Aller au contenu

Projet de loi canadienne sur l'accessibilité

Deuxième lecture--Débat

19 mars 2019


Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer le projet de loi C-81, Loi visant à faire du Canada un pays exempt d’obstacles.

Le projet de loi C-81, avec ses 74 amendements, a été adopté à l’unanimité à la Chambre des communes le 27 novembre 2018.

Avant de commencer à décrire les éléments clés de cet important projet de loi, je souhaite vous raconter une fable. J’ai déjà conté cette fable dans les années 1980 lorsque je faisais la formation de planificateurs ruraux en Indonésie pour parler de l’inclusion des sexes. En réfléchissant à l’importance de cette mesure législative pour que le Canada soit un pays exempt d’obstacles, je n’ai pu m’empêcher de repenser à la célèbre fable d’Ésope.

Voici la fable : un renard invite une grue à manger et lui offre de la soupe dans un grand bassin plat en pierre. Évidemment, le renard n’a aucune difficulté à manger la soupe dans ce récipient, mais il n’en est pas de même pour la grue qui, chaque fois qu’elle essaie de remplir son long bec, voit la soupe s’en échapper immédiatement. Le renard s’amuse à souhait de la contrariété de la grue qui n’arrive pas à manger. La grue décide à son tour d’inviter le renard à manger et lui sert de la soupe dans une carafe à col long et étroit. Évidemment, la grue n’éprouve aucune difficulté à insérer son long cou dans la carafe et à en déguster le contenu tout à loisir. Le renard quant à lui n’arrive même pas à goûter la soupe.

Cette fable peut, d’une part, être considérée comme une simple illustration de la règle d’or qu’on trouve dans presque n’importe quelle règle éthique : il faut traiter son prochain comme on souhaite être traité. Néanmoins, à un autre niveau, je crois que cette fable porte essentiellement sur l’objet même de cette mesure législative. Elle parle de ce qui arrive lorsqu’on ne prend pas en compte la diversité des besoins, des capacités et des réalités des gens. La prise en compte d’une seule réalité, soit celle du renard ou celle de la grue, entraîne une exclusion. Lorsqu’on ne propose que des récipients plats ou à long col étroit, quelqu’un se trouve forcément exclu.

Autrement dit, pour que la fête soit inclusive — je parle de la fête à laquelle nous souhaitons que participe tout le monde au Canada —, nous devrons offrir des récipients de formes et de proportions diverses. Il faut également songer à différents types de tables et à une variété de sièges, en fonction des convives invités à la table proverbiale.

Tous les citoyens et résidents ont leur place à la table du Canada, et nous travaillons à améliorer cet aspect ici, au Sénat du Canada.

Dans le discours éloquent qu’il a prononcé lors de la présentation du projet de loi C-81, le sénateur Munson a déclaré ce qui suit :

Chers sénateurs, aucun groupe ne devrait avoir à se battre pour jouir pleinement des droits inhérents à la citoyenneté. Il faut envoyer comme message que les personnes handicapées apportent une contribution civique, sociale et économique qui a beaucoup de valeur pour la société canadienne. Après tout, c’est bien le cas. Grâce à la loi canadienne sur l’accessibilité proposée, on ne refusera plus systématiquement aux personnes handicapées des possibilités d’inclusion.

Le projet de loi C-81 est le fruit de nombreuses années d’efforts de la part de personnes, de familles et d’organismes, comme les 179 membres de l’Alliance pour une loi fédérale sur l’accessibilité, qui s’est battue contre les systèmes qui excluaient les Canadiens handicapés, peu importe leur incapacité. Le slogan de cet organisme, « Je fais partie de mon Canada », nous rappelle ce qu’est l’essence du projet de loi. Évidemment, le projet de loi est aussi le fruit de nombreuses heures d’écoute attentive, d’étude et de créativité de la part de nos éminents collègues au sein du gouvernement.

Dans son discours de présentation du projet de loi C-81 à la Chambre des communes, la ministre Qualtrough nous a rappelé ce qui suit :

La façon dont nous avons traité les Canadiens handicapés par le passé n’est pas glorieuse. C’est une histoire marquée par l’institutionnalisation, la stérilisation et l’isolement social. En raison de notre peur de l’inconnu et de la différence, nous avons créé des systèmes qui, à dessein, séparaient les enfants de leur famille, privaient les citoyens de leur pouvoir, perpétuaient un modèle médical du handicap qui percevait les personnes handicapées comme des personnes ayant besoin qu’on leur fasse la charité ou des bénéficiaires passifs d’aide sociale. Nous avons traité nos citoyens comme s’ils étaient dysfonctionnels alors que, au contraire, c’était nos systèmes et nos politiques qui l’étaient.

Lorsqu’elle avait cinq ans, la ministre Qualtrough aurait dû quitter sa famille pour fréquenter une école pour les non-voyants dans une autre province. Heureusement, ses parents, comme plusieurs autres parents de leur génération, ont insisté pour qu’elle soit éduquée dans sa collectivité.

Au Coady International Institute, où j’ai travaillé de nombreuses années, on offre de la formation à des collectivités et à des dirigeants d’organisation de partout au Canada et de l’étranger. Le travail de l’institut est fondé sur une approche de perfectionnement axée sur les atouts et dirigée par les citoyens. Dans la formation offerte, il est souvent question de l’exemple, de l’influence et du travail de Judith Snow. Judith Snow, qui souffrait d’amyotrophie spinale, a réussi en tant qu’écrivaine, actrice, artiste et éducatrice. Elle était connue mondialement comme une championne de l’inclusion.

Mme Snow, décédée chez elle à Toronto en 2015, à l’âge de 65 ans, a fait mentir les pronostics de tous les médecins en vivant 35 ans de plus que l’espérance de vie qu’on lui donnait. Je pense que certaines réflexions de Judith Snow méritent d’être portées à l’attention du Sénat et qu’elles peuvent nous éclairer dans le débat actuel et dans notre étude du projet de loi, lequel est d’une importance historique.

Elle a dit :

J’ai vécu en marge de la société et mené une âpre lutte pour y participer.

Je suis une penseuse et une rêveuse.

J’ai la réputation d’être visionnaire.

Étudions ce qui rend les collectivités capables d’accueillir les gens dans toute la diversité de leurs talents et de leurs rêves.

Dans le monde d’aujourd’hui, il existe une culture nouvelle et dynamique. Elle est jeune et encore en formation, mais elle existe véritablement et, si on la cultive avec soin, sa vie et sa croissance promettent d’être spectaculaires. C’est la culture de l’inclusion.

La culture de l’inclusion part de l’affirmation que tous les êtres humains ont des talents.

Notre but n’est pas d’aider les gens. Il consiste à établir un nouveau genre de communauté où nous vivrons tous.

John McKnight de l’ABCD Institute de l’Université DePaul, Jack Pearpoint, l’ancien président du Collège Frontière, et John O’Brien, un chercheur et porte-parole en matière d’inclusion, ont tous écrit ce qui suit au sujet de Mme Snow :

Judith a beaucoup réfléchi à son cheminement, à la façon dont les collectivités peuvent grandir, à la notion de pouvoir dans la société et à la façon de permettre aux personnes qui sont généralement marginalisées parce qu’elles ont besoin d’aide et de mesure d’adaptation de contribuer à la société.

Ce projet de loi qui vise à bâtir un Canada exempt d’obstacles respecte les engagements que nous avons pris d’améliorer continuellement notre système de droits de la personne et nos lois rigoureuses contre la discrimination. Les personnes ayant une invalidité sont protégées par ces lois et la Charte canadienne des droits et libertés. Le Canada est signataire de la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées et du Programme de développement durable à l’horizon 2030, dont cinq des objectifs répondent aux besoins particuliers des personnes handicapées.

Comme vous m’avez entendu le dire dans mon premier discours en mai, je suis convaincu que l’inclusion est à la fois une fin et un moyen d’atteindre les objectifs de développement durable.

Haut de page