Projet de loi de mise en œuvre de l'Accord de continuité commerciale Canada--Royaume-Uni
Deuxième lecture
16 mars 2021
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-18, qui porte sur la poursuite des relations commerciales du Canada avec le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord alors qu’ils organisent leur sortie de l’Union européenne.
En tant que sénateurs, nous connaissons tous le rôle important que joue le Royaume-Uni au Canada. D’ailleurs, c’est en raison du gouverneur général, le représentant de la reine en sol canadien, que nous siégeons ici même au Sénat aujourd’hui.
C’est pourquoi nos relations sont inextricablement liées et qu’elles continueront de l’être. Nous partageons un même système de gouvernement, un même monarque, ainsi qu’une langue et des traditions communes, entre autres. En outre, de nombreux citoyens canadiens, moi y compris, peuvent remonter leurs origines jusqu’en Angleterre, en Écosse, au pays de Galles et en Irlande du Nord.
Nos nations entretiennent des relations commerciales depuis des centaines d’années. Depuis les balbutiements de la traite des fourrures jusqu’aux exportations actuelles de métaux précieux, de minerais et de bois, notamment, le Royaume-Uni et le Canada jouent chacun un rôle crucial dans des activités d’importation et d’exportation mutuellement avantageuses. En fait, le Royaume-Uni est le partenaire commercial le plus important du Canada en Europe et le cinquième en importance dans le monde.
Selon le Conseil de recherches en sciences humaines, le Canada a exporté et investi davantage au Royaume-Uni que dans tout autre pays de l’Union européenne lorsque celui-ci en faisait encore partie. De la même façon, le Royaume-Uni a exporté et investi davantage au Canada que tout autre pays membre de l’Union européenne. En effet, la base de données Comtrade des Nations unies sur le commerce international indique que les exportations canadiennes vers le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord se chiffraient à plus de 14,8 milliards de dollars américains en 2020. Les échanges commerciaux entre l’Ontario et le Royaume-Uni représentaient à eux seuls 19,6 milliards de dollars canadiens en 2019, ce qui fait du marché britannique le deuxième en importance pour l’Ontario. C’est un marché dont on ne peut pas faire abstraction et qu’il faudra renforcer et considérer comme une priorité.
Le Canada est le cinquième exportateur de produits agricoles et agroalimentaires en importance dans le monde, la valeur de ces exportations s’élevant à environ 56 milliards de dollars par année. Selon l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire, environ la moitié de tout ce que le Canada produit est exporté, et ces exportations comprennent des produits de base ainsi que des produits alimentaires et des boissons.
Il est également à noter que le secteur de l’agriculture et de l’agroalimentaire compte pour 11 % du PIB et près de 10 % du commerce de marchandises du Canada. Le secteur de la transformation des aliments, qui emploie plus de 250 000 personnes dans l’ensemble du pays, est de loin le plus grand employeur de l’industrie manufacturière canadienne. Comme vous le savez peut-être, le Royaume-Uni est un importateur net de la plupart des produits alimentaires. Alors que le Royaume-Uni doit organiser sa sortie de l’Union européenne, le Canada a l’occasion unique de se tailler une place sur le marché agroalimentaire britannique en offrant ses excellents produits dans un pays où les obstacles réglementaires seraient probablement moins nombreux que dans les pays membres de l’Union européenne.
Pendant que le gouvernement continue de travailler avec ses homologues britanniques et nord-irlandais en vue de négocier un nouvel accord global de libre-échange, j’aimerais attirer l’attention sur l’importance de remédier aux lacunes des accords commerciaux conclus précédemment.
Pour l’industrie agricole canadienne, ces pourparlers en vue de conclure un accord commercial avec le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord sont une occasion de redresser des torts découlant de l’entente existante avec l’Europe, plus particulièrement de l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. En fait, comme l’Alliance canadienne du commerce agroalimentaire l’a déjà souligné, plus de 90 % des agriculteurs canadiens dépendent des exportations, et c’est aussi le cas d’environ 40 % de notre secteur de la transformation des aliments. Il est impératif que le gouvernement déploie des efforts pour soutenir cette industrie. L’Alliance a exprimé son appui envers l’accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni en tant que mesure provisoire. Toutefois, elle continue avec raison de déplorer les éléments de l’accord qui renforcent les obstacles et les difficultés pour les exportations canadiennes.
Je me réjouis qu’une variété d’intervenants, y compris le Conseil canadien des affaires, la Chambre de commerce du Canada et Manufacturiers et Exportateurs du Canada, aient insisté sur l’importance de cet accord transitoire tout en présentant des recommandations pour renforcer, moderniser et stimuler les échanges commerciaux du Canada. Il est essentiel que le gouvernement tienne compte de leurs opinions alors que les négociations se poursuivent.
Récemment, j’ai communiqué avec un certain nombre d’intervenants du milieu agricole, y compris la Fédération canadienne de l’agriculture, les Producteurs de grains du Canada, la Canadian Cattlemen’s Association, les Producteurs laitiers du Canada et Manitoba Pork, pour mieux comprendre ce que pense l’industrie de l’accord de continuité commerciale.
Durant ces discussions, les intervenants m’ont fait part des opinions et des priorités de l’industrie, et je me dois d’en souligner quelques-unes dans cette enceinte. Les intervenants s’entendent sur l’importance de maintenir un accès ininterrompu aux marchés du Royaume-Uni à l’aide de mécanismes mis en place pour éviter la perturbation des exportations vers le Royaume-Uni et l’Irlande du Nord. Ils estiment aussi qu’il pourrait y avoir des possibilités accrues de croissance pour l’industrie agroalimentaire canadienne et que la libéralisation et l’ouverture du commerce pourraient bénéficier d’un solide appui de la part de la population. Ils ont déclaré qu’on créait un précédent positif en tenant compte de l’engagement de reconnaître les zones de contrôle des maladies du Canada en cas de flambée d’une maladie animale venant de l’étranger. Les intervenants ont exprimé quelques autres préoccupations relatives au commerce du bœuf et des produits laitiers, qui découlent de l’Accord économique et commercial global, et les Producteurs de grains du Canada ont signalé que l’accord de continuité commerciale assure le maintien des tarifs de préférence dont bénéficie l’industrie du grain aux termes de l’accord Canada-Union européenne.
La Canadian Cattlemen’s Association, quant à elle, a précisé que, au-delà de l’accord transitoire, le Canada doit assurer et maintenir un accès réciproque afin d’éviter des déséquilibres commerciaux, comme ceux observés entre l’Union européenne et le Canada. L’organisation a aussi insisté sur le fait que le Canada devrait tenter de procéder à une approbation complète des systèmes pour favoriser la confiance et la conformité entre les parties, ainsi que pour s’assurer que le Royaume-Uni respecte les lignes directrices internationales en supprimant l’exigence imposée par l’Union européenne d’élever du bétail sans technologie moderne.
La Fédération canadienne de l’agriculture a soulevé un point intéressant, à savoir que le Royaume-Uni a récemment présenté une demande pour adhérer à l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, le PTPGP. À l’instar de nombreux autres champions du monde agricole, je suivrai cette affaire de près pour voir comment elle s’inscrira dans le contexte de l’accord de continuité en question.
Enfin, les Producteurs laitiers du Canada m’ont informé qu’ils appuient le projet de loi C-18 parce que ce dernier n’accorde aucun accès supplémentaire à notre marché intérieur. Toutefois, il demeure essentiel de veiller à ce qu’aucun accès supplémentaire ne soit accordé dans le cadre d’éventuelles ententes permanentes de libre-échange avec le Royaume-Uni. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le Royaume-Uni cherche à adhérer au PTPGP, et les Producteurs laitiers du Canada ont indiqué que si le Royaume-Uni y parvient, il ne devrait pas se voir accorder un accès supplémentaire à notre marché intérieur au moyen de l’accord de continuité ou par tout autre moyen.
Dans l’ensemble, les intervenants et les organisations du secteur agricole ont souligné qu’il est dans l’intérêt supérieur de toutes les parties d’adopter le projet de loi en question en vue de maintenir la stabilité du marché post-Brexit. De plus, ils ont fait savoir que même s’ils avaient comparu au Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts pour faire part de leurs préoccupations, l’essentiel pour l’instant est de garantir la continuité et de poursuivre les négociations en vue d’un accord futur.
Honorables sénateurs, j’ai pris la parole à maintes reprises pour parler des enjeux concernant les exportations agricoles canadiennes et les défis auxquels les agriculteurs sont confrontés en raison de leur accès restreint au marché européen.
Cela dit, je suis content d’entendre que, selon la ministre de la Petite Entreprise, de la Promotion des exportations et du Commerce international, cet accord de continuité commerciale protège entièrement les secteurs canadiens du lait, de la volaille et des œufs et ne fournit un accès progressif au marché pour aucun produit assujetti à la gestion de l’offre.
Il est évident que tous les intervenants, y compris les représentants de l’industrie et du gouvernement, doivent être consultés pour refléter le mieux possible les besoins et les intérêts à l’égard de la relation bilatérale Canada—Royaume-Uni. Nous avons l’occasion d’améliorer notre accès à un marché étranger, ce qui avantagera les secteurs du Canada. Pour renforcer encore plus nos industries intérieures, nous devons pouvoir mettre à profit notre capacité concurrentielle et saisir ces occasions à l’étranger à mesure qu’elles se présentent.
Depuis la Confédération, le Canada entretient une relation étroite avec la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord dans de nombreux domaines, notamment le commerce, l’investissement étranger, la sécurité et la défense.
Honorables collègues, il est évident que cette relation est essentielle pour les trois pays. Ce projet de loi nous permettra de continuer d’accéder aux biens et aux services offerts par les autres parties. Je suis impatient de voir se poursuivre notre relation prospère avec le Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord.
Maintenant, j’aimerais exprimer mon appui pour ce projet de loi et féliciter les deux gouvernements d’avoir travaillé rapidement pour que les importations et les exportations se poursuivent aisément et sans heurt en cette période de transition.
En conclusion, je saisis l’occasion pour souhaiter à tous les habitants du Royaume-Uni, de l’Irlande du Nord, de l’Irlande, du Canada et de partout dans le monde une joyeuse Sant-Patrick. Bien que nous ne pourrons pas célébrer comme nous le ferions en temps normal, je suis convaincu que beaucoup d’entre nous communiqueront par Internet pour célébrer l’événement. Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui pour parler du projet de loi C-18, Loi portant mise en œuvre de l’Accord de continuité commerciale entre le Canada et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord. Dans l’ensemble, je suis soulagé que nous ayons un accord. Le commerce avec le Royaume-Uni est vital pour le Canada, pour les entreprises canadiennes et pour les travailleurs canadiens.
En 2018 et 2019, les exportations canadiennes vers l’Union européenne, et notamment le Royaume-Uni, ont atteint en moyenne 46,6 milliards de dollars. En 2016, avant que le Canada ne signe son Accord économique et commercial global avec l’Union européenne, ces exportations atteignaient 40 milliards de dollars. En d’autres termes, après la signature de cet accord, les exportations ont augmenté de 16,6 %.
Les exportations vers la Grande-Bretagne sont vitales. Elles représentent à elles seules environ 38 % de nos exportations vers l’Union européenne et se sont chiffrées à 18 milliards de dollars en 2018 et 2019.
Le Royaume-Uni est, en fait, le principal débouché des exportations canadiennes en Europe. À l’échelle mondiale, c’est notre troisième débouché et notre deuxième partenaire commercial en matière de services. L’an dernier, la valeur des exportations de services a atteint 7,1 milliards de dollars.
Si l’on considère à la fois les exportations et les importations, le commerce bilatéral entre le Canada et le Royaume-Uni représente plus de 29 milliards de dollars. Le Royaume-Uni est le cinquième partenaire commercial du Canada et notre quatrième source d’investissements étrangers directs, leur valeur totale ayant atteint 62,3 milliards de dollars en 2019 seulement.
Chers collègues, je cite ces statistiques pour différentes raisons. D’abord, nous vivons des temps agités à l’échelle mondiale. Les tensions politiques entre les grandes puissances augmentent. Sur le plan de nos relations politiques et commerciales avec la Chine et l’Asie orientale, nous pouvons nous attendre à une plus grande instabilité et à des perturbations dans nos échanges commerciaux. Cela signifie que certains de nos partenaires commerciaux plus stables acquerront probablement plus d’importance pour nous. Ce sont peut-être les marchés stables sur lesquels nous devrons de plus en plus compter. Le Royaume-Uni est l’un de ces marchés. À mon avis, nous devrions travailler bien davantage à consolider, à élargir et à approfondir notre accès à ce marché.
Depuis plusieurs années, le Canada s’est attaché à protéger et à approfondir ses relations commerciales avec l’Union européenne. À bien des égards, l’Accord économique et commercial global conclu entre le Canada et l’Union européenne était le point culminant des efforts entrepris par le précédent gouvernement conservateur pour donner davantage de débouchés aux Canadiens sur les marchés internationaux.
Ce dont il faut être conscients, c’est que, pour le Canada, le Royaume-Uni représente la plus importante part du marché européen. À lui seul, le Royaume-Uni absorbait près de 40 % des exportations canadiennes vers le bloc commercial de l’Union européenne. C’est pour cette raison que, lorsque le Royaume-Uni a décidé de quitter l’Union européenne en 2016, le Canada aurait dû immédiatement accorder la priorité absolue à la conclusion d’un nouvel accord avec ce pays. Or, cela n’a pas été le cas, chers collègues. À mon avis, il s’agit d’une grave erreur et je vais en parler davantage dans la suite de mon discours.
Tout d’abord, je tiens néanmoins à rappeler pourquoi je pense que cet accord est important. Il est important d’abord et avant tout parce qu’il préserve et prolonge les gains que le Canada a faits dans le cadre de l’AECG et de notre relation commerciale bilatérale avec le Royaume-Uni. Je rappelle que 99 % des produits canadiens exportés au Royaume-Uni seront exempts de droits de douane en vertu de cet accord. C’est particulièrement important. Nos produits soumis à la gestion de l’offre seront également protégés sur une base similaire à celle de l’AECG.
Les fournisseurs de services canadiens auront un accès prioritaire au marché d’approvisionnement du gouvernement du Royaume-Uni. Ce marché est estimé à 118 milliards de dollars par année. Par ailleurs, les dispositions de l’AECG concernant le règlement des différends, la main-d’œuvre et la protection de l’environnement seront maintenues.
À mon avis, toutes ces dispositions sont importantes, et je crois que nous devons accorder beaucoup de mérite à nos négociateurs commerciaux.
Toutefois, je crois aussi que nous avons eu de la chance. Je dis cela parce qu’il est clair qu’il y a eu une véritable course de dernière minute pour parvenir à cet accord. Je pense que la raison de cette précipitation était le manque total d’engagement du gouvernement actuel dans ces négociations. C’est pourquoi l’accord de continuité commerciale avec le Royaume-Uni ne fait essentiellement que préserver ce que le gouvernement Harper avait déjà négocié avec l’Union européenne dans des circonstances très différentes.
Lorsque la ministre Ng a pris la parole à la Chambre des communes en janvier au sujet de ce projet de loi elle a dit : « La dernière chose que souhaitent le Canada et le Royaume-Uni, c’est de créer un climat d’incertitude pour les entreprises et les travailleurs. »
Malheureusement, chers collègues, c’est précisément ce qu’a fait le gouvernement. Je rappelle à mes collègues que lors de son passage au Canada, en septembre 2017, l’ancienne première ministre Theresa May avait déclaré :
[...] l’AECG doit rapidement faire place à un nouvel accord bilatéral entre le Royaume-Uni et le Canada à la suite du Brexit[...]
Nous tenons à nous assurer que lorsque nous quitterons l’Union européenne, ce changement se fasse autant que possible en douceur et dans l’ordre, autant pour les entreprises que pour les citoyens.
Cependant, à ce moment-là, le Canada avait déjà mis le dossier de côté. Deux mois avant la visite de la première ministre Theresa May, le secrétaire d’État au Commerce international du Royaume-Uni, Liam Fox, avait confirmé à un comité parlementaire britannique que le Canada « se couvrait ». Pourquoi le Canada avait-il pris cette attitude? Qu’est-ce qui explique cette situation? De toute évidence, ni le premier ministre Trudeau ni la ministre Freeland n’avaient apprécié la décision prise par le peuple britannique lors du référendum sur le retrait de la Grande-Bretagne de l’Union européenne. Comme ils ne souscrivaient pas au Brexit, avant d’amorcer des négociations commerciales en bonne et due forme, ils ont attendu de voir quelle orientation prendrait le débat politique national en Grande-Bretagne.
Cette décision était une grave erreur. D’autres pays n’ont pas attendu, chers collègues. À ce moment-là, alors que le Canada tergiversait, divers pays et groupes, notamment la Colombie, l’Équateur, le Pérou, le Chili, la Côte d’Ivoire, l’Islande, la Norvège, Israël, le Japon, la Jordanie et le Forum des États ACP des Caraïbes ont conclu un accord commercial avec le Royaume-Uni.
Pendant ce temps, le Canada restait à l’écart. Je soutiens que les entreprises canadiennes paient depuis lors le prix de l’incertitude. Ce faux pas ressemble fort à celui qui a été commis dans le cadre des négociations entourant le nouvel accord de libre-échange nord-américain, alors que le Canada a rejeté la proposition de négociations bilatérales des États-Unis. Comment ont réagi les États-Unis? Ils ont négocié avec le Mexique et nous ont ensuite invités à la fête une fois l’accord négocié.
En abordant ses négociations avec le Royaume-Uni comme il l’a fait, le gouvernement a garanti le résultat que nous avons obtenu. En réalité, au lieu de veiller à ce qu’un accord soit mis en œuvre à temps pour la fin de 2020, comme l’exigeaient les entreprises, le gouvernement a rendu la chose impossible par ses retards. Nous avons eu beaucoup de chance que le Canada et le Royaume-Uni aient pu conclure un accord provisoire à peine trois jours avant Noël, assurant ainsi le maintien du traitement commercial préférentiel des produits canadiens. Je souligne le mot « provisoire ». Cet accord est resté en suspens parce que le gouvernement a simplement laissé traîner sa négociation et sa mise en œuvre. La raison en est on ne peut plus claire : ni le premier ministre ni ses principaux ministres n’ont pris au sérieux la continuité des échanges avec le Royaume-Uni. S’ils l’avaient fait, les travaux auraient commencé bien plus tôt et, comme l’a dit Liam Fox, nous n’aurions pas cherché à nous couvrir.
Récemment, le premier ministre a même eu l’audace de laisser entendre que c’était les Britanniques qui avaient traîné les pieds dans les négociations. Il leur a imputé les retards en affirmant qu’ils n’avaient pas la capacité de négocier un accord complexe comme l’Accord de continuité commerciale avec le Canada. On voit là son manque d’élégance habituel.
Le gouvernement et le premier ministre adoptent sans cesse de telles approches en matière de politique étrangère et commerciale. C’est d’abord arrivé en Inde, où le premier ministre a fait reculer nos relations de plusieurs décennies. Puis, c’est arrivé en 2017, lors des réunions sur le Partenariat transpacifique, où les Australiens et les Japonais ont été renversés par la performance du premier ministre, qui a presque entraîné l’expulsion du Canada des négociations entourant le Partenariat.
Plus récemment, nous avons été témoins d’une telle approche lorsque nous avons subi une humiliation nationale face aux Chinois. Il s’agit du même gouvernement qui a clamé haut et fort que le Canada était de retour sur la scène internationale. En réalité, tout ce dont nous avons été témoins, ce sont des cafouillages continus sur la scène internationale et dans les dossiers liés aux affaires étrangères.
Je crains que ce soit les entreprises et les travailleurs canadiens qui fassent les frais de nos relations commerciales internationales. Plusieurs organismes commerciaux canadiens ont critiqué l’approche adoptée par le gouvernement pour les consultations qui sont essentielles aux négociations commerciales.
Le rapport provisoire du comité de la Chambre des communes souligne que le Conseil canadien du homard et le Congrès du travail du Canada ont indiqué que les consultations entourant les négociations entre le Canada et le Royaume-Uni avaient été insuffisantes. L’Association canadienne des importateurs et exportateurs a indiqué qu’elle n’avait pas été consultée ou mise au courant au sujet des exigences liées aux exportations qui seraient imposées à partir du 1er janvier 2021 si un accord entre le Canada et le Royaume-Uni était ratifié d’ici là.
Le faible engagement du gouvernement dans ce dossier a nécessairement contribué au fait que les problèmes qui découlent des barrières non tarifaires ne sont toujours pas résolus dans cet accord. Malheureusement, les industries agricole et agroalimentaire en subissent encore les conséquences.
Je m’inquiète du fait que ce sera le même gouvernement qui, au cours des trois prochaines années, nous entraînera dans les négociations en vue de conclure un accord global entre le Canada et le Royaume-Uni. Je suis curieux de voir s’il atteindra les cibles voulues. Pour que ces négociations soient fructueuses pour le Canada, le gouvernement doit modifier son approche pour qu’elle soit plus exhaustive.
Quand M. Matthew Poirier, de Manufacturiers et exportateurs du Canada, a témoigné devant le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes, le mois dernier, il a insisté sur la nécessité pour le Canada d’établir une stratégie claire afin, d’une part, que ses négociations soient réussies et, d’autre part, qu’il puisse tirer parti des accords commerciaux internationaux comme celui-ci une fois qu’ils sont conclus.
Ces conseils ne sont pas nouveaux. En fait, notre propre comité sénatorial sur le commerce exhorte le gouvernement à emprunter cette voie depuis de nombreuses années. Or, il semble que nous entendions sans cesse la même inquiétude au sujet de l’absence d’une stratégie de mise en œuvre efficace.
Comme M. Poirier l’a expliqué, une telle stratégie est cruciale parce que le rendement du Canada en matière d’exportation de produits à valeur ajoutée connaît une baisse notable. Il a dit précisément ceci :
[...] les exportations de produits manufacturés [...] sont en baisse constante depuis cinq ans, et cette diminution s’est poursuivie même après la signature de l’AECG. Le Canada ne peut plus se permettre d’ignorer cette perte de potentiel économique que représente le déclin des exportations à valeur ajoutée. Ce n’est tout simplement pas viable.
Honorables sénateurs, je pense que si le pays veut réussir à inverser les tendances, le gouvernement doit tout simplement commencer à accorder plus d’attention aux relations commerciales. Nous ne pouvons tout simplement plus nous permettre les accords de dernière minute, les consultations inadéquates et l’absence de transparence publique dont nous avons été témoins jusqu’à présent.
Lorsque le Comité du commerce international de la Chambre des communes a initialement étudié l’accord, il l’a fait sans avoir accès au texte de l’accord. En effet, le rapport du comité devait être déposé le jour où le comité a reçu les documents.
Honorables sénateurs, j’estime qu’au Sénat, nous devons jouer un rôle plus actif en demandant au gouvernement de rendre des comptes dans ces dossiers, car la façon dont il les gère a une incidence sur le gagne-pain d’un grand nombre de Canadiens. Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international peut jouer un rôle prépondérant à cet égard. J’irais jusqu’à dire que ce rôle, qui consiste à protéger et à promouvoir le bien-être des entreprises et des travailleurs du Canada, est le plus important qu’il puisse jouer.
Le gouvernement entreprend maintenant de nouvelles négociations afin de conclure un accord commercial global avec le Royaume-Uni. Comme ces discussions ne sont assorties d’aucune disposition de caducité, je crains que le gouvernement n’entreprenne les négociations aussi cavalièrement qu’il l’a fait au sujet des discussions.
Nous ne pouvons tout simplement pas permettre que cela se produise. Dans un monde de plus en plus instable, il n’a jamais été aussi important de renforcer et d’étendre nos relations avec nos partenaires les plus stables. Je demande à tous les sénateurs de faire front commun afin de veiller à ce que nous puissions contribuer à assurer le meilleur avenir possible aux entreprises et aux travailleurs du Canada dans le cadre des négociations à venir.
Avant de conclure, j’aimerais inviter tous mes collègues à appuyer ce projet de loi et à lui faire franchir toutes les étapes le plus rapidement possible, car il est essentiel au développement continu de notre économie et au bien-être des travailleurs canadiens. Nous, parlementaires, devons faire preuve de vigilance et rappeler au gouvernement que le Parlement a un rôle à jouer.
C’est le deuxième accord commercial essentiel que nous examinons à la dernière minute, tant à la Chambre des communes qu’au Sénat, en grande partie parce que le gouvernement n’a pas entamé le dialogue assez tôt et prudemment pour que le processus soit complété à temps. Chers collègues, combien de fois, ces derniers temps, avons-nous entendu qu’il fallait faire au plus vite pour adopter des mesures de dépenses gouvernementales ou des budgets — et maintenant d’importants accords commerciaux —, et ce, sans examen approfondi? Si nous commençons à passer outre à cet examen approfondi, nous pénalisons les parties intéressées et les Canadiens qui souhaitent venir témoigner devant les comités parlementaires.
Chers collègues, j’appuie totalement le contenu de ce projet de loi, mais c’est à contrecœur que j’appuie la façon dont nous l’adoptons. Merci beaucoup.
Sénateur Housakos, je vous remercie de votre exposé et de votre discours. Je crois que nous convenons tous que le projet de loi C-18 est un projet de loi important.
Dans mon ancienne vie, j’étais très fier d’avoir travaillé avec deux gouvernements différents sur l’Accord économique et commercial global entre le Canada et l’Union européenne. Comme vous le savez, les négociations ont duré plusieurs années. Un gouvernement a mis le processus en branle et un autre l’a finalisé.
Or, en raison du Brexit, le gouvernement du Royaume-Uni a aussi participé à de longues négociations avec l’Union européenne, et la direction que celles-ci allaient prendre n’était pas claire. Cela dit, croyez-vous qu’il était sensé d’entamer des négociations? Vous avez énuméré un certain nombre de pays qui ont conclu des accords, mais pas du même genre que l’Accord économique et commercial global. En modifiant celui-ci pour créer un accord de continuité avec le Royaume-Uni, on crée en fait un accord assez étendu. Nous pourrons négocier un accord plus complet — c’est ce qu’on vise, d’ailleurs — à mesure que les négociations avancent.
Je me demande s’il aurait vraiment été logique d’entamer tôt les négociations. Je sais qu’il y a eu des discussions, mais on a jugé prématuré de les rendre publiques tant que le Royaume-Uni négociait encore avec l’Union européenne.
Deuxièmement, les avis sont partagés sur la question des dispositions de caducité. Cette question a aussi été soulevée lors des négociations pour conclure le nouvel ALENA, car on considérait qu’une disposition de caducité pouvait également nuire aux nouveaux investissements et échanges commerciaux.
Que pensez-vous de ces deux aspects de la question en particulier?
Sénateur Boehm, je ne suis pas du tout d’accord sur le premier point. D’abord et avant tout, le processus de négociation mené dans le cadre de l’Accord économique et commercial global était beaucoup plus complexe que celui engagé avec le Royaume-Uni. En effet, l’accord a servi de feuille de route pour les négociations avec le Royaume-Uni. En outre, nos deux pays avaient déjà ratifié de nombreuses mesures dont l’application a tout simplement été étendue à cette entente particulière. Nous n’avons pas réinventé la roue pour l’accord de continuité : comme je l’ai souligné dans mon discours, de nombreux éléments déjà inclus dans l’Accord économique et commercial global ont tout simplement été renégociés entre le Canada et le Royaume-Uni.
Toutefois, vous avez absolument raison de dire que l’Accord économique et commercial global était complexe parce qu’il était sans précédent. Sa complexité venait aussi du fait que nous négociions, si je ne m’abuse, avec 28 pays qui avaient tous leur mot à dire et leurs intérêts propres. À certains moments, les négociations se faisaient de manière multilatérale et bilatérale en continu, ce qui a compliqué les choses. Sans parler du fait que le parlement respectif de tous ces pays devait ratifier l’accord, ce qui n’était pas simple.
À titre de parlementaire, j’ai participé à quelques-unes des discussions bilatérales qui ont eu lieu avec certains pays visés par l’Accord économique et commercial global. Les objectifs et intérêts économiques des pays de l’Europe du Nord et des pays de l’Europe du Sud étaient parfois si diamétralement opposés que les négociations se sont avérées plus ardues.
Dans le cas du Royaume-Uni, il y avait une volonté politique, pour des raisons évidentes. Le Royaume-Uni souhaitait manifestement négocier avec ses trois ou quatre plus grands partenaires commerciaux afin d’indiquer à leurs marchés et à leur économie que les choses se passaient comme à l’habitude. Le Royaume-Uni avait intérêt à discuter avec le Canada. Je me souviens d’un comité parlementaire, l’Association interparlementaire Canada-Royaume-Uni, auquel de nombreux sénateurs ont siégé en 2016, après le vote sur le Brexit en Angleterre. Il y avait un tel engouement pour un cousin du Commonwealth comme le Canada, qui est un partenaire commercial crucial pour les Britanniques, que tous les parlementaires et les fonctionnaires étaient ouverts à cela.
Nous l’avons constaté lors de la visite de la première ministre May à Ottawa. Elle a explicitement dit qu’elle souhaitait entamer des négociations aussitôt que possible, en 2017.
Le gouvernement a été le seul à freiner le cours des choses. En fait, il l’a fait uniquement parce qu’il ignorait l’issue du Brexit. À Affaires mondiales Canada, les opinions étaient partagées quant à l’issue du Brexit. Si le gouvernement canadien avait été certain que le Brexit se réaliserait, comme l’ont montré le referendum tenu en 2016 et la volonté politique au Royaume-Uni, nous aurions dû agir sans tarder. Selon moi, ce fut une grave erreur, sénateur Boehm.
Merci, sénateur Housakos. Je pense que nous parlons d’à peu près la même chose, mais en adoptant un point de vue différent.
En ce qui concerne la disposition de caducité, vous n’avez pas répondu à cette partie de ma question, et je peux le comprendre. Je voudrais toutefois ajouter que, en temps normal, nous aurions étudié le projet de loi au comité. Je m’en serais réjoui. Par ailleurs, je suis d’accord avec vous pour dire que le comité sénatorial pourrait se pencher sur la mise en œuvre plus tard. Pour le moment, j’aimerais savoir ce que vous pensez du recours à une disposition de caducité.
Une disposition de caducité joue un rôle essentiel dans les négociations. Je ne crois pas qu’elle entraînera des pressions préjudiciables. Au contraire, elle établit des points de repère. Lorsqu’on négocie, de tels points de repère sont grandement utiles — c’est du moins ce que j’ai appris de mon expérience dans le monde des affaires. Voilà ce que j’en pense.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)