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Projet de loi sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants au Canada

Troisième lecture--Motion d'amendement--Report du vote

5 décembre 2023


L’honorable Réjean Aucoin [ + ]

Il est quand même un peu tard. Je pensais pouvoir compter sur mon collègue le sénateur Cuzner pour me mettre la main sur le bras au cas où je tomberais endormi, mais il n’est pas là.

Merci à tous ceux qui ont parlé avant moi en faveur de la motion. Je suis d’accord avec vos commentaires. Merci au sénateur Patterson, qui a précisé que les communautés autochtones et les communautés de langue officielle devraient travailler de concert, et que ce projet de loi et cet amendement ne vont pas à l’encontre de l’un ou l’autre.

Chers collègues, merci de me donner cette tribune ce soir et merci des éloges que vous avez prononcés à mon égard lorsque j’ai été assermenté. C’était très touchant. J’espère pouvoir rendre compte de tous les éloges que vous m’avez faits.

Je m’adresse à vous peu après ma nomination, car je ne peux rester silencieux au sujet de la motion d’amendement sur le projet de loi C-35. Qui suis-je? Cela vous donnera une petite idée de la raison pour laquelle j’interviens.

Je suis originaire de Chéticamp, une petite enclave acadienne où l’on parle français, qui est située au Cap-Breton, en Nouvelle‑Écosse. Aujourd’hui, environ 2 500 personnes y parlent encore le français.

En 1991, les francophones et les Acadiens de la Nouvelle-Écosse étaient répartis dans une dizaine de villages et formaient environ 3,9 % de la population, ou 35 000 personnes. Aujourd’hui, on en compte 26,775 dont le français est toujours la langue première, soit 2,8 % de la population sur plus d’un million d’habitants.

Pour ma part, j’ai grandi à Chéticamp, mais j’ai étudié à Moncton et à Paris. Avant de devenir avocat à l’âge de 37 ans, j’ai travaillé comme journaliste et réalisateur radio à Radio-Canada et j’ai aussi travaillé dans le secteur du développement communautaire auprès de la Fédération acadienne de la Nouvelle-Écosse. Je connais bien les communautés acadiennes et francophones du pays, car j’ai sillonné ma province et le pays d’un bout à l’autre.

À l’école, j’ai fait toutes mes études en anglais dans mon village, sauf le cours de français et, à partir de la neuvième année, le cours d’histoire. À l’époque, le conseil scolaire était composé d’environ neuf membres unilingues anglais qui décidaient du programme scolaire pour des dizaines d’écoles anglaises, mais aussi pour l’école située à Chéticamp, qui était peut-être une école anglaise, elle aussi. Il est inutile de vous dire que les études en français pour les Acadiens n’étaient pas la priorité de ce conseil scolaire. Les sénateurs autochtones peuvent sans doute comprendre ce à quoi je fais référence.

Pour ce qui est de l’éducation en Nouvelle-Écosse et de l’article 23, en 1982, avec l’adoption de la Charte, je croyais que notre communauté aurait enfin son école française. Quelle illusion! En 1985, nous avons dû organiser une campagne du « oui », une pétition pour répondre à un plébiscite de la municipalité qui n’avait aucun recours ou aucune compétence en la matière. Nous avons dû aussi montrer au gouvernement que nous voulions bel et bien une école homogène française. Nous avons dû nous battre contre les médias anglophones et l’opinion publique, qui nous traitaient notamment de séparatistes et de racistes.

Les gens qui étaient contre l’école française clamaient que les diplômés qui sortaient d’une école homogène française de Chéticamp ne parleraient pas du tout anglais. Je peux vous dire qu’à l’âge de 5 ans, ma fille parlait déjà anglais. Ce n’est pas moi qui l’ai encouragée à le faire.

Le préfet de la municipalité du comté d’Inverness à l’époque, lors d’une réunion publique à laquelle assistaient environ 500 personnes, a dit, et je cite : « Over my dead body that there will be a unilingual French school in Chéticamp! » Eh bien, ce préfet, il est décédé aujourd’hui, et que Dieu le bénisse, car nous avons eu notre école! Toutefois, ce ne fut pas sans séquelles. Des gens ont été menacés, une voiture a été incendiée par les gens qui étaient contre et encore aujourd’hui, certaines personnes sont encore identifiées selon le camp du « oui » et du « non ». Je vous laisse décider de quel camp je faisais partie.

À l’époque, j’étais loin de penser que, sept ans plus tard, je serais avocat et encore moins que je me trouverais devant vous aujourd’hui pour vous raconter tout ceci.

La Nouvelle-Écosse, nonobstant le parti au pouvoir, a fait un peu la même chose dans toutes les communautés acadiennes de la province en demandant aux communautés si elles voulaient une école homogène française. Cela a entraîné des conflits dans chaque communauté et a retardé au maximum les obligations du gouvernement provincial pour qu’il nous donne des écoles homogènes françaises, malgré l’article 23 et la Charte promulguée en 1982.

Pour ma part, mes filles sont nées en 1988 et 1990 et elles ont obtenu leur diplôme en 2000 et en 2002, toujours dans notre vieille école qui avait plus de 40 ans. Durant cette période, on a construit une école anglaise flambant neuve, comme on le dirait à Chéticamp, à Margaree ou à Belle Côte, et bon nombre de nos élèves acadiens l’ont fréquentée. Inutile de vous dire que plusieurs d’entre eux ont été assimilés.

Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être pourquoi je vous raconte tout cela. Je vous prie d’être patients. J’ai l’intention de faire un parallèle entre le projet de loi C-35 et l’amendement proposé par le sénateur Cormier. Je vais vous parler de l’histoire de l’éducation dans la langue de la minorité en Nouvelle-Écosse. Pour ce faire, je dois parler de l’affaire Doucet-Boudreau c. Nouvelle-Écosse (Ministre de l’Éducation).

Cette affaire, qui s’est rendue jusqu’à la Cour suprême du Canada, portait sur le droit des Acadiens et des francophones de la Nouvelle-Écosse à des écoles francophones. En 1998, 16 ans après l’adoption de la Charte et de l’article 23 garantissant le droit à l’instruction dans la langue officielle de la minorité, la province n’avait toujours pas octroyé les fonds nécessaires à la construction et à la rénovation des établissements nécessaires et à la prestation des programmes requis.

Dans sa décision, le juge Leblanc a déclaré que, bien que la province n’ait pas nié qu’elle avait promis aux minorités acadiennes et francophones sur son territoire une éducation dans leur langue, elle n’avait pas tenu ses promesses. Il a dit ce qui suit aux paragraphes 4, 5 et 6.

Le paragraphe 4 souligne ceci :

Malgré l’annonce faite en ce sens par le gouvernement, la mise en chantier des nouvelles écoles francophones promises n’a jamais eu lieu.

Le paragraphe 5 souligne ceci :

[...] ce qui est véritablement en cause est non pas l’existence et le contenu des droits que l’art. 23 garantit aux appelants, mais plutôt la date à laquelle ils pourront finalement bénéficier des programmes et des écoles.

Le paragraphe 6 souligne ceci :

[...] les défendeurs n’ont pas attaché assez d’importance à l’inquiétant taux d’assimilation des Acadiens et des francophones de la Nouvelle‐Écosse. [...] la province a considéré que les droits garantis par l’art. 23 n’étaient rien de plus qu’une autre demande de programmes éducatifs et d’établissements d’enseignement, et elle ne leur a pas accordé la priorité qui leur est due en tant que droits conférés par la Constitution.

Cette situation de la Nouvelle-Écosse n’est pas unique. On trouve des cas comme l’affaire Doucet-Boudreau dans la plupart des provinces et des territoires, puisque les parents des minorités francophones ont dû aller devant les tribunaux pendant un certain nombre d’années pour obtenir le droit de faire instruire leurs enfants dans leur langue.

J’en viens maintenant à l’amendement proposé. Les communautés de langue officielle en situation minoritaire sont mentionnées trois fois dans le projet de loi C-35, mais n’apparaissent ni dans le préambule ni dans l’article 8, qui porte sur le financement.

Cet amendement n’enlève rien au projet de loi. Essentiellement, on ajoute à l’article 8 que le financement est aussi destiné aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Les cours seraient donc obligées d’en tenir compte si jamais une action était présentée.

C’est une déclaration permettant d’éliminer toute ambiguïté pour déterminer si le financement s’applique aux communautés linguistiques. Voici ce que disait en comité le professeur Larocque, titulaire de la Chaire de recherche en droits et enjeux linguistiques de l’Université d’Ottawa. Il est possible que vous ayez déjà entendu cette citation :

Sans la modification proposée à l’article 8, les communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM) risquent de se voir priver le financement fédéral nécessaire au maintien à long terme des programmes et des services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants.

Il est allé plus loin en disant que nous aurions tort de croire que le projet de loi, tel qu’il est rédigé sans amendement, garantit que les communautés linguistiques auront leur part du financement. Vendredi, j’ai parlé à Suzanne Saulnier, directrice générale du Centre d’appui à la petite enfance de la Nouvelle-Écosse (CAPENÉ), créé il y a une trentaine d’années. Cette association regroupe environ 16 garderies francophones en Nouvelle-Écosse, en d’autres mots toutes les garderies francophones en Nouvelle‑Écosse.

Voici ce qu’elle m’a dit :

Malgré qu’une entente fédérale-provinciale fut signée le 13 juillet 2021, peu de nouvelles places ont été créées spécifiquement dans les centres de la petite enfance de langue française pour la communauté acadienne. En dépit des dix-huit nouvelles places annoncées pour la région de Wedgeport, ces places ne sont toujours pas disponibles en raison des délais de la construction de l’école. De notre part, nous avons fait une demande de fond en février 2022 et à nouveau en octobre 2022, mais nous n’avons toujours pas eu de fonds additionnels de cette entente. Il n’y a même pas de place pour les petits de 18 mois à 3 ans.

On représente les 16 centres de la petite enfance acadiens et francophones de la province, mais on ne sait aucunement combien d’argent nous aurons de cette nouvelle entente, combien est réservé pour les Acadiens et quand on pourra en bénéficier.

De plus, notre association ne siège pas à la table de consultation formée suite à l’entente malgré notre implication depuis 30 ans.

Je note les commentaires de la sénatrice Cordy au sujet des sommes que la Nouvelle-Écosse va attribuer à la petite enfance. Toutefois, quelle garantie avons-nous que les Acadiens et les francophones de la province obtiendront leur part?

Pour sa part, Nicole Arseneau Sluyter, présidente de la Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick, à qui j’ai parlé vendredi, s’est dite en faveur d’ajouter les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, ce qui assurerait plus concrètement le financement, si jamais l’affaire allait devant les tribunaux.

Elle dit, ce qui suit :

Il n’y a pas assez de garderies francophones, et certains parents n’ont pas d’autre choix que d’inscrire leurs enfants dans des garderies anglophones, ce qui engendre leur inscription aux écoles anglophones. Résultat, leurs enfants finissent par perdre leur langue maternelle.

Peut-être que les parents francophones dans chaque province et territoire ne seront pas obligés, à tour de rôle, de poursuivre leur gouvernement ou leur administration pour obtenir des garderies francophones et leur administration, mais comme sénateur, êtes‑vous prêts à prendre ce risque? Moi, je ne le suis pas, étant donné le recours de la Nouvelle-Écosse et ce que Suzanne Saulnier nous a dit. Je ne vois pas encore de résultat à la suite de la signature de la nouvelle entente, en 2002.

Aux peuples autochtones de ce pays, même si le projet de loi leur attribue de nombreuses références, rien n’est garanti.

Nos communautés ne sont pas en concurrence l’une contre l’autre, mais c’est de pair qu’elles doivent revendiquer leur part afin d’avoir des garderies pour la petite enfance pour des générations à venir.

Je suis ici pour vous dire que même si ce petit amendement est adopté — ce n’est même pas dans le préambule de la loi —, rien ne garantit que ma province donnera des places aux francophones et à quel moment on va leur donner, et c’est à peu près la même situation dans les autres provinces.

Je vous conjure, chers sénateurs et sénatrices, de voter en faveur de la motion. Merci beaucoup.

L’honorable Joan Kingston [ + ]

Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole pour la première fois dans cette enceinte. Je ne pensais pas prendre la parole si peu de temps après mon entrée en fonction. Je n’ai aucune anecdote à raconter, mais je suis certaine que je ne pourrai jamais égaler le talent de conteur du sénateur Prosper. Je vais en rester là.

J’ai cependant l’espoir qu’au cours des prochains mois et des prochaines années, je vais montrer mon étincelle, comme il nous a demandé de le faire.

Je me prononce en faveur de cet amendement au projet de loi C-35 parce qu’il correspond à mon objectif de donner la parole aux groupes en quête d’équité et d’aborder les questions qui ont une incidence sur les déterminants sociaux de la santé et la justice sociale.

Chers collègues, le projet de loi C-35 est une importante mesure législative qui permettra au gouvernement fédéral de collaborer avec les provinces, les territoires et les populations autochtones afin d’instaurer un système d’apprentissage et de garde des jeunes enfants abordable, inclusif et de grande qualité pour les familles de tout le Canada et de favoriser un accès équitable à l’apprentissage et à la garde des jeunes enfants.

Je dois dire qu’en raison des répercussions qu’elle a sur le développement pendant la petite enfance, l’éducation préscolaire est pour moi une priorité.

Le projet de loi C-35 constitue une autre étape importante pour garantir que le système restera en place très longtemps, afin que des générations de jeunes Canadiens puissent avoir le meilleur départ possible dans la vie.

Ma famille vit dans les deux langues officielles du Nouveau-Brunswick. Mon mari est un fier Acadien.

Nos proches et nos enfants ont eu la chance de vivre près de la capitale du Nouveau-Brunswick, où ils avaient accès, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, à des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants de qualité et en français, grâce au centre communautaire Sainte-Anne. Ils ont aussi fréquenté l’école Sainte-Anne.

J’aimerais seulement dire que cela a été rendu possible grâce à Louis Robichaud, puis à Richard Hatfield. Ces deux anciens premiers ministres du Nouveau-Brunswick étaient dans des camps opposés et ont dirigé la province l’un après l’autre, mais ils étaient tous deux favorables à l’égalité des chances pour tous.

C’est pour cela que mes enfants ont eu cette possibilité.

Je souhaite et je veux que tous les enfants puissent vivre ces expériences, en particulier ceux des communautés anglophones et francophones du pays. L’éducation préscolaire est essentielle au développement de la petite enfance, et cela fait partie des déterminants sociaux de la santé.

L’éducation préscolaire devrait être considérée comme un aspect important de l’éducation des enfants. Nous devrions prendre tous les moyens possibles pour protéger et promouvoir ces services d’éducation dans les communautés linguistiques. D’ailleurs, au Nouveau-Brunswick, l’éducation est protégée en vertu des articles 16 et 16.1 de la Loi constitutionnelle. Cependant, on n’a jamais vraiment intégré l’éducation préscolaire au système d’éducation, et il faut le faire.

Je vais voter en faveur de cet amendement. Je vous exhorte à faire de même.

Merci. Meegwetch.

L’honorable Jim Quinn [ + ]

Merci à mes collèges de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et merci, sénateur Aucoin, d’avoir partagé votre histoire qui a vraiment souligné, pour moi, l’importance de l’amendement de notre collègue, le sénateur René Cormier.

Je remercie la sénatrice Kingston de ses observations sur l’importance de ce que les précédents dirigeants du Nouveau-Brunswick ont fait pour la population de notre province.

Ce soir, j’aimerais faire quelques dernières observations. Je pense que le sénateur Cormier a très bien expliqué pourquoi l’article 8 mérite de faire l’objet de l’amendement qu’il a proposé.

J’aimerais souligner une ou deux autres choses. L’autre endroit nous a fait parvenir ce projet de loi avec les amendements de son comité. Cela nous a permis de nous pencher sur un bon projet de loi, de le soumettre à un second examen objectif, et de réfléchir à la manière de l’améliorer. C’est, je crois, la tâche qui nous incombe. Or, je comprends les pressions qui s’exercent à ce moment-ci de l’année pour ce qui est de faire aboutir des mesures législatives. Cependant, je crois aussi que la Chambre, l’autre endroit, a apporté des amendements à l’article 7. Or, comme nos collègues l’ont si fréquemment souligné, cela n’a pas vraiment assuré la viabilité à long terme des programmes en veillant à ce que l’aspect financier soit traité de façon satisfaisante dans l’article 8 du projet de loi. Je crois que c’est quelque chose de vraiment primordial.

J’ai eu le plaisir de siéger au comité des affaires sociales, des sciences et de la technologie pour remplacer l’un de mes collègues qui ne pouvait pas être présent. J’étais donc ce qu’on appelle un membre votant, et il était très impressionnant d’entendre les discussions qui avaient lieu à cette réunion du comité. Ce soir-là, des représentants de ma province, le Nouveau-Brunswick, étaient là. J’ai donc eu l’occasion de m’entretenir avec eux avant et après la séance. Je pense qu’ils ont donné un excellent exposé et qu’ils ont répondu aux questions de manière juste, équitable et transparente.

On leur a notamment demandé si le projet de loi était convenable dans sa version actuelle et s’il pouvait aider leur province. Ils ont répondu que oui. Nous avons dû mettre fin au débat, faute de temps. La présidente du comité a bien indiqué qu’il y avait d’autres questions. J’avais une question complémentaire à poser, mais j’ai eu l’occasion de parler aux fonctionnaires par la suite, et je leur ai posé ma question. Même si le projet de loi améliorerait la situation, je leur ai demandé s’il serait plus avantageux pour la province si l’on apportait à l’article 8 l’amendement dont nous avons parlé ce soir. Ils ont répondu que oui. Je n’ai pas eu l’occasion de poser cette question au comité, mais je tenais à apporter cette précision ce soir.

Je m’exprime non seulement en tant que sénateur du Nouveau-Brunswick, mais également en tant que sénateur du Canada. Comme l’a si éloquemment décrit le sénateur Aucoin lorsqu’il a raconté sa jeunesse dans la province voisine de la mienne, les minorités linguistiques ont des droits partout au pays. Sénateurs, d’autres régions de la Nouvelle-Écosse ont vécu la même chose. Comme vous le savez tous, la partie sud-ouest de la Nouvelle-Écosse connaît des difficultés comparables. Je crois que nous avons la responsabilité d’exercer notre devoir de second examen objectif et de renforcer le projet de loi sans lui porter injustement préjudice, en tenant compte du fait que l’autre endroit a adopté le projet de loi à l’unanimité. Toutefois, je crois qu’il a commis une légère omission en ne faisant pas exactement ce que le sénateur Cormier tente d’accomplir au moyen de son amendement. Nous avons le devoir à tout le moins d’apporter de nouveau cet amendement.

Mon collègue le sénateur Ravalia a fait remarquer aujourd’hui que nous venons de faire la même chose avec un autre projet de loi que nous avons renvoyé avec un amendement. Il a été accepté, et le Sénat en est de nouveau saisi, si je comprends bien. Je suis convaincu que l’autre endroit avait l’intention de présenter un document plus robuste. Je crois que le second examen objectif l’a renforcé, de sorte qu’il sera un peu plus difficile pour les futurs gouvernements de modifier les ententes de financement pour les groupes linguistiques minoritaires dans n’importe quelle région de notre pays.

Par conséquent, je prends la parole ce soir pour remercier le sénateur Cormier de sa prévoyance et de faire en sorte que notre pays embrasse réellement le bilinguisme officiel. Nous devons également garder à l’esprit les droits des Autochtones au Canada. Très franchement, ce sont des amendements que nous avons le devoir d’adopter et de renvoyer à l’autre Chambre pour qu’elle puisse les adopter ou les rejeter. C’est une décision qui lui appartient.

Je pense qu’il est de notre devoir de renforcer ce projet de loi, comme on l’a expliqué avec beaucoup d’éloquence ce soir.

Je vous remercie.

L’honorable Marc Gold (représentant du gouvernement au Sénat) [ + ]

Merci, sénateur Cormier, d’avoir proposé cet amendement. Je remercie tous ceux qui ont participé au débat.

J’ai préparé un texte que je vais lire.

D’abord, permettez-moi de souligner que j’entends essayer de présenter la position du gouvernement. Le gouvernement n’appuie pas cet amendement, et le sénateur Cormier est au courant. J’étais présent lors de l’étude article par article menée par le comité. Je vais tenter d’être aussi clair que possible en tant que membre d’une communauté linguistique en situation minoritaire envers laquelle le gouvernement provincial n’est pas vraiment bienveillant, même si ma communauté jouit de privilèges depuis des siècles. Nous avons eu la vie beaucoup plus facile que les membres des communautés francophones hors Québec.

J’ai conscience de l’importance de cet enjeu pour vous. Je comprends tout à fait certains d’entre vous et d’autres sénateurs de défendre cet amendement avec autant de conviction. Je n’ai rien à y redire. Tout le monde a son identité à cœur. Chacun y tient. Elle fait partie de nous. Notre langue est notre fenêtre ouverte sur le monde, celle qui nous permet de nous exprimer à la face du monde.

J’espère que vous écouterez mes observations sans me prêter de mauvaises intentions. Je ne prendrai pas mon point de vue de constitutionnaliste, même si vous aurez probablement l’impression du contraire lorsque je vous présenterai l’analyse juridique que le gouvernement, en tout cas, estime être juste. De plus, je ne vais pas prétendre que cet amendement, s’il est adopté, torpillera le projet de loi ou — je cherche la bonne image — qu’il causera l’effondrement des cathédrales. J’y suis : faire couler l’armada. Quoi qu’il en soit, je ne ferai rien de tel.

J’ai déjà fait valoir des arguments contre des amendements au Sénat, mais je semble avoir de moins en moins de succès. L’appétit des sénateurs pour les amendements semble s’aiguiser plus que je ne le souhaiterais. Cependant, la volonté du Sénat est que... Nous sommes tous ici pour servir les Canadiens, et j’ai accepté de siéger ici il y a sept ans en croyant à l’indépendance du Sénat et à notre devoir de faire de notre mieux pour améliorer les projets de loi. J’y crois toujours, d’ailleurs.

Je suis aussi convaincu qu’il n’est jamais possible pour les humains d’être soit rationnels, soit émotifs. Comme l’explique maintenant la neuroscience et comme le veut même la sagesse de nos traditions, d’ailleurs — nous n’avions pas besoin de la neuroscience pour le savoir —, en ce qui concerne leur intelligence et leur jugement, les êtres humains ne peuvent pas faire abstraction d’une partie de ce qu’ils sont.

Vous pouvez lire l’analyse vous-mêmes. Ce que je vais vous dire découle de ma propre vision des choses et du chapeau que je porte. Vous pouvez l’accepter ou le rejeter. Merci de m’avoir écouté pendant ce préambule. Je passe maintenant à mon discours.

Je vais parler brièvement de l’amendement. Le gouvernement ne peut pas l’appuyer, mais ce n’est pas parce que le but que vise l’amendement n’est pas valable. C’est parce que, selon le gouvernement, il n’est pas conforme à l’objet fondamental du projet de loi. L’objet est défini à l’article 5.

L’objet du projet de loi est :

a) d’énoncer la vision du gouvernement du Canada pour un système communautaire d’apprentissage et de garde des jeunes enfants à l’échelle du Canada ainsi que son engagement de collaborer de manière continue avec les provinces et les peuples autochtones afin d’appuyer leurs efforts pour établir et maintenir un tel système [...]

La responsabilité de la garde des jeunes enfants incombe exclusivement aux provinces, aux territoires et aux communautés autochtones qui ont le droit constitutionnel à l’autonomie gouvernementale. Ce sont eux qui ont la responsabilité d’établir, de gérer et de maintenir le système.

L’objet du projet de loi est également :

b) de prévoir l’engagement du gouvernement [...]

 — du gouvernement du Canada —

[...] de maintenir un financement à long terme aux provinces et aux peuples autochtones pour l’établissement et le maintien de ce système;

c) d’établir les principes qui guident les investissements continus du gouvernement dans ce système [...]

Chers collègues, le projet de loi C-35 s’applique uniquement au gouvernement fédéral qui inscrit dans la loi un engagement fédéral à long terme pour construire et maintenir un système pancanadien d’apprentissage et de garde des jeunes enfants. Le projet de loi respecte les compétences des provinces et des territoires et n’impose pas de conditions ou d’exigences aux gouvernements provinciaux et territoriaux ni aux peuples autochtones. Toutes les provinces et tous les territoires conserveront leurs compétences et leurs responsabilités en matière d’apprentissage à l’égard des jeunes enfants.

Je rappelle à mes collègues que tous les accords pancanadiens sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants signés avec les provinces et les territoires, à l’exception du Québec, contiennent des clauses qui visent à soutenir et à respecter les droits des communautés de langue officielle en situation minoritaire en fonction des priorités et des contextes propres à chaque administration.

À titre d’exemple, l’accord bilatéral sur les garderies qui existe déjà entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau‑Brunswick comprend ce qui suit :

le Nouveau-Brunswick s’engage à élaborer et à financer un plan pour s’assurer que le processus de création de nouvelles places tient compte des enfants et des familles diversifiés ou vulnérables — y compris les enfants handicapés et les enfants ayant besoin d’un soutien accru ou individuel, les enfants autochtones, les enfants noirs et autres enfants racisés, les enfants de nouveaux arrivants et les minorités de langue officielle — afin qu’ils aient accès à un nombre de places équivalent ou supérieur à leur proportion de la population dans la province.

Comme nous le savons, l’amendement proposé par le sénateur Cormier vise à mentionner les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8 du projet de loi. Chers collègues, l’intention est certes louable, mais il serait incohérent de reconnaître les minorités francophones et anglophones aux côtés des provinces, des territoires et des peuples autochtones responsables de la conception et de la prestation des programmes et des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants énoncés à l’article 8 du projet de loi. Sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants, pas plus que dans l’élaboration et la pérennisation de ce système pancanadien.

On a déjà mentionné que le projet de loi contient de nombreuses dispositions qui soulignent que le financement des services de garde d’enfants doit inclure des investissements pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. L’article 7 énonce clairement les principes fédéraux qui régissent les investissements fédéraux dans l’éducation préscolaire et la garde d’enfants partout au Canada. Ces principes comprennent les efforts déployés pour la conclusion d’accords avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones, c’est-à-dire les accords bilatéraux sur lesquels repose ce cadre et qui garantissent le financement fédéral continu à ces partenaires financiers.

Le gouvernement du Canada est absolument déterminé à soutenir les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans le domaine de l’éducation préscolaire et de la garde d’enfants. Par exemple, le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 du gouvernement prévoit un investissement de plus de 60 millions de dollars sur 5 ans en éducation préscolaire et garde d’enfants dans les communautés francophones en situation minoritaire.

En ce qui concerne le projet de loi C-35, l’article 7 souligne les engagements financiers pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Permettez-moi d’apporter ces précisions de manière officielle :

L’alinéa 7(1)(c) affirme que l’investissement doit appuyer la prestation de garde des jeunes enfants :

[...] issus des minorités linguistiques francophones et anglophones, qui respectent et valorisent la diversité de tous les enfants et de toutes les familles et qui répondent à leurs besoins variés;

Le paragraphe 7(3) affirme que les investissements fédéraux concernant les programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants doivent être « guidés par les engagements énoncés dans la Loi sur les langues officielles. »

Le paragraphe 11(1) affirme que le ministre doit tenir compte de l’importance de former un conseil incluant les communautés de langue officielle en situation minoritaire, faisant référence ici au Conseil consultatif national sur l’apprentissage et la garde des jeunes enfants.

Chers collègues, je tiens à souligner que, à l’alinéa 7(1)c) et au paragraphe 7(3), on emploie le présent de l’indicatif, ce qui exprime l’obligation en droit, plutôt qu’un autre temps qui laisserait place à l’interprétation. C’est donc un engagement du gouvernement fédéral à l’égard de sa responsabilité de financer les partenaires agissant dans leur sphère de compétence.

L’article 8 du projet de loi porte sur les mécanismes de financement et de prestation des services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Ce sont les provinces, les territoires et les partenaires autochtones qui en sont constitutionnellement responsables, et non les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le projet de loi a été rédigé de manière à ce que le gouvernement respecte les compétences constitutionnelles des provinces et des territoires, ainsi que les droits des peuples autochtones, notamment le droit à l’autodétermination.

Chers collègues, le projet de loi n’est ni incohérent ni ambigu. Il ne s’agit pas d’un oubli. C’était tout à fait délibéré. Il s’agit d’une distinction délibérée entre les principes qui guident le financement et les bénéficiaires, dont les communautés de langue officielle en situation minoritaire ainsi que d’autres personnes pour qui l’accès à des services de garde équitables et abordables est une priorité, et les instances, qu’elles soient provinciales, territoriales ou autochtones, qui ont la responsabilité constitutionnelle de créer et d’offrir ces systèmes et de recevoir le financement correspondant.

Je soutiens respectueusement que, malgré les arguments que vous avez entendus, il y a effectivement un problème potentiel qui découle de l’inclusion des communautés linguistiques en situation minoritaire à l’article 8. Une fonctionnaire l’a dit en comité. Je vais répéter pour ceux d’entre vous qui ne siégeaient pas au comité. Je reprends dans une certaine mesure ce que je viens de dire, mais je cite la fonctionnaire en comité, qui a dit :

[...] sur le plan juridique, les minorités francophones et anglophones n’ont pas le même statut ni le même rôle que les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones dans la prestation des programmes et services d’apprentissage et de garde des jeunes enfants et dans l’élaboration et la préservation de ce système pancanadien. Le fait d’inclure une référence à ce groupe, à l’article 8, créerait une attente relativement à un financement accru qui lui serait réservé [...]

[L]’article 7 qui énonce les principes directeurs — et qui a déjà été modifié par le comité HUMA aux paragraphes 7(1) et 7(3) — souligne et inclut de façon adéquate le soutien à des groupes précis, comme les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire.

La fonctionnaire a ajouté ceci :

D’après ce que nous comprenons, le fait de mentionner les langues officielles ailleurs dans le projet de loi C-35 pourrait donner l’impression que la loi exclut expressément du soutien fédéral d’autres groupes systématiquement marginalisés qui ne figurent pas dans la liste, comme les enfants en situation de handicap.

Ensuite, à part les rôles et des responsabilités des différentes instances, je pense que cet amendement soulève des questions quant à l’appui aux langues autochtones, dont on ne parle pas dans le projet de loi [...]

Chers collègues, les meilleurs efforts peuvent parfois avoir des conséquences imprévues. Je suis certain que ni le sénateur Cormier ni aucun autre sénateur qui s’est exprimé ou qui votera en faveur de l’amendement n’ont l’intention de potentiellement priver de soutien d’autres communautés marginalisées qui ne figurent pas sur la liste. Cependant, l’équilibre entre la compétence constitutionnelle et l’engagement fédéral de financement dépend d’un libellé précis — ou de l’absence de libellé dans le cas qui nous occupe.

On a évoqué l’interprétation des lois, mais c’est une lame à double tranchant. Si l’exclusion d’une formulation risque d’entraîner des conséquences pour les communautés qui cherchent à obtenir gain de cause auprès de leur province — car cela relève de la compétence provinciale —, il en va de même pour l’inclusion de certains mots qui pourraient causer des problèmes, car les mêmes principes d’interprétation des lois s’appliquent à ceux qui ne seraient pas inclus dans l’amendement à l’article 8. Les avocats du gouvernement ont examiné la question avec soin. Ils l’ont étudiée à l’autre endroit. Ils estiment que l’amendement n’est pas approprié pour ces raisons.

La sénatrice Moodie a souligné ceci dans le cadre de son discours à l’étape de la deuxième lecture :

[...] l’article 8 du projet de loi engage le Canada à maintenir un financement à long terme, principalement par la voie d’accords avec les provinces, les gouvernements autochtones et les organismes autochtones.

Amender l’article 8 en y ajoutant une autre entité pourrait, sur le plan de l’interprétation des lois, ajouter d’autres engagements financiers. C’est ce qui sous-tend l’opposition du gouvernement à cet amendement, car les provinces et les peuples autochtones ont des rôles juridiques et juridictionnels à jouer dans leur création et leur prestation, tandis que les communautés linguistiques en situation minoritaire — comme la mienne, au Québec, ou d’autres dans d’autres provinces — n’en ont tout simplement pas.

Nonobstant le fait que nos droits sont protégés à plusieurs titres — l’éducation, entre autres — par la Constitution, notre statut est néanmoins différent de celui des provinces, des territoires et des gouvernements autochtones.

Le projet de loi C-35 vise également à respecter et à faire respecter les droits des peuples autochtones, y compris le droit à l’autodétermination. Comme l’ont souligné les fonctionnaires, l’amendement du sénateur Cormier pourrait soulever des questions sur le soutien aux langues autochtones. Ce n’est certainement pas l’intention du sénateur Cormier ni de ceux et celles qui appuient son amendement, mais cela pourrait mener à une modification ou à une division de l’article 8.

Le sénateur Cormier a raison de dire que la formulation qu’il propose dans son amendement figure dans d’autres projets de loi. Cet argument n’a pas nécessairement été soulevé dans le débat aujourd’hui, mais il l’a été, et avec raison, lors de l’étude des projets de loi C-11 et C-18 en comité.

Par ailleurs, dans ces projets de loi, la formulation est utilisée dans un contexte précis. La même formulation suggérée à l’article 8 du projet de loi C-35 ne figure pas dans le contexte de ces projets de loi. Comme je l’ai dit plus tôt, ce n’est pas nécessairement conforme à l’objectif fondamental du projet de loi C-35, qui est de garantir du financement fédéral aux provinces, territoires et gouvernements autochtones qui ont la responsabilité de livrer la marchandise par rapport aux places en garderie pour les familles canadiennes.

Comprenez-moi bien. Le gouvernement du Canada est conscient de la valeur des communautés de langue officielle en situation minoritaire dans les services d’éducation préscolaire et de garde d’enfants. Voilà pourquoi c’est inscrit dans toutes les ententes bilatérales avec les provinces et les territoires, encore une fois à l’extérieur du Québec, qui bénéficie d’une entente asymétrique. Les ententes de financement actuelles présentent les intentions des communautés linguistiques en situation minoritaire et l’article 7 de la loi-cadre prévue dans le projet de loi C-35 en fait une question de principe.

Le gouvernement juge qu’il serait inapproprié d’amender l’article 8. Je mets votre patience à l’épreuve en répétant constamment la même chose, mais l’article 8 se concentre exclusivement sur qui met en pratique les promesses contenues dans ces accords bilatéraux — les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones — et leur manière de le faire.

De plus, comme vous l’avez peut-être vu cette semaine, des défenseurs des services de garde pour les jeunes enfants de tout le pays, y compris du Nouveau-Brunswick, ont publiquement demandé d’adopter ce projet de loi sans proposer d’autres amendements. Des groupes comme le YWCA, Un enfant Une place et le Congrès du travail du Canada ont écrit pour nous rappeler que, il y a 50 ans, la Commission royale d’enquête sur la situation de la femme au Canada a recommandé au gouvernement fédéral de prendre immédiatement des mesures pour adopter une « loi nationale sur les garderies », afin d’investir des fonds fédéraux dans la construction et le fonctionnement de programmes de garde d’enfants.

Ces groupes ont écrit qu’à ce stade, chers collègues, le projet de loi C-35 est assez solide pour garantir un accès équitable aux services de garde pendant des générations.

Pour toutes ces raisons — et je vous sais gré de m’avoir laissé parler plus longtemps que je l’avais prévu —, ni le gouvernement du Canada ni moi, qui le représente, ne pouvons appuyer l’amendement bien intentionné du sénateur Cormier, tout simplement. Je vous invite à tenir compte de mes observations et à voter contre l’amendement.

Je vous remercie grandement de votre patience.

L’honorable Jim Quinn [ + ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une question?

Merci pour vos observations, monsieur le sénateur. Ma question est assez simple. Nous avons tous, lorsque nous avons été nommés — certainement depuis 2016 —, eu une formidable interaction avec le premier ministre, qui nous a rappelé qu’il souhaitait que nous examinions sérieusement ses politiques et que nous y apportions des améliorations lorsque nous l’estimions nécessaire, et que nous renforcions le processus.

Je pense que l’amendement proposé à l’article 8 procure une plus grande certitude. Si, dans sa sagesse, le Sénat décidait d’accepter l’amendement, conviendriez-vous que ce n’est pas au gouvernement que nous renverrions le projet de loi amendé? Nous le renverrions à la Chambre élue, qui comprend les députés ministériels, bien sûr, mais aussi les députés de tous les partis représentés à la Chambre. Si nous acceptons l’amendement proposé, ne devrions-nous pas laisser la Chambre élue se prononcer sur celui-ci en le mettant aux voix?

Le sénateur Gold [ + ]

Eh bien, la réponse est oui, évidemment.

J’ai été nommé en tant que sénateur indépendant. Certains parmi vous n’étaient pas encore ici à l’époque, mais, en tout respect, c’est vrai. Cependant, la question demeure. Nous sommes ici pour faire de notre mieux pour améliorer les projets de loi et pour peser le pour et le contre des arguments présentés afin d’exercer adéquatement notre jugement.

J’ai tenté de vous présenter une analyse du projet de loi et d’expliquer pourquoi l’article 7 est organisé tel qu’il l’est et pourquoi l’article 8 est conçu différemment, parce que je crois — et je soumets ceci à votre réflexion — que cette différence a été soigneusement réfléchie et qu’elle est le reflet de l’engagement du gouvernement — et de chacun des gouvernements qui ont conclu des ententes bilatérales antérieures à ce projet de loi — à respecter les droits des minorités linguistiques à avoir accès à des services de garderies dans leur langue. D’ailleurs, dans de nombreux cas, les provinces peuvent très bien conclure des contrats avec les communautés et les aider à créer ou à élargir les services tout en respectant leurs obligations constitutionnelles envers les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones, à qui la Constitution reconnaît la compétence exclusive de décider — à tort ou à raison, pour le meilleur et pour le pire — du nombre de places et de l’organisation de ces dernières dans l’intérêt de leurs résidants.

Bien sûr, si le Sénat adopte cet amendement, le projet de loi sera renvoyé à la Chambre. Nous sommes en situation de gouvernement minoritaire, mais c’est un projet de loi du gouvernement, donc celui-ci en sera saisi, comme le reste de la Chambre, et les députés décideront de comment répondre à nos amendements.

Malgré ce que l’on entend parfois dans cette enceinte, la Chambre a été très respectueuse des amendements du Sénat. Toutefois, cela ne veut pas dire qu’elle acceptera n’importe quel amendement simplement parce que nous estimons qu’il est préférable et qu’il améliore le projet de loi. Dans le cas présent, le gouvernement ne pense pas que l’amendement améliore le projet de loi. Il pense même que ce serait une erreur.

Non, l’armada ne sombrera pas. Désolé, sénatrice Omidvar, mais je m’accroche à cette image. Le temple ne s’effondrera pas. Le ciel ne nous tombera pas sur la tête. Toutefois, ce n’est pas dans cette optique que nous déterminons si nous devons appuyer ou non un amendement.

Nous sommes des législateurs sérieux — nous le sommes tous —, et cet amendement a été présenté de manière absolument sérieuse et responsable. Or, cela ne signifie pas nécessairement qu’il est juste. Il existe différents points de vue. Le gouvernement a un point de vue différent de cet amendement, et j’ai fait de mon mieux pour le présenter.

C’était une longue réponse à une question simple.

Le sénateur Quinn [ + ]

Je serai également bref, monsieur le sénateur, si vous acceptez de répondre à une autre question.

La sénatrice Poirier et le sénateur Aucoin nous ont fait part de leur expérience d’avoir grandi dans leur communauté et des répercussions de cette expérience sur eux et leur famille. Pensez-vous que l’amendement contribuerait à réduire le risque d’assimilation?

Le sénateur Gold [ + ]

Je serai bref uniquement parce qu’on m’a invité à faire des conjectures sur des sujets que je ne connais pas très bien. Très franchement, je pense que le gouvernement du Canada ne devrait pas non plus prétendre avoir une connaissance approfondie de ces enjeux.

Le fait est que nous sommes saisis d’un amendement à une mesure législative qui traite de la disposition centrale de financement dans un projet de loi, qui est en outre guidée par un ensemble de principes. La position du gouvernement est que cet amendement est inapproprié et n’a pas sa place dans la disposition de financement pour les raisons que j’ai rabâchées avec votre indulgence. Je ne peux pas faire de commentaires sur cette question. Ce n’est pas ce que j’espérais pour les communautés francophones hors Québec, ni d’ailleurs pour ma propre communauté au Québec, pour être bien franc.

L’honorable Frances Lankin [ + ]

Sénateur Gold, je vous remercie pour votre discours. Vous avez soulevé bon nombre de considérations importantes que nous devons tous prendre en compte. Je remercie toutes les autres personnes qui ont participé au débat ce soir.

D’une part, l’amendement me plaît beaucoup, de même que la nature, l’objectif et l’esprit qui sous-tendent la volonté du Sénat de soutenir des mesures d’égalité, mais je suis très préoccupée par les points que vous soulevez en ce qui concerne les questions de compétences fédérales-provinciales.

Ayant fait partie d’un gouvernement provincial et sachant que nous nous insurgions contre le fédéral qui empiétait sur nos compétences, et qu’il s’agit d’une compétence exclusive des provinces, je pense que nous risquons de faire ce qui, selon nous, d’un point de vue politique, améliorerait le projet de loi. Cependant, est-ce là notre tâche d’un point de vue de politique? En fait, si cela peut mettre en péril le projet de loi ou son efficacité, je veux en savoir davantage.

Pouvez-vous expliquer plus clairement pourquoi cela pourrait nuire à l’objectif que nous appuyons tous ici en ce qui concerne l’amendement du sénateur Cormier? Existe-t-il d’autres exemples du même genre, comme les soins de santé — un secteur dans lequel les provinces fournissent la plupart des services, mais qui relève d’un champ de compétence un peu partagé par rapport à d’autres —, ou bien l’immigration ou les accords de lutte contre les changements climatiques avec les provinces, ou y a-t-il quelque chose de différent dans la méthode d’élaboration? Si c’est le cas, dites-le-nous. Si ce n’est pas le cas, je commencerai peut-être à remettre en question mon appui à l’amendement, car il ne relève peut-être pas de notre compétence.

Le sénateur Gold [ + ]

Je vous remercie de votre question, qui est excellente. Il n’est toutefois pas facile d’y répondre. Elle s’apparente davantage au cas de la santé qu’à celui du climat puisque, d’un point de vue constitutionnel, le climat est véritablement une responsabilité partagée, comme l’a souligné la Cour suprême. Ce n’est toutefois pas le cas de la santé : la santé et l’éducation relèvent exclusivement de la compétence provinciale.

Ceux d’entre nous — je ne dirai pas ceux d’entre vous, puisque j’ai vécu au Centre du Canada, au Québec et dans l’Ouest. Bref, certains sénateurs déplorent qu’à une époque lointaine, le conseil privé judiciaire a fait une interprétation très étroite des compétences du fédéral et a tellement élargi les compétences provinciales que les principaux leviers de l’État moderne — la santé, l’éducation, les relations de travail — sont tous provinciaux. Cela dit, il en est ainsi depuis 100 ans et nous avons dû trouver des façons de nous débrouiller.

Le gouvernement fédéral joue un rôle dans le secteur de la santé par la voie du financement, donc en utilisant son pouvoir de dépenser, une pratique qui ne fait d’ailleurs pas l’unanimité dans ma province. Nous le tenons pour acquis. J’ai vécu en Ontario pendant des années et j’y ai enseigné le droit. J’ai étudié le droit en Colombie-Britannique. Je suis en faveur du pouvoir de dépenser du fédéral parce que, très franchement, il nous permet d’accomplir des choses.

C’est comme en santé. On peut, dans une certaine mesure, imposer des conditions au financement qui est offert aux provinces et aux territoires, comme on le fait en santé. On dit aux provinces qu’on peut récupérer l’argent qu’on leur donne si les services ne sont pas accessibles à tous, ou alors on peut imposer des conditions comme la déclaration de certaines données, pour revenir à une discussion précédente sur un autre projet de loi. Cependant, dans le cas de la santé, on ne dit pas aux provinces qu’elles doivent dépenser cet argent. Nous ne pouvons pas légiférer en fonction du pouvoir de dépenser.

Dans ce cas-ci également, le gouvernement du Canada a conclu des ententes avec l’Ontario, la Colombie-Britannique et l’Alberta. Précisons que, selon ces ententes, l’argent doit aider les communautés linguistiques en situation minoritaire, les personnes handicapées, les communautés racialisées, les communautés autochtones et les habitants des régions éloignées. C’est très bien, parce que ce sont des contrats, mais l’argent est fourni sans les conditions. Les conditions sont négociées de façon bilatérale. Je suis désolé, c’est le professeur un peu rouillé qui parle.

C’est plutôt ainsi que cela fonctionne. Lorsqu’il offre du financement, le gouvernement du Canada ne peut pas nécessairement prévoir un engagement financier permanent de sa part, et surtout de la part des provinces, pour que l’on continue de financer, dans ce cas-ci, les communautés linguistiques en situation minoritaire. Le gouvernement fédéral n’a tout simplement pas le pouvoir d’imposer de telles conditions aux provinces.

C’est pourquoi, du moins de l’avis du gouvernement du Canada, des juristes et des responsables politiques qui ont rédigé ce projet de loi, l’article 8 devrait rester tel quel et ne concerner que ceux qui distribuent les fonds et ceux à qui les fonds sont destinés. Je ne sais pas si cela répond à la question.

La sénatrice Lankin [ + ]

C’est utile. Merci.

L’honorable Ratna Omidvar [ + ]

Merci, sénateur Gold, de vos observations, en particulier pour le préambule sur l’identité. Je vous suis reconnaissante de ces observations à la fois authentiques et sincères.

Je vais faire appel au professeur de droit qui est en vous — qu’il soit rouillé ou non — en lisant un extrait du témoignage du professeur Larocque, qui avait beaucoup à dire au sujet de l’article 8. Voici ce qu’il a dit :

[...] lorsque le législateur est muet dans une partie de la loi, mais explicite dans d’autres, les tribunaux ont le droit d’en déduire qu’il s’agit d’un mutisme intentionnel.

Il a ajouté :

En ne mentionnant pas les communautés de langue officielle en situation minoritaire à l’article 8, on permet essentiellement à un tribunal de conclure éventuellement que c’était l’intention du législateur, puisqu’on inclut des mentions spécifiques ailleurs dans le projet de loi, mais qu’on a voulu être silencieux [...]

dans le principe fondateur.

Je me demande comment le professeur de droit qui est en vous pourrait réfuter cette affirmation.

Le sénateur Gold [ + ]

Merci. J’ai énormément de respect pour les professeurs de droit. Je pense entre autres à notre collègue Brent Cotter. Ceux d’entre vous qui connaissent le métier savent que nous ne sommes pas toujours d’accord. En fait, nous bâtissons nos réputations en étant en désaccord les uns avec les autres. Il y a aussi de la politique dans le milieu universitaire, comme plusieurs d’entre vous le savent.

Je crois que je vais devoir m’inscrire en faux contre le point de vue du professeur. À mon avis, quand les tribunaux seront appelés à se pencher sur cette mesure législative, ils comprendront aisément que l’exclusion des groupes linguistiques minoritaires de l’article 8 était délibérée, dans le but d’établir clairement que le gouvernement du Canada n’a aucune obligation de financement à cet égard. Le gouvernement fédéral accorde énormément de financement aux communautés de langue officielle en situation minoritaire, Dieu merci. On pourrait même affirmer que ce financement devrait être bonifié.

Or, le gouvernement fédéral ne prend aucun engagement en matière de financement dans l’article 8 du projet de loi et il n’impose pas aux provinces et territoires d’en prendre par rapport aux communautés linguistiques dont ils sont responsables.

Sauf le respect que je dois au professeur, je crois que les tribunaux vont conclure que cet article cherche à établir, de manière cohérente et sans ambiguïté, une distinction entre les principes qui régissent la mise en œuvre de ce programme dans les provinces et les territoires et dans les communautés qui relèvent des gouvernements autochtones et ce que le gouvernement fédéral s’engage à fournir comme financement à ses partenaires mandatés par la Constitution pour en assurer la prestation.

L’honorable Renée Dupuis [ + ]

Est-ce que le sénateur Gold accepterait de répondre à une question?

Le sénateur Gold [ + ]

Bien sûr.

La sénatrice Dupuis [ + ]

Je suis ravie si vous répondez bien sûr!

Sénateur Gold, j’aimerais que vous nous expliquiez le raisonnement du gouvernement dans ce cas-ci. Vous avez fait le parallèle avec la santé, qui est également de compétence provinciale. Ici, on parle de programmes de garde et de services d’apprentissage pour les enfants. On parle aussi de droits fondamentaux.

Vous avez insisté sur le caractère délibéré du choix du gouvernement dans le cadre du projet de loi C-35. Ce caractère délibéré revient-il à dire qu’il n’y a pas de volonté de la part du gouvernement d’inclure une condition claire d’assurer des services aux minorités dans les provinces ou territoires? Est-ce que cela revient à dire que c’est davantage une question de volonté politique de ne pas l’inclure, plutôt que n’importe quelle autre obligation?

C’est pour cela que je veux faire le lien avec les droits fondamentaux. On parle du droit de s’exprimer dans sa langue. Le gouvernement fédéral dit vouloir protéger et encourager le respect des deux langues officielles et des langues autochtones, mais il me semble que votre justification indique plutôt qu’il n’y a pas de volonté d’aller jusque-là.

Le sénateur Gold [ + ]

Merci pour la question, sénatrice. Cela me donnera l’occasion, j’espère, de préciser la raison d’être de ma position.

Le point de départ, ce sont les accords bilatéraux négociés par le passé avec les provinces et les territoires, en respectant les champs de compétence, soit ceux du Parlement du Canada et la compétence exclusive dans ce domaine, dans les provinces et les territoires.

Dans le contexte de ces négociations, comme je l’ai souligné — à part pour le Québec —, dans chaque accord, il y a un engagement bilatéral à protéger et respecter non seulement le droit aux services pour les enfants issus des communautés linguistiques en situation minoritaire, mais aussi pour d’autres groupes dans la province ou le territoire, parce que chaque administration a ses propres particularités.

C’est le point de départ : dans ce contexte, il y a un respect pour la compétence de l’administration des provinces et territoires et des gouvernements autochtones qui ont négocié ces accords, mais tous les accords contiennent ces garanties.

Si on veut aller de l’avant, il faut compter sur les provinces et les territoires pour mettre de l’argent et des ressources sur la table et former ceux et celles qui vont prendre soin de nos enfants. Ce n’est pas juste un chèque du fédéral qui va, de façon miraculeuse, faire apparaître des milliers ou des centaines de milliers de places. Je ne sais pas le nombre exact de places dont nous avons besoin, mais c’est énorme.

On compte sur l’engagement continu des provinces et territoires et des gouvernements autochtones pour qu’on réussisse à donner aux Canadiens et Canadiennes les places dont ils ont besoin pour que les hommes et les femmes — qu’ils soient en situation monoparentale ou dans la situation de plus en plus commune où les deux parents doivent travailler — aient une place abordable en garderie pour leurs enfants. Il ne faut pas oublier la dynamique intergouvernementale de ce programme, qui est fondé sur la coopération provinciale-fédérale.

C’est un peu long comme réponse, et je m’en excuse, mais il est fondamental de saisir d’où cela provient. Le point de départ, ce sont les accords provinciaux-fédéraux qui contiennent les garanties et respectent les droits constitutionnels de nos communautés linguistiques en situation minoritaire.

Je ne sais pas si cela répond adéquatement à votre question, mais c’est le mieux que je puisse faire.

L’honorable Rose-May Poirier [ + ]

Sénateur Gold, est-ce que vous répondriez à une autre question?

Le sénateur Gold [ + ]

Oui, certainement.

La sénatrice Poirier [ + ]

Merci. Vous parliez dans votre discours — et j’ai entendu les mêmes paroles à plusieurs reprises — du respect que le gouvernement a pour les communautés linguistiques en situation minoritaire.

Au Nouveau-Brunswick, ces dernières années, la population francophone se situe entre 30 % et 33 % de la population totale. Cependant, quand on se penche sur le financement pour les garderies, pour les jeunes enfants, le pourcentage n’est pas de 30 à 33 %; il est plutôt de 16 %.

Comment pouvons-nous dire que nous sommes respectés en tant que minorité linguistique alors que nous ne recevons même pas le financement nécessaire bien que celui-ci soit prévu? Nous ne demandons pas — et l’amendement ne le demande pas non plus — davantage de financement. L’amendement ne change rien à cela. Tout ce que nous disons, c’est que nous devrions travailler ensemble pour nous assurer que — d’ici les prochaines négociations et dans les pourparlers bilatéraux qui nous occuperont jusqu’en 2025 — le pourcentage augmente un peu afin que les francophones puissent obtenir ce dont ils ont besoin pour pouvoir vivre dans la langue de leur choix et dans la culture qui est la leur depuis leur plus jeune âge. C’est de cela qu’il s’agit : réduire le nombre de personnes qui doivent passer par les tribunaux pour tout régler.

Si vous dites que c’est le respect qu’on nous accorde, alors rien dans l’amendement ne change quoi que ce soit au financement. Rien dans l’amendement n’enlève quoi que ce soit aux peuples autochtones ou ne porte atteinte à leurs droits linguistiques. Nous essayons de trouver une façon de nous rapprocher de la réalité. Il y a, certainement, un grand respect pour les gens qui sont en situation de minorité linguistique.

Le sénateur Gold [ + ]

Je comprends vraiment ce que vous voulez dire. J’ai essayé et j’espère avoir réussi. J’ai certainement essayé parce qu’il est important pour moi de ne pas suggérer que nous essayons d’une manière ou d’une autre de semer la division, et encore moins d’encourager celle-ci. Ce n’est pas l’objectif du gouvernement dans ce projet de loi et ce n’est pas au cœur de son opposition à cet amendement.

Il n’est pas juste que le financement des places en garderie dans votre province, ou dans toute autre province, ne corresponde pas aux besoins. Grosso modo, je reconnais que le financement est bien inférieur au pourcentage de la population. Je pars du principe que cela est exact. Cependant, il s’agit essentiellement d’un financement inadéquat de la part de votre province, n’est-ce pas?

Le financement supplémentaire que le gouvernement fédéral met à la disposition des provinces une fois qu’elles ont signé un accord — ce que votre province a fait et qui comprend les engagements financiers — constitue le moyen par lequel le gouvernement du Canada espère que davantage de places seront comblées pour répondre à l’ensemble des besoins de tous les Néo-Brunswickois, qu’ils soient anglophones, francophones, ruraux ou urbains.

Ce que la mesure législative ne fait pas — ou ne veut même pas proposer de faire —, c’est imposer des obligations financières précises aux provinces en ce qui concerne les groupes qui sont les bénéficiaires légitimes des places qui seront créées. Ces groupes, qu’on appelle communautés linguistiques et ainsi de suite dans les autres parties du projet de loi, sont désignés parce qu’ils sont importants. La responsabilité du gouvernement fédéral, telle qu’il la conçoit, est de fournir le financement aux provinces. Ils doivent négocier des ententes bilatérales qui incluent et respectent les principes constitutionnels et les droits des Canadiens, y compris ceux des communautés linguistiques.

Je suis désolé si cela ne semble pas respectueux. Le gouvernement du Canada est d’avis qu’il respecte sa compétence constitutionnelle. Il respecte les droits des minorités linguistiques dans chacune des ententes bilatérales qu’il a signées. Ce n’est pas suffisant et je le comprends. J’ai entendu les discours et j’y suis sensible.

C’est toutefois ainsi que le gouvernement voit ses responsabilités et la mesure législative qu’il a présentée.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Est-ce que la sénatrice a une question complémentaire?

La sénatrice Poirier [ + ]

Oui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une question complémentaire, sénateur Gold?

La sénatrice Poirier [ + ]

Même en tenant compte de tout ce que vous venez de dire, je ne vois pas de risque à appuyer cet amendement. L’amendement vise la poursuite des négociations et les futures ententes bilatérales jusqu’en 2025, en prévoyant que cet aspect soit à tout le moins inclus dans les discussions avec les provinces afin que nous nous approchions de cet objectif.

Ne convenez-vous pas que cet amendement n’a rien de nuisible? En fait, il pourrait ouvrir une porte permettant aux gens de penser aux dispositions incluses qui pourraient ne pas être respectueuses des langues minoritaires.

Le sénateur Gold [ + ]

Encore une fois, je comprends l’argument. Cependant, et je ne m’excuserai pas de vous donner une réponse de nature juridique, les avocats du gouvernement qui ont analysé l’amendement proposé à l’article 8 sont d’avis que cet amendement, même s’il est bien intentionné, comporte malheureusement des risques. Le gouvernement le considère comme inutile parce que le projet de loi en soi engage déjà le gouvernement fédéral à respecter systématiquement la Loi sur les langues officielles.

Tout ce que fait le gouvernement fédéral doit respecter la Constitution du Canada. La Constitution du Canada inclut l’éducation et le respect des droits des minorités linguistiques dans leurs institutions, que ce soit dans l’article 16 ou dans des articles portant sur d’autres domaines. La Constitution crée des obligations pour les deux ordres de gouvernement. Il n’y a aucun moyen — à part le recours à la disposition de dérogation, que le gouvernement actuel n’a pas l’habitude d’utiliser — de se soustraire à ces obligations constitutionnelles.

Pendant la rédaction du projet de loi, des juristes ont dit au gouvernement que l’inclusion d’une telle mesure était inappropriée et pourrait avoir des conséquences imprévues, comme j’ai déjà tenté de le dire, et qu’elle était inutile compte tenu des principes et des obligations qui existent déjà, que ce soit dans les accords bilatéraux ou dans la Constitution elle-même.

L’honorable René Cormier [ + ]

Sénateur Gold, je voudrais vous entendre sur la responsabilité du gouvernement fédéral en fonction de la Loi sur les langues officielles, et particulièrement en fonction de la partie VII de la Loi et de la prise de mesures positives. Le gouvernement, au moyen de la nouvelle Loi sur les langues officielles, s’est engagé, dans ses relations avec ses partenaires, à prendre des mesures positives pour assurer le développement et l’épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Dans ce que vous avez énoncé comme étant des problèmes, comment le gouvernement peut-il justifier son engagement envers la prise de mesures positives en fonction de la partie VII de la loi? Comment peut-il justifier le fait de ne pas accepter d’inclure quelque chose qui, comme on l’a déjà exprimé, ne porte pas atteinte aux droits des peuples autochtones, ne porte atteinte à aucun droit?

Ma question sous-jacente est la suivante : pouvez-vous me dire comment vous déterminez la différence entre un principe directeur et ce qu’on appelle un engagement financier dans l’article 8?

Le sénateur Gold [ + ]

Merci pour la question. Les obligations énoncées dans la Loi sur les langues officielles sont importantes. C’est un instrument quasi constitutionnel. Je pense que le gouvernement prend très au sérieux toutes ses responsabilités.

Néanmoins, ce projet de loi ne porte pas sur les langues officielles. C’est un projet de loi qui créerait un cadre pour continuer le financement des places en garderie pour les enfants négociées et livrées par les provinces et les territoires. Comme je l’ai dit, je ne veux pas me répéter, mais c’est... J’ai peut-être manqué quelque chose, mais il s’agit de deux situations distinctes. Ce n’est pas nécessaire, et cela ne nie pas l’obligation assumée par le gouvernement du Canada auprès des communautés linguistiques au Canada dans le contexte de la Loi sur les langues officielles de dire que, dans un autre contexte... Cela m’amène à votre deuxième question.

Quand il y a des principes qui guident les ententes et la livraison de ce programme, je pense que c’est complètement cohérent que le gouvernement du Canada dise, d’un côté, qu’on fait une distinction entre ceux et celles qui reçoivent l’argent et sont responsables de créer les places et, en même temps, que le gouvernement détermine les principes qui doivent guider la livraison des places dans les provinces et les territoires et dans les négociations entre le gouvernement fédéral et ses homologues provinciaux et territoriaux. Voilà la raison de l’importance des principes qui figurent dans l’article 7 et dans les autres articles déjà mentionnés. Cela guidera le gouvernement fédéral quand il renouvellera les ententes avec les provinces. Une référence à la Loi sur les langues officielles est aussi incluse dans le projet de loi.

Encore une fois, je pense que je me répète un peu, mais c’est la façon dont le gouvernement voit les choses.

L’honorable Diane Bellemare [ + ]

J’ai une question très brève à poser au représentant du gouvernement. Avez-vous une alternative à proposer pour ce qui est de la protection des minorités linguistiques?

Le sénateur Gold [ + ]

Pour une fois, je serai très bref en répondant.

Non, je n’ai pas d’alternative à proposer. C’est la position du gouvernement : cet amendement n’est pas nécessaire et n’est pas approprié. Ultimement, on pourra bientôt — je l’espère — passer au vote et on verra. Ultimement, c’est à nous de décider. J’ai fait de mon mieux pour expliquer le point de vue gouvernemental. Ultimement, on va procéder au vote. Si l’amendement est adopté, la Chambre des communes va le considérer avec tout le respect qu’il accorde à nos amendements et on verra s’il y a un message qui revient au Sénat ou non. C’est tout ce que je peux dire. Non, je n’ai pas d’alternative à proposer.

Le sénateur Gold accepterait-il de répondre à une ou deux questions sur ce projet de loi et sur l’amendement?

Le sénateur Gold [ + ]

La réponse est oui. J’accepte, sénateur.

Je vous remercie. Sénateur Gold, sommes-nous d’accord pour dire que l’article 8 de ce projet de loi porte sur l’exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans des domaines de compétence provinciale, comme vous l’avez indiqué tout à l’heure, dans le domaine de l’éducation préscolaire et d’autres domaines semblables?

Le sénateur Gold [ + ]

C’est une bonne question. Vous êtes un excellent professeur de droit et un bon juriste, et c’est une question un peu délicate. Ce n’est pas une critique.

Ce n’est pas une question piège, bien que cela y ressemble. Je m’en excuse.

Le sénateur Gold [ + ]

Non. Je faisais une analogie avec la santé. Je ne veux absolument pas laisser entendre que la responsabilité du gouvernement fédéral — que ce soit à l’égard des Autochtones, des personnes handicapées ou des communautés linguistiques —, consiste uniquement à s’en laver les mains moyennant quelques dollars. Ce n’est pas ce que je veux laisser entendre. En réponse à la question de la sénatrice Lankin, la meilleure analogie que je peux faire est que cela se compare davantage au domaine de la santé qu’à celui des changements climatiques, où interviennent un système d’échanges et de pouvoirs, et le pouvoir général. Vous voyez ce que je veux dire? C’est tout ce que j’entendais par là.

J’accepte l’analogie, et je pense qu’elle est bonne. L’amendement du sénateur Cormier ajoute ensuite une autre catégorie de personnes visées par l’engagement financier du gouvernement du Canada. On autoriserait ainsi le gouvernement du Canada à faire des dépenses dans des champs de compétences fédéraux et provinciaux, comme vous venez vous-même de le souligner. Je ne vois donc pas pourquoi on ne voudrait pas appuyer cela au nom du gouvernement ou refuser de prendre un engagement financier envers un autre ensemble de communautés qui veulent du financement.

Le sénateur Gold [ + ]

Avec tout le respect que je vous dois, sénateur Cotter, ce n’est pas tout à fait la raison pour laquelle le gouvernement s’y oppose. Encore une fois, nous examinons un projet de loi et nous nous demandons, comme l’ont fait le sénateur Cormier et les témoins, « C’est très bien maintenant, mais que se passera-t-il à l’avenir? » Sans le libellé, un tribunal pourrait conclure que l’absence de l’article 8 signifie que nous pouvons nous laver les mains de l’exigence. Il s’agit d’une spéculation sur l’avenir, fondée sur un principe particulier et totalement crédible d’interprétation des lois.

La préoccupation du gouvernement du Canada concernant l’amendement — la raison pour laquelle il s’y oppose — n’est pas différente. Il dit : « Écoutez, si nous l’introduisons, il pourrait y avoir des conséquences imprévues quand un juge ou les personnes chargées d’un examen en sont saisis, et ce n’est pas l’intention. » Le projet de loi n’a pas été conçu pour créer ce type d’obligations de financement.

Le projet de loi représente un engagement envers les citoyens canadiens, indépendamment de leur langue, de leur région, de leur handicap, de l’absence de handicap ou de leurs circonstances, afin de leur garantir l’accès aux places en garderie dont ils ont besoin. Il se fait attendre depuis longtemps.

Comme il a pu obtenir la collaboration et la coopération de l’ensemble des provinces et des territoires, le gouvernement du Canada a été en mesure de construire, pour la première fois, un système national. Il compte sur les provinces et les territoires pour livrer la marchandise. Il s’appuie sur la dynamique de la collaboration, de la négociation et de l’orchestration fédérale-provinciale — j’utilise le terme fédéral-provincial pour abréger — afin de réaliser ce projet dans l’intérêt des Canadiens.

Il ne faut pas croire que nous ne voulons pas ajouter un groupe de plus. Comme je l’ai dit au début de mes remarques plus ou moins préparées, nous nous inquiétons des conséquences potentielles qui seraient incompatibles avec l’objectif du projet de loi.

Je sais que cela ne satisfait pas ceux d’entre vous qui appuient le projet de loi avec ferveur et je le respecte. C’est néanmoins la position du gouvernement, et je vous la présente avec humilité et respect.

L’honorable Andrew Cardozo [ + ]

Honorables sénateurs, c’est l’un des débats les plus stimulants et les plus intéressants que j’ai vu au Sénat depuis longtemps. Si je dis « stimulant », c’est d’un point de vue intellectuel. J’ai écouté les discours des sénateurs Moodie, Cormier, Aucoin et de bien d’autres. J’aimerais reprendre à partir de la question posée par ma collègue, la sénatrice Bellemare.

Lorsque nous effectuons notre second examen objectif, nous offrons souvent nos meilleurs conseils à la Chambre élue. Si nous adoptions cet amendement, nous dirions « Voici nos meilleurs conseils, et voici pourquoi. » Mes collègues ont décrit tout cela bien mieux que moi. Cela donne au gouvernement élu et à la Chambre des communes l’occasion d’examiner ce que nous leur disons. Ils peuvent soit accepter, soit présenter autre chose. Comme la sénatrice Bellemare l’a dit : « Quelles autres suggestions y a-t-il? »

C’est souvent ce qui s’est passé lorsque nous avons apporté des amendements. La Chambre en a accepté certains, en a modifié d’autres, puis nous les a renvoyés. Nous lui disions alors : « Nous croyons que c’est ce qui devrait se passer. Vous avez peut-être des réserves au sujet de la constitutionnalité. Pouvez-vous nous présenter quelque chose qui tient compte de ces réserves et les règle? »

Ne serait-ce pas le moment d’avoir ce genre de discussion entre le Sénat et la Chambre des communes?

Le sénateur Gold [ + ]

Merci, monsieur le sénateur, de cette question.

Dans une certaine mesure, oui, lorsque nous adoptons un amendement, cela donne à l’autre endroit l’occasion d’y réfléchir. Notre travail consiste à faire preuve de discernement et à suggérer, à proposer et à adopter des amendements pour améliorer le projet de loi lorsque nous estimons qu’il est approprié de le faire. Toutefois, bien entendu, vous ne me posez pas la question — en théorie, c’est vrai.

Je suis convaincu que notre rôle en tant que législateurs ne consiste pas uniquement à lancer des idées pour voir lesquelles l’autre endroit est prêt à adopter. Ce serait irresponsable. Nous ne sommes pas convoqués ici simplement pour générer des idées. Honnêtement, un algorithme pourrait faire cela.

Nous sommes ici pour effectuer un second examen objectif, et « objectif » est une importante partie de cet exercice, pas vrai? Cela signifie que nous devons réellement y réfléchir. « Second examen » implique également que nous avons un rôle différent de celui des représentants élus, que les choix qu’ils font en matière de politique publique, la décision qu’ils prennent d’adopter tel instrument plutôt qu’un autre, méritent que nous les prenions en considération.

Nous pensons peut-être avoir une meilleure idée. Nous pensons peut-être être plus intelligents qu’eux. C’est peut-être parfois le cas, et il peut arriver que nos idées soient meilleures, mais nous devons respecter le fait que nous sommes ici pour évaluer adéquatement si la mesure qu’ils ont adoptée respecte les paramètres de la constitutionnalité, respecte les minorités et respecte tous les critères que nous utilisons pour déterminer si un amendement est de mise ou non.

Enfin, ce que nous faisons, c’est un « examen ». Nous avons entendu d’excellents discours du sénateur Cormier et de beaucoup d’autres qui ont défendu avec passion les raisons pour lesquelles cette mesure est importante et ne nuit en aucun cas. Je n’ai pas cherché à entendre qu’elle était nuisible. J’ai vraiment essayé de ne pas le faire, parce que je vous dis ce que je crois. Je ne suis pas en train de tirer la sonnette d’alarme. Je ne pense pas que ce soit un exercice approprié pour nous.

À mon avis et de l’avis du gouvernement, si nous lisons attentivement le projet de loi — beaucoup l’ont fait, mais, bien sûr, nous ne l’avons pas tous fait. Pour être franc, ce serait impossible. Ceux qui ne siègent pas au comité et qui n’ont pas décidé d’en faire une priorité n’auront pas lu le projet de loi de la même manière que le sénateur Cormier, de nombreux autres sénateurs et moi-même l’avons fait, ni de la même manière que le gouvernement l’a fait lorsqu’il l’a rédigé.

Compte tenu de ce qu’on peut lire dans le projet de loi, de sa structure et de la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution — je ne dis pas qu’il s’agit d’un amendement inconstitutionnel. Je n’ai pas dit cela. Ce n’est pas ce que je suis en train de dire. Cependant, quand on tient compte de la répartition des pouvoirs prévue par la Constitution et des champs de compétence des divers intervenants, alors le projet de loi a du sens. On peut ne pas l’appuyer; bon nombre d’entre vous voteront en faveur de cet amendement parce que vous pourriez être en désaccord avec moi même si vous croyez tout ce que je dis. C’est le Sénat qui décidera. Lorsque vous n’aurez plus de questions à me poser, nous pourrons alors passer au vote.

Le sénateur Plett [ + ]

Bravo!

Le sénateur Gold [ + ]

Mon ami le sénateur Don Plett dit « Bravo ».

En tout respect — et je vous remercie de votre question —, il serait irresponsable de notre part de simplement dire, au sujet de cette mesure législative ou de tout autre projet de loi : « Eh bien, peu importe, ils décideront. » Ce serait abdiquer notre rôle. Nous avons une responsabilité. Les gens ne seront pas d’accord sur les limites de notre rôle. Et, encore une fois, je ne me sers pas de l’argument — je l’ai déjà utilisé et je promets de l’utiliser encore — selon lequel nous dépassons les limites de notre rôle ici. N’est-ce pas? Ce n’est pas ce que je dis.

Je ne suis pas en train de dire que nous devons faire preuve de déférence et que, par conséquent, nous ne devrions pas apporter d’amendement. Ce que je dis, c’est que cet amendement — pour des motifs liés aux politiques, à la rédaction, à l’interprétation des lois et aux relations intergouvernementales — n’est pas approprié. Il est motivé par de bonnes intentions et nourri par un engagement ardent, nécessaire et loyal envers la survie de nos communautés linguistiques, qui sont en péril dans bien des cas.

Je vous demande sincèrement de ne plus me poser de questions à moins que vous n’ayez vraiment pas entendu la réponse, car je me répète ad nauseam. Passons au vote, et que sera, sera.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénateur Forest, vous aviez une question?

L’honorable Éric Forest [ + ]

Sénateur Gold, on reconnaît bien votre génétique de professeur. Je sens que la grande préoccupation du gouvernement se situe sur le plan du respect et des obligations telles que définies dans notre Constitution. L’amendement qui est proposé dans ce cas-ci pourrait permettre de créer une ouverture.

On a souvent fait la comparaison entre l’éducation et la santé, qui sont toutes deux de compétence provinciale et territoriale. Vous l’avez dit, le rôle du gouvernement fédéral est, en concluant des accords, d’assurer du financement pour aider les provinces et les territoires à assumer cette responsabilité.

La deuxième partie de l’amendement dit exactement la même chose. Je ne comprends pas pourquoi on ne fait pas de la main gauche ce qu’on fait déjà de la main droite dans le domaine de la santé. La deuxième partie de l’amendement dit ceci, et je cite :

(2) Ce financement doit être accordé principalement dans le cadre d’accords avec les gouvernements [...]

S’il y a bien des accords, on peut présupposer que les deux parties conviennent d’une situation qui les satisfait mutuellement et qui respecte les obligations constitutionnelles de chacune d’elles. Je ne comprends pas. L’amendement vient préciser et confirmer certaines choses. Dans le cadre de ces ententes, le respect est donc une garantie selon laquelle les obligations constitutionnelles seront respectées.

Le sénateur Gold [ + ]

Il me sera difficile de répondre brièvement, mais je vais faire de mon mieux. L’article tel qu’il a été rédigé dans le projet de loi est un sous-paragraphe et, selon l’opinion des juristes du gouvernement, comme je l’ai expliqué à plusieurs reprises, il y a un risque de conséquences inattendues si l’on inclut une référence au comité qui s’occupe des questions linguistiques.

Le sénateur Cormier a scindé cette disposition en proposant et en insistant — ce n’est peut-être pas le mot exact —, en disant que cela réglait le problème, parce qu’il y en a maintenant deux. La question a été posée aux fonctionnaires au comité : « Selon vous, le fait que cet article soit scindé en deux parties fera-t-il une différence pour ce qui est de l’interprétation possible de cet article? » La réponse des fonctionnaires était claire, et ils ont dit que non. Selon eux, cela ne fera aucune différence. En fait, peu importe la façon dont l’article est rédigé, dans le contexte, que ce soit un ou deux paragraphes, que ce soit l’alinéa a) ou b), selon les fonctionnaires du gouvernement, malheureusement, cela ne règle pas le problème.

L’honorable Pierrette Ringuette [ + ]

Sénateur Gold, j’ai besoin de vous poser une question. La responsabilité à l’égard des minorités au pays réside dans le pouvoir de dépenser et la responsabilité du gouvernement fédéral. Ce que je lis ici dans l’amendement, on ne l’a pas vu. En tout cas, je ne l’ai pas vu, et j’ai demandé à différentes personnes si elles avaient vu une copie de l’entente qui avait été signée entre le gouvernement fédéral et le gouvernement du Nouveau-Brunswick, par exemple, dans laquelle vous avez affirmé qu’il y avait des obligations.

Comme la sénatrice Poirier l’a montré, la province du Nouveau‑Brunswick fournit seulement 16 % des sièges, alors qu’elle devrait en fournir 33 % pour la communauté francophone du Nouveau‑Brunswick. Il revient donc au gouvernement fédéral, au moyen de cette disposition, de renflouer ce qu’elle ne peut pas faire par l’intermédiaire de l’entente avec la province. C’est là où je vois la responsabilité du gouvernement fédéral. Outre le Nouveau‑Brunswick, aucune autre province canadienne n’a une responsabilité constitutionnelle à l’égard de ses communautés minoritaires. Il y a des lois dans certaines provinces, mais en réalité, s’il existe une entente avec une province qui ne respecte pas les minorités et les engagements qu’on a pris envers elles, cela devient une responsabilité du gouvernement fédéral.

Le sénateur Gold [ + ]

Je vais séparer ma réponse en deux. Premièrement, la responsabilité de protéger les droits des minorités linguistiques ne relève pas uniquement du gouvernement fédéral. Non. C’est la responsabilité de tous les gouvernements, selon la Constitution canadienne. L’article 16 lie tous les gouvernements. De plus, l’article 15, qui donne le droit à l’égalité, a aussi des implications indirectes qui lient tous les ordres de gouvernement. Voilà une chose.

Pour ce qui est de la responsabilité du gouvernement fédéral, si l’on parle de la Loi sur les langues officielles pour tous les programmes qui sont financés par le gouvernement pour aider les communautés en situation minoritaire ou pour financer le programme visant à faire en sorte que ceux et celles qui le souhaitent peuvent être financés ou soutenus lorsqu’ils veulent prendre une action contre le gouvernement quand leurs droits ne sont pas respectés, il est évident qu’il s’agit d’une responsabilité partagée par tous les ordres de gouvernement.

En ce qui a trait à la question du Nouveau-Brunswick, comme je l’ai dit dans mon discours, dans l’accord existant, il y a un engagement selon lequel le gouvernement fédéral exige certaines choses de la part du gouvernement du Nouveau-Brunswick. J’ai le texte en anglais.

Je vais le relire :

[L]e Nouveau-Brunswick s’engage à élaborer et à financer un plan pour s’assurer que le processus de création de nouvelles places tient compte des enfants et des familles diversifiés ou vulnérables — y compris les enfants handicapés et les enfants ayant besoin d’un soutien accru ou individuel, les enfants autochtones, les enfants noirs et autres enfants racisés, les enfants de nouveaux arrivants et les minorités de langue officielle — afin qu’ils aient accès à un nombre de places équivalent ou supérieur à leur proportion de la population dans la province [...]

Il est vrai que, apparemment et tristement, ce n’est pas le cas maintenant, mais selon cet accord, la situation est censée s’améliorer. Si elle ne s’améliore pas, grâce à ces accords, le gouvernement du Canada a le levier requis pour cesser d’appuyer le gouvernement provincial. Il ne faut pas nier le fait que c’est ultimement la responsabilité des provinces de créer les places en garderie et d’honorer leurs obligations et les ententes qu’elles concluent avec le gouvernement du Canada lorsqu’il leur donne des fonds pour administrer ces programmes.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Vous n’êtes pas prêts à vous prononcer? Pardon, mais j’ai entendu quelqu’un dire « non ».

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente [ + ]

À mon avis, les oui l’emportent.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la durée de la sonnerie?

Conformément à l’article 9-10(1) du Règlement et à l’ordre adopté le 21 septembre 2022, le vote est reporté à 16 h 15 demain et la sonnerie retentira à 16 heures.

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