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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule no 5 - Témoignages du 12 avril 2016


OTTAWA, le mardi 12 avril 2016

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 9 h 35, pour examiner les pratiques exemplaires et les problèmes récurrents en matière de logement dans les collectivités autochtones et inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Dennis Glen Patterson (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président : Je souhaite la bienvenue aux sénateurs ici présents et à tous ceux qui suivent cette séance sur CPAC ou sur Internet. Je m'appelle Dennis Patterson et j'ai l'honneur de présider cette réunion du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Le comité a pour mandat d'examiner les enjeux relatifs aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis du Canada. Aujourd'hui, nous poursuivrons notre examen des pratiques exemplaires et des problèmes récurrents en matière de logement dans les collectivités autochtones et inuites du Nunavut, du Nunavik, de Nunatsiavut et des Territoires du Nord-Ouest.

J'aimerais que tous les sénateurs se présentent.

Le sénateur Moore : Bonjour. Wilfred Moore, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Watt : Charlie Watt, du Nunavik.

[Français]

Le sénateur Dagenais : Jean-Guy Dagenais, du Québec.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Lynn Beyak, de l'Ontario.

Le sénateur Enverga : Tobias Enverga, de l'Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le vice-président : Chers collègues, nos premiers témoins aujourd'hui sont M. Revi Lau-a, responsable de la planification stratégique, des politiques et des communications à la Northwest Territories Housing Corporation, et Jeff Anderson, président et chef de la direction de la Northwest Territories Housing Corporation.

Jeff Anderson, président et chef de la direction, Northwest Territories Housing Corporation : Je vous remercie. Chers sénateurs, nous sommes heureux d'avoir la possibilité de vous faire part de notre point de vue sur les difficultés en matière de logement dans les Territoires du Nord-Ouest. J'aimerais commencer par situer les choses.

Les Territoires du Nord-Ouest comptent 33 collectivités dispersées sur 1,3 million de kilomètres carrés, soit environ 14 p. 100 de la superficie totale du Canada. Les 44 000 habitants des T.N.-O., pour moitié autochtones, partagent 11 langues officielles.

Les structures de gouvernance autochtones sont complexes et variées, depuis les gouvernements autonomes régionaux, comme ceux des Tlicho et des Inuvialuit, jusqu'aux gouvernements autonomes communautaires, comme celui des Dénés et Métis du Sahtu à Déline. De nombreux accords ont déjà été conclus entre des gouvernements autochtones, le gouvernement fédéral et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, tandis que plusieurs autres sont en cours de négociation. Beaucoup de gouvernements autochtones, sinon tous, cherchent à récupérer la compétence juridique en matière de logement.

Pour l'instant, les Territoires du Nord-Ouest ont pour mandat de faire en sorte que tous les résidents du territoire puissent avoir accès à des logements convenables, suffisants et abordables. L'un des moyens par lesquels nous mesurons les progrès accomplis dans ce domaine est le niveau de besoin impérieux de logement. Le « besoin impérieux » s'entend de la situation d'un ménage qui vit dans un logement insalubre ou surpeuplé ou qui paie un loyer trop élevé pour un revenu faible à moyen.

Le gouvernement des T.N.-O., c'est-à-dire le Bureau de la statistique des Territoires du Nord-Ouest, procède à une enquête communautaire approfondie tous les cinq ans, et les résultats de ces enquêtes permettent de mesurer les progrès obtenus au regard du besoin impérieux de logement.

La dernière enquête, effectuée en 2014, révèle que 2 919 ménages des T.N.-O., soit 19,8 p. 100 de la population, ont un besoin impérieux de logement, comparativement à 12,5 p. 100 à l'échelle nationale. Le territoire se classe au deuxième rang à cet égard, après le Nunavut.

Le niveau de besoin impérieux n'a guère changé dans les T.N.-O. depuis l'année 2000, où il s'élevait à 20,3 p. 100, et ce malgré des investissements réguliers et importants de la part du gouvernement territorial et d'importants investissements en capital engagés périodiquement de concert avec le gouvernement fédéral. Cela donne une7 idée de l'état du parc de logements, dont la plupart ont été bâtis il y a 30 ou 40 ans selon des normes moins rigoureuses et qui n'étaient pas nécessairement destinés à durer dans les dures conditions de l'Arctique.

Le besoin impérieux est en corrélation directe avec le revenu et la situation économique. Le ralentissement économique, notamment dans le secteur des ressources, qui représente une bonne partie du PIB du gouvernement des T.N.-O., accroît le niveau de besoin impérieux. La diminution du besoin impérieux dépend également d'un meilleur taux de réussite scolaire, de la résolution des maux sociaux, du développement du marché du travail et de l'économie, et de l'amélioration de l'infrastructure nécessaire à la croissance économique.

Bien que le taux territorial n'ait guère changé, la N.W.T. Housing Corporation a réussi à faire baisser le niveau de besoin impérieux dans les zones rurales et éloignées, où il est passé de 42 à 32 p. 100 entre 2009 et 2014. Le niveau est encore très élevé, mais les améliorations apportées dans ces petites collectivités, qui souffrent surtout de l'insalubrité et de l'insuffisance des logements, sont en partie attribuables aux partenariats avec le gouvernement fédéral.

Malheureusement, ces résultats ont été compromis par une augmentation du niveau de besoin impérieux à Yellowknife, capitale des T.N.-O., dont le marché locatif est parvenu à maturité et qui connaît des problèmes de besoin impérieux de logements abordables comme les villes du Sud.

Dans les T.N.-O., près d'un ménage sur cinq vit dans un logement social largement subventionné et bénéficie d'une aide proportionnée au revenu. La plupart de ces locataires ont de très faibles revenus. Pour le gouvernement territorial, le programme de logements sociaux est l'un des principaux volets du filet de sécurité sociale. Dans une région affligée, entre autres maux, par des taux de toxicomanie, de maladies infectieuses, de faible scolarisation et de suicides dépassant largement la moyenne nationale, notre gouvernement comprend qu'il ne peut affronter d'autres enjeux sociaux avant d'avoir instauré la stabilité procurée par des logements de bonne qualité, salubres et sûrs. C'est pourquoi ses dépenses en matière de logement sont sept fois supérieures à la moyenne nationale par habitant. C'est un enjeu très important pour les T.N.-O.

J'ai rappelé tout à l'heure l'importante étendue géographique des T.N.-O. Nos collectivités sont dispersées sur cette vaste région. Cela a un effet direct sur le coût du logement, compte tenu du coût des matériaux, du transport et de la main-d'œuvre. Beaucoup de collectivités sont inaccessibles par la route et doivent être ravitaillées par des barges ou grâce à des routes hivernales temporaires. Les possibilités logistiques étant réduites dans le temps, il faut toujours tenir compte, quel que soit le projet, de l'opportunité des modes de transport saisonniers.

Les entrepreneurs se heurtent souvent à l'insuffisance et à la non-disponibilité de travailleurs qualifiés.

Compte tenu de la dureté du climat arctique, les bâtiments sont souvent conçus et construits selon des normes plus élevées pour être aptes à affronter les conditions nordiques. Le caractère extrême de ce climat impose également des limites sur les lieux et dans les horaires de travail compte tenu de la sécurité des travailleurs.

Par ailleurs, la NWTHC a dû tenir compte des effets des changements climatiques sur la construction : il a fallu veiller à ne rien bâtir dans les zones où l'on sait que le permafrost est vulnérable, procéder à des études géotechniques le cas échéant, et intégrer par exemple des fondations tridimensionnelles, plus propres à résister à la détérioration du permafrost.

Comme toutes les autres régions, nous avons pris des mesures pour contrôler les coûts en maximisant l'efficacité énergétique, puisque c'est important pour la durabilité et la longévité du portefeuille du logement.

Il y a plusieurs années, la N.W.T. Housing Corporation a intégré une cote ÉnerGuide minimale de 80 pour la construction de nouveaux logements et les projets de rénovation.

La NWTHC surveille également la consommation d'énergie de chaque logement, ce qui permet de circonscrire les bâtiments qui pourraient avoir besoin d'être rénovés à cet égard. La possibilité d'obtenir des données unitaires nous donne également une idée de la valeur que pourraient avoir des solutions énergétiques de rechange ou novatrices.

Nous avons essayé de favoriser la croissance des métiers spécialisés, notamment dans nos petites collectivités rurales et éloignées, en subventionnant les stages d'apprentissage dans nos organismes de logements communautaires, par exemple pour les charpentiers, les préposés à l'entretien des logements et les mécaniciens de brûleurs à mazout.

Une grande partie des logements sociaux construits entre les années 1970 et 2000 étaient des habitations unifamiliales. Dernièrement, presque tous les nouveaux logements sociaux ont une configuration multifamiliale. Cela a permis de faire des économies d'échelle grâce à des systèmes mécaniques communs et d'obtenir une meilleure efficacité énergétique grâce à l'intégration de technologies comme les panneaux solaires et la biomasse.

Près de 70 p. 100 des logements du programme de logements publics sont aujourd'hui des bâtiments multifamiliaux, et nous poursuivons dans la même direction.

De concert avec le gouvernement fédéral, nous avons conçu et bâti un duplex à coefficient d'efficacité énergétique élevé, en référence à une cote ÉnerGuide de 87, à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest, où nous avons intégré plusieurs technologies d'amélioration de l'efficacité énergétique. Les résultats obtenus jusqu'ici attestent que le duplex consomme 40 p. 100 moins d'énergie qu'un logement construit selon une cote ÉnerGuide de 80 et qu'il consomme 50 p. 100 moins de gaz qu'un logement conventionnel pour le chauffage de l'espace et de l'eau. Nous continuons de faire le suivi de ces systèmes et de leurs résultats.

Le gouvernement fédéral a été notre partenaire, il y a des décennies, dans la construction de nouveaux logements sociaux dans les T.N.-O., et ça reste une ressource utile pour les résidents du territoire dans la poursuite de leurs aspirations, qu'ils souhaitent retourner aux études, travailler, prendre soin d'un aîné ou d'enfants ou affronter des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale.

Malheureusement, le soutien financier accordé à cet important segment du programme de logement est en train de diminuer et est appelé à disparaître. Le financement a déjà commencé à diminuer considérablement. Les T.N.-O. recevaient 33 millions de dollars par an, et nous n'en recevons plus que 20 millions. À l'échelle unitaire, les coûts de fonctionnement du programme de logements sociaux sont en moyenne de 20 000 $ par an et de plus de 30 000 $ par an dans les collectivités côtières du Nord. Ce montant est en partie compensé par une moyenne de 2 000 $ de loyer par an selon le revenu du ménage.

D'ici 2038, il n'y aura plus d'investissement fédéral pour le fonctionnement et l'entretien des logements sociaux des T.N.-O. Je ne dirai jamais assez que, en tant que gouvernements, en tant que société, nous devons trouver le moyen de garantir la durabilité de cette importante ressource pour les aspirations de 600 000 familles de ce pays.

Des investissements en matière de logement ont été annoncés dans le dernier budget fédéral, et cette mesure redonne courage aux T.N.-O., qui apprécient que l'on ait tenu compte du caractère unique des enjeux qu'affrontent les régions nordiques.

On y prévoit l'amélioration et le remplacement du parc de logements et le soutien des programmes de logement des aînés et d'hébergement des sans-abri : voilà qui est dans l'esprit des priorités du gouvernement des T.N.-O.

Ces investissements fédéraux s'étalent sur les deux prochaines années. J'ai bien hâte de poursuivre les entretiens avec le gouvernement fédéral pour discuter d'un soutien à plus long terme qui serait à la fois prévisible, important et durable afin d'obtenir des résultats en matière de logement dans le Nord qui soient, à tout le moins, comparables à ce qu'on a dans le reste du Canada.

Je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui.

Le vice-président : Merci beaucoup, monsieur Anderson.

Je vais peut-être commencer par une question. Je constate, d'après votre exposé, que vous avez réussi, entre 2009 et 2014, à faire passer de 42 à 32 p. 100 le niveau de besoin impérieux dans les régions rurales et éloignées. Le niveau est encore élevé, bien sûr, mais ces progrès semblent importants.

Pourriez-vous nous expliquer comment vous vous y êtes pris?

M. Anderson : Bien sûr. C'est très intéressant de considérer la période de 2009 à 2014. Dans l'ensemble, nous avons réussi à maintenir le niveau où nous en sommes, à 20 p. 100. Dans les collectivités rurales et éloignées où des améliorations ont été obtenues du point de vue du besoin impérieux, la raison en est principalement les investissements du gouvernement fédéral dans le cadre du Plan d'action économique et de la Fiducie pour le logement dans le Nord. Nous avons donc reçu 100 millions de dollars en cinq ans du gouvernement fédéral, avec un partage des coûts avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Le plus gros a été consacré à la rénovation, non seulement des logements sociaux, mais aussi des logements privés, et à l'amélioration de la qualité des logements en général.

Je vous mets un peu en garde contre les chiffres, parce que, quand on apporte de petites améliorations dans une petite collectivité qui ne compte pas beaucoup de logements, les pourcentages peuvent varier beaucoup, mais il est certain que nous sommes heureux des progrès accomplis.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé.

Vous avez dit que vous avez essayé de favoriser la croissance des métiers spécialisés, notamment dans les petites collectivités, en facilitant les stages d'apprentissage dans le cadre de projets de logements communautaires. Qu'est-il arrivé? Comment se fait-il que ça n'ait pas réussi? Pouvez-vous nous en parler? Peut-être pourrait-on partir de là.

M. Anderson : Merci de poser la question. Je n'ai pas dit que ça n'a pas réussi, au contraire. Pour vous donner une petite idée, nous avons 24 organismes de logements locaux. Ce sont nos agents communautaires, et ce sont eux qui offrent des services de gestion foncière au nom de la Northwest Territories Housing Corporation. On en trouve dans la plupart des collectivités des Territoires du Nord-Ouest, pas toutes, mais la plupart.

Nous avons environ 130 employés à l'échelle locale qui s'occupent de gestion et d'entretien, et donc nous y ajoutons : nous avons de l'argent de côté pour financer une douzaine de stages d'apprentissage dans tout le territoire et nous finançons l'organisme pour qu'il puisse faire entrer les gens dans le système. Il faut tenir compte par exemple, du vieillissement de la main-d'œuvre, et nous avons donc des gens qui passent par le programme de logement pour obtenir une certification dans les différentes catégories dont j'ai parlé.

C'est donc une réussite, mais nous devons faire plus à cause de l'âge des travailleurs.

Le sénateur Enverga : Quand vous parlez de travailleurs qualifiés, s'agit-il de ceux qui garantissent la croissance ou le maintien du parc de logements dans les Territoires du Nord-Ouest? Est-ce que ce sont vraiment eux qui construisent et entretiennent tout?

M. Anderson : Les travailleurs communautaires s'occupent plutôt d'entretien préventif du parc de logements; ils travaillent donc principalement à l'échelle locale. Nous engageons des entrepreneurs surtout pour faire des rénovations et construire de nouveaux logements. C'est comme ça que ça se passe. Nous essayons d'encourager la croissance du marché privé et de développer la capacité de nos collectivités en matière de construction pour répondre à ce besoin.

Le sénateur Moore : Je tiens à remercier les témoins d'être venus nous voir.

J'aimerais donner suite à la question du président concernant la baisse des niveaux de besoin impérieux. Tout d'abord, il faut dire que, quand on parle de besoin impérieux, on parle d'un ménage qui vit dans un logement, et ainsi de suite. Combien de gens représentent un ménage selon vous?

M. Anderson : Merci de poser cette question. Le nombre est très variable. Il peut y avoir une seule personne dans un logement ou il peut y avoir une famille de n'importe quelle taille. Nous comptons le revenu de toutes les personnes du ménage âgées de 19 ans ou plus dans le calcul qui nous permet de savoir si le ménage consacre plus de 30 p. 100 de son revenu global au logement, et c'est ce qui représente le critère d'abordabilité.

Le sénateur Moore : D'accord, mais combien de gens?

M. Anderson : Ça dépend du ménage. Une famille peut compter plusieurs membres. Il peut s'agir d'une famille élargie ou d'une seule personne, comme une personne âgée, par exemple.

Le sénateur Moore : Permettez que je reformule : De combien de personnes au maximum est composée un ménage normal selon vous?

M. Anderson : Dans les T.N.-O., si on remonte à 15 ou 20 ans, on avait des problèmes de surpeuplement, alors que, de nos jours, on a des ménages de trois personnes en moyenne. On en est là, et on a donc été capable de régler beaucoup de cas de surpeuplement.

Dans nos collectivités rurales et éloignées, le problème est la qualité des logements, c'est-à-dire qu'il faut faire des réparations.

Le sénateur Moore : Je vous remercie. J'ai retenu votre remarque à l'intention du président, à savoir qu'il faut tenir compte du nombre de logements, qui peut influer sur les pourcentages. Pour ce qui concerne les besoins impérieux, vous avez réussi à faire baisser le niveau de 10 p. 100 en cinq ans et vous avez dit que c'était en grande partie grâce au financement obtenu dans le cadre du Plan d'action économique et de la Fiducie pour le logement dans le Nord. Qu'est- ce que la Fiducie pour le logement dans le Nord?

M. Anderson : En 2007, nous avons obtenu du financement fédéral sur deux ans par le biais de la Fiducie, pour subventionner des logements dans le Nord. Non, c'était sur trois ans, excusez-moi. C'était donc sur trois ans, les coûts étant partagés avec le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Nous avons eu aussi 50 millions de dollars sur deux ans dans le cadre du Plan d'action économique du Canada, et les coûts ont été partagés avec le gouvernement des T.N.-O. Donc, pour l'essentiel, nous avons consacré tout près de 200 millions de dollars, fédéraux et territoriaux, dans l'amélioration du parc de logements dans les T.N.-O. au cours de cette période.

Le sénateur Moore : Vous avez donc obtenu 50 millions de dollars sur deux ans dans le cadre du Plan d'action économique. Et combien par le biais de la Fiducie pour le logement dans le Nord?

M. Anderson : La même chose : 50 millions de dollars, sur trois ans.

Le sénateur Moore : Trois ans. D'accord.

M. Anderson : Il y avait une période de cinq ans de soutien fédéral et territorial.

Le sénateur Moore : Vous avez donc reçu 100 millions de dollars. La Fiducie pour le logement dans le Nord : de quoi s'agit-il et qui la dirige?

M. Anderson : C'était des fonds mis de côté. Je dirais que c'était un montant ponctuel plutôt destiné à stimuler l'activité économique et le secteur du logement, et ça se passait avant le Plan d'action économique. C'était un précurseur de cette initiative.

Le sénateur Moore : Est-ce que ça fait partie du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien? Où est son siège social? Où sont ses locaux?

M. Anderson : L'argent de la Fiducie pour le logement dans le Nord passait entre le Conseil du Trésor et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest. Il passait par cet organisme et était accessible à la N.W.T. Housing Corporation par le biais d'un processus de crédits supplémentaires.

Le sénateur Moore : Est-ce que c'est terminé maintenant?

M. Anderson : C'était une contribution ponctuelle, oui.

Le sénateur Moore : Quand vous avez dit que l'argent rentrait et qu'il y avait partage de financement avec le gouvernement des T.N.-O., si vous avez eu 100 millions de dollars, est-ce que vous avez versé une contrepartie équivalente ou un pourcentage?

M. Anderson : En effet, les T.N.-O. ont versé une contrepartie équivalente.

Le sénateur Moore : C'est comme ça que vous avez eu les 200 millions?

M. Anderson : C'est ça, oui.

Le sénateur Sibbeston : J'ai passé de nombreuses années, au début de ma carrière de député, qui a commencé en 1970-1971, à m'intéresser au logement dans les collectivités. Jusqu'en 1970, les logements fournis aux collectivités l'étaient par le biais des Affaires indiennes, qui passaient par un administrateur, et, dans bien des cas, il s'agissait de maisons en bois rond. Peu à peu, grâce à la décentralisation et tout ça, le gouvernement territorial a pris en charge la gestion des logements, qui incombait jusqu'à ce moment-là au gouvernement fédéral. Nous avons toujours dit que, avec l'argent que le fédéral verse pour une maison, nous, dans le Nord, nous pouvons en construire trois. C'est ainsi que les choses se passaient alors, parce que le gouvernement fédéral était loin et qu'il faisait les choses de façon prodigue ou en tout cas différente du gouvernement territorial, qui, lui, était proche des gens et conscient de la situation sur place.

La gestion des logements dans le Nord a progressivement évolué. Au début, on construisait des maisons en bois rond avec les ressources locales et beaucoup de formation et de travail manuel de la part des gens qui construisaient leurs propres habitations. C'est comme ça que ça a commencé. Au fur et à mesure, des organismes et des comités de logement se sont formés dans la plupart des collectivités pour trouver des solutions.

Je pense que la situation du logement est assez bonne dans les Territoires du Nord-Ouest. Je suis allé dans les régions nordiques de l'Ontario, du Manitoba et du Québec, et on entend parler de collectivités comme Attawapiskat, où les problèmes de logement sont tels que je me suis dit qu'on avait fait mieux chez nous. Je pense que nous sommes peut- être partis d'une base plus solide grâce à la formation de gens qualifiés, à la participation des gens aux comités de logement, et cetera.

Je ne sais pas depuis combien de temps vous êtes dans le Nord, mais voudriez-vous nous parler de ça? Je crois que ça intéresserait notre comité parce que les gens savent à quel point la situation du logement est terrible pour les Premières Nations dans les régions éloignées de notre pays. Dans les Territoires du Nord-Ouest, je crois qu'on s'en tire assez bien, et peut-être qu'il serait bon de rappeler pourquoi nous avons mieux réussi que d'autres régions du pays.

M. Anderson : Je fais partie de la Housing Corporation depuis 32 ans et j'ai donc vu l'évolution de la situation. C'est vrai que nous avons fait du bon travail du côté de la qualité des logements. Il y a encore des problèmes à régler dans nos collectivités rurales et éloignées, comme en témoignent les chiffres que nous vous avons fournis sur le niveau de besoin impérieux. Il y a des problèmes d'abordabilité partout. Les deux éléments problématiques sont l'état des logements, autrement dit les réparations à faire dans les collectivités éloignées, et l'abordabilité dans les grands centres urbains comme Yellowknife.

J'y ai fait allusion tout à l'heure, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest est conscient de l'importance de logements de bonne qualité. Les trois territoires nordiques dépensent plus d'argent en matière de logement que les autres régions du pays en termes de pourcentage des dépenses par rapport aux ressources disponibles. C'est un domaine important pour les T.N.-O.

Pour autant que je sache, et ma connaissance de la situation dans les réserves du Sud est assez limitée, oui, notre situation est meilleure que ça en matière de logement. Le problème, c'est que nous avons 2 900 ménages et qu'environ 60 p. 100 des ménages des T.N.-O. ont les moyens de gérer leur situation à cet égard. Il y en a par ailleurs 20 p. 100 que nous aidons par le biais du programme de logements sociaux et des programmes d'accession à la propriété et de réparation, et il reste encore 20 p. 100 qui nous échappent.

Ce que je veux dire, c'est que, comme la moyenne nationale est d'environ 12,5 p. 100, on devrait avoir un plan pour les zones nordiques, par exemple dans le cadre d'une stratégie de logement à long terme qui pourrait voir le jour au cours de la troisième année du mandat du présent gouvernement, pour ramener ces chiffres au même niveau que le reste du pays. C'est notre objectif en tout cas.

Le sénateur Sibbeston : Je tiens à rappeler que l'une des choses sur lesquelles j'ai dû insister et travailler lorsque j'étais député et m'occupais de la question du logement pour le gouvernement était précisément d'asseoir solidement les maisons sur le sol. Ça semble évident. Quand les gens construisent une maison dans le Sud, ils commencent par de solides fondations, généralement un sous-sol de ciment de bois traité. C'est comme si, peut-être à cause de l'expérience de l'Arctique, le gouvernement allait construire des maisons hors sol.

J'ai des photos de certaines maisons construites par le gouvernement à Simpson : elles sont montées sur d'étroites poutres d'acier, renforcées par entrecroisement, et, quand le vent est fort, la maison bouge. J'ai eu bien du mal à obtenir que le gouvernement construise des maisons assises au sol.

Je soupçonne que c'est encore un problème. Je crois savoir que, dans l'Arctique, il faut construire hors sol à cause du permafrost. Il faut une certaine distance entre le sol et la construction. Dans notre région, c'est comme ici : il faut construire au sol, et les maisons assises sur de solides fondations durent beaucoup plus longtemps.

Le gouvernement fédéral avait fait construire quelques maisons sur des fondations de ciment, et elles existent encore à Simpson. On les a rénovées au fil du temps, mais les fondations sont si solides que les maisons dureront toujours. J'ai récemment vu des maisons Triodetic, avec un système qui place la maison à quatre ou cinq pieds du sol.

Dernièrement, je crois que la Housing Corporation a fait venir du Sud des maisons préfabriquées, et il nous a semblé, à l'époque où j'étais au gouvernement, qu'on accordait beaucoup d'importance à l'idée que les gens construisent leur propre maison en utilisant les matériaux locaux. C'était peut-être plus coûteux, mais les gens avaient un sentiment d'appartenance, et beaucoup de ces maisons sont encore là.

Il semble y avoir une tendance à faire venir au Nord des maisons préfabriquées du Sud. Est-ce simplement à cause des coûts ou du manque d'intérêt des collectivités locales à construire des maisons?

M. Anderson : Vous avez fait des remarques très justes au sujet des fondations, et, comme vous l'avez dit, il est important, notamment dans les régions les plus nordiques du territoire, de construire des maisons hors sol pour laisser passer de l'air sous la maison et tenir compte de la fonte du permafrost.

Le système Triodetic dont vous avez parlé est une structure d'Internet. En réalité, on s'approvisionne en Ontario. Lorsque des surfaces sont changeantes ou instables, c'est toute la construction qui bouge, de sorte qu'il ne se produit pas de fissures et que vous pouvez la réparer.

Nous faisons faire des études géotechniques qui permettent de définir le type de fondations à employer. Nous n'employons pas tellement la méthode du sous-sol en ciment dont vous avez parlé. On l'a fait pendant quelques années, je sais, et on a eu aussi des problèmes dans certains cas. Ça dépend vraiment de la zone où vous construisez, et il convient de choisir les meilleures fondations possibles parce que, comme vous l'avez dit, c'est la clé de la longévité du logement en construction.

Vous avez fait une remarque intéressante sur le logement modulaire. Les T.N.-O. ont adopté une stratégie trisannuelle pour construire des unités de logement sur le marché de l'habitation dans les collectivités rurales et éloignées du territoire. L'objectif est de disposer de logements pour faciliter la décentralisation en s'assurant que les enseignants, les infirmières et les travailleurs communautaires ont de quoi se loger, et de combler ainsi les postes vacants dans certaines collectivités éloignées. Comme la construction n'est pas subventionnée, nous avons utilisé des systèmes modulaires du Sud pendant les deux premières années de cette initiative. Et, vous avez raison, il s'agit d'un équilibre entre l'emploi des ressources du Nord et l'acheminement de produits du Sud, qui permettent d'économiser 30 p. 100 des coûts puisqu'ils sont reportés sur les locataires de ces logements, parce qu'il n'y a pas de subvention. Nous nous débattons un peu avec ça du point de vue des questions que vous avez soulevées.

Notre troisième année commence à peine, et ce que nous souhaitons, c'est apporter des innovations à nos logements : plus il y aura d'innovations, mieux cela vaudra. Ça pourrait se faire dans le cadre de constructions classiques, parce que, dans plusieurs collectivités, nous avons des entreprises capables de s'en charger. Dans d'autres collectivités, il faut faire venir la main-d'œuvre, et ce n'est pas très rentable. Nous voulons aussi essayer de faire participer un peu plus le secteur manufacturier du Nord et voir si nous pouvons l'y aider.

En fin de compte, c'est toujours une question de coûts. On paie un petit supplément pour le Nord, parce qu'on préférerait faire construire sur place, par le biais de la collectivité elle-même, qu'il s'agisse de constructions classiques ou de panneaux isolants ou qu'on s'intéresse au développement du secteur manufacturier du Nord, et nous serions aussi enclins à favoriser ces solutions plutôt que de faire appel aux ressources du Sud.

La sénatrice Raine : Je ne connais pas suffisamment la géographie des Territoires du Nord-Ouest et je m'interroge sur les ressources forestières : est-ce qu'on a suffisamment d'arbres sur place pour construire des maisons en bois rond dans ces régions des Territoires du Nord-Ouest?

M. Anderson : Il y a quelques endroits où c'est possible dans la vallée du Mackenzie. Je dirais que, dans les dernières années, on n'a guère discuté de ça dans nos collectivités et dans les cercles politiques. Le coefficient d'efficacité énergétique que nous obtenons grâce à la cote ÉnerGuide de 80 et la bonne qualité des logements permettent de réduire les coûts de carburant. Comme je l'ai dit, nous avons considérablement misé sur les logements multifamiliaux pour réduire les coûts et augmenter l'efficacité autant que possible. Pour ce qui est des matériaux de construction, par contre, ils viennent le plus souvent du Sud, que ce soit de l'Alberta ou d'autres provinces.

La sénatrice Raine : La raison pour laquelle je pose cette question est que j'ai vécu dans une maison en bois rond et que c'est un type de construction unique, où l'efficacité énergétique augmente avec le froid. Je sais que le programme d'énergie 80 a probablement éliminé la possibilité de construire des maisons en bois rond, et, du peu que je sais, ces maisons sont encore debout 100 ans plus tard. Il faut donc tenir compte de la longévité des maisons et pas seulement de l'efficacité énergétique. Alors je me demande si, dans notre hâte à atteindre cette efficacité énergétique, nous n'avons pas éliminé une excellente solution pour les logements individuels. Je m'intéresse toujours au point de vue du sénateur Sibbeston et j'aimerais connaître son opinion à ce sujet. Il me semble très important que les gens aient la possibilité de s'investir dans la construction de leur propre maison et d'apprendre à en prendre soin. Il faudrait peut-être repenser la solution des maisons en bois rond. Si les gens veulent s'en construire une, ils le peuvent, évidemment, mais, du point de vue des subventions, ils ne le peuvent pas. C'est bien comme ça que ça marche?

M. Anderson : Nous avons un programme du côté du logement privé, qui permet de subventionner à 55 p. 100 le coût de construction d'une maison. C'est 55 p. 100 dans le Nord, et ça descend à environ 40 p. 100 dans le Sud. Dans les collectivités du marché, c'est seulement 5 p. 100, ce qui représente une subvention minime.

Nous ne sommes pas opposés aux maisons en bois rond pour les logements privés. Nous le serions assurément pour les logements sociaux. L'expérience acquise jusqu'ici montre que les coûts de construction sont plus élevés dans certains cas. Nous n'en avons pas construit dans les toutes dernières années. Mais, dans les 8 à 10 dernières années, nous en avons construit quelques-unes, et les coûts ont été importants. L'assurance des maisons en bois rond est aussi un problème dans le Nord. Nous ne sommes pas opposés à cette solution, mais les gens qui ont le plus besoin d'un logement à l'heure actuelle sont les familles à faible revenu. Il y a environ 800 familles qui attendent un logement social actuellement, et notre principal objectif est d'essayer de trouver un moyen de réduire le coût des logements sociaux le plus possible pour permettre la construction de nouvelles unités et venir en aide aux familles en difficulté. C'est probablement notre première priorité à l'heure actuelle, mais nous restons ouverts à l'innovation du côté des logements privés. Les gens peuvent demander de l'aide dans le cadre de ces programmes.

Je tiens cependant à préciser que, pour ceux qui veulent acquérir leur maison, ça représente souvent un endettement très important. Ces gens ne peuvent donc pas assumer leur part du coût de construction, et cette solution n'a pas donné grand-chose jusqu'ici depuis quelques années.

La sénatrice Raine : Quand on parle du coût élevé des maisons en bois rond comparativement aux maisons de type classique, est-ce qu'on tient compte du coût sur la durée de vie de l'habitation ou simplement des dépenses nécessaires pour la rendre apte à l'occupation?

M. Anderson : Du côté des logements privés, il s'agit plutôt du coût de construction, parce que, si c'est une unité privée, les coûts de fonctionnement incomberaient au propriétaire, évidemment, et le gouvernement aurait moins de dépenses.

La sénatrice Raine : Le problème, à mon avis, quand on construit dans cet état d'esprit, c'est qu'on n'investit pas réellement dans le logement. On investit dans une crise du logement, et on perd de vue la solution à long terme parce qu'on ne construit pas une maison pour qu'elle dure. On construit pour tout de suite. Il faudrait tout de même commencer à réfléchir au logement en termes de construction d'habitations susceptibles de durer 100 ans.

Est-ce que votre organisme ou d'autres autorités ont une expérience à cet égard?

M. Anderson : Les maisons que nous construisons sont faites pour durer 50 ans, et cela comprend une et éventuellement deux rénovations en cours de route. Notre objectif est de faire en sorte que les unités que nous construisons dans les Territoires du Nord-Ouest durent 50 ans.

La sénatrice Raine : Si dans le coût de cette maison on inclut le coût des deux rénovations et qu'on divise par 50, on obtient le coût annuel du logement?

M. Anderson : Il faut ajouter le coût de fonctionnement. On a alors le coût global sur la durée de vie. Par exemple, pour construire un logement social pour une personne à faible revenu, il en coûte 1,5 million de dollars. C'est pour cette raison que nous avons du mal à augmenter le parc de logements sociaux. Il n'a pas augmenté, à quelques changements près, au cours des 15 dernières années. C'est à cause du coût très élevé de ces logements.

La sénatrice Raine : Si je comprends bien, il en coûte 1,5 million de dollars pour construire une maison qui durera 50 ans pour une famille.

M. Anderson : C'est bien ça.

La sénatrice Raine : Et ensuite on repart à zéro, parce que ce qui reste ne vaut plus rien.

M. Anderson : Oui. C'est un environnement très dur et...

La sénatrice Raine : En effet, c'est une situation très difficile. J'en reviens aux vieilles maisons en bois rond, centenaires et toujours habitables, aimées par la troisième génération qui y vit, et je me dis qu'on devrait peut-être y repenser. Est-ce que c'est possible?

M. Anderson : Absolument. Nous sommes ouverts à l'innovation et à tout ce qu'on pourrait faire pour améliorer la capacité de construction locale. L'autonomie est aussi quelque chose qui compte pour nous. Donc, si on pouvait développer des entreprises pour la construction de chalets dans ce secteur, ça nous intéresserait évidemment.

La sénatrice Raine : Vous avez parlé d'assurance. Je ne sais pas si vous avez essayé d'incendier une maison en bois rond, mais c'est très difficile. Il faudrait vraiment y aller au chalumeau.

Le sénateur Moore : Monsieur Anderson, j'aimerais simplement revenir sur cette diminution du niveau de besoin impérieux que vous avez réussi à obtenir. Vous avez parlé d'environ 200 millions de dollars de dépenses, principalement en rénovations. Combien de maisons avez-vous réussi à améliorer ou à réparer?

M. Anderson : Quand nous recevons ces investissements fédéraux et répartissons les coûts avec le gouvernement des T.N.-O., normalement nous les partageons. Environ la moitié va au remplacement de logements sociaux : nous remplaçons les vieux logements unifamiliaux par des maisons multifamiliales. L'autre moitié va à la rénovation, aussi bien de logements sociaux que de logements privés.

Pour les familles à revenu faible à moyen qui possèdent une maison, nous avons un programme qui leur permet d'obtenir jusqu'à 100 000 $ pour rénover leur logement. Il y a une certaine participation aux frais, mais nous essayons de mettre ces ressources à contribution pour améliorer la qualité du logement autant que possible. Je ne suis pas sûr d'avoir répondu à votre question.

Le sénateur Moore : Mais si. Vous avez dit tout à l'heure que le parc de logements sociaux n'a pas augmenté depuis 15 ans. Je suppose donc que les 200 millions ont été consacrés à la rénovation des logements existants. C'est bien ça?

M. Anderson : On a rénové ceux qui pouvaient l'être et on a remplacé les autres. On remplace les vieux logements par des logements neufs pour essayer d'en améliorer l'efficacité énergétique, par exemple, mais aussi pour essayer d'améliorer la qualité des logements dans le Nord en général.

Le sénateur Moore : Donc certains logements ont été remplacés et d'autres, rénovés, mais, au total, il n'y a pas eu d'augmentation du parc de logements sociaux, c'est ça?

M. Anderson : Précisément. Le problème en matière de logements sociaux, comme je l'ai déjà expliqué, c'est que nous avons besoin d'un peu plus d'investissements dans de nouveaux logements, et ce sont les coûts de fonctionnement que nous ne pouvons pas assumer. C'est ça le problème.

Le gouvernement fédéral subventionne 600 000 logements sociaux, et ce financement diminue à mesure que les accords arrivent à échéance. Ça crée un problème majeur dans le Nord parce que les loyers ne suffisent pas à couvrir les coûts de fonctionnement. C'est surtout ça qui nous préoccupe dans le Nord.

Le sénateur Moore : Au dernier point de la deuxième page de votre mémoire, vous dites que près d'un ménage sur cinq, soit 2 400 logements dans les T.N.-O., « vit dans un logement social largement subventionné et paie un loyer indexé sur le revenu ». Que voulez-vous dire par « largement subventionné » : est-ce qu'on parle de quelque chose qui approche les 100 p. 100? Quels sont les chiffres ici, monsieur Anderson?

M. Anderson : Si on englobe tout le portefeuille, on parle de 55 millions de dollars de dépenses pour le fonctionnement du parc locatif. Ça comprend environ 2 400 logements sociaux et environ 200 logements abordables. Sur ces quelque 50 millions, nous recueillons environ 6 millions de dollars de loyer, soit environ 2 000 $ de revenu locatif par an.

Le sénateur Moore : Donc à peine plus de 10 p. 100?

M. Anderson : Ce sont des ménages à faible revenu de l'ensemble des T.N.-O.

Le sénateur Moore : Les 90 p. 100 restants représentent l'argent que vous recevez du gouvernement fédéral et du gouvernement territorial?

M. Anderson : Oui, c'est ça. Et, avec les réductions en ce moment, on a déjà 12 millions de dollars de moins par an. Nous avons commencé avec 33 millions, et nous en sommes déjà à environ 20 millions de dollars du gouvernement fédéral. Tous les ans, le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest doit éponger les coûts supplémentaires.

Le sénateur Moore : Les investissements diminuent, et l'état des maisons se détériore.

M. Anderson : Leur état se détériore, et la demande augmente.

Le vice-président : J'aimerais poser une ou deux questions puisque nous arrivons à la fin de cette rencontre, et je vous remercie d'être parmi nous.

Je crois savoir que, avec l'appui de la SCHL, la Northwest Territories Housing Corporation a conçu et construit une maison nordique durable à Inuvik, dans le Grand Nord. Elle a été terminée en 2011 et elle est actuellement administrée par l'Inuvik Housing Authority. À ce que je sache, on va faire le suivi de cette maison pendant au moins un an pour voir comment se comporte le bâtiment. J'aimerais poser quelques questions auxquelles il n'est pas nécessaire de répondre ici et maintenant, mais dont les réponses seraient utiles au comité ultérieurement.

Compte tenu de ce dont nous avons parlé ce matin, est-ce que ce projet résout les problèmes de qualité, d'abordabilité et de taille des logements dans le Nord? Combien a-t-elle coûté à construire? Dans quelle mesure ces coûts sont-ils comparables aux coûts de construction d'autres maisons du même genre dans les T.N.-O.? Quelles technologies novatrices a-t-on employées? Dans quelle mesure ont-elles permis de résoudre les problèmes actuels de construction dans les collectivités nordiques? Utiliseriez-vous les mêmes technologies pour la construction d'autres maisons dans d'autres collectivités des T.N.-O.? Veuillez expliquer votre réponse. Quels sont les résultats obtenus après un an de suivi? Et ce modèle pourrait-il servir à construire des maisons dans d'autres collectivités?

Depuis l'achèvement de ce projet, est-ce que votre organisme a entrepris d'autres projets de construction novateurs? Si c'est le cas, pourriez-vous nous en parler?

C'est toute une liste, je sais, mais nous vous serions reconnaissants, puisque nous nous intéressons aux projets d'innovation dans le cadre de notre étude, de bien vouloir fournir ces renseignements au comité.

M. Anderson : Nous nous ferons un plaisir de vous les fournir. Je pense que nous pourrions vous répondre par écrit. Est-ce que vous pourriez nous envoyer les questions?

Le vice-président : Certainement, vous pouvez communiquer avec nous par l'intermédiaire du greffier. Merci beaucoup.

Et, si je peux me permettre, j'aimerais également avoir plus de renseignements sur les programmes et services relatifs aux logements privés. Si j'ai bien compris, vous offrez des services de réparation et des programmes d'aide et des cours pour préparer les gens à devenir propriétaires de leur maison.

Nous aimerions savoir, et là encore je ne m'attends pas à recevoir de réponses immédiatement, nous voudrions savoir comment ces programmes et cours préparent les gens à devenir propriétaires, quelles sont les compétences acquises par les participants à ces programmes et comment ces compétences les aident à devenir propriétaires. Les cours sont-ils obligatoires pour tous les gens qui participent aux programmes d'accès à la propriété de la N.W.T. Housing Corporation? Veuillez expliquer votre réponse. Je suis désolé de vous bombarder de questions, mais nous veillerons à vous les envoyer par écrit.

Quels sont les instruments et ressources qui sont éventuellement fournis aux propriétaires pour les aider à l'issue de ces cours et programmes? Et, enfin, ces cours et programmes ont-ils permis d'accroître le nombre de propriétaires dans les collectivités autochtones des T.N.-O.? Veuillez expliquer votre réponse.

Excusez-moi encore une fois de ce blitz de questions, mais votre aide serait grandement appréciée. Je vois que la sénatrice Beyak aimerait poser une question.

La sénatrice Beyak : En fait, c'est un bref éclaircissement. Merci beaucoup, messieurs. Dans votre exposé, vous avez dit que, il y a plusieurs décennies, vous aviez conclu un partenariat avec le gouvernement fédéral en matière de logements sociaux et que le financement diminue. Puis, vous avez dit que 600 000 familles de ce pays comptent sur ces ressources : il s'agit de toutes les familles du Canada et non pas seulement des familles autochtones et inuites des Territoires du Nord-Ouest, exact?

M. Anderson : Merci de poser la question. C'est exact, en effet. Il s'agit des 600 000 ménages occupant des logements sociaux dans tout le Canada aujourd'hui.

La sénatrice Beyak : Merci, monsieur le président.

Le vice-président : Monsieur Anderson, le comité adressera un rapport assorti de recommandations au gouvernement fédéral. À votre avis, que devrions-nous recommander concernant les difficultés dont vous nous avez parlé et les moyens d'aider les Territoires du Nord-Ouest à consolider les résultats que vous avez expliqués? Si vous aviez l'oreille de M. Morneau ou pouviez influer sur nos recommandations, quels seraient les principaux éléments auxquels vous souhaiteriez sensibiliser le gouvernement fédéral? Que devrions-nous lui recommander?

M. Anderson : Il est clair que nous apprécions les investissements en capital provenant du gouvernement fédéral, car ils sont très utiles, mais le problème de fond, pour nous, ce sont les coûts de fonctionnement des logements sociaux. Nous devons agrandir le parc de logements sociaux. Comme je l'ai dit, il y a encore 800 familles qui échappent au programme et qui ont du mal à trouver des logements abordables.

Notre gouvernement peut sans doute régler une partie du problème si l'on obtient un moratoire sur les réductions. Si on pouvait stopper les réductions maintenant, il serait possible de commencer à améliorer la situation du logement pour nos résidents, et ce serait déjà énorme pour les T.N.-O. et les autres régions du Nord.

Le vice-président : Ces réductions, si je comprends bien, font partie d'une entente de longue date qui va jusqu'en 2038. Vous êtes là depuis un bon nombre d'années. Pourriez-vous nous expliquer la source de cette entente et comment on pourrait instaurer un moratoire dans les termes que vous envisagez?

M. Anderson : Nous venons juste d'entamer notre 18e législature dans les T.N.-O. Nous allons encore perdre 1,7 million de dollars au cours de cette période, et encore 2,7 millions au cours de la législature suivante. C'est ce qui se passe chaque année dans le cadre du fonctionnement du portefeuille.

Il faut essayer de plafonner les réductions pour le parc actuel, par exemple, ou que le gouvernement des T.N.-O. trouve des ressources pour compenser ces pertes. C'est ce qu'il a fait jusqu'ici, mais il devient très difficile de trouver d'autres moyens. Nous envisageons des projets producteurs de revenus, par exemple, plutôt pour essayer de faire un peu d'argent sur le marché locatif et compenser un peu les réductions. Nous allons finir par devoir prendre des décisions difficiles, en réduisant le nombre de logements offerts parce que nous n'aurons plus les moyens d'absorber ces coûts.

Le vice-président : Monsieur Anderson, est-ce que la diminution de la contribution aux frais de fonctionnement et d'entretien fait partie d'une entente écrite?

M. Anderson : Oui. Ces ententes ont été conclues dans les années 1970 et 1980. Certaines sont des ententes sur 50 ans, d'autres sur 35 ans, et c'est là qu'il faut rénover le parc des logements locatifs du Nord. Il y a eu un programme de rénovation pour ça, et ces ententes portent sur 35 ans. Il y a aussi des ententes sur 20 ans. À mesure que ces ententes viennent à échéance, la dette est résorbée, et il n'y a donc plus de dette, mais le coût de fonctionnement de ces logements, lui aussi, échappe à l'entente en même temps. C'est comme ça que ça marche.

Le vice-président : Je n'ai pas envie de vous surcharger, mais le sénateur Moore vient de suggérer quelque chose que j'allais vous demander : serait-il difficile de nous fournir ces ententes? S'agit-il de documents publics?

M. Anderson : Nous serons heureux de vous en remettre des exemplaires si vous le désirez. Nous pouvons aussi vous donner un tableau indiquant les réductions progressives, par année, jusqu'en 2038. Nous nous ferons un plaisir de vous fournir ces renseignements.

Le vice-président : D'accord. La dette est résorbée, autrement dit le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, par le biais de la Housing Corporation, a remboursé le coût d'acquisition des logements, comme une hypothèque si on veut?

M. Anderson : C'est un peu ça.

Le vice-président : Est-ce que c'est trop simpliste?

M. Anderson : Il y a deux scénarios. Il y a des ententes conclues et financées au moyen de débentures, aux termes desquelles nous devions payer 90 p. 100 des coûts en capital... permettez que je reformule.

Certaines ententes prévoient notre participation aux coûts en capital à raison de 10 p. 100, tandis que le gouvernement fédéral nous prête 90 p. 100 et partage à 50 p. 100 le coût de remboursement de cette dette.

Dans le cadre d'autres programmes, le gouvernement territorial assume 25 p. 100, tandis que le gouvernement fédéral contribue pour 75 p. 100, et les deux remboursent la dette dans les mêmes proportions.

À l'échéance de l'entente, du moins c'était ainsi qu'on l'envisageait alors, je crois, le principe est que « la dette est réglée, et le loyer permettra d'absorber les coûts de fonctionnement ». C'est peut-être le cas le long de l'étroite bande de terre qui longe la frontière sud, mais ça ne marche pas dans le Nord. Le coût de fonctionnement de ces logements est trop élevé, tout comme les programmes offerts dans ces régions isolées.

Le vice-président : Bien, mais le dernier budget déposé il y a quelques semaines à la Chambre des communes prévoit un apport en capital pour les Territoires du Nord-Ouest dans le but de construire de nouvelles maisons, et vous pouvez mentionner ce chiffre si vous ne l'avez pas fait. Est-ce que ce budget prévoit quelque chose du côté des coûts de fonctionnement et d'entretien?

M. Anderson : Nous avons obtenu 35 millions de dollars sur deux ans, et nous en sommes très reconnaissants. C'est un montant qui est fonction de la capacité dans les T.N.-O. et que nous pensons pouvoir légitimement dépenser dans le délai prévu par les ententes applicables.

Nous dépensons nous-mêmes entre 15 et 20 millions de dollars; donc nous doublons notre demande pour deux ans, c'est fantastique.

Mais il n'y a pas de réserves pour les coûts de fonctionnement dans le budget, par exemple pour absorber les coûts de fonctionnement de nouveaux logements éventuels ou de logements actuels pour lesquels les fonds diminuent.

Le sénateur Moore : Les coûts de fonctionnement semblent être un sérieux obstacle ici. Qu'est-ce que ça recouvre exactement, monsieur Anderson?

M. Anderson : Merci de poser la question. Dans la plupart des collectivités, nous employons pour le chauffage du diesel et du mazout qui sont acheminés en principe par barges. On a de petites collectivités, où l'on emploie surtout des génératrices alimentées au diesel. Il y a bien l'hydroélectricité dans la région sud du territoire, mais, dans les petites collectivités, les services d'électricité, d'eau et d'égouts coûtent très cher, tout simplement parce qu'on dessert peu de gens, mais qu'il faut appliquer la même rigueur et les mêmes normes de sécurité.

Il s'agit essentiellement de coûts liés aux services d'électricité, de chauffage, d'eau, d'égout, d'entretien et d'administration. Des organismes communautaires locaux s'occupent de l'entretien et de l'administration du programme dans les collectivités, et, comme je l'ai dit tout à l'heure, ça nous coûte en moyenne 20 000 $ par logement et par année en termes de coûts de fonctionnement, sans financement.

Le sénateur Moore : En pourcentages approximatifs, combien coûte le chauffage au diesel? Quelle proportion approximative représentent l'approvisionnement en eau, l'entretien et l'administration?

M. Anderson : Environ 60 p. 100.

Le sénateur Moore : Soixante pour cent pour le diesel?

M. Anderson : Non, pour les services publics. Nous dépensons 7 à 8 millions de dollars pour l'ensemble des logements. Comme je l'ai dit, il y a 2 400 logements sociaux.

Le sénateur Moore : Oui.

M. Anderson : Nous dépensons 7 à 8 millions de dollars en électricité et à peu près autant pour le chauffage et l'eau. Les coûts sont élevés, par exemple pour l'électricité. Dans certaines petites collectivités, l'électricité peut coûter 60 à 70 ¢ le kilowatt/heure. C'est une affaire coûteuse.

Le vice-président : Une dernière question, si vous permettez. Nous allons la poser, je pense, aux responsables des finances du gouvernement fédéral que nous allons entendre après vous, et vous pouvez rester si vous le désirez. J'ai remarqué que, dans le budget de 2016, on prévoit un investissement de 1,2 milliard de dollars sur les cinq prochaines années pour soutenir l'infrastructure sociale des collectivités autochtones, inuites et nordiques. Je suis sûr que vous l'avez remarqué aussi. Comptez-vous ou espérez-vous qu'une partie de ces fonds puisse être utilisée pour alléger le fardeau dont vous nous avez parlé aujourd'hui? En avez-vous déjà discuté ou avez-vous espoir que cela se fasse?

M. Anderson : Nous avons bon espoir, en effet. Nous apprécions ce que nous avons déjà et ce qui a été mis en place dans les T.N.-O. pour les deux prochaines années. On parle beaucoup d'une stratégie nationale du logement, et on peut espérer que ça se raccordera à ce dont nous avons discuté, mais rien n'est encore commencé. Je ne sais pas vraiment quelle direction nous prendrons dans deux ans. Pour l'instant, je m'en tiens à ce qui va se passer durant ces deux années, et on verra pour la suite.

Le vice-président : Combien de maisons pensez-vous qu'on pourrait construire avec ces fonds, en gros?

M. Anderson : C'est une somme importante, c'est sûr. La construction d'une maison coûte entre 300 000 et 400 000 $, selon l'endroit. C'est le coût d'une unité de logement.

Une des choses dont nous nous préoccupons aussi, et il s'agit plus d'un projet pilote pour l'instant, et j'en parlerai donc brièvement, c'est l'itinérance. Ça devient un problème important dans notre capitale, et nous essayons de trouver des solutions.

Il y a aussi trois projets pilotes en cours dans nos collectivités les plus éloignées. Les gens qui n'ont pas de logement couchent chez des amis, vivent dans des familles élargies, et ce genre de choses. Nous envisageons de construire de petits quadruplex d'environ 325 pieds carrés chacun, soit environ l'empreinte d'une unité de logement, pour que les coûts de fonctionnement soient le plus bas possible. Nous essayons de savoir si cette solution serait acceptée dans nos collectivités, et c'est peut-être quelque chose que nous pourrions réaliser à plus grande échelle ultérieurement, à un coût raisonnable en termes de capital et de fonctionnement.

Le président : Toute information que vous pourrez nous fournir nous sera très utile.

M. Anderson : Certainement.

Le sénateur Moore : Pour en revenir à ces chiffres, vous dites qu'il en coûte 7 000 à 8 000 $ sur les 20 000 que vous dépensez par année. Ça pourrait être plus que 7 000 à 8 000, puisqu'on parle de plus de 20 000. Vous ne m'avez rien dit du coût d'entretien et d'administration. Pourriez-vous donner des chiffres un peu plus précis?

M. Anderson : Bien sûr. Nous pourrons vous donner ça par écrit.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous remettre ça au greffier?

M. Anderson : Les frais administratifs et les coûts d'entretien sont respectivement d'environ 2 000 $ et de 4 500 à 5 000 $ pour chaque unité de logement.

Le vice-président : Merci de votre exposé et de votre offre de fournir d'autres renseignements par la suite.

Les témoins suivants viennent du ministère des Finances du Canada. Je suis heureux d'accueillir Mme Diane Lafleur, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, et M. Roger Charland, directeur de la Division des relations fédérales-provinciales, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale.

[Français]

Diane Lafleur, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances Canada : Merci. Comme vous l'avez mentionné, je suis Mme Diane Lafleur, sous-ministre adjointe, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale au ministère des Finances, et je suis accompagnée de M. Roger Charland, directeur, Division des relations fédérales-provinciales, laquelle est responsable de la gestion des transferts aux provinces et aux territoires.

Tout d'abord, je tiens à remercier les membres du comité de nous offrir l'occasion de leur parler de la formule de financement des territoires dans le cadre de l'étude du comité sur le logement dans les collectivités nordiques.

[Traduction]

Je tiens à rappeler que le besoin de logements abordables est particulièrement criant dans les collectivités nordiques et inuites et que cette situation peut avoir des effets multiples sur la santé et le bien-être des habitants du Nord.

C'est pour cette raison que le budget de 2016 prévoit un investissement de 177,7 millions de dollars sur deux ans, à partir de 2016-2017, pour répondre aux besoins urgents de logements dans les collectivités nordiques et inuites.

Plus précisément, 8 millions de dollars seront versés au Yukon, 12 millions aux Territoires du Nord-Ouest et 76,7 millions au Nunavut. D'autres investissements seront réservés aux trois régions inuites en dehors du Nunavut, soit 50 millions de dollars pour le Nunavik, 15 millions pour le Nunatsiavut et 15 millions pour la Région désignée des Inuvialuit.

Le budget de 2016 prévoit également pour les régions nordiques et inuites un investissement de 1,5 milliard de dollars sur deux ans, à partir de 2016-2017, pour la construction de logements abordables et de logements sociaux dans tout le pays.

Ces investissements font partie de la première phase de l'engagement du gouvernement à élargir l'infrastructure sociale du pays au cours des 10 prochaines années.

Le gouvernement s'est également engagé à procéder à de vastes consultations au cours de l'année qui vient dans le but d'élaborer une stratégie nationale du logement. Cela permettra de déterminer les investissements supplémentaires qu'il y aura lieu de prévoir en matière de logements abordables, notamment dans le Nord.

Comme vous le savez, ces programmes et d'autres programmes visant le soutien au logement dans le Nord sont du ressort de la Société canadienne d'hypothèques et de logement et du ministère des Affaires autochtones et du Nord.

Je crois savoir que certains de mes collègues de la SCHL et du ministère des Affaires autochtones et du Nord ont déjà comparu devant le comité.

[Français]

Le ministère des Finances, par contre, ne joue pas de rôle direct dans l'établissement de ces programmes. Il gère cependant les quatre principaux transferts fédéraux aux provinces et aux territoires, soit le transfert canadien en matière de santé, le transfert canadien en matière de programmes sociaux, la péréquation et la formule de financement des territoires. Ces transferts accordent un soutien aux provinces et aux territoires afin d'aider à appuyer les services et les programmes publics essentiels, y compris le soutien aux programmes de soins de santé et sociaux, comme le logement, relevant de leur administration.

[Traduction]

En 2016-2017, le gouvernement versera près de 70,9 milliards de dollars en paiements de transfert aux provinces et territoires. Cela représente en gros un quart de l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral.

Près de 3,8 milliards de dollars seront transférés aux territoires, dont 947 millions au Yukon, 1,3 milliard aux Territoires du Nord-Ouest et 1,5 milliard au Nunavut.

Globalement, les principaux transferts aux territoires représentent une moyenne de 31 000 $ par habitant. C'est nettement supérieur, par habitant, à ce qui est versé aux provinces. Par exemple, les transferts fédéraux représentent 3 940 $ par habitant dans l'Île-du-Prince-Édouard, qui est celle des provinces qui obtient le plus par habitant.

Pour les territoires, le transfert le plus important est de loin ce qu'on appelle la Formule de financement des territoires, ou FFT, qui s'élève à 3,6 milliards de dollars pour 2016-2017.

C'est la source de revenus la plus importante pour les gouvernements territoriaux, les paiements issus de la FFT représentant 72 p. 100 de l'ensemble des revenus de tous les gouvernements territoriaux en 2015-2016.

Les montants comparativement plus élevés issus de la FFT par habitant témoignent du fait que nous sommes conscients du coût élevé des services publics dans le Nord ainsi que des difficultés qu'éprouvent les gouvernements territoriaux lorsqu'il s'agit de fournir ces services à un grand nombre de petites collectivités isolées.

Qu'est-ce que la Formule de financement des territoires? Il s'agit d'un montant annuel transféré par le gouvernement fédéral à chacun des territoires pour augmenter leur budget compte tenu de leur situation particulière. L'objectif est de permettre aux gouvernements territoriaux de fournir à leurs résidents un éventail de services publics comparables à ce qui est offert par les provinces à un niveau de taxation équivalent.

La FFT facilite le financement des services publics essentiels dans le Nord, par exemple les hôpitaux, les écoles, l'infrastructure, et les services sociaux, dont les logements sociaux.

[Français]

Il est important de noter que la FFT est un transfert inconditionnel, ce qui veut dire que les gouvernements territoriaux sont libres de dépenser l'argent conformément à leurs propres priorités, y compris le financement pour le logement. Ils sont responsables envers leurs résidents de la manière dont ils utilisent les fonds. Les territoires ne sont pas tenus de rendre compte au gouvernement fédéral.

La législation qui régit la FFT est habituellement renouvelée tous les cinq ans afin de tenir compte de l'évolution des circonstances territoriales et des changements aux pratiques d'imposition, de sorte que les meilleures sources de données disponibles soient utilisées. Le dernier renouvellement date de 2014, et nous collaborons actuellement avec les fonctionnaires territoriaux afin d'améliorer le programme à l'approche du prochain renouvellement en 2019.

[Traduction]

Comment la FFT est-elle calculée? En général, les paiements issus de la FFT qui sont versés à chaque territoire sont calculés selon deux paramètres, à savoir la base des dépenses brutes du territoire et sa capacité fiscale.

Selon la formule prévue par la loi, on commence par calculer la base des dépenses brutes du territoire, qui est une évaluation des dépenses que le territoire doit prévoir pour offrir des programmes et services comme les hôpitaux, les écoles et le soutien au logement, à un niveau comparable à celui des provinces.

Ensuite, on calcule les revenus admissibles du territoire, soit sa capacité à percevoir des revenus à partir de sources propres, en appliquant un taux d'imposition moyen national aux bases fiscales représentatives qui traduisent l'activité économique de chaque territoire. Le calcul des revenus admissibles ressemble à ce qui se fait dans le cadre du programme de péréquation.

Pour l'essentiel, le paiement versé à un territoire dans le cadre de la Formule de financement des territoires est égal à l'écart entre sa base de dépenses brutes et ses revenus admissibles. En d'autres termes, c'est l'écart entre ce qu'il doit dépenser pour fournir des services comparables et son assiette fiscale. D'année en année, cette base est ajustée en fonction de la croissance des dépenses des gouvernements provinciaux et locaux et de l'évolution démographique des territoires par rapport à la moyenne nationale, selon les dernières données de Statistique Canada. Entre-temps, la croissance des revenus admissibles traduit généralement l'évolution de la situation économique des territoires.

Comme vous le savez peut-être, le budget de 2016 prévoit une amélioration immédiate au programme de la FFT compte tenu des dernières données révisées de Statistique Canada. Pour vous situer un peu les choses, le 1er décembre 2015, Statistique Canada a publié de nouvelles statistiques sur la fonction publique qui correspondent mieux aux normes internationales et qui sont le fruit de meilleures méthodologies. Il y a donc eu une révision à la baisse de l'estimation de la croissance des dépenses provinciales et locales entre 2011-2012 et 2014-2015.

Le programme de la FFT proprement dit n'a pas été modifié, mais ces statistiques ont été directement prises en compte dans la formule prévue par la loi pour calculer les paiements à verser aux territoires.

Les données révisées et l'exigence législative imposant de recalculer la base des dépenses brutes de chaque territoire pour chaque année jusqu'à 2013-2014 ont donné lieu à des paiements inférieurs aux attentes des territoires pour l'exercice 2016-2017.

Le budget de 2016 prévoit la suppression de cette exigence législative et l'introduction de modifications qui permettront d'améliorer la stabilité et la prévisibilité des paiements issus de la FFT tout en garantissant que la formule continue de traduire les données les plus exactes et les plus sûres. Ces modifications libéreront 67 millions de dollars de plus pour les territoires, comparativement aux montants calculés en décembre 2015.

Plus précisément, les montants supplémentaires suivants seront versés : 17 millions de dollars au Yukon, 248 millions de dollars aux Territoires du Nord-Ouest et 26 millions de dollars au Nunavut.

En conclusion, j'aimerais simplement rappeler que, en plus du soutien apporté par le gouvernement fédéral en matière de logement dans le Nord par le biais de programmes comme le Logement abordable et les investissements budgétaires supplémentaires, la FFT prévoit des versements annuels aux territoires pour les aider à absorber leurs dépenses, notamment en matière de logement.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le vice-président : Merci de votre exposé. J'aimerais avoir un peu plus de détails sur les modifications apportées cette année à la formule de financement des territoires.

Vous avez indiqué, à la fin de votre exposé, les montants que recevront le Yukon, les T.N.-O. et le Nunavut en raison du problème dont on s'est aperçu. Si je comprends bien, il est dû aux calculs de Statistique Canada. Je ne crois pas que vous ayez précisé ce qu'auraient obtenu les territoires s'il n'y avait pas eu de changement à Statistique Canada.

Si je comprends bien, les T.N.-O. vont recevoir 24 millions de dollars de plus, alors qu'ils auraient eu 34 millions avant la nouvelle formule. Même chose pour le Nunavut, qui va recevoir 26 millions de plus cette année pour cette raison, alors qu'il aurait eu 33,6 millions auparavant, soit un manque à gagner de 10 millions pour les T.N.-O. et de 6 ou 7 millions pour le Nunavut. Je ne suis pas très sûr des chiffres pour le Yukon. Est-ce que je me trompe?

Mme Lafleur : Si l'on n'avait rien changé à la formule, mais qu'on avait appliqué les statistiques révisées, comme c'est toujours le cas lorsque de nouvelles statistiques sont établies, les territoires auraient subi collectivement une baisse de 88 millions de dollars de transferts. Les modifications proposées par le gouvernement réinjectent 67 millions de dollars, si on veut, et cela ne couvre pas le tout. Les modifications proposées visent à régler le problème de référence de la formule si on peut dire. Selon la réglementation actuelle, la base des dépenses brutes part de l'exercice 2013-2014. Les calculs des années suivantes s'appuient tous sur cette base de référence. Chaque année, lorsque de nouvelles données sont publiées, le gouvernement doit recalculer les montants de toutes les années antérieures jusqu'à 2013-2014.

C'était la principale raison du problème et du manque à gagner prospectif, et ce que nous proposons maintenant, c'est que le gouvernement n'ait plus à remonter le temps et à recalculer toutes les années antérieures et que les données révisées soient seulement applicables prospectivement.

Donc, oui, ça aura des répercussions sur 2016-2017 et par la suite, parce que la réglementation prévoit que le gouvernement doit toujours employer les données les meilleures et les plus récentes, mais nous proposons de régler cet élément d'imprévisibilité. Les organismes statistiques publient de temps à autre des données révisées, et, si on expose les années antérieures à des révisions, on expose aussi les territoires à des changements imprévisibles. Nous proposons donc de fermer ça afin que les effets ne soient ressentis que prospectivement.

Le vice-président : Autrement dit, il faudra apporter une modification législative. Pourriez-vous nous dire où en sont les propositions de modifications législatives à cet égard? À quel stade en est-on? Quand seront-elles introduites?

Mme Lafleur : Le gouvernement l'a prévu dans son plan budgétaire. On peut donc s'attendre à ce que ces modifications fassent partie d'une loi d'application du budget.

Le vice-président : D'accord, nous devrons suivre ça. Merci.

Le sénateur Enverga : Merci de votre exposé. En fait, vous nous avez donné beaucoup de détails, et nous vous en remercions.

Ma question concerne le programme d'investissement dans le logement abordable, l'IDLA, de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Le gouvernement fédéral apporte une aide financière aux provinces et territoires pour améliorer l'accès à des logements abordables par le biais d'initiatives comme l'aide à la construction, à la rénovation et à l'accès à la propriété, les suppléments au loyer, l'allocation de logement, les modifications à l'accessibilité, et l'hébergement des victimes de violence familiale.

Ma question est la suivante : Quand on donne de l'argent aux provinces et territoires dans le cadre des initiatives liées au logement abordable, est-ce que les provinces et territoires peuvent garder une partie des fonds pour absorber les frais administratifs? Si c'est le cas, dans quelle proportion?

Mme Lafleur : Je crains de ne pas pouvoir répondre à cette question. Je pense qu'il faudrait l'adresser à la Société canadienne d'hypothèques et de logement puisque c'est elle qui administre les ententes d'investissement dans le logement abordable.

Je sais que, dans le cadre du financement prévu au budget, certains éléments supposent une contrepartie des provinces, mais, pour l'essentiel, il n'y a pas d'exigence de contrepartie. Pour ce qui est des frais administratifs, il faudrait obtenir des détails auprès de la Société canadienne d'hypothèques et de logement. Je n'ai malheureusement pas ces renseignements.

Le sénateur Enverga : Donc vous n'êtes pas sûre qu'il y ait dans le budget une partie qui puisse être retenue par les provinces et territoires pour couvrir leurs frais administratifs? On ne l'a pas prévu?

Mme Lafleur : Le budget vise à utiliser les programmes existants qui fonctionnent bien et à tirer parti des ententes ou mécanismes déjà en place pour acheminer les fonds plus rapidement aux provinces et aux municipalités.

La sénatrice Raine : Vous avez dit, dans vos remarques, que vous calculez un montant global et que vous l'acheminez aux territoires sans condition. Ils peuvent faire ce qu'ils veulent de cet argent. Qu'ils construisent un nouvel hôpital ou d'autres maisons, peu importe.

Mme Lafleur : Il leur revient entièrement de décider en fonction de leurs priorités, et ils doivent rendre compte à leurs populations respectives. Ils n'ont pas à rendre compte au gouvernement fédéral de la façon dont ils ont dépensé cet argent.

La sénatrice Raine : On parle de fonds de transferts territoriaux?

Mme Lafleur : On parle de la Formule de financement des territoires.

La sénatrice Raine : Le gouvernement fédéral soutient les programmes sociaux dans le Nord par d'autres moyens, par exemple par le biais de programmes comme celui de la SCHL en matière de logement, par exemple. Y a-t-il un rapport entre la Formule de financement des territoires et les prélèvements effectués par les territoires dans beaucoup d'autres programmes?

Mme Lafleur : Il n'y a aucun rapport direct. Comme vous l'avez dit, le gouvernement fédéral passe par bien d'autres voies pour aider les territoires. Selon nous, les deux autres moyens les plus importants sont le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux. Le Transfert en matière de santé vise à concrétiser les principes de la Loi canadienne sur la santé et à garantir l'accès universel aux soins de santé dans les territoires. Le Transfert en matière de programmes sociaux vise à soutenir les programmes sociaux, comme les programmes d'éducation préscolaire et de garderie. Ça s'inscrit dans ce que nous appelons une « allocation spéculative », mais les territoires ne sont pas tenus de respecter ce principe. Une fois encore, ils dépensent l'argent comme ils l'entendent selon les priorités de leurs programmes sociaux.

La sénatrice Raine : Ces deux programmes de transfert appellent-ils une contrepartie des territoires?

Mme Lafleur : Non, il s'agit de transferts aux territoires prélevés dans les revenus généraux du gouvernement fédéral.

La sénatrice Raine : L'objectif étant que les transferts soient égaux pour tous les Canadiens, c'est ça?

Mme Lafleur : Ce sont des transferts égaux par habitant. Chaque province et chaque territoire reçoivent sa part en fonction de sa proportion de la population générale.

La sénatrice Raine : Les témoins précédents nous ont parlé des difficultés de financement en matière de logement lorsqu'ils ont des allocations de capital qu'ils prélèvent, je suppose, dans les fonds versés dans le cadre de la Formule de financement des territoires. Ils utilisent donc une partie de ces fonds pour investir dans la construction de nouveaux logements sociaux, mais ils ont moins de marge de manœuvre pour prélever des fonds destinés aux coûts de fonctionnement et d'entretien. Je ne comprends pas très bien comment ça marche. En avez-vous une idée ou devrions- nous demander à quelqu'un d'autre?

Mme Lafleur : Le territoire peut investir de diverses façons dans le logement. Il peut, entre autres, puiser dans les fonds transférés au moyen de la Formule de financement des territoires. Il peut aussi prélever dans les revenus de ses propres sources, par exemple les impôts qu'il lève sur les revenus des entreprises ou des particuliers du territoire. Il y a aussi des programmes, dont je suis sûre que mes collègues de la SCHL vous ont parlé, comme l'Investissement dans le logement abordable qui vise la construction de nouveaux logements sociaux et l'entretien des logements sociaux.

Si je peux prendre deux minutes de votre temps pour parler de certaines mesures budgétaires susceptibles de vous intéresser, il y en a un certain nombre dont les territoires pourraient bénéficier.

Il y a le double investissement dans le logement abordable. Il s'agit en fait d'un système de contrepartie. Pour chaque dollar ajouté par le gouvernement fédéral, les territoires admissibles doivent verser leur quote-part de 50 ¢. Mais il y a d'autres investissements, comme les investissements dans la construction et la réparation ou l'adaptation de logements pour les aînés, qui ne supposent pas de contreparties.

Je rappelle aussi l'investissement important de 574 millions de dollars sur deux ans dans la réparation et la rénovation des logements sociaux existants pour les rendre plus efficaces sur les plans de l'utilisation de l'eau et de l'énergie. Beaucoup de ces logements sont vieux et en mauvais état, et l'idée ici est d'utiliser cet argent pour procéder à des réparations très nécessaires tout en réduisant les factures de services publics à long terme puisque les logements auraient une meilleure efficacité énergétique.

Il y a aussi de l'argent pour les refuges, les foyers de transition et la lutte contre l'itinérance.

Il y a un certain nombre d'initiatives, dont les territoires pourraient tirer parti et qui faciliteraient la situation du point de vue du logement abordable dans le Nord.

Le sénateur Watt : Pour ce qui est des mesures prévues dans le budget de 2016 au titre du logement, je tiens à dire que tout ce qui pourra être investi à ce titre est grandement apprécié, bien que certains de nos dirigeants, je crois, estiment que ce n'est pas assez. Il reste que c'est très apprécié parce que ça facilite un peu la vie.

Cela dit, je voudrais revenir sur la question soulevée par les deux sénateurs qui me font face au sujet de la fin des transferts du gouvernement fédéral aux gouvernements provinciaux. Je sais que vous avez consacré un peu de temps à expliquer la notion de « transfert », la formule de financement des territoires, mais, pour les provinces, est-ce qu'il y aura une formule du même genre?

Mme Lafleur : L'élément de comparaison avec les provinces est le programme de péréquation. C'est différent dans le sens où les provinces ne bénéficient pas toutes de la péréquation, alors que les territoires bénéficient tous de la Formule de financement. Par contre, la péréquation est inconditionnelle tout comme la Formule de financement des territoires.

Nous examinons la capacité fiscale des provinces et leur aptitude à obtenir des revenus de leurs propres sources et nous les comparons au taux d'imposition moyen national pour déterminer la capacité fiscale relative des provinces. C'est ainsi que nous décidons qui recevra des fonds de péréquation et dans quelle proportion. Une fois le calcul effectué et les montants déterminés, ces montants sont transférés inconditionnellement aux provinces.

Le sénateur Watt : C'est donc le même genre de formule qui existe depuis déjà un bon bout de temps et dont nous n'arrivons pas à nous faire une idée. Je n'ai moi-même pas pu obtenir de réponse quand j'ai demandé quelle proportion des fonds est retenue pour les frais administratifs.

Les responsables politiques devront se pencher sur ce problème à un moment donné pour que nous puissions au moins exercer un certain contrôle à la réception, parce que, à l'heure actuelle, nous fonctionnons selon le bon vouloir du gouvernement provincial qui décide ce qui est accordé, et nous ne sommes même pas sûrs de recevoir notre dû.

Mme Lafleur : Le principe fondamental de la Formule de financement des territoires et du programme de péréquation, que je sache, est que le gouvernement fédéral en fait une annonce largement publique. Nous annonçons les montants en décembre de chaque année pour que tous les Canadiens sachent exactement ce qui revient à chaque région. C'est ensuite à chaque province et territoire de déterminer, par son propre processus budgétaire et d'autres procédures comptables, d'expliquer à leurs populations comment cet argent est dépensé dans le cadre des programmes auxquels les gens tiennent. Le gouvernement fédéral ne s'ingère pas dans la gestion de ces programmes.

Le sénateur Watt : Autrement dit, le gouvernement fédéral ne sait absolument pas comment l'argent transféré est dépensé à l'échelle locale.

Mme Lafleur : Nous ne suivons pas chaque dollar transféré par le processus budgétaire. Nous savons combien nous donnons et nous savons au final les montants consacrés à des choses comme des hôpitaux et des écoles parce que chaque province et territoire en rend compte dans son budget ou ses comptes publics.

Le sénateur Watt : On a essayé au début de former des comités tripartites pour y inclure les gens touchés par les versements fédéraux ou les transferts aux provinces et suivre ce qui se passait. Ce serait un moyen de savoir si les gens obtiennent ce qui leur revient, mais c'est parfois difficile parce que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ne suivent pas vraiment la formule d'amendement convenue dans le cadre de la Convention de la baie James et du Nord québécois.

C'est un des problèmes. Si ça relève de la compétence fédérale, le gouvernement fédéral a une obligation de 75 p. 100. Si ça relève de la compétence provinciale, l'obligation est de 25 p. 100.

On ne sait toujours pas où on en est quand il s'agit de régler ça une fois les dépenses effectuées. Il est très difficile de planifier à long terme quand on ne sait pas vraiment de quels capitaux on dispose. C'est un problème, et le comité devrait peut-être l'aborder à un moment donné. Je voulais simplement le rappeler.

Mme Lafleur : Du point de vue des transferts, le gouvernement s'appuie sur des formules de croissance à long terme prévues par la loi pour chacun des transferts, afin que les provinces et territoires puissent au moins connaître l'importance de ce qui leur revient et à quel rythme ces montants sont censés augmenter d'une année à l'autre, de sorte qu'il y ait une certaine prévisibilité du niveau des transferts.

Le sénateur Watt : Ça va pour les provinces, mais à l'autre bout, ça ne va pas, parce que nous ne savons pas si nous recevons notre dû. C'est ça, le problème.

L'autre chose que je voulais rappeler, c'est que d'autres investissements seront réservés aux régions inuites extérieures au Nunavut. Si on parle d'environ 50 millions de dollars pour le Nunavik, 15 millions pour le Nunatsiavut et 15 millions pour la Région désignée des Inuvialuit, ce sont les ressources mises à la disposition de ces régions.

Mme Lafleur : Pour les deux prochaines années. Le gouvernement procédera à des consultations pour élaborer une stratégie du logement à long terme.

Le sénateur Watt : Je parle de ces montants précisément. On ne sait pas si on va les avoir. Je sais qu'ils vont aller aux provinces.

Mme Lafleur : Ils seront transférés à la juridiction compétente.

Le sénateur Watt : Les régions nordiques et inuites bénéficieront aussi de l'investissement prévu au budget de 2016, soit 1,5 milliard de dollars sur deux ans, à partir de 2016-2017, pour la construction de logements abordables et de logements sociaux dans tout le pays. Ce sont des montants supplémentaires qui n'existaient pas du tout avant?

Mme Lafleur : C'est exact. C'est de l'argent en plus.

Le sénateur Watt : Mais vous n'avez pas d'information sur la répartition de ces fonds entre les régions? Comment procédera-t-on?

Mme Lafleur : Ça passera, pour l'essentiel, par les ententes déjà conclues en matière de logement abordable, mais certains fonds seront directement transférés par le gouvernement fédéral. On est en train de mettre au point les détails de ce processus.

Le sénateur Watt : Est-ce que ce sont les provinces qui feront une demande, ou les régions ou les organismes responsables du logement dans les régions? Est-ce qu'ils auront un contrôle là-dessus?

Mme Lafleur : Je suppose que les organismes responsables du logement seront en contact avec leurs gouvernements respectifs pour circonscrire les besoins et acheminer des propositions.

Le sénateur Watt : Je vous remercie.

Le vice-président : Merci de ces renseignements fort utiles.

Le sénateur Sibbeston : Les Autochtones des territoires nordiques sont traités différemment dans la façon dont le gouvernement fédéral leur fournit des programmes, au sens où il y a des gouvernements populaires qui sont en relation avec tous les gens qui vivent sur ces territoires, exception faite d'une petite réserve à Hay River. La plupart des habitants des Territoires du Nord-Ouest vivent dans des collectivités, et c'est le gouvernement populaire qui fournit les programmes de logement, d'éducation, de services sociaux et autres, qui seraient normalement fournis par le gouvernement fédéral.

Est-ce qu'on a déjà analysé cette façon de faire dans le Nord et calculé ce qu'il en coûterait si c'était le gouvernement fédéral qui fournissait ces services directement aux Autochtones? Est-ce qu'on a déjà pensé à ça?

Mme Lafleur : À ma connaissance, le ministère des Finances n'a jamais fait ce genre d'analyse. Je ne sais pas si ça s'est fait au ministère des Affaires autochtones et du Nord. Et je n'ai malheureusement pas de réponse à cette question.

Le sénateur Sibbeston : Je pense que Dennis serait d'accord pour dire que nous sommes chanceux de ne pas avoir de réserves dans les territoires. Nous avons aussi la chance que les Autochtones soient majoritaires dans la population et qu'ils ne soient pas submergés comme ceux du Sud. Je pense que c'est pour ça que les Autochtones des territoires nordiques s'en sortent généralement mieux que ceux du Sud.

Je voulais seulement dire ça, et je suis curieux de voir si le gouvernement a jamais fait quoi que ce soit dans ce sens, et vous le savez bien. Pour un ministère fédéral, il est beaucoup plus facile d'aborder la question globale du point de vue territorial que d'avoir affaire directement aux gens, n'est-ce pas?

Mme Lafleur : En effet. Le gouvernement fédéral est en relation avec le gouvernement territorial. C'est la même chose avec les provinces, on a affaire aux provinces et non pas directement aux municipalités, parce que, légalement, les municipalités sont des créatures des provinces et en relèvent donc.

Le vice-président : Si je peux me permettre, il est remarquable, et vous l'avez dit dans votre exposé, que, pour la première fois je crois, le budget fédéral prévoit des investissements réservés aux trois régions inuites en dehors du Nunavut, à savoir le Nunavik, le Nunatsiavut et la Région désignée des Inuvialuit, qui font, en fait, l'objet de notre étude. Bien que ces fonds soient acheminés aux gouvernements populaires de ces régions, le gouvernement fédéral reconnaît, pour la première fois je crois, que les Inuits sont un peuple distinct, en plus des Premières Nations. Comme l'a fait remarquer le sénateur Watt, il convient de le signaler.

Le sénateur Watt : Je vous comprends. C'est aussi mon avis parce que j'ai participé au premier accord de traité moderne. Il y a une disposition dans cet accord qui me semble oublié de temps en temps, et c'est que, lorsqu'il est question d'une ethnie dans la fourniture de services par le gouvernement fédéral, s'il n'est pas nécessaire de passer par un instrument public comme une entité municipale, comme vous l'avez décrit, parce que le gouvernement fédéral n'a pas de relation directe avec les municipalités, alors que les provinces en ont une, mais, quand il s'agit d'une ethnie, les fonds peuvent être acheminés directement aux organismes de cette ethnie, comme la Makivik Corporation, par exemple. Ce sont ces organismes qui s'occupent de concevoir et de construire les maisons et ce genre de choses.

Je pense que ce serait l'occasion idéale de suivre ce modèle qui permettrait au gouvernement fédéral d'acheminer directement les fonds aux organismes ethniques. On devrait s'interroger sur la possibilité que ce soit acceptable et pratique pour pouvoir faire de la planification à long terme. À l'heure actuelle, les choses sont contrôlées de l'extérieur, et ça ne facilite ni l'accessibilité, ni l'opportunité, ni la planification à long terme. C'est l'un de nos problèmes.

Mme Lafleur : Comme je l'ai dit tout à l'heure, à cette étape, le gouvernement veut se servir des mécanismes existants qui ont été testés et éprouvés et qui, même durant la crise financière de 2008-2009, ont permis de faciliter l'activité économique. Donc on savait qu'on pouvait agir rapidement grâce à eux, mais il y a aussi la stratégie à plus long terme, qui doit encore être élaborée et qui sera précédée de beaucoup de consultations auprès de toutes sortes de protagonistes. Je pense que vous aurez là l'occasion de faire valoir vos arguments.

Le sénateur Watt : Possible, si j'arrive à faire entendre mes idées aux membres du comité concernant ce que nous devrions faire, et je pense que ça devrait faire partie des recommandations formulées ultérieurement par le comité.

Le vice-président : Voilà un indice de la direction que nous pourrions prendre.

La sénatrice Beyak : Merci de votre excellent exposé. Je suis toujours heureuse de voir le nombre de Canadiens qui suivent nos réunions à la maison, et c'est donc une bonne chose d'aborder les questions concrètes, parce qu'ils me posent toujours des questions concrètes. Voici donc la mienne : on parle de transferts de 31 000 $ par habitant pour les territoires et d'environ 3 000 $ par habitant pour les provinces. Qui décide de cet écart d'un multiple de 10?

Le vice-président : Je crois que c'est le niveau de la province qui reçoit le moins.

La sénatrice Beyak : Mais la moyenne serait d'environ 3 000 $.

Le vice-président : Non.

Mme Lafleur : C'est le niveau de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le vice-président : Désolé, c'est le niveau le plus élevé.

La sénatrice Beyak : Quelle serait la moyenne dans ce cas? Je dirais moins que ça, donc 3 000?

Mme Lafleur : Je ne suis pas sûre. Je demanderai à Roger de vérifier.

La sénatrice Beyak : C'était ma première question. La deuxième est celle-ci : si c'est environ 3 000 $, ce que je crois, et que c'est 30 000 $ d'autre part, qui décide de donner dix fois plus aux territoires? Pourquoi pas cinq fois plus? Pourquoi pas 20 fois plus?

Mme Lafleur : Ce n'est pas une question de multiple de 5 ou de 10. Comme je l'ai expliqué, ce que nous essayons de faire, c'est de bien évaluer ce qu'il en coûte d'offrir dans le Nord des programmes et des services comparables à ceux des provinces et territoires du Sud en tenant compte de la capacité des territoires à recueillir des fonds dans leurs populations. Nous mesurons l'écart entre ces chiffres, l'écart entre les dépenses à prévoir et les revenus possibles. C'est pour ça qu'on l'appelle une formule de compensation. J'utilise ce chiffre à titre de comparaison, mais ce n'est pas la base sur laquelle le calcul est effectué. Il s'agit en fait d'offrir aux gens du Nord le même niveau de service qu'aux autres.

La sénatrice Beyak : Merci beaucoup.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que les fonds issus de la FFT sont transférés sans condition et que le même principe s'applique à la péréquation. Le Transfert canadien en matière de programmes sociaux comprend des fonds pour les programmes sociaux et pour l'éducation postsecondaire. Je m'intéresse plus particulièrement à l'éducation postsecondaire. Donc, quand vous transférez ces fonds, est-ce qu'ils sont inconditionnels ou est-ce que vous stipulez qu'un certain pourcentage doit être consacré aux programmes sociaux et un certain pourcentage à l'éducation postsecondaire et est-ce que chaque province vous rend des comptes à cet égard par la suite?

Mme Lafleur : Il y a un certain nombre d'années, je crois que c'était en 2007, le gouvernement a décidé d'appliquer une « allocation spéculative » au montant d'argent transféré dans le cadre du Transfert canadien en matière de programmes sociaux, de sorte qu'il y a une allocation spéculative affectée à l'éducation postsecondaire. Cela dit, ce n'est que ça, spéculatif, et les provinces ne sont pas tenues de l'affecter entièrement ou en partie à l'éducation postsecondaire.

Le sénateur Moore : Est-ce exprimé en pourcentage, et dans ce cas, quel est-il?

Mme Lafleur : Je crois qu'il s'agit d'un chiffre en dollars. Nous pourrions vous communiquer ces renseignements après cette réunion.

Le sénateur Moore : J'aimerais bien savoir, en effet, parce que c'est un élément très important, notamment dans ma province, la Nouvelle-Écosse. Je pense que ça devrait être un transfert ciblé et distinct et non pas mis dans le même sac que les programmes sociaux.

Quoi qu'il en soit, c'est ma diatribe pour aujourd'hui, mais j'aimerais connaître ces chiffres.

Mme Lafleur : Nous vous enverrons de l'information sur l'allocation spéculative. Elle a augmenté en même temps que le transfert, et nous pourrons donc vous donner de l'information sur la situation actuelle.

Le sénateur Moore : Parce que la nouvelle base de calcul par habitant nous a fait beaucoup de tort.

Le vice-président : Merci beaucoup à vous deux, madame Lafleur et monsieur Charland. Si vous pouvez obtenir ces renseignements, vous pourrez nous les donner plus tard, car nous devons terminer maintenant.

Mme Lafleur : Entendu.

Le vice-président : Je vous remercie d'être venus nous voir, et, sur ce, la séance est levée.

(La séance est levée.)

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