Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 44e Législature
Volume 153, Numéro 69
Le lundi 17 octobre 2022
L’honorable George J. Furey, Président
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
- Les finances
- La justice
- Les finances
- La sécurité publique
- Le patrimoine canadien
- Les finances
- Les ressources naturelles
- Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
- Les affaires intergouvernementales—Le commerce interprovincial
- Le Conseil du Trésor—Le commerce interprovincial
- La défense nationale—L’Aviation royale canadienne
- Les anciens combattants— La restauration de tombes et de plaques funéraires
- Les services publics et l’approvisionnement—Le taux d’occupation des bureaux fédéraux
- Réponses différées à des questions orales
- La Gendarmerie royale du Canada
- Les affaires étrangères
- Les finances
- ORDRE DU JOUR
- La Loi de l’impôt sur le revenu
- Le Code criminel
- Le Code criminel
- La Loi sur les juges
- Affaires étrangères et commerce international
- Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général—Adoption du septième rapport du comité
- Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada—Adoption du huitième rapport du comité
- Les contributions et l’impact des Premières Nations, des Métis et des Inuits
- Affaires étrangères et commerce international
- Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
LE SÉNAT
Le lundi 17 octobre 2022
La séance est ouverte à 18 heures, le Président étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de John Crosbie Perlin, C.M., C.V.O., O.N.L.
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je suis heureux de vous présenter aujourd’hui le chapitre 64 de « Notre histoire ».
Le dimanche 9 octobre 2022, Terre-Neuve-et-Labrador a perdu l’un de ses plus grands humanistes. John Crosbie Perlin est décédé paisiblement à son domicile de St. John’s à l’âge de 88 ans.
M. Perlin a eu une longue et distinguée carrière au service des habitants de sa province et de tout le Canada. Pendant de nombreuses années, il a été directeur des affaires culturelles pour Terre-Neuve-et-Labrador, poste auquel il a été nommé par notre tout premier premier ministre, Joseph R. Smallwood. Il était notamment responsable de gérer tous les centres d’art et de culture de la province ainsi que de développer et de présenter au monde entier le milieu culturel de la province.
Il était sans doute le plus grand expert de la province de la famille royale et de la monarchie, étant donné qu’il a été secrétaire canadien de feu Sa Majesté la reine Elizabeth II, le seul habitant de Terre-Neuve-et-Labrador à avoir occupé cette fonction. Il a travaillé comme conseiller auprès de nombreux lieutenants-gouverneurs de la province et il a coordonné et supervisé de nombreuses visites royales à Terre-Neuve-et-Labrador. L’une de ses dernières interventions publiques a été de commenter le décès de la reine.
Sur une note personnelle, j’ai eu la chance de côtoyer M. Perlin à plusieurs reprises, mais je garde un excellent souvenir de nos échanges pendant que nous attendions l’arrivée du prince Charles et de son épouse Camilla à l’aéroport de St. John’s en 2009. À l’époque, on m’avait demandé de représenter le gouvernement fédéral et d’accueillir officiellement le couple royal à son arrivée au Canada.
Tandis que nous attendions l’arrivée de l’avion, M. Perlin m’a donné un cours d’introduction sur la famille royale concernant ce qu’il faut faire et dire et, surtout, ce qu’il ne faut pas faire et dire. Sur le ton de la plaisanterie, j’ai demandé à M. Perlin : « Pensez‑vous que le prince m’en voudra si je l’appelle Charlie? » Il m’a rapidement répondu : « Il se peut que le prince ne vous en veuille pas, mais si vous le faites, je m’attends à ce qu’on doive me transporter hors d’ici en ambulance. » J’ai décidé de suivre les conseils de M. Perlin et tout s’est bien passé.
John Perlin était bien davantage qu’un expert des questions concernant la royauté. Il participait très activement à de nombreux secteurs de la collectivité. Il a siégé avec distinction à de nombreux conseils d’administration d’organismes caritatifs et sans but lucratif, notamment à titre de président national du Programme des prix du duc d’Édimbourg, de président d’Habitat faunique Canada, de vice-président du conseil consultatif territorial de l’Armée du salut, de président du conseil consultatif de l’Armée du salut à St. John’s, de président du conseil sectoriel communautaire de Terre-Neuve-et-Labrador, de président du théâtre Rising Tide et de président émérite de la Quidi Vidi Rennies River Development Foundation dont il a été président fondateur pendant plus de 20 ans. La fondation exploite le centre « Fluvarium » dont le nom signifie « fenêtre donnant sur un ruisseau ». Il s’agit d’un magnifique centre public consacré à l’éducation environnementale, et John est demeuré actif auprès de la fondation jusqu’à son décès.
John était également membre actif du Fonds Canadiana dont la mission consiste à améliorer les résidences officielles du Canada au moyen de meubles, de tableaux et d’objets d’art donnés ou de dons en argent pour faire de telles acquisitions. John a fait bénéficier de son temps et de son talent de nombreuses autres organisations, dans le but de préserver, de protéger et d’améliorer le patrimoine. Quiconque emprunte un des sentiers entourant St. John’s, visite un centre d’arts ou assiste à une des nombreuses productions théâtrales locales, bénéficie de l’engagement de John Perlin dans notre collectivité.
Le dévouement de John à l’égard du service public ainsi que son engagement communautaire ont été fortement influencés par ses parents, Albert Perlin, journaliste, éditeur et commentateur légendaire, et Vera Crosbie Perlin, militante sociale pour les enfants bien avant l’utilisation du terme « militant social » dans notre société. Pour leurs années de service, John Perlin ainsi que sa mère et son père ont reçu l’Ordre du Canada. Je ne connais pas d’autre famille qui ait reçu cet honneur.
En plus de l’Ordre du Canada, John a également reçu l’Ordre de Terre-Neuve-et-Labrador et a été nommé commandeur de l’Ordre royal de Victoria. Il a également reçu un doctorat honorifique en droit de l’Université Memorial de Terre-Neuve-et-Labrador.
Alors que John incarnait le sens du devoir et le service public avec une passion inégalée, de nombreuses personnes se souviennent de lui avec tendresse et affection pour sa gentillesse, son amitié, son rôle de mentor et le soutien qu’il a offert aux autres. Bien que ses réalisations professionnelles soient nombreuses, et j’espère leur avoir rendu justice ici aujourd’hui, elles sont surpassées de loin par sa chaleur et sa politesse. Dans un monde où l’on peut être tout ce que l’on veut, John Perlin a choisi d’être gentil, généreux, authentique et unique.
Je demande à tous les sénateurs de se joindre à moi aujourd’hui pour transmettre leurs sincères condoléances à la famille et aux amis de John. Il a laissé un héritage extraordinaire à notre province et à notre pays, un héritage dont nous pouvons tous être fiers.
Qu’il repose en paix.
Arctic UAV
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, juste avant la relâche, j’ai eu le privilège et l’honneur de visiter Iqaluit avec mes collègues les sénateurs Downe et Black. En plus de participer à des marches dans le cadre de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, nous avons rencontré des membres de la collectivité, des aînés et des chefs d’entreprise, et nous avons participé au Sommet sur la souveraineté et la sécurité dans l’Arctique, qui avait été gracieusement organisé par le sénateur Patterson. La seule chose plus inspirante que la beauté sauvage de la vaste toundra a été la passion, la détermination et la fierté des Inuits eux-mêmes.
J’aimerais plus particulièrement parler du travail de Kirt Ejesiak, qui exploite Arctic UAV, une entreprise entièrement détenue par des Autochtones et qui se spécialise dans la photographie aérienne, la surveillance vidéo et le mappage des données au moyen de systèmes d’aéronefs télépilotés.
Sur les rives de la baie de Baffin, dans un ancien poste de traite de la Compagnie de la Baie d’Hudson, nous avons été émerveillés par l’équipement dans lequel Kirt et son équipe avaient investi et qu’ils testaient et utilisaient dans ce climat nordique rude et souvent impitoyable. Ils se servent de drones pour cartographier d’importants sites miniers, étudier les effets du transport maritime sur la migration des animaux marins et détecter des points chauds dans des décharges, pour ne nommer que ces activités.
Comme c’est le cas pour beaucoup de jeunes leaders inuits, Kirt connaît bien le territoire où il a grandi et il souhaite créer un meilleur Nunavut. On l’a constaté en discutant avec lui. Kirt débordait d’idées et de solutions pratiques pour s’attaquer aux nombreux défis auxquels sont confrontées les collectivités du Nunavut. Selon lui, les politiques concernant le Nord doivent être élaborées dans le Nord, par les habitants du Nord.
Par exemple, Kirt et son équipe font preuve de polyvalence et possèdent l’expertise nécessaire pour répondre au problème de la surveillance de l’Arctique, un sujet du plus haut intérêt en ce moment pour les décideurs.
Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour féliciter Kirt et Arctic UAV pour le travail extraordinaire qu’ils accomplissent au Nunavut et dans le Nord.
Merci.
L’International Metropolis Conference
L’honorable Tony Loffreda : Honorables sénateurs, je prends la parole pour attirer votre attention sur la 25e International Metropolis Conference, qui a eu lieu à Berlin le mois dernier.
J’ai eu l’honneur d’assister à titre personnel à ce forum, qui a réuni des experts, des décideurs politiques et des chefs d’entreprise pour discuter des questions liées à la migration, la mobilité, l’intégration et l’inclusion.
Une de nos collègues, la sénatrice Omidvar, était une conférencière principale. J’ai été fier de me joindre à elle pour participer à différents événements et ateliers. Je dois avouer qu’elle a été accueillie en Allemagne comme une vraie vedette. Lorsque la sénatrice Omidvar a parlé, tout le monde l’a écoutée. Son expertise est sans égal. Le Canada est chanceux de l’avoir comme sénatrice.
Pour moi, la conférence a été une occasion d’en apprendre plus sur la migration et l’intégration. J’ai retenu deux choses en particulier. Premièrement, en ce qui concerne les pratiques exemplaires, le Canada a beaucoup à partager avec nos homologues internationaux. Notre système d’immigration n’est pas parfait. Cependant, nous devrions en être fiers, car il fait encore l’envie des autres pays.
(1810)
Deuxièmement, la concurrence pour attirer de nouveaux arrivants est très élevée. Le Canada se trouve dans une bonne position, car il a toujours été considéré comme une destination attrayante, notamment en raison de ses politiques efficaces en matière d’intégration. Cependant, nous devons accélérer la cadence, sinon nous risquons de perdre du terrain par rapport aux autres pays.
[Français]
La prospérité du Canada dépendra fortement d’une augmentation de l’immigration. Nous avons besoin de nouveaux Canadiens pour combler les pénuries de main-d’œuvre actuelles et futures.
L’immigration représente déjà près de 100 % de la croissance de la population active du Canada.
[Traduction]
Pour faire croître notre économie dans le contexte où notre population vieillit et nos travailleurs partent à la retraite, ce bassin de talents occupe une place centrale. À l’heure actuelle, environ six immigrants sur dix sont sélectionnés pour leur capacité d’avoir une incidence positive sur l’économie.
Ces temps-ci, nous nous préoccupons surtout de l’inflation et de la pénurie de main-d’œuvre, et il y a une corrélation entre les deux. Les immigrants peuvent contribuer à atténuer ces deux problématiques. Comme on a pu le lire dans un récent rapport de l’Initiative du siècle : « Accroître notre population au moyen de l’immigration contribue à accroître le PIB. » De plus, l’immigration pourrait améliorer le PIB par habitant si nous mettons à profit les talents et les compétences des immigrants.
Honorables sénateurs, l’option de poursuivre nos activités comme d’habitude est devenue inacceptable. Comme nous avons pu le constater dans le cadre de nos rencontres à Berlin, il est urgent que le Canada agisse mieux et plus vite.
Comme l’a souligné l’Initiative du siècle :
Le Canada occupe le premier rang des pays au chapitre de l’acceptation des immigrants. Ses politiques sur l’intégration des immigrants se classent parmi les meilleures au monde. De plus, l’immigration jouit d’un soutien public et politique généralisé.
Nous devons mettre à profit cette réputation exceptionnelle. Il y va véritablement de la prospérité de notre économie. Merci.
Vladimir Kara-Murza
L’honorable Pierre J. Dalphond : Honorables sénateurs, en avril, j’ai pris la parole au Sénat pour exprimer ma solidarité envers Vladimir Kara-Murza, leader de l’opposition en Russie, qui est actuellement emprisonné. Après avoir été la cible de deux tentatives d’assassinat, il est bravement retourné en Russie, où il a été arrêté pour avoir enfreint de nouvelles lois criminalisant la dissidence.
Dernièrement, il a été accusé de haute trahison parce qu’il s’est opposé à la guerre contre l’Ukraine.
Pourtant, les critiques de M. Kara-Murza à l’endroit du régime de Poutine reflètent la vérité, comme le montre le résultat sans équivoque du vote tenu par l’Organisation des Nations unies, la semaine dernière, afin de dénoncer la « tentative d’annexion illégale » de régions de l’Ukraine occupées par les Russes. La vérité ne peut pas être un crime.
Réitérons notre solidarité envers M. Kara-Murza, une étoile porteuse d’espoir dans le ciel de Russie. Cette semaine, nous avons l’honneur d’accueillir dans la capitale canadienne son épouse, Evgenia Kara-Murza, gestionnaire de projet de la Free Russia Foundation. Nous avons aussi l’honneur d’accueillir deux de ses défenseurs, l’honorable Irwin Cotler, envoyé spécial de l’Assemblée parlementaire de la Communauté des démocraties dans l’affaire Vladimir Kara-Murza, et Bill Browder, responsable de la campagne mondiale pour la justice Magnitski.
Ils nous remercient d’avoir adopté la loi de Magnitski et ils demandent que plus de sanctions soient imposées aux oligarques dont Poutine se sert souvent pour cacher ses richesses, et que les fonctionnaires russes qui ont joué un rôle dans la persécution de M. Kara-Murza soient interdits d’entrée au Canada.
Le 10 octobre, à Strasbourg, Evgenia Kara-Murza a accepté, au nom de son époux, le prix des Droits de l’Homme Václav Havel, décerné par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Dans une déclaration lue par son épouse, M. Kara-Murza a dédié le prix aux milliers de Russes qui ont exprimé leur opposition à la guerre et qui ont choisi de ne pas demeurer « silencieux face à cette atrocité, même au prix de leur propre liberté ». Dans cette déclaration lue par son épouse, il a ajouté ceci :
[...] Il me tarde [...] qu’une Russie pacifique, démocratique et sans Vladimir Poutine revienne à cette Assemblée et au Conseil de l’Europe, et que nous puissions enfin commencer à bâtir l’Europe unie, libre et pacifique que nous voulons tous. Même aujourd’hui, en cette période des plus sombres, je crois fermement que ce jour arrivera.
Honorables sénateurs, soyons solidaires de M. et Mme Kara-Murza, des militants qui travaillent avec eux et de tous les gens en Russie qui osent dénoncer les crimes de guerre du président Poutine. Merci, meegwetch.
[Français]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Préavis de motion tendant à inviter le premier ministre à demander à la gouverneure générale de révoquer le titre honorifique « honorable » de l’ancien sénateur Don Meredith
L’honorable Josée Verner : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, à la lumière des rapports du conseiller sénatorial en éthique datés du 9 mars 2017 et du 28 juin 2019 concernant les manquements de l’ancien sénateur Don Meredith au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs ainsi que de la déclaration faite au Sénat le 25 juin 2020 par le président du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration exprimant des regrets aux victimes de l’inconduite de M. Meredith, le Sénat invite le premier ministre à demander à Son Excellence la gouverneure générale de prendre les mesures nécessaires pour révoquer le titre honorifique « honorable » de l’ancien sénateur Don Meredith.
[Traduction]
PÉRIODE DES QUESTIONS
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
L’arriéré de traitement des demandes de permis de travail
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, j’espère que vous avez passé une excellente Action de grâces, que vous êtes de bonne humeur et que vous répondrez à quelques questions aujourd’hui.
Monsieur le leader, dans un récent article du Globe and Mail, on rapporte qu’en raison d’un arriéré causé par des décisions du gouvernement fédéral, des milliers d’immigrants hautement qualifiés sont forcés de retourner dans leur pays, parce que leur permis de travail est échu. Au début de la pandémie de COVID-19, il y a eu une baisse marquée du nombre d’immigrants qui se sont vus accorder la résidence permanente au Canada, et le gouvernement a mis en œuvre des mesures dans le but de renverser cette tendance. Toutefois, monsieur le leader, c’est l’opposé qui s’est produit.
Les bureaucrates de l’immigration canadienne n’étant pas en mesure de répondre au nombre de demandes, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a imposé une pause d’un an sur les nouvelles demandes provenant de personnes qui vivaient et travaillaient déjà au Canada. À l’heure actuelle, des milliers d’immigrants ayant de l’expérience de travail au Canada attendent dans l’incertitude et pourraient très bien devoir quitter le Canada si leur permis de travail expire avant qu’ils n’aient reçu leur invitation à demander la résidence permanente. Pour beaucoup d’entre eux, cela se produira très bientôt.
Monsieur le leader, pourquoi votre gouvernement ne met-il pas tout en œuvre pour résorber l’arriéré et réparer le gâchis qu’il a créé?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. J’espère moi aussi que l’Action de grâces a été agréable pour tout le monde.
Oui. Je suis heureux de répondre à votre question. La réponse, c’est que le gouvernement fait tout ce qu’il peut. Il est manifeste que l’immigration joue un rôle clé pour contrer la pénurie de main‑d’œuvre, et on m’informe que le gouvernement accorde la priorité au traitement des permis de travail pour les professions recherchées. Plus de 394 000 nouveaux permis de travail ont été accordés de janvier à août cette année, soit plus du double du nombre de permis de travail traités au cours de la même période l’an dernier. Voilà une excellente nouvelle pour notre économie.
Le gouvernement prend également des mesures pour réduire le temps d’attente, et on m’assure que le gouvernement se surpassera à court terme pour s’attaquer à l’arriéré des demandes tout en rendant le système plus viable à long terme.
Le sénateur Plett : Monsieur le leader, ce gâchis ne fait que souligner un autre échec du gouvernement lorsqu’il s’agit d’assurer le bon fonctionnement des services gouvernementaux de base. Non seulement les bureaux des passeports sont en piteux état, mais le gouvernement n’arrive même pas à garder les travailleurs immigrants au Canada malgré une grave pénurie de main-d’œuvre.
(1820)
Monsieur le leader, il s’agit de personnes hautement qualifiées ayant une expérience de travail au Canada qui pourraient contribuer à atténuer cette pénurie, à faire croître l’économie et à renforcer nos collectivités. Ce n’est pas comme si cette pénurie ou cet arriéré étaient apparus du jour au lendemain.
Qu’a fait le gouvernement au juste?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. L’une des choses que le gouvernement continue de faire est d’attirer des immigrants qualifiés du monde entier. Le gouvernement, malgré la pandémie, a été en mesure de rendre plus d’un demi-million de décisions et il a accueilli plus de 405 000 nouveaux résidents permanents en 2021 — le plus grand nombre de nouveaux arrivants en un an de l’histoire du Canada.
De plus, le gouvernement accorde la priorité aux travailleurs occupant des emplois spécialisés essentiels, notamment dans le secteur de la santé, et il investit plus de 3,5 millions de dollars pour soutenir l’intégration dans le marché du travail d’infirmiers formés à l’étranger en fournissant de l’aide à l’emploi et de l’expérience de travail, en plus d’améliorer les processus de reconnaissance des titres de compétences étrangers.
Le gouvernement continue de travailler à créer un environnement de travail plus intégré, plus moderne et plus centralisé afin d’aider à accélérer le processus de demande en général.
Les finances
Le coût du carburant
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Les Canadiens qui chauffent leur maison au gaz naturel ou à l’électricité peuvent s’attendre à voir leurs factures augmenter de 50 % à 100 % en moyenne cet hiver. La hausse pourrait même aller jusqu’à 300 % pour certains consommateurs. Si la guerre en Europe et la demande saisonnière font partie des facteurs qui font augmenter les coûts, c’est aussi le cas de l’inflation et des hausses de la taxe fédérale sur le carbone.
Monsieur le leader, en ce qui concerne ce dernier facteur, le gouvernement veillera-t-il à ce que les Canadiens puissent rester au chaud cet hiver en gelant la hausse de taxe qu’il prévoit?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Comme je l’ai répété à maintes reprises et comme le savent bien les sénateurs et tous les Canadiens, la tarification de la pollution est une composante essentielle de tout plan de lutte contre les changements climatiques rationnel, efficient et efficace, et c’est l’un des éléments du plan gouvernemental à cette fin.
Comme nous l’avons souvent dit dans cette enceinte, nous savons que l’imposition d’une taxe sur la pollution aux provinces n’ayant pas de plan crédible permet de rembourser, en grande partie, les familles qui doivent payer cette taxe. Dans le cadre du plan existant, la majorité des familles dans les provinces où la tarification fédérale de la pollution est en vigueur recevront plus d’argent qu’elles en paient.
Pour répondre à votre question, non, le gouvernement n’a pas l’intention d’annuler ou de geler la tarification fédérale de la pollution.
La sénatrice Martin : Alors que les Canadiens auront du mal à chauffer leurs maisons, les répercussions de la hausse du prix du carburant — et par conséquent du prix des denrées alimentaires — seront terribles dans les communautés autochtones. Le prix des aliments dans les communautés autochtones éloignées est déjà jusqu’à 2,5 fois plus élevé que la moyenne nationale, et la hausse du prix du carburant aggravera encore les difficultés rencontrées par les familles autochtones en raison de l’inflation. Alors que le ministre se contentera de suivre l’évolution de la situation, les familles autochtones devront se résigner à moins manger et à moins se chauffer cet hiver.
Sénateur Gold, quels sont les plans du gouvernement pour répondre aux pressions accrues auxquelles seront confrontées les communautés autochtones cet hiver?
Le sénateur Gold : Je vous remercie d’avoir posé cette question et de souligner les véritables répercussions de la hausse globale des prix pour tous les Canadiens, en particulier les plus vulnérables, à savoir ceux qui vivent dans des communautés autochtones ou éloignées ou qui comptent sur la livraison de produits de première nécessité par bateau ou via de longues chaînes d’approvisionnement.
Le gouvernement a prévu une série de mesures pour aider les Canadiens à traverser cette période, notamment des investissements majeurs auprès des communautés et des partenaires autochtones. Ces mesures comprennent, bien sûr, des dispositions dont nous débattrons plus tard aujourd’hui et qui, en fait, feront également partie d’un projet de loi sur l’abordabilité que nous devrions recevoir plus tard ce mois-ci.
Le gouvernement canadien s’est engagé à aider les Canadiens à traverser cette période difficile, et il est déterminé à le faire.
[Français]
La justice
L’exploitation sexuelle des enfants sur Internet
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Gold, le Sénat français vient de déposer un rapport choc révélant que l’auditoire de Pornhub est composé de 17 % d’enfants. C’est la première fois qu’on dispose d’une telle estimation, et c’est sans compter le fait que le quart de la bande passante mondiale sur Internet est consacrée à la pornographie.
Qu’entend faire le gouvernement pour limiter l’exposition des enfants à ces images crues, parfois violentes et traumatisantes pour eux?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question et d’avoir souligné, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises — c’est tout à votre honneur —, l’enjeu, le problème et le défi.
Comme je l’ai souvent constaté, certains articles du Code criminel interdisent plusieurs aspects de cette pratique aberrante. Vous avez aussi déposé un projet de loi d’intérêt privé qui est à l’étude.
Cela dit, il y a quand même des limites au coffre à outils dont dispose le gouvernement fédéral pour faire en sorte que tout ce qui se produit ou qui apparaît sur le Web puisse faire l’objet d’une loi fédérale.
Néanmoins, je ferai des recherches auprès du gouvernement afin de m’informer des progrès accomplis à ce chapitre.
Le renforcement des lois sur l’exploitation sexuelle
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Merci, sénateur Gold. J’ai une autre question qui pourrait peut-être vous aider dans le cadre de cette recherche.
Le gouvernement travaille sur un projet de loi qui porte sur les préjudices. Vous savez que des consultations ont eu lieu; j’y ai participé. Ce projet de loi s’attaquera-t-il à cet accès sans limites et gratuit des enfants à la pornographie? Je vous rappelle que cette pornographie commence maintenant à être perçue comme une véritable crise de santé publique partout dans le monde.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question. Si je ne me trompe pas, le processus entourant le projet de loi que vous avez mentionné n’est pas terminé ni rendu public. Dès que les renseignements seront rendus publics, nous pourrons les partager, mais pour le moment, je ne suis malheureusement pas en mesure de répondre à votre question quant au contenu du projet de loi.
Les finances
La Prestation canadienne d’urgence
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, on vient tout juste d’apprendre que des employés fédéraux ont reçu illégalement des contributions dans le cadre de la PCU. Ils n’y avaient pas droit puisqu’ils étaient à l’emploi du gouvernement fédéral. Pouvez-vous nous dire combien d’employés sont visés, quel montant total ils ont reçu illégalement, quelles mesures votre gouvernement a prises ou entend prendre afin de recouvrir ces sommes et quelles mesures disciplinaires ont été prises à l’encontre de ces employés?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de la question. Je devrai mener des recherches auprès du gouvernement et je vous reviendrai avec une réponse dans les plus brefs délais.
Le sénateur Carignan : En ce qui a trait à la réponse que vous allez formuler, j’aimerais exprimer un souhait. Dans le cadre d’une demande d’accès à l’information, on a répondu aux journalistes, lors des deux premières demandes en mai, que l’organisme fédéral avait indiqué qu’il n’y avait aucun document répondant à leurs questions sur le nombre d’employés et les sanctions en lien avec les employés. C’est par la suite, à l’aide d’un courriel, que l’enquête journalistique a permis d’obtenir copie d’un courriel interne qui mentionnait 44 employés qui avaient été congédiés.
Cela m’a rappelé une réponse que j’ai reçue du gouvernement sur le nombre d’espaces ou le nombre d’employés en télétravail, alors qu’on m’avait répondu qu’on ne disposait pas des données. Pourrez-vous nous donner l’information exacte ou, encore une fois, allez-vous nous dire qu’on n’a pas le document ou l’information, alors que cette information existe quelque part dans un bureau, dans une note interne?
Le sénateur Gold : Comme je l’ai déjà dit, je m’engage à tenter d’obtenir une réponse et à la fournir à la Chambre aussitôt que je la reçois.
[Traduction]
Le taux d’inflation au Canada
L’honorable Leo Housakos : Ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat.
Monsieur le leader du gouvernement, les Canadiens d’un océan à l’autre sont aux prises avec des taux d’inflation injustes. Plus que jamais auparavant, les factures de téléphone cellulaire et le prix de l’énergie, des loyers et des aliments grimpent, au point que les Canadiens de la classe moyenne sont dévastés. Nous voyons la bulle immobilière. Récemment, j’ai lu un article qui disait que Vancouver et Toronto comptent parmi les cinq villes où sévit la plus grosse bulle immobilière au monde. Imaginez! Le logement coûte plus cher dans ces villes canadiennes qu’à New York, à Londres ou à Tokyo. Tout cela parce que le gouvernement gère l’économie de manière irresponsable. Pas plus tard qu’il y a un an, le gouverneur de la Banque du Canada, le premier ministre et la ministre des Finances disaient que le gros défi qui attendait les Canadiens serait la stagnation, et non l’inflation. C’est incroyable comme ils se sont mis le doigt dans l’œil.
(1830)
Je pose ma question depuis quelques semaines déjà. Qui sera tenu responsable de ce résultat dévastateur? Ne me dites pas qu’il s’agit d’un phénomène mondial, car la France, l’Autriche, le Japon, l’Arabie saoudite et l’Inde réussissent tous à maintenir un taux d’inflation beaucoup plus sain que le Canada.
Qui en est responsable? Qui assumera la responsabilité de cette catastrophe?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question. Le gouvernement est responsable de la forte croissance économique au pays. Il est responsable du maintien de la forte croissance du produit intérieur brut, le PIB. Récemment, la cote de crédit AAA du Canada et sa perspective économique stable ont été réaffirmées par S&P Global.
Le gouvernement est responsable et il faut lui donner du mérite, puisque le mérite et le blâme sont les deux côtés d’une même médaille; vous cherchez à jeter le blâme. Or, dans son rapport sur les perspectives économiques et financières publié récemment, le directeur parlementaire du budget affirme ceci :
Pour l’exercice en cours, 2022-2023, [le déficit budgétaire] devrait revenir à 25,8 milliards de dollars (0,9 % du PIB), si la politique demeure inchangée [...] le déficit budgétaire devrait continuer de baisser [...]
À l’aube de la crise, c’est le Canada qui avait le ratio net dette‑PIB le plus bas de tout le G7. D’ailleurs, le Canada a augmenté son avantage relatif pendant toute la pandémie.
Je crois que, même s’il est vrai et troublant que le coût de la vie cause de fortes pressions sur les ménages au pays, les Canadiens devraient être heureux que le gouvernement ait dirigé l’économie du pays pendant cette épreuve. C’est pour cette raison que le gouvernement met en place les mesures ciblées dont j’ai parlé plus tôt et dont le Sénat sera appelé à débattre.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader, la seule raison pour laquelle le Canada a encore un ratio dette-PIB à peu près convenable par rapport aux autres pays, c’est que votre gouvernement a hérité du meilleur ratio dette-PIB au monde en 2015, et que celui-ci n’a cessé de diminuer au cours des sept dernières années.
De plus, vous êtes également passés maîtres dans l’art d’accumuler des dettes et des déficits records tout en faisant grimper l’inflation, ce qui porte particulièrement préjudice aux Canadiens de la classe moyenne et à ceux qui travaillent fort pour en faire partie.
Mon autre question est liée au problème de l’inflation que nous connaissons. On s’attend à ce que les coûts de l’énergie montent en flèche cet hiver. Encore une fois, vous allez dire que je cherche à trouver un coupable. Ce n’est pas le cas. J’essaie simplement de comprendre les raisons de cette situation afin que votre gouvernement puisse changer de cap.
Le Canada a récemment reçu la visite du chancelier allemand. Celui-ci a demandé au Canada de fournir davantage de gaz naturel liquéfié, ou GNL, et davantage d’énergie propre et canadienne aux Européens en cette période difficile. À l’heure actuelle, le Canada n’a ni l’infrastructure ni la capacité nécessaire pour y parvenir.
La principale raison de cette situation est que votre gouvernement a fait preuve d’une grande irresponsabilité et d’un manque de mesure à l’égard du secteur de l’énergie et de l’environnement, en adoptant notamment des mesures législatives comme les projets de loi C-69 et C-48.
Êtes-vous prêt à reconnaître que votre manque de mesure à l’égard du secteur de l’énergie et de l’environnement est à l’origine de la situation catastrophique qui se profile à l’horizon, à savoir l’augmentation des prix de l’énergie, à laquelle s’ajoute l’inflation provoquée par le gouvernement actuel?
Le sénateur Gold : Je vous remercie de votre question. Non, je ne reconnais pas une telle chose. Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Housakos, vous déformez la réalité économique et les faits.
Le gouvernement a adopté une politique équilibrée pour tenter de tenir adéquatement le cap du développement durable du secteur de l’énergie et de la protection de l’environnement.
Je rappelle à l’honorable sénateur que certaines des difficultés, surtout celles liées à l’exportation du gaz naturel vers nos alliés européens, un sujet dont la ministre Freeland a parlé avec éloquence dans son discours prononcé à Washington, soit dit en passant, découlent de décisions prises par Québec et d’autres provinces, qui, à tort ou à raison, jugent inacceptable que des pipelines soient construits sur leur territoire.
Cela dit, je suis encouragé par les développements au Nouveau-Brunswick, où il y a des discussions à ce sujet. Le gouvernement discute avec les promoteurs du terminal de réception de gaz naturel liquéfié de la société énergétique espagnole Repsol au Nouveau‑Brunswick. Le gouvernement est déterminé à faire ce qu’il peut pour aider ses alliés. Il est déterminé à faire ce qu’il peut pour assurer la durabilité et le dynamisme du secteur de l’énergie.
Je n’accepte tout simplement pas la prémisse de votre question, comme j’ai essayé de l’expliquer.
La sécurité publique
Les mesures de renvoi
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Monsieur le leader, pour rester sur le sujet des échecs du gouvernement, ce dernier s’est récemment fait poser des questions sur son incapacité à dire où se trouvent certains criminels étrangers qui doivent être expulsés. En décembre dernier, monsieur le leader, l’Agence des services frontaliers du Canada a déclaré que 29 719 personnes faisant l’objet d’une mesure de renvoi du Canada étaient introuvables, dont 469 pour des motifs de criminalité ou en raison d’une condamnation criminelle au Canada.
Beaucoup d’expulsions ont été suspendues en 2020 en raison de la pandémie. L’Agence des services frontaliers du Canada n’a pas dit de combien de délinquants faisant l’objet d’une mesure de renvoi à cause d’une infraction criminelle elle avait perdu la trace au cours de la pandémie. Monsieur le leader, j’ai déjà soulevé cette question auprès de ministres du gouvernement Trudeau. J’espère que suffisamment de temps s’est écoulé pour que le gouvernement puisse enfin nous donner une réponse aujourd’hui. Voyons voir, monsieur le leader.
Pouvez-vous nous dire combien de criminels étrangers faisant l’objet d’une mesure de renvoi et ayant disparu au cours de la pandémie demeurent introuvables?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Assurer la sécurité des Canadiens est la responsabilité de chaque gouvernement, y compris celui-ci.
Le gouvernement sait que la situation entourant les criminels étrangers introuvables faisant l’objet d’une mesure de renvoi est tout à fait inacceptable. On m’a assuré que le gouvernement collabore étroitement avec l’Agence des services frontaliers du Canada pour remédier à la situation.
Le gouvernement est déterminé à continuer à lutter contre la criminalité et à placer la sécurité des Canadiens en premier.
Le sénateur Plett : La réponse à ma question était non, de toute évidence. Il aurait été plus rapide de répondre cela. Non, vous ne savez pas combien.
Monsieur le leader, l’approche laxiste du gouvernement est vraiment alarmante. On parle de criminels étrangers qui manquent en ce moment à l’appel, avec une forte probabilité de récidive, et dont certains ont déjà été condamnés pour plusieurs infractions de nature sexuelle. Ce n’est pas suffisant que le gouvernement dise simplement qu’il prend cette affaire au sérieux. Ses gestes ne reflètent manifestement pas cela.
Un rapport du vérificateur général sur le renvoi d’immigrants publié en 2020 a signalé de graves préoccupations, notamment que l’Agence des services frontaliers a perdu la trace de nombre de ces personnes, parfois pendant plusieurs années. Même les dossiers hautement prioritaires ont accumulé des retards ou sont demeurés carrément inactifs.
Monsieur le leader, quand ces personnes dangereuses seront-elles renvoyées du Canada? C’est la sécurité des Canadiens qui est en jeu. Avons-nous raison de le dire?
Le sénateur Gold : La sécurité des Canadiens est en jeu et c’est une priorité. Comme je l’ai dit, le gouvernement collabore avec l’Agence des services frontaliers pour régler la situation.
Le patrimoine canadien
L’approbation du financement
L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) : Sénateur Gold, plus tôt ce mois-ci, Ahmed Hussen, ministre de la Diversité et de l’Inclusion, a dit au Parlement qu’il avait été informé des gazouillis antisémites de Laith Marouf, un consultant embauché par le gouvernement libéral, un mois avant même qu’il reconnaisse la situation publiquement. Le député Hussen a soutenu qu’il avait tardé à réagir pour des raisons de procédure, affirmant qu’il avait fallu du temps pour consulter le service juridique afin de supprimer le financement accordé à M. Marouf.
Monsieur le leader, même si c’était le cas et que le ministre avait dû attendre l’approbation du service juridique pour annuler le financement, cela ne justifie pas la durée de temps pendant laquelle le gouvernement est demeuré muet sur cette question. Le gouvernement n’a sûrement pas besoin de plusieurs semaines pour préparer une déclaration.
Monsieur le leader, j’aimerais vraiment que vous répondiez honnêtement à cette question. Pourquoi le gouvernement a-t-il attendu un mois entier avant que la pression croissante des médias et de la population le force à enfin dire quelque chose?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Vous y avez répondu en partie. Il faut effectivement du temps pour s’assurer que la décision de mettre fin au financement est appropriée et légale.
(1840)
Le gouvernement convient qu’il y a eu un échec dans ce cas-là et que le processus de vérification du ministère du Patrimoine canadien a échoué. Lorsque l’un des députés libéraux, Anthony Housefather, l’a informé du problème cet été, le gouvernement a immédiatement fait enquête, ce qui lui a permis de repérer l’échec. Il a fait preuve de diligence raisonnable et il a agi rapidement pour régler le problème en mettant fin au financement et en suspendant l’examen des demandes jusqu’à ce qu’un nouveau processus de vérification soit mis en place.
Le gouvernement est heureux que le Comité du patrimoine canadien se penche sur cette question. Il est important de rendre des comptes au public à ce sujet, et le gouvernement veut éviter qu’une telle situation ne se reproduise. C’est pourquoi le ministre Hussen comparaîtra devant le comité pour répondre publiquement aux questions des députés à ce sujet.
Le sénateur Plett : Oui, bien sûr, mais ma question visait à savoir pourquoi il a fallu autant de temps pour publier une déclaration. Je ne sais donc pas en quoi j’ai partiellement répondu à la question.
Sénateur Gold, selon un article du National Post :
Les gouvernements canadiens dirigés par Justin Trudeau ont versé plus d’un demi-million de dollars entre 2016 et 2021 à une organisation dirigée par Laith Marouf, un propagateur en série de haine, entre autres envers les Juifs et Israël.
Bien que je comprenne que le gouvernement se soit chargé de couper ce financement à la suite du scandale des gazouillis de M. Marouf, le fait est que des responsables du ministère au sein du gouvernement libéral ont participé à l’approbation des programmes et du financement en question.
Monsieur le leader, cela témoigne de graves lacunes dans le processus de vérification du gouvernement. Vous conviendrez, j’en suis convaincu, que les Canadiens méritent mieux, sénateur Gold.
Quels processus de vérification, le cas échéant, le gouvernement avait-il suivis avant d’embaucher M. Marouf? Vous conviendrez sans doute qu’il est vraiment inquiétant que quelque chose d’aussi grave ait échappé à de multiples reprises au gouvernement.
Le sénateur Gold : Le gouvernement reconnaît que le processus de vérification a échoué. Le processus a laissé tomber le système et, plus important encore, il a laissé tomber les Canadiens. Il a laissé tomber ceux qui, comme moi, appartiennent à une communauté qui est la cible d’une haine infâme, année après année, de façon largement disproportionnée par rapport à notre représentation dans la collectivité.
Encore une fois, le ministre se présentera devant un comité saisi de la question pour examiner cette affaire, et nous attendons avec impatience les résultats de ces audiences.
Les finances
Les retards dans les audits des petites et moyennes entreprises
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, 99,8 % des entreprises sont de petites ou moyennes entreprises, ou PME. Les PME sont le moteur de l’économie canadienne, car elles emploient 88,3 % de la main‑d’œuvre du secteur privé et produisent plus de la moitié du PIB du pays.
Tout plan de relance post-pandémique repose sur des PME en santé, mais en ce moment crucial, l’Agence du revenu du Canada impose un stress indu aux entreprises en prenant en moyenne presque un an à compléter leur audit.
Que fait le gouvernement pour réduire ces délais à l’ARC?
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je ne sais vraiment pas avec précision ce que le gouvernement fait au sujet des retards dans les audits de l’ARC. Je vous remercie de la question et je vais certainement y donner suite. Je n’accaparerai pas trop de temps pour souligner, tout comme vous, à quel point les petites entreprises sont importantes pour l’économie, non seulement après la pandémie, mais tout au long de l’année, année après année.
La sénatrice Martin : Plus de la moitié des entreprises canadiennes, soit 55,3 %, comptent moins de quatre employés. Bon nombre d’entre elles sont des entreprises familiales. Tandis que ces familles s’efforcent de rester en affaires, elles sont aux prises avec une augmentation des coûts due à l’inflation et à des hausses de taxes. En plus, elles doivent attendre en moyenne un an avant que l’Agence du revenu du Canada termine l’audit de leur entreprise. Cela impose un stress inutile aux petits entrepreneurs du pays. Si l’ARC a un problème de ressources, que compte faire le gouvernement pour y remédier?
C’est un problème vraiment très grave, sénateur.
Le sénateur Gold : Merci. Si vous me le permettez, je répondrai à votre question en vous fournissant un peu plus de précisions par rapport à votre première question. Je suis désolé de ne pas l’avoir fait sur-le-champ.
Premièrement, les employés de l’ARC sont des professionnels hautement spécialisés et ils sont fiers de servir les Canadiens chaque jour de l’année. Le gouvernement continue d’investir dans l’amélioration des services de l’ARC, et il s’attend à récolter des résultats concrets. On m’a assuré que, du côté de l’ARC, tous les efforts sont activement déployés pour accorder la priorité aux personnes et offrir des services de haute qualité en temps opportun.
Les ressources naturelles
L’industrie pétrolière et gazière
L’honorable Leo Housakos : Encore une fois, ma question s’adresse au leader du gouvernement au Sénat. J’aimerais aborder à nouveau les coûts de l’énergie et du chauffage, qui augmentent à une vitesse fulgurante dans notre pays à l’heure actuelle. Bien entendu, les Canadiens dans toutes les régions de notre vaste et beau territoire ont besoin de chauffer leur maison quand l’hiver approche.
Monsieur le leader, ma question est fort simple. Comment se fait-il que, dans un pays comme le Canada qui regorge de pétrole et de gaz, la moitié du pétrole qui est consommé au Québec — notre province — et dans les provinces maritimes provienne de l’étranger? Veuillez m’expliquer.
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de votre question. Je serais heureux d’expliquer qu’actuellement, le pétrole que nous recevons par chemin de fer de l’Ouest ne suffit pas pour répondre aux besoins des Canadiens. Malgré les importants pouvoirs législatifs et autres du gouvernement fédéral en cette matière, en ce qui a trait à l’énergie et à l’environnement, il s’agit de responsabilités partagées avec les provinces. Ainsi, dans le fédéralisme canadien, il n’est tout simplement pas possible pour un gouvernement fédéral de dicter par décret quels pipelines pourraient être construits sur le territoire du Québec pour fournir de l’essence aux Canadiens et pour leur permettre de chauffer leurs maisons, peu importe s’ils habitent au Québec ou dans le Canada atlantique. En attendant que chaque région soit complètement autosuffisante, sans devoir traverser des frontières provinciales ou obtenir le consentement des provinces, nous sommes pris dans une situation où nous faisons notre possible pour fournir l’énergie dont les Canadiens ont besoin pour exploiter leurs entreprises et chauffer leurs maisons.
Dépôt de réponses à des questions inscrites au Feuilleton
Les affaires intergouvernementales—Le commerce interprovincial
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 58, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le commerce interprovincial — Affaires intergouvernementales.
Le Conseil du Trésor—Le commerce interprovincial
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 58, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant le commerce interprovincial — Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
La défense nationale—L’Aviation royale canadienne
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 84, en date du 23 novembre 2021, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Plett, concernant l’Aviation royale canadienne.
Les anciens combattants— La restauration de tombes et de plaques funéraires
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 146, en date du 30 mars 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Housakos, concernant Anciens Combattants Canada — restauration de tombes et de plaques funéraires.
Les services publics et l’approvisionnement—Le taux d’occupation des bureaux fédéraux
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) dépose la réponse à la question no 170, en date du 23 juin 2022, inscrite au Feuilleton et Feuilleton des préavis au nom de l’honorable sénateur Carignan, c.p., concernant le taux d’occupation des bureaux fédéraux.
[Français]
Réponses différées à des questions orales
L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer les réponses aux questions orales suivantes :
Réponse à la question orale posée au Sénat le 5 avril 2022 par l’honorable sénateur Boisvenu, concernant les services policiers.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 juin 2022 par l’honorable sénatrice Coyle, concernant le Sommet des Amériques.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 15 juin 2022 par l’honorable sénateur Wells, concernant l’île Hans.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 20 juin 2022 par l’honorable sénatrice Duncan, concernant le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral — Ministère des Finances Canada.
Réponse à la question orale posée au Sénat le 20 juin 2022 par l’honorable sénatrice Duncan, concernant le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral — Services publics et Approvisionnement Canada.
La Gendarmerie royale du Canada
Les services policiers
(Réponse à la question posée le 5 avril 2022 par l’honorable Pierre-Hugues Boisvenu)
Sécurité publique Canada (SP)
La tuerie survenue en Nouvelle-Écosse en avril 2020 a coûté la vie à 22 personnes et a marqué à jamais les familles et les communautés. Avant cet incident, le système d’alertes publiques avait seulement été utilisé dans le cas de phénomènes météorologiques violents, de catastrophes naturelles et d’alertes Amber. Aucun service de police canadien ne s’en était jamais servi pour signaler une fusillade en cours.
De plus, il n’existait aucune politique sur la diffusion d’alertes publiques relatives à des situations policières, et la GRC n’avait pas directement accès au système. En décembre 2020, la GRC en Nouvelle-Écosse a mis en œuvre sa politique sur les alertes dans les incidents graves. Cette mesure s’est accompagnée de l’établissement d’un protocole d’entente permettant à la GRC d’accéder directement au système En Alerte du Bureau de la gestion des urgences de la Nouvelle-Écosse.
La politique nationale de la GRC sur les alertes publiques lancées par la police a été publiée en mars 2022. La GRC fournit également au besoin un soutien pour aider les provinces et les territoires à élaborer des politiques, des formations et des procédures concernant le système En Alerte et les alertes de sécurité publique lancées par la police. En outre, elle se penche continuellement sur les pratiques exemplaires et sur les façons d’utiliser le système En Alerte pour la gestion de futurs incidents critiques et à d’autres fins.
La GRC continuera par ailleurs à soutenir la Commission des pertes massives dans l’exécution de son mandat et à collaborer à son enquête.
Les affaires étrangères
Le Sommet des Amériques
(Réponse à la question posée le 15 juin 2022 par l’honorable Mary Coyle)
En ce qui concerne Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) :
Le 10 juin 2022, le premier ministre a annoncé un financement de plus de 145 millions de dollars pour des initiatives qui visent à appuyer les pays d’Amérique latine et des Caraïbes en faisant la promotion de l’égalité de genre et de la démocratie et en protégeant cette dernière, en luttant contre les changements climatiques, en accroissant l’accès au numérique et en combattant la désinformation, ainsi qu’en améliorant la santé et la réponse à la pandémie. Ces initiatives incluent aussi un financement de 26,9 millions de dollars supplémentaires destinés à la migration et aux projets en matière de protection dans les Amériques, tels que l’appui aux réfugiés vénézuéliens et un financement pour la lutte contre la traite des personnes. Le financement indiqué est sous la direction d’Affaires mondiales Canada.
En ce qui a trait à la question complémentaire concernant les voies vers la résidence permanente, il existe un certain nombre de voies pour les travailleurs agricoles, y compris les suivantes :
•le Programme pilote sur l’immigration agroalimentaire pour les travailleurs expérimentés non saisonniers qui travaillent à temps plein;
•le Programme d’immigration au Canada atlantique pour des travailleurs de différents niveaux, y compris les travailleurs agricoles de niveau 0 à C qui travaillent dans les provinces de l’Atlantique;
•le Programme des candidats des provinces, dans le cadre duquel les provinces et les territoires participants offrent des voies pour des travailleurs de tous les niveaux de compétences.
De plus, plusieurs travailleurs agricoles ont présenté une demande au titre de la Voie d’accès de la résidence temporaire à la résidence permanente, une mesure de durée limitée mise en vigueur de mai à novembre 2021 pour appuyer la reprise économique du Canada après la pandémie. Le gouvernement du Canada continue de travailler à l’élargissement des voies d’accès à la résidence permanente pour les travailleurs expérimentés.
L’île Hans
(Réponse à la question posée le 15 juin 2022 par l’honorable David M. Wells)
Affaires mondiales Canada (AMC)
L’Accord global signé le 14 juin 2022 à Ottawa est l’aboutissement d’années de négociations avec le Royaume du Danemark (qui comprend le Groenland) dans le cadre d’un groupe de travail conjoint créé en mai 2018. Il règle un enjeu qui dure depuis 50 ans concernant la frontière maritime dans la mer de Lincoln et la souveraineté de l’île Hans, tout en établissant une frontière sur le plateau continental au‑delà de 200 milles marins dans la mer du Labrador.
Cet accord historique constitue une résolution équitable de nos questions frontalières en suspens, réalisée conformément au droit international, et une solution qui profite à nos deux pays, notamment grâce au partage équitable de l’île Hans et du chevauchement du plateau continental dans la mer du Labrador. Les Inuits du Nunavut, ainsi que le Nunavut et Terre-Neuve-et-Labrador, ont été consultés pendant les négociations de cet accord.
Une fois ratifié, cet accord élargira et remplacera l’Accord sur les frontières de 1973 et créera la plus longue frontière maritime au monde, soit 3 962 km.
Cet accord traite d’hydrocarbures transfrontaliers et d’autres ressources minérales sur le plateau continental d’une manière similaire à l’article V de l’Accord de 1973. Il n’y a pas d’autres nouveaux accords sur les ressources naturelles.
Les finances
Le paiement rapide des travaux de construction du gouvernement fédéral
(Réponse à la question posée le 20 juin 2022 par l’honorable Pat Duncan)
Ministère des Finances Canada
Dans un communiqué de presse du 14 juillet 2022 (https://www.canada.ca/fr/ministere-finances/nouvelles/2022/07/le-gouvernement-annonce-des-details-sur-la-mise-en-uvre-de-la-taxe-de-luxe.html), le gouvernement du Canada a annoncé des clarifications relatives à la mise en œuvre de la taxe de luxe, laquelle figurait dans le projet de loi C-19 qui a reçu la sanction royale le 23 juin 2022. Le projet de loi C-19 autorise le gouverneur en conseil à fixer la date d’entrée en vigueur de la taxe de luxe applicable aux aéronefs. À cette fin, en date du 14 juillet 2022, sur recommandation de la vice‑première ministre et ministre des Finances, la gouverneure générale en conseil a pris un décret qui fixe au 1er septembre 2022 la date d’entrée en vigueur de la taxe de luxe pour tous les biens assujettis, y compris les aéronefs.
(Réponse à la question posée le 20 juin 2022 par l’honorable Pat Duncan)
Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) :
La loi sur le paiement rapide devrait entrer en vigueur au printemps 2023.
La proclamation de la loi dépend de la promulgation de règlements ministériels et de décrets en conseil qui sont en cours de finalisation par Justice Canada.
SPAC prévoit attribuer le contrat de services d’arbitrage en tant qu’élément d’appui à la loi à l’automne 2022. Même si cet échéancier donnera six mois au soumissionnaire retenu pour se préparer à l’entrée en vigueur de la loi, il est possible que l’arbitre ait besoin de plus de temps que les six mois prévus pour être prêt à lancer son service.
(1850)
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
La Loi de l’impôt sur le revenu
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Tony Loffreda propose que le projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (majoration temporaire du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-30, intitulé Loi no 1 sur l’allègement du coût de la vie, proposé par le gouvernement. Je suis heureux de parrainer cette mesure au Sénat.
[Français]
Le projet de loi C-30 s’inscrit dans la tentative du gouvernement visant à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens à revenu faible ou modéré qui doivent faire face à l’inflation.
Nous savons tous que l’inflation est un problème majeur, tant au pays qu’à l’échelle mondiale. C’est un problème dont j’ai parlé, comme plusieurs sénateurs l’ont fait, à maintes reprises ici et en comité, depuis plus d’un an maintenant.
Le projet de loi C-30, tout comme le projet de loi C-31 visant à établir une prestation dentaire ainsi qu’un paiement unique pour le logement locatif, fait partie du plan pour rendre la vie plus abordable du gouvernement. Ce plan consiste en une série de mesures totalisant 12,1 milliards de dollars.
Le plan comprend d’autres mesures, comme un nouveau système universel d’apprentissage et de garde de jeunes enfants, une augmentation de la pension de la Sécurité de la vieillesse et des paiements incitatifs pour l’action climatique.
[Traduction]
Comme l’explique le gouvernement, cette mesure législative vise à doubler, durant six mois, le montant du crédit pour la taxe sur les produits et services ou la taxe de vente harmonisée — ce que j’appellerai désormais le crédit pour la TPS — et à fournir un soutien ciblé aux Canadiens qui en ont le plus besoin. Je rappelle, pour situer un peu le contexte, que le crédit pour la TPS est un paiement trimestriel libre d’impôt qui aide les familles et les personnes à revenu faible ou modéré en compensant la TPS qu’ils paient. Les Canadiens ne sont pas tous admissibles à ce remboursement : il est vraiment destiné aux personnes qui en ont le plus besoin.
D’ailleurs, pour être admissible à cette prestation, il faut avoir un revenu qui ne dépasse pas le maximum fixé. Voici quelques chiffres, à titre d’exemple. Le revenu maximal pour l’admissibilité au crédit pour la TPS est de 49 166 $ pour une personne célibataire, de 52 066 $ pour un couple sans enfant, et de 58 506 $ pour un couple avec deux enfants. Quant aux parents seuls et aux couples, mariés ou conjoints de fait, qui ont quatre enfants, ils sont admissibles au crédit si leur revenu annuel ne dépasse pas 64 946 $. Il s’agit des chiffres pour l’année de base 2021.
Pour ce qui est des sommes que peut recevoir une personne ou une famille, elles dépendent évidemment de la taille de la famille et de son revenu. Ainsi, de juillet 2022 à juin 2023, les personnes admissibles peuvent recevoir, chaque trimestre, jusqu’à 467 $ si elles sont célibataires sans enfant, 612 $ si elles sont mariées ou ont un conjoint de fait et 612 $ si elles sont chefs de famille monoparentale, plus 161 $ pour chaque enfant de moins de 19 ans.
Je viens de donner beaucoup de chiffres, mais, pour vous donner une idée, la plupart des personnes qui bénéficieront de ce crédit supplémentaire pour la TPS ont un revenu familial situé entre 20 000 $ et 40 000 $. En d’autres termes, un couple avec deux enfants et un revenu net de 35 000 $ pourrait recevoir 1 401 $ de juillet 2022 à juin 2023. Cela pourrait certainement aider les familles qui ont du mal à faire face aux coûts plus élevés de l’épicerie, du loyer et de l’énergie.
Environ 11 millions de Canadiens qui reçoivent déjà le crédit d’impôt bénéficieront du supplément pendant six mois. Cela comprend la moitié des familles canadiennes et plus de la moitié des aînés canadiens. C’est très important : plus de la moitié des aînés canadiens en bénéficieront.
Selon le gouvernement, le coût associé au projet de loi C-30 visant à doubler le crédit pour la TPS est de 2,5 milliards de dollars. Comme la ministre des Finances nous l’a dit lors de notre séance en comité plénier du 6 octobre, le gouvernement a été très prudent et réfléchi dans le choix de cette mesure, en trouvant un équilibre entre offrir un soutien bienveillant à ceux qui en ont le plus besoin et continuer de faire preuve de responsabilité financière.
La vice-première ministre reconnaît qu’en période d’inflation élevée, il est vraiment important que la politique fiscale ne vienne pas contredire la politique monétaire.
[Français]
Cela m’amène à mon prochain point : l’inflation.
Certains ont fait valoir que le plan pour rendre la vie plus abordable du gouvernement, y compris le remboursement de la TPS, contribuera à la pression inflationniste actuelle. Soyons clairs : tout argent injecté dans l’économie peut avoir un impact sur l’inflation.
Ce remboursement n’atténuera probablement pas l’inflation, mais je ne crois pas non plus qu’il ajoutera une pression substantielle sur l’économie.
[Traduction]
Bien entendu, je pense que le taux d’inflation actuel est gravement problématique et qu’il doit être maîtrisé. Nous commençons déjà à voir les résultats encourageants des récentes hausses de taux d’intérêt de la Banque du Canada. Il faut généralement de 6 à 12 mois pour que les effets des hausses de taux d’intérêt se fassent sentir. Les économistes ici présents le savent, mais nous commençons à observer des signes encourageants. L’inflation était de 8,6 % en juin. Elle est descendue à 7,6 % en juillet, pour atteindre 7 % en août.
Il y a encore du travail à faire pour atteindre notre objectif de 1 à 3 %, mais nous y arrivons peu à peu. En fait, lorsque le directeur parlementaire du budget a comparu devant le Comité des banques, il y a quelques semaines, je lui ai demandé s’il pensait que les mesures prévues par les projets de loi C-30 et C-31 exerceraient une pression supplémentaire sur l’inflation. Il a alors expliqué que, dans une économie de 2,5 billions de dollars, c’est très peu. Il a dit :
Bien sûr, ça aura un effet sur l’inflation au moment de l’injection de l’argent dans l’économie par le gouvernement, que ce soit à la faveur de l’allègement de la fiscalité ou de l’augmentation des dépenses, comme pour ces mesures. [...] je ne crois pas que l’effet sur l’économie sera mesurable ou important [...]
Le doublement sur six mois du crédit pour la TPS prévu dans le projet de loi C-30, ainsi que les mesures proposées dans le projet de loi C-31, représentent 0,1 % du PIB du Canada en coûts supplémentaires. Bien qu’il s’agisse d’un montant non négligeable, il ne représente qu’une fraction du PIB du pays. Les effets réels sont miscroscopiques pour ce qui est d’alimenter davantage l’inflation.
Il existe plutôt d’autres facteurs qui ont contribué à l’inflation plus élevée que d’habitude que nous observons. À mon avis, et à celui de nombreux experts, l’inflation est principalement attribuable à des problèmes liés à l’offre.
Bien entendu, la guerre en Ukraine constitue également un facteur contributif à l’heure actuelle. Des économistes de l’Université de Calgary ont récemment publié un article suggérant que des enjeux liés à l’offre comptent pour environ 75 % de la hausse des coûts.
En outre, j’ai toujours pensé que l’inflation est déterminée par les attentes, qui peuvent avoir un effet considérable sur le comportement des gens. Je ne pourrais pas l’exprimer plus simplement que cet article publié récemment dans le magazine Forbes :
La hausse de l’inflation fait croire aux gens que les prix vont encore augmenter à l’avenir, ce qui les pousse à demander des augmentations de salaire et à ne pas retarder leurs achats. Pendant ce temps, les entreprises augmentent leurs prix en fonction de la demande et des salaires plus élevés, ce qui fait augmenter l’inflation.
Honorables sénateurs, vous avez peut-être aussi vu un article paru dans Options politiques le mois dernier, qui portait sur l’élargissement du crédit pour la TPS proposé dans le projet de loi C-30. C’est un excellent article qui contient beaucoup de données, et j’invite tout le monde à le lire. Il conclut que le remboursement de la TPS est peu susceptible d’alimenter l’inflation.
Comme les auteures le soulignent, la majoration du crédit pour la TPS serait reçue par les ménages à faible ou modeste revenu. Ce sont les ménages qui disposent de moins grandes économies pour faire face aux augmentations de prix des mêmes produits et services, contrairement aux ménages à revenu plus élevé qui disposent de réserves dans lesquelles puiser. Comme elles l’indiquent en conclusion, de telles dépenses ne représenteraient pas une augmentation de la demande ou des pressions inflationnistes. Les prestataires du montant supplémentaire ne feraient qu’acheter les mêmes produits et services dont le prix a récemment augmenté. Pour cette raison, je ne pense pas que ce montant supplémentaire au titre du crédit accroîtra davantage la demande ni qu’il exacerbera l’inflation. Cette mesure établit un équilibre : elle offre une aide à ceux qui en ont le plus besoin sans nuire aux efforts pour ralentir l’inflation.
Cela dit, comprenez-moi bien : je suis toujours convaincu qu’il faut remédier à l’inflation et je pense que ce devrait être une priorité. Je suis toutefois aussi d’avis que cette mesure de 2,5 milliards de dollars est opportune et nécessaire. Je suis certain que tous les honorables sénateurs conviendront avec moi que les sociétés prospères doivent laisser le champ libre aux mécanismes du marché, mais qu’elles ne peuvent pas laisser la vague d’augmentations des prix submerger les plus vulnérables. Des mesures intérimaires ciblées constituent des décisions économiques intelligentes à long terme.
Dans le cadre du comité plénier, on nous a rappelé que l’objectif est de faire en sorte que le supplément soit versé avant la fin de l’année à tous les bénéficiaires actuels du crédit pour la TPS, au moyen du système administré par l’Agence du revenu du Canada. Les Canadiens doivent donc produire leur déclaration de revenus afin de recevoir tant le crédit de la TPS que le supplément proposé dans le projet de loi C-30. Les Canadiens n’auront pas à présenter une demande pour le supplément, car il leur sera versé automatiquement.
Toutefois, cette méthode de paiement pourrait être problématique pour certains Canadiens, notamment ceux en âge de travailler qui ne produisent pas leur déclaration de revenus. Les estimations varient, mais en 2017, l’Agence du revenu du Canada a estimé que le nombre de personnes qui n’ont pas rempli de déclaration de revenus était supérieur à 10 %. Ce nombre est beaucoup trop élevé.
(1900)
Lorsque la vérificatrice générale a comparu devant le Comité sénatorial des finances nationales le 4 octobre, j’ai exploré avec elle le contenu de l’un de ses plus récents audits sur les populations difficiles à atteindre. Bon nombre de ces personnes bénéficieraient probablement du crédit pour la TPS, mais elles ne le recevront pas si elles ne produisent pas leur déclaration de revenus.
De nombreux sénateurs et moi-même avons soulevé cette question en comité plénier, et la ministre a reconnu qu’il fallait en faire davantage pour atteindre les plus vulnérables. Les commentaires du sénateur Patterson sur le taux de non-déclaration au Nunavut m’ont particulièrement frappé. De toute évidence, le gouvernement doit travailler davantage pour bien comprendre les données démographiques et les obstacles auxquels se heurtent les populations difficiles à atteindre, afin de pouvoir adapter ses approches de sensibilisation de manière efficace.
Il est très regrettable que de nombreux Canadiens vivant dans la pauvreté ne reçoivent pas ce remboursement parce qu’ils n’ont pas soumis leur déclaration de revenus.
[Français]
Si vous me le permettez, j’aimerais dire quelques mots sur l’Analyse comparative entre les sexes plus du gouvernement. Je remercie la sénatrice Dupuis d’avoir soulevé la question auprès de la ministre.
Je crois qu’il vaut la peine de répéter ce que la ministre Freeland nous a dit dans le cadre du comité plénier. Elle a confirmé qu’une telle analyse a été menée sur le projet de loi C-30 et que ses conclusions montrent que les femmes, surtout les mères célibataires, bénéficieront réellement de ce crédit d’impôt et de ce supplément. Elle a souligné le fait que parmi notre population âgée, il y a plus de femmes que d’hommes. Les statistiques montrent que les femmes âgées sont plus susceptibles de se retrouver dans la pauvreté.
[Traduction]
En conclusion, à mon avis, le projet de loi C-30 constitue une réponse appropriée à la période actuelle de défis économiques inhabituels et extraordinaires auxquels les Canadiens doivent faire face. Comme bon nombre de mes collègues, je m’inquiète de l’état actuel de l’économie canadienne, du déficit, du manque de productivité et de la lenteur de la croissance.
Le gouvernement, comme la plupart des gouvernements dans le monde, cherche à trouver un équilibre entre les mesures d’aide ponctuelles nécessaires et le maintien de la discipline qui a valu au Canada de conserver une situation financière forte au sein du G7.
Certains diront peut-être que le gouvernement ne va pas assez loin, qu’il laisse tomber une partie de la population ou que les mesures à l’étude ne feront rien pour régler le problème de la pauvreté. D’autres encore diront peut-être que le gouvernement en fait trop et que cela alimentera l’inflation. Or, je comprends que les gouvernements ont des décisions difficiles à prendre lors de périodes difficiles et le contenu du projet de loi à l’étude me satisfait.
Personnellement, ce qui me plaît du projet de loi C-30, c’est qu’il est clair, simple et ciblé. Pendant la pandémie, j’ai souvent affirmé qu’il fallait des mesures plus ciblées répondant aux besoins particuliers de certaines parties de la population. Il faut être plus agiles et plus souples et mieux nous adapter. La mesure à l’étude en est un bon exemple.
J’apprécie également que la mesure soit temporaire : elle sera en place pendant uniquement six mois. Le gouvernement pourra réévaluer la situation plus tard l’année prochaine. Je n’ai pas de problème à appuyer cette mesure limitée dans le temps dont les gens ont vraiment besoin présentement.
Je crois que ce supplément donnera un coup de pouce aux plus de 11 millions de Canadiens qui en bénéficieront pendant six mois. J’espère que cela leur rendra la vie un peu plus abordable. Quand on combine cela avec les autres mesures prévues dans le plan pour rendre la vie plus abordable, je crois que le gouvernement est sur la bonne voie.
J’exhorte tous les honorables sénateurs à appuyer l’adoption rapide de ce projet de loi pour que nous puissions contribuer à rendre la vie plus abordable pour les Canadiens qui ont le plus besoin d’aide. Ils comptent sur nous. Merci.
L’honorable Leo Housakos : Merci, sénateur Loffreda, de votre discours. J’ai écouté très attentivement, et il me semble que l’heure est grave quand on parle essentiellement de verser une aide à 11 millions de Canadiens parce que le coût de la vie ne cesse d’augmenter. En effet, quoi qu’en dise le leader du gouvernement, qui a déclaré tout à l’heure en réponse à une question sur la conjoncture que l’économie se porte à merveille et que le gouvernement fait un travail extraordinaire, la situation est grave.
La réalité, c’est que le Canada se classe deuxième au monde au chapitre de la superficie du territoire, et pourtant, le prix du loyer y est astronomique. Les habitations sont inabordables. Notre capacité agricole est l’une des meilleures au monde, mais le prix de nos aliments, tels que le lait et le pain, monte en flèche. Bien sûr, nous avons besoin d’énergie pour produire des aliments à bon prix. Évidemment, le prix de l’énergie est astronomique parce que nos ressources énergétiques demeurent inexploitées en raison des mesures législatives telles que les projets de loi C-69 et C-48.
La question que je vous pose est la suivante : personne ne nie que nous devions intervenir de toute urgence pour aider les Canadiens qui souffrent. Cependant, qu’est-ce qui se produira dans six mois si la Banque Royale du Canada — ou RBC —, par exemple, a raison quand elle prédit qu’une récession est imminente? Que se passera‑t‑il si le gouverneur de la Banque du Canada se réveille enfin et admet que l’inflation est le plus grand défi que les Canadiens sont appelés à relever? Qu’est-ce qui arrivera dans six mois quand nous serons aux prises avec cette sombre réalité? Allons-nous fournir une aide supplémentaire ou nous tourner vers l’économie quantitative, domaine dans lequel le gouvernement a manifestement besoin d’une leçon? Je sais que c’est quelque chose que vous comprenez bien.
Comment pouvons-nous nous attaquer au cœur du problème? Dans six mois, seriez-vous prêts à dégager des fonds supplémentaires pour accorder une aide plus importante à environ 15 millions de Canadiens?
Le sénateur Loffreda : Merci pour votre question, Sénateur Housakos. Il est toujours intéressant d’entendre votre point de vue.
Je dis depuis le début qu’il est très important de faire preuve de souplesse. Cette mesure est adaptée, ciblée et nécessaire à ce stade. Au cours de cette terrible pandémie, nous avons vu jusqu’à présent qu’il est très difficile de prévoir et de prédire ce qui se passera dans six mois ou dans un an. Il y a une guerre en Ukraine. Il y a tellement de problèmes en ce moment. Vous avez parlé de l’inflation, et je pense que nous devons en discuter. L’inflation est toujours causée par l’excès de liquidités, la pénurie de ressources et les perspectives.
En parlant de perspectives, je tiens à féliciter l’entreprise Loblaws, qui a annoncé aujourd’hui qu’elle gelait les prix des produits Sans Nom jusqu’en janvier. Je le mentionne, car vous demandez ce qui se passera dans six mois si la situation est toujours la même. Ce qui est sûr, c’est que si un plus grand nombre d’entreprises canadiennes faisaient comme Loblaws, et qu’elles gelaient les prix et réduisaient les attentes en matière d’augmentation des prix, je pense que nous pourrions résoudre cette crise plus facilement, et que l’inflation se résorberait plus rapidement.
J’ai un excellent document entre les mains, du professeur Trevor Tombe, de l’Université de Calgary, qui a participé à la réunion d’un de nos comités. Il a comparu lors d’une réunion du Comité permanent des banques, du commerce et de l’économie le 29 septembre 2022 et il a confirmé que 75 % de la hausse de l’inflation sont attribuables à l’offre, 15 %, à la demande, et le reste est lié à des facteurs accessoires. Voici ce qu’il confirme dans son mémoire, que j’ai lu attentivement plusieurs fois :
Nous constatons que l’inflation élevée au Canada est en grande partie attribuable à certains biens, comme l’énergie et l’alimentation, et aux coûts d’acquisition d’une propriété.
La crise de l’abordabilité qui touche l’accession à la propriété est un grave problème. Nous observons une hausse des taux d’intérêts, ce qui contribuera à atténuer le problème. Selon les chiffres obtenus dernièrement, on constate que cela aidera. Nous espérons qu’un plus grand nombre d’entreprises gèleront les prix comme l’a fait Loblaws. Je félicite Loblaws. Je pense que ses efforts doivent être salués. Espérons que l’économie se portera mieux d’ici six mois.
Il est vrai que la Banque Royale du Canada a été la première à prédire une récession. Cependant, je l’ai déjà dit et je le répète : les économistes ont toujours raison. Il y aura bel et bien une récession. Des économistes m’ont dit qu’il y aurait une récession. Deux ans plus tard, ils m’ont téléphoné pour me dire : « Je vous l’avais dit. » J’ai répondu : « Oui, mais vous m’avez dit cela il y a deux ans. » Il y aura donc une récession, mais quand arrivera-t-elle? Je ne le sais pas plus que vous.
Alors que nous sortons d’une pandémie, qu’une guerre fait rage en Ukraine et que les marchandises et les ressources se font rares, je pense que nous devons trouver des solutions. Encore une fois, je félicite Loblaws, qui possède les chaînes Maxi et Provigo, dans ma chère province, le Québec. D’autres entreprises devraient suivre son exemple. Diminuons les attentes par rapport à l’inflation. Créons des politiques. Trouvons des solutions à la rareté des ressources. Si nous faisons tout cela en six mois, nous n’aurons pas besoin d’une aide supplémentaire. J’espère que nous saurons trouver des solutions dans cette Chambre. Merci.
L’honorable Dennis Glen Patterson : J’aurais une autre question pour le sénateur Loffreda. Je vous remercie de reconnaître qu’un nombre considérable de Canadiens ne font pas de déclaration de revenus. C’est le cas de quelque 28,5 % des résidants du Nunavut, selon des recherches, et ceux-ci n’auront donc pas accès à cette prestation importante ni au crédit d’impôt pour enfants, ce qui m’inquiète.
(1910)
Il semble très clair que l’un des principaux obstacles qui empêchent les gens de faire une déclaration de revenus au Nunavut, c’est que 85 % de la population inuite a une langue maternelle autre que l’anglais ou le français, et que les formulaires sont donc illisibles et inaccessibles pour eux. L’Agence du revenu du Canada — que vous avez mentionnée aujourd’hui — a déjà eu, par le passé, des employés qui parlaient inuktitut. Ceux-ci pouvaient non seulement établir des liens avec la communauté, mais aussi répondre en inuktitut aux questions portant sur les déclarations de revenus. Je me demande si vous pourriez utiliser vos bons offices à titre de parrain du projet de loi pour encourager l’ARC à régler cet enjeu de nouveau. Merci.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre question. Je pense qu’elle est extrêmement importante. C’est pour cette raison que j’en ai parlé dans mon discours, et je vous remercie d’avoir soulevé la question auprès de la ministre. Je me ferai un plaisir de répondre à votre demande et j’exercerai des pressions pour que des mesures soient prises rapidement. C’est une question d’une très grande importance. Comme je l’ai dit, 10 %, c’est beaucoup trop. Au Nunavut, une proportion encore plus grande de gens ne produit pas de déclarations de revenus.
C’est une préoccupation pour nous tous. Je vais me servir du rôle qui m’a été attribué pour exercer des pressions sur la ministre et l’Agence du revenu du Canada afin que le problème soit réglé dans les plus brefs délais. Je vous remercie de votre question.
[Français]
L’honorable Renée Dupuis : Est-ce que le sénateur Loffreda accepterait de répondre à une question de clarification?
Le sénateur Loffreda : Oui.
La sénatrice Dupuis : Dans une question qui vous a été posée tout à l’heure, on a mentionné que 11 millions de Canadiens pourraient bénéficier de cette mesure. J’ai cru comprendre que la ministre nous a dit, lors du comité plénier, qu’il s’agissait plutôt de 11 millions de ménages, et non de 11 millions de Canadiens. Pouvez-vous préciser, pour notre bénéfice et pour ceux qui nous écoutent?
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie pour la question. La ministre a dit 11 millions de ménages. Cela doit donc être le cas, mais je vais vous revenir là-dessus demain, à l’étape de la troisième lecture, pour dissiper cette confusion.
[Traduction]
L’honorable Marilou McPhedran : Je vous remercie de cette initiative et de vos explications, sénateur Loffreda. J’aimerais aller un peu plus loin dans les détails pour faire suite à la question du sénateur Patterson.
À mon avis, nous sommes tous bien conscients de vos inquiétudes à propos des délais. Toutefois, avec la série de paiements qui ont été versés pendant la COVID, nous avons constaté que les personnes les plus vulnérables étaient souvent celles qui attendaient le plus longtemps. Certaines d’entre elles n’ont tout simplement jamais reçu ce qui devait leur être envoyé en raison de problèmes logistiques, si je puis dire.
C’est une chose pour nous d’exprimer des inquiétudes, mais c’en est une autre pour un projet de loi de montrer que des leçons ont été tirées des problèmes d’un passé très récent. Je n’ai pas entendu la moindre assurance à ce sujet. Pourriez-vous nous en parler?
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie de votre question. Elle est fort importante. Je l’ai soulevée en comité plénier, ainsi qu’au comité. Je ne suis pas au courant de progrès ayant été réalisés récemment dans ce dossier. À l’instar de la ministre Freeland, l’Agence du revenu du Canada a affirmé maintes fois que c’est pour des raisons de rapidité et de simplicité — parce qu’on disposait des données nécessaires — qu’on a employé les ressources de l’agence, de même que les déclarations de revenus. Cependant, je crois que c’est un problème auquel on doit s’attaquer. Si nous éprouvons ce problème actuellement, c’est parce que le travail — j’ai toujours dit que si on veut obtenir des activités, il faut les gérer. La même règle s’applique aux résultats. Je n’ai jamais été doué à gérer les activités, mais j’ai toujours été doué à gérer les résultats. C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé. À cause du problème actuel, 10 % des Canadiens ne bénéficieront pas de ce crédit d’impôt. Or, il s’agit des Canadiens qui en ont le plus besoin. À l’avenir, nous devons donc gérer les résultats.
J’ai également suggéré au sein de notre Comité des finances nationales et de notre Comité des banques qu’il s’agit peut-être d’une étude à entreprendre afin de savoir ce que nous pourrions mieux faire pour nous assurer que tous les Canadiens admissibles peuvent être identifiés. Que faut-il faire? Je ne peux pas répondre en 30 secondes, mais ce que je promets, c’est que je mettrai la pression nécessaire pour que cette situation soit résolue et qu’une étude soit entreprise, je l’espère, par l’un de nos comités afin de voir les autres mesures que l’on peut prendre pour vérifier que tous les Canadiens admissibles en bénéficieront à l’avenir, ce qui n’a pas été le cas dans le passé comme vous l’avez exprimé. Je vous remercie de votre question.
[Français]
L’honorable Clément Gignac : Est-ce que le sénateur Loffreda accepterait de répondre à une question? Merci pour l’éclairage que vous apportez sur la question; c’est toujours intéressant de vous entendre.
Nous ne sommes sans doute pas tous égaux devant l’inflation. Les plus démunis sont beaucoup plus affectés, toutes proportions gardées, que les gens plus fortunés. Je rejoins les propos des deux collègues qui m’ont précédé. Je suis un peu surpris, malgré les leçons que nous avons pu tirer de cette pandémie, que le gouvernement ait été si agile pour intervenir à point nommé, d’une façon très efficace, quand il a dû mettre en place la Prestation canadienne d’urgence. On pourrait blâmer le gouvernement, parce qu’il y a des gens qui l’ont reçue et qui n’auraient peut-être pas dû la recevoir, mais au moins, je crois qu’on a rejoint ceux qui en avaient réellement besoin.
Lorsque vous dites — c’est ce que disent les statistiques et vous avez raison de le dire — qu’il y a 11 % de gens qui ne remplissent pas de déclaration de revenus, et quand notre collègue le sénateur Patterson parle d’un taux de 28 % au Nunavut, cela me trouble. Oui, je vais appuyer ce projet de loi. Je vous félicite de le parrainer, mais j’aimerais simplement vous encourager à mettre de la pression sur l’administration afin de trouver une solution.
On a quand même été capable, lorsqu’on a mis en place la PCU et que le temps pressait, de faire les choses rapidement. Nous sommes ici lundi soir parce que le temps presse et qu’il faut aller rapidement. On prend une voie différente et on atteint peut-être uniquement une partie des gens qui en auraient besoin. Je vous remercie de votre implication, mais je vous encourage à mettre la pression nécessaire.
Le sénateur Loffreda : Merci, sénateur Gignac. C’est toujours un plaisir d’avoir votre perspective et de répondre à vos questions. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, c’est un aspect très important. Un de nos comités devrait entreprendre cette étude, afin de déterminer comment on pourrait identifier ces 11 % qui ne produisent pas de déclaration de revenus.
Je peux dire que la déclaration de revenus est aujourd’hui le meilleur véhicule pour atteindre la majorité des Canadiens qui ont besoin de cette aide. Il faut voir ce que nous pourrions faire de plus à l’avenir, et une étude serait sûrement fort appréciée par tous. Je regarde le président du Comité des finances qui acquiesce. C’est une étude que nous devrions entreprendre avec beaucoup de sérieux à l’avenir. Je vous remercie pour votre question.
[Traduction]
L’honorable Jane Cordy : Merci, sénateur Loffreda, pour cet excellent discours détaillé au sujet du projet de loi C-30 et pour vos observations. Votre expérience de banquier a certainement transparu dans votre discours, et c’est un point positif. Je suis également très heureuse que vous ayez répondu à toutes les questions, et je suis sûre qu’il n’en reste plus à poser.
Honorables sénateurs, j’interviens brièvement au sujet du projet de loi C-30, Loi modifiant la Loi de l’impôt sur le revenu (majoration temporaire du crédit pour la taxe sur les produits et services/taxe de vente harmonisée).
Le texte modifie la Loi de l’impôt sur le revenu afin de doubler, durant six mois le crédit pour la taxe sur les produits et services ou la taxe de vente harmonisée, c’est-à-dire la TPS ou la TVH, augmentant ainsi de 50 % les montants annuels maximaux du crédit pour la TPS ou la TVH pour l’année de prestations 2022-2023.
Le crédit pour la TPS est destiné aux Canadiens qui en ont le plus besoin, et c’est ce qui ressort d’un grand nombre des questions qui ont été posées plus tôt au sénateur Loffreda. Les personnes dont le revenu familial était de 39 821 $ ou moins en 2021 recevront la totalité du crédit, et le montant du crédit pour la TPS diminue en fonction de l’augmentation du revenu. Comme nous l’a dit la ministre la semaine dernière, les Canadiens seuls et sans enfant recevront 234 $ de plus, et les familles avec deux enfants près de 500 $ de plus. En outre, les aînés recevront 225 $ de plus. Pour répondre à votre question, sénatrice Dupuis, la mesure aiderait près de 11 millions de ménages canadiens.
(1920)
Le monde dans lequel nous vivons à l’heure actuelle est en proie à l’incertitude; l’incertitude à savoir comment on va réussir à payer l’épicerie, le loyer et des choses comme le transport en commun ou l’essence pour son véhicule pour faire la navette entre le travail et son domicile.
La pandémie mondiale a beaucoup éprouvé les chaînes d’approvisionnement en biens et en services. Au sortir de la pandémie, la demande pour les biens et les services s’est intensifiée, ce qui a fait monter les prix. Les pressions inflationnistes qui en ont découlé au Canada ont empiré, comme partout ailleurs dans le monde, d’ailleurs.
La guerre qui se poursuit en Ukraine influe également sur les prix dans le monde. Cette attaque injustifiée de Vladimir Poutine est dévastatrice pour le peuple ukrainien et sa famille partout dans le monde. Nous demeurons solidaires du peuple ukrainien qui se bat pour défendre son pays contre les agissements dictatoriaux d’un despote.
Honorables sénateurs, selon la Banque du Canada, l’inflation au pays a atteint son apogée, soit un taux de 8,1 %, en juin 2022, puisqu’elle a ensuite diminué en juillet et en août. Toutefois, on s’attend à ce qu’elle demeure tout de même élevée, ce qui rendra la vie difficile pour bien des Canadiens. Ce projet de loi est un moyen pour le gouvernement fédéral de tenter d’aider les Canadiens et les familles à traverser la tempête économique qui s’abat sur nous en ce moment.
D’après le ministère des Finances, le plan pour rendre la vie plus abordable comporte un train de nouvelles mesures d’aide totalisant 12,1 milliards de dollars en 2022 pour contribuer à rendre la vie de millions de Canadiens plus abordable. Parmi ces mesures, on compte la bonification de l’Allocation canadienne pour les travailleurs, une augmentation de 10 % de la Sécurité de la vieillesse, une aide pour le loyer et une aide pour les soins dentaires des enfants de moins de 12 ans. Le projet de loi C-30, qui double le crédit d’impôt pour la TPS pendant six mois, fait également partie du plan. Ensemble, ces mesures viendront soutenir un grand nombre de personnes au Canada en leur offrant une aide financière.
Comme l’a déclaré la semaine dernière, à Halifax, le gouverneur de la Banque du Canada : « C’est très simple : une inflation élevée alimente les frustrations et crée un sentiment d’impuissance. »
Grâce à l’aide prévue dans le projet de loi à l’étude et dans les autres mesures gouvernementales déjà mises en place ou à venir, nous réussirons à traverser cette période d’incertitude économique et à apaiser ces sentiments que ressentent tellement de Canadiens.
L’inflation est douloureuse. Comme l’a déjà dit le très célèbre homme d’affaires Warren Buffett, à peu près personne n’échappe aux effets de l’inflation. Or, honorables sénateurs, nous savons que l’inflation touche davantage les plus vulnérables d’entre nous.
Le pays a déjà connu des périodes d’inflation dans le passé. Il a déjà réussi à traverser ce genre de tempête économique. Cependant, honorables sénateurs, il ne faut pas oublier que, comme je viens de le mentionner, ce sont les plus vulnérables qui sont les plus touchés. C’est pourquoi les mesures comme celle présentée dans le projet de loi C-30 sont importantes.
Le projet de loi C-30 et d’autres mesures font partie de l’ensemble des moyens que déploie le gouvernement pour aider les plus vulnérables à traverser cette crise économique.
Nous nous en sortirons encore une fois. La force des Canadiens est sans limites. J’espère que vous soutiendrez ce projet de loi. J’ai également hâte de recevoir d’autres projets de loi qui apporteront une aide supplémentaire aux Canadiens à faible revenu.
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-30, qui propose de doubler le crédit pour TPS pendant six mois afin de venir en aide aux personnes les plus touchées par l’inflation.
L’objectif de la Banque du Canada, selon la Loi sur la Banque du Canada, est de « favoriser la prospérité économique et financière du Canada ». L’an dernier, la Banque du Canada et le gouvernement du Canada ont renouvelé leur entente sur le cadre de conduite de la politique monétaire canadienne. La pierre angulaire de cette entente reste de maintenir le taux d’inflation à 2 %, dans une fourchette de contrôle allant de 1 % à 3 %.
Depuis avril 2021, l’inflation au Canada est bien supérieure à cette cible de 2 %. Elle était de 8,1 % en juin, de 7,6 % en juillet et de 7 % en août. La Banque du Canada a augmenté le taux d’intérêt directeur dans le but de ramener l’inflation dans la fourchette de contrôle de 1 % à 3 %. Elle a augmenté les taux d’intérêt cinq fois cette année, ce qui les porte à 3,25 %.
Le mois dernier, à Halifax, le gouverneur de la Banque du Canada a déclaré qu’il était nécessaire de relever davantage les taux d’intérêt pour faire baisser l’inflation. Il est prévu de procéder à une sixième hausse des taux le 26 octobre.
Pour ceux d’entre nous qui ont renouvelé leur hypothèque à un taux de 22 % dans les années 1980, les taux actuels ne sont pas encore si élevés. Cela dit, l’inflation élevée a des effets dévastateurs sur la majorité des Canadiens. Il suffit de discuter avec ses voisins pour réaliser que bien des gens sont inquiets, en particulier au sujet du coût, en hausse, des aliments ou du chauffage et du prix de l’essence. À lui seul, le coût du panier d’épicerie a augmenté de plus de 10 % en un an, et une famille moyenne de quatre personnes dépense plus de 1 200 $ de plus chaque année pour se nourrir.
De plus en plus de Canadiens se tournent vers les banques alimentaires pour nourrir leur famille, et on constate une hausse significative de la fréquentation des soupes populaires. On craint également que beaucoup de personnes qui souffrent d’insécurité alimentaire ne se tournent pas vers les banques alimentaires ou les soupes populaires, préférant réduire la quantité ou la qualité des aliments qu’ils achètent pour eux, leur famille ou leurs enfants.
Compte tenu de la hausse de l’inflation, le projet de loi C-30 tente d’offrir une aide financière à ceux qui, comme la ministre l’a dit, en ont le plus besoin.
Je vais appuyer ce projet de loi, même si je suis déçue qu’il n’ait pas été soumis à l’examen du Comité sénatorial permanent des finances nationales. Le directeur parlementaire du budget a toutefois produit une note sur l’évaluation du coût du projet de loi.
Selon le directeur parlementaire du budget, le coût estimé de cette initiative s’élève à 2,6 milliards de dollars, et 11,6 millions de bénéficiaires profiteront de cette aide financière. Plus précisément, les personnes dont le revenu familial net est inférieur à 39 826 $ en 2021 recevront le montant maximal autorisé, soit 467 $, tandis que celles dont le revenu familial net est supérieur à 39 826 $ en 2021 verront le montant de leur prestation diminuer à mesure que leur revenu augmente. L’élimination progressive de la prestation dépend du type de famille. Par exemple, la prestation est entièrement éliminée à 49 200 $ pour une personne seule sans enfant et à environ 58 500 $ pour un couple avec deux enfants.
Il importe de souligner que les 11,6 millions de bénéficiaires représentent le nombre de familles ou de ménages et non le nombre de personnes, car le crédit pour TPS est une mesure calculée à l’échelle de la famille nucléaire.
Étant donné qu’il y a 22 150 000 familles nucléaires au Canada et que 11,6 millions d’entre elles recevront des prestations dans le cadre de ce programme, ces dernières représenteront environ 53 % des familles au Canada.
Comme les membres du Comité des finances nationales en ont discuté il y a deux semaines et comme plusieurs de mes collègues l’ont dit en comité plénier avec la ministre, environ 10 % des Canadiens ne produisent pas de déclaration de revenus et pourraient donc ne pas recevoir le crédit pour TPS, même s’ils y sont probablement admissibles. Si c’est vrai, alors plus de 53 % des ménages au Canada bénéficieraient de ce programme.
Le nombre de ménages qui bénéficient de ce programme me surprend, car je croyais qu’il s’agissait seulement d’environ 35 %. À mon avis, il aurait été utile pour le Comité des finances, et surtout pour moi, d’étudier ce projet de loi.
Une fois le projet de loi adopté, l’inflation se maintiendra, ce qui soulève la possibilité de devoir offrir une aide financière ciblée supplémentaire à un ou des groupes précis. Cependant, même la ministre des Finances a dit pendant le comité plénier que le gouvernement ne peut pas indemniser tous les Canadiens pour les coûts liés à l’inflation.
Le gouvernement a réussi à aider les Canadiens et les entreprises à composer avec les répercussions de la pandémie et il aide maintenant les Canadiens à composer avec l’inflation élevée, mais notre prochain défi est à nos portes : beaucoup d’économistes prédisent une récession au Canada l’année prochaine. En outre, la semaine dernière, le Fonds monétaire international a déclaré qu’il s’attendait à un nouveau refroidissement substantiel de l’économie canadienne. Il conseille aux gouvernements fédéral et provinciaux de s’abstenir de dépenser des recettes exceptionnelles alors que notre pays risque de plonger en récession. Ce sont les mots du Fonds monétaire international, pas les miens.
(1930)
En fait, les dépenses gouvernementales demeurent élevées et ne sont pas revenues à leurs niveaux prépandémiques.
Le Fonds monétaire international prévoit que l’économie canadienne connaîtra une croissance de 1,5 % en 2023, ce qui est nettement inférieur aux 3,3 % qu’il avait prévus plus tôt cette année. Le Fonds monétaire international a également déclaré que les perspectives économiques du Canada pourraient grandement s’assombrir si l’inflation reste élevée et si la Banque du Canada est obligée de continuer d’augmenter les taux d’intérêt ou si les principaux partenaires commerciaux du pays, en particulier les États-Unis, tombent dans un marasme plus profond que prévu.
Il y a déjà des signes que l’inflation est maintenant ancrée dans l’économie. Cela commence à se manifester dans les négociations collectives.
La hausse des taux d’intérêt destinée à refroidir l’inflation est particulièrement préoccupante. Les Canadiens sont les personnes les plus endettées au monde. Si les taux d’intérêt augmentent, le coût de leurs hypothèques et d’autres dettes augmentera également. Bien que le gouvernement ait l’intention d’aider financièrement les locataires, cela soulève la question de l’aide financière aux propriétaires dont les maisons sont encore hypothéquées.
Les propriétaires qui ont récemment acheté leur maison risquent de voir la valeur de leur habitation diminuer. La Société canadienne d’hypothèques et de logement prévoit que le prix moyen des maisons à l’échelle nationale chutera de 15 % d’ici le deuxième trimestre de 2023 par rapport au sommet de 770 000 $ atteint plus tôt cette année, puisque l’économie entrera en récession d’ici la fin de l’année. Cette diminution de 15 % est beaucoup plus importante que la baisse de 5 % prévue en juillet.
Le coût du service de la dette du gouvernement, qui s’élève maintenant à environ 1,6 billion de dollars, augmentera également. Bien que la ministre des Finances ait déclaré que nous avons maintenu notre cote de crédit triple A, notre dette élevée et la hausse des taux d’intérêt font planer l’incertitude sur notre économie. De toute façon, nous devrions nous préparer à ce que le monde soit exposé aux chocs.
En réponse à la question portant sur l’abordabilité de cette initiative, la ministre a affirmé que le Canada avait le déficit le plus bas et le ratio dette-PIB le plus bas des pays du G7. Toutefois, dans le budget présenté plus tôt cette année, le gouvernement a annoncé certaines mesures d’économie ou de réduction des coûts qui aideraient à financer cette initiative.
L’engagement a été pris d’économiser 9 milliards de dollars par la voie d’une révision des programmes gouvernementaux et de la mise en œuvre, d’ici l’année prochaine, d’un registre public de la propriété effective destiné à aider le gouvernement à repérer le blanchiment d’argent et l’évasion fiscale. Ces deux initiatives contribueraient à financer la bonification du remboursement de la TPS. Je serais reconnaissante d’obtenir une mise à jour de ces initiatives.
De plus, beaucoup de gens sont convaincus que le gouvernement ne cible pas l’évasion fiscale et les comptes à l’étranger avec toute l’énergie qu’il devrait et que l’écart fiscal s’élève à plusieurs milliards de dollars. Si le gouvernement se concentrait davantage sur l’écart fiscal et percevait les recettes qui lui reviennent, ses résultats financiers s’amélioraient.
J’espère que le gouvernement a la capacité nécessaire pour faire face à la récession qui nous attend bientôt.
Ma dernière observation porte sur la stratégie nationale de garde d’enfants et sur les liens qu’elle a avec le projet de loi C-30. La majorité des gens veulent gagner leur vie, et non pas dépendre d’une aide gouvernementale. Le directeur parlementaire du budget, dans sa note sur l’évaluation du coût de la mesure législative, a identifié deux groupes avec enfants qui bénéficieront du projet de loi C-30 : un adulte avec enfants et deux adultes avec enfants.
Le manque de places en service de garde et la pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur touchent les travailleurs, en particulier les femmes, qui ne peuvent pas trouver d’endroit pour faire garder leurs enfants. La stratégie nationale de garde d’enfants est censée réduire les frais de garde, créer 250 000 places et permettre le recrutement de travailleurs en garderie supplémentaires.
Dans mes discussions avec des parents d’enfants d’âge préscolaire de partout au pays — et j’ai parlé à des parents de quatre provinces —, ils m’ont dit que certains coûts avaient été réduits, mais que la disponibilité des places s’était en fait détériorée pendant la dernière année. Il n’y a tout simplement pas suffisamment de places en garderie ou de travailleurs dans ce secteur pour répondre à la demande, et des parents ne peuvent pas occuper un emploi à temps plein pour cette raison. Ce problème mérite qu’on s’y attarde maintenant : c’est la mise en œuvre réussie de la stratégie de garde d’enfants de 30 milliards de dollars qui est en jeu.
Honorables sénateurs, voilà qui conclut mes observations à propos du projet de loi C-30.
[Français]
La sénatrice Dupuis : Honorables sénatrices et sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-30, qui prévoit la majoration temporaire du crédit pour la taxe sur les produits et services et la taxe de vente harmonisée.
Vous vous rappellerez que, lors du comité plénier que le Sénat a tenu le 6 octobre dernier pour recevoir la vice-première ministre et ministre des Finances, Mme Chrystia Freeland, j’ai posé une question à la ministre au sujet de l’analyse comparative entre les sexes plus. Comme vous le savez, chaque projet de loi doit faire l’objet d’une analyse qui compare les impacts positifs et négatifs d’un projet de loi sur les hommes, les femmes et les personnes de diverses identités de genre. Les résultats de cette analyse sont consignés dans le mémoire déposé au Cabinet pour son étude du projet de loi. Puisque ce document est confidentiel, le gouvernement n’accepte pas de déposer devant les comités du Sénat l’analyse comparative entre les sexes plus qui est faite pour chaque projet de loi du gouvernement. À mon avis, c’est une lacune.
À la demande de sénatrices comme moi, le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles a développé une pratique : le ministre de la Justice accepte de déposer par écrit un sommaire des éléments de l’analyse comparative entre les sexes plus qui a été menée sur les projets de loi qui relèvent du ministère. Cette pratique devrait être étendue à tous les projets de loi, et le résumé de cette analyse devrait être déposé devant tous les comités du Sénat. Cette pratique devrait être automatique et ne pas être laissée au bon vouloir de chaque ministre.
Lors du comité plénier sur le projet de loi C-30, la ministre a donné une réponse préliminaire. Le parrain du projet de loi nous en a rappelé les termes. Selon elle, ce projet de loi a un impact positif sur les femmes, qui sont plus nombreuses parmi les citoyens les plus vulnérables au Canada, plus particulièrement les femmes qui sont cheffes d’une famille monoparentale et les femmes aînées. La ministre s’est alors engagée à communiquer avec moi pour donner un complément à sa réponse.
En réponse à la question que j’ai posée à la ministre lors du comité plénier, j’ai reçu de son bureau, le 14 octobre dernier, un résumé de l’analyse comparative entre les sexes plus qui a été faite pour le projet de loi C-30. Comme ma question était d’intérêt général, je vous fais part de ce complément de réponse, car je veux qu’il soit inscrit dans le compte rendu des débats que tiendra le Sénat sur ce projet de loi. La réponse de la ministre se lit comme suit :
Les particuliers et familles à faible revenu seraient les principaux bénéficiaires de la proposition de doubler le crédit pour la TPS pendant six mois. Dans l’ensemble, près de 90 % de l’augmentation temporaire du crédit pour la TPS irait aux familles dont le revenu net est inférieur à 40 000 $.
Selon les estimations du ministère, près de 78 % de l’aide supplémentaire fournie dans le cadre de la proposition de doubler le crédit pour la TPS pendant six mois irait à des célibataires (tant les personnes vivant seules que les chefs de famille monoparentale) et 22 % à des couples. Ce résultat est prévisible étant donné que les personnes seules et les familles monoparentales sont plus susceptibles d’avoir des revenus inférieurs à ceux des couples, et sont donc plus susceptibles d’avoir droit au crédit pour la TPS.
Pour ce qui est des communautés autochtones, les données fiscales ne contiennent pas de renseignements sur l’identité autochtone d’un déclarant, mais on s’attendrait à ce que les familles autochtones vivant dans les réserves soient des bénéficiaires notables de l’augmentation temporaire proposée du crédit pour la TPS étant donné les niveaux de pauvreté élevés chez les enfants de ces familles.
J’apprécie beaucoup que la vice-première ministre et ministre des Finances ait pris la question au sérieux et je l’invite, à l’avenir, à déposer systématiquement au moins un résumé de l’analyse comparative entre les sexes plus qui est réalisée pour chacun des projets de loi qui relèvent de son autorité.
Chers collègues, je vous invite à vous assurer que les ministres qui présentent des projets de loi déposent au moins un résumé des éléments importants de l’analyse comparative entre les sexes plus quand ils comparaissent devant vous lors des séances des comités du Sénat. C’est une mesure de reddition de comptes que nous devons continuer d’exiger du gouvernement, étant donné qu’elle tarde à s’installer d’elle-même.
[Traduction]
Son Honneur la Présidente intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
(1940)
Son Honneur la Présidente intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion du sénateur Loffreda, la troisième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Wallin, appuyée par l’honorable sénateur Tannas, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-248, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir).
L’honorable Pamela Wallin : Votre Honneur, je vous remercie de me donner la possibilité de conclure mes observations sur le projet de loi S-248.
Chaque jour, la mort se manifeste de nombreuses façons dans notre vie : la mort d’une relation, la mort d’une carrière, la mort d’un être cher, même celui d’un animal de compagnie et, évidemment, notre propre mort. La mort et la fin de la vie font partie de notre réalité. Pour le meilleur ou pour le pire, nous sommes la seule espèce qui est consciente du caractère inévitable de sa propre mort. Cela nous motive, nous aide à trouver un sens à notre vie, mais cela peut aussi nous effrayer; dans un cas comme dans l’autre, chaque moment a de la valeur et devient précieux.
Nous vivons dans une époque où nous pouvons raisonnablement prévoir la mort. La science nous permet de diagnostiquer avec une grande précision les maladies mortelles ou de déceler les signes de déclin physique ou cognitif. Un plus grand nombre de personnes peuvent vivre plus longtemps, alors il est essentiel de se demander : « ma vie est-elle convenable? » Dans la poursuite de la longévité, il faut toujours tenir compte de la qualité de vie.
Mon point de vue se fonde sur le fait d’avoir vu mes parents mourir de deux causes distinctes et autant tragiques l’une que l’autre, mon père étant mort du cancer, et ma mère, de la maladie d’Alzheimer. Leur souffrance était inutile et elle aurait pu être évitée. Ces affrontements avec la mort peuvent nous aider à envisager de mettre fin à notre propre vie. Nous voulons tous éviter de souffrir et de perdre notre dignité, mais il faut avoir la possibilité de choisir.
Je crois qu’il est de notre droit — et c’est peut-être même de notre responsabilité — de prendre nos propres décisions de fin de vie. Chaque jour, des Canadiens atteints d’une maladie incurable ou irréversible souffrent inutilement dans des lits d’hôpitaux ou des maisons de soins. Ils souffrent, parfois entourés d’êtres chers, mais trop souvent seuls ou dans la peur ou — le pire de tous les destins — sans savoir qui ils sont ou ont été.
Pour de nombreux Canadiens, le droit de choisir l’aide médicale à mourir a été une bénédiction. Je l’ai vu de mes propres yeux. La capacité de choisir est source d’autonomie. L’aide médicale à mourir offre à une personne non seulement un soulagement de la douleur et de la souffrance, mais aussi un sentiment de contrôle et de prévisibilité. Elle lui donne la possibilité de faire des plans et la possibilité de dire au revoir.
Pour les personnes récemment diagnostiquées d’une maladie incurable, la mort est un dictateur impitoyable. Les recherches montrent que plus de 20 % d’entre elles éprouvent une peur prolongée et intense à l’idée de mourir d’une mort douloureuse. Nous en sommes capables, alors pourquoi ne pas offrir une certitude à la fin, alors que la vie est devenue en grande partie si incertaine? C’est l’objet du projet de loi : la paix d’esprit et un départ dans la dignité.
Le projet de loi S-248 donne aux Canadiens qui ont reçu un diagnostic de problèmes de santé « graves et irrémédiables » la possibilité de donner leur consentement préalable à l’aide médicale à mourir avant de perdre la capacité de donner leur consentement final. Il s’agit d’une façon logique de combler une lacune actuelle de la loi, et une forte majorité des Canadiens sont en faveur d’un tel changement. Ce changement permettra aux personnes qui ont reçu un diagnostic de démence ou de maladie d’Alzheimer d’éviter l’impasse dans laquelle elles peuvent se trouver actuellement : on ne peut pas faire de demande avant d’avoir reçu un diagnostic et, une fois le diagnostic reçu, il est trop tard pour faire une demande pour une date future.
Le projet de loi proposé permettra à une personne de faire une demande longtemps avant le moment où elle souhaite mourir et longtemps avant de perdre la capacité de demander l’aide médicale à mourir. Elle pourra ainsi avoir l’esprit en paix, bénéficier d’une meilleure qualité de vie pendant le temps qu’il lui reste, et subir beaucoup moins de stress et d’anxiété pendant qu’elle vivra ses derniers jours.
Selon un sondage mené en 2019 par la Presse canadienne, 86 % des Canadiens sont d’avis que les personnes atteintes d’une maladie grave, dégénérative et incurable devraient pouvoir demander et obtenir l’aide médicale à mourir; par ailleurs, 74 % des répondants ont affirmé que toutes les personnes atteintes d’une maladie incurable devraient avoir accès à l’aide médicale à mourir, même si leur mort n’est pas imminente. L’an dernier, un sondage Ipsos mené par l’organisme Dying with Dignity a révélé que les Canadiens sont du même avis au sujet des demandes anticipées : 83 % y sont favorables dans le cas des personnes atteintes de problèmes de santé graves et irrémédiables.
Voilà qui donne une excellente idée de l’opinion des Canadiens, de leurs valeurs, de leur degré d’empathie et de leur degré de préoccupation non seulement pour leurs proches, mais pour l’ensemble de leurs concitoyens. Les statistiques sont claires. Toutefois, en dépit du vaste appui du public, cette lacune injuste est malheureusement toujours présente dans les lois canadiennes qui régissent actuellement l’aide médicale à mourir, et en tant que législateurs, nous avons la responsabilité de rectifier cette injustice.
Je vous épargne l’historique complet de l’aide médicale à mourir, mais vous vous souviendrez qu’en 2016, le gouvernement a présenté le projet de loi C-14 en réponse à l’arrêt Carter de la Cour suprême, lequel conférait aux personnes le droit de prendre leurs propres décisions relativement à leur fin de vie. Dans le projet de loi, une série de mesures de sauvegarde ont été mises en place pour apaiser les craintes que l’accès à l’aide médicale à mourir entraîne des dérapages. Or, dans la version finale du projet de loi, le gouvernement a décidé d’interdire l’accès à l’aide médicale à mourir aux mineurs matures et aux personnes dont la seule condition sous-jacente est un trouble mental ainsi que les demandes anticipées. Il a déclaré souhaiter plus de temps pour voir comment le public et le monde médical allaient composer avec la complexité de l’aide médicale à mourir sur le plan éthique.
Bien sûr, tout le monde était d’accord pour dire que l’aide médicale à mourir ne devait pas remplacer le soutien et les services essentiels offerts aux personnes sous-représentées, à celles qui ne sont pas disposées à recevoir l’aide médicale à mourir ou aux gens qui auraient pu recevoir des soins ou des traitements, mais qui ont été laissés tomber par un système injuste ou débordé. Cela s’applique à n’importe qui, d’ailleurs. L’aide médicale à mourir est toujours une question de choix. Il ne s’agit pas d’une solution de rechange à la pauvreté, à un traitement, au soutien ou à la famille. L’aide médicale à mourir devrait et doit toujours être un choix. Je crois que, sous sa forme actuelle, notre régime d’aide médicale à mourir s’approche du juste équilibre entre l’accès et les mesures de sauvegarde. Nous avons un peu plus d’informations, maintenant qu’il y a plus de six ans que l’aide médicale à mourir est disponible.
Le troisième rapport annuel sur l’aide médicale à mourir, qui a été publié en juillet, indique qu’en 2021, 80 % de tous les bénéficiaires de l’aide médicale à mourir avaient d’abord eu accès aux soins palliatifs et en avaient reçu. Ce chiffre est demeuré constant depuis 2019.
(1950)
Parmi les personnes qui ont obtenu l’aide médicale à mourir sans avoir reçu de soins palliatifs, 88 % avaient eu accès à ces services, mais avaient choisi de ne pas s’en prévaloir.
Ainsi, les personnes ayant reçu l’aide médicale à mourir sont typiquement des patients septuagénaires atteints d’un cancer qui ont obtenu l’aide médicale à mourir à leur domicile après avoir reçu des soins palliatifs. Nous devons poursuivre nos efforts afin d’assurer un accès équitable à ces soins dans les régions rurales ou mal desservies où ils sont inaccessibles.
Certains ont fait état de cas non documentés de personnes qui se seraient vu offrir l’aide médicale à mourir en premier et non en dernier recours. Toute information prouvant de telles situations devrait évidemment donner lieu à une enquête, mais cela ne veut pas dire qu’il faut remplacer tout le système.
Le cadre législatif sur l’aide médicale à mourir comprend des mesures de sauvegarde exigeant que la personne qui demande l’aide médicale à mourir déclare, juste avant de la recevoir, qu’elle est sûre de vouloir l’obtenir. On s’assure ainsi que le patient, son médecin, sa famille et ses proches sont tous absolument sûrs que la personne avait bel et bien choisi cette option. C’est aussi une façon d’offrir une protection juridique aux médecins qui offrent l’aide médicale à mourir.
Cependant, chers collègues, au lieu de faciliter les choses, certaines mesures de sauvegarde ont plutôt créé une plus grande ambiguïté. Dans le cas où des gens qui ont été jugés admissibles à l’aide médicale à mourir, disons, souffrent d’une forme avancée de cancer qui pourrait les empêcher physiquement de donner leur consentement verbal final ou craignent de perdre connaissance à cause de leur maladie, leur seule option était de mettre fin à leurs jours de façon prématurée, plus tôt que nécessaire, parce qu’ils devaient le faire alors qu’ils étaient en pleine possession de leurs capacités et pleinement en mesure de s’exprimer verbalement. C’était un piège juridique qui a causé davantage de souffrances inutiles.
C’est exactement ce qui est arrivé à Audrey Parker, une Néo-Écossaise de 57 ans atteinte d’un cancer du sein de stade 4. Elle a dû mettre fin à ses jours deux mois avant Noël, uniquement à cause d’une « mesure de sauvegarde » dans la loi qui était mal conçue.
D’innombrables autres personnes ont probablement dû prendre une décision semblable — nous avons entendu bon nombre d’histoires similaires — avant qu’on modifie enfin la loi en mars 2021, grâce aux efforts inlassables de la famille et des amis d’Audrey.
C’était un changement important et il a ouvert la voie au projet de loi. C’est parce que, comme je l’ai souligné, certaines personnes qui ont droit à l’aide médicale à mourir risquent de perdre leurs capacités avant la date choisie. Maintenant, grâce à l’ « amendment d’Audrey », nous avons en quelque sorte dans la loi actuelle une version très limitée des demandes anticipées. Je dis « limitée » parce que cette version ne s’applique qu’aux personnes dont la demande d’aide médicale à mourir a déjà été évaluée et approuvée, et seulement lorsqu’elles sont à la toute fin de leur vie et qu’un médecin convient qu’elles pourraient être privées de la capacité de dire « oui » ou de hocher la tête pour donner leur consentement final dans leurs derniers moments.
Chers collègues, c’est dans ce contexte que j’ai proposé l’an dernier un amendement au projet de loi C-7 dans le but d’autoriser sans réserve les demandes anticipées. J’espérais étendre le droit à une demande anticipée aux personnes dont la mort n’était pas imminente, mais qui allaient inévitablement perdre leur droit de consentir. C’est évidemment le cas des personnes atteintes de démence ou de la maladie d’Alzheimer et c’est pourquoi le droit de communiquer leur opinion à l’avance est si important.
Je tiens à remercier beaucoup d’entre vous de m’avoir aidé à faire adopter cet amendement dans cette enceinte. Ce fut un moment fort. Malheureusement, il a ensuite été rejeté par le gouvernement de l’époque. Je ne comprends vraiment pas pourquoi le gouvernement a dit non aux souhaits de cette Chambre et à ceux exprimés par tant de Canadiens. La question a plutôt été confiée à un comité parlementaire mixte spécial pour une étude plus approfondie.
Comme nous le constatons si souvent, le peuple — les Canadiens — fait preuve de plus de compassion et d’ouverture d’esprit que le gouvernement, tout comme la Cour suprême du Canada, qui a montré la voie.
Nous voyons également des provinces aller de l’avant dans ce dossier. La Commission spéciale sur la question de mourir dans la dignité de l’Assemblée nationale du Québec a recommandé une directive anticipée pour l’aide médicale à mourir en 2012. Le rapport final du Groupe consultatif d’experts provincial-territorial sur l’aide médicale à mourir a demandé des éclaircissements au gouvernement pour inclure les demandes anticipées dans tout projet de loi à venir.
Même les rapports du Conseil des académies canadiennes sur les demandes anticipées, les mineurs matures et les troubles mentaux — bien qu’il ait été interdit à cet organisme de formuler des recommandations concrètes — comprenaient des propositions concernant les degrés d’accessibilité que les législateurs pourraient prendre en considération lors de la modification de la loi future.
Et rappelez-vous que notre premier Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, dont le travail a conduit au projet de loi C-14, a énoncé dans sa septième recommandation :
Que l’on autorise le recours aux demandes anticipées d’aide médicale à mourir à tout moment, après qu’une personne aura reçu un diagnostic de problème de santé qui lui fera vraisemblablement perdre ses capacités ou un diagnostic de problème de santé grave ou irrémédiable, mais avant que les souffrances ne deviennent intolérables.
Toutes ces audiences, ces témoignages d’experts et ces recommandations représentent une décennie de travail. Chers collègues, c’est pour cette raison que j’ai présenté un amendement au projet de loi C-7 et que, à mon avis, il a été adopté.
Il y en a qui ne choisiraient pas d’accéder à cette aide, mais qui croient que les autres devraient avoir le choix de le faire. Pourtant, il semble que ce n’était pas suffisant et il y a encore des gens au Canada qui doivent se battre pour avoir le droit de présenter une demande anticipée en 2022.
C’est exactement ce que ce projet de loi vise à corriger. On sent bien que le climat politique est en train de changer. Plus tôt cette année, au Québec, un comité multipartite a présenté 11 recommandations, dont 10 qui concernent un meilleur modèle pour les demandes anticipées. Ces recommandations ont servi à orienter la portée du projet de loi à l’étude et elles étaient l’inspiration du projet de loi 38, au Québec, dont l’avenir est présentement incertain en raison des élections tenues récemment.
C’était un projet de loi bien réfléchi qui prévoyait des mesures de protection adéquates à mon avis. J’invite mes collègues à lire ce projet de loi pour qu’ils puissent constater l’allure que pourrait prendre un cadre provincial pour les demandes anticipées.
Toutefois, on craint que, même s’il est adopté, un régime provincial pour les demandes anticipées, tout comme les médecins, demeurent vulnérables si la loi fédérale n’est pas modifiée. Ainsi, même si le projet de loi 38 est adopté, les médecins du Québec pourraient être condamnés à une peine d’emprisonnement pour avoir honoré une demande anticipée, même si cela est autorisé par la loi dans leur province parce que cela ne l’est pas à l’échelon fédéral.
La Cour suprême du Canada a déjà donné au gouvernement fédéral toute la latitude nécessaire pour permettre les demandes anticipées, ce qui rend ces délais injustes.
Je crois que ce projet de loi permet de corriger la situation. Il modifie le Code criminel fédéral pour permettre les demandes anticipées. Ce projet de loi ne présente pas une approche trop contraignante, car cela relève en fait de la compétence des provinces.
Vous voyez, les lois canadiennes régissant l’aide médicale à mourir apportent des modifications au Code criminel en créant en fait une exclusion et, en vertu de la Constitution, toutes les questions relatives à la santé sont réglementées par les provinces. Ainsi, ce projet de loi ne fait qu’exclure les demandes anticipées, ou le recours à celles-ci, de la définition d’acte criminel.
Ce projet de loi est assez simple. Il modifie les paragraphes 241.2 (3.1), (3.2) et (3.4) du Code criminel relatifs à l’aide médicale à mourir. Il s’agit de la mesure de sauvegarde relative au consentement final à laquelle le paragraphe 3.21, ou « amendement d’Audrey », comme je l’ai appelé plus tôt, permet de renoncer.
Le projet de loi ajoute également un autre paragraphe — (3.22) — qui permet à une personne et à son médecin de préparer un ensemble écrit de problèmes énoncés et de déclarer que lorsque ces comportements ou problèmes évalués médicalement sont présents, cela contribuerait à définir le moment où la personne voudrait obtenir l’aide médicale à mourir. C’est le point central de ce projet de loi.
Bien sûr, il faudrait que cette personne ait reçu un diagnostic de maladie, d’affection ou de handicap grave ou incurable pour pouvoir être admissible à l’aide médicale à mourir. L’énoncé des problèmes existerait sur papier, avant même qu’ils ne soient évalués et approuvés aux fins de l’aide médicale à mourir.
L’alinéa (3.22)a) stipule qu’une personne peut être en mesure de faire une déclaration écrite selon laquelle un médecin ou un infirmier praticien peut administrer l’aide médicale à mourir sans le consentement final de la personne, sous réserve que les problèmes causant de la souffrance soient clairement indiqués dans la demande de consentement préalable et que ces problèmes puissent être facilement observés par le médecin ou l’infirmier praticien.
(2000)
Il s’agit d’une distinction importante par rapport à ce que prévoit actuellement la loi. Le paragraphe 3.21, appelé « amendement d’Audrey », permet de renoncer au consentement final si le demandeur de l’aide médicale à mourir et son médecin ont conclu une entente pour que l’aide médicale à mourir soit administrée à une date déterminée, et si la souffrance et l’état physique de cette personne l’empêchent de donner cette confirmation verbale finale.
Le paragraphe 3.22 accorde le même droit aux Canadiens atteints d’une maladie, d’une affection ou d’un handicap graves et incurables, qui n’ont pas encore déterminé la date à laquelle sera administrée l’aide médicale à mourir, mais qui ont clairement établi les critères à respecter pour que l’on mette fin à leurs souffrances.
L’alinéa 3.22b) du projet de loi exige qu’une demande anticipée ne remonte pas à plus de cinq ans. Cela signifie que la demande anticipée devrait être mise à jour régulièrement pour s’assurer qu’elle reflète toujours le souhait et les intentions de la personne et que c’est réellement ce qu’elle souhaite lorsqu’elle aura perdu le contrôle de sa situation.
Ce délai a été fixé après consultation de divers intervenants et groupes tels que la Société Alzheimer du Canada et l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’AMM, connue sous le nom d’ACEPA.
Toutefois, si le Comité des affaires sociales du Sénat estime qu’une mise à jour est nécessaire tous les trois ans, je me rallierai entièrement à cet avis. Nous devons nous efforcer de donner au plus grand nombre de gens possible la plus grande tranquillité d’esprit possible.
L’alinéa 3.22c) du projet de loi exige que la demande anticipée comprenne le consentement à l’aide médicale à mourir donné par la personne qui fait la demande et l’alinéa 3.22d) exige que deux témoins indépendants soient présents au moment de signer la demande anticipée.
Tout le monde devrait discuter de ses choix de fin de vie avec les membres de sa famille, avec ses amis, avec ses médecins et même avec ses avocats bien avant d’arriver à la fin de sa vie. Tout le monde devrait avoir rempli les documents concernant la planification et les directives préalables; ces documents sont faciles à trouver en ligne. Il faut également les mettre à jour régulièrement afin que nos dossiers et nos intentions demeurent clairs au fil du temps. Pour que nos volontés soient respectées, il faut qu’elles soient claires et comprises.
Je pense que le projet de loi à l’étude arrive à un juste équilibre. Il exige que la demande anticipée soit régulièrement mise à jour. Il requiert également que la personne qui fait la demande anticipée en discute en détail avec son médecin et avec d’autres personnes — de nombreuses autres personnes — afin qu’elle comprenne bien ce que son geste signifie et qu’elle convienne avec son médecin des critères qui sont, à son avis, appropriés.
Il faut également que la demande d’aide médicale à mourir soit approuvée. Il faudra aussi respecter les paramètres prévus dans la législation actuelle ou la portée recommandée dans les différents rapports fédéraux. Personne ne sera contraint d’opter pour l’aide médicale à mourir et on ne pourra pas se servir de cette demande à des fins de coercition. Le seul objectif est de donner aux Canadiens l’assurance que, si leur maladie ou leur handicap s’aggrave au point où ils ne sont plus en mesure de donner leur consentement à l’aide médicale à mourir, leurs volontés seront quand même respectées.
Bien entendu, le projet de loi gagnera à être étudié par le Comité sénatorial des affaires sociales. En outre, Santé Canada et les provinces devront créer un cadre de réglementation permettant les demandes anticipées, et nos conseils à cet égard leur seraient sans doute utiles.
Il y a également la question à savoir comment on conserverait les demandes anticipées. Faudra-t-il créer un registre en ligne? Que se passe-t-il si une personne change de province? Qu’arrive-t-il si la personne veut modifier les conditions qu’elle a précisées dans sa demande anticipée ou l’annuler complètement?
Personnellement, je crois que tous devraient avoir le droit de présenter une demande anticipée dans leur testament biologique. Nul ne devrait être forcé à vivre le reste de sa vie en étant invalide advenant la perte inattendue de sa capacité, que ce soit à la suite d’un accident ou d’un accident vasculaire cérébral, par exemple. C’est pour cela que nous avons des ordonnances de ne pas réanimer. Une directive anticipée a le même objectif, selon moi. Nos décisions à propos de notre vie personnelle, énoncées clairement et étayées solidement, devraient être respectées, même s’il devait nous arriver, à un moment donné, de perdre notre capacité à réaffirmer consciemment notre choix et décision.
Ce sont là toutes des questions très importantes et très compliquées que je sais que notre comité étudierait et examinerait. Je le répète, si nos lois relatives à l’aide médicale à mourir n’étaient pas liées au Code criminel, il serait beaucoup plus simple de régler ces questions et préoccupations par la voie législative. Malheureusement, ce n’est pas le cas.
Enfin, chers collègues, permettez-moi une dernière observation pour justifier l’étude de ce projet de loi par le Sénat maintenant plutôt qu’après la publication du rapport final du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir.
Comme je l’ai dit plus tôt, le comité consacre du temps précieux à revoir le concept de l’aide médicale à mourir. Nous avons effectivement entendu de nombreux témoins représentant tous les points de vue sur cette question, et j’espère que tout ce travail permettra, au bout du compte, d’élaborer des recommandations concrètes qui seront précises et utiles pour les prochaines mesures législatives. Cela dit, je pense que les comités sénatoriaux sont mieux en mesure de présenter des rapports dans de brefs délais, et le temps presse.
L’action ou l’inaction du gouvernement est souvent source de frustration pour les milliers de Canadiens en attente de décisions. Leur vie et leur mort sont trop souvent coincées dans des limbes législatives.
Dans l’ouvrage Pensées pour moi-même, Marc Aurèle a écrit ce qui suit :
[...] la vie chaque jour se consume et [...] la part qui reste diminue d’autant. Mais il faut encore considérer ceci : à supposer qu’un homme vive longtemps, il demeure incertain si son intelligence restera pareille [...]
Il faut donc se hâter, non seulement parce qu’à tout moment nous nous rapprochons de la mort, mais encore parce que nous perdons, avant de mourir, la compréhension des questions et le pouvoir d’y prêter attention.
Chers collègues, nous devons effectivement nous hâter. Ce projet de loi aidera ceux dont la compréhension du monde s’effrite. Tant de gens veulent ce projet de loi et en ont besoin.
Je vous remercie de m’avoir écoutée. Sachez que je serai reconnaissante de l’appui que vous pourrez me donner. Merci.
L’honorable Denise Batters : Sénatrice Wallin, j’ai quelques questions au sujet des témoins, de la manière dont ils sont définis dans votre projet de loi et de la manière dont le tout est caractérisé. Comment le terme « témoins indépendants » est-il défini dans votre projet de loi? Je sais qu’en vertu de votre projet de loi, la déclaration du patient doit être :
[...] signée et datée par deux témoins indépendants qui confirment qu’elle a été faite de manière volontaire et sans pressions extérieures;
J’ai une autre question à ce sujet, mais pourriez-vous d’abord répondre concernant les « témoins indépendants » s’il vous plaît? Merci.
La sénatrice Wallin : Il s’agit d’un concept qui existe déjà ailleurs dans la loi, mais des « témoins indépendants » seraient le mieux décrits comme étant ceux qui, selon le client, le patient et la personne qui demande l’aide médicale à mourir, en consultation, au fil du temps, avec les professionnels de la santé, sont indépendants et n’ont aucun intérêt à l’égard de l’issue ou de la décision du patient.
La sénatrice Batters : Existe-t-il déjà une définition à cet égard dans le projet de loi C-7 ou C-14, ou s’agit-il d’une définition supplémentaire? Voilà ce que je me demande. Vous pourrez peut‑être vous renseigner et me le faire savoir si vous n’êtes pas certaine, étant donné qu’il pourrait y avoir plusieurs définitions. Il pourrait s’agir d’une personne qui n’a pas le droit de bénéficier de la succession ou qui n’est pas un parent de la personne concernée. Je m’interroge sur cet élément, car il s’agit d’une définition importante.
Je me demande également s’il est exact que conformément à votre projet de loi, ce serait le « médecin » qui certifierait que, conformément au sous-alinéa 3.22e)(iii), « chaque témoin est indépendant conformément au paragraphe (5) ».
Ce que je me demande, c’est comment un médecin serait en mesure de le déterminer. En passant, il est important de rappeler que ce médecin, conformément aux lois sur l’aide médicale à mourir, pourrait être un médecin ou un infirmier praticien. Je me demande comment un médecin pourrait avoir de telles connaissances. Merci.
La sénatrice Wallin : J’ai discuté longuement de toute cette question avec l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir. Il s’agit de médecins et souvent des médecins de famille. Ce sont donc des personnes qui connaissent le patient depuis des années et des années.
J’ai eu cette discussion avec quelqu’un la semaine dernière. Il est important que nous remplissions tous ces formulaires et que nous précisions nos souhaits au fil du temps à diverses personnes pour garantir ce type d’indépendance. On peut en parler à des membres de la famille, à des amis, à une tierce personne, à un avocat, à un autre médecin que son médecin de famille. Les possibilités sont nombreuses.
(2010)
Quand on fait part de ces commentaires, de ces observations et de ces convictions à des amis et à des proches, et surtout, lorsqu’on le fait par écrit, c’est une façon d’avoir des garanties ou un plan de secours. C’est ce que veulent vraiment les médecins qui offrent l’aide médicale à mourir. Ils veulent un cadre provincial pour clarifier cela, et cela fait partie des aspects qui font l’objet de discussions et de négociations.
Dans tous les formulaires à remplir, on voit qu’il y a bien des façons d’indiquer clairement ce qu’on veut, et il y a évidemment différentes options qui s’offrent au patient pour qu’il soit plus à l’aise.
En tant que femme sans enfant ni époux, je dois évidemment aller au-delà de la famille immédiate et en faire part à un parent éloigné comme un neveu ou une nièce. Quoi qu’il en soit, cela permet de rendre les choses très claires dans le processus. C’est pourquoi je ne cesse de recommander aux gens, presque en les suppliant, de faire cela non seulement dans leur intérêt, pour qu’on respecte leur volonté, mais aussi dans l’intérêt de ceux qui les aiment et qui veulent être sûrs que c’est ce qu’ils veulent et que leur volonté sera respectée.
Cela signifie prendre ses responsabilités plus tôt dans la vie. Je sais qu’à 29 ans, personne ne songe à cela. Par contre, pour la plupart d’entre nous ici, il est temps de commencer à y songer. Il s’agit également de clarifier les choses pour soi-même. Lorsqu’on commence à remplir ces formulaires et qu’on suit les différentes étapes requises, cela nous incite à l’introspection. Ce processus permet de définir les choses, d’établir une certitude, un engagement.
Si on demande à d’autres de participer à ce processus, qu’il s’agisse d’un avocat, de membres de la famille ou d’amis, on finit par obtenir un sentiment de sécurité, tant pour nous que pour eux, en sachant qu’ils consentent à être des témoins.
C’est une obligation, une obligation lourde de sens. Il faut la prendre très au sérieux. Il est préférable d’entamer le processus le plus tôt possible. C’est là que les définitions entrent en ligne de compte, car au fil du temps, c’est tout un groupe de personnes qui participera au processus.
[Français]
L’honorable Marie-Françoise Mégie : Est-ce que la sénatrice Wallin accepterait de répondre à une question?
La sénatrice Wallin : Oui.
La sénatrice Mégie : Sénatrice Wallin, pendant ma carrière médicale, j’ai travaillé avec des personnes souffrant de maladies graves et incurables, y compris des personnes atteintes de troubles neurocognitifs.
Nous utilisions le système des directives médicales anticipées. Si le projet de loi S-248 est adopté, quelles seront les interdépendances entre les demandes anticipées d’aide médicale à mourir et le système provincial de directives médicales anticipées?
[Traduction]
La sénatrice Wallin : Vous soulevez là une série de questions, car le Code criminel relève de la compétence fédérale, alors que les questions de santé relèvent de la compétence provinciale.
C’est pourquoi des groupes travaillent sur cette question depuis plus de 10 ans, pour essayer de trouver des cadres qui reflètent les besoins et les souhaits d’une province ou d’un territoire particulier — parce que les points de vue diffèrent d’un endroit à l’autre au pays — et pour trouver un cadre fédéral qui les intègre et qui soit suffisamment souple pour que, s’il y a des différences entre une province et une autre, cela soit pris en considération dans les lois sur l’aide médicale à mourir; l’objectif étant de disposer d’un nouvel ensemble révisé de lois sur l’aide médicale à mourir.
Il existe des directives médicales anticipées ou directives de soins. Lorsque vous êtes hospitalisé et que vous êtes sur le point d’être opéré, on peut vous demander si vous voulez signer un ordre de non-réanimation. C’est vous qui décidez. Je pense que tout commence avec vos opinions et vos antécédents. Si vous signez cette déclaration, si vous vous êtes engagé dans ce processus de préparation en vue des décisions de fin de vie, alors les gens auront l’assurance que vos points de vue n’ont pas changé, que ce soit à court ou à long terme.
Je verrais donc cette mesure comme faisant partie d’un ensemble plus vaste dans le cadre duquel vos croyances et vos sentiments ont été observés au fil du temps. S’ils restent les mêmes, s’ils sont cohérents, ou même s’ils changent, cela peut être évalué par les professionnels de la santé en fin de compte.
L’honorable Ratna Omidvar : La sénatrice Wallin accepterait‑elle de répondre à une autre question?
La sénatrice Wallin : Oui.
La sénatrice Omidvar : Merci, sénatrice Wallin.
Je veux vous féliciter de vos efforts soutenus pour accroître la sensibilisation sur les demandes anticipées. Vos observations me rappellent quantité de souvenirs des débats et des travaux sur le projet de loi C-14 en 2016-2017. Les émotions étaient à fleur de peau. Il y avait beaucoup d’informations à examiner.
Pouvez-vous me dire si cet enjeu des demandes anticipées est unique au Canada ou nouveau? On a entendu parler d’autres pays — surtout les Pays-Bas, mais aussi la Belgique et la Suisse — qui ont adopté des lois sur l’aide médicale à mourir.
D’après votre étude des mesures adoptées ailleurs dans le monde, que pouvez-vous nous dire sur cet enjeu et que pouvons-nous apprendre? Des pays ont-ils tiré des leçons qui pourraient nous être utiles?
La sénatrice Wallin : D’après la majorité des études que j’ai menées sur d’autres pays, j’ai cru comprendre que ces derniers percevaient cet enjeu d’une manière fort différente de la nôtre. C’est une décision qu’on prend, c’est tout.
Des pays comme la Suisse autorisent même — je déteste utiliser cette expression — le tourisme médical, c’est-à-dire que les gens peuvent s’y rendre pour demander une aide médicale à mourir s’ils souffrent et que, pour une raison quelconque, ils n’y sont pas admissibles au Canada.
Il ne fait aucun doute qu’il est compliqué de présenter une demande anticipée dans notre pays, mais je crois que c’est une bonne chose. Nous allons vraiment au fond de la question. C’est une décision que personne ne prend à la légère. Ce n’est pas un enjeu qu’un médecin praticien souhaite prendre à la légère.
Étant donné que la question des demandes anticipées figure toujours dans le Code criminel, cela rend les choses deux fois plus compliquées parce que nous demandons à des particuliers ou à des médecins praticiens de se livrer à une pratique qui est peut-être encore illégale au Canada. Il est vraiment important que nous donnions plus de précisions à cet égard.
Comme je l’ai mentionné à plusieurs reprises, c’est là l’avantage de l’ « amendment d’Audrey » : elle nous a amenés dans cette direction. C’est en raison du fait que cette femme a dû mettre fin à ses jours de manière précoce parce qu’elle savait qu’elle ne serait plus capable de donner son consentement final dans les derniers moments de son existence à cause de la nature de sa maladie.
Honnêtement, chaque semaine, je reçois des appels de gens qui me parlent d’amis ayant pris une telle décision parce qu’ils n’étaient pas encore admissibles à l’aide médicale à mourir. Ils craignaient que s’ils attendaient le moment où ils le deviendraient, ils n’auraient plus la capacité de donner leur consentement. Bon nombre de Canadiens se retrouvent dans une telle impasse.
Nous devons à tout le monde de clarifier cet enjeu. Après tout, nous nous sommes rendus jusqu’à ce point, et nous avons mûrement réfléchi à la question parce qu’il n’existe pas beaucoup de précédents internationaux. Les provinces cherchent des solutions à cet enjeu. Le Québec déploie des efforts considérables dans ce domaine. J’ai l’impression que nous attendons toujours une décision judiciaire avant d’agir. Nous sommes alors forcés d’aller dans une direction déterminée, et nous cherchons de mille et une façons à y arriver.
(2020)
Ce qu’il faut, selon moi, c’est être proactif : c’est dans cette optique que travaillent le comité et d’autres groupes. Nous devons tenter d’établir des paramètres, de rassurer les gens pour qu’ils aient la certitude que nous n’agissons pas sans avoir bien compris et bien étudié la question, ni sans mettre en place des règles et des mesures de protection et de sauvegarde. Voilà ce qu’il faut vraiment faire. C’est ce qu’il faut faire ici, à l’autre endroit et dans les tribunaux. Les fournisseurs de services médicaux doivent participer, et ils le font, mais nous devons trouver des façons d’organiser tout ça. J’espère que le projet de loi servira de point de départ à cette discussion.
L’honorable Mary Jane McCallum : Je peux comprendre pourquoi les gens veulent demander l’aide à mourir, mais je doute qu’un d’entre nous puisse dire que cette aide ne sera pas utilisée comme une tactique coercitive. J’ai reçu des appels d’aînés et de personnes handicapées. Un aîné en particulier m’a dit que son médecin lui a donné cette option lorsqu’il l’a consulté. Il ne l’a pas demandé et il ne la voulait pas. Maintenant, il a peur. C’est un aîné autochtone.
Lorsqu’il s’agit de populations vulnérables, on peut parler de coercition. Les femmes autochtones qui sont soumises à la stérilisation forcée aujourd’hui n’ont pas la possibilité de choisir. Elles n’ont pas d’options : elles leur ont été retirées.
Quelles mesures de protection seront mises en place pour les Autochtones et les personnes handicapées, c’est-à-dire pour les gens qui sont considérés comme inférieurs par de nombreuses personnes au Canada? Quelles mesures de protection seront mises en place pour eux?
La sénatrice Wallin : Les mesures de protection sont les mêmes que pour tout Canadien — elles existent dans la loi. Nous essayons d’adopter des mesures de protection au sujet des demandes de consentement préalable, qui sont plus pertinentes en ce qui a trait à cet enjeu en particulier. Il y a déjà la renonciation au consentement final et le droit de faire cela. Les lois s’appliquent à tout le monde.
Je l’ai mentionné dans mes observations, mais je pense qu’il est important de le redire : nous n’avons pas de cas documentés de personnes qui ont été forcées de recevoir l’aide médicale à mourir. Il est presque inconcevable qu’un médecin s’engage dans cette voie sans contestation de la famille et de son propre corps médical. Les médecins doivent respecter des règles très strictes et sont très conscients des fautes professionnelles médicales.
Si de tels cas en venaient à exister, ils devraient, bien entendu, être portés à l’attention des autorités. Ils devraient être examinés. Des mesures devraient être prises, si nécessaire. Toutefois, comme nous l’ont dit les témoins, il n’y a pas de preuve à ce sujet. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Seidman, le débat est ajourné.)
[Français]
Le Code criminel
La Loi sur les juges
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Ajournement du débat
L’honorable Pierre J. Dalphond propose que le projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénatrices et sénateurs, j’ai l’honneur aujourd’hui d’amorcer la deuxième lecture du projet de loi C-233, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges (violence contre un partenaire intime).
Ce projet de loi a été déposé à la Chambre des communes le 7 février 2022 par Mme Anju Dhillon, députée de Dorval—Lachine—LaSalle et avocate en droit familial et pénal, en collaboration avec Mme Pam Damoff, députée d’Oakville-Nord—Burlington et secrétaire parlementaire du ministre de la Sécurité publique, et Mme Ya’ara Saks, députée de York-Centre et secrétaire parlementaire de la ministre de la Famille, des Enfants et du Développement social.
Il a été légèrement modifié par le Comité permanent de la condition féminine, puis adopté par le vote unanime de 326 députés le 1er juin dernier. Malheureusement, ce projet de loi est arrivé au Sénat alors que nos travaux étaient consacrés exclusivement à des projets de loi émanant du gouvernement.
Même s’il ne contient que quatre articles, dont un article sur l’entrée en vigueur de la loi, le projet de loi C-233 propose deux mesures qui devraient contribuer à réduire les manifestations de violence à l’égard des femmes qui souhaitent mettre fin à une relation toxique, y compris le féminicide.
[Traduction]
Premièrement, le projet de loi C-233 propose de modifier le Code criminel à l’égard d’un prévenu inculpé d’une infraction contre son partenaire intime. Avant de rendre une ordonnance de mise en liberté, un juge devrait considérer s’il est souhaitable pour la sécurité de toute personne d’imposer au prévenu, comme condition dans l’ordonnance, de porter un dispositif de surveillance à distance.
Deuxièmement, le projet de loi C-233 propose de modifier la Loi sur les juges afin de signaler au Conseil canadien de la magistrature l’importance de tenir des colloques sur des questions liées à la violence entre partenaires intimes et au contrôle coercitif dans les relations entre partenaires intimes et les relations familiales en vue de la formation continue des juges.
Je vais commencer par les deux modifications proposées à la Loi sur les juges.
Ceux d’entre vous qui étaient ici en 2017, 2018 et 2019 se souviendront des tentatives infructueuses faites au Sénat pour en arriver à un vote final au sujet du projet de loi C-337 présenté par l’ancienne cheffe du Parti conservateur, l’honorable Rona Ambrose. Ce projet de loi visait à améliorer les connaissances des juges sur les questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles et au contexte social en invitant le Conseil canadien de la magistrature à créer des séminaires sur ces sujets.
En septembre 2020, le gouvernement a présenté un projet de loi, le C-3, visant le même objectif et incluant le contexte social, le racisme systémique et la discrimination systémique. Ce projet de loi a été adopté par le Sénat et est entré en vigueur le 6 mai 2021.
Le projet de loi C-233 propose que le Conseil canadien de la magistrature soit invité à offrir des colloques aux juges sur les sujets suivants : la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif dans les relations entre partenaires intimes et les relations familiales.
Ainsi, l’alinéa 60(2)b) de la Loi sur les juges se lirait ainsi : « Dans le cadre de sa mission, le Conseil a le pouvoir : »
[…] d’organiser des colloques portant notamment sur des questions liées au droit relatif aux agressions sexuelles, à la violence entre partenaires intimes, au contrôle coercitif dans les relations entre partenaires intimes et dans les relations familiales et au contexte social, lequel comprend le racisme et la discrimination systémiques, en vue de la formation continue des juges […]
Grâce à ce changement proposé, le Parlement fera savoir au Conseil canadien de la magistrature et aux juges à quel point notre société se préoccupe de la violence entre partenaires intimes et du contrôle coercitif.
(2030)
Plus particulièrement, le Parlement soulignerait la nécessité d’empêcher que tous les membres de la famille ne deviennent victimes du contrôle coercitif du père. En outre, le Parlement invitera le Conseil canadien de la magistrature à fournir de l’information sur ses rapports annuels à propos des colloques offerts à tous ses membres, conformément à l’alinéa 60(2)b), que je viens de lire.
Cette partie du projet de loi C-233 est désignée sous le nom de « loi de Keira », à la mémoire de Keira Kagan, une fillette de 4 ans de Milton, en Ontario, qui a été tuée par son père violent en février 2020. Ce drame était vraisemblablement un meurtre‑suicide.
Malgré des allégations graves formulées par la mère sur le caractère violent de son mari, la Cour supérieure de justice de l’Ontario avait accordé des droits de visite à ce dernier. En réalité, les juges à qui il revenait en 2018 et 2019 de décider d’accorder des droits d’accès à cet individu avaient présumé que la violence d’un mari contre son épouse ne signifiait pas qu’il ne pouvait pas être un bon père. Par conséquent, il ne fallait pas lui interdire des droits d’accès pour voir leur fille, Keira.
Depuis ce drame, la mère de Keira, la Dre Jennifer Kagan-Viater, et son époux, Philip Viater, un avocat en droit de la famille, travaillent sans relâche pour éviter que d’autres familles ne vivent le drame de perdre un enfant aux mains d’un parent violent. Ils demandent entre autres à ce que les intervenants, y compris les juges, dans les dossiers du droit de la famille soient mieux formés sur l’importance de tenir compte des indices de violence avant de prendre une décision sur les questions de garde et de droit d’accès.
Les éléments qu’on propose d’ajouter à la Loi sur les juges encourageront le Conseil canadien de la magistrature à poursuivre, voire à intensifier, les efforts qu’il déploie afin de former les juges à propos de la violence entre partenaires intimes et du contrôle coercitif dans les relations.
Au cours des deux dernières années, le Conseil canadien de la magistrature a autorisé bon nombre de conférences, de séminaires et d’outils à l’intention des juges, tous fournis par l’Institut national de la magistrature. Ces initiatives sont financées au moyen de fonds publics. Le budget annuel du conseil, qui dépasse les 30 millions de dollars, comprend plus de 6 millions de dollars pour la formation des juges et les outils à leur intention.
Vous vous rappellerez peut-être que, dans le budget de 2019, le Parlement a autorisé le gouvernement à augmenter de 5 millions de dollars la somme consacrée à la formation des juges pour les 10 années suivantes.
Voici un aperçu des programmes offerts.
Il y a notamment un cours obligatoire de 10 jours pour les nouveaux juges, qui vise à leur fournir des connaissances, des compétences et une compréhension de divers contextes sociaux, autant d’éléments qui leur seront essentiels pour bien s’acquitter de leurs nouvelles fonctions. Ce cours porte entre autres sur les procès pour agression sexuelle ainsi que sur les mythes et les stéréotypes qui peuvent se révéler dans ce contexte. La formation porte aussi sur l’importance de tenir compte de la violence dans les affaires de droit de la famille.
Quant aux juges en exercice, ils doivent suivre deux cours intitulés Vos cinq premières années en tant que juge : droit criminel. L’un porte sur le droit pénal et l’autre sur le droit de la famille. En outre, dans le cadre de leur plan de formation continue, les juges en exercice sont invités à participer à des conférences et des séminaires nationaux sur le droit de la famille, le droit pénal, l’accès à la justice pour les enfants, les procès par jury, la violence sexiste et d’autres sujets similaires.
En outre, les cours d’appel et les tribunaux supérieurs organisent des conférences générales annuelles où l’on offre des formations. Depuis janvier 2018, 50 programmes de formation en direct ont été proposés lors de ces conférences annuelles, traitant en tout ou en partie de questions liées à la violence entre partenaires intimes, à la violence domestique ou familiale, aux procès pour agression sexuelle et aux contextes sociaux.
Des ressources numériques sont également mises à la disposition des juges sur les agressions sexuelles, les questions relatives aux populations autochtones, la violence entre partenaires intimes et la violence familiale, les preuves, le droit de la famille et les instructions au jury.
Comme il a été dit précédemment dans cette enceinte, des études ont montré que la violence à l’égard d’un parent nuit aux enfants de la famille. En effet, un mari violent ne peut être un père capable d’agir dans l’intérêt supérieur des enfants.
C’est pourquoi le Parlement a adopté des modifications substantielles à la Loi sur le divorce en 2019. Ces modifications visaient à définir les actes violents et à obliger toutes les personnes impliquées dans des procédures de divorce, y compris les avocats, les travailleurs sociaux, les psychologues et les juges, à tenir compte de ces actes dans les rapports, les accords et les décisions se rapportant au partage du temps et des responsabilités parentales.
L’objectif ultime de ces modifications est de protéger l’ex‑conjoint et les enfants contre toute nouvelle violence après la séparation, en particulier de la part des maris qui ont exercé un contrôle coercitif sur leur épouse. Des études montrent que, malgré la séparation, ces maris ont souvent recours à des actes violents pour tenter d’exercer de nouveau un contrôle coercitif, y compris le harcèlement, les menaces, les agressions et même le meurtre.
[Français]
Depuis l’entrée en vigueur de la loi réformée sur le divorce le 1er mars 2021, on assiste à un virage dans la jurisprudence. De plus en plus de jugements des tribunaux d’instance et d’appel et de la Cour suprême du Canada soulignent l’importance de considérer les manifestations de violence familiale, de présumer que celles-ci sont contraires aux meilleurs intérêts de tout enfant et de mettre en place des mesures qui n’exposent plus les enfants ou l’ex-conjointe à de la violence.
Le 20 mai dernier, dans l’arrêt Barendregt c. Grebliunas, 2022 CSC 22, la Cour suprême du Canada a déclaré ceci, et je cite :
Les modifications récentes à la Loi sur le divorce reconnaissent que les conclusions de violence familiale sont des considérations cruciales dans l’analyse de l’intérêt de l’enfant : al. 16(3)j) et par. 16(4). La Loi sur le divorce définit la violence familiale dans les grandes lignes au par. 2(1) en énonçant qu’il s’agit de toute conduite violente ou menaçante, allant de l’abus physique aux mauvais traitements psychologiques et à l’exploitation financière. Les tribunaux doivent tenir compte de la violence familiale et de ses effets sur la capacité et la volonté de toute personne auteure de violence familiale de prendre soin de l’enfant et de satisfaire à ses besoins.
Voilà un message clair et non équivoque de la Cour suprême à tous les juges et membres du système judiciaire et des barreaux.
Je pourrais aussi vous citer de nombreux jugements qui ont été rendus par des juges des cours provinciales en matière criminelle, des juges des cours supérieures en matière familiale et les cours d’appel du pays qui confirment que les tribunaux canadiens prennent désormais très au sérieux la violence familiale et la violence envers un partenaire intime.
À mon avis, ce changement d’attitude résulte de plusieurs facteurs. Parmi ceux-ci, il y a les amendements que je viens de mentionner à la Loi sur le divorce et les amendements au Code criminel relatifs à la violence contre les partenaires intimes, la place que l’on accorde dans les médias et dans la société à la question de la violence conjugale et l’augmentation des connaissances au sein du système de justice sur les conséquences graves associées à la violence conjugale et familiale. Il faut continuer d’encourager cette prise de conscience par les tribunaux, notamment au moyen de la formation des juges et des avocats.
Je passe maintenant aux amendements au Code criminel.
[Traduction]
Le projet de loi C-233 propose de modifier l’article 515 du Code criminel, qui traite de la mise en liberté provisoire par voie judiciaire, ou ordonnance de mise en liberté sous caution.
(2040)
Lorsqu’une personne est arrêtée et inculpée, le principe veut que l’accusé soit libéré sans conditions en attendant la fin du processus judiciaire, sauf si la Couronne démontre que la détention de l’accusé est justifiée ou que l’ordonnance de libération doit être assortie de conditions.
Il existe cependant quelques exceptions à cette règle. Par exemple, à la suite de l’adoption du projet de loi C-75, en 2019, lorsque l’accusé a déjà été reconnu coupable d’une infraction violente contre un partenaire intime, il lui incombe de démontrer que sa libération peut être encadrée de manière à ne pas porter atteinte à la sécurité de la victime présumée. Le projet de loi C-233 propose d’ajouter que lorsque la personne est accusée d’une infraction violente contre un partenaire intime, le juge, à la demande du procureur général de la province, peut imposer comme condition de libération que l’accusé porte un dispositif de surveillance électronique.
Dans le monde numérique et connecté dans lequel nous vivons, il existe deux types d’appareils. Il peut s’agir d’un bracelet, porté par un accusé et relié par radiofréquence à une ligne téléphonique de son lieu de résidence afin d’indiquer en temps réel que la personne se trouve toujours à son lieu de résidence. Par exemple, si une personne condamnée a été libérée à condition de rester en permanence à son domicile, un tel dispositif permet d’assurer le respect de cette condition ou, du moins, de prouver qu’elle n’a pas été respectée.
Un deuxième type de dispositif permet de géolocaliser une personne en tout temps. Dans un cas de violence conjugale, l’utilisation de ce dispositif pourrait être ordonnée si l’ordonnance de mise en liberté s’accompagne de l’obligation pour le délinquant de rester à une certaine distance de la maison ou du lieu de travail de la victime. Toute violation de l’ordonnance pourrait être automatiquement signalée à un centre de surveillance, qui pourrait alors alerter la victime et demander aux policiers d’intervenir. Un système plus perfectionné permet de fournir à la victime un autre dispositif, qui l’avertira automatiquement si l’accusé se trouve à une certaine distance d’elle.
Selon les dispositions actuelles du Code criminel, un juge pourrait ordonner à l’accusé de porter un bracelet électronique comme condition de sa remise en liberté, si cette option est disponible au lieu de résidence de l’accusé. Cette condition est souvent offerte par l’accusé pour montrer sa volonté de respecter les conditions de sa remise en liberté et d’en assumer les coûts.
L’un des principaux fournisseurs s’appelle Recovery Science Corporation, à Bradford, en Ontario. Selon son site Web, depuis 2010, plus de 800 personnes à l’échelle du Canada ont obtenu une mise en liberté provisoire lorsqu’elles ont inclus son programme de GPS à leur plan de surveillance. L’entreprise conclut ensuite avec chaque participant une entente qui comprend une renonciation totale à la confidentialité lui permettant de signaler les infractions et de communiquer les données de surveillance à la police, ainsi que le paiement d’une somme de plus de 600 dollars par mois pour le service.
D’ailleurs, dans une affaire devant la Cour supérieure du Québec en novembre 2021, cette entreprise a reconnu qu’avec une bonne paire de ciseaux, il était possible de couper le bracelet, et que cela s’était produit environ 130 fois jusqu’à présent, ce qui représente environ 15 % des cas.
Il convient également de souligner qu’à l’heure actuelle, le port d’un bracelet peut être ordonné conformément à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, afin de surveiller le respect de conditions comme la détention à domicile, le respect du couvre-feu ou l’interdiction de quitter un certain secteur. Le projet de loi C-233 propose d’indiquer clairement à la Couronne, à l’accusé, à la victime et à la magistrature qu’une telle condition dans une ordonnance de cautionnement devrait être considérée comme un moyen non seulement de dissuader le non-respect des conditions, mais aussi de protéger la victime présumée dans les affaires de violence familiale et de violence entre partenaires intimes, en attendant les procédures pénales.
La marraine du projet de loi à l’autre endroit a choisi de mettre l’accent sur les ordonnances de cautionnement parce que c’est au cours des 18 premiers mois après la séparation que bon nombre de femmes ou d’enfants sont tués. Les statistiques révèlent que la période après la séparation est un moment où les victimes de conjoints violents courent des risques accrus. L’adoption de ce projet de loi n’empêchera évidemment pas le Parlement de prévoir des dispositifs de surveillance dans d’autres circonstances, comme celles qui sont envisagées dans le projet de loi S-205 présenté par le sénateur Boisvenu.
Dans tous les cas, il doit être clair que le recours à des dispositifs de surveillance à distance dépend de l’existence d’infrastructures adéquates en vue d’en assurer la fiabilité, une surveillance constante et une intervention rapide en cas de déclenchement, y compris de la part de la police. Autrement, les victimes pourraient éprouver un faux sentiment de sécurité. C’est pourquoi on propose qu’un juge puisse imposer une ordonnance de cautionnement seulement à la demande du procureur général de la province. Espérons que cela pousserait les gouvernements provinciaux à mettre en place les infrastructures requises pour de tels systèmes de surveillance.
[Français]
À ce titre, je tiens à souligner les importantes initiatives prises par le Québec, mon coin de pays, afin de mettre en place un système de bracelet antirapprochement. Le gouvernement du Québec donne ainsi suite à la recommandation 84 d’un rapport déposé le 15 décembre 2020 par le Comité d’experts sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violences conjugales, intitulé Rebâtir la confiance. La recommandation 84 se lit comme suit :
Considérer le port du bracelet électronique parmi les mesures qui contribuent à la protection des victimes dans les situations appropriées.
Ce comité a aussi recommandé que les victimes puissent bénéficier gratuitement d’outils d’intervention rapide, tel le Téléphone grave danger, et a encouragé l’utilisation d’autres moyens technologiques susceptibles d’améliorer la sécurité des victimes, le tout devant être sans frais pour celles-ci.
En réponse à ce rapport, le Québec a adopté diverses mesures. L’une d’elles est l’adoption du projet de loi no 24 par l’Assemblée nationale le printemps dernier. Ce projet de loi modifie la Loi sur le système correctionnel du Québec et autorise le directeur d’une prison provinciale ou la Commission québécoise des libérations conditionnelles, selon la durée de la peine de moins de deux ans à purger, à imposer à un contrevenant en matière de violence contre une conjointe, comme condition de remise en liberté, le port d’un dispositif antirapprochement permettant de le localiser en tout temps.
Bien entendu, pour qu’un bracelet antirapprochement remplisse pleinement sa fonction, il faut connaître aussi en tout temps la position de la victime. Par conséquent, cette condition de remise en liberté ne peut être imposée qu’avec le consentement de la victime. À cette dernière, les services correctionnels du Québec fournissent sans frais l’équipement nécessaire, tel l’ajout d’un logiciel sur son téléphone cellulaire qui lui indique quand le contrevenant se trouve à une certaine distance d’elle. La fourniture d’un tel bracelet est aussi possible si le juge, dans le cadre d’une requête sur remise en liberté, l’a ordonné à l’accusé.
Un budget de 41 millions de dollars sur cinq ans a été consacré à la mise en place de ce système. Ce budget inclut la formation des intervenants en matière d’évaluation des conjoints violents, le coût des équipements et la surveillance du système. En passant, cette surveillance en continu des bracelets antirapprochement a été confiée à une société de sécurité sans but lucratif, les Commissionnaires du Québec, où travaillent notamment d’anciens membres des forces armées et de la GRC.
Le 20 mai dernier, le gouvernement du Québec a annoncé le lancement d’un projet pilote dans la ville de Québec. Celui-ci sera suivi d’un déploiement progressif au Québec, avec la participation cet automne de quatre régions, suivies au printemps de huit autres régions et, finalement, à l’automne 2023, du reste du Québec.
Le ministère de la Sécurité publique du Québec estime que 500 bracelets antirapprochement devraient répondre à la demande lorsque le programme sera mise en œuvre dans l’ensemble de la province. À ce jour, trois bracelets ont été ordonnés dans le cadre du projet pilote.
(2050)
Cette initiative s’ajoute à d’autres qui ont été adoptées au Québec, notamment la création de tribunaux spécialisés en matière d’agression sexuelle et de violence conjugale, l’attribution d’une aide financière à 11 corps de police municipaux pour ajouter des effectifs spécialisés en matière de lutte contre la violence conjugale et les féminicides et la fourniture d’un financement pour des services de traitement des agresseurs.
Je rappelle qu’au Québec, 26 femmes ont été victimes de meurtre en 2021, la majorité dans un contexte de violence conjugale.
Le bracelet antirapprochement est donc un outil intéressant. Espérons que, en fonction de l’expérience québécoise, la Commission des libérations conditionnelles du Canada considérera d’imposer le port du bracelet antirapprochement aux contrevenants en matière de violence entre partenaires intimes, tout en se rappelant que l’efficacité de ce dispositif requiert non seulement le consentement de la victime, mais un système adéquat de supervision.
Cela dit, il m’apparaît important de souligner que, pour contrer la violence entre partenaires intimes, il faut une stratégie complète, comme l’a montré l’expérience espagnole depuis l’adoption en 2004 d’une loi encadrant la violence entre partenaires intimes et intégrant une approche centrée sur la victime, qui est souvent une femme — comme ici, au Canada —, soit dans environ 80 % des cas.
Cinq particularités du système espagnol doivent être soulignées : des tribunaux spécialisés; des policiers formés sur ces questions; une campagne efficace de sensibilisation du public à la violence conjugale — un sondage a indiqué que 8 femmes espagnoles sur 10 étaient au courant de ces programmes; une plateforme de renseignements appelée VioGén, alimentée par les policiers et les diverses institutions qui prennent en charge les femmes violentées; un centre opérationnel de mesures télématiques à distance, rattaché au ministère espagnol de la Santé, des Services sociaux et de l’Égalité, chargé de la surveillance des bracelets en cours d’utilisation 24 heures sur 24.
L’utilisation des bracelets de surveillance dans le cadre des ordonnances de protection a augmenté de 800 % entre 2009 et 2018, passant de 166 à 970, ce qui représente 5,6 % des ordonnances rendues en matière de violence en Espagne. L’Espagne est, de fait, un chef de file pour ce qui est du nombre de bracelets par habitant dans les pays démocratiques.
Ces mesures semblent donner des résultats. En effet, depuis la loi de 2004, le nombre de féminicides a baissé de 25 % en Espagne.
[Traduction]
Selon des chercheurs et bon nombre d’articles universitaires, les violations documentées de ces ordonnances sont très rares.
Une partie des recherches indique également que certaines victimes de violence familiale sont réfractaires à l’usage de la surveillance électronique parce que cela leur fait trop penser à ce qu’elles vivaient avec leur partenaire contrôlant. Elles se sentaient surveillées en tout temps. Cependant, selon la police espagnole, le sentiment de sécurité et de confiance dans le système a augmenté avec le temps. Il semblerait que de plus en plus de victimes sont satisfaites du système et que le nombre de fausses alertes diminue.
Plusieurs pays ont suivi l’exemple de l’Espagne, notamment le Portugal, la France, l’Italie, le Royaume-Uni, Porto Rico, le Mexique, le Chili et le Japon.
[Français]
Le port du bracelet de surveillance a été implanté en France en 2019. À cet effet, le gouvernement français a annoncé une capacité opérationnelle de 1 000 unités sur l’ensemble du territoire. Au 1er avril 2022, les magistrats français avaient imposé le port de 995 bracelets.
Dans ce pays, l’imposition du bracelet électronique, aussi appelé « placement sous surveillance électronique », peut être appliquée avant la condamnation ou dans le cadre de la peine à purger.
De plus, un juge aux affaires familiales peut délivrer une ordonnance de protection dans le but de mettre à l’abri une femme victime de violence conjugale, indépendamment de toutes procédures criminelles.
Malgré tout, certaines victimes estiment que le port du bracelet se révèle insuffisant dans la mesure où il n’est pas automatiquement ordonné par les juges.
Il faut également souligner qu’un autre dispositif, appelé « Téléphone grave danger », qui est aussi recommandé pour le Québec, a été mis en place en France en 2014, soit cinq ans avant le bracelet antirapprochement. Il s’agit d’un téléphone portable avec une touche spécifique permettant à la victime d’alerter rapidement le service de téléassistance, lequel est non seulement informé de l’appel, mais aussi de sa géolocalisation au moment précis. Ce service dépêche alors les forces de l’ordre qui sont reliées au service par des lignes spécialisées, soit avec la police locale ou avec la gendarmerie nationale.
Selon le ministère français de la Justice, 3 512 de ces téléphones ont été déployés sur le territoire français au 1er mars 2022, dont 2 566 ont été attribués. Il en reste encore 1 000 qui pourraient être utilisés.
Cependant, en 2021, certaines associations critiquaient le fait que les Téléphones grave danger étaient encore distribués au compte‑gouttes.
Le bracelet antirapprochement est un outil qui comporte plus d’options que les fonctionnalités offertes par le Téléphone grave danger, selon le site du ministère français de la Justice.
Par ailleurs, il semblerait qu’il existe une grande différence entre l’expérience espagnole et l’expérience française, qui découle des moyens budgétaires qui ont été attribués pour mettre en œuvre les autres mesures nécessaires pour permettre aux femmes de s’éloigner de leur conjoint violent. Par exemple, l’Espagne s’est dotée de 8 600 places d’hébergement spécialisées, contre 5 000 en France, qui a pourtant une population 30 % plus importante.
[Traduction]
En conclusion, je veux remercier la marraine du projet de loi C-233, la députée Anju Dhillon, ainsi que tous les députés de la Chambre des communes, qui ont adopté à l’unanimité le projet de loi C-233. Il compte deux mesures intéressantes qui pourraient contribuer à empêcher que des gestes de violence familiale et de violence entre partenaires intimes soient commis. C’est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi à l’étape de la deuxième lecture le plus rapidement possible afin de le renvoyer au comité pour qu’il l’étudie.
Cependant, il faut garder en tête que, même si les mesures progressives prévues dans le projet de loi C-233 sont utiles, elles ne parviendront pas à mettre fin à la violence entre partenaires intimes et à la violence familiale. Une stratégie complète doit être élaborée. Elle devra comprendre de l’aide pour les agresseurs, en particulier les hommes, l’accès aux ressources pour les victimes, dont les refuges, de la sensibilisation et de la formation pour tous ceux qui sont appelés à intervenir, comme les policiers, les travailleurs sociaux et les juges.
[Français]
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
Son Honneur le Président : Sénateur Dalphond, accepteriez-vous de répondre à des questions?
Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.
L’honorable Pierre-Hugues Boisvenu : Merci beaucoup, sénateur Dalphond, pour cette présentation du projet de loi C-233. Je suis d’ailleurs heureux d’apprendre que l’on compte y inclure de la formation pour les juges en matière de violence conjugale.
Je pense que les mentalités ont évolué ici et au comité, parce que lors de l’étude du projet de loi C-3, j’avais proposé un amendement visant à inclure une formation en matière de violence conjugale dans la formation des juges en matière d’exploitation sexuelle.
Est-ce que le projet de loi que nous étudions fera en sorte qu’on n’appliquera ce mécanisme de contrôle qu’aux agresseurs qui sont en attente d’un procès?
Le sénateur Dalphond : Merci de cette question, sénateur Boisvenu. Je savais que ce projet de loi vous ferait plaisir, puisque c’est un sujet qui vous tient à cœur. Vous aviez à l’époque proposé, à l’étape de la troisième lecture, que nous amendions le projet de loi pour y ajouter cet élément, et la Chambre avait considéré préférable d’adopter le projet de loi C-3 au lieu de le renvoyer à la Chambre des communes, à cause de l’époque où il a été adopté. Vous vous souviendrez qu’une élection a été déclenchée quelques mois plus tard. C’était peut-être une décision appropriée dans ce contexte.
Cela dit, vous aviez raison de dire qu’il serait préférable d’ajouter ces éléments à la formation. Je serais heureux de faire cet ajout au projet de loi, comme le suggère la Chambre des communes.
Il est vrai que le projet de loi ne propose d’amender le Code criminel qu’en matière d’ordonnance de remise en liberté pendant le procès. Il s’agit de ce qu’on appelle en anglais les bail orders, les ordonnances de libération sous caution.
(2100)
Le projet de loi S-205 comprend aussi d’autres dispositions et amendements au Code criminel qui s’appliqueraient dans d’autres contextes, y compris des amendements à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, lorsque la personne a purgé sa peine et fait partie de la transition des conditions de remise en liberté.
Le sénateur Boisvenu : Je trouve vraiment inefficace le fait d’avoir deux projets de loi qui évolueront ensemble au Sénat et qui ont le même objectif, soit celui de protéger les femmes, car le gouvernement risque de se retrouver dans des situations où il devra choisir entre l’un et l’autre.
Dans 85 % des cas de féminicides, l’individu n’a pas de procès. Au lieu d’un procès, on lui impose l’ordonnance de ne pas s’approcher de la victime, et 85 % des victimes sont assassinées dans ce contexte-là. Pourquoi ne pas intégrer immédiatement ces deux projets de loi pour faire en sorte qu’on protège les femmes qui sont réellement en danger? Je ne parle pas de celles dont l’agresseur subira un procès, mais de celles dont l’agresseur ne recevra jamais d’accusations formelles, car il aura signé une ordonnance. C’est dans ces cas que les femmes sont assassinées et non pas lorsque l’individu subit un procès.
Le sénateur Dalphond : Je sais que la politique, c’est l’art du possible, et qu’il faut parfois faire preuve de pragmatisme.
Ce projet de loi nous arrive de la Chambre des communes où il a reçu l’appui unanime des députés. On nous demande de l’étudier attentivement et, si nous y sommes favorables, de l’adopter. Je l’ai dit dans mon discours, cela n’empêche aucunement le Sénat d’aller plus loin et d’adopter votre projet de loi qui contient d’autres mesures, lequel devra par la suite être retenu à l’étape de la troisième lecture et être renvoyé à la Chambre des communes où il pourra être adopté éventuellement.
Le projet de loi que nous avons reçu s’inscrit dans la logique de ce que vous proposez, mais constitue deux pas importants. Je le répète, ce n’est pas la fin du processus, il s’agit de deux petits pas qui ne mettront pas fin à la violence conjugale ou à la violence entre partenaires intimes. Ce sont deux petits pas utiles contenus dans un véhicule qui arrive de la Chambre des communes à la suite d’une approbation unanime. Je crois donc que nous devrions saisir ce véhicule et traiter ce projet de loi dans les meilleurs délais pour faire en sorte que ces deux petits pas soient accomplis. Il faut continuer d’étudier votre projet de loi et espérer que la Chambre des communes l’adoptera, elle aussi.
[Traduction]
L’honorable Denise Batters : Sénateur Dalphond, dans votre discours, vous avez brièvement parlé du projet de loi C-3, qui était fondé sur le projet de loi de l’ancienne cheffe du Parti conservateur, Rona Ambrose. Lors de la séance du 1er avril 2021 du Comité des affaires juridiques, le sénateur Boisvenu a présenté un amendement similaire à la partie du projet de loi concernant la loi de Keira dont vous parlez aujourd’hui. Il a ajouté la violence familiale aux sujets couverts par la formation que les juges recevront.
Sénateur Dalphond, vous vous êtes prononcé contre cet amendement ce jour-là et avez dit que vous pensiez qu’il ne répondait pas au critère de « nécessité ». Incroyable. Vous avez dit qu’il n’était pas nécessaire de sensibiliser davantage les juges à la violence familiale. Le sénateur Gold a fait écho à votre argument au Comité des affaires juridiques ce jour-là et a déclaré que, selon lui et le gouvernement Trudeau, cet amendement important n’était « simplement pas nécessaire ».
Je suis heureuse de constater que vous avez changé d’avis, car j’ai pris la parole au Comité des affaires juridiques ce jour-là, après ces deux interventions, pour dire ceci :
J’aimerais souligner que nous avons entendu deux hommes aujourd’hui — deux sénateurs — nous dire qu’un amendement au sujet de la violence familiale n’était pas nécessaire. Or, nos témoins — des femmes —, dont plusieurs étaient autochtones, qui aident des personnes vulnérables tous les jours, nous ont dit que cet amendement était nécessaire.
Sénateur Dalphond, vous avez ensuite voté contre cet amendement, tout comme le sénateur Gold d’ailleurs. Seuls les sénateurs conservateurs Batters, Boisvenu, Carignan et Martin, et la sénatrice Griffin ont voté en faveur de cet amendement essentiel. Ce jour-là, tous les autres sénateurs ont voté contre cet amendement, qui a été rejeté par le Comité des affaires juridiques.
Le nouveau projet de loi que nous examinons aujourd’hui a été présenté par une députée libérale à la Chambre des communes. Comme vous l’avez indiqué, ce projet de loi a heureusement été adopté à l’unanimité à l’autre endroit, et vous l’appuyez maintenant. En fait, vous en êtes le parrain au Sénat.
Sénateur Dalphond, il y a 18 mois, pourquoi n’avez-vous pas reconnu la nécessité pour les juges de suivre cette formation sur la violence conjugale? Les Canadiennes auraient pu bénéficier des bienfaits de cette disposition législative essentielle il y a longtemps.
Le sénateur Dalphond : Merci beaucoup, sénatrice Batters, de cette question pertinente qui me donne l’occasion d’inviter mes collègues à lire le compte rendu de l’audience du comité. Je me suis opposé à cet amendement, mais pas parce que j’étais contre l’idée. J’ai dit que l’adoption d’un amendement à cette étape de l’étude du projet de loi compromettrait l’adoption de ce projet de loi. Nous étions en situation minoritaire à ce moment-là. J’ai dit qu’il fallait aller de l’avant et que j’étais favorable à la loi de Keira. J’ai rencontré la Dre Kagan et son époux, M. Viater, pour discuter de cette question, et je leur ai expliqué que, même si j’accueillais favorablement leur proposition, cet amendement nous aurait obligés à renvoyer le projet de loi à la Chambre des communes, qui avait terminé son étude en mai 2021. Vous vous rappellerez sans doute que des élections ont été déclenchées à l’été de 2021, et je sais que votre parti et vous étiez d’avis que ces élections étaient inutiles. Si nous avions suivi vos recommandations, nous n’aurions pas pu faire adopter ce projet de loi.
Ensuite, je l’ai expliqué au comité — et je pense l’avoir dit aussi dans cette enceinte. Enfin, il est possible de lire le compte rendu. Je me souviens bien de ce débat parce que je n’étais pas opposé au principe. J’ai toutefois dit que le contexte social était utilisé dans le projet de loi à l’étude et que la définition de ce terme donnée par la Cour suprême incluait la violence familiale. J’ai précisé que ce n’était pas couvert de façon explicite, mais de façon implicite. Je pensais qu’il s’agissait du bon message à envoyer aux juges sans mettre en péril l’adoption du projet de loi.
Je suis heureux de pouvoir dire aujourd’hui que je n’ai pas changé d’avis. J’appuie toujours la loi de Keira. Si ses défenseurs sont à l’écoute ce soir, je suis ravi de les remercier de leurs efforts inlassables pour que cette mesure législative soit adoptée. Je vais l’appuyer avec plaisir. Je n’y ai jamais été opposé. Cela dit, le temps presse et, malheureusement, dans ce dossier, je pense que l’histoire a montré qu’il vaut mieux être trop prudent que pas assez.
[Français]
L’honorable Michèle Audette : Est-ce que le sénateur Dalphond accepterait de répondre à une autre question?
Le sénateur Dalphond : Avec plaisir.
La sénatrice Audette : Merci beaucoup d’avoir présenté et expliqué vos arguments pour ce projet de loi. Beaucoup de femmes ici, ou sinon toutes les femmes connaissent quelqu’un ou des gens qui ont été touchés par des tragédies humaines. Évidemment, les femmes autochtones en font partie elles aussi. Je comprends qu’on parle de violence conjugale et familiale, mais est-ce qu’on pense pouvoir inclure également à un moment donné les femmes qui auront porté plainte à maintes reprises au sujet d’individus qui ne sont pas des conjoints ou des ex-conjoints dans le cadre des dispositifs prévus afin qu’on puisse veiller à leur sécurité? S’agit-il seulement de conjoints ou d’ex-conjoints?
Le sénateur Dalphond : Merci, sénatrice, pour cette question qui me permet de faire cette précision. Je n’ai peut-être pas été assez clair dans mon discours. Toute personne accusée de violence contre une autre personne peut faire l’objet du port du bracelet, qu’il s’agisse de violence entre partenaires intimes ou de violence familiale, la mesure ne vise pas nécessairement les conjoints. Il peut s’agir d’un amant, d’un ex-partenaire, etc.
La sénatrice Audette : Alors, simplement pour comprendre, s’il ne s’agit pas par exemple d’un ex-partenaire ni d’un amant, mais d’une personne qu’on ne connaît pas, et contre laquelle on a déjà porté plainte, qui pourrait faire de la prison, en ressortir et revenir harceler, intimider ou agresser la femme en question, est-ce qu’on pourra imposer à cette personne le port d’un dispositif de surveillance?
Le sénateur Dalphond : Selon ma compréhension de l’amendement apporté au projet de loi C-75, la personne doit avoir été condamnée pour violence entre partenaires intimes. Cette fois, elle aura le fardeau de démontrer qu’elle peut être remise en liberté sans compromettre la sécurité de toute personne. Elle aura le fardeau de convaincre le juge, et elle proposera peut-être qu’on lui ordonne de porter un bracelet pour obtenir sa libération.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(2110)
[Traduction]
Affaires étrangères et commerce international
Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude des questions liées aux relations étrangères et au commerce international en général—Adoption du septième rapport du comité
Le Sénat passe à l’étude du septième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (Budget—étude sur les relations étrangères et le commerce international en général—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 6 octobre 2022.
L’honorable Peter M. Boehm propose que le rapport soit adopté.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Budget et autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer—L’étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada—Adoption du huitième rapport du comité
Le Sénat passe à l’étude du huitième rapport du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international (Budget—étude sur le service extérieur canadien et d’autres éléments de l’appareil de politique étrangère au sein d’Affaires mondiales Canada—autorisation d’embaucher du personnel et de se déplacer), présenté au Sénat le 6 octobre 2022.
L’honorable Peter M. Boehm propose que le rapport soit adopté.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Les contributions et l’impact des Premières Nations, des Métis et des Inuits
Interpellation—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur l’interpellation de l’honorable sénatrice Boyer, attirant l’attention du Sénat sur les contributions et les retombées positives réalisées par les Métis, les Inuits et les Premières Nations au Canada, et dans le monde.
L’honorable Marilou McPhedran : Honorables sénateurs, je prends la parole ce soir parce que, avec l’interpellation no 3, la sénatrice Yvonne Boyer nous donne une belle occasion de souligner les contributions importantes que les Métis, les Inuits et les Premières Nations apportent au Canada et au monde entier.
[Français]
En tant que sénatrice du Manitoba, je reconnais que je vis sur les territoires du Traité no 1, les territoires traditionnels des Anishinabes, des Cris, des Oji-Cris, des Dakotas et des Dénés, et de la patrie de la nation métisse.
[Traduction]
Je souligne que le Parlement du Canada est situé sur le territoire non cédé des nations anishinaabe et algonquine.
Je remercie la sénatrice Boyer de cette initiative. Nous pouvons tous apprendre beaucoup de la résilience et de l’intelligence démontrées par chaque génération des peuples fondateurs de l’île de la Tortue, souvent face à la discrimination systémique massive et à l’illégalité de toutes sortes.
Je suis ravie d’avoir l’occasion de vous présenter le travail de trois femmes autochtones véritablement remarquables et formidables : Teara Fraser, Leslie Spillett et Diane Redsky. Je parle en connaissance de cause et je peux vous assurer que ces trois fortes dirigeantes autochtones sont, à leur façon, d’admirables exemples de réussite. Elles sont des modèles de leadership fondés sur des valeurs autochtones profondément ancrées, qui se reflètent dans ce qu’elles sont, ce qu’elles font et la manière dont elles le font.
Honorables sénateurs, la première femme à qui je veux rendre hommage est Teara Fraser, une fière Métisse qui, chaque jour, met sa passion pour l’aviation au service de son travail et de son action bénévole. Au début de sa carrière dans cette industrie fortement dominée par les hommes blancs, Teara rêvait d’un milieu de travail plus diversifié et offrant de meilleures conditions, et elle continue inlassablement à concrétiser ce rêve grâce à sa propre compagnie aérienne.
En 2019, Mme Fraser a inauguré Iskwew Air, sa propre compagnie de transport aérien autochtone dirigée par une femme, qui a comme base d’activités l’aéroport international de Vancouver. À l’heure actuelle, il s’agit de la seule entreprise autochtone dans cet aéroport. Iskwew est un mot cri qui signifie « femme ». Il représente le désir de Mme Fraser de favoriser l’autonomie des femmes et de célébrer les femmes cheffes de file. La compagnie aérienne vise à soutenir le tourisme autochtone et à améliorer l’accessibilité des communautés autochtones éloignées de la Colombie-Britannique et des provinces et territoires voisins.
Mme Fraser imprègne son entreprise de ses valeurs ancestrales. Par exemple, Iskwew Air s’est engagée à devenir une entreprise carboneutre. Pour ce faire, elle calcule les émissions de gaz à effet de serre qui découlent de ses activités d’exploitation et travaille à les réduire ainsi qu’à compenser la différence. Une telle initiative montre qu’elle se soucie de la santé de l’air et de la terre. Elle fait également preuve d’innovation en tenant compte des préoccupations environnementales.
Une autre contribution de Mme Fraser qu’il vaut la peine de souligner est le travail qu’elle a effectué pendant la pandémie de COVID-19. Sa compagnie aérienne a approvisionné en biens essentiels des communautés autochtones éloignées touchées par la COVID, souvent à tarifs considérablement réduits.
Mme Fraser est un merveilleux modèle d’apport de l’énergie, de la créativité et de la ténacité des femmes à un rôle de chef de file novateur. Il est donc logique qu’elle ait récemment été célébrée à titre de femme d’affaires de l’année à l’occasion des prix du tourisme et de l’hébergement de la Colombie-Britannique de 2022.
Honorables sénateurs, la prochaine femme que j’aimerais reconnaître est Leslie Spillett. Née dans le Nord du Manitoba, elle est d’ascendance crie, de Cumberland House, de la nation crie d’Opaskwayak, et de la colonie métisse de la rivière Rouge du côté de sa mère, et d’ascendance irlandaise et écossaise du côté de son père.
Mme Spillett est une admirable militante et défenseure de la communauté, qui porte des initiatives de grande envergure au service des Manitobains autochtones et non autochtones. Elle a fondé Ka Ni Kanichihk, un organisme autochtone de premier plan qui soutient les femmes et leurs familles par l’entremise de programmes éducatifs et de services de développement adaptés aux traumatismes et à la culture. Ka ni kanichihk signifie en cri « ceux qui guident », et le centre est souvent considéré comme un « second foyer », mais c’est aussi un centre d’apprentissage, un lieu d’appartenance, un lieu où l’on trouve du sens.
Mme Spillett a également été l’une des principales fondatrices du Mother of Red Nations Women’s Council of Manitoba, et elle a travaillé en tant que dirigeante de l’Association des femmes autochtones du Canada. Dans le cadre de ses initiatives, elle soutient également les réalisations des jeunes autochtones, les connaissances traditionnelles et le statut des femmes autochtones, et ce, de manière très directe.
Mme Spillett a été l’une des premières à défendre les femmes autochtones disparues et assassinées au Canada, et elle a soulevé ce problème dans des forums internationaux bien avant que soit menée l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, à laquelle notre collègue, la sénatrice Michèle Audette, a participé de manière si remarquable.
Après avoir mûrement réfléchi, Mme Spillett a décidé d’accepter un doctorat honorifique en droit de l’Université de Winnipeg en 2011. En 2012, elle a été intronisée dans l’Ordre du Manitoba. Le courage, le dévouement, la volonté et la ténacité de Mme Spillett sont un exemple pour nous tous.
C’est un honneur pour moi de rendre maintenant hommage à Mme Diane Redsky, une ardente défenseure des droits des Autochtones dans les domaines de la santé, de l’éducation et des services sociaux. Elle milite tout particulièrement pour le grand nombre de femmes et d’enfants autochtones devant surmonter des obstacles pour jouir de leurs droits et accéder à des services utiles.
Depuis de nombreuses années, Mme Redsky est directrice générale du centre Ma Mawi Wi Chi Itata, que les membres de la communauté appellent « Mamawi ». Elle a récemment annoncé qu’elle prendrait sa retraite en décembre. Mamawi offre plus de 50 programmes dans un vaste nombre de communautés autochtones. Ces programmes visent à créer des possibilités concrètes d’engagement communautaire et familial, à tirer avantage des forces innées et à puiser dans les compétences des Autochtones pour renforcer la guérison et la réconciliation au sein des familles et des communautés autochtones, de même qu’à s’assurer que l’ensemble de la communauté peut guérir.
En 1984, la vision de Mamawi a rassemblé les membres de la communauté qui souhaitaient reconstruire les familles en se servant de solutions autochtones. Cette vision est portée aujourd’hui par le leadership de Mme Redsky et a fait de Ma Mawi une des plus grandes organisations de services sociaux dirigées par des Autochtones qui emploient des Autochtones au Canada. Diane a un plan pour sa succession qui permettra à cette vision de continuer d’être mise en œuvre.
(2120)
Mme Redsky travaille à lutter contre la traite des personnes et la violence commise à l’endroit des femmes, des filles et des membres de la communauté 2SLGBTGI. Pendant 5 ans, Mme Redsky a quitté Ma Mawi pour occuper les fonctions de directrice de projet du Groupe de travail national sur la traite des femmes et des filles à des fins d’exploitation sexuelle au Canada, un groupe qui n’a pas été formé par le gouvernement. Ce sont plutôt des femmes philanthropes de la Fondation canadienne des femmes qui ont financé le groupe devenu ensuite le catalyseur de l’efficacité gouvernementale; le groupe a produit un rapport très important contenant 34 recommandations pour mettre fin à la traite des personnes à des fins sexuelles au Canada.
Les efforts de Mme Redsky ne sont pas passés inaperçus, car elle a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II, le Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne », la médaille du 150e anniversaire du Sénat et le Prix Femmes de mérite du YMCA, elle a été faite membre de l’Ordre du Manitoba et elle a reçu un doctorat honorifique de l’Université de Winnipeg.
Dans notre société, nous portons attention aux titres et aux lettres que les gens inscrivent avant ou après leur nom parce que cela nous indique que ces personnes ont obtenu des distinctions qui nous importent et que nous respectons. Ces trois femmes exceptionnelles ont reçu toutes ces distinctions, mais elles ont aussi reçu les récompenses invisibles qui comptent le plus en gagnant le profond respect, l’amour, la reconnaissance et le dévouement de leur collectivité, de leur province ainsi que de leurs alliés au Canada et dans d’autres pays.
Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour célébrer ces cheffes de file autochtones exceptionnelles et, puisque la sénatrice Boyer a lancé son interpellation pour attirer notre attention sur les contributions apportées par les Métis, les Inuits et les Premières Nations au Canada et dans le monde, tâchons de souligner la contribution de bien d’autres personnes dans cette enceinte. Chi-meegwetch. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Duncan, le débat est ajourné.)
Affaires étrangères et commerce international
Adoption de la motion tendant à étudier les dispositions et l’application de la loi de Sergueï Magnitski et de la Loi sur les mesures économiques spéciales
L’honorable Peter M. Boehm, conformément au préavis donné le 6 octobre 2022, propose :
Que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international soit le comité chargé de l’examen approfondi des dispositions et de l’application de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) et de la Loi sur les mesures économiques spéciales, conformément à l’article 16 de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski);
Que, conformément au paragraphe 16(2) de la loi de Sergueï Magnitski, le comité soumette son rapport final concernant cet examen au plus tard le 23 juin 2023.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
Éthique et conflits d’intérêts des sénateurs
Adoption de la motion concernant la composition du comité
L’honorable Scott Tannas, conformément au préavis donné le 6 octobre 2022, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, l’honorable sénateur Smith prenne la place de l’ancien sénateur White à titre d’un des membres du Comité permanent sur l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs.
Son Honneur le Président : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 21 h 24, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)