Profil des Communautés : Expression de l'Identité Métisse
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En septembre et en octobre 2012, le comité s'est rendu dans plusieurs communautés métisses de l'Ouest canadien et des Territoires du Nord-Ouest. Il a organisé des réunions d'étude auxquelles il a invité une foule d'intervenants, dont des dirigeants des communautés, des éducateurs, des chasseurs et pêcheurs, des fournisseurs de services sociaux et des aînés. Les rencontres ont donné lieu à des échanges intéressants sur une foule de questions touchant l'identité métisse dans ces communautés. Il est impossible de faire un compte rendu complet de tous les sujets de discussion dont il a été question; néanmoins, nous présentons ici l'essentiel des grands thèmes abordés. Les paragraphes qui suivent dressent un portrait de sept communautés. Pour chacune, des renseignements généraux sont fournis et on décrit certains enjeux liés à l'identité métisse contemporaine.
Les profils des communautés apparaissant ci-dessous, ainsi que les images choisies, donnent un aperçu de ce qu'a vécu le Comité pendant son étude sur l'identité des Métis. Les sénateurs remercient tous ceux qui ont partagé avec lui leurs traditions culturelles, leurs réflexions et leurs expériences personnelles.
Saint-Laurent (Manitoba) : culture et identité
La région de Saint-Laurent, qui longe la rive sud du lac Manitoba, compte pour premiers habitants des familles métisses venues du nord du territoire de Pembina, aux États-Unis, au début des années 1820, ainsi que des Métis ayant migré depuis l'établissement de la rivière Rouge, dont le territoire correspond à l'actuelle ville de Winnipeg et ses environs. Les Métis fondateurs d'établissements semi-permanents dans la région étaient principalement des pêcheurs, des commerçants au service des postes de traite, et des intermédiaires socioéconomiques auprès des populations cries et assiniboines locales1.
L'économie traditionnelle de Saint-Laurent demeure fondée sur la pêche lacustre. On compte aussi parmi les sources traditionnelles de subsistance, la chasse, le piégeage, le jardinage et l'agriculture. De récentes décisions juridiques et politiques ont confirmé les droits de récolte des Métis dans la région. En 2009, la cour provinciale du Manitoba, ayant appliqué les critères de l'arrêt Powley, a statué en faveur de l'existence d'une communauté métisse historique pourvue des droits de chasse connexes sur une vaste partie du sud-ouest du Manitoba2. Depuis, le gouvernement provincial et les responsables de la conservation travaillent avec la Manitoba Metis Federation (MMF) pour établir des règles reconnaissant les droits de récolte des Métis dans le sud duManitoba. Ces démarches se sont soldées, en septembre 2012, par un accord de récolte entre la province du Manitoba et la MMF 3.
Photo du haut : Des sénateurs rencontrent des membres de la Manitoba Métis Federation, région d’Interlake
Photo du bas : Des sénateurs visitent l’école Aurèle Lemoine
Historiquement, la langue michif en usage dans la région, un mélange de français et de cri, est un élément essentiel de l'identité métisse à Saint-Laurent4. Outre la langue, la musique, l'habillement et les activités de récolte, ainsi que d'autres aspects de la culture matérielle sont importants pour l'identité métisse et le mode de vie dans la région. Saint-Laurent fait l'objet d'une exposition permanente consacrée au mode de vie et à l'identité autochtones contemporains au National Museum of the American Indian du musée Smithsonian, à Washington (D.C.)5.
Le michif est un aspect essentiel de l'identité métisse à Saint-Laurent, même si son usage et sa préservation se heurtent à une foule d'obstacles historiques et contemporains. Par exemple, les anciennes écoles de missionnaires dans la région décourageaient fortement les générations précédentes de parler le michif. Aujourd'hui, l'influence de l'anglais est de plus en plus forte, à mesure que la communauté croît et se transforme démographiquement. La nature même du michif constitue une autre difficulté : il s'agit d'une langue essentiellement parlée dont les variations régionales sont nombreuses; il est donc difficile de compiler des vocabulaires et des programmes d'études communs.
Témoignant en faveur de l'usage et de la préservation du michif, des enseignants locaux ont dit au comité que ce sont les familles qui sont les mieux placées pour enseigner la langue aux jeunes générations. Aussi, l'approche pédagogique mise sur des programmes de soutien des parents pour qu'ils transmettent la langue et la culture à leurs enfants, l'intégration de cours sur la culture autochtone aux programmes provinciaux actuels, et l'enseignement des valeurs de l'identité personnelle et collective, de la diversité et du multiculturalisme. Comme l'a souligné un enseignant, les élèves métis doivent se reconnaître eux-mêmes avant de s’intéresser aux autres.
Cross Lake (Manitoba) : identités individuelle et collective
La communauté métisse de Cross Lake est située à environ 520 kilomètres à vol d'oiseau au nord de Winnipeg, sur la rive du fleuve Nelson, au confluent du fleuve et du lac Cross. À l'origine, en 1795, il s'agissait d'un poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson. Les Métis qui s'y sont établis sont en grande partie des descendants des populations cries et de commerçants écossais des compagnies de traite des fourrures établis dans la région. Les hommes entretiennent une fière tradition comme « navigateurs » sur les barques de type York qui parcouraient de dangereuses et difficiles routes intérieures entre les établissements de la rivière Rouge et York Factory, dans la Baie d'Hudson6. De nos jours, de nombreux membres de la communauté se qualifient eux-mêmes de « Sang-Mêlé », un terme qu'ils ont réhabilité pour faire ressortir leurs origines cries-écossaises7.
Des sénateurs rencontrent les chefs de la collectivité de Cross Lake, au Manitoba
Le panorama de la région a été considérablement altéré au début des années 1970, après l'érection des barrages hydroélectriques sur les rivières Churchill-Nelson. Les inondations ont laissé de profondes cicatrices dans l'écologie locale et ébranlé les modes de vie traditionnels fondés sur la chasse, le piégeage et la pêche de nombreuses communautés autochtones, dont la communauté métisse de Cross Lake, et la Première nation voisine. En 1977, les gouvernements du Canada et du Manitoba, Manitoba Hydro (la société d'hydroélectricité provinciale) et cinq Premières nations du Nord du Manitoba ont ratifié la Convention sur l'inondation des terres du Nord du Manitoba8. Même si les parties ne s'entendent pas sur la mise en œuvre de la Convention, le but visé était de dédommager les Premières nations signataires pour les inondations. Toutefois, certaines communautés métisses et des Premières nations touchées par les inondations n'étaient pas visées par la Convention9.
En 2010, après quelque 20 ans de litige et de négociation, la communauté métisse de Cross Lake a conclu un accord avec la province du Manitoba et la société Manitoba Hydro pour les dommages causés par le projet hydroélectrique de Churchill-Nelson. Cet accord prévoit une indemnisation financière, le transfert de plusieurs milliers d'acres de terre à la communauté et la création d'un comité chargé d’aider à la gestion des ressources dans une zone de piégeage enregistrée10.
En 2010, Cross Lake est devenue une « communauté constituée » sous le régime de la Northern Affairs Act du Manitoba11; elle détient les pouvoirs et les responsabilités d'une municipalité. La communauté a vu ce changement d'un bon œil, mais selon ses porte-parole, elle souhaite toujours être reconnue comme une communauté métisse représentative par les autres ordres de gouvernement. Elle a accès aux subventions fédérales pour les Métis en régions éloignées, mais là s'arrêtent ses liens avec le fédéral.
La communauté de Cross Lake éprouve un vif sentiment d'appartenance à la culture et à l'identité métisses, mais presque tous ses membres sont des Indiens inscrits en vertu de la Loi sur les Indiens. Un grand nombre d'entre eux ont redemandé le statut ou choisi de s'inscrire pour la première fois, après la réforme de la Loi sur les Indiens ayant suivi l'adoption du projet de loi C-31 en 1985. Certains ont affirmé que la décision n'avait pas été facile, mais qu'elle allait de soi pour bien des gens, en raison des avantages que le statut entraîne. D'autres, par contre, ont refusé de s'inscrire parce qu'ils s'identifient comme Métis. Les dirigeants de la communauté ont indiqué que, même s'il s'agit essentiellement d'un choix personnel, cette question a nui à la cohésion de la communauté.
Duck Lake et Batoche (Saskatchewan) : communautés historiques et contemporaines
Les années 1870 ont été marquées par la migration de Métis depuis la nouvelle province du Manitoba pour s'établir dans les Territoires du Nord-Ouest, sur les rives de la Saskatchewan Nord et de la Saskatchewan Sud. De nombreuses familles qui se sont établies dans ces régions possèdent une longue tradition comme chasseurs de bison, trappeurs et fournisseurs et transporteurs pour le commerce de fourrures dans le Nord-Ouest.
Des sénateurs écoutent des aînés et des représentants régionaux métis à Duck Lake, en Saskatchewan
Au printemps 1885, des disputes sur des questions d'arpentage et de politiques fédérales se soldent par un conflit armé entre les Métis, dirigés par Louis Riel et Gabriel Dumont, et la Police à cheval du Nord‑Ouest. La bataille de Duck Lake, la première d'une série de conflits opposant les Métis aux forces policières et à la milice, a culminé à la bataille de Batoche, en mai 188512.
Plusieurs sites et événements dans la région commémorent ces événements historiques, dont le Lieu historique national de Batoche, le centre d'interprétation régional de Duck Lake et le festival culturel annuel Retour à Batoche13.
Les Métis de Duck Lake et de Batoche ont communiqué au comité le profond sentiment qu'ils éprouvent à l'égard de leur histoire, de leurs racines et de leur identité en tant que peuple métis. Le comité a appris que de nombreux membres de la communauté ont consacré beaucoup de temps et de ressources à apprendre leur histoire et établir leur généalogie familiale, et qu'ils connaissent le réseau des familles qui forment les communautés métisses de la région.
Toutefois, les membres de la communauté ont expliqué que les critères d'appartenance aux différentes organisations politiques métisses ne correspondent pas à la façon dont ils se perçoivent. Selon eux, la Métis Nation of Saskatchewan (un organisme provincial du RNM) applique des critères trop restrictifs et exclut de nombreuses personnes dont l'ascendance autochtone provient de régions situées à l'extérieur de la nation métisse14. Les organisations dont le seul critère d'appartenance est l'auto-identification sont trop vagues et font abstraction des liens entre la communauté, son histoire et ses origines.
Par exemple, la présidente d'un groupe local associé à la Métis Nation of Saskatchewan a indiqué au comité qu'elle ne pouvait officiellement devenir membre de l'organisme provincial puisque ses ancêtres autochtones provenaient du Québec.
Le comité s'est fait dire qu'il faut favoriser le dialogue avec les communautés afin d'élaborer des définitions plus inclusives et établir des critères pertinents. Comme l'a expliqué un membre de la communauté, un tel dialogue est nécessaire pour créer une assise solide sur laquelle seront érigées les communautés métisses actuelles et futures.
Le festival Retour à Batoche
Les festivals et autres manifestations culturelles, comme les journées « Retour à Batoche », organisées chaque année par la Métis Nation ‒ Saskatchewan, jouent un rôle important dans la préservation de la culture traditionnelle métisse et le renforcement des communautés métisses.
ÎIe-à-la-Crosse (Saskatchewan) : éducation et identité
Île-à-la-Crosse, une communauté du Nord de la Saskatchewan, a été fondée en 1776. Principal poste de traite de la Compagnie de la Baie d'Hudson à l'époque, la communauté est le deuxième plus ancien établissement permanent de la Saskatchewan15. La plupart des Métis qui y vivent ont un nom français, vestige de leurs ancêtres, des femmes cries locales et des voyageurs francophones de Québec16. Île-à-la-Crosse a vu naître le père de Louis Riel, Louis Riel père, et c'est aussi là que repose sa sœur, sœur Marguerite Marie Riel (sœur grise)17.
Photo du haut : Au Centre d’amitié d’Île à la Crosse, des sénateurs rencontrent des membres de la collectivité
Photo du bas : Des sénateurs rencontrent des élèves de l’école secondaire Rossignol, à Île à la Crosse
En 1847, un pensionnat catholique est établi dans la communauté; il sera réservé aux enfants métis pendant un certain temps. Les autres habitants de la communauté fréquentent le Pensionnat indien de Beauval, à proximité, en activité de 1895 à 198318. D'anciens élèves du pensionnat d'Île-à-la-Crosse sont venus parler de leurs expériences du pensionnat au comité. Comme pour bien de survivants de cette triste période, ils ont parlé des graves sévices physiques qu'ils ont subis, de l'isolement de leur famille et de leur communauté et de l'interdiction qui leur était imposée de parler la langue michif. Ils ont énuméré les séquelles physiques et psychologiques qu'ont laissées ces expériences : perte de leur langue et de leur culture, destruction des liens avec la communauté et perte des compétences parentales19.
En 2007, une Convention de règlement a été conclue avec le gouvernement fédéral au nom d'anciens élèves des pensionnats indiens, un règlement qui englobait des processus d'indemnisation et la présentation d'excuses par le premier ministre aux survivants des pensionnats20. Si le pensionnat de Beauval faisait partie de la liste des pensionnats reconnus par la Convention de règlement, celui d'Île-à-la-Crosse a été jugé inadmissible21. Les chefs de la communauté ont dit au comité qu'ils travaillent sans relâche à faire reconnaître les survivants du pensionnat d'Île-à-la-Crosse.
Dans les années 1970, la communauté a accru ses pouvoirs en matière d'éducation en établissant son propre conseil scolaire et en élaborant les programmes de formation de ses écoles primaires et secondaires. Le conseil est assujetti à la loi sur l'éducation et aux programmes d'enseignement de la province, mais il offre une formation culturellement adaptée aux élèves de la communauté, dont l'enseignement du michif, de la musique métisse et des habiletés de vie en plein air22. Ces programmes parascolaires ne sont pas obligatoires, mais le taux de participation est élevé. Des directeurs d'école ont parlé de hausse du taux de diplomation, qui serait passé de nul, avant la création du conseil, à plus 300 depuis 1979, un indicateur clé de la réussite générale du conseil scolaire.
Buffalo Lake (Alberta) : établissements métis
Les huit établissements métis du Nord de l'Alberta, répartis sur un territoire combiné de 1,25 million d'acres (506 000 hectares), forment la seule assise territoriale métisse du Canada. Ils sont en majorité le fruit de l'histoire particulière de la province à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, résultat de l'action politique des Métis et des efforts de la province pour améliorer leurs conditions socioéconomiques23.
Photo du haut : Des sénateurs visitent l’établissement métis de Buffalo Lake
Photo du bas : Des sénateurs rencontrent les chefs de l’établissement métis de Buffalo Lake
En 1990, un cadre de travail pour la gouvernance et la gestion des établissements métis a été négocié et codifié dans la législation provinciale24 . Sous le régime du cadre de travail, plusieurs institutions gouvernementales locales et régionales se sont fait déléguer des pouvoirs dans une foule de domaines, y compris dans des secteurs qui étaient auparavant de compétence provinciale et municipale25. En général, les huit conseils d'établissement locaux détiennent largement les mêmes pouvoirs que les municipalités pour ce qui est d'adopter des règlements sur des questions de gouvernance locale et pour la direction de programmes et services locaux. Le conseil général des établissements métis adopte des politiques d'application obligatoire dans des domaines spécifiques touchant collectivement les établissements, détient un droit de propriété sous-jacent à l'égard de l'assise territoriale des établissements, et gère les fonds d'établissements collectifs. Un tribunal traite les différends sur les terres et l'appartenance dans les établissements.
L'établissement métis de Buffalo Lake, à environ 200 km au nord-est d'Edmonton, compte environ 1 200 membres et son assise territoriale s'étend sur 87 000 acres (35 356 hectares). La propriété foncière de tous les établissements est fondée sur une structure unique appelée « titre provisoire ». En vertu de ce système, chaque membre de l établissement se voit attribuer 10 acres; les propriétaires fonciers peuvent vendre leurs terres à un autre membre ou au conseil général. L'expansion future du territoire n'est pas prévue dans la loi. Le comité a appris que Buffalo Lake a récemment fait l'acquisition de terres adjacentes pour élargir son assise territoriale.
La loi provinciale qui a créé les établissements donne une définition large du terme Métis (« une personne d'ascendance autochtone qui s'identifie à l'histoire et à la culture métisses » [traduction]) et établit des critères et processus d'appartenance à un établissement métis. En vertu des critères, ne peut devenir membre une personne qui s'est inscrite comme Indien sous le régime de la Loi sur les Indiens ou comme Inuit en vertu d'un accord de revendications territoriales, sauf quelques petites exceptions26. Récemment, la Cour suprême du Canada a décrété que cette restriction était justifiée « pour préserver la culture et l'identité particulières des Métis et pour garantir l'efficacité de l'autonomie gouvernementale au moyen d'une assise territoriale pour les Métis27 » Le comité s'est fait dire à maintes reprises que nombre des membres actuels des établissements seraient vraisemblablement admissibles au statut d'Indien inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens n'eut été de cette restriction imposée par les critères d'appartenance aux établissements.
Le comité a appris que les établissements n'appartiennent pas officiellement à la nation métisse et a son organisation provinciale, la Métis Nation of Alberta. Cependant, certains membres d'établissements font aussi partie de la MNA. Les chefs de la communauté de Buffalo Lake ont dit au comité qu'en vertu des critères d'appartenance, l'établissement peut aussi accepter les membres de l'extérieur de la province, y compris ceux qui, pour des raisons liées aux origines géographiques de leur ascendance autochtone, peuvent ne pas répondre aux critères d'appartenance à la MNA.
Kelowna (Colombie-Britannique) : redécouverte de l’identité
La ville de Kelowna, comme bien d’autres communautés de la région de l’Okanagan, est le berceau de plusieurs Métis du Canada, y compris ceux qui se sont réinstallés en Colombie-Britannique au cours des dernières générations. Plusieurs organisations locales de la Métis Nation of British Columbia (MNBC) sont établies à Kelowna et à proximité; en outre, plusieurs organismes communautaires assurent une foule de services sociaux, notamment en matière de logement et d’aide à l’enfance et aux familles, aux populations métisses de la région de l’Okanagan. Le comité a rencontré des représentants de plusieurs de ces organisations à Kelowna, notamment la Métis Community Services Society of British Columbia, la Métis Commission for Children and Families of British Columbia, et la Okanagan Métis and Aboriginal Housing Society.
Des sénateurs en apprennent plus long sur l’expérience des Métis en Colombie Britannique à l’occasion d’une rencontre à Kelowna
Les représentants de ces organisations ont dit au comité qu’en Colombie-Britannique, le terme « métis » désigne les populations ayant des origines mixtes autochtones et européennes, ainsi que les personnes ayant des liens ancestraux avec les communautés métisses historiques de la région de la rivière Rouge. Les fournisseurs de services métis locaux, y compris ceux susmentionnés, desservent toutes les populations métisses désignées et les aident à combler des besoins sociaux.
Pour identifier les Métis dans la région, on utilise entre autres les « cartes communautaires » et les « cartes provinciales ». Les représentants des sections locales de la MNBC ont dit au comité qu’ils délivrent les « cartes communautaires » sur la base de l’auto-identification seulement. Depuis l’arrêt Powley, la MNBC a poussé les « cartes provinciales » comme méthode principale d’identification. Toutefois, nombre de membres de communautés métisses ont renoncé à entamer le long et coûteux processus d’obtention d’une carte provinciale et continuent d’utiliser leur carte communautaire comme preuve de leur appartenance à la communauté métisse locale.
Le comité a appris que bon nombre de Métis en Colombie-Britannique ont, au fil des générations, perdu leur culture et leur héritage autochtones, en raison de facteurs complexes dont le racisme, la discrimination et la dislocation locale. Un volet important du travail des fournisseurs de services pour aider les personnes à redécouvrir leur héritage autochtone est la recherche généalogique. Des fournisseurs de service ont dit au comité que les Métis connaissent généralement leurs origines autochtones, mais qu’ils sont nombreux à avoir perdu, au fil des générations, leurs liens avec leurs ancêtres autochtones ou leurs communautés métisses historiques. La recherche des origines historiques peut coûter très cher, c’est pourquoi certains organismes de services sociaux reçoivent des subventions de la province pour faire des recherches généalogiques. Certaines personnes utilisent les résultats de ces recherches pour devenir membres de la Métis Nation of British Columbia.
Redécouvrir ses origines autochtones peut avoir, pour certains, de profonds effets. Par exemple, un fournisseur de services a dit au comité que son organisme avait fait des recherches généalogiques pour des enfants qui avaient été placés en adoption. L’organisme s’est renseigné initialement auprès de l’arrière-grand-mère, puis avait découvert que l’ancêtre familial était l’un des fondateurs de l’établissement métis de Batoche, en Saskatchewan. Il a fourni l’information à l’arrière-grand-mère, et celle-ci a dit avoir eu le sentiment d’être « quelqu’un » après avoir appris la nouvelle.
Territoires du Nord-Ouest : Métis au Nord du 60e parallèle
Deux traités historiques couvrent des régions des Territoires du Nord-Ouest : le Traité no 8 (1899) et le Traité no 11 (1921)28. Les commissions d'étude de ces traités historiques respectifs avec les Dénés avaient le pouvoir d'enquêter sur les revendications des Métis sous le régime de « commissions des Sang-Mêlé » spéciales. Même si quelques Métis des Territoires du Nord-Ouest ont signé le traité, la plupart ont reçu des certificats d'argent ou de concession. Le certificat de concession n'était délivré que dans les régions visées par le Traité noo 8; les Métis établis dans un territoire visé par le Traité no 11 ne pouvaient recevoir qu'un certificat d'argent, faute de terre arable dans la région. La Commission des Sang-Mêlé sur le Traité noo 11, par exemple, a accepté les demandes de certificats après la signature du traité, et le gouvernement fédéral a émis 172 paiements de 240 $ par demandeur, entre 1924 et 192729.
Des sénateurs rencontrent des jeunes et des représentants régionaux métis, à Yellowknife
Le comité a appris que les premiers documents écrits sur les Métis dans les Territoires du Nord-Ouest sont rares. Toutefois, il existe des récits oraux et écrits sur l'histoire d'un ancêtre métis très important, François Beaulieu II (1771-1872). Sa description des modes de vie des Métis et des Dénés dans la région a été reprise dans les écrits d'un missionnaire catholique, Émile Petitot, et demeure une source documentaire importante sur l'histoire des Métis dans les Territoires du Nord-Ouest30.
Parmi les droits et avantages distincts des Métis dans les Territoires du Nord-Ouest, il y a ceux qui ont été négociés en vertu de trois accords de revendications territoriales globales31. Des négociations sont en cours pour deux autres revendications territoriales dont les Métis seraient bénéficiaires32. Des Métis des Territoires du Nord-Ouest sont aussi admissibles à des soins de santé non assurés, dont des soins dentaires et des prestations d'assurance médicaments, en vertu d'un programme du gouvernement territorial.
Si les Métis sont reconnus dans certaines régions, le comité s'est fait dire qu'ils luttent pour l'être dans d';autres. Par exemple, le michif (un mélange de français et de déné) ne fait pas partie des 11 langues autochtones reconnues par la loi territoriale. À une époque, il était possible d'obtenir une subvention fédérale pour la préservation michif par l'intermédiaire de Patrimoine Canada, mais ce n';est plus le cas.
La Nation métisse des Territoires du Nord‑Ouest (NWT MN) est présentement en pourparlers avec le Canada et les Territoires du Nord-Ouest en vue de conclure le premier accord de revendication territoriale métisse au Canada. Le groupe a participé aux négociations d'un accord commun entre Métis et Dénés au début des années 1980, mais celui-ci n'a jamais été ratifié. En 1996, les parties ont signé un accord‑cadre afin d'entamer le processus de négociation; un accord de principe a été conclu en 2012.
Les critères d'admissibilité en vertu de l'accord futur doivent régler la question du concept de « Métis autochtone ». Ce terme fait référence aux Métis dont les origines remontent au territoire visé par le traité en 1921. Le comité a appris que les Métis arrivés dans la région après 1921 seraient considérés comme des « Métis non autochtones » et n'auraient aucun droit en vertu de l'accord. L'accord de principe définit par ailleurs les Métis comme étant distincts des autres peuples autochtones; les Indiens inscrits ne pourraient donc être bénéficiaires de l'accord.
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1 Nicole St-Onge, Saint-Laurent, Manitoba: Evolving Métis Identities, 1860 – 1914, Regina, Canadian Plains Research Center, Université de Regina, 2004; Guy Lavallée, The Métis of St. Laurent, Manitoba: Their Life and Stories, 1920 – 1988, Winnipeg, publié par l'auteur, 2003.
2 R. v. Goodon, 2008 MBPC 59 (CanLII).
3 Manitoba Metis Federation (MMF), Natural Resources, et Gouvernement du Manitoba, Metis Natural Resource Harvesting. Dans le cadre de cet accord négocié, les Métis exercent leurs droits de récolte conformément à la loi traditionnelle établie dans un document de la MMF, intitulé Metis Laws of the Harvest. Voir Manitoba Metis Federation, Metis Laws of the Harvest (3e édition).
4 Les peuples métis du Canada parlent une foule de langues autochtones, y compris le michif (p. ex. le cri michif, le déné michif) et d'autres combinaisons distinctes des langues autochtones et européennes (bungi, chinook, etc.).
5 Smithsonian Institution, National Museum of the American Indian, Our Lives: Contemporary Life and Identities.
6 Archives du Manitoba, Hudson's Bay Company – Cross Lake; et Frederick J. Alcock, « Past and Present Trade Routes to the Canadian Northwest », Geographical Review, vol. 10, no 2, août 1920, p. 57-83.
7 Au XIXe et au début du XXe siècles, les Métis anglophones de la région étaient qualifiés de « sang-mêlé », une expression péjorative par les non-Autochtones.
8 Office of the Arbitrator, Northern Flood Agreement.
9 Pour plus de renseignements sur les revendications juridiques et historiques au cœur de la Convention sur l'inondation des terres du Nord du Manitoba, voir Thibault Martin et Steven M. Hoffman, dir., Power Struggles: Hydro Development and First Nations in Manitoba and Quebec, Winnipeg, University of Manitoba Press, 2008; et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Document d'information - La mise en oeuvre de la Convention sur l'inondation des terres du Nord du Manitoba.
10 Cross Lake Community Settlement Agreement (2010).
11 Loi sur les affaires du Nord (2006), C.P.L.M. c. N100.
12 Ces conflits armés sont désignés collectivement comme la résistance du Nord-Ouest ou rébellion du Nord-Ouest. Pour plus de renseignements à ce sujet, voir Walter Hildebrandt, La bataille de Batoche : Une petite guerre britannique contre des Métis retranchés, Ottawa, Approvisionnement et Services Canada, 1989.
13 Dans le cadre de son étude, le comité a visité tous ces lieux et y a rencontré de représentants. Voir Parcs Canada, Lieu historique national de Batoche ; Duck Lake Historical Museum Society, Duck Lake Regional Interpretive Centre; et Métis Nation – Saskatchewan, Back to Batoche Days.
14 Selon le Ralliement national des Métis et son organisme provincial, la « nation métisse historique » habitait une région couvrant les trois provinces des Prairies (le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta) et des parties de l’Ontario, de la Colombie‑Britannique et du Nord des États‑Unis
15 La plus vieille communauté est celle de Cumberland House, en Saskatchewan, fondée deux ans auparavant, en 1774.
16 Toutefois, quelques commerçants anglais et écossais de l’établissement de la rivière Rouge, au Manitoba, ont fondé une famille dans la communauté au XIXe siècle. Voir Robert Jarvenpa et Hetty Jo Brumbach, « Occupational Status, Ethnicity, and Ecology: Metis Cree Adaptations in a Canadian Trading Frontier », Human Ecology, vol. 13, no 3 (sept. 1985), p. 309-329.
17 Gabriel Dumont Institute, Le musée virtuel de l’histoire et de la culture métisses, Gravesite of Sister Marguerite Marie (Sara) Riel.
18 Larry Chartrand et coll., Métis History and Experience and Residential Schools in Canada (Ottawa: Aboriginal Healing Foundation, 2006); Gabriel Dumont Institute, Virtual Métis Museum, Brenda MacDougall Discusses the Community of Ile a la Crosse, 22 mars 2002.
19 En novembre 2012, la Commission de vérité et réconciliation du Canada a tenu des audiences à Île-à-la-Crosse dans le cadre de son mandat qui consiste à témoigner de l'héritage du système des pensionnats et à orienter le processus de réconciliation parmi tous les Canadiens. Pour obtenir plus d'information sur le mandat et les activités de la Commission, voir le site Web de la Commission de vérité et de réconciliation, Accueil.
20 Le très honorable Stephen Harper, Le Premier ministre Harper présente des excuses complètes au nom des Canadiens relativement aux pensionnats indiens, Cabinet du premier ministre, Ottawa, 2008.
21 Règlement relatif aux pensionnats indiens – Site officiel du tribunal.
22 Ile-a-la-Crosse School Division, Home; et Sakitawak Cultural Site, Home.
23 Pour plus de détails sur l’histoire politique et juridique des établissements métis : Catherine Bell et Harold Robinson, « Government on the Métis Settlements: Foundations and Future Directions », sous la direction de Frederica Wilson et Melanie Mallet, Métis-Crown Relations: Rights, Identity, Jurisdiction, and Governance, Toronto, Irwin Law, 2008, p. 437-474, et T.C. Pocklington, The Government and Politics of the Alberta Metis Settlements, Regina, Canadian Plains Research Center, 1991.
24 En particulier, l’Alberta-Métis Settlements Accord (1989) et la Métis Settlements Act, R.S.A. 2000, ch. M‑14.
25 Gouvernement de l’Alberta, ministère des relations autochtones, Metis Settlements; Métis Settlements General Council, Home; et Métis Settlements Appeals Tribunal, Home.
26 Métis Settlements Act, R.S.A. 2000, ch. M‑14, art. 1(j), 75, 76 et 90.
27 Alberta (Affaires autochtones et développement du Nord) c. Cunningham, 2011 CSC 37, par. 86.
28 Le Traité no 8 couvre des parties du nord de la Saskatchewan, de l’Alberta, et de la Colombie‑Britannique et une partie au sud des Territoires du Nord-Ouest. Le Traité no 11 couvre des parties des Territoires du Nord-Ouest et une partie au sud du Yukon. Une carte illustrant ces territoires a été conçue par Affaires autochtones et Développement du Nord Canada : Traités historiques au Canada.
29 Bibliothèque et Archives Canada, Archives des certificats des Métis - Commission du Traité 11.
30 Émile Petitot, En route pour la mer Glaciale, Paris, Letouzey et Ané, 1887, et Parcs Canada, Fiche d'information : François Beaulieu II (V. 1771-1872).
31 Il s’agit de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Gwich’in (entrée en vigueur en 1992); de l’Entente sur la revendication territoriale globale des Dénés et des Métis du Sahtu (1994) et de l’Entente sur l'autonomie gouvernementale et la revendication territoriale des Tlicho (2005).
32 L’une concerne la Nation métisse des Territoires du Nord‑Ouest (anciennement le Conseil tribal des Métis de South Slave), et l’autre, les Dénés et les Métis de la région du DehCho. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, Note d'information générale sur les politiques de l'autonomie gouvernementale et des revendications territoriales du Canada et l'état actuel des négociations, janvier 2012, p. 56–58.