Aller au contenu
Séances précédentes
Séances précédentes
Séances précédentes

Débats du Sénat (Hansard)

1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 55

Le jeudi 16 juin 2022
L’honorable George J. Furey, Président


LE SÉNAT

Le jeudi 16 juin 2022

La séance est ouverte à 14 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le Mois national de l’histoire autochtone

L’honorable Dennis Glen Patterson : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui, pendant le Mois national de l’histoire autochtone, pour rendre hommage à Jose Amaujaq Kusugak, qui est originaire de Repulse Bay, un hameau qui porte maintenant le nom de Naujaat, et qui s’est installé à Rankin Inlet, au Nunavut, en 1960. Il est l’un des trois dirigeants autochtones honorés par Postes Canada ce mois-ci avec un timbre-poste à son effigie qui porte son nom en anglais et en inuktut. Les deux autres sont Harry Daniels, qui a fait pression pour que les Métis et les Indiens non inscrits soient reconnus par l’article 35 de la Constitution canadienne rapatriée, et la cheffe Marie-Anne Day Walker-Pelletier, qui a dirigé la Première Nation d’Okanese en Saskatchewan pendant près de 40 ans.

Postes Canada a dévoilé cette semaine le timbre de Jose Kusugak à Rankin Inlet, au Nunavut, en présence de la famille de Jose et de ses homonymes. Sa veuve, Nellie Kusugak, éducatrice et ancienne commissaire du Nunavut, a également pris la parole lors de l’événement, soulignant que la mère de Jose l’avait incité à servir les Inuits, une cause à laquelle il a consacré sa vie. Il a laissé sa marque de bien des façons, notamment en enseignant la langue et l’histoire de l’inuktut au centre linguistique de l’Université de la Saskatchewan, puis au centre de formation professionnelle de Churchill, au Manitoba. Son travail au sein de l’Inuit Cultural Institute dans les années 1970 a mené à la création du double système d’écriture largement utilisé au Nunavut aujourd’hui, un mélange d’écriture syllabique, dans laquelle son nom figure sur le nouveau timbre de Postes Canada, et de caractères romains. Par ailleurs, il a mené une carrière remarquable dans le domaine de la radiodiffusion, travaillant pour CBC North, où il a enthousiasmé les auditeurs, et l’Inuit Broadcasting Corporation.

Il a été président de l’organisation nationale inuite Inuit Tapiriit Kanatami. En outre, en tant que président de la Nunavut Tunngavik Incorporated à la fin des années 1990, il a joué un rôle central dans la création du Nunavut. Il a aussi persuadé le gouvernement fédéral d’attribuer un contrat à un fournisseur unique pour la construction d’une nouvelle assemblée législative dans la capitale du Nunavut, ainsi que de bureaux et de logements dans 10 collectivités décentralisées, ce qui a abouti à la création de la Nunavut Construction Corporation, une société appartenant à des Inuits et dirigée par des Inuits, qui est maintenant un chef de file dans le domaine de la construction dans tout le Nunavut.

Dans un hommage rédigé par Whit Fraser, le mari de la gouverneure générale Mary Simon, Jose est décrit comme la « muse enjouée » du Nunavut. Il aurait déjà déclaré ceci :

Toute situation a un côté amusant. Nous le devons à notre âme et à notre esprit de voir le côté ensoleillé de la vie.

Jose était un Canadien loyal et un champion inuk qui était bien connu au Nunavut et dans les réunions des premiers ministres du pays pour avoir décrit les Inuits comme étant « les premiers Canadiens, Canadiens en premier ». Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de représentants du Centre canadien Helen Keller, du groupe de travail sur le Mois de la sensibilisation à la surdi-cécité, des Services communautaires surdi-cécité INCA et de la Fondation de la surdi-cécité de l’Ontario. Ils sont les invités des honorables sénateurs Martin et Marwah.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, en ce jour de juin, je prends la parole pour célébrer le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité au Canada. Cette importante reconnaissance annuelle a commencé en 2015, quand le Sénat a adopté à l’unanimité une motion visant à désigner juin comme le Mois de sensibilisation à la surdi-cécité.

Cette réalisation n’aurait pas été possible sans le soutien, la détermination et les efforts soutenus de nos anciens collègues, les honorables Jim Munson, Joan Fraser et Asha Seth.

Tout au long du mois de juin, les Canadiens se réunissent pour rendre hommage à leurs concitoyens qui vivent avec la surdi-cécité, tout en augmentant la sensibilisation à l’égard des obstacles particuliers que ces personnes doivent franchir afin d’être reconnues comme des membres à part entière de la société.

Juin est aussi le mois de l’anniversaire d’Helen Keller, une femme héroïque atteinte de surdi-cécité, dont la détermination et le rôle de pionnière ont contribué à apporter de profonds changements dans le monde entier. Ce mois de célébrations est l’occasion parfaite pour souligner la force, l’esprit et le courage des Canadiens — plus de 65 000 en tout — qui vivent avec la surdi-cécité, sans oublier toutes les personnes qui leur prodiguent des soins. Nous reconnaissons non seulement les défis que ces personnes doivent relever au quotidien, mais aussi leur persévérance pour avoir une vie épanouie. Il ne fait aucun doute qu’elles sont une source d’inspiration pour nous tous.

Les nouvelles technologies, la vaste gamme de produits et services ainsi que la défense de leurs droits aident les Canadiens atteints de surdi-cécité dans leurs activités quotidiennes. Bien que d’énormes progrès aient été accomplis au fil du temps, il reste beaucoup de travail à faire pour que ces Canadiens se sentent en sécurité et qu’ils aient la possibilité de savourer tout ce que la vie peut offrir.

(1410)

J’ai eu l’occasion de découvrir, au fil des ans, les organisations fantastiques qui soutiennent la communauté des personnes sourdes et aveugles, notamment le Centre canadien Helen Keller, le groupe de travail du Mois national de la sensibilisation à la surdi-cécité, les Services communautaires surdi-cécité de l’Institut national canadien pour les aveugles, et la Fondation de la surdi-cécité de l’Ontario. Je remercie toutes ces organisations remarquables pour leur leadership exceptionnel, leur dévouement et leur engagement envers la communauté sourde-aveugle, ainsi que pour les efforts qu’elles déploient afin que ces consommateurs aient les mêmes droits et les mêmes possibilités que les autres.

Enfin, je tiens à rendre hommage à un bon ami et un ancien collègue, l’honorable Vim Kochhar, qui m’a donné le goût de me joindre à la communauté consacrée à la sensibilisation à la surdi-cécité. Vim est un véritable porte-drapeau, un militant infatigable qui s’est dévoué pendant plusieurs décennies pour aider les autres. Il est cofondateur des foyers Cheshire du Club Rotary, qui fournissent des logements à des personnes atteintes de surdi-cécité. Il a aussi fondé la Canadian Foundation for Physically Disabled Persons, qui procure du soutien aux personnes handicapées.

Honorables sénateurs, en ce mois de juin, je vous invite à souligner avec moi le Mois de la sensibilisation à la surdi-cécité.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Austin Fiala et de Will Judson. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Plett.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Journée mondiale des réfugiés. Cette journée n’a jamais été une journée de célébration, encore moins cette année, car cette année marque un nouveau seuil de misère, d’insécurité, de déchirement et de déplacement pour des millions d’autres personnes.

Rien qu’en Ukraine, plus de 7 millions de personnes ont fui l’invasion brutale et impitoyable de la Russie. En Afghanistan, nous avons assisté avec horreur au retour des talibans et à l’exode qui en a résulté.

Au total, il y a aujourd’hui plus de 100 millions de personnes qui ont été déplacées. C’est un nouveau record. Je sais que, parfois, les chiffres sont vides de sens, car on nous lance tellement de chiffres. Je vais donc essayer de les mettre en contexte. Cent millions de personnes, c’est plus que les populations totales du Royaume-Uni, de la France ou de l’Italie et plus de deux fois la population du Canada. Si on réunissait les plus grandes villes du monde, New Delhi, Mexico et Pékin, on n’arriverait toujours pas à 100 millions. De l’avis général, ce chiffre ne peut qu’augmenter en raison du changement climatique, des migrations climatiques et, malheureusement, des conflits.

Je crois que nous devons accepter cette nouvelle réalité, bien qu’elle soit tragique. Je comprends que le Canada a travaillé fort pour faire venir des Afghans et des Ukrainiens, mais nous savons que notre intervention pourrait être meilleure, plus rapide et plus empathique. Nous ne pouvons pas réinventer la roue chaque fois qu’une nouvelle crise survient, car il y en aura toujours une.

Le Canada doit être mieux préparé et tirer des leçons du passé et de ses réussites — par exemple l’accueil de réfugiés syriens —, et réaligner définitivement l’appareil gouvernemental à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada ainsi qu’à Affaires mondiales Canada et dans tous les ministères afin de créer un mécanisme d’intervention rapide qui rendra nos processus plus souples, mieux adaptés et plus efficaces. Nous le devons à ces gens qui ont perdu leur maison, et nous le devons aussi à nous-mêmes. Merci.

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Robert Plamondon et d’Hélène F. Fortin, membres externes du Comité permanent de l’audit et de la surveillance. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Klyne.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

Audit et surveillance

Les membres externes du comité

L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner les importantes contributions des deux membres externes du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, Mme Fortin et M. Plamondon.

Votre Honneur, je vous remercie d’avoir signalé leur présence à la tribune, et je suis heureux de pouvoir vous parler du travail qu’ils font en tant que membres du comité.

Comme les sénateurs le savent, le Comité permanent de l’audit et de la surveillance, mis sur pied en octobre 2020, a pour mandat de superviser les audits internes et externes du Sénat. À première vue, ce mandat peut ressembler à celui d’autres comités permanents. Cependant, ce comité a la particularité de comprendre deux membres externes qui ne sont pas sénateurs. C’est la première fois de l’histoire qu’un comité sénatorial inclut des membres qui ne sont pas sénateurs, et je suis heureux de dire que leurs vastes connaissances ont été d’un soutien précieux lors des travaux de notre comité.

Mme Fortin et M. Plamondon sont tous deux des comptables professionnels agréés hautement qualifiés qui, au cours de leur carrière respective, ont cumulé des décennies d’expérience d’une valeur inestimable. Leur rétroaction sur les travaux du comité m’a été extrêmement utile ainsi qu’à mes collègues du comité. Leur expérience et leur expertise dans le monde des affaires nous ont aidés à définir le mode de fonctionnement du processus d’audit du Sénat, un sujet qui concerne tout le monde dans cette enceinte.

En tant que président, j’ai grandement bénéficié de leurs connaissances et de leurs perspectives uniques. Ces deux membres externes rehaussent l’intégrité du comité et apportent des compétences spécialisées à ses travaux, ce qui est primordial, et leur précieuse contribution profite à tous les sénateurs.

Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance joue un rôle important pour protéger la réputation du Sénat du Canada, qui se voit renforcée par l’implication de Mme Fortin et de M. Plamondon.

Sur une note personnelle, je les tiens tous les deux en haute estime et j’ai hâte de poursuivre le travail que nous accomplissons ensemble. Je les remercie encore une fois de leur contribution et j’invite tous les sénateurs à se joindre à moi pour saluer leur travail. Merci.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je veux commencer par remercier le sénateur Klyne d’avoir présenté nos distingués invités. Chers collègues, les comités parlementaires sont habituellement réservés aux parlementaires. Il en est ainsi depuis 1867. Comme vous l’avez entendu, le 8 juin 2021, il y a un an à peine, le Comité sénatorial permanent de l’audit et de la surveillance a nommé deux membres externes, M. Plamondon et Mme Fortin, qui sont ici aujourd’hui.

Aujourd’hui, je prends la parole pour rendre hommage et souhaiter la bienvenue à nos nouveaux collègues du comité, qui sont aussi les collègues de tous les sénateurs. Je les remercie de leur excellent travail au Comité de l’audit et de la surveillance au cours de la dernière année. Je me rappelle la période pendant laquelle nous avons examiné les curriculum vitæ des candidats. La sénatrice Dupuis, le sénateur Downe et moi en avons épluché un grand nombre. Nous étions à la recherche de personnes du plus haut calibre, et je sais que nous les avons trouvées.

C’est un honneur de travailler aux côtés de ces personnes chevronnées au service du Sénat et des Canadiens tout en améliorant la reddition de comptes et la transparence au Sénat. Honorables sénateurs, veuillez encore une fois remercier M. Plamondon et Mme Fortin de leur précieuse contribution au Sénat.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Martin Gabber, de Laurie Hewson, de Peter Walesch et d’Elfie Walesch. Ils sont les invités de l’honorable sénateur Boehm.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!

La Journée mondiale des réfugiés

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : Honorables sénateurs, je prends aussi la parole aujourd’hui pour souligner la Journée mondiale des réfugiés et remercier les Canadiens d’avoir ouvert leurs portes et leur cœur à ma famille de réfugiés et aux nombreux autres Asiatiques du Sud qui ont fui l’Ouganda il y a 50 ans.

En juin 1972, il y a 50 ans, j’étais une étudiante vivant à Londres, en Angleterre, en compagnie de trois autres membres de ma famille. Ma mère était en visite et elle était avec nous lorsque nous avons reçu le pire appel téléphonique de nos vies nous informant que mon père, un député ougandais, avait été assassiné par les soldats du président Idi Amin.

Notre monde s’est écroulé, mais ma mère a gardé espoir. Le lendemain, quelqu’un a cogné à la porte. C’était mon père, Sherali Bandali Jaffer, qui avait fui l’Ouganda pour venir en Angleterre. Nous n’arrivions pas à y croire. Mon père n’a jamais révélé les détails de la façon dont il s’était échappé pour nous rejoindre, mais nous savons qu’il a eu l’aide d’amis dans l’armée. Beaucoup de ses collègues n’ont pas eu cette chance.

Mon mari et moi sommes retournés en Ouganda. Nous y étions le 3 août 1972, lorsque le président a déclaré qu’il allait expulser tous les Ougandais d’origine asiatique. Mon mari et moi étions en train de nous préparer à quitter l’Ouganda lorsque l’armée s’est présentée à la maison de ma belle-famille. Je n’oublierai jamais ce jour.

(1420)

De jeunes soldats pointaient quatre fusils dans la direction de mon mari : deux devant sa tête et deux autres, enfoncés dans son estomac. Ils l’ont forcé à monter dans une jeep. Heureusement pour nous, la police est arrivée et a insisté pour que mon mari soit amené au poste de police, et non à la caserne. Heureusement, Nuralla, mon mari, a été libéré plus tard cette journée-là, et nous avons quitté l’Ouganda le plus tôt possible.

Son Altesse l’Aga Khan et son oncle, le prince Sadruddin, qui était alors haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, sont intervenus : ils ont convaincu l’ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau et plusieurs autres dirigeants mondiaux de nous aider. Nous avons été chanceux d’être secourus si rapidement. Nous serons toujours reconnaissants envers les agents d’immigration canadiens comme Mike Molloy, qui s’est rendu en Ouganda et nous a littéralement sauvé la vie.

Mon histoire n’est pas unique. Des centaines de réfugiés avant et après moi ont vécu des expériences semblables.

Honorables sénateurs, en cette Journée mondiale des réfugiés, n’oublions pas les femmes, les hommes et les enfants partout dans le monde qui se languissent dans des camps de réfugiés. Ils ont tout perdu, et nous sommes bien placés pour leur donner une chose dont ils rêvent : de l’espoir; l’espoir d’un avenir meilleur pour eux et leur famille.

Je resterai éternellement redevable aux Canadiens de nous avoir ouvert leurs portes, à ma famille et moi, lorsque nous avons eu besoin d’eux. J’espère que nos portes et nos cœurs resteront ouverts pour accueillir des réfugiés du monde entier, et leur permettre d’espérer des lendemains meilleurs. Je vous remercie, honorables sénateurs.

Des voix : Bravo!

Visiteurs à la tribune

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Sara Tessier, gestionnaire d’impact pour les personnes anciennement détenues à la NorthPine Foundation, et de sa partenaire, Megan Conrad. Elles sont les invitées de l’honorable sénatrice Pate.

Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.

Des voix : Bravo!


AFFAIRES COURANTES

Projet de loi portant mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes et modifiant d’autres lois

Projet de loi modificatif—Présentation du cinquième rapport du Comité des peuples autochtones

L’honorable Brian Francis, président du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, présente le rapport suivant :

Le jeudi 16 juin 2022

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a l’honneur de présenter son

CINQUIÈME RAPPORT

Votre comité, auquel a été renvoyé le projet de loi S-10, Loi portant mise en vigueur de l’accord en matière de gouvernance conclu avec la Nation des Anishinabes, modifiant la Loi sur l’autonomie gouvernementale de la bande indienne sechelte et la Loi sur l’autonomie gouvernementale des premières nations du Yukon et apportant des modifications connexe et corrélatives à d’autres lois, a, conformément à l’ordre de renvoi du 14 juin 2022, examiné ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement.

Respectueusement soumis,

Le président,

BRIAN FRANCIS

 — Honorables sénateurs, après lecture du rapport par la greffière au Bureau, je demande le consentement du Sénat pour en parler très brièvement.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Le sénateur Francis : Honorables sénateurs, j’interviens brièvement au nom du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Le comité souhaite féliciter la Nation des Anishinabes d’avoir conclu cet accord historique en matière de gouvernance ainsi que la Nation shishalhe à l’approche de la mise en œuvre de son premier accord officiel sur l’autonomie gouvernementale autochtone au Canada. Le comité note qu’il a fallu 27 ans pour négocier l’accord en matière de gouvernance avec la Nation des Anishinabes et exhorte le gouvernement fédéral à maintenir en poste les négociateurs et le personnel tout en appuyant la capacité de négociation des collectivités des Premières Nations de manière à ce que les accords puissent se conclure rapidement et efficacement. Wela’lioq, merci.

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?

L’honorable Patti LaBoucane-Benson : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5b) du Règlement, je propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois maintenant.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

Le Sénat

Préavis de motion tendant à prolonger la séance du mercredi 22 juin 2022

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :

Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, la séance du mercredi 22 juin 2022 continue au-delà de 16 heures et soit levée à la fin des affaires du gouvernement ou à minuit, selon la première éventualité, à moins d’être ajournée plus tôt par voie de motion.

[Français]

Le Code criminel
La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

La Loi constitutionnelle de 1867

Projet de loi modificatif—Première lecture

Son Honneur le Président annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-14, Loi modifiant la Loi constitutionnelle de 1867 (représentation électorale), accompagné d’un message.

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Gold, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)

[Traduction]

Le Code criminel

Première lecture

L’honorable Stan Kutcher dépose le projet de loi S-251, Loi abrogeant l’article 43 du Code criminel (appel à l’action numéro 6 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada).

(Le projet de loi est lu pour la première fois.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?

(Sur la motion du sénateur Kutcher, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)


(1430)

PÉRIODE DES QUESTIONS

La sécurité publique

Le transport transfrontalier des armes à feu

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse, encore aujourd’hui, au leader du gouvernement au Sénat.

Monsieur le leader, comme le rapportait récemment Statistique Canada, les crimes commis au moyen d’une arme à feu sont en hausse depuis que le gouvernement néo-démocrate—libéral est au pouvoir, mais la solution du gouvernement est d’imposer des interdictions arbitraires, de présenter des mesures législatives indulgentes envers les criminels et de créer un programme de rachat compliqué qui n’a pas encore été lancé. Pendant ce temps, les armes à feu illégales continuent d’arriver en masse au Canada par la frontière avec les États-Unis.

La réponse donnée à une des questions écrites que j’ai fait inscrire au Feuilleton révélait que, de 2016 à 2022, l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi seulement 225 armes à feu qui, à première vue, seraient liées à la criminalité, ou des armes qu’on croit ou qu’on sait être destinées à une utilisation illicite au Canada.

Monsieur le leader, ce nombre vous semble-t-il suffisant? Êtes-vous satisfait de ces pitoyables résultats de la lutte contre la contrebande d’armes à feu, qui est de loin la plus importante source des armes à feu qui se retrouvent dans les rues? Si le gouvernement souhaite vraiment s’attaquer à la criminalité liée à l’utilisation d’armes à feu, pourquoi retire-t-il, au moyen du projet de loi C-5, les peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les criminels qui font entrer illégalement des armes à feu au pays?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Elle porte sur de nombreux aspects du problème.

Le gouvernement prend divers moyens pour lutter contre les crimes commis au moyen d’une arme à feu. Je précise qu’il ne partage pas votre point de vue quant à l’importance ou l’efficacité de ces mesures, pas plus d’ailleurs que sur les peines minimales obligatoires. Nous aurons l’occasion de débattre de cet aspect de la question.

Vous demandez si le gouvernement estime avoir stoppé la contrebande d’armes illégales à la frontière? Évidemment pas. On m’informe toutefois que, l’an dernier, l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi un nombre record d’armes illégales, et que comme le gouvernement a constaté qu’il reste encore du travail à faire, il a investi plus de 350 millions de dollars dans les forces de l’ordre pour mettre fin au trafic d’armes illégales.

Le fléau de la violence liée aux armes à feu qui frappe le Canada constitue un grave problème qui exige des mesures sérieuses. Voilà ce que l’actuel gouvernement offre aux Canadiens.

Le sénateur Plett : Monsieur leader, il ne fait évidemment aucun doute que le gouvernement dépense de l’argent inutilement, soit des millions et des millions de dollars, sur ce qu’il fait. Cela n’a même pas été mentionné dans ma question.

Voyons si vous pouvez répondre à cette question sans l’aide de ma collègue la sénatrice Lankin.

Le premier ministre aime souligner que la peine d’emprisonnement pour les contrebandiers d’armes à feu illégales passera de 10 à 14 ans grâce au projet de loi C-5, afin de montrer qu’il prend des mesures contre la contrebande d’armes à feu. Selon une réponse récente à une question écrite au Feuilleton sur les affaires criminelles entre avril 2019 et mars 2020 où la contrebande d’armes à feu était l’infraction la plus grave :

Sur ces huit cas, deux ont abouti à une déclaration de culpabilité et six à un arrêt des procédures ou à un retrait des accusations. Sur les deux cas impliquant des déclarations de culpabilité pour une infraction à l'article 103, l'un impliquait une période d'emprisonnement de plus de 24 mois et l'autre une période de probation de 2 à 3 ans.

Monsieur le leader, la Bibliothèque du Parlement n’a pas pu trouver un seul cas au cours des 20 dernières années où le tribunal a imposé la peine maximale actuelle de 10 ans.

À quoi cela sert-il donc, monsieur le leader, de faire passer la peine minimale à 14 ans? Les délinquants ne reçoivent même pas la peine de 10 ans qui est actuellement prévue. Où sont les véritables mesures nécessaires pour lutter contre la contrebande d’armes à feu illégales à la frontière? Quand cela commencera-t-il, monsieur le leader?

Le sénateur Gold : Les mesures ont commencé, et elles vont se poursuivre.

En ce qui concerne les peines que les tribunaux imposent, avec ou sans peines minimales, le gouvernement a confiance dans la capacité des tribunaux de respecter l’exigence constitutionnelle selon laquelle ils doivent veiller à ce que les peines soient proportionnelles à la nature du crime et aux circonstances dans lesquelles il a été commis.

J’ajouterais que les mesures visant le transport transfrontalier d’armes varient selon qu’il s’agit du collectionneur qui, par mégarde, oublie de remplir les documents nécessaires après avoir participé à une exposition d’armes à feu au-delà de la frontière ou de trafic illégal à grande échelle d’armes à feu.

Les juges doivent tenir compte de toutes les circonstances lorsqu’ils exercent leur pouvoir discrétionnaire. C’est l’intention et l’objectif du projet de loi C-5.

Les services aux Autochtones

La violence fondée sur le sexe

L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, ma question s’adresse aussi au leader du gouvernement au Sénat.

Le 15 décembre 2020, le gouvernement Trudeau a annoncé une somme de 724,1 millions de dollars pour mettre en place une stratégie globale de prévention de la violence. Plus de la moitié de cette somme devait servir à financer au moins 38 nouveaux refuges et 50 logements de transition pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis de partout au pays, y compris dans les réserves, dans le Nord et dans les zones urbaines.

Mardi, le Globe and Mail a révélé qu’en date du 31 mai, ce financement n’avait pas encore été affecté. De plus, alors que le gouvernement promettait plus de 700 millions de dollars dans le cadre de la stratégie, seulement 12,6 millions ont été dépensés pour la prévention de la violence, soit moins de 2 % de la somme totale annoncée il y a un an et demi.

Pourriez-vous nous dire, monsieur le leader, pourquoi ce programme qui est censé soutenir les femmes et les filles autochtones est un échec aussi lamentable?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je ne connais pas les détails des demandes de financement ni des circonstances qui entourent l’affectation des fonds. Cela dit, le gouvernement actuel a fait davantage pour défendre les intérêts des femmes, des hommes, des enfants, des familles et des communautés autochtones que tout autre gouvernement dans l’histoire du pays.

Je m’informerai pour obtenir les renseignements demandés. J’ajouterai toutefois — puisque je suis d’humeur à ajouter un commentaire, si vous le permettez — qu’il est plutôt étrange que, pendant une même journée, le gouvernement se fasse reprocher de verser des tonnes d’argent beaucoup trop rapidement, et de ne pas prendre le temps, lorsqu’il annonce des exigences liées au financement, de s’assurer que les fonds sont bien affectés à des organisations qui sont assez bien préparées et organisées pour les recevoir. Mais bon, je digresse.

La sénatrice Martin : Le gouvernement néo-démocrate—libéral affirme qu’il compte faire le point sur la façon dont ces fonds seront affectés au courant de l’été.

Monsieur le leader, le gouvernement a-t-il un échéancier pour commencer la construction de ces nouveaux refuges et logements de transition? Le gouvernement Trudeau s’engagera-t-il à ce que ces refuges ouvrent leurs portes pour servir les collectivités cette année?

Le sénateur Gold : C’est une bonne question et une question sérieuse. Je ne veux pas que ma réponse précédente enlève quoi que ce soit au sérieux de cette question et à l’importance de cet enjeu d’offrir les refuges adéquats qui ont été annoncés.

Je devrai examiner la question et faire rapport au Sénat, mais, encore une fois, il est probable que les décisions concernant les refuges et leur nature se prennent en collaboration avec les collectivités d’accueil. Je m’attends à recevoir cette réponse quand je m’informerai.

Le patrimoine canadien

La minorité anglophone du Québec

L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, le silence du gouvernement fédéral concernant la loi 96 au Québec est assourdissant. La communauté des gens d’affaires du Québec croit fermement à la protection de la langue française et au maintien de sa vitalité, mais elle est préoccupée. Elle estime que la loi va trop loin.

Que fera le gouvernement fédéral à l’égard de la loi 96? Quand commencera-t-il à défendre les droits de l’une des plus importantes minorités linguistiques au Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question, de Montréalais à Montréalais.

Le gouvernement est déterminé à protéger et à défendre les droits des communautés linguistiques minoritaires partout au pays, y compris ceux des Québécois anglophones. Le premier ministre a exprimé clairement son respect à l’égard de la compétence des provinces en la matière. En même temps, il a exprimé ses graves préoccupations concernant le libellé de la loi et la manière dont cette dernière est à l’abri de toute contestation de sa constitutionnalité. Je suis convaincu que le gouvernement fera ce qui s’impose.

(1440)

J’aimerais souligner qu’en vertu de la réglementation fédérale, les réformes proposées dans le projet de loi C-13, qui est à l’autre endroit, maintiennent les droits et les protections dont jouit la minorité anglophone du Québec.

Le gouvernement continuera à soutenir financièrement la communauté et ses organismes, à protéger le Programme de contestation judiciaire pour aider la communauté à défendre ses droits devant les tribunaux, et à aider la communauté à renforcer ses institutions pour maintenir et préserver sa vitalité.

Le sénateur Loffreda : Merci de votre réponse.

Le premier ministre a dit qu’il avait des inquiétudes, mais il ne s’est pas prononcé publiquement contre cette loi ni n’a pris position sur la question.

En tant que juriste et expert constitutionnel, ne pensez-vous pas que la disposition de dérogation devrait être le dernier recours et non le premier? N’est-ce pas là un dangereux précédent au Canada pour les minorités et leurs droits?

Au Québec, le milieu des affaires a exprimé son inquiétude. L’autre jour, les entreprises technologiques ont envoyé une lettre au premier ministre pour lui faire part de leur préoccupation quant à leur capacité d’attirer et de retenir les meilleurs talents. Bon nombre d’entre elles ont de grands marchés d’importation et d’exportation.

Il s’agit d’une préoccupation sérieuse pour le milieu des affaires et d’une préoccupation sérieuse pour les droits des minorités au Canada. Je pense que le gouvernement devrait adopter une position plus ferme.

Le sénateur Gold : Merci. Je suis heureux de répondre à votre question à titre de représentant du gouvernement au Sénat. Nous sommes tous plusieurs choses. Je suis un avocat de droit constitutionnel et un Anglo-Québécois, mais je vous réponds en tant que représentant du gouvernement.

La disposition de dérogation est tout à fait légale, mais ses conséquences sont bien entendu graves. Elle suspend les droits et les libertés garantis par la Charte québécoise — dans le cas du recours à la loi 96 — et, bien entendu, par la Charte canadienne des droits et libertés.

Le gouvernement est d’avis que si un gouvernement choisit d’avoir recours à un remède de cette ampleur, il doit établir et défendre les circonstances exceptionnelles qui justifient la restriction ou la suspension de ces protections fondamentales.

Le gouvernement est particulièrement préoccupé que des gouvernements utilisent la disposition de dérogation de façon préventive — ce qui est le cas avec la loi 96 —, avant même le début du débat et avant que les tribunaux aient rendu une décision au sujet de la portée de la restriction. Le gouvernement du Canada a été clair à ce sujet.

[Français]

Les affaires étrangères

Le soutien aux personnes LGBTQ2+

L’honorable René Cormier : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.

L’Afghanistan était déjà un endroit dangereux pour les personnes LGBTQ2+ bien avant que les talibans ne reprennent le contrôle du pays. Depuis le 15 août 2021, la situation s’est aggravée de manière dramatique. Selon un rapport de Humans Rights Watch, depuis leur retour au pouvoir, les talibans ont perpétré de multiples actes de violence gratuits et sans scrupules à l’endroit de personnes LGBTQ2+.

En août 2021, le Canada affirmait qu’il étendrait son programme pour réinstaller 20 000 Afghans et qu’un programme spécial serait mis en place pour accueillir les Afghans vulnérables, dont les personnes LGBTQ2+.

Sénateur Gold, quelles actions le gouvernement canadien entreprend-il actuellement pour poursuivre l’accueil de réfugiés afghans LGBTQ2+? L’organisme Rainbow Railroad, qui vient en aide aux ressortissants LGBTQ2+ afghans, affirme que 300 d’entre eux, à haut risque d’être persécutés, seraient en attente d’être évacués d’urgence. Que fait le gouvernement canadien pour leur venir en aide?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

La porte du Canada est toujours ouverte pour les personnes qui s’identifient comme LGBTQ2+ et qui fuient les violences et les persécutions dans leur pays.

On m’informe que le gouvernement travaille en étroite collaboration avec des organisations telles que la Rainbow Refugee Society et l’Agence des Nations unies pour les réfugiés ainsi que d’autres organismes afin d’aider à parrainer les réfugiés LGBTQ2+ de l’étranger. Le gouvernement soutient au moins 55 fournisseurs de services afin d’aider ces personnes à se sentir chez elles au Canada.

Pour ce qui est de la spécificité de votre question, cher collègue, je vais me renseigner sur les réfugiés afghans et j’espère avoir une réponse en temps utile.

Le sénateur Cormier : Merci de cette réponse qui ne met pas en évidence, monsieur le représentant du gouvernement au Sénat, l’urgence de la situation actuelle.

Cette urgence existe aussi en Ukraine. Les communautés LGBTQ2+ font face à plusieurs enjeux, notamment le manque de disponibilité des médicaments pour personnes trans, leur difficulté à se déplacer parce que leurs documents d’identité ne reflètent pas adéquatement leur genre, le fait que les pays avoisinants dans lesquels les Ukrainiens peuvent trouver refuge ont pour la plupart des lois discriminatoires en matière de droits LGBTQ2+, et j’en passe.

Sénateur Gold, comment le gouvernement canadien leur vient-il en aide, en Ukraine?

Le sénateur Gold : Je remercie l’honorable sénateur de sa question.

Nous avons tous un rôle à jouer pour faire en sorte que ces personnes se sentent en sécurité et soient soutenues. Je n’ai pas les détails sur la situation en Ukraine, mais je vais demander des précisions au gouvernement sur cette question ainsi que la précédente et je vous reviendrai avec une réponse aussi tôt que possible.

[Traduction]

Le patrimoine canadien

Les répercussions du projet de loi C-11 sur les artistes

L’honorable David Richards : Sénateur Gold, je sais que le projet de loi C-11 n’a pas encore été soumis à la Chambre haute. Toutefois, j’aimerais savoir si je peux vous poser deux petites questions, si vous le permettez.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Bien sûr.

Le sénateur Richards : Ma première question est la suivante. À quel point sera-t-il difficile pour les auteurs traitant avec Patrimoine canadien et le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications, ou le CRTC, de diffuser leur propre contenu original quand ce dernier ne satisfera pas aux nouveaux critères de ces institutions?

Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Malheureusement, cher collègue, je n’ai pas la réponse à votre question.

Toutefois, je suis heureux de vous annoncer que le projet de loi fait l’objet d’une étude préalable au Sénat. J’ai toutes les raisons de croire que la réponse à cette question viendra à mesure que les travaux du comité avanceront.

Le sénateur Richards : Si le projet de loi est adopté, est-ce que les plateformes artistiques et créatives, peu importe la région au Canada, seront surveillées par les représentants du gouvernement de façon régulière?

Le sénateur Gold : Encore une fois, cher collègue, je dois malheureusement vous dire que je ne peux répondre avec plus de précision.

Je vous invite, ainsi que vos collègues qui le souhaitent, à participer à l’étude préalable et, surtout, au processus qui s’entamera lorsque le projet de loi sera soumis au Sénat, ce qui devrait se faire cette semaine. Quand le projet de loi sera renvoyé au comité à la reprise des travaux à l’automne, je suis convaincu que nous pourrons obtenir des réponses claires à vos questions.

Les transports

La pandémie de COVID-19—Les restrictions concernant les voyages

L’honorable Leo Housakos : Honorables sénateurs, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Sénateur Gold, depuis le début, l’application ArriveCAN imposée par le gouvernement a causé des problèmes aux Canadiens en raison de son inefficacité et de son manque de fiabilité, ce qui a souvent conduit des personnes à se retrouver en quarantaine forcée pendant deux semaines parce que l’application ne fonctionnait tout simplement pas correctement. Cet outil n’a jamais été à la hauteur des attentes et n’aurait jamais dû être obligatoire.

Sénateur Gold, quand le gouvernement abandonnera-t-il cet outil intrusif et inefficace? Compte-t-il même s’en débarrasser? Se pourrait-il que ce ne soit pas la mesure temporaire que votre gouvernement a prétendue et promise?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, merci de la question. Le gouvernement ne partage pas votre point de vue sur l’utilité ou l’efficacité de l’application. Celle-ci demeure un outil essentiel et intuitif pour protéger les Canadiens alors que nous ouvrons nos frontières et que nous relançons notre économie. Grâce à l’application, le gouvernement a simplifié le processus de réouverture. On m’informe que les voyages ont augmenté de 707 % par rapport au sommet de la pandémie, grâce à cela.

ArriveCAN ne prend que quelques minutes à remplir pour les voyageurs vaccinés. Plus de 99 % des voyageurs aériens et maritimes, et 94 % des voyageurs terrestres, se sont conformés à la réglementation et ont ainsi bénéficié d’une efficacité accrue.

Le sénateur Housakos : Sénateur Gold, je sais que le gouvernement ne partage pas mon point de vue. C’est pour cela que nous nous retrouvons avec d’énormes arriérés au ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté ainsi que de très longues files aux bureaux de Passeport Canada. Évidemment, la seule chose que le gouvernement a vraiment réussi à faire progresser, c’est l’inflation, qui a atteint des proportions terribles qu’on n’avait jamais vues depuis 30 ans.

Sénateur Gold, le plus grand aéroport du pays, l’aéroport Pearson de Toronto, est encore paralysé parce que l’utilisation obligatoire de l’application ArriveCAN a fait doubler le temps de traitement. Par ailleurs, des représentants de l’industrie du tourisme et des maires de villes frontalières du Canada réclament la levée de cette mesure en raison de ses effets négatifs sur le tourisme le long de la frontière.

(1450)

Le gouvernement a eu recours à la Loi sur les mesures d’urgence en se fondant sur des préoccupations à l’égard de la réputation économique du pays. Que fait-on des atteintes à la réputation économique qui découlent de l’entêtement du gouvernement à imposer l’utilisation de cette application ridicule? Est-ce là un sujet de préoccupation pour le gouvernement et vous?

Le sénateur Gold : Le gouvernement est évidemment soucieux de pouvoir offrir aux gens qui visitent le Canada une expérience agréable leur permettant de découvrir les formidables attraits de notre pays. Comme on l’a déjà dit dans cette enceinte, les activités touristiques et les voyages sont en hausse. À cet égard, le gouvernement est très satisfait des progrès qui sont réalisés en vue de rétablir les conditions d’avant la pandémie, et il espère que cette hausse au chapitre des activités touristiques et des voyages profitera aux industries du voyage et de l’hébergement, car, comme nous le savons, la pandémie a été lourde de conséquences pour ce secteur.

[Français]

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

Les services de passeport

L’honorable Claude Carignan : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Aujourd’hui, dans le journal Le Devoir, on pouvait lire un article intitulé « Deux nuits dehors pour un passeport ». Je vais citer quelques extraits de cet article pour illustrer la situation actuelle, qui est totalement chaotique, aux bureaux de Passeport Canada. On y relate ce qui se passe dans un bureau en particulier, mais c’est la même chose dans d’autres. Voici ce que dit l’article :

Des voyageurs craignent de ne pas obtenir à temps leur passeport malgré deux nuits passées dehors [...]

Le Service de police [...] confirme avoir été appelé vers 15 h 30, mardi, pour calmer le jeu lors d’un « conflit » au point de service [...]

Au moment où elle planifiait le renouvellement de son passeport, Andrée-Anne Nadeau, une résidente de Boucherville, s’est vu attribuer par Service Canada un rendez-vous dans les bureaux du boulevard René-Lévesque... à Chandler, en Gaspésie.

C’est à 947 kilomètres de Boucherville; c’est à 12 heures de route!

L’article rapporte également les propos de la porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal : « Un suspect aurait poussé par mécontentement l’agent de sécurité [...] ».

De plus, l’article mentionne que « certaines personnes ont tenté d’en dépasser d’autres dans la file d’attente », ce qui a provoqué des altercations. L’article rapporte aussi les propos d’un témoin : « S’il y a 400 personnes en file à 4 h du matin, tu te faufiles. Le monde est désespéré ».

Plus loin dans l’article, on mentionne ce qui suit :

Le site Web du bureau des passeports de Saint-Laurent indiquait toujours que l’attente y était de 3 h 45, mercredi. Il fallait plutôt compter 30 heures d’attente [...]. Près de 200 personnes se préparaient à passer la nuit devant ce bureau, mercredi soir.

Cela se passe ici, au Canada, à Montréal, dans un bureau des passeports. Monsieur le leader, êtes-vous conscient du fait que l’inertie, l’amateurisme et l’improvisation de votre gouvernement sont en train de créer un véritable chaos au sein de la population en quête d’un passeport?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je suis très conscient de la frustration. Ce mot n’est sans doute pas assez fort pour décrire la situation à laquelle font face les Canadiens qui cherchent à renouveler leur passeport. C’est un problème sérieux et énorme.

Le gouvernement met la main à la pâte en finançant l’embauche de centaines de personnes additionnelles qui font des heures supplémentaires et qui travaillent pendant les fins de semaine pour essayer de résoudre ce problème qui ne se réglera pas en quelques minutes. Il faudra du temps pour que les mesures prennent effet. Le gouvernement est préoccupé et prend la situation très au sérieux.

Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, si votre gouvernement prend la situation très au sérieux, pouvez-vous expliquer pourquoi, il y a trois semaines, devant le bureau des passeports anciennement situé au 1, Place Laval, à Laval, des gens attendaient encore une fois pour renouveler leur passeport et qu’à un moment donné, un agent de sécurité est venu leur dire que le bureau avait déménagé. Il n’y avait aucune indication, pas même un message sur la porte pour informer les gens.

Monsieur le leader, est-ce que vous considérez cela comme un service à la clientèle digne de l’année 2022, au Canada?

Le sénateur Gold : Je n’étais pas au courant de cette situation. Je n’ai aucune excuse, sauf des excuses à faire auprès de ceux et celles qui ont attendu à cet endroit. Je tenterai d’en apprendre davantage et je vous répondrai au moyen d’une explication dès que je recevrai une réponse.

[Traduction]

L’environnement et le changement climatique

La cible de réduction des émissions

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, en avril dernier, j’ai posé une question au sénateur Gold sur les cibles de réduction des émissions du Canada, en soulignant le fait que le gouvernement néo-démocrate—libéral n’avait pas consulté les agriculteurs à propos de l’atteinte de ces cibles. Les recherches effectuées par Fertilisants Canada indiquent que l’atteinte de ces cibles aurait des conséquences dévastatrices sur l’ensemble du secteur en lui coûtant 48 milliards de dollars.

Monsieur le leader, vous n’aviez pas pu me dire si les agriculteurs avaient été consultés ou, dans l’affirmative, dans quelle mesure ils l’avaient été, mais vous avez affirmé ce qui suit :

[...] je peux assurer au Sénat que la cible fixée par le gouvernement a été décidée en fonction des recommandations et qu’elle reflète l’engagement du Canada à faire sa part dans la réduction des gaz à effet de serre et à lutter contre le changement climatique.

Monsieur le leader, les recommandations dont vous avez parlé au sujet de l’atteinte des cibles de réduction du Canada incluaient-elles des avis d’Environnement et Changement climatique Canada et de Ressources naturelles Canada? Doit-on plutôt comprendre que le gouvernement les a ignorés pendant l’établissement des cibles tout comme il l’avait fait avec les agriculteurs et Fertilisants Canada?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Eh bien, ma réponse demeure la même que celle que vous avez citée. Je ne suis pas au courant de la nature des consultations ou des recommandations et je ne tenterai pas de donner une réponse parce que je ne le sais pas.

Le gouvernement continuera son travail afin d’aider le Canada à faire sa part dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de carbone tout en tenant compte des besoins économiques de tous les secteurs, y compris celui de l’agriculture.

Le sénateur Plett : Eh bien, j’espère que vous obtiendrez la réponse que je demande, même si vous ne l’avez pas aujourd’hui.

Un article paru dans le Globe and Mail du mardi citait des documents gouvernementaux confidentiels sur les objectifs de réduction des émissions fixés en mars. Monsieur le leader, ces documents, y compris les conclusions d’Environnement et Changement climatique Canada et de Ressources naturelles Canada, révèlent qu’il est complètement irréaliste pour le gouvernement de s’attendre à ce que le secteur pétrolier et gazier réduise ses émissions de 81 mégatonnes d’ici 2030.

Ils indiquent que l’industrie pourrait seulement réduire ses émissions de 43 mégatonnes d’ici cette date. Les fonctionnaires d’Environnement et Changement climatique Canada ont dit qu’ils fourniraient au Globe and Mail des documents montrant comment on comblerait l’écart entre les 43 et 81 mégatonnes. Puis, bien sûr, ils sont revenus sur cette promesse. Le gouvernement nous dit constamment qu’il se fie à la science, mais il ignore les conseils de ses propres experts.

Monsieur le leader, pourriez-vous nous dire pourquoi le gouvernement ne s’est pas fixé des cibles plus réalistes en matière de réduction des émissions? Vous engagerez-vous à déposer dans cette enceinte les documents promis au Globe and Mail afin d’expliquer comment on comblerait cet écart de 38 mégatonnes?

Le sénateur Gold : Le gouvernement n’ignore pas les recommandations des experts, mais laissez-moi répondre à votre question. J’ai été informé que l’analyse à laquelle vous vous référez, sénateur Plett, fait partie des nombreuses études internes réalisées aux fins d’évaluation et de considération au tout début de l’élaboration du plan. Cette analyse ne donne qu’une vision très partielle de l’analyse interne réalisée par le gouvernement. En outre, elle ne reflète pas les dernières projections du gouvernement. L’ultime analyse s’appuie sur les dernières projections fournies par la Régie de l’énergie du Canada sur la trajectoire concernant la production pétrolière. L’analyse dont vous avez parlé ne prend pas non plus en compte dans quelle mesure certaines technologies — comme le captage et le stockage du carbone — pourraient réduire les émissions de gaz à effet de serre. Au contraire, cette analyse ne porte que sur les technologies existantes.

On m’a également avisé que le plan de réduction des émissions — en plus des autres approches réglementaires en cours de développement — montre qu’avec les bons signaux politiques et le soutien des cadres de travail en place, le Canada peut en effet atteindre son objectif de 40 % de réduction d’ici 2030, ce qui correspond à une réduction de 81 mégatonnes de pollution.

L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté

La réinstallation des réfugiés

L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au leader du gouvernement au Sénat sur l’invasion russe de l’Ukraine.

Si l’on dresse un constat, les civils innocents ukrainiens ont besoin de plus de soutien pour essuyer le plus fort de l’attaque d’un odieux dirigeant qui défie le droit international; et les pays occidentaux — y compris le Canada — n’ont pas autant d’empathie pour les réfugiés provenant d’autres zones de conflit, qu’ils traitent différemment des Ukrainiens.

(1500)

Le ministre Sean Fraser nous a dit que le Canada est prêt à recevoir des Ukrainiens et qu’il n’y a pas de limite au nombre de demandes. On constate un écart entre les 43 000 Ukrainiens et les 16 000 Afghans reçus au Canada. Certains ont donné l’inacceptable explication que cela était essentiellement dû au racisme systémique.

Sénateur Gold, quelle est l’explication du gouvernement concernant l’écart lié aux efforts de réinstallation des Ukrainiens et des Afghans?

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Le gouvernement ne cherche pas à justifier l’écart. Les raisons sont multiples, notamment la différence des circonstances — tout aussi horribles en Afghanistan et ses environs qu’en Ukraine et ses environs — quant à la facilité ou la difficulté de traiter les demandes des réfugiés qui souhaitent venir au pays.

Le gouvernement continue d’ailleurs à faire tout en son pouvoir pour recevoir autant de réfugiés que possible d’Ukraine et à travailler pour accroître le nombre d’immigrants qui arrivent d’Afghanistan.

Réponses différées à des questions orales

(Le texte des réponses différées figure en annexe.)


[Français]

ORDRE DU JOUR

Décision de la présidence

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, après la période des questions le jeudi 9 juin 2022, la sénatrice Miville-Dechêne a soulevé un rappel au Règlement concernant une possible violation de la confidentialité d’une réunion à huis clos tenue plus tôt cette semaine-là. Je souhaite remercier l’honorable sénatrice d’avoir soulevé cette question, ainsi que tous les sénateurs qui ont contribué au débat sur le rappel au Règlement.

Collègues, la discussion portait sur des éléments ayant possiblement été abordés au comité. Nous n’avons pas accès aux délibérations à huis clos et nous ne savons pas ce qui a été dit ou fait au comité. Différents faits nous ont été présentés. À mon avis, il serait préférable que ce soit le comité qui en discute. Comme l’indique le paragraphe a) de l’annexe IV du Règlement du Sénat, « [l]orsqu’un rapport, des délibérations ou d’autres documents confidentiels d’un comité font l’objet d’une fuite, le comité concerné devrait d’abord examiner les circonstances de la fuite ». Le comité peut ensuite prendre les mesures de suivi appropriées.

Je désire rappeler à tous les honorables sénateurs que les délibérations et tous travaux liés aux réunions à huis clos sont confidentiels, et votre collaboration à agir avec prudence à cet égard est grandement appréciée.

Les travaux du Sénat

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-13(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : la troisième lecture des projets de loi S-4, S-6, C-24 et C-25, suivie de l’étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.

Projet de loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures)

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

— Honorables sénateurs et sénatrices, j’ai l’honneur aujourd’hui de lancer le débat à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois (réponse à la COVID-19 et autres mesures).

Ce projet de loi propose des modifications au Code criminel et à d’autres lois en réponse à certaines difficultés relatives à l’administration du système de justice pénale qui ont été mises en évidence pendant la pandémie de COVID-19, notamment en matière d’utilisation des nouvelles technologies. Il complète ainsi le projet de loi C-75 que nous avions adopté en 2019.

Avant de résumer les modifications, je tiens à remercier sincèrement les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles de l’examen approfondi qu’ils ont fait de ce projet de loi. Je remercie aussi les témoins. Le comité en a entendu plus de 20 qui ont généreusement partagé leur temps et leur expertise avec nous. De plus, les membres du comité ont eu accès à de nombreux documents, y compris des mémoires préparés par des personnes et des organisations qui s’intéressent au fonctionnement du système de justice pénale. Le comité a aussi consacré deux réunions à l’étude article par article du projet de loi.

Comme le soulignait hier la présidente du comité, la sénatrice Jaffer, le comité a proposé deux amendements et formulé plusieurs observations qui, je l’espère, guideront le ministère de la Justice ainsi que les députés dans le cadre des étapes à venir.

Finalement, je souligne les nombreux échanges que nous avons eus avec le sénateur Carignan, porte-parole du projet de loi, qui ont été constructifs.

Alors que bon nombre des mesures liées à la COVID-19 sont désormais levées, vous vous demandez peut-être si ce projet de loi est toujours nécessaire. En réalité, le projet de loi n’a rien perdu de sa pertinence. En effet, il permet au système de justice pénale de pérenniser des options conçues ou améliorées pendant la pandémie, relatives à l’utilisation de la technologie dans les processus judiciaires. Pérenniser la mise à disposition de telles options pour les accusés, les détenus et d’autres participants au système de justice pénale permet de favoriser un système plus souple, ce qui, je l’espère, contribuera à réduire les délais judiciaires.

En matière d’utilisation de nouvelles technologies, comme l’ont souligné plusieurs témoins et des sénateurs membres du comité, notamment le sénateur Wetston, il est impossible de revenir à un système de justice qui fonctionne selon des pratiques anciennes qui ignoraient le potentiel des nouvelles technologies et entraînaient souvent des fardeaux inutiles pour les participants au système de justice pénale.

Par exemple, pourquoi insister pour qu’un policier se déplace à un palais de justice pour remettre à un juge la réquisition écrite d’un mandat et qu’il attende dans un corridor qu’on lui remette un document l’autorisant si cette réquisition est acceptée après la seule lecture des documents soumis au juge? L’utilisation du courrier électronique en pareil contexte permet beaucoup plus d’efficacité.

De même, le système de justice pénale ne peut plus insister pour que tous les documents soient remis sur support papier et s’accrocher à des méthodes de travail inutilement longues ou coûteuses.

Pourquoi insister aussi pour que des centaines de candidats jurés se présentent dans un même lieu, en même temps, pour participer à une présélection quand on peut le faire en partie ou en totalité de façon virtuelle? Pourquoi exiger d’un accusé non représenté par avocat qu’il se déplace à des centaines de kilomètres de son lieu de résidence simplement pour plaider coupable à une infraction sommaire? Là encore, l’utilisation de moyens technologiques qui permettent, par exemple, la présence en mode virtuel est dans l’intérêt de la justice et de l’accusé.

C’est à ces questions et à d’autres de même nature que le projet de loi S-4 répond en autorisant expressément l’utilisation de moyens technologiques.

J’ajoute que la présence en mode virtuel des accusés et d’autres participants n’est pas une nouveauté introduite par le projet de loi S-4. En effet, depuis 2019, à la suite de l’adoption du projet de loi C-75, le Code criminel actuel inclut déjà une partie XXII.01 intitulée « Présence à distance de certaines personnes ». Ce que nous faisons en adoptant le projet de loi S-4, c’est élaborer et ajouter des dispositions à cette partie.

De plus, en réponse à la pandémie, les tribunaux ont fait preuve de créativité depuis mars 2020 pour autoriser la présence virtuelle des accusés dans plusieurs situations, en recourant notamment à l’alinéa 650(2)b) ou à l’article 715.23 du Code criminel actuel.

(1510)

[Traduction]

En mars 2020, lorsque la pandémie de COVID-19 est devenue une urgence de santé publique à l’échelle internationale, de nombreux tribunaux ont appliqué les dispositions relatives aux comparutions à distance, qui avaient été élargies ou énoncées dans le projet de loi C-75 en 2019 et qui venaient tout juste d’entrer pleinement en vigueur.

Cependant, la pandémie a fait ressortir la nécessité de préciser la loi et de mettre en place des mécanismes additionnels. C’est précisément ce que ferait le projet de loi S-4.

L’ancien juge en chef MacDonald, qui a témoigné devant le comité au nom du Comité d’action sur l’administration des tribunaux en réponse à la COVID-19, un comité spécial coprésidé par le juge en chef du Canada et le ministre de la Justice, a très bien résumé la situation lors de son témoignage devant le comité en affirmant que les amendements au projet de loi S-4 sont :

[...] des outils importants à ajouter à la trousse du pouvoir judiciaire discrétionnaire afin d’offrir le meilleur accès possible à la justice dans notre pays.

Lors de l’étude en comité, toutes les dispositions initiales du projet de loi ont été adoptées sans amendement. Toutefois, les dispositions sur la possibilité de permettre à un accusé de comparaître à distance pendant toute son enquête préliminaire ou son procès, peu importe s’il témoigne ou non, ont suscité de nombreuses observations de même qu’un débat entre les témoins et les membres du comité.

Certains membres du comité ont exprimé des préoccupations au sujet notamment de la capacité d’évaluer à distance la crédibilité des témoins, des conséquences de problèmes technologiques pendant les audiences, et de l’incidence possible de la participation à distance sur la culture et les traditions du système judiciaire.

Pourtant, de nombreux témoins nous ont dit que ces considérations ne devraient pas être invoquées pour s’opposer à un recours accru à la participation à distance. Le juge en chef MacDonald a notamment déclaré que les juges évaluent la crédibilité des témoins à distance depuis des années et qu’ils ont toujours veillé à ce que « les droits de l’accusé ou de quiconque dans un procès ne soient jamais sacrifiés sur l’autel de l’efficacité ».

Shelley Tkatch, une avocate de la Couronne de l’Alberta comptant plus de 30 ans d’expérience, a souligné que les procédures à distance ont amélioré les expériences des témoins vulnérables en réduisant les traumatismes du témoignage en séance publique.

Nous avons également entendu l’avocat de la défense Michael Spratt dire que les procédures à distance peuvent renforcer la crédibilité en permettant aux juges de voir plus clairement le visage d’un témoin et en éliminant certains des problèmes systémiques liés à l’importance excessive qui est accordée au comportement d’une personne.

Un représentant de l’Association du Barreau autochtone, Alain Bartleman, a également dit au comité que le projet de loi S-4 offrira une solution de rechange aux gens à qui l’on demande de comparaître en personne dans une ville située à plusieurs centaines de kilomètres de chez eux. En effet, il a déclaré que le projet de loi S-4 fournira à l’accusé des moyens de minimiser les problèmes individuels, notamment les coûts financiers importants pour se rendre au palais de justice. Selon lui, l’accès à la justice serait donc amélioré.

Il a également dit que le projet de loi pourrait régler des problèmes relatifs au présentiel, ou du moins permettre de les éviter. Il pensait notamment aux services d’interprétation :

Il me suffit d’un ou deux doigts pour compter le nombre de fois où les tribunaux ont été en mesure de trouver des personnes ayant les compétences linguistiques nécessaires pour offrir des services d’interprétation adéquats en [...] dialectes autochtones. Par conséquent, une solution centralisée ou de nature technologique donnant accès à des bassins d’interprètes serait d’un grand secours pour la profession. De plus, une telle solution serait certainement avantageuse pour les clients autochtones — les Autochtones pris dans le système judiciaire qui doivent faire face non seulement à des défis évidents liés à la distance et au temps, mais aussi à des problèmes de communication et d’accès à la justice.

[Français]

Cela dit, je suis le premier à admettre qu’il y aura toujours des audiences pour lesquelles une participation à distance ne sera pas appropriée. D’ailleurs, le projet de loi S-4 ne permet pas la présence à distance dans le cadre d’un procès devant jury. De toute façon, personne ne suggère que la présence à distance devienne la voie privilégiée dans les affaires criminelles.

Bien au contraire, il faut souligner que le principe de base demeure la présence en personne, comme indiqué à l’article 715.21 du Code criminel actuel qui, à cet égard, n’a pas fait l’objet de modification. Je le cite :

715.21 Sauf disposition contraire de la présente loi, quiconque comparaît ou participe à une procédure, ou la préside, le fait en personne.

Ensuite, il ne faut jamais oublier que, hormis des situations exceptionnelles, le tribunal ne peut ordonner la présence à distance.

En réalité, le tribunal ne peut autoriser la présence à distance, par visioconférence ou par système téléphonique que si l’accusé le demande, que ce soit pour le plaidoyer, une enquête préliminaire ou un procès, sauf bien sûr dans le cas d’un procès devant jury. En d’autres mots, l’initiative appartient toujours à l’accusé. De plus, dans la plupart des cas, le consentement de la Couronne est requis.

Finalement, il faut souligner qu’une autorisation du tribunal est toujours nécessaire.

Le projet de loi énonce, comme dans le projet de loi C-75, des éléments à considérer par le tribunal avant d’autoriser une présence par audioconférence ou vidéoconférence. Ainsi, le tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes, dont le droit à un procès public et équitable, le lieu où se trouve l’accusé et sa situation personnelle, le caractère approprié du lieu à partir duquel il participera, les coûts associés à la présence en personne, et la nature et la gravité de l’infraction.

Le projet de loi donne également le pouvoir au juge de mettre fin à la présence à distance à tout moment. Cela pourrait être le cas, notamment, s’il survient des problèmes techniques.

[Traduction]

Après le débat, la majorité des membres du comité ont conclu qu’il était inutile de tenter de détailler davantage les circonstances dont il faut tenir compte et que le pouvoir discrétionnaire des juges demeure la clé. Les juges sont les mieux placés pour décider au cas par cas si la comparution à distance est appropriée compte tenu de toutes les circonstances pertinentes.

Pendant l’étude du projet de loi par le comité, il y a eu consensus sur le fait qu’il est important que toute demande de comparution en ligne de la part d’un accusé soit le résultat d’une décision libre et éclairée. Cette préoccupation visait particulièrement les accusés qui se défendent eux-mêmes. C’est pourquoi ce projet de loi propose des mesures de protection additionnelles pour les accusés qui ne sont pas représentés par un avocat.

Avant d’autoriser la comparution à distance d’un accusé ou d’un contrevenant qui n’a pas accès à une aide juridique pendant les procédures, le projet de loi prévoit que le tribunal doit être convaincu que l’accusé ou le contrevenant pourra comprendre la nature de la procédure et que ses décisions seront volontaires.

Bien entendu, le projet de loi prévoit aussi que si un accusé qui comparait à distance est représenté par un avocat, il doit avoir la possibilité de communiquer en privé avec lui.

Sur cet aspect, nous avons entendu l’Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, représentée par Mme Emilie Coyle, parler du manque de salles appropriées dans les prisons et les pénitenciers pour que les détenus puissent consulter un avocat à distance ou comparaître à distance de manière à assurer la protection de la vie privée et la pleine participation aux procédures judiciaires.

À cet égard, Mme Coyle a dit au comité avoir visité un établissement fédéral où la salle de conférence n’était pas insonorisée et où les interférences du système de communication étaient plus audibles que les voix des participants dans la salle d’audience.

Il faut résoudre ces problèmes avant qu’un juge donne une autorisation, et j’espère que le ministère de la Justice et le procureur général se pencheront sur ces problèmes pour veiller à ce que le pénitencier dispose du matériel nécessaire et des salles adéquates afin que les détenus puissent participer à leur procès en toute intimité et avoir la possibilité de consulter un avocat.

(1520)

[Français]

Un autre aspect du projet de loi qui a reçu un appui unanime, dont celui de la Gendarmerie royale du Canada et de l’Association canadienne des chefs de police, est l’expansion et la mise à jour proposées du régime actuel des télémandats. Ces propositions répondent aux appels lancés par de nombreux intervenants, dont la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, le Comité directeur sur l’efficacité et l’accès en matière de justice et l’Association canadienne des chefs de police, en vue de rationaliser le processus de télémandat et d’étendre son application à un plus grand nombre de situations.

[Traduction]

Le projet de loi S-4 propose de remplacer les dispositions existantes sur les télémandats par un processus simplifié et normalisé qui s’appliquera à une plus grande variété de mandats, d’ordonnances d’enquête et d’autorisations, en plus de supprimer certaines restrictions relatives à divers types d’infractions, de demandeurs et de tribunaux, tout en maintenant les mesures de protection existantes pour la délivrance des autorisations judiciaires sous-jacentes.

L’un des éléments clés des dispositions proposées porte sur le fait que lorsque les mandats de perquisition sont soumis par des moyens de télécommunication qui produisent un document écrit, par exemple une télécopie ou un courriel, un agent de la paix ne sera plus tenu de satisfaire aux conditions préalables actuelles s’il considère qu’il serait peu commode de se présenter en personne devant un juge pour présenter une demande de mandat.

Cependant, bien sûr, un agent de police pourrait quand même présenter une demande de mandat de vive voix par des moyens de télécommunication — comme par téléphone — s’il se trouve dans un lieu inaccessible ou dans un lieu où l’accès à Internet n’est pas possible ou très peu commode.

Le projet de loi prévoit aussi une approche uniforme pour les responsabilités associées à l’application des mandats de perquisition et la production des rapports subséquents, peu importe si les mandats de perquisition ont été obtenus par des moyens technologiques ou en personne. Là encore, les pratiques seront officialisées.

Il est aussi important de noter que le comité a ajouté deux nouveaux articles au projet de loi. Le premier amendement, proposé par le sénateur Cotter, exigera que le ministre de la Justice lance au moins un examen indépendant concernant l’emploi des techniques de présence à distance dans les affaires criminelles au plus tard trois ans après la sanction royale, et qu’il fasse rapport à chacune des Chambres du Parlement dans les cinq ans. Cet amendement important nous donnera l’occasion d’évaluer, après quelques années, l’effet des dispositions sur la présence à distance incluses dans les projets de loi C-75 et S-4.

Le deuxième amendement, que j’ai moi-même présenté, exigerait que l’effet des dispositions sur la présence à distance soit soumis à un examen parlementaire, lequel comprendrait évidemment les rapports des évaluateurs indépendants, au début de la cinquième année suivant la sanction royale.

[Français]

Finalement, j’espère que ces mesures qui sont maintenant ajoutées au projet de loi rassureront certains représentants, notamment ceux du Barreau du Québec, qui s’inquiétaient de la mise en application sans une étude suffisamment approfondie des conséquences possibles. Je tiens à souligner que le comité a joint à son rapport un certain nombre d’observations. Il a suggéré, notamment, d’examiner à nouveau la question des délais dans le système de justice pénale, étant donné l’importance de cette question pour bon nombre des témoins que nous avons entendus. Nous reconnaissons tous que les délais ont des conséquences graves tant pour les accusés que pour les victimes. C’est un problème auquel il faut s’attaquer de façon répétée.

D’autres observations traitent de l’importance d’assurer des services d’interprétation judiciaire de qualité, d’investir dans la technologie nécessaire pour avoir une présence à distance de qualité, d’assurer la disponibilité des installations dans plusieurs endroits au Canada pour garantir l’accès aux procédures à distance à tous, et de mettre en place des mesures pour assurer le respect des droits fondamentaux des accusés en détention, des personnes marginalisées, des victimes et des témoins.

Je comprends que les propositions qui apparaissent dans le projet de loi reflètent les besoins de notre système de justice pénale tels qu’ils ont été formulés par les provinces et les territoires dans le cadre des consultations qu’a menées le ministère de la Justice auprès de tous les intervenants qui sont responsables de l’administration de la justice, ainsi que d’autres intervenants clés au Canada, dont le fameux comité dont je vous ai parlé tantôt. Le projet de loi S-4 propose un ensemble de réformes ciblées qui sont raisonnables, mesurées et largement soutenues par la communauté juridique du Canada. Pour ces raisons, je vous invite tous à appuyer le projet de loi S-4.

[Traduction]

Je comprends que les observations faites par le comité devraient être considérées comme des appels à l’action pour le gouvernement fédéral, les provinces, les territoires et d’autres intervenants essentiels du système de justice pénale canadien, y compris les avocats et les juges.

En conclusion, le projet de loi S-4 propose une série de réformes ciblées qui sont raisonnables, mesurées et largement soutenues par la communauté juridique du Canada. Pour ces raisons, je vous invite à adopter le projet de loi S-4 à l’étape de la troisième lecture dans les prochains jours, pour qu’il puisse être renvoyé à la Chambre des communes et être soumis, en quelque sorte, au second examen objectif des députés.

Merci, meegwetch.

L’honorable Denise Batters : Merci de cette explication, sénateur Dalphond.

Dans votre discours, vous avez fait référence au témoignage d’Alain Bartleman, de l’Association du Barreau autochtone, mais vous n’avez pas mentionné que M. Bartleman a exprimé une sérieuse réserve lorsqu’il a indiqué son soutien général au projet de loi à l’étude, qui pourrait être très utile en matière d’accès à la justice. Lorsque je l’ai interrogé à ce sujet lors de son témoignage devant le Comité des affaires juridiques — je vais lire le compte rendu, par souci d’exactitude. Je l’ai interrogé à ce sujet, j’ai fait référence au Nord de la Saskatchewan notamment et au fait que, bien sûr, de nombreux Autochtones y vivent et qu’ils ont « de graves problèmes avec la technologie ». J’ai demandé s’il avait une observation à faire au sujet de cette région en particulier. Voici ce qu’il a dit :

Oui, il y a des lacunes majeures sur le plan de la technologie. D’un côté, l’Association du Barreau autochtone se réjouit que le projet de loi favorise l’amélioration de l’accès au moyen de la vidéoconférence.

Par contre, il a ajouté :

D’un autre côté, l’Association craint que si les promesses contenues dans le projet de loi ne sont pas assorties d’investissements concomitants dans la technologie, les efforts déployés tombent à l’eau. Des investissements s’imposent non seulement dans les outils d’accès à Internet — un secteur dans lequel il pourrait falloir beaucoup de temps pour se rattraper […] —, mais aussi dans la formation sur l’utilisation de la technologie et dans l’accroissement de la confiance des utilisateurs à son égard. Autrement, le projet de loi ne sera pas aussi efficace qu’il pourrait l’être.

Sénateur Dalphond, comme je l’ai dit à ce moment-là, voilà l’expression d’une grande réserve par rapport à ce dossier, et nous l’avons certainement constaté. Nous avons vu des exemples criants au Comité sénatorial des affaires juridiques, quand nous avons entendu un témoin de l’aide juridique du Nunavut qui semblait être très bien installé, mais qui avait une connexion Internet très mauvaise, et dont le témoignage a été ardu.

Bien entendu, nous constatons souvent ce même problème quand les sénateurs prennent la parole depuis les quatre coins du Canada, et parfois dans nos plus grandes villes et pas nécessairement dans des endroits ruraux ou éloignés.

Pour en revenir au témoignage de M. Bartleman, reconnaissez-vous qu’il a souligné que le gouvernement du Canada doit absolument faire des investissements majeurs en technologie, et que nous n’avons pas vraiment vu de tels efforts se concrétiser jusqu’à maintenant? Je me demande si vous avez une idée du moment où le gouvernement remplira ses promesses à cet égard.

Merci.

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de cette excellente question, sénatrice Batters.

J’ai déjà souligné ces difficultés dans mon discours, et j’ai dit qu’il s’agissait là d’un appel à l’action pour le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires. Comme nous le savons, selon notre système constitutionnel, l’administration de la justice relève des provinces et des territoires. Par conséquent, le gouvernement fédéral peut offrir de l’aide et même du financement, mais, au bout du compte, l’administration des tribunaux — à l’exception des cours fédérales — relèvera toujours des provinces.

Par ailleurs, n’oublions pas que, lorsqu’il a témoigné devant le comité, le ministre a dit qu’on avait réservé je ne sais combien de millions de dollars dans le cadre du budget précédent afin d’apporter des améliorations au chapitre de l’accès à la justice, et on pourrait employer ces ressources à cette fin. Je souscris certainement à vos observations et à celles du comité, qui dit que nous devrions non seulement offrir l’accès à ce qu’on appelle la présence à distance pour tous ceux qui le demandent, mais aussi rendre cette option accessible de façon égale à l’ensemble des Canadiens. Nous devons donc veiller à ce que de l’équipement et des services Internet de qualité soient offerts partout, en particulier dans les Territoires du Nord-Ouest, où les distances à parcourir sont énormes, afin que l’on puisse participer à distance. Sinon, les gens devront encore parcourir de longues distances, parfois uniquement pour plaider coupable à une accusation sommaire, ce qui n’est pas vraiment logique.

(1530)

Je vous remercie de votre question et de vos observations. Je pense que le comité a aussi soulevé cet aspect.

La sénatrice Batters : Sénateur Dalphond, en ce qui concerne l’amélioration de la technologie à large bande au Canada, c’est une promesse que le gouvernement fédéral a faite plusieurs fois au cours des dernières années. À l’évidence, il ne s’agit pas seulement de l’administration de la justice dans les tribunaux. Il s’agit de la technologie à large bande, qui permettra à de nombreuses personnes à l’échelle du Canada d’accéder convenablement à ces outils. M. Bartleman a souligné qu’il faudra une nette amélioration pour combler les graves lacunes que l’on observe non seulement dans les régions rurales et éloignées, quoique c’est là où la situation est la pire, mais d’un océan à l’autre.

Puisque vous parrainez ce projet de loi du gouvernement fédéral, qui a fait de grandes promesses — notamment durant la dernière campagne électorale — à propos de l’élargissement de la technologie à large bande, pouvez-vous nous dire quand cela se produira et combien d’argent y sera consacré?

Le sénateur Dalphond : Je crois que la question va même au-delà de la sphère du ministre de la Justice. Je sais que dans le budget, beaucoup d’argent a été prévu pour fournir un accès à large bande à tous les Canadiens partout au pays, mais tout particulièrement dans les régions éloignées.

Je sais qu’au Québec, une entente a été conclue entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour procurer un accès Internet de qualité dans toutes les régions éloignées de la province. J’espère que d’autres programmes semblables viendront. Comme vous, je reconnais que les Territoires du Nord-Ouest ne constituent toujours pas une province, mais une espèce de structure fédérale. En ce sens, le gouvernement fédéral pourrait certainement se montrer plus rigoureux et attribuer davantage d’argent à cette région pour faciliter la fourniture de services à large bande.

Cette question s’adresse peut-être davantage à la ministre des Finances qu’au ministre de la Justice. J’ai l’honneur de parler au nom du ministre de la Justice pour ce projet de loi uniquement, et non à propos de l’administration de son ministère ou du gouvernement.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Sénateur Dalphond, ai-je bien compris quand vous avez dit tout à l’heure que le comité s’inquiète du fait que la technologie n’est pas une solution miracle pour l’avenir dans le processus judiciaire? Les témoins que nous avons entendus nous ont dit que, dans certains cas, la technologie pouvait être utile à condition que des éléments très précis soient respectés, comme le fait qu’une personne accusée puisse avoir un endroit lui permettant d’abord d’avoir accès à un avocat, mais aussi de le faire en toute confidentialité, ce qui n’est pas le cas dans la réalité actuelle.

Par ailleurs, n’a-t-on pas entendu d’autres témoins dire que la technologie ne réglera pas tous les problèmes? Dans certaines régions du Canada, on se trouve dans une situation où le fait de tenir un procès en présentiel pose autant problème que tenir un procès à l’aide de la technologie. De toute façon, on se trouve dans une situation où il est difficile de se rendre sur place ou de tenir un procès, parce que la technologie n’est pas tout à fait au point.

Ai-je raison de dire que vous avez fait ressortir cette préoccupation et que c’est la raison pour laquelle le comité a formulé une observation pour demander de faire une étude d’impact? La situation créée par la pandémie de COVID-19 a forcé les palais de justice et tout l’appareil judiciaire à s’ajuster. Toutefois, on devra examiner ces impacts de façon très serrée et minutieuse au cours des prochaines années.

Le sénateur Dalphond : Je remercie la sénatrice Dupuis de sa question, qui est en fait un commentaire très pertinent sur la situation. Je n’ai rien à ajouter. J’y ai fait référence dans mon discours. Il ne fait aucun doute, sénatrice Dupuis, que les observations du comité à cet effet sont importantes. Vous y avez d’ailleurs grandement contribué. Je salue l’initiative du sénateur Cotter, qui a proposé qu’un ou plusieurs comités indépendants fassent une révision de la mise en œuvre de ces dispositions après trois ans. Je crois que nous sommes à une période de transition. Pour reprendre l’image évoquée par le sénateur Wetston, le train a quitté la gare, on ne retournera pas en arrière, mais il y a sûrement des ajustements et des améliorations qui seront requis en cours de route. Voilà la raison de l’importance de ces études. Au cours des cinq prochaines années, nous avons l’obligation, en tant que parlementaires, de nous pencher à nouveau sur le dossier et de nous assurer qu’il prend les directions souhaitées, et non des directions inattendues. Vous avez parfaitement raison.

(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)

[Traduction]

Projet de loi concernant la modernisation de la réglementation

Troisième lecture—Ajournement du débat

L’honorable Yuen Pau Woo propose que le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

 — Honorables sénateurs, avant de commencer, j’aimerais prendre un instant pour reconnaître que nous nous trouvons sur le territoire traditionnel du peuple algonquin anishinabe.

Je suis heureux d’ouvrir le débat en troisième lecture sur le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

Le projet de loi a été renvoyé au Sénat après une étude préalable par sept comités. En tout, il y a eu plus de 21 heures de témoignages par 48 témoins. Les résumés de ces témoignages ont été fournis au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui, à son tour, a présenté son rapport mardi; rapport qui a été adopté par cette assemblée hier.

[Français]

Je tiens à remercier les membres de tous les comités de leur travail sur ce projet de loi. Ce travail a permis d’apporter certaines améliorations au projet de loi. Le travail des comités a également mis en lumière certaines questions plus larges pour ce qui est de la nécessité d’une réforme réglementaire plus profonde et plus rapide pour que les entreprises puissent innover, prospérer et être compétitives à l’échelle mondiale.

[Traduction]

Honorables collègues, les entreprises sont l’épine dorsale de la réussite économique du Canada. Elles créent les produits, les services et la richesse qui ont rendu notre pays prospère. Alors que nous sortons de la pandémie, le projet de loi S-6 et ses successeurs aideront les entreprises canadiennes en faisant en sorte que le système de réglementation évolue avec les technologies changeantes et qu’il reflète les réalités d’aujourd’hui.

Le système de réglementation moderne doit faire deux choses. Premièrement, il doit promouvoir l’innovation commerciale et l’investissement des entreprises; et deuxièmement, il doit assurer la santé et la sécurité des Canadiens, tout en protégeant l’environnement. C’est ce que fait le projet de loi S-6. Il modifie 29 lois différentes grâce à 46 modifications sensées visant à moderniser notre système de réglementation.

Par exemple, le projet de loi propose une modification mineure à la Loi sur l’Agence canadienne d’inspection des aliments qui permettrait à l’agence de fournir des services et aux entreprises d’interagir avec elle par voie électronique, plutôt qu’au moyen de transactions papier. Cela réduira le fardeau administratif des entreprises et leur permettra d’être plus flexibles dans leurs interactions avec le gouvernement.

(1540)

Le projet de loi modifie également la Loi sur les pêches et précise notamment que, en cas de violations mineures, les agents des pêches ont le pouvoir discrétionnaire d’utiliser des mesures de rechange plutôt que de traduire les pêcheurs en justice. Ce pouvoir n’était pas clairement défini dans la version antérieure de la loi.

Une telle modification pourrait réduire le nombre de procès longs et coûteux et éviter que des violations mineures entraînent la création d’un casier judiciaire ainsi que la stigmatisation et les obstacles qui y sont associés. Les pêcheurs et des groupes autochtones appuient le recours à de telles mesures de rechange.

Par ailleurs, les modifications à la Loi sur les transports au Canada permettraient d’intégrer plus rapidement dans la réglementation les mises à jour aux normes de sécurité internationales dans les transports. Ce ne sont que quelques exemples des 46 modifications proposées dans le projet de loi.

L’incidence de chaque proposition peut sembler limitée, mais, ensemble, ces propositions peuvent améliorer la situation de ceux qui sont visés. En fait, nombre de ces changements ont été proposés par des Canadiens, des particuliers et des entreprises. Qui plus est, ces propositions n’entraînent aucun coût, et les risques qui y sont associés sont faibles ou nuls. Le projet de loi S-6 assure la mise à jour de notre système et ouvre la porte au succès pour les Canadiens et les entreprises dans les années à venir.

Honorables sénateurs, comme vous le savez, ce projet de loi se veut un mécanisme législatif récurrent. Le projet de loi S-6 est désigné comme étant la deuxième loi annuelle de modernisation de la réglementation, mais il s’agit en fait de la première mesure législative distincte sous la rubrique des mises à jour annuelles de la réglementation annoncées par le gouvernement en 2018.

Le Sénat peut être fier d’être l’instigateur d’un processus qui, je l’espère, prendra au fil des ans de l’ampleur en matière de portée, d’efficacité et d’efficience.

[Français]

L’idée d’un mécanisme récurrent pour la modernisation de la réglementation est une réponse aux défis législatifs soulevés par les entreprises et les Canadiens lors de consultations et d’examens ciblés de la réglementation.

[Traduction]

Des intervenants du milieu des affaires, comme les Tables sectorielles de stratégies économiques et le Conseil consultatif en matière de croissance économique, ont souligné qu’il est essentiel de disposer d’un tel mécanisme régulier pour améliorer la réglementation du Canada.

En outre, le Comité consultatif externe sur la compétitivité réglementaire, composé d’entrepreneurs, d’universitaires et de consommateurs intéressés, a réclamé le maintien d’efforts soutenus pour réduire le fardeau administratif de la réglementation et veiller à ce qu’elle soit à l’épreuve du temps.

En modifiant des lois trop rigides, trop spécifiques ou tout simplement périmées, ce projet de loi rappelle toute l’importance de réexaminer continuellement la réglementation afin d’avoir en place des lois qui résistent à l’épreuve du temps. En fait, les travaux sur le prochain projet de loi annuel sur la modernisation de la réglementation sont déjà en cours; il doit être déposé au Parlement en 2023.

Permettez-moi de revenir sur l’excellent travail que les comités sénatoriaux ont effectué dans le cadre de l’étude préalable de ce projet de loi. Le contenu du projet de loi S-6 a été étudié par les sept comités suivants : le Comité des banques et du commerce, le Comité de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, le Comité de l’agriculture et des forêts, le Comité des pêches et des océans, le Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie, le Comité des affaires étrangères et du commerce international et le Comité des transports et des communications. Je tiens à remercier encore une fois tous les membres des comités de leur excellent travail. À la suite de commentaires précis découlant du travail des comités, deux ensembles d’amendements ont été apportés au projet de loi S-6.

Le Comité de l’agriculture et des forêts a souligné que les dispositions de ce qui était alors la partie 6 du projet de loi ne devraient pas être étudiées de façon isolée, mais plutôt dans le cadre des vastes consultations menées sur la Loi sur les produits antiparasitaires, qui ont commencé en mars 2022. Le gouvernement a accepté, et cette partie a été dûment rejetée lors de l’étude article par article du Comité des banques.

De plus, j’ai présenté deux amendements connexes en réponse aux préoccupations soulevées par le commissaire à la protection de la vie privée — dans une lettre qu’il a envoyée au Comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie — concernant la nécessité de conclure un protocole d’entente entre Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et les organismes avec lesquels le ministère partage le type de renseignements mentionnés dans le projet de loi S-6. Je suis heureux de pouvoir dire que ces deux amendements ont été acceptés et qu’ils figurent dans la version révisée du projet de loi que nous avons sous les yeux.

[Français]

De nombreux comités ont observé que les processus de consultation pour les futurs efforts de modernisation de la réglementation devraient être transparents, interactifs et inclure tous les intervenants pertinents — non seulement les titulaires du système de réglementation, mais aussi les nouveaux arrivants potentiels. Je suis d’accord avec ces observations.

[Traduction]

Nombre d’entre vous ont aussi demandé que le programme de modernisation de la réglementation pour le gouvernement soit plus ambitieux. Je partage aussi ce sentiment. À cette fin, j’ai organisé une séance d’information à l’intention de tous les sénateurs sur l’approche globale du gouvernement canadien concernant la réforme de la réglementation, dans le cadre de laquelle ce projet de loi — le projet de loi annuel de modernisation de la réglementation — ne représente qu’un petit volet. Si j’ai retenu une chose importante de cette séance d’information, c’est que le Secrétariat du Conseil du Trésor a récemment mis sur pied un projet pilote pour qu’il soit plus facile pour les personnes et les organisations d’améliorer le système de réglementation canadien. À ce sujet, je vous invite à consulter le site www.parlonsdesreglementsfederaux.ca.

La réforme de la réglementation comprend de nombreux éléments, et seulement un petit nombre d’entre eux peuvent être traités au moyen de projets de loi d’ordre administratif comme le projet de loi S-6. Toutefois, pour les modifications plus importantes, il faut modifier chaque loi, ce qui peut s’avérer chronophage et exigeant au plan politique. C’est pourquoi je pense que le Sénat a un important rôle à jouer dans la promotion de la réforme de la réglementation. Il doit montrer la voie à suivre en matière d’énergie, d’innovation et de persévérance dans ce dossier. Nous pourrions peut-être envisager de réaliser une étude spéciale sur les façons d’améliorer la modernisation de la réglementation au Canada. Cette étude pourrait servir de référence au Sénat pour surveiller les avancées en la matière. Nous n’en sommes pas là, et je sais que d’autres sénateurs ont des idées, alors j’ai hâte de les entendre.

[Français]

Chers collègues, votre travail diligent a été essentiel pour aider à améliorer ce projet de loi et a fourni au Sénat une occasion importante de renforcer le système réglementaire.

[Traduction]

Le projet de loi S-6 contribuera à la modernisation de la réglementation afin de simplifier la vie aux Canadiens et de favoriser la réussite des organismes de réglementation, des intervenants et des Canadiens. Renvoyons le projet de loi à l’autre endroit aussi rapidement que possible avec la mention « urgent ». Nous pourrons ensuite passer à l’amélioration du système réglementaire dans son ensemble. Merci.

L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture en tant que porte-parole pour le projet de loi S-6, Loi concernant la modernisation de la réglementation.

Chers collègues, j’ai quelques observations à faire et je mentionnerai les préoccupations que j’ai d’après ce que j’ai entendu au comité de la part du gouvernement et des intervenants.

L’intention du projet de loi S-6 est louable, soit réduire le fardeau réglementaire pour les entreprises canadiennes et créer un environnement favorisant l’innovation et la croissance économiques. Je crois que des efforts réguliers et soutenus pour moderniser la réglementation, comme s’est engagé à déployer le gouvernement fédéral, seraient extrêmement profitables pour la communauté d’affaires au Canada.

(1550)

Par exemple, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a déclaré au Comité sénatorial des banques que :

[...] jusqu’à tout récemment, de nombreuses petites entreprises nous disaient qu’elles conservaient un télécopieur dans le seul but de traiter avec les gouvernements et de répondre à leurs exigences.

Cela dit, je suis préoccupé par la façon dont le projet de loi S-6 est parvenu au Sénat aux fins de son étude.

D’abord, des fonctionnaires du Conseil du Trésor ont dit au Comité sénatorial des banques qu’une consultation publique a été lancée en 2019 dans la Gazette du Canada pour inviter les parties intéressées à porter à l’attention du gouvernement les problèmes liés à la réglementation qui les touchaient.

Le sénateur Colin Deacon a rapidement réagi, faisant valoir que la Gazette du Canada n’est peut-être pas le moyen le plus efficace de communiquer avec l’industrie de nos jours, en particulier avec les nouveaux intervenants, qui ne connaissent pas très bien le processus, en apparence dépassé.

Je suis on ne peut plus d’accord avec le sénateur Deacon. De nos jours, la Gazette du Canada n’est pas le moyen le plus efficace de communiquer avec l’industrie et de la consulter.

Beaucoup d’entre nous ne connaissent que trop bien le processus de publication dépassé, fastidieux et lent de la Gazette du Canada, et on l’utilise dans le but de moderniser le cadre réglementaire du Canada.

Chers collègues, je crois qu’il est peut-être temps de faire passer la Gazette du Canada au XXIe siècle avant de faire passer la mosaïque des cadres réglementaires du Canada au XXIe siècle. Quoi qu’il en soit, je suis heureux d’apprendre que le gouvernement examine d’autres moyens de consulter l’industrie, notamment des portails en ligne conçus pour élargir la portée du processus afin d’inclure plus de parties intéressées.

Enfin, j’aimerais souligner le véritable fossé qui sépare le gouvernement et l’industrie, un sujet récurrent au Comité des banques.

Des témoins ont dit au comité que le gouvernement doit non seulement tenir de vastes consultations, mais également échanger avec les parties intéressées.

Au sujet du nouveau portail de consultation du gouvernement fédéral en matière de réglementation, M. Robin Guy, de la Chambre de commerce du Canada, a fait remarquer ceci :

[...] il s’agit d’un nouveau portail, mais nous devrons voir comment les choses fonctionnent sur le plan opérationnel. Les entreprises ne peuvent pas simplement transmettre leurs commentaires sans obtenir de réponses. Il doit y avoir un dialogue — une négociation, je suppose. De notre côté, nous espérons que c’est une voie à double sens et qu’il ne s’agit pas simplement de renseignements qui entrent dans un système sans que rien n’en ressorte jamais.

De plus, le sénateur Rob Black a comparu devant le Comité des banques pour parler des parties du projet de loi S-6 dont l’étude a été confiée au Comité de l’agriculture et des forêts, dont il est le président. Au sujet du processus de consultation, il a déclaré :

[...] le comité estime que le gouvernement du Canada doit s’assurer que les futurs processus de consultation concernant des projets de loi et des initiatives sur la modernisation de la réglementation répondent à plusieurs critères clés. En particulier, les processus doivent être transparents et interactifs et inclure tous les intervenants pertinents, c’est-à-dire à la fois ceux qui sont bien établis et ceux qui viennent d’arriver dans un secteur particulier [...]

Enfin, dans un mémoire présenté au Comité des banques, l’Association canadienne des minoteries de farine de blé a dit craindre le fait que les industries réglementées n’avaient aucun moyen de savoir quels changements seraient inclus ou exclus du projet de loi S-6 tant que le libellé final du projet de loi n’avait pas été déposé au Sénat. Elle a fait remarque ce qui suit :

Le [Secrétariat du Conseil du Trésor] a la liberté et les moyens (ressources humaines et procédures) de consulter les parties prenantes au sujet des modernisations réglementaires qui pourraient être incluses au cours de la rédaction du prochain projet de loi concernant la modernisation de la réglementation sans que le contenu définitif du projet de loi soit dévoilé avant le dépôt au Parlement, que ce soit au Sénat ou à la Chambre des communes.

Chers collègues, à mon avis, les intervenants dans les industries réglementées sont les mieux placés pour fournir de la rétroaction au sujet des répercussions de la réglementation sur leurs activités.

Par exemple, si le gouvernement fédéral avait adopté une approche de communication plus proactive avec l’industrie, la partie 6 n’aurait pas été incluse dans le projet de loi S-6 et, si elle n’avait pas été retirée au comité, elle aurait supplanté les efforts considérables déployés par Santé Canada dans le cadre de la révision réglementaire actuelle des produits antiparasitaires.

Chers collègues, le projet de loi S-6 est le premier d’une série d’efforts législatifs continus visant à moderniser les cadres réglementaires du Canada. À ce titre, le gouvernement fédéral doit s’assurer que le processus de modernisation de la réglementation est bien coordonné à l’interne. De plus, le gouvernement doit s’engager à mener des consultations plus approfondies, plus complètes et plus engageantes auprès des intervenants afin de garantir l’efficacité des efforts de modernisation de la réglementation. Merci.

(Sur la motion du sénateur Patterson, le débat est ajourné.)

La Loi sur les douanes
La Loi sur le précontrôle (2016)

Projet de loi modificatif—Adoption du troisième rapport du Comité de la sécurité nationale et de la défense

Le Sénat passe à l’étude du troisième rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense (projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016), avec des amendements), présenté au Sénat le 15 juin 2022.

L’honorable Tony Dean propose que le rapport soit adopté.

 — Honorables sénateurs, le 13 juin 2022, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a terminé son étude du projet de loi S-7, Loi modifiant la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016).

Dans le cadre de cette étude, le comité a entendu le ministre de la Sécurité publique, le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, des fonctionnaires, des experts universitaires ainsi que des représentants d’organisations juridiques et de la société civile.

Le comité a adopté le projet de loi S-7 avec des propositions d’amendements dans les trois grands domaines suivants : premièrement, les critères juridiques pour la fouille des appareils numériques personnels à la frontière; deuxièmement, la connectivité réseau de ces appareils; et troisièmement, les règlements relatifs au secret professionnel de l’avocat. Je vais aborder brièvement chacun de ces points.

Premièrement, en ce qui concerne la norme juridique, le projet de loi S-7 aurait introduit un nouveau critère juridique pour l’examen des appareils numériques personnels par l’Agence des services frontaliers du Canada, ou l’ASFC, les agents des douanes et les contrôleurs américains. Cette norme constitue « une préoccupation générale raisonnable ».

Pour contextualiser les changements proposés dans le projet de loi, en 2020, la Cour d’appel de l’Alberta a jugé inconstitutionnel le recours à l’alinéa 99(1)a) de la Loi sur les douanes pour examiner les appareils numériques personnels. Les agents de l’ASFC se basent actuellement une multitude d’indicateurs pour fouiller les appareils numériques, conformément à leurs politiques internes. La cour a jugé qu’il fallait modifier la loi pour y inclure un critère juridique, et que c’était le rôle du Parlement d’établir un critère pour l’examen des appareils numériques personnels par les agents frontaliers.

Quand il a comparu devant le comité, le ministre a affirmé que le critère proposé par le gouvernement du Canada dans le projet de loi S-7 était nécessaire pour donner aux agents de l’ASFC les pouvoirs dont ils ont besoin pour intercepter les appareils numériques personnels faisant l’objet de contrebande.

En outre, des représentants du gouvernement ont expliqué que le projet de loi S-7 instaurerait le premier critère juridique pour que les contrôleurs américains puissent fouiller un appareil numérique personnel.

Cependant, plusieurs témoins ont exprimé des préoccupations au sujet du critère proposé dans le projet de loi. Selon eux, sa mise en œuvre pourrait avoir les résultats suivants : un traitement arbitraire à la frontière, l’infraction du droit à la vie privée des individus, un risque accru de discrimination, un manque de clarté quant à la signification de la norme proposée, et, enfin, une autre contestation devant les tribunaux.

Le comité a amendé le projet de loi S-7 pour remplacer le nouveau critère de « préoccupation générale raisonnable » par un critère plus élevé, celui des « motifs raisonnables de soupçonner », une norme juridique qui est déjà présente dans la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016).

Le comité a convenu, avec dissidence, que ce critère juridique plus élevé pourrait atténuer certaines des préoccupations que je viens d’énumérer. Sous leur forme actuelle, la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle (2016) prévoient qu’un agent de l’ASFC ou un contrôleur américain doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’un voyageur pourrait enfreindre la loi avant de procéder à d’autres types de fouille, par exemple, dans le cas de la Loi sur les douanes, pour ouvrir du courrier que transporte un voyageur, ou, dans le cas de la Loi sur le précontrôle (2016), pour procéder à une fouille à nu.

(1600)

Les amendements apportés par le comité au projet de loi S-7 feraient en sorte que l’examen des appareils numériques personnels à la frontière soit soumis à un critère qui est déjà connu des agents des services frontaliers du Canada et des États-Unis.

En ce qui concerne la connectivité des réseaux, les représentants du gouvernement ont souligné que la Loi sur les douanes donne aux agents des services frontaliers du Canada le droit d’examiner les documents qui sont stockés sur un appareil numérique personnel, mais pas ceux qui sont stockés sur un serveur d’infonuagique, par exemple. Le projet de loi S-7 maintiendrait ce rôle pour les agents des douanes canadiennes et l’introduirait officiellement pour les contrôleurs des États-Unis. Toutefois, pour plus de clarté, le comité a amendé le projet de loi S-7 pour indiquer explicitement que les agents des services frontaliers du Canada ou des États-Unis seraient tenus de désactiver la connectivité réseau des appareils numériques personnels qu’ils examinent.

Enfin, plusieurs témoins du comité ont soulevé des préoccupations concernant le privilège du secret professionnel de l’avocat, suggérant que le critère juridique proposé par le projet de loi S-7 pour l’examen des appareils numériques personnels — soit une « préoccupation générale raisonnable » — pourrait faire en sorte que les agents des services frontaliers du Canada et les contrôleurs des États-Unis aient un accès non autorisé à des documents protégés par le secret professionnel de l’avocat. Pour répondre à ces préoccupations, le comité a modifié le projet de loi afin que la Loi sur les douanes et la Loi de 2016 sur le précontrôle permettent au gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant les mesures à prendre par ces agents si un document sur un appareil numérique personnel est assujetti au secret professionnel ou à d’autres protections connexes.

En conclusion, chers collègues, tout au long de l’étude du projet de loi S-7, le comité a tâché de trouver un équilibre approprié entre le fait de donner aux agents des services frontaliers canadiens et aux contrôleurs américains les outils dont ils ont besoin pour assurer la sécurité publique et l’intégrité des frontières, tout en protégeant le droit à la vie privée des particuliers.

Au nom du comité, je soumets à votre considération le projet de loi S-7, tel qu’il a été amendé. Merci.

L’honorable Mobina S. B. Jaffer : L’honorable sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Dean : Oui.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Dean, merci beaucoup de votre travail au comité et de ce rapport très étoffé.

Mes chiffres sont peut-être inexacts, mais, outre le ministre et des fonctionnaires, je crois que le comité a entendu 12 témoins indépendants. Ne convenez-vous pas qu’aucun témoin n’a suggéré que le critère de « préoccupation générale raisonnable » était une bonne idée, mais que tous les témoins ont plutôt suggéré le critère de « motif raisonnable de soupçonner »? Êtes-vous d’accord avec moi là-dessus?

Le sénateur Dean : Merci, sénatrice Jaffer. Ce serait sans doute le cas, à l’exception de la protection de la jeunesse. Tous les autres étaient nettement en faveur d’un critère plus élevé.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Dean, je parlerai bientôt de cette question et je ne veux pas insister outre mesure, mais même Mme St. Germain a dit qu’elle accepterait le critère parce que c’est le critère général prévu dans la Loi sur les douanes. Seriez-vous d’accord là-dessus?

Le sénateur Dean : Sénatrice Jaffer, je vais vérifier le compte rendu. C’est mon souvenir, parce que cela m’a frappé qu’elle ait été la seule témoin à soutenir le projet de loi initial tel que rédigé. J’en ai donc conclu qu’elle penchait vers le critère de « préoccupation générale raisonnable ». Nous vérifierons tous les deux le compte rendu et nous aurons la réponse lorsque vous prononcerez votre allocution la semaine prochaine.

L’honorable Frances Lankin : Je vous remercie pour ce rapport, sénateur Dean. Je suis très satisfaite du travail approfondi effectué par le comité.

Je me demande si vous pourriez nous dire si d’autres messages ou communications ont été échangés avec le personnel du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée du Canada en ce qui concerne d’éventuelles préoccupations ou la façon dont ces préoccupations auraient pu être levées si on avait employé le critère légal existant bien connu et éprouvé.

Le sénateur Dean : Je vous remercie de votre question, sénatrice Lankin. Je crois que nous avons reçu des mémoires du commissaire à la protection de la vie privée, et ils ont été reçus avant que cette préoccupation soit soulevée. Le Bureau du commissaire à la protection de la vie privée souhaitait qu’une norme plus claire et plus précise soit employée.

La sénatrice Lankin : La prochaine question sera peut-être plus difficile pour vous, et il pourrait être plus judicieux d’attendre que le parrain du projet de loi prenne la parole, mais avez-vous des indications quant à la possibilité que le gouvernement voie ces amendements d’un œil positif?

Le sénateur Dean : Je vais avancer une réponse simplement fondée sur ce que j’ai constaté ici. En ce qui a trait à la clarification et au renforcement de l’exigence qu’un appareil numérique soit déconnecté du réseau, les fonctionnaires nous ont dit que cela serait couvert dans la réglementation et que c’était la pratique actuelle.

Je n’ai pas entendu de préoccupations quant à la possibilité de renforcer cette exigence au moyen d’un amendement. De plus, les fonctionnaires nous ont dit que des dispositions existent concernant le secret professionnel, mais, encore une fois, je n’ai pas entendu de préoccupations concernant la possibilité de répéter ces dispositions en vue de plus de certitude. Il y avait par contre des différences marquées dans les avis concernant le critère légal.

[Français]

L’honorable Renée Dupuis : Sénateur Dean, je vous remercie du rapport que vous avez présenté à titre de président du comité.

J’aimerais comprendre l’amendement que le comité a adopté. Dans la décision de la Cour d’appel de l’Alberta, on disait qu’il fallait remplir un critère, qu’il ne fallait pas nécessairement que ce soit celui qui figure actuellement dans la loi et que cela pourrait être un critère un peu moins exigeant pour l’Agence des services frontaliers du Canada que celui qui se trouve déjà dans la loi.

Si je comprends bien, l’amendement qui a été adopté par le comité consiste à décider du critère, à élargir l’application du critère actuel — que l’agence connaît très bien et qu’elle est habituée à mettre en œuvre — et, donc, d’élargir la question des fouilles des appareils aux téléphones portables et aux tablettes. Est-ce que j’ai bien compris?

[Traduction]

Le sénateur Dean : Merci de votre question, sénatrice Dupuis. Oui, effectivement, c’est exactement l’approche que les membres du comité ont adoptée : le passage à une norme déjà établie — l’existence de « motifs raisonnables de soupçonner » — à d’autres fins, en vertu de la Loi sur les douanes et la Loi sur le précontrôle de 2016. D’après ce que j’ai cru comprendre, c’est le prochain critère le plus élevé au-delà de ce nouveau concept de « préoccupations générales raisonnables ». Vous avez bien compris l’amendement.

L’honorable Gwen Boniface : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape du rapport du projet de loi S-7.

Je veux d’abord remercier le comité de sa nature collégiale; le sénateur Dean d’avoir mené une étude article par article bien organisée, sa première comme président du comité; et le sénateur Wells d’avoir accepté d’être porte-parole pour le projet de loi.

Tel qu’il a été indiqué dans le rapport, le projet de loi S-7 a été amendé à certains égards pour inscrire dans la loi l’obligation que le réseau soit déconnecté avant qu’un appareil numérique personnel puisse être fouillé. Cette obligation était initialement censée être incluse dans le règlement.

D’autres amendements portaient sur la protection de l’information, comme le secret professionnel de l’avocat, par l’entremise d’un décret. On a aussi proposé un amendement au projet de loi pour que la prise de notes figure dans le règlement. Cependant, le projet de règlement fourni au comité a prouvé que cette exigence était déjà respectée, ce qui a satisfait le comité, et l’amendement a donc été retiré.

(1610)

Comme vous vous en doutez, l’amendement dont j’aimerais parler pour le reste du temps dont je dispose porte sur le critère des « motifs raisonnables de soupçonner ».

Permettez-moi de citer le mandat de l’ASFC :

L’Agence a la responsabilité de fournir des services frontaliers intégrés à l’appui des priorités liées à la sécurité nationale et à la sécurité publique et de faciliter la libre circulation des personnes et des marchandises, y compris les animaux et les végétaux, qui respectent toutes les exigences de la législation frontalière.

La sécurité nationale et la sécurité publique sont au cœur du mandat de l’agence. Dans mes discussions avec nombre de sénateurs, il a été question d’établir un équilibre entre les droits de l’individu d’une part et le droit à la sécurité collective d’autre part dans le contexte des personnes et des biens qui traversent nos frontières.

Les agents frontaliers sont dans une situation opérationnelle unique. Ils se fondent sur une interaction extrêmement brève pour déterminer s’il y a eu une infraction possible à une mesure frontalière. La sécurité frontalière est une affaire complexe. L’ASFC est chargée d’appliquer plus de 90 lois, règlements et ententes internationales dans le cadre de la législation frontalière.

C’est dans ce contexte que je vous rappelle la question pertinente de la sénatrice Dupuis à l’étape de la deuxième lecture et à laquelle elle a donné suite tout à l’heure. Voici ce qu’elle a dit au sujet des « préoccupations générales raisonnables » :

Le problème n’est pas que ce soit un nouveau concept, parce que c’est la Cour d’appel qui l’a elle-même introduit. Quand la Cour d’appel dit que le concept existant est peut-être trop sévère pour la situation qu’on veut couvrir, le législateur pourrait privilégier un concept moins sévère et qui crée moins d’obligations pour les agents des douanes.

Le fait que ce soit un nouveau concept est donc dans l’ordre des choses. Ne devrait-on pas plutôt tenter de savoir si le concept retenu par le gouvernement dans son projet de loi est approprié sur le plan juridique pour la situation qu’on veut couvrir?

C’est une importante question. Mon opinion, comme vous le savez, a été très clairement énoncée dans mon discours à l’étape de la deuxième lecture.

Comme nous l’avons entendu dans le cadre des travaux du comité, l’intention du gouvernement est d’établir un critère qui est raisonnable, qui repose sur les faits objectifs et vérifiables, qui est de nature générale et ne renvoie pas à une infraction précise pour l’une des dispositions législatives — plus de 90 au total — que l’ASFC met en application, et qui concerne une préoccupation devant viser précisément une personne en particulier ou son appareil.

L’ASFC a contrôlé près de 19 millions de voyageurs en 2021 et elle a procédé à environ 1 800 examens d’appareils numériques personnels. En 2021, le fonctionnement de l’ASFC reposait sur des politiques internes pour déterminer quand l’examen d’un appareil devait avoir lieu; l’objectif du projet de loi S-7 est de donner force de loi à ces politiques internes.

Comme l’a dit Scott Millar, vice-président, Politique stratégique à l’Agence des services frontaliers du Canada lorsqu’il a comparu devant le comité, « la politique qui existe en ce moment sera inscrite dans la loi ». Il s’agit donc de créer un critère juridique à partir des politiques de l’agence. C’est d’ailleurs à cause de l’absence de critère que la cour a conclu, dans l’affaire R. c. Canfield, que l’alinéa 99(1)a) était inconstitutionnel.

Voici un extrait de l’arrêt Canfield, paragraphe 109 :

Les politiques mises en place par l’ASFC reconnaissent, dans une certaine mesure, que de telles mesures de protection sont nécessaires, mais les politiques ne sont pas prescrites « par une règle de droit », comme l’exige l’article 1 [...]

L’arrêt Canfield fait ici référence à l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés.

Essentiellement, pour qu’une restriction soit conforme à la Charte, elle doit être prescrite par une règle de droit. Les politiques internes de l’ASFC ne sont pas prescrites par la loi parce qu’elles ne se trouvaient pas, à ce moment-là, dans la loi. La cour n’a pas rejeté les politiques internes de l’ASFC parce qu’elles ne satisfaisaient pas à un critère approprié. En fait, ces politiques internes n’ont été créées qu’en 2015 et ne s’appliquaient donc pas en 2014, quand les fouilles qui ont mené à l’affaire Canfield ont eu lieu.

Lorsqu’il a rédigé le projet de loi S-7, le gouvernement croyait que l’affaire Canfield avait ouvert la voie à une baisse du critère autorisant la fouille d’appareils numériques personnels, et seulement ces fouilles.

Au paragraphe 75, la cour dit ceci :

Vu le contexte unique des services frontaliers, c’est au Parlement qu’il reviendra de décider si le critère approprié est le soupçon raisonnable ou quelque chose d’inférieur, et les détails seront peaufinés dans d’autres affaires judiciaires […]

Cet aspect était au cœur des délibérations du comité. Ce sera la première fois qu’une loi portant expressément sur les appareils numériques personnels sera appliquée à nos frontières. Les circonstances particulières de l’application de l’article 8 à la frontière ont été établies en droit depuis un certain temps. En effet, la Cour suprême du Canada s’est prononcée à ce sujet dans l’affaire R. c. Simmons, et cette position a été réaffirmée dans les décisions R. c. Jacques et R. c. Monney. En ce qui concerne la protection de la vie privée à un poste frontalier, le paragraphe 51 de la décision Simmons dit que « [l]a nécessité d’assurer sa propre protection devient un élément déterminant du calcul effectué ».

Ensuite, on dit ceci, au paragraphe 52 :

J’accepte la proposition de la poursuite que les attentes raisonnables en matière de vie privée sont moindres aux douanes que dans la plupart des autres situations. En effet, les gens ne s’attendent pas à traverser les frontières internationales sans faire l’objet d’une vérification. Il est communément reconnu que les États souverains ont le droit de contrôler à la fois les personnes et les effets qui entrent dans leur territoire.

La décision Monney apporte des précisions supplémentaires en disant, au paragraphe 43, que :

[...] les arrêts de notre Cour [...]

 — c’est-à-dire la Cour suprême du Canada —

[...] portant sur le caractère raisonnable d’une fouille ou d’une perquisition pour l’application de l’art. 8 en général ne sont pas nécessairement pertinents pour l’appréciation de la constitutionnalité d’une fouille effectuée par des agents des douanes aux frontières canadiennes.

Il est essentiel d’établir un juste équilibre et un seuil approprié pour l’examen des appareils numériques personnels aux frontières. Dans l’affaire Canfield, la cour, qui a fait un travail magistral, a conclu qu’un seuil inférieur aux soupçons raisonnables pourrait être nécessaire pour les fouilles d’appareils. La cour tient compte à la fois des préoccupations à l’égard des renseignements personnels et du contexte frontalier au paragraphe 66 :

La question fondamentale est de savoir à quel degré de protection de la vie privée il est raisonnable de s’attendre à un poste frontalier international. Dans un contexte national, il est généralement admis que les personnes peuvent s’attendre raisonnablement à ce que la confidentialité du contenu de leurs appareils numériques personnels soit protégée : voir Morelli, Vu, Fearon. Cependant, les attentes raisonnables en matière de protection de la vie privée à une frontière internationale diffèrent de celles dans d’autres lieux.

L’explication se poursuit au paragraphe 67 :

Il faut atteindre un équilibre entre les attentes élevées en matière de respect de la vie privée qu’ont généralement les personnes en ce qui concerne leurs appareils numériques personnels et les faibles attentes en matière de respect de la vie privée qu’elles ont lorsqu’elles traversent des frontières internationales. Compte tenu des circonstances propres au contexte frontalier en ce qui concerne le caractère raisonnable des fouilles et des saisies prévues à l’article 8 [...] les attentes raisonnables en matière de respect de la vie privée pour les voyageurs internationaux en ce qui concerne leurs appareils numériques personnels doivent être examinées à nouveau et en tenant compte du contexte.

Au paragraphe 34, la cour a reconnu qu’on ne peut pas classer toutes les fouilles d’appareils numériques personnels dans une seule grande catégorie de considérations liées à la protection de la vie privée, car différentes considérations entrent en jeu en fonction des informations dont dispose l’agent des services frontaliers. Le fondement constitutionnel sera finalement déterminé par des cas particuliers. Cependant, ce n’est pas parce qu’une chose est nouvelle sur le plan juridique, comme c’était le cas dans la version originale, qu’elle est inconstitutionnelle. Chaque cas a un niveau de preuve différent pour déterminer si les critères requis ont été satisfaits. Il varie en fonction des biens faisant l’objet d’une fouille.

Par exemple, les critères à satisfaire pour fouiller les envois ont souvent été utilisés à titre comparatif au comité, comme ils l’ont été au Sénat et à juste titre. Selon la Loi sur les douanes, aucun motif n’est requis pour examiner les envois; les « motifs raisonnables de soupçonner » s’appliquent lorsque les envois sont ouverts. Beaucoup d’informations peuvent être tirées d’un envoi non ouvert. On peut le prendre dans ses mains et le palper; il se peut qu’une adresse ou une adresse de retour y soit inscrite et les deux peuvent être fouillées; des tests peuvent être menés sur l’enveloppe pour détecter la présence de drogues ou de matières organiques; et, surtout, il est possible de passer l’envoi aux rayons X pour voir si quelque chose se trouve à l’intérieur.

Il est possible de faire tout cela sans avoir de motif. Ce sont les preuves recueillies ainsi qui permettent de développer le soupçon raisonnable nécessaire pour ouvrir l’envoi. Elles permettent à l’agent des services frontaliers de citer plus facilement une transgression précise nécessaire pour atteindre un seuil de suspicion raisonnable.

Chers collègues, dans de petits pots arrivent aussi de mauvais onguents. Dans le cadre d’un article publié dans le Calgary Herald, Benjamin Perrin, ancien conseiller principal en matière de justice pénale du premier ministre Harper, a interviewé des fonctionnaires de l’Agence des services frontaliers du Canada et a appris que 1,9 million d’envois postaux entrent au Canada en provenance de la Chine chaque mois, et que du fentanyl a été trouvé dans des colis aussi petits que des cartes de vœux.

Pour le courrier, il existe de nombreuses méthodes, mais c’est plus difficile pour les appareils numériques personnels, d’où le recours à des critères plus généraux pour fouiller un appareil — c’est-à-dire des critères qui ne pointent pas vers une infraction en particulier. Cela a contribué à l’efficacité opérationnelle.

En même temps, on a fait valoir à juste titre que la quantité de données sur le dispositif est si importante et si personnelle que les critères devraient être plus sévères. Mais ce n’est pas parce que le fentanyl est tangible qu’il est plus dangereux que ce que l’on peut trouver sur un appareil électronique. C’est là le nœud du problème.

Le ministre a dit à notre comité qu’on ne trouve pas que de la pornographie juvénile sur des appareils numériques personnels à nos entrées frontalières, mais aussi des choses comme de la propagande haineuse ou des preuves d’importation de drogues, qui sont toutes également extrêmement nuisibles.

(1620)

Dans la Loi sur les douanes, le critère des « motifs raisonnables de soupçonner » n’est pas utilisé seulement dans les cas où les éléments de preuve permettent aux agents des services frontaliers de satisfaire à ce critère juridique pour examiner des biens. C’est aussi le critère à satisfaire pour réaliser des fouilles corporelles, y compris des fouilles à nu. Dans l’arrêt Canfield , la Cour précise ce qui suit, au paragraphe 75, en ce qui a trait à la décision de la Cour suprême dans l’affaire Fearon :

Nous sommes d’accord avec la conclusion dans les paragraphes 54 à 55 de l’arrêt Fearon, c’est-à-dire que, même si l’examen d’un ordinateur ou d’un téléphone cellulaire n’est pas semblable à la saisie de substances corporelles ou à la fouille à nu, il peut néanmoins représenter une intrusion considérable sur la vie privée. Pour être raisonnable, une telle fouille doit être permise seulement à l’atteinte d’un critère. Comme l’indique le paragraphe 28 de l’arrêt Simmons, « plus l’empiétement sur la vie privée est important, plus sa justification et le degré de protection constitutionnelle accordée doivent être importants ». Ainsi, à notre avis, le critère pour justifier la fouille d’appareils électroniques peut être inférieur au critère de « motifs raisonnables de soupçonner » nécessaire pour une fouille à nu en vertu de la Loi sur les douanes.

La Cour suprême, dans l’arrêt Fearon et la Cour d’appel de l’Alberta, dans l’arrêt Canfield, ont convenu que la fouille des appareils numériques personnels n’était « pas semblable à [...] une fouille à nu » et, pourtant, voilà où nous en sommes aujourd’hui.

Honorables sénateurs, il y a différents types de fouilles possibles lorsqu’on traverse la frontière, en fonction de ce que recherche l’agent des services frontaliers. Il peut décider de fouiller les bagages, les sacs, les manteaux et les mallettes, sans avoir à respecter de critères. Pour la fouille à nu, il faut qu’il ait des soupçons raisonnables. Cet amendement met au même niveau la fouille d’une personne et celle d’un dispositif numérique personnel. Si ce projet de loi modifié est adopté, les agents des services frontaliers devront soupçonner qu’une infraction particulière a été commise selon plus de 90 lois, règlements et accords internationaux pour fouiller un dispositif numérique personnel.

Depuis le début du mois de mai, l’Alberta et l’Ontario s’appuient sur les critères les plus élevés de soupçons raisonnables à leurs points d’entrée, après l’expiration de la déclaration d’inconstitutionnalité. Les statistiques sur les répercussions de ce changement sont préliminaires et générales, mais elles nous donnent un aperçu de ce qui pourrait arriver aux services de sécurité frontalière et à leurs activités. Dans un document déposé devant le comité, on peut lire qu’en mai 2021, le nombre de voyageurs s’élevait à 606 000 pour l’Alberta et l’Ontario; en mai 2022, il y en avait 2 595 000. C’est quatre fois plus par rapport à la même période l’an dernier. En mai 2021, on a fouillé 63 dispositifs numériques personnels en Alberta et en Ontario; en mai 2022, seuls 18 ont fait l’objet d’une fouille.

Sénateurs, cela correspond à un taux d’examen des appareils de 1 voyageur sur 10 000 en mai 2021, et de 1 voyageur sur 144 000 en mai dernier. Cela représente une modification considérable du taux de fouille, peu importe l’angle sous lequel on aborde la question. Oui, nous pouvons tenir compte de l’incidence de la COVID, des habitudes de déplacement et des niveaux de dotation à nos points d’entrée, et j’espère que les prochaines données désagrégées nous permettront de mieux comprendre la véritable incidence de ce changement relativement aux fouilles d’appareil, mais le fait d’instaurer un critère plus rigoureux aura manifestement une incidence sur le fonctionnement des services frontaliers.

En terminant, je signale que le projet de loi modifie également la Loi sur le précontrôle (2016), laquelle est fondée sur l’accord entre le Canada et les États-Unis. Par conséquent, il faudra également former les contrôleurs américains à l’égard du nouveau critère. Il est important de souligner que, lorsque les agents frontaliers du Royaume-Uni, de l’Australie et des États-Unis se trouvent sur le territoire de leur propre pays, ils n’ont aucun critère à respecter pour fouiller des appareils numériques personnels.

Je tiens à remercier sincèrement tous les sénateurs qui ont réfléchi à ce projet de loi et y ont accordé un grand intérêt, notamment tous les membres du comité qui l’a étudié. Sénateurs, l’arrêt Canfield a laissé au Parlement le soin de déterminer quel devrait être le critère à respecter avant de procéder à la fouille d’appareils numériques personnels. Le comité a fait son travail et je suis impatiente d’entendre les discours à l’étape de la troisième lecture de même que la suite de cet important débat à la Chambre des communes. Merci, meegwetch.

L’honorable David M. Wells : Honorables sénateurs, je veux remercier le sénateur Dean pour l’agilité avec laquelle il gère les réunions du comité. Il y a eu beaucoup de témoins, d’opinions et de débat et le sénateur a fait de l’excellent travail. Je veux également remercier la sénatrice Boniface, la marraine du projet de loi, de sa contribution à ce titre et de la présentation du point de vue du gouvernement. En tant que porte-parole pour le projet de loi, j’ai aussi un travail à faire.

Pendant la réunion du comité, comme on l’a dit, huit amendements ont été présentés et ils ont tous été adoptés. De nombreux enjeux ont été soulevés, mais il y en avait trois plus importants. D’abord, il y avait la question de la connectivité, sur laquelle portait mon amendement — en fait trois amendements ont été adoptés par le comité. Le sénateur Dean, entre autres, a mentionné la question des « motifs raisonnables de soupçonner », sur laquelle portait l’amendement de la sénatrice Jaffer. Je souligne que le sénateur Dalphond aussi a présenté un amendement similaire qui a été facilement adopté et qui concernait également des éléments comme le profilage racial et la sélection possible d’individus en raison du pays d’où ils arrivent, par exemple, dont il sera certainement question dans les discours à l’étape de la troisième lecture. Le dernier élément visé par un amendement concerne le secret professionnel, amendement qui a été présenté par le sénateur Dalphond. Dans certains cas, il y avait deux amendements, parce que certains concernaient la Loi sur les douanes et d’autres, la Loi sur le précontrôle (2016).

Je note également que d’autres points importants n’ont pas été inclus dans des amendements. Ils le seront peut-être dans le règlement. Le sénateur Yussuf a parlé des préoccupations soulevées au comité par le Commissariat à la protection de la vie privée. Il avait quatre points clés : la tenue de dossiers par les agents de l’ASFC; la vérification limitée à ce qui se trouve dans l’appareil, ce qui a un lien avec mon amendement sur la connectivité; les règles concernant la collecte de mots de passe; et les mécanismes de plainte et de recours. En ce moment, chers collègues, il n’existe aucun mécanisme de ce genre. Cela revient à hurler à la lune pour une organisation qui souhaite maintenant avoir carte blanche pour fouiller nos appareils numériques personnels.

On a aussi demandé pourquoi on réduit considérablement les amendes pour entrave au travail d’un agent des services frontaliers. À mon avis, cette question est aussi importante que les éléments clés du projet de loi. Je ne vois pas comment cette importante réduction sera plus dissuasive.

Je vais parler brièvement des catégories d’amendements qui ont été mentionnés. L’un d’eux est d’informer le voyageur et lui faire comprendre que son appareil peut faire l’objet d’une vérification en mode non connecté. Bien entendu, dans mon discours, à l’étape de la deuxième lecture, j’ai abordé cette question. Je n’avais pas été informé que c’était conforme à la politique en vigueur et que l’appareil pouvait être mis en mode non connecté. Par conséquent, parce que je n’étais pas au courant de ces éléments et que je ne connaissais pas mes droits à cet effet, l’agent des services frontaliers a eu tout le loisir voulu de consulter mes relevés bancaires, mes relevés de cartes de crédit et de me poser des questions sur mes finances. Même si c’est la politique en vigueur, je crois qu’il est important de reconnaître que la politique n’est pas respectée. Encore une fois, comme je l’ai mentionné dans mon discours lors de la deuxième lecture — ou était-ce en réponse à une question de la sénatrice Boniface après son discours —, la télésérie Douanes sous haute surveillance, qui met en vedette l’ASFC, montre que les agents des services frontaliers font souvent des vérifications des appareils personnels des voyageurs, notamment en expliquant à la caméra ce qu’ils découvrent en faisant défiler le contenu.

L’amendement du sénateur Dalphond sur le secret professionnel de l’avocat est vraiment important. Nous sommes tous conscients de ce qui peut se trouver dans nos appareils numériques personnels — dossiers médicaux, correspondance personnelle avec nos conjoints et partenaires, photos de notre famille ou toute autre photo personnelle que l’on peut avoir — et la question que nous pourrions vouloir examiner en troisième lecture est de savoir si cela devrait également s’étendre à la confidentialité des rapports entre médecins et patients, qui est évidemment aussi importante que le secret professionnel de l’avocat, les secrets industriels ou toute autre chose qui pourrait avoir un degré élevé de confidentialité et qui pourrait ne pas intéresser l’Agence des services frontaliers du Canada dans sa recherche de documents de contrebande.

Le comité a adopté un amendement dont on a parlé, qui a été proposé par la sénatrice Jaffer et qui est équivalent à l’amendement que le sénateur Dalphond s’apprêtait à proposer, selon lequel on passerait de la proposition de « préoccupations générales raisonnables » aux « motifs de soupçonner ». Honorables sénateurs, les préoccupations générales raisonnables constituent essentiellement un critère peu élevé, voire inexistant si l’agent des services frontaliers n’a pas à justifier ses préoccupations. Évidemment, tous les agents des services frontaliers devraient avoir des préoccupations générales raisonnables au sujet de toute personne qui traverse la frontière. Il faut toutefois qu’il y ait un certain seuil à satisfaire avant qu’ils puissent fouiller dans les documents, les messages et les photos les plus privés des Canadiens qui traversent la frontière.

(1630)

Pendant nos discussions à ce sujet, le sénateur Dalphond a souligné — comme l’ont fait tous nos juristes, y compris la sénatrice Jaffer — que la notion de « motifs raisonnables de soupçonner » est un concept juridique bien compris et éprouvé, qui a été soumis à l’épreuve des tribunaux. Il est bien défini et permet, dans une certaine mesure, de réduire le profilage racial qui se produit, comme on le sait, à la frontière, un enjeu dont nous avons abondamment discuté au comité.

Finalement, chers collègues, je tiens à mentionner aussi les témoins qui ont participé à la réunion. Le sénateur Dean en a nommé quelques-uns, mais j’ai la liste complète ici. Il m’apparaît important que les sénateurs sachent que les organismes suivants pensent à ces questions chaque jour : la Coalition pour la surveillance internationale des libertés civiles, l’Association canadienne des libertés civiles, l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique, l’Association du Barreau canadien, et l’École Munk des affaires internationales et des politiques publiques de l’Université de Toronto. Un professeur agrégé de la Faculté de droit de l’Université de Calgary a aussi présenté un excellent témoignage. L’Agence des services frontaliers du Canada, l’ASFC, était évidemment présente, tout comme le ministère de la Justice, instigateur du projet de loi.

Honorables sénateurs, il faut se rappeler que mardi, M. Dufresne, le candidat au poste de commissaire à la protection de la vie privée, était avec nous et qu’il a répondu à mes questions sur le critère des préoccupations générales raisonnables. Nous avons tous entendu ces réponses durant le comité plénier.

Je rappelle que le sénateur Dean a souligné qu’une témoin n’avait pas d’opinion sur le sujet et qu’elle avait répondu qu’elle n’avait pas envisagé cette possibilité, mais, parmi tous les autres témoins experts indépendants, aucun ne considérait que le critère des préoccupations générales raisonnables était une bonne idée ou qu’il réussirait l’épreuve des faits.

Honorables sénateurs, il faut savoir que si la barre est placée si bas qu’il ne réussirait pas l’épreuve des faits, il reviendra aux tribunaux de décider. Deux témoins ont suggéré que cela pourrait prendre jusqu’à cinq ou dix ans. Nous savons à quel point bon nombre de ces dossiers prennent du temps devant les tribunaux.

Chers collègues, ces amendements sont tous proposés pour protéger les droits fondamentaux des Canadiens, tel qu’ils figurent dans la Charte canadienne des droits et libertés. Bien que nous sachions qu’il est important d’avoir des mesures de protection à la frontière pour empêcher l’entrée au pays de marchandises ou de documents illégaux, nous devons décider de ce qui l’emporte sur la Charte canadienne des droits et libertés.

Honorables sénateurs, j’ai hâte à l’étape de la troisième lecture, qui arrivera au début de la semaine prochaine, ainsi qu’aux autres discussions que nous aurons sur ce projet de loi. Merci beaucoup.

[Français]

L’honorable Pierre J. Dalphond : Je voudrais prendre la parole pour appuyer l’adoption du rapport. Je veux juste mentionner que l’article 99 de la Loi sur les douanes, dont nous discutons actuellement, s’intitule « Visite des marchandises ». Il dit ce qui suit :

99 (1) L’agent peut : […]

b) tant qu’il n’y a pas eu dédouanement, examiner les envois d’origine étrangère et, sous réserve des autres dispositions du présent article, les ouvrir ou faire ouvrir s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’ils contiennent des marchandises visées dans le Tarif des douanes ou des marchandises d’importation prohibée […]

d) examiner les marchandises au sujet desquelles il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il y a eu une erreur de classement tarifaire […]

d.1) examiner les marchandises au sujet desquelles il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’il y a eu une erreur sur leur origine dans la déclaration en détail ou la déclaration provisoire […]

e) examiner les marchandises dont il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’elles ont donné ou pourraient donner lieu à une infraction soit à la présente loi, soit à toute autre loi fédérale à l’égard de laquelle il a des fonctions d’exécution ou de contrôle d’application […]

f) s’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, qu’un moyen de transport ou que les marchandises se trouvant à son bord ont donné ou pourraient donner lieu à une infraction […]

— à la loi ou aux lois dont il est responsable de l’application.

Pour inspecter un colis, un autobus, ou pour s’assurer que ce sont les bons tarifs, l’agent doit avoir des motifs raisonnables de croire. Je serais plus convaincu si le gouvernement modifiait ces autres articles de la loi pour dire que, pour tous ces autres articles, il faut avoir des préoccupations raisonnables de croire, mais non. Pour ce qui est de l’ordinateur, qui est l’objet de plus proche de votre intimité, celui qui contient toutes les données et qui vous décrit de façon plus précise que vous pouvez le faire vous-même, on ne peut pas décider que le seuil est plus bas que pour tous ces éléments qui sont des formalités nécessaires pour empêcher qu’une arme soit importée au Canada.

On nous parle de pédophilie; c’est important. C’est grave, mais il ne faut pas permettre de fouiller des ordinateurs sous prétexte qu’on veut contrer la pédophilie en acceptant un seuil plus bas que le seuil qui permet d’ouvrir des paquets pour vérifier s’il y a des armes à l’intérieur. Le gouvernement fait fausse route. S’il veut nous convaincre qu’un seuil plus bas est possible — comme le suggère l’arrêt Canfield, de la Cour d’appel de l’Alberta —, j’invite le gouvernement à modifier les autres parties de la loi pour que le nouveau test proposé s’applique partout. S’il n’y a pas de cohérence dans un texte législatif, on ne peut pas justifier des mesures devant un tribunal. Merci.

[Traduction]

L’honorable Salma Ataullahjan : Monsieur le sénateur, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.

La sénatrice Ataullahjan : J’ai écouté le débat. Au risque de paraître ignorante, j’aimerais vous demander ce qui arrive quand une personne racisée se présente à la frontière et que son téléphone est examiné. Le seuil appliqué est plus bas. Qu’arrive-t-il? En tant que musulmane, j’ai parfois une prière en arabe sur mon téléphone. Qu’arrive-t-il si l’agent frontalier n’arrive pas à comprendre de quoi il s’agit? Quelles sont les répercussions pour une personne racisée ou, dans ce cas-ci, un musulman?

Le sénateur Dalphond : Je vous remercie de votre question, sénatrice Ataullahjan.

Je ne suis pas un expert sur ce sujet, mais il y a une personne au Sénat qui l’est. C’est la sénatrice Jaffer. Elle a fait une déclaration importante au comité où elle a parlé de ce type précis d’expérience et de la raison pour laquelle elle est toujours choisie pour les vérifications « au hasard » et envoyée à la deuxième ligne. Lorsqu’elle montre son passeport vert, on lui présente des excuses et on lui dit : « Désolé, c’est une erreur. Nous n’aurions pas dû vous demander de subir une deuxième inspection. »

Il ne fait aucun doute que le système n’est pas parfait. Le système actuel est, selon certains témoins et l’expérience personnelle de la sénatrice Jaffer, certainement déficient parce qu’il semble cibler certaines personnes plus que d’autres, en particulier depuis le 11 septembre. En ce qui concerne le seuil qui est proposé, les témoignages devant le comité ont montré qu’il est conçu pour codifier les pratiques actuelles des agents frontaliers.

Le sénateur Dagenais a posé une question importante. Il a demandé combien d’employés supplémentaires seront nécessaires pour enseigner ces nouveaux critères parce qu’il s’agit d’un nouveau seuil. Par conséquent, il faudra l’expliquer avec soin parce qu’il n’a pas encore été appliqué. Il ne s’agit pas des critères raisonnables qui ont été interprétés et précisés par les tribunaux. Il faudra du temps pour l’étoffer.

Combien d’agents de plus faudra-t-il? Combien d’autres séances de formation? De combien d’heures disposeront les agents pour comprendre ce nouveau concept? Voici la réponse donnée par le représentant de l’agence des services frontaliers : « Ce n’est pas un problème. Nous offrons déjà la formation nécessaire. Nous n’avons pas besoin d’autres agents. C’est déjà ce que nous faisons. »

Le gouvernement veut que ce nouveau critère s’inscrive dans la pratique actuelle. Or, cette dernière se trouve dans les lignes directrices, mais pas dans la loi. Le gouvernement soutient maintenant qu’elle figure dans la loi et qu’elle est donc valide. Cependant, je crains que, dans la pratique, ce nouveau seuil ne change pas la situation aux douanes. Les anciennes pratiques se poursuivront sous un nouveau nom.

Il est important pour moi que nous définissions mieux et que nous étoffions le concept de soupçons raisonnables ou de motifs raisonnables de soupçonner, plutôt que d’introduire un nouveau critère. C’est un concept qui a été reconnu ailleurs dans la loi. Il faut donc faire preuve de cohérence. Le gouvernement doit soit modifier la loi au complet, soit la modifier uniquement pour les ordinateurs, ce que je trouve très peu convaincant.

La sénatrice Ataullahjan : Sénateur Dalphond, que signifie l’expression « soupçons raisonnables »? Est-ce qu’elle aurait un sens différent pour chaque agent? Qui prend cette décision?

Le sénateur Dalphond : Je m’attendais à parler seulement brièvement, mais je vous remercie de vos questions. Pour ce qui est des soupçons raisonnables, les tribunaux ont défini le terme « raisonnable » comme un terme objectif. Cela signifie donc que l’agent a assez d’indices pour raisonnablement soupçonner qu’il y a anguille sous roche.

(1640)

C’est intéressant parce que, lorsque le représentant de l’agence des douanes a abordé ce point, il a donné l’exemple d’une personne qui revient d’un pays où l’exploitation sexuelle des enfants est notoire. Cette personne a été absente pendant longtemps. Elle a du mal à répondre aux questions, semble être nerveuse et transpire. L’agent décide de l’envoyer à la deuxième ligne.

Beaucoup d’entre nous ont estimé qu’il y avait des motifs raisonnables d’agir ainsi. Si c’est le type de personne qu’ils souhaitent cibler, le critère du « soupçon raisonnable » sera le critère à appliquer. Je ne suis pas convaincu qu’il deviendra inefficace.

Nous avons des renvois à des déclarations de l’Ontario et de l’Alberta selon lesquelles les chiffres sont en baisse depuis le jugement de la Cour d’appel de l’Alberta. Il n’a pas été renouvelé. Par conséquent, depuis le mois d’avril, le critère du « soupçon raisonnable » s’applique à tous les voyageurs arrivant en Ontario ou en Alberta. On affirme que les chiffres ont baissé de façon spectaculaire. C’est vrai que les chiffres ont baissé de façon spectaculaire, mais qui sait pourquoi? Est-ce parce qu’on est plus prudent? C’est peut-être une bonne chose. Est-ce parce qu’on ne veut pas appliquer la loi juste pour obtenir des chiffres requis pour dire : « Est-ce que vous voyez où nous en sommes? C’est un critère différent et nous effectuons moins de contrôles qu’avant. »

Tout cela nécessite plus d’explications. Je pense qu’il nous a manqué des renseignements lorsque nous avons posé des questions sur le taux de réussite et le nombre plus restreint de personnes contrôlées. Quels types de contenu sont trouvés? Est-ce du contenu illégal? On ne nous a pas fourni beaucoup de renseignements à ce sujet. Je ne dis pas qu’il n’y aura pas d’incidence opérationnelle sur la façon dont ils font les choses. Bien sûr, si nous appliquons le critère des « soupçons raisonnables », cela changera les choses par rapport à ce qu’ils font maintenant, car ils ont l’intention de continuer à faire ce qu’ils font maintenant.

La sénatrice Jaffer : Sénateur Dalphond, comme nous le savons tous, nous avons également dans les aéroports des contrôleurs américains. Je pense que le sénateur Boehm a posé cette question presque chaque fois : comment allons-nous former les fonctionnaires américains à l’application de ce critère plus faible?

Quel est votre avis? Ils appliquent un critère plus sévère. Alors comment les choses se passent-elles? Maintenant, nous devons les former à l’application d’un critère dont le seuil est plus bas alors que leurs douaniers trouvent déjà leur formation suffisante.

Le sénateur Dalphond : Je ne veux pas voler la vedette au sénateur Boehm. Il a posé d’excellentes questions au comité à ce sujet, mais nos critères de « soupçons raisonnables » et de « motifs raisonnables de soupçonner » sont connus au Canada comme aux États-Unis. Je crois que si nous utilisons ces critères, les douaniers américains sauront ce qu’ils signifient. Il est évident qu’il s’agit d’un seuil plus élevé qu’aux États-Unis, car il n’y a pas de cas précis dans ce pays en ce moment. Il y a une certaine confusion juridique là-bas.

Il faudra manifestement leur fournir une certaine formation, mais si cette formation est en lien avec un concept juridique qui leur est familier, ce sera plus facile que s’il s’agit d’un concept juridique qui leur est inconnu.

Son Honneur le Président : Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Des voix : Le vote!

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

Une voix : Avec dissidence.

(La motion est adoptée avec dissidence, et le rapport est adopté.)

Son Honneur le Président : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi modifié pour la troisième fois?

(Sur la motion de la sénatrice Boniface, la troisième lecture du projet de loi modifié est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés
Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés

Projet de loi modificatif—Troisième lecture

L’honorable Peter Harder propose que le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, apportant des modifications corrélatives à d’autres lois et modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

L’honorable Michael L. MacDonald : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à propos du projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Quand j’ai parlé de ces mesures législatives pour la première fois à l’étape de la deuxième lecture, j’ai souligné les objectifs que le gouvernement a déclaré vouloir concrétiser avec ce projet de loi. Premièrement, il vise à réorganiser les dispositions existantes en matière d’interdiction de territoire relatives aux sanctions dans le but d’établir un motif distinct d’interdiction de territoire pour sanctions en fonction de sanctions que le Canada pourrait imposer en réponse à un acte d’agression. Deuxièmement, il propose d’élargir la portée de l’interdiction de territoire pour sanctions en incluant les sanctions imposées non seulement à l’égard d’un pays, mais aussi à l’égard d’une entité ou d’une personne. Troisièmement, il propose d’élargir la portée de l’interdiction de territoire pour sanctions en incluant tous les décrets et règlements pris en vertu de l’article 4 de la Loi sur les mesures économiques spéciales. Enfin, il modifie le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés pour, notamment, prévoir que le ministre de la Sécurité publique aura le pouvoir de prendre des mesures de renvoi en raison de l’interdiction de territoire pour sanctions visée au nouvel alinéa 35.1(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

Ces mesures semblent être très générales sur certains aspects. Elles sont censées remédier aux lacunes dans la loi, surtout pour veiller à ce que les individus qui appuient le régime russe actuel soient interdits de territoire au Canada. Il est évident que c’est ce que nous voulons tous.

Cependant, comme je l’ai souligné dans mes remarques à l’étape de la deuxième lecture, il arrive que nos mesures supposément fortes soient présentées comme étant plus fortes et nécessaires qu’elles ne le sont réellement. Certains des témoins qui ont comparu au cours de l’étude sur ce projet de loi l’ont confirmé.

Lorsque Mme Andrea Charron, directrice du Centre for Defence and Security Studies de l’Université du Manitoba a témoigné, elle a affirmé que le projet de loi « confirme [la] tendance [du Canada] à peaufiner les détails de la loi sans s’attaquer aux problèmes fondamentaux de ses politiques et processus ».

Dernièrement, il est beaucoup trop fréquent qu’on entende cette critique au sujet des projets de loi du gouvernement. Bon nombre des projets de loi présentés par le gouvernement contiennent des mesures qui sont de plus en plus amenées de façon réactive pour répondre à la hâte aux événements extérieurs. Ce sont des mesures bâclées qui sont symboliques et cela paraît.

Lorsque Mme Charron a parlé du projet de loi S-8 au comité, elle a déploré que le gouvernement semble souvent présenter des solutions législatives aux problèmes qui relèvent plutôt des processus et des politiques.

Le gouvernement actuel essaie de faire bonne figure tout en évitant les consultations, ainsi que le travail plus complet et plus difficile en matière d’élaboration de politiques. Le gouvernement a déclaré que le projet de loi S-8 est nécessaire pour corriger une échappatoire de la loi selon laquelle une personne pourrait être considérée comme admissible au Canada, malgré les sanctions dont elle fait l’objet. Mais comme l’a demandé Mme Charron, y a-t-il eu un cas d’étranger sous sanction et interdit de territoire qui s’est vu accorder l’entrée au Canada? Elle a indiqué que cela ne semble s’être jamais produit.

En effet, lorsque Richard St Marseille, directeur général, Politiques sur l’immigration et les examens externes à l’Agence des services frontaliers du Canada, a comparu devant le comité, il nous a informés qu’aucune personne sanctionnée ne semble être entrée au Canada au cours des cinq dernières années. Évidemment, il y a eu des refus à l’étranger : 5 en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et 10 en vertu de la loi de Magnitski. Mais même ces refus font partie des 1 858 personnes sanctionnées en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales et des quelque 2 200 personnes inscrites sur la liste pour divers motifs de sanction.

Aucune de ces personnes ne semble être entrée au Canada et, de toute évidence, moins de 1 % ont même tenté de présenter une demande en ce sens à l’étranger. Mme Charron a soutenu que les principales lacunes du régime de sanctions canadien ne sont pas d’ordre législatif, mais qu’elles découlent plutôt du fait que « [...] le Canada manque parfois de clarté quant aux motifs des sanctions ainsi qu’aux conditions qui doivent être remplies avant qu’elles soient levées ». Autrement dit, Mme Charron affirme que le principal problème est le manque de clarté et de cohérence des politiques.

(1650)

La fin de semaine dernière, je n’ai pu faire autrement que de penser aux propos de Mme Charron lorsque nous avons appris qu’une haute fonctionnaire d’Affaires mondiales Canada avait assisté aux célébrations de la fête nationale à l’ambassade de la Russie. Le gouvernement soutient qu’il s’agissait d’une erreur, mais je me demande bien honnêtement comment une telle erreur a pu se produire.

Si une telle erreur est possible dans le contexte international actuel, alors il n’est guère surprenant d’apprendre qu’il pourrait y avoir un manque de clarté et de cohérence dans nos politiques lorsque vient le temps de coordonner efficacement les efforts à l’égard des sanctions, ou même la mise en œuvre de tout élément de nos politiques internationales.

Malheureusement, le projet de loi S-8 ressemble à une initiative conçue pour donner l’impression qu’on fait quelque chose plutôt que pour faire quoi que ce soit de concret. Cela dit, il se pourrait que certaines mesures incluses dans le projet de loi S-8 soient vraiment utiles. En principe, il se pourrait que l’on doive corriger des lacunes d’ordre juridique entre le régime de sanctions et les dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés relatives à l’interdiction de territoire. Cependant, je dois dire que je n’en suis pas tout à fait convaincu, puisque le gouvernement n’a pas démontré clairement en quoi ce projet de loi est nécessaire.

Le comité a aussi entendu Mario Bellissimo, qui a prévenu que le projet de loi S-8 élargit et restreint à la fois les dispositions sur l’interdiction de territoire. Il soutient que le projet de loi introduit même des ambiguïtés considérables qui peuvent être en partie attribuables à un manque de planification et de réflexion.

M. Bellissimo a fait valoir que cette ambiguïté pourrait créer de nouveaux problèmes inattendus, y compris l’ambiguïté de savoir si un étranger faisant l’objet de sanctions peut être traité comme une personne ayant enfreint les droits de la personne, qu’il ait lui-même pris part à des actes répréhensibles ou non. Malheureusement, le témoignage de M. Bellissimo révèle également un manque probable d’attention stratégique envers les enjeux de politiques qui entourent la création d’un tel projet de loi.

Tout cela m’amène à conclure que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui est en grande partie une mesure réactive. Cependant, je peux l’appuyer vu qu’il réglerait certains problèmes mineurs. Par contre, je souhaiterais que le gouvernement agisse de façon un peu plus réfléchie et proactive, et qu’il consulte et écoute vraiment les personnes touchées, comme les personnes si bien informées qui ont témoigné au comité. Si le gouvernement agissait de la sorte, nous pourrions commencer à voir des politiques plus réfléchies et globales.

Les Canadiens devraient être mieux servis à cet égard. Il y aurait moins de projets de loi qui occupent le temps des législateurs pour finalement n’accomplir que peu de choses. Cela dit, malgré mes préoccupations légitimes, il vaut mieux accomplir peu de choses en adoptant ce projet de loi que ne rien faire du tout. Voilà pourquoi j’encourage les honorables sénateurs à l’appuyer. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar : Honorables sénateurs, je prends la parole très brièvement pour aborder le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, apportant des modifications corrélatives à d’autres lois et modifiant le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés. Je n’ai pas eu l’occasion d’apporter mon appui à ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, et je prends donc un peu de votre temps aujourd’hui pour le faire.

Je ne répéterai pas les éléments essentiels du projet de loi. Le parrain de ce projet de loi, le sénateur Harder, ainsi que d’autres vous en ont parlé.

En bref, ce projet de loi harmonise nos aspirations à l’égard du régime de sanctions à la loi appropriée d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour faire en sorte que les personnes sanctionnées pour diverses raisons dans le cadre de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus ne soient pas admises au Canada par inadvertance.

La main droite doit savoir ce que fait la main gauche, et c’est ce que vise ce projet de loi.

Je crois qu’il s’agit d’un projet de loi d’ordre administratif. Néanmoins, il est urgent et il faut nous assurer de saisir l’occasion.

Ces amendements sont essentiels. Qu’il suffise de penser au contexte horrible de l’Ukraine : des villes et des localités décimées, des milliers de morts, un carnage brutal laissé derrière par les envahisseurs, des fosses communes, des gens dont les mains ont été attachées dans le dos, de la torture, des viols, etc.

L’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné le déplacement de presque 7 millions de personnes, qui ont fui vers la Pologne, la Roumanie, la Moldova, la Hongrie, la Slovaquie et le Canada. Malheureusement, puisque ce conflit semble interminable, je crains que d’autres personnes soient déplacées.

Nous savons aussi que la Russie a interné des dizaines de milliers d’Ukrainiens dans des camps en Russie. On estime que 200 000 enfants figurent parmi les personnes enlevées de l’Ukraine et envoyées en Russie. La Russie les a essentiellement enlevées.

Tout cela est horrible. Cependant, s’il y a une lueur d’espoir dans toute cette situation, aussi mince soit-elle, c’est que tous les pays aux vues similaires ont uni leurs efforts pour infliger diverses sanctions aux Russes.

Un bon exemple de cela est évidemment les sanctions rapides et sévères imposées à la Russie concernant le système SWIFT, ainsi que par d’autres organisations. Je suis heureuse que le gouvernement adopte maintenant une approche plus globale à l’égard de nos régimes de sanctions, dans le cadre de ce projet de loi et d’autres modifications prévues dans la loi d’exécution du budget concernant la réaffectation et la confiscation des avoirs gelés. Ces deux mesures législatives renforceront davantage la détermination du Canada à tenir responsables de leurs actes les entités étrangères, de même que les dirigeants étrangers et leurs hommes de main, qui sont corrompus et ont commis des violations des droits de la personne, ainsi que de graves violations de la paix et de la sécurité.

Aucun régime de sanctions imposé par un seul pays ne peut être aussi efficace qu’un régime découlant de la collaboration et de la coordination des efforts de pays aux vues similaires. Cependant, nous devons au moins assurer une harmonisation et une coordination internes des efforts.

Comme le parrain du projet de loi l’a mentionné, l’application de ce projet de loi concerne bien plus que la Russie ou le Bélarus. Il pourra s’appliquer à des personnes ou à des entités visées par des sanctions venant de pays comme l’Iran, le Myanmar, le Soudan du Sud, la Syrie, le Venezuela, le Zimbabwe et la Corée du Nord.

Ce projet de loi est pertinent de bien d’autres façons. Pour commencer, fondamentalement, nous ne voulons pas accueillir des individus visés par des sanctions au Canada. Nous ne voulons pas de leur argent, nous ne souhaitons pas leur présence, et le Canada ne devrait en aucun cas être un refuge temporaire ou permanent pour eux.

Deuxièmement, il est logique d’harmoniser la Loi sur les mesures économiques spéciales avec la loi de Sergueï Magnitski. La loi de Magnitski fixe déjà des motifs d’interdiction de territoire pour les personnes ayant participé à de graves violations des droits de la personne, à des actes de torture et à des actes de corruption de grande envergure. Il est judicieux de disposer de régimes de sanctions cohérents entre eux.

Enfin, nous savons que les sanctions appliquées par le Canada et par d’autres pays donnent des résultats. Comme nous l’avons appris, certains oligarques russes ont commencé à parler, et il faut resserrer l’étau de toutes les façons possibles.

En conclusion, chers collègues, depuis bien trop longtemps, des entités et des responsables étrangers criminels, violents et corrompus agissent en toute impunité. Le gouvernement a besoin de plus d’outils pour obliger les dirigeants agressifs à rendre des comptes, et le projet de loi S-8 nous donne une nouvelle façon de le faire. Il ne suffit pas de les dénoncer. Les sanctions ne suffisent pas. Nous devons veiller à ce qu’ils ne mettent jamais les pieds au Canada, car nous savons tous il me semble, qu’une fois qu’ils sont au Canada, il est extrêmement difficile de les expulser.

Je me permettrais de reprendre une phrase du discours du sénateur Woo sur le projet de loi S-6, quand il nous a exhortés à renvoyer le projet de loi S-6 à l’autre endroit. Je vous exhorte à faire de même en renvoyant ce projet de loi avec la mention « très urgent ». Je vous remercie, honorables sénateurs.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi modifié, lu pour la troisième fois, est adopté.)

(1700)

L’ajournement

Adoption de la motion

L’honorable Raymonde Gagné (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5j) du Règlement, je propose :

Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au lundi 20 juin 2022, à 18 heures;

Que l’application de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue ce jour-là.

Son Honneur le Président : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Des voix : D’accord.

Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée.)

(À 17 heures, le Sénat s’ajourne jusqu’au lundi 20 juin 2022, à 18 heures.)

ANNEXE

RÉPONSES DIFFÉRÉES À DES QUESTIONS ORALES

La justice

L’ombudsman des victimes d’actes criminels

(Réponse à la question posée le 8 février 2022 par l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu)

Ministère de la Justice

Le gouvernement a lancé un processus de nomination d’un nouvel ombudsman fédéral des victimes d’actes criminels et le processus va bon train pour pourvoir le poste. Entre temps, le bureau est accessible aux victimes d’actes criminels de partout au Canada qui demandent ses services.

Le 29 mars 2022, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a débuté son étude de la Charte canadienne des droits des victimes.

Les droits des victimes demeurent une priorité pour le gouvernement. D’importants investissements dans les politiques et les programmes et diverses réformes législatives ont été introduites depuis 2015 pour répondre aux besoins et aux préoccupations des victimes et des survivants d’actes criminels.

Parmi les exemples clés, citons :

Investissement de plus de 48 millions de dollars pour soutenir le développement et l’amélioration des programmes de conseils juridiques indépendants et de représentation juridique indépendante pour les victimes d’agressions sexuelles et de violences entre partenaires intimes.

Engagement de 37,68 millions de dollars pour soutenir les services aux victimes destinés aux familles des femmes et des filles autochtones disparues ou assassinées.

Mesures législatives pour appuyer les victimes de violence fondée sur le sexe (p. ex. les anciens projets de loi C-51, C-75, C-3 et C-4).

L’infrastructure et les collectivités

La Banque de l’infrastructure du Canada

(Réponse à la question posée le 5 avril 2022 par l’honorable Donald Neil Plett)

La Banque de l’infrastructure du Canada (BIC) travaille avec tous les ordres de gouvernement et avec des partenaires privés, y compris des partenaires d’investissement autochtones, pour aider à transformer la façon dont les infrastructures sont planifiées, financées et livrées aux Canadiens.

À ce jour, la banque participe à plus de 30 projets, engageant plus de 7,2 milliards de dollars en capital, tout en attirant plus de 7,6 milliards de dollars en investissements privés et institutionnels.

Le budget 2022 a annoncé des mesures pour accroître l’impact de la BIC en soutenant divers projets dirigés par le secteur privé. De plus, dans le cadre du Plan de réduction des émissions, on s’attend à ce que la BIC investisse 500 millions de dollars dans une infrastructure de recharge et de ravitaillement à grande échelle pour les véhicules à zéro émission.

La BIC soutient des projets clés comme le train à grande fréquence, aide le Canada atlantique à cesser d’utiliser le charbon en transportant de l’énergie propre et soutient le plan d’Internet haut débit au Manitoba en visant à fournir un Internet haut débit à des foyers et entreprises supplémentaires.

Sur la rémunération

Le cadre de rémunération de la BIC est divulgué dans le rapport annuel, conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques et aux politiques applicables du Conseil du Trésor. Les dépenses de rémunération pour chaque exercice financier sont également indiquées dans les états financiers annuels vérifiés de la BIC.

Le gouvernement et la société d’État respectent les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information concernant la rémunération des employés. Toute information concernant les personnes et leur rémunération est personnelle et est donc protégée.

Les pêches et les océans

La pêche autochtone

(Réponse à la question posée le 5 mai 2022 par l’honorable Brian Francis)

Au cours des 23 dernières années, Pêches et Océans Canada (MPO) a investi plus de 630 millions de dollars en permis de pêche, navires, engins et formation afin d’accroître et de diversifier la participation aux pêches commerciales et de poursuivre la mise en œuvre du droit de pêcher à des fins de subsistance convenable aux 35 Premières Nations Mi’kmaq, Wolastoqey et Peskotomuhkati (nations signataires d’un traité). Ces investissements se sont traduits par des avantages économiques significatifs qui augmentent d’année en année. Par exemple, la valeur annuelle au débarquement de ces nations signataires d’un traité est passée de 3 millions de dollars en 1999 à plus de 170 millions de dollars en 2019. En outre, environ 100 millions de dollars de revenus annuels sont maintenant générés par les entreprises liées aux pêches (p. ex. transformation et aquaculture) détenues et exploitées par les nations signataires d’un traité.

Grâce à de nombreux outils, le MPO travaille avec les nations signataires d’un traité en vue de prendre en compte et de reconnaître leurs droits historiques issus de traités et d’assurer une pêche stable et prévisible au profit de tous les Canadiens.

J’ai le plaisir d’annoncer qu’une entente provisoire a été conclue avec la Première Nation de Lennox Island. Les membres de la communauté pratiqueront la pêche de subsistance convenable (avec jusqu’à 300 casiers) dans la zone de pêche du homard 24 au large de l’Île-du-Prince-Édouard durant le reste de la saison de la pêche du homard du printemps 2022, et déploieront 700 casiers supplémentaires dans la zone de pêche du homard 25 à l’ouverture de la saison.

Infrastructure Canada

La Banque de l’infrastructure du Canada

(Réponse à la question posée le 19 mai 2022 par l’honorable Donald Neil Plett)

Internet haut débit dans le Manitoba

La clôture financière a été atteinte en août 2021 et la construction a commencé ainsi que le financement de la BIC. Le projet devrait coûter environ 328 millions de dollars et devrait être achevé d’ici la fin de 2024. L’objectif est de desservir environ 48 500 foyers non desservis dans 53 municipalités rurales.

Projet de lien hydroélectrique et de fibre optique vers la région de Kivalliq

La BIC travaille en étroite collaboration à titre consultatif avec la Kivalliq Inuit Association et ses filiales afin de faire progresser le projet de lien hydroélectrique au Kivalliq. Le travail comprend la prestation de conseils sur la sélection d’un ou de plusieurs partenaires du secteur privé, les accords commerciaux avec les fournisseurs et les clients, la réalisation de l’analyse de rentabilité du projet et l’avancement du tracé, des permis, des travaux environnementaux, de la conception et de l’ingénierie du projet. Une fois ces activités de développement et la revue diligente terminées, la BIC déterminera si un investissement sera effectué.

Haut de page