Projet de loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d'approvisionnement
Deuxième lecture
14 décembre 2021
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-211, dont le titre abrégé est « Loi sur la lutte contre le travail forcé et le travail des enfants dans les chaines d’approvisionnement ».
Je remercie la sénatrice Miville-Dechêne d’avoir présenté de nouveau cet important projet de loi touchant les droits de la personne. Je tiens aussi à saluer l’excellent travail des membres du Groupe parlementaire multipartite de lutte contre l’esclavage moderne et la traite des personnes.
Ce projet de loi permet de constater à quel point l’esclavage est présent partout sur la planète. On estime en effet que ce phénomène touche au moins 90 millions d’enfants et d’adultes.
Le Canada accuse un retard important en ce qui concerne les mesures législatives contre le travail forcé. Pour conserver notre réputation de défenseur des droits de la personne, nous devons évoluer au même rythme que les pays comme la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni qui ont déjà adopté une loi exigeant que les entreprises enquêtent et fassent rapport sur le risque de travail forcé dans leurs chaînes d’approvisionnement.
Avec ce projet de loi, nous respecterions les engagements internationaux du Canada en matière de lutte contre le travail forcé et le travail des enfants.
La notion d’esclavage moderne désigne l’exploitation d’autrui pour son propre bénéfice ou dans un but lucratif. Cette exploitation peut prendre de nombreuses formes, comme la traite des personnes, l’esclavage héréditaire, le mariage précoce et forcé ainsi que le travail forcé et le travail des enfants.
Ce dernier phénomène est particulièrement révoltant, car il s’agit ici de tâches mentalement, physiquement, socialement et moralement néfastes pour les enfants, qui sont également dans l’impossibilité de s’instruire. Pourtant, une victime d’esclavage moderne sur quatre est un enfant.
Nous savons que le principal facteur motivant le travail des enfants est la pauvreté, étant donné que les enfants travaillent pour leur survie et celle de leur famille. Le travail des enfants fait partie d’un cercle vicieux où l’éducation est considérée comme étant moins importante que le fait de gagner un revenu, ce qui finit par empêcher les enfants qui travaillent d’échapper à la pauvreté, arrivés à l’âge adulte.
Bien sûr, à lui seul, le projet de loi ne peut pas éliminer ces causes profondes, mais il peut obliger les grandes entreprises et les institutions gouvernementales à prendre des mesures pour empêcher l’exploitation des plus vulnérables.
Une des principales mesures de ce projet de loi consiste à demander aux grandes entreprises et aux institutions gouvernementales de soumettre un rapport annuel expliquant les mesures prises pour prévenir et atténuer le recours au travail forcé ou au travail des enfants. De plus, il doit indiquer les formations données aux employés sur la prévention de l’esclavage moderne à toutes les étapes de la production, de l’achat ou de la distribution des marchandises.
La sensibilisation est une étape essentielle parce que bon nombre d’entre nous sont beaucoup trop éloignés de la production des biens que nous achetons et consommons. Personnellement, j’ai eu l’occasion unique de visiter le Rana Plaza, au Bangladesh, après son effondrement en 2013. Je suis arrivée seulement trois mois après que l’immeuble de huit étages se fut effondré, causant la mort de plus de 1 100 personnes ainsi qu’un nombre incalculable de blessés. J’ai vu de mes propres yeux le coût de la mode jetable bon marché. On avait forcé ces travailleurs mal rémunérés de continuer à produire des vêtements même après que la police eut ordonné l’évacuation de l’édifice en raison des fissures profondes visibles dans les murs.
Il est temps que le Canada légifère pour endiguer le travail forcé et le travail des enfants dans le monde.
En tant que porte-parole pour le projet de loi, je dois souligner quelques préoccupations qui devraient faire l’objet d’un examen en comité. Certains d’entre vous ont posé d’excellentes questions la semaine dernière. Le sénateur Black a remis en question la définition élargie de « travail des enfants », et la sénatrice Omidvar s’est inquiétée des conséquences de la mesure sur les enfants qui ont besoin d’un emploi pour survivre. Ce projet de loi n’est pas simple, et il ne s’attaque pas à tous les aspects du travail forcé.
Des discussions devront avoir lieu concernant les responsabilités supplémentaires accordées au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, les pouvoirs étendus attribués aux personnes désignées pour faire respecter les mandats décrits dans le projet de loi et les considérations juridiques liées à la responsabilisation des membres de la direction, des employés ou des agents pour toute incohérence dans le rapport annuel.
De plus, il sera important de faire venir des témoins au comité afin que le projet de loi soit aussi solide que possible.
À force d’informations et de transparence, nous serons en mesure d’éliminer la corruption et d’attirer l’attention sur le travail forcé. J’espère que les sénateurs appuieront le renvoi du projet de loi S-211 au comité afin que ce dernier puisse faire l’objet d’un examen approfondi. Merci.
Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)