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Projet de loi sur la stratégie nationale pour la santé des sols

Deuxième lecture

20 novembre 2025


Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole en tant que porte-parole bienveillante du projet de loi S-230, Loi concernant l’élaboration d’une stratégie nationale pour la protection, la conservation et l’amélioration de la santé des sols.

Je tiens tout d’abord à féliciter le sénateur Black du leadership dont il a fait preuve en présentant ce projet de loi. C’est une mesure qui a tout simplement trop tardé. Le projet de loi expose un dossier à la fois ancien et urgent : la santé du sol sous nos pieds.

Beaucoup d’entre vous l’ignorent peut-être, mais je viens d’une famille d’agriculteurs. Nous détenons des terres au Pakistan, donc j’ai grandi en entendant parler de la santé et de l’érosion des sols, mais leur importance ne m’a jamais frappée quand j’étais plus jeune. Le temps, cependant, a le don d’enseigner tout doucement, et il m’a appris que la santé de nos sols est indissociable de la question qui me passionne le plus : les droits de la personne.

Lorsque les sols se dégradent, la famine s’ensuit, la qualité de l’eau se détériore et les moyens de subsistance disparaissent. Alors, les conflits liés aux terres et aux ressources s’intensifient, et les premières victimes sont toujours les plus vulnérables, les plus démunies. Ainsi, en protégeant, en conservant et en améliorant la santé des sols, nous protégeons les droits de la personne les plus fondamentaux.

Le sol n’est pas simplement de la terre et de la matière. Comme nous le rappelle le rapport du Sénat intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada, le sol est aussi vital pour l’existence humaine que l’air et l’eau. Il purifie et stocke l’eau, recycle les nutriments, capture le carbone et produit 95 % des aliments qui nous nourrissent.

Au Canada, seulement 6,7 % des terres sont propices à l’agriculture, une fine couche irremplaçable dont dépendent notre sécurité alimentaire et notre économie rurale. Cette précieuse couche est aujourd’hui menacée. La dégradation, la contamination, l’érosion et la conversion à des usages non agricoles rongent progressivement les fondements de notre prospérité.

Cela constitue en soi un problème lié aux droits de la personne. Le droit à l’alimentation, inscrit dans le droit international, ne peut exister sans un sol fertile. Le droit à la santé ne peut être assuré dans un environnement où des toxines s’introduisent dans la chaîne alimentaire. Enfin, le droit à un environnement propre, sain et durable repose sur la vitalité de la terre qui se trouve sous nos pieds.

L’incapacité des sols à soutenir les cultures ou à retenir l’eau n’est pas qu’un problème pour les agriculteurs. Chaque miche de pain, chaque fruit et chaque récolte trouvent son origine dans le sol. L’appauvrissement ou la contamination des sols entraînent une baisse des rendements et la contamination des cultures, menaçant ainsi la sécurité alimentaire et la nutrition.

De plus, le sol agit comme un filtre naturel qui purifie l’eau à mesure qu’elle s’infiltre dans le sol. Quand la structure du sol se dégrade ou est polluée, ce filtre ne fonctionne plus, ce qui entraîne la contamination des sources d’eau et prive les populations de leur droit à une eau propre et salubre.

Pour bien des gens, l’appauvrissement des sols met aussi en péril le droit de gagner leur vie. Les revenus, la stabilité et la survie des agriculteurs, des travailleurs agricoles et des populations rurales dépendent directement de la santé des sols. Au Canada, plus de 2,3 millions de personnes travaillent dans le secteur agricole et agroalimentaire, qui contribue presque à hauteur de 150 milliards de dollars au PIB du Canada, ce qui fait de la santé des sols le fondement même de la prospérité, de la santé et de l’avenir de la population canadienne.

La santé des sols est aussi étroitement liée aux droits environnementaux. L’appauvrissement des sols déclenche une réaction en chaîne qui bouleverse l’équilibre de la planète. L’air est plus difficile à respirer, l’eau devient toxique et la biodiversité décline. Résultat : l’équilibre environnemental qui est nécessaire à la vie des êtres humains commence alors à s’effondrer.

Il n’y a pas à dire, la santé des sols n’est pas une question accessoire. C’est la condition première de notre survie et de la justice. Elle est étroitement liée à tous les aspects de l’économie et de notre écosystème. Il s’agit de la première ligne de défense du Canada contre les conditions climatiques extrêmes. L’appauvrissement des sols, ce n’est pas seulement perdre des terres agricoles, mais aussi une part de la biodiversité, de la vitalité collective et de notre stabilité économique.

Voilà pourquoi il est absolument nécessaire de se doter d’une stratégie nationale en la matière. L’adoption d’une stratégie nationale permet de préparer le terrain pour des mesures pancanadiennes, pour un cadre unificateur qui donnerait les moyens d’agir aux agriculteurs, aux travailleurs forestiers, aux scientifiques, aux communautés autochtones et à l’ensemble des citoyens, qui favoriserait la collaboration en combinant tout ce qui fonctionne déjà, qui comblerait les lacunes et qui ferait de ce dossier un enjeu national.

Les initiatives comme celle-là n’ont jamais été aussi nécessaires. Ailleurs dans le monde, d’autres pays agissent : qu’il s’agisse de la directive relative à la surveillance et à la résilience des sols de l’Union européenne, de la stratégie nationale sur les sols de l’Australie ou de la Soil Conservation Act des États-Unis, les gouvernements cherchent à contrer la crise de la dégradation des sols, qui ne cesse de prendre de l’ampleur. Le Canada devrait faire partie de ces chefs de file. Nous avons l’expertise nécessaire dans le domaine des sciences, de l’innovation et de l’agriculture. Ce qui manque, c’est la concertation et la volonté politique.

Beaucoup de gens au Canada font déjà un travail remarquable. Certains agriculteurs ont adopté des pratiques régénératives, comme la culture sans travail du sol, le pâturage en rotation et la culture de couverture. À Amaranth et à Wellington North, les conseils municipaux ont adopté des résolutions en faveur des recommandations du rapport Terrain critique. Dans les clubs 4-H, les jeunes qualifient la préservation des sols de responsabilité civile.

De leur côté, les communautés autochtones mettent aussi à profit leur savoir irremplaçable. Leurs connaissances traditionnelles nous enseignent que le sol n’est pas un vulgaire produit, mais plutôt un lien de confiance vivant que nous devons respecter et qui doit être renouvelé pour les générations à venir. Le projet de loi S-230 reconnaît ce fait en rendant obligatoires la participation des gouvernements autochtones à la stratégie nationale et la prise en compte des systèmes de connaissance. Ce n’est pas seulement une question de respect, c’est le succès même de nos mesures qui est en jeu.

Le même message nous provient des quatre coins du Canada : la santé des sols doit être élevée au rang de priorité nationale.

Chers collègues, l’ambition, c’est beau, mais il faut de l’action. Le temps est venu pour le Canada d’agir. La crise des sols est silencieuse et progresse lentement, mais ses conséquences sont vastes. Elle ne fait peut-être pas les manchettes des infos du soir, mais elle a des conséquences sur l’avenir de toutes les régions du pays. L’adoption de ce projet de loi constituerait pour le Sénat un moyen concret de montrer l’exemple et de passer de la théorie à l’action et de la parole au geste.

Je vous prie d’appuyer ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture et de le renvoyer à un comité pour une étude approfondie.

Je vous remercie.

Son Honneur le Président intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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