite toute notre attention présentement, il ne faut pas négliger la nécessité d’agir dès maintenant pour éviter une autre bombe à retardement, c’est-à-dire la résistance des bactéries aux antimicrobiens. Il s’agit plus précisément des bactéries qui causent des infections ne pouvant être traitées par les antibiotiques actuels. Pourtant, malgré les mises en garde formulées dans un rapport publié en 2014 par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, de la science et de la technologie ainsi que dans un rapport publié en 2015 par le Bureau du vérificateur général du Canada, le Canada était et demeure mal préparé à affronter cette crise. L’Agence de la santé publique du Canada travaille apparemment à une stratégie de lutte contre la résistance des bactéries aux antimicrobiens depuis environ quatre ans, mais elle n’a rien publié à ce jour.

Sénateur Gold, quel est l’état actuel des travaux à ce sujet et quand pourrons-nous voir ce qui a été fait?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, sénateur. Comme vous le savez sans doute, aucun secteur, encore moins un gouvernement, ne peut freiner à lui seul le problème grandissant de la résistance aux antimicrobiens. La préservation de l’efficacité des médicaments antimicrobiens existants repose sur la collaboration. Cette collaboration doit se faire non seulement entre les divers ordres de gouvernement et les partenaires dans le domaine des soins de santé, mais aussi entre les intervenants du domaine de la santé animale, de l’industrie agroalimentaire, des milieux universitaires, des associations professionnelles, sans oublier le grand public.

On m’a informé que dans les dernières années, l’Agence de la santé publique a eu recours à des investissements, à des idées novatrices et à des partenariats pour accroître sa capacité de fournir des données probantes en vue d’orienter la création de stratégies efficaces de gestion des antimicrobiens et de contrôle et de prévention des infections. À propos de la stratégie nationale à laquelle vous faites référence, je n’ai pas d’information sur l’état d’avancement des travaux. Toutefois, je serai heureux de me renseigner et de revenir avec une réponse.

Le sénateur Kutcher : Merci, sénateur Gold. Je vous en suis très reconnaissant. Il me tarde d’obtenir cette réponse.

La pandémie a montré que nous ne sommes pas suffisamment préparés pour que la recherche puisse se traduire par la conception et la fabrication de vaccins. Nous observons des lacunes semblables en ce qui a trait aux agents antimicrobiens, ces médicaments nécessaires au traitement des infections bactériennes contre lesquelles les antibiotiques actuels sont inefficaces. Que fait exactement le Canada en ce moment pour s’assurer d’avoir les capacités de recherche, de développement et de fabrication nécessaires afin de lutter contre les prochaines pandémies causées par des organismes qui résistent aux antimicrobiens?

Le sénateur Gold : Merci de votre question. La pandémie a effectivement révélé certaines lacunes dans les capacités de production de vaccins au Canada, et elle a mis en lumière, comme dans bien des endroits, la nécessité d’investir davantage dans ces domaines. Le gouvernement a fait des investissements à cet égard dans les derniers mois, et il continuera de travailler avec ses partenaires et les communautés universitaires et scientifiques pour mieux préparer le Canada.

L’industrie

L’investissement étranger dans les entreprises canadiennes

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, plus tôt cette année, nous avons appris que, en vertu de l’article 38 de la Loi sur Investissement Canada, le gouvernement avait publié de nouveaux principes directeurs accordant davantage d’attention aux enjeux de sécurité nationale lorsque des investisseurs étrangers souhaitent acquérir une entreprise canadienne. Ce sont de bonnes nouvelles. Merci.

Cependant, le gouvernement pourrait en faire davantage. Que fait-il pour mieux protéger le secteur canadien de la haute technologie en plein essor et celui de la propriété intellectuelle locale? Le gouvernement envisage-t-il de revoir la Loi sur Investissement Canada pour réduire encore le prix à partir duquel un examen est automatiquement déclenché et une autorisation ministérielle est exigée en cas d’acquisition par des actifs étrangers? Les seuils ont été revus en février, mais ils sont encore considérablement élevés dans le contexte de la présente pandémie. J’estime qu’il serait judicieux de les revoir parce qu’on note actuellement au Canada une tendance inquiétante : de nouvelles entreprises de haute technologie prometteuses sont acquises par des capitaux étrangers. Force est de constater que les géants de la technologie qui disposent de milliards de dollars en capitaux convoitent des entreprises canadiennes qui proposent de nouvelles technologies, et dont bon nombre sont peut-être en situation précaire actuellement à cause de la pandémie. Je songe particulièrement au secteur des soins de santé, notamment aux investissements que nous y faisons, et j’estime très important de poursuivre l’examen de cette loi car, comme j’aime à le dire, la loi n’est jamais statique, elle est toujours dynamique. Je vous remercie à l’avance de votre réponse.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de soulever cet enjeu. Comme nous le savons tous, les investissements étrangers aident les entreprises canadiennes dont les activités reposent sur la propriété intellectuelle et des technologies de pointe à prendre de l’expansion et à trouver des clients partout dans le monde. Parallèlement, le gouvernement est toujours déterminé à s’assurer que ces investissements étrangers ne soulèvent pas de préoccupations en matière de sécurité nationale et donnent une chance équitable aux investisseurs canadiens de participer à ce secteur.

Merci, sénateur, de m’avoir informé à l’avance de la teneur de votre question, ce qui m’a permis de m’informer auprès du gouvernement. À ma connaissance, je n’ai rien vu qui indique que la Loi sur Investissement Canada fait actuellement l’objet d’un examen. Cependant, je peux dire que le gouvernement est parfaitement conscient qu’un solide régime de protection du droit d’auteur et de la propriété intellectuelle est essentiel à la vitalité socioéconomique et à la créativité du Canada. C’est pourquoi, en 2018, le gouvernement a présenté la toute première stratégie en matière de propriété intellectuelle du Canada et a prévu des sommes de plus de 85 millions de dollars sur cinq ans pour aider les petites et moyennes entreprises à mieux profiter de leur propriété intellectuelle et pour aider les facultés de droit du pays à établir des cliniques d’aide juridique en propriété intellectuelle qui pourront fournir des services juridiques dans ce domaine, gratuitement ou à bas prix, à ces entreprises et entrepreneurs.

Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre réponse. Comme vous le savez, j’ai publiquement demandé un examen de la Loi sur Investissement Canada parce qu’à mon avis nous devons en faire plus pour protéger le secteur de la haute technologie et le capital intellectuel du Canada. Tout le monde sait que de nombreuses jeunes pousses bénéficient de généreuses subventions gouvernementales et d’incitatifs fiscaux. Selon moi, il faut trouver un juste équilibre entre le libre marché et la nécessité de procéder à des examens rigoureux dans le but de protéger nos investissements. Comme il est probable que les investissements étrangers feront plus souvent l’objet d’un examen, pouvez-vous nous dire si Innovation, Sciences et Développement économique Canada a les ressources voulues pour s’acquitter d’une charge de travail supplémentaire? Aucun fonds ne semble avoir été attribué à cette fin dans le budget du mois dernier.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. J’ai aussi eu l’occasion de m’informer à ce sujet. À ce qu’on m’a dit, jusqu’ici, le besoin de fonds ou de ressources supplémentaires ne s’est pas fait sentir. Cela dit, n’ayez crainte. Si la capacité se révèle insuffisante, le gouvernement se penchera sérieusement sur les moyens à prendre pour venir en aide aux fonctionnaires qui examinent en profondeur les opérations d’investissement.

(1440)

La santé

La crise des opioïdes

L’honorable Vernon White : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques semaines, j’ai fait une déclaration au sujet de la crise des opioïdes actuelle, et je tiens à remercier les deux anciens commissaires de la GRC et de la Police provinciale de l’Ontario pour les discours qu’ils ont prononcés ici hier soir au sujet de ce problème de toxicomanie. Même si la situation était déjà mauvaise depuis une dizaine d’années, elle s’est grandement détériorée ces derniers temps. Avant la pandémie, il y avait en moyenne 10 décès par 100 000 habitants au Canada. En 2020, cette moyenne a grimpé à près de 16 décès par 100 000 habitants, des décès qui sont directement liés aux opioïdes synthétiques, et plus particulièrement aux produits pharmaceutiques contrefaits.

Lors de son étude du projet de loi sur les centres d’injection supervisée, en mai 2017, le Sénat avait jugé bon d’adopter un amendement selon lequel tous les centres seraient tenus d’offrir des options de pharmacothérapie. À l’époque, cet amendement bénéficiait de l’appui de l’Association canadienne des policiers et de nombreux chefs de police. Le gouvernement l’a rejeté en remplaçant les mots « est tenue d’offrir [...] des options de pharmacothérapie » par « peut offrir [...] des options de pharmacothérapie ».

Compte tenu du nombre effarant de décès actuellement liés aux produits pharmaceutiques contrefaits, est-ce que le gouvernement admettra enfin que le Sénat avait vu juste à l’époque, soit qu’il faut offrir un approvisionnement sûr et des options de pharmacothérapie? Va-t-il enfin prendre les mesures nécessaires pour sauver des vies et exiger que les centres d’injection supervisée offrent des produits sûrs et des options de pharmacothérapie?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de soulever cette question. Les ravages de la crise des opioïdes sous toutes ses formes sont évidents, douloureux et tragiques pour ceux qui sont touchés. En ce qui concerne la question que vous avez posée, je ne connais pas la position actuelle du gouvernement à ce sujet. Je vais certainement me renseigner et transmettre l’information au Sénat dès que je l’aurai reçue. Je vous remercie de la question.

Le sénateur White : Par souci de clarté, je souligne au leader du gouvernement au Sénat qu’aucun de ces centres ne pourrait fonctionner sans l’autorisation du gouvernement fédéral du Canada, conformément à l’article 56(1) de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Les centres ont dû demander une exemption. Le gouvernement a dans les faits la capacité de déterminer les activités qui y ont lieu. Lorsque vous demanderez aux représentants du gouvernement s’ils sont prêts à prendre les mesures nécessaires sans tarder pour tenter de régler le problème, je tiens à préciser qu’ils ne devraient pas nous répondre que la santé relève des provinces et des territoires. Ce dossier fait bel et bien partie des responsabilités du gouvernement fédéral.

Le sénateur Gold : Je vous remercie de ces précisions. Je vous en suis reconnaissant.

[Français]

La justice

Les lois constitutionnelles de 1867 et de 1982

L’honorable Pierre J. Dalphond : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement. Alors que le premier ministre reconnaît la possibilité pour l’Assemblée nationale du Québec de modifier la Loi constitutionnelle de 1867 pour reconnaître l’importance du français au Québec, il demeure qu’à ce jour, ce texte constitutionnel n’est pas officiellement bilingue, malgré l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982, et le fait que le comité d’experts chargé de traduire ce document et 30 autres a fait rapport au gouvernement en 1990, dont copie du rapport fut déposée ici en décembre 1990.

Monsieur le représentant du gouvernement, quand le gouvernement a-t-il l’intention de prendre les mesures nécessaires pour que la Loi constitutionnelle de 1867 soit officiellement bilingue?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir soulevé cette question importante. Le gouvernement est déterminé à faire en sorte que les Canadiens et les Canadiennes aient accès à la justice dans la langue officielle de leur choix. Le gouvernement sait que, bien que plusieurs parties importantes de la Constitution, y compris la Charte canadienne des droits et libertés, soient officiellement bilingues, de nombreux documents d’importance égale, dont la Loi constitutionnelle de 1867, n’ont été adoptés qu’en anglais et la version française n’a pas force de loi.

On m’a informé que le devoir de préférer et de faire adopter aux fins de promulgation une version française des lois constitutionnelles qui ne sont pas encore officielles dans cette langue a fait l’objet de beaucoup de travail de la part du ministère de la Justice au fil des ans. Je n’ai pas de détails sur l’état d’avancement de ce travail, mais le ministre de la Justice est pleinement attaché à nos langues officielles et veille à ce que les travaux du comité de rédaction constitutionnelle française soient connus du public et facilement accessible.

Le sénateur Dalphond : La réponse du représentant du gouvernement est intéressante. Dans son rapport de 1998, l’Association du Barreau canadien a déploré le non-respect de l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982 par le Canada et a suggéré d’ajouter à la Loi sur les langues officielles, dont le gouvernement propose de modifier substantiellement le texte dès la semaine prochaine, un article exigeant que le ministre de la Justice présente aux cinq ans un rapport détaillé au sujet des efforts déployés pour mettre en œuvre l’article 55 de la Loi constitutionnelle de 1982.

Dois-je comprendre, monsieur le représentant du gouvernement, que le gouvernement serait prêt à faire rapport périodiquement et à inclure cela dans la Loi sur les langues officielles?

Le sénateur Gold : Merci pour la question. Je vais m’informer sur les intentions du gouvernement et communiquer la réponse à la Chambre.

[Traduction]

La tragédie du vol PS752 d’Ukraine International Airlines

L’honorable Linda Frum : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. Sénateur Gold, un tribunal ontarien a statué la semaine dernière que la destruction par l’Iran, en janvier 2020, de l’appareil assurant le vol PS752 constituait un acte de terrorisme. Cette décision a été rendue en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes d’actes de terrorisme. L’avocat représentant les familles dans cette affaire a déclaré que le gouvernement du Canada avait manqué de transparence et n’avait pas collaboré à la poursuite civile et que, par surcroît, il avait fallu cinq audiences devant le tribunal et huit mois avant qu’Affaires mondiales Canada ne transmette les documents judiciaires au régime iranien. Or, il a été établi que 55 citoyens canadiens et 30 résidants permanents étaient au nombre des 176 victimes de cet acte terroriste.

Sénateur Gold, pouvez-vous expliquer pourquoi le gouvernement Trudeau a fait preuve d’une telle réticence à aider le tribunal et les Canadiens victimes de terrorisme dans ce cas? J’aimerais également que vous vous renseigniez pour savoir quel soutien le gouvernement du Canada offrira aux familles touchées qui poursuivent leurs efforts pour obtenir justice au nom de leurs êtres chers.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question et de continuer à soulever l’important enjeu lié au sort tragique des victimes de cet acte terroriste. Le gouvernement du Canada examine attentivement la décision rendue par le juge Belobaba dans cette affaire. Sénatrice Frum, je prends bonne note de vos questions au sujet de soutien offert aux familles des victimes. Je vais me renseigner puis je ferai rapport au Sénat.

La sénatrice Frum : Dans le cadre de sa décision, le tribunal a cité l’ancien ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, qui a soutenu qu’il était inconcevable que l’Iran puisse confondre un avion commercial en partance de Téhéran et un avion militaire ou un missile en approche. Il y a près de trois ans, l’ambassadeur Goodale était l’un des députés à avoir voté à l’autre endroit en faveur de l’ajout immédiat du Corps des Gardiens de la révolution islamique à la liste des entités terroristes. Sénateur Gold, compte tenu de la décision du tribunal et de la conclusion de M. Goodale, votre gouvernement inscrira-t-il maintenant le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des entités terroristes et imposera-t-il des sanctions aux responsables au titre de la loi de Magnitski?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Le gouvernement examine activement le dossier. À ma connaissance, sénatrice Frum, aucune décision n’a encore été prise ou communiquée.

[Français]

La défense nationale

Le ministre de la Défense nationale

L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Ma question s’adresse également au représentant du gouvernement au Sénat.

Récemment, sénateur Gold, je vous ai posé la question à deux reprises : pourquoi la Déclaration des droits des victimes dans le domaine militaire n’a pas encore été mise en œuvre? Chaque fois, vous m’avez répondu que vous n’aviez pas reçu de réponse de la part du ministère.

Cette déclaration, vous le savez, a été adoptée le 21 juin 2019, donc il y a presque deux ans. La déclaration reconnaissait aux victimes le droit à la protection, le droit à l’information, le droit à la participation et le droit au dédommagement. La mise en œuvre de cette déclaration relevait du ministre de la Défense uniquement. Le ministre a manqué à ses obligations en ne respectant pas les droits de ces victimes.

Les récentes actualités, comme vous l’avez vu, ont démontré qu’il y a des comportements criminels dans les Forces armées canadiennes. Cela fait en sorte qu’on ne reconnaît pas aux victimes le droit de faire appel à un tribunal civil plutôt que militaire pour se prévaloir d’un processus de plainte indépendant.

C’est très grave et c’est inacceptable. En 2021, les victimes militaires ne sont pas protégées et craignent leur propre système de justice, et le ministre de la Défense a volontairement ignoré les droits des victimes en ne mettant pas en œuvre cette déclaration.

(1450)

Sénateur Gold, devant ces faits et ces échecs honteux de la part du ministre de la Défense nationale, ne croyez-vous pas qu’il devrait démissionner?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. On m’a informé que le gouvernement fait actuellement les consultations que le ministre de la Défense nationale avait promis de faire lorsqu’il a comparu devant le comité sénatorial pendant la législature précédente.

Jusqu’à maintenant, pour ce qui est de la Déclaration des droits des victimes, le gouvernement a consulté ses partenaires fédéraux, y compris le Centre d’intervention sur l’inconduite sexuelle, qui agit de façon indépendante des Forces armées canadiennes. De plus, le gouvernement est en train de monter un sondage en ligne dans le but de consulter le plus grand nombre de victimes possible.

Le sénateur Boisvenu : Sénateur Gold, votre réponse m’étonne beaucoup. En 2019, lorsqu’on a adopté la Déclaration des droits des victimes dans le domaine militaire, le ministre nous a dit qu’il y avait eu des consultations auprès des organismes de son ministère. Aujourd’hui, vous me dites que le ministre retourne faire des consultations? Est-ce que vous vous moquez des femmes victimes dans le domaine militaire?

Le sénateur Gold : Pas du tout, cher collègue. Je voulais simplement mentionner qu’il y avait davantage de consultations. En ce qui concerne le délai ou les raisons pour lesquelles la Déclaration des droits des victimes n’a pas été mise en œuvre, comme je l’ai dit plus tôt, j’ai posé la question, mais je n’ai pas reçu de réponse.

La sécurité publique

Le Service correctionnel du Canada—La formation des détenus

L’honorable Marie-Françoise Mégie : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. En avril dernier, deux articles dans Le Devoir levaient le voile sur des lacunes budgétaires du gouvernement qui obligeait le Service correctionnel du Canada à couper dans un programme important de formation collégiale.

Il est bien connu que la formation est la pierre angulaire d’une réinsertion dans notre société et qu’elle est au cœur de la mission du Service correctionnel du Canada. Malheureusement, le 31 mars dernier, l’enseignement collégial a cessé au Centre fédéral de formation, à Laval.

J’avais visité ce centre avec un groupe de collègues sénatrices. Nous y avions rencontré un jeune détenu noir qui nous avait parlé du rôle important que jouait l’éducation pour lui assurer une meilleure chance de pouvoir se trouver un emploi à sa sortie. Les ressources budgétaires allouées limitaient déjà l’enseignement que l’on y offrait.

Comme vous le savez, les personnes racisées forment une très grande proportion de la population carcérale. Le nombre de Noirs a augmenté de 80 % au cours des 10 dernières années. Ils représentent près de 10 % de la population carcérale, alors qu’ils représentent moins de 3 % de la population civile canadienne.

La situation est semblable chez les Autochtones, qui représentent 30 % des détenus fédéraux, alors qu’ils ne constituent que 5 % de la population. La situation est encore pire chez les femmes autochtones, qui constituent 42 % de la population féminine du système carcéral au Canada. C’est particulièrement surprenant pour un gouvernement qui se targue de vouloir enrayer le racisme systémique.

En 2018-2019, 68 % des délinquants ont poursuivi leur éducation et 60 % d’entre eux ont terminé une formation professionnelle. Comment le gouvernement explique-t-il ces compressions budgétaires en éducation dans les prisons, alors qu’il y a un manque de main-d’œuvre dans notre économie?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Votre préavis m’a permis de me renseigner auprès du gouvernement. On m’a informé que, bien que les services d’enseignement collégial prennent fin au Centre fédéral de formation de Laval, l’enseignement collégial se poursuivra dans l’établissement fédéral pour hommes de Cowansville et à Joliette, un établissement pour les femmes; tous deux sont situés au Québec.

Étant donné qu’une partie de l’entente intervenue avec le Cégep Marie-Victorin arrivait à échéance le 31 mars 2021, le Service correctionnel du Canada a évalué les besoins en enseignement collégial des délinquants, tout en tenant compte des ressources budgétaires allouées.

Dans cette perspective, des discussions entre le Service correctionnel du Canada et le cégep ont eu lieu, et par la suite, le Service correctionnel du Canada a décidé de modifier l’offre de services en éducation au Centre fédéral de formation.

On m’a informé qu’actuellement, le Service correctionnel du Canada est en mesure de répondre aux besoins en matière d’enseignement collégial grâce aux services offerts aux deux autres établissements que j’ai mentionnés plus tôt.

La sénatrice Mégie : Merci de votre réponse, sénateur Gold.

Son Honneur le Président : Je m’excuse, sénatrice, mais le temps alloué à la période des questions est écoulé.


[Traduction]

ORDRE DU JOUR

La Loi sur le Parlement du Canada

Projet de loi modificatif—Deuxième lecture

L’ordre du jour appelle :

Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Harder, c.p., appuyée par l’honorable sénateur Gold, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur le Parlement du Canada et apportant des modifications corrélative et connexes à d’autres lois.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je souhaite intervenir dans le débat sur le projet de loi S-4, qui vise à modifier la Loi sur le Parlement du Canada. Je tiens à exposer les raisons pour lesquelles j’appuie ce projet de loi. J’aimerais par la même occasion corriger certaines affirmations des intervenants précédents.

Le projet de loi S-4 se fonde sur deux principes que défend le caucus conservateur. À mon sens, le projet de loi S-4 est très intéressant dans la mesure où le gouvernement Trudeau reconnaît enfin deux grands principes pour lesquels le caucus conservateur du Sénat se bat depuis 2016.

Premièrement, le projet de loi S-4 vise à préserver le rôle du gouvernement et de l’opposition. Nos collègues qui étaient ici lorsque les premiers sénateurs nommés par M. Trudeau sont arrivés dans cette Chambre se rappelleront que certains de ceux-ci croyaient qu’il serait bon qu’il n’y ait pas de représentants du gouvernement et de l’opposition au Sénat, que cela nous rendrait moins partisans et plus indépendants, comme si défendre deux positions opposées dans un débat était une mauvaise chose au sein d’une démocratie.

J’aimerais citer ce qu’a dit le parrain du projet de loi S-4, mon bon ami et cousin le sénateur Peter Harder, lorsqu’il a comparu comme témoin devant le Comité spécial sur la modernisation du Sénat, le 28 septembre 2016 :

À mon avis, au sein d’une institution complémentaire plus indépendante et moins partisane, il n’y aura plus de caucus ministériel organisé et discipliné, alors, par conséquent, il ne devrait plus y avoir de caucus organisé de l’opposition officielle.

Chers collègues, ce n’est pas par hasard que les Pères de la Confédération ont choisi de s’appuyer sur le modèle de Westminster pour fonder le Parlement. Ce système repose sur le principe voulant que le gouvernement rédige des projets de loi en fonction du mandat que lui ont accordé les électeurs lors d’élections, alors que le rôle de l’opposition est de s’opposer à ces projets de loi.

Les Pères de la Confédération ont choisi le modèle de Westminster parce qu’ils estimaient qu’il était démocratique et efficace et qu’il constituait la meilleure façon de représenter les intérêts de la population. Chers collègues, c’est toujours vrai aujourd’hui.

Les Pères de la Confédération ont sciemment choisi de structurer le Sénat de façon à ce qu’il y ait un côté pour le gouvernement et un côté pour l’opposition. Avec la proclamation royale de 1867, le gouvernement de sir John A. Macdonald a nommé 25 sénateurs libéraux, qui se sont regroupés en caucus, et c’est Luc Letellier de Saint-Just, un libéral férocement partisan, qui a été nommé leader de l’opposition.

(1500)

Les Pères de la Confédération auraient tout aussi bien pu organiser le Sénat différemment en ne nommant que des sénateurs non affiliés à un parti politique et sans la dichotomie entre le côté du gouvernement et le côté de l’opposition. Ils auraient pu choisir un modèle non partisan, mais ce n’est pas ce qu’ils ont fait.

Ils ne voulaient pas d’un comité consultatif ni d’un club de débat. Ils voulaient une assemblée législative où l’on pourrait débattre et laisser les opinions partisanes démocratiques s’exprimer. Ils ont compris que l’organisation d’un parlement en deux camps opposés était le meilleur moyen de garantir la protection des valeurs démocratiques; c’est toujours le cas.

Dans notre caucus, nous avons toujours cru qu’il devait y avoir une opposition organisée pour faciliter l’ordonnance des débats, au Sénat. Cette approche donne à ceux qui s’opposent au gouvernement les moyens démocratiques de faire valoir leurs arguments et rend le Sénat plus efficace en lui permettant de jouer pleinement son rôle.

On ne saurait trop insister sur l’importance de l’opposition, au Sénat du Canada, comme dans toute autre chambre parlementaire. L’opposition représente les parties de la société qui n’ont pas voté pour le gouvernement en place et qui s’opposent à l’orientation politique générale dudit gouvernement. Elle veille à ce que ces groupes soient entendus dans le débat. C’est particulièrement important puisqu’un gouvernement peut faire passer ses projets de loi à la Chambre en ayant recours au bâillon, ce qui a pour effet d’interrompre effectivement le débat et de réduire au silence les voix de l’opposition.

Comme l’a dit le premier ministre Justin Trudeau, le rôle du Sénat consiste à faire contrepoids aux pouvoirs du Cabinet du premier ministre. Comment est-ce possible sans une opposition organisée? L’opposition officielle permet de canaliser au Parlement une opposition au gouvernement qui ne s’exprime pas dans la rue, mais au Parlement, de façon civilisée, en faisant une distinction entre la volonté légitime de changement du gouvernement et une volonté révolutionnaire associée à un changement de régime.

Par ailleurs, comment le Sénat peut-il jouer son rôle en tant que « grand enquêteur de la nation », pour reprendre les mots de la Cour suprême, repris par le juge Binnie dans son rapport sur les finances du Sénat, si l’opposition — qui, par définition, est plus désireuse d’exiger des comptes du gouvernement — n’a pas les droits et les privilèges qui lui permettent de poser les questions difficiles? Comment le Sénat peut-il adéquatement représenter les minorités et ceux qui ne peuvent pas se faire entendre si le gouvernement peut le réduire au silence, parce qu’il est le seul à avoir des ressources et des outils?

Ce fut donc un soulagement pour beaucoup d’entre nous de constater que le gouvernement Trudeau a choisi de ne pas modifier le rôle de l’opposition au Sénat. Selon moi, le fait que les pouvoirs et le statut de l’opposition demeurent intacts dans le projet de loi S-4 montre que nos arguments pour défendre l’opposition étaient, et demeurent, valides. Cela devrait clore le débat sur la question pour de nombreuses années, du moins espérons-le.

Deuxièmement, je suis heureux de constater que le gouvernement reconnaît que la modification du fonctionnement du Sénat doit se faire par consensus. Voilà une autre chose que nous soutenons depuis longtemps.

Le projet de loi S-4 n’a été déposé qu’après consultation avec tous les leaders des divers groupes et caucus. Puisqu’il représente un consensus parmi les divers leaders du Sénat, le projet de loi S-4 témoigne de l’importance d’user de prudence lorsque l’on modifie le Règlement.

Cela fait partie de ce que nous faisons au Sénat : nous débattons, nous faisons valoir nos points de vue, mais, surtout, lorsqu’il s’agit de modifier le Règlement ou les principes régissant le Sénat, nous respectons la nature consensuelle historique des décisions liées à de telles modifications. Le rôle du changement reposant sur un consensus est d’autant plus important dans le Sénat actuel étant donné que cinq groupes doivent être consultés.

Je souligne que, lorsque les conservateurs détenaient la majorité au Sénat, ils n’ont apporté aucune modification au Règlement sans obtenir, au préalable, le consensus. Les tentatives de certains sénateurs de modifier unilatéralement le Règlement au cours des cinq dernières années sont inquiétantes. C’est un message que le ministre LeBlanc et le premier ministre Trudeau envoient à ces sénateurs : le seul moyen d’opérer un changement au Sénat est de parvenir à un consensus. J’espère que ce message a été bien reçu et bien compris.

Honorables sénateurs, pour résumer, je suis heureux d’appuyer le projet de loi S-4, parce qu’essentiellement, le gouvernement a finalement reconnu deux principes clés que notre caucus défend depuis cinq ans. Le projet de loi S-4 ne nous fait rien gagner, j’en conviens. Cependant, nous pouvons nous réjouir qu’enfin, la logique ait pris le dessus et que la structure du Sénat, qui sert si bien les Canadiens depuis 1867, soit préservée.

Je tiens cependant à contester certaines déclarations qui ont été faites sur ce projet de loi. Par exemple, le projet de loi S-4 ne rend pas le Sénat moins partisan, plus indépendant, plus transparent ou plus responsable, comme le sénateur Harder l’a affirmé.

Le sénateur Harder reconnaît que les sénateurs du Groupe des sénateurs indépendants se sont organisés pour former un groupe de sénateurs aux vues similaires, à l’instar des autres groupes. En ce sens, ils partagent les mêmes idéaux libéraux, au sens général du mot, ce qui est tout aussi partisan qu’un groupe de sénateurs conservateurs qui partagent les mêmes idéaux conservateurs, également au sens général du mot. Il n’y a rien de mal là-dedans, chers collègues.

Les membres du Groupe des sénateurs indépendants aiment répandre l’idée qu’ils ne sont pas partisans, mais la réalité est tout autre. À maintes reprises, ils l’ont démontré en appuyant des mesures législatives d’initiative ministérielle. Il ne faut pas s’en étonner, puisqu’ils ont été nommés par un gouvernement libéral qui partage leur vision libérale.

Il sera intéressant de voir si les sénateurs nommés par le premier ministre Trudeau seront non partisans lorsqu’ils se pencheront sur des projets de loi du gouvernement conservateur, une situation que beaucoup d’entre nous espèrent voir dans quelques mois. Dès qu’ils seront libérés de leur engagement envers le premier ministre Trudeau alors retraité et que les portes des caucus nationaux s’ouvriront, je ne doute pas qu’ils seront heureux de se joindre à certains de ces caucus où ils pourront vraiment faire leur travail de représentants de leur région et de législateurs canadiens.

Ce projet de loi ne rend pas le Sénat plus indépendant. Le Sénat l’a toujours été. Le premier ministre Trudeau ne l’a pas rendu plus ou moins indépendant. Le Sénat est indépendant parce que les sénateurs sont nommés, et non élus, et parce qu’ils restent en poste jusqu’à l’âge de 75 ans.

Je rappelle au sénateur Tannas qu’il a lui aussi été nommé et non pas élu, tout comme chacun d’entre nous.

Je ne vois pas comment le projet de loi rend le Sénat plus transparent ou plus responsable. C’est sous le gouvernement Harper que le Sénat a changé ses règles sur les dépenses de sénateurs, que ces dépenses sont devenues publiques, que le vérificateur général a été invité, que des sénateurs ont été sévèrement punis et que nous avons mis en place un code d’éthique. Ce sont des sénateurs conservateurs qui ont eu l’idée de mettre sur pied le Comité de l’audit et de la surveillance, lequel a permis que les débats soient rendus publics, d’abord sur Internet, puis à la télévision. C’est lui qui a ouvert les réunions du Comité de régie interne au public. Voilà ce qui a rendu le Sénat plus ouvert et transparent. Ce n’est pas le cas du projet de loi S-4.

Enfin, le projet de loi S-4 codifie les changements au Règlement du Sénat pour refléter le ridicule exercice de sémantique visant à renommer les leaders, leaders adjoints et whips en représentants, facilitateurs et agents de liaison. Ces nouveaux titres sont censés donner l’impression illusoire que tous ces postes sont non partisans, mais, concrètement, les rôles sont exactement les mêmes. La facilitatrice adjointe se débat autant que notre leader adjointe lors des réunions préparatoires pour promouvoir les projets de loi que souhaitent présenter les membres de son groupe. Le sénateur Woo est facilitateur et le sénateur Cowan était leader. Ils sont tous deux de féroces partisans prêts à défendre leur caucus et ses opinions — ce qui est tout à fait légitime.

(1510)

Le projet de loi S-4 n’apporte aucun changement qui n’a pas déjà été fait par le Sénat. Le projet de loi S-4 n’est pas une mesure législative évolutive. Il n’est que le reflet de choses qui ont déjà évolué au Sénat ou qui ont été modernisées par le Sénat. Il ne contient rien de nouveau; il décrit la réalité actuelle au Sénat.

Comme l’a dit la sénatrice Cordy il y a 20 ans, le Comité du Règlement a recommandé que le Règlement soit modifié afin de reconnaître l’existence de partis autres que ceux du gouvernement et de l’opposition. Des modifications ultérieures du Règlement ont permis qu’un autre parti soit reconnu au Sénat. Le Sénat a ensuite décidé d’aller plus loin et de reconnaître d’autres groupes. Le projet de loi S-4 n’est que le point culminant de ce long processus.

Honorables sénateurs, je vous invite à appuyer le projet de loi S-4 afin qu’il soit renvoyé à la Chambre. Cela nous permettra de tourner notre attention vers des enjeux plus pressants qui sont importants pour les Canadiens.

Toutefois, en tant que leader du caucus, j’admets que quelques sénateurs s’opposent à certaines dispositions du projet de loi. Voilà pourquoi, selon toute vraisemblance, nous allons consentir à ce qu’il soit adopté avec dissidence.

[Français]

L’honorable Diane Bellemare : Est-ce que le sénateur accepterait de répondre à une question?

[Traduction]

Le sénateur Plett : Oui, je peux répondre à une question.

[Français]

La sénatrice Bellemare : J’ai bien écouté le sénateur et je vais poser ma question en français.

Vous avez parlé d’une situation hypothétique qui pourrait survenir n’importe quand, c’est-à-dire lors d’une prochaine élection, soit que votre parti prenne le pouvoir et forme le gouvernement. Cela suppose donc que la personne occupant actuellement le poste de chef de l’opposition officielle se retrouverait du côté du gouvernement. Comment ferez-vous, si cela se produit — c’est une question hypothétique —, pour reformer une opposition officielle? À l’heure actuelle, le Règlement prévoit que le chef de l’opposition officielle est le chef d’un groupe parlementaire reconnu comme un parti officiel. Quelle serait l’opposition officielle si le Parti conservateur prenait le pouvoir?

[Traduction]

Le sénateur Plett : En fait, la dernière partie de la question est purement hypothétique, mais la première partie ne l’est pas du tout. Quoi qu’il en soit, sénatrice Bellemare, vous faisiez bien sûr partie de notre caucus lorsque vous êtes arrivée au Sénat, et vous avez décidé de nous abandonner. Toutefois, qui sait ce qu’il adviendra le jour où nous formerons le gouvernement, comme nous l’espérons? Le sénateur Woo pourrait décider qu’il a toujours été dans l’opposition et qu’il n’a jamais été du côté du gouvernement. D’ailleurs, peut-être qu’il veut être dans l’opposition maintenant. Nous verrons alors s’il souhaite adhérer au Parti libéral. Cependant, comme cette partie de la question est purement hypothétique, je ne peux pas vous donner une meilleure réponse que celle-ci.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Harder, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

(À 15 h 16, conformément aux ordres adoptés par le Sénat le 27 octobre 2020 et le 17 décembre 2020, le Sénat s’ajourne jusqu’à 13 h 30 demain.)

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