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Ottawa – Au Canada, il est tout à fait possible, et on l’a vu récemment, qu’un contrevenant reconnu coupable d’un crime odieux – un meurtre ou une agression sexuelle contre un enfant, par exemple – puisse faire intégralement supprimer sa condamnation et circuler sans être inquiété dans les rues du pays si un tribunal décide que son procès a pris trop de temps à se conclure. De la même façon, il peut arriver qu’on retire des accusations contre des personnes accusées de crimes parce que leur procès serait trop long.

En parallèle, les tribunaux sont bondés d’accusés qui souffrent de toxicomanie et de problèmes de santé mentale et, dans l’état actuel des choses, les ressources ne permettent pas aux accusés d’origine autochtone – qui sont déjà représentés de façon démesurée dans les prisons du pays – d’obtenir le soutien que la loi met à leur disposition.

La situation doit changer.

À la suite d’un examen approfondi et d’audiences menées un peu partout au Canada, notamment au moyen d’entrevues auprès de juges de toutes les instances, de procureurs de la Couronne, d’avocats de la défense, de policiers et de personnes directement touchées par le système de justice pénale, le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles a publié un rapport détaillé contenant 50 recommandations qui visent à atténuer les pressions que subit le système judiciaire du Canada.

Les délais dans le système judiciaire causent des problèmes depuis des décennies. Toutefois, la situation a atteint son paroxysme en 2016, à la suite d’un arrêt de la Cour suprême du Canada qui a fixé un plafond entre le dépôt des accusations et la conclusion d’un procès. Au-delà du plafond établi, le délai est présumé déraisonnable et en violation du droit d’un accusé d’être jugé dans un délai raisonnable garanti dans la Charte canadienne des droits et libertés.

La Cour suprême a prévu des soi-disant « dispositions transitoires » en prévision de la mise en œuvre intégrale des délais afin d’éviter qu’un nombre considérable d’accusations ne fassent l’objet d’un arrêt des procédures. Dans le cas des cours provinciales, ces dispositions viennent à échéance en janvier 2018; à cette date, les vannes s’ouvriront pour des dizaines de milliers d’arrêts de procédures, à moins que le gouvernement du Canada ne donne suite aux recommandations contenues dans le rapport du comité.

En vertu du droit canadien, l’arrêt des procédures est le seul recours à la disposition d’un tribunal qui conclut à la violation du droit d’être jugé dans un délai raisonnable inscrit dans la Charte. Le comité conclut qu’un arrêt des procédures dans le cas de personnes déjà condamnées pour un crime odieux, comme un meurtre ou l’agression sexuelle d’un enfant, ou qui ont été accusées, mais dont le procès n’est pas terminé, choque la conscience de la population canadienne et discrédite le système judiciaire au pays.

Le comité a conclu que l’arrêt des procédures ne devrait pas être le seul recours possible pour remédier à des délais déraisonnables, et recommande que des recours comme l’ajustement des peines et l’adjudication des coûts devraient être codifiés. Le comité recommande que la procureure générale du Canada renvoie les modifications proposées à la Cour suprême afin qu’elle en confirme la constitutionnalité.

Autres recommandations clés :

  • L’absence d’un cadre solide de gestion des instances constitue sans doute la principale cause des délais. Les juges doivent améliorer la gestion des instances en imposant des échéances et en rejetant des requêtes d’ajournement inutiles.
  • Les sièges laissés vacants par des juges contribuent inutilement aux délais. Le gouvernement fédéral devrait nommer des juges à la Cour suprême le jour même du départ à la retraite d’un juge.

Faits saillants

  • Dans l’arrêt c. Jordan, la Cour suprême a statué que la période écoulée entre le dépôt des accusations et la conclusion du procès est présumée déraisonnable si elle excède 18 mois pour les affaires instruites devant une cour provinciale et 30 mois pour celles instruites devant une cour supérieure. Dans sa décision, la Cour décrie la « culture de complaisance » qui prévaut dans le système judiciaire.
  • Selon les témoignages que le comité a entendus, le temps nécessaire pour mener à bien une affaire criminelle au Canada est de 5 à 10 fois plus long que dans des instances analogues au Royaume-Uni et en Australie.

Citations

« Derrière chaque affaire judiciaire dont le délai est déraisonnable se trouvent des gens qui vivent une douleur, une anxiété et un deuil profonds et réels. Les délais sont particulièrement dévastateurs pour les victimes quand un juge ordonne une suspension de la procédure. L’opération inefficace des tribunaux a endommagé la confiance du public dans le système judiciaire et il est grand temps que le gouvernement agisse. »

- Le sénateur Bob Runciman, président du comité

« Au Canada, certains procès – caractérisés par un abus d’accusations et des déclarations de culpabilité pour des affaires mineures – coûtent des millions de dollars aux contribuables et donnent peu de résultats concrets, tandis que des condamnations pour meurtre ou agression sexuelle contre des enfants sont renversées parce que nos tribunaux sont trop occupés pour juger les accusés dans un délai raisonnable. Nous devrions inclure des coûts dans nos procédures criminelles et des protonotaires, et non des juges, devraient être saisis des questions préalables aux procès et des questions mineurs. Comparativement au Royaume-Uni et à l’Australie, il faut de 5 à 10 fois plus de temps au Canada pour mener un procès criminel. Les Canadiens veulent des solutions, pas de la complaisance. »

- Le sénateur George Baker, C.P., vice-président du comité

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Renseignements

Sonia Noreau
Coordonnatrice, Relations médias
Sénat du Canada
613-614-1180 | sonia.noreau@sen.parl.gc.ca

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