
Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)
Deuxième lecture
21 juin 2023
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu). Il s’agit d’une mesure nécessaire et urgente pour protéger la vie et la sécurité des Canadiens, et plus particulièrement des femmes et d’autres groupes marginalisés qui sont touchés de manière disproportionnée par la violence armée.
J’aimerais remercier le sénateur Yussuff d’avoir parrainé ce projet de loi, ainsi que la sénatrice Coyle, la responsable législative pour le Groupe des sénateurs indépendants, du travail qu’elle a fait sur la mesure législative.
Je veux commencer par une histoire. C’est une histoire que plusieurs d’entre vous connaissent très bien; une histoire que nous devons raconter encore et encore lorsque nous faisons face à des questions comme celles qui sont soulevées par le projet de loi C-21.
Le 6 décembre 1989, des étudiantes et étudiants en génie de l’École Polytechnique de Montréal étudiaient. Vers 17 heures, un homme de 25 ans, qui sera plus tard identifié comme étant Marc Lépine, est entré dans l’immeuble. Il était habillé d’un uniforme militaire et portait secrètement sur lui un Ruger Mini-14, un fusil semi-automatique léger qu’il avait acheté dans un magasin d’articles de sport local trois semaines plus tôt.
Après avoir passé une heure dans le hall d’entrée, Lépine s’est rendu au deuxième étage de l’édifice, où il s’est introduit dans une salle de classe où se trouvaient environ 60 étudiants, hommes et femmes.
Forçant les hommes à partir, il a déclaré qu’il haïssait les féministes, et à 17 h 10, il a ouvert le feu. Rapidement, il a quitté la classe et a tiré sur de nombreuses femmes en se rendant au rez‑de‑chaussée et au troisième étage, où il s’est introduit dans une autre classe.
Après avoir tué 14 femmes et en avoir blessé 10 autres, ainsi que quatre hommes, Lépine a tiré son dernier coup de feu à 17 h 29, mettant fin à ses jours.
Ce jour-là, Lépine a laissé dans le deuil les familles et les amis des personnes qu’il avait tuées. Dans la confusion qui a suivi, Lépine a été déclaré fou par la presse et les professionnels, qui ont choisi de ne pas se concentrer sur le sexe des victimes.
Cet événement horrible est resté gravé dans l’esprit des Canadiens, suscitant un débat national sur le contrôle des armes à feu et la violence à l’égard des femmes. Toutefois, il a également révélé l’ampleur du travail à accomplir pour empêcher que de telles tragédies se reproduisent.
C’est pourquoi je pense que nous devons étudier le projet de loi C-21. Il renferme plusieurs mesures visant à réduire le risque de violence et de décès liés aux armes à feu au Canada. Honorables sénateurs, malgré cet incident tragique, la violence contre les femmes demeure un problème persistant au Canada.
En 2018, la police a reçu environ 600 signalements concernant des incidents de violence entre partenaires intimes impliquant des armes à feu, alors que ce nombre était de 401 en 2013. En 2020, Sécurité publique Canada a déclaré que parmi les victimes de violence entre partenaires intimes, près de 8 sur 10 étaient des femmes. De plus, un rapport publié par Statistique Canada en 2022 révèle que les femmes et les filles sont touchées de manière disproportionnée par la violence liée aux armes à feu, tout comme les minorités visibles, les personnes LGBTQ2, les enfants et les jeunes, les familles à faible revenu, les personnes vivant dans la pauvreté et les habitants des collectivités nordiques et éloignées.
Le projet de loi C-21 est un projet de loi sur la sécurité qui vise à protéger les Canadiens contre la violence liée aux armes à feu. Aucune solution n’est parfaite, mais nous pouvons prendre des mesures pour réduire les risques de blessures ou de décès par arme à feu.
Comme vous le savez, la violence liée aux armes à feu a augmenté au Canada au cours de la dernière décennie. Ainsi, selon Statistique Canada, le pourcentage d’homicides commis à l’aide d’une arme à feu est passé de 26 % en 2013 à 37 % en 2020.
Selon les résultats d’une étude effectuée par Statistique Canada en 2021, au Canada, environ tous les six jours, une femme est tuée par son conjoint. La Fondation canadienne des femmes a aussi établi que l’accès à une arme à feu est le meilleur indicateur pour déterminer le risque de mortalité liée à la violence conjugale.
Le projet de loi C-21 vise à combattre la violence entre partenaires intimes et la violence fondée sur le sexe en mettant en place des dispositions permettant d’intervenir rapidement et de signaler certaines situations. En ce qui concerne les interventions, toute personne pourrait demander à un juge d’une cour provinciale une ordonnance d’interdiction d’urgence de possession d’armes afin que l’on confisque, dans un délai de 24 heures, les armes à feu d’une personne pouvant présenter un danger pour elle-même ou pour autrui. On a renforcé cette disposition en permettant à une personne de demander une ordonnance de restriction si l’intimé a accès à l’arme à feu d’une autre personne.
Dans ce genre de situation, le juge peut rendre immédiatement une ordonnance pour que les armes à feu de cette personne soient également confisquées. L’interdiction temporaire durerait 30 jours. Cependant, il est possible de la prolonger jusqu’à cinq ans si le juge considère qu’il y a des motifs raisonnables de croire que le propriétaire d’arme à feu pose encore un risque pour sa sécurité ou celle d’autrui.
De plus, le projet de loi vise à assurer la sécurité de la personne qui demande une intervention en permettant à un juge d’interdire l’accès aux audiences pour le public et les médias, d’ordonner la mise sous scellés des documents judiciaires pour une période allant jusqu’à 30 jours ou d’ordonner la suppression des renseignements identificatoires pour la période que le juge estime nécessaire, ou même de façon permanente.
La disposition sur les mesures de signalement préventif constitue une procédure administrative qui s’effectue par l’intermédiaire du contrôleur des armes à feu. Elle permet à tout citoyen, y compris aux professionnels de la santé, d’informer le contrôleur des armes à feu d’une situation ou d’un comportement susceptible d’avoir une incidence sur le droit d’une personne à détenir un permis d’armes à feu. Si le contrôleur des armes à feu estime qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner qu’une personne ne remplit plus les conditions requises pour obtenir un permis d’armes à feu, il peut suspendre l’autorisation d’utiliser, d’acquérir et d’importer des armes à feu pour une durée maximale de 30 jours pendant la durée de l’enquête.
Si, à l’issue de l’enquête, le contrôleur des armes à feu détermine que la personne ne peut plus être titulaire d’un permis, il prononce une révocation et le propriétaire doit remettre toutes ses armes à feu au contrôleur, aux préposés aux armes à feu ou à un agent de la paix, dans les 24 heures après avoir été avisé.
Ces dispositions, bien qu’imparfaites, sont bien accueillies par une majorité d’organisations de femmes qui prévoient des effets positifs sur la réduction de la violence fondée sur le sexe, de la violence entre partenaires intimes et de la violence familiale au Canada.
Honorables sénateurs, il s’agit de bonnes dispositions, mais je constate qu’il y a encore un problème. Le gouvernement dispose d’excellentes lois, de nombreuses lois relatives à la violence faite aux femmes, mais il n’y a pas de ressources pour intenter des poursuites, et certains actes de violence proscrits par la loi n’ont fait l’objet d’aucune poursuite. J’invite donc le comité qui étudiera ce projet de loi à demander quelles ressources seront fournies, car en fin de compte, les dispositions de signalement d’urgence et les dispositions de signalement préventif ne signifieront rien si le gouvernement n’est pas disposé à fournir des ressources.
Honorables sénateurs, je crois que tous les sénateurs conviendront que la violence armée constitue un problème réel et urgent. Cependant, là où l’opinion de certains peut différer, c’est dans notre façon de résoudre ce problème.
Le projet de loi C-21 prévoit de resserrer les vérifications des antécédents et de bonifier le fonds de 250 millions de dollars visant à régler les causes sous-jacentes et les déterminants sociaux de la criminalité armée comme la pauvreté, le racisme, la maladie mentale et l’appartenance aux gangs. Cela contribuera à prévenir les crimes avant qu’ils ne surviennent et donnera des solutions de rechange et des occasions positives aux jeunes vulnérables. Je demande au comité de vérifier si cet argent servira réellement à ce qui est prévu et comment il sera utilisé.
Malgré tout, il y a eu beaucoup de mésinformation et de désinformation au sujet de ce projet de loi, ce qui a semé la crainte chez les propriétaires d’armes à feu. Cependant, je m’en voudrais de ne pas parler des critiques légitimes formulées au sujet des failles de ce projet de loi. J’espère que ces problèmes seront étudiés de manière exhaustive par le comité.
D’abord, il y a une idée fausse très répandue voulant que l’objectif principal du projet de loi C-21 soit de cibler les propriétaires d’armes à feu respectueux de la loi, comme les chasseurs, et qu’il ne cible pas l’activité criminelle et les membres des gangs qui utilisent plutôt des armes à feu illégales. D’ailleurs, le Service de police de la Ville de Montréal a indiqué que 95 % des armes de poing utilisées pour commettre des crimes violents proviennent du marché noir et qu’il y a une corrélation forte entre le commerce de la drogue et la violence armée. C’est un point qui devra être étudié au comité.
Cela nous amène à un deuxième point : le Parlement devrait s’attaquer au problème du trafic d’armes entre les États-Unis et le Canada. Les armes illégales arrivent souvent au Canada par bateau, par train ou par drone. C’est pourquoi nous devrions dégager davantage de ressources pour permettre aux agents des services frontaliers de patrouiller entre nos postes frontaliers officiels.
Troisièmement, certains expliquent que le projet de loi C-21 aura des répercussions négatives sur les milieux du tir sportif et de l’airsoft, qui n’ont rien à voir avec cette augmentation de la criminalité.
Enfin, certains soutiennent que notre gouvernement devrait investir davantage de fonds et de ressources dans la santé mentale, car certains de nos jeunes se radicalisent ou se joignent à des gangs, et ce, pour plusieurs raisons.
Honorables sénateurs, je pense que toutes ces préoccupations devraient être étudiées par le comité et j’invite ceux qui étudient ce projet de loi à prendre ces questions au sérieux.
Je terminerai ce discours en évoquant un autre incident très triste qui me tient particulièrement à cœur et qui est lié à ma foi. J’ai eu l’occasion de me rendre à la mosquée de Québec à plusieurs reprises, depuis le deuxième jour après cet incident. La dernière fois que j’ai visité cette mosquée, c’était avec le Comité des droits de la personne, et j’ai eu le privilège de rencontrer l’imam Boufeldja Benabdallah de la mosquée de Québec l’été dernier, lorsque nous avons participé à l’étude sur l’islamophobie du Comité sénatorial permanent des droits de la personne.
Il avait un sourire bienveillant et un esprit ouvert. Il nous a accueillis dans la mosquée où un cauchemar avait frappé la congrégation et il a célébré un office en notre présence. Ce jour-là, l’imam nous a conduits dans la salle de prière principale. Lentement, on nous a montré l’endroit où ses coreligionnaires — ses frères dans la foi — ont été abattus en 2017 par Alexandre Bissonnette.
On nous a dit que six hommes avaient essayé de s’entasser dans une petite ouverture du mur pour se protéger des balles. On nous a dit que quelqu’un était mort dans le coin et un autre sur le sol. Ces victimes avaient des familles, des femmes et des enfants, et un homme n’avait pas vu sa mère depuis six ans, alors qu’elle venait d’arriver du Gabon.
Lorsque je me suis rendue pour la première fois sur place et que j’ai vu cette femme qui n’avait pu voir son fils que deux jours avant qu’il ne soit abattu, c’est quelque chose que je n’oublierai jamais. Je pouvais sentir toute la tension qui régnait — la peur, la colère, la douleur et le désespoir mêlés à un sentiment de dignité et même d’espoir.
Lors de notre visite à la mosquée, un homme s’est levé pour poser une question. J’y pense encore souvent. Depuis, j’essaie d’y répondre. Cet homme nous a demandé, à nous sénateurs, en quoi notre visite serait différente des précédentes, en quoi le fait de nous serrer la main ferait changer les choses par rapport aux mains qu’il a serrées le mois dernier.
Puis-je avoir cinq minutes de plus? Il me reste une page.
Le consentement est-il accordé?
Merci.
Il nous a demandé si notre présence se résumerait à de belles photos et à de beaux discours ou si elle mènerait à de quelconques mesures concrètes de la part du gouvernement.
Je ne sais pas s’il est à l’écoute ou s’il suit ces travaux. Je sais que le projet de loi C-21 n’est pas une réponse parfaite, mais il fait partie de la réponse que j’aurais voulu lui donner à ce moment-là.
Honorables sénateurs, le projet de loi C-21 ne réglera pas tous les problèmes de violence liée aux armes à feu au Canada. Il ne pansera pas les blessures, pas plus qu’il ne ramènera à la vie les proches qui ont été tués par des armes à feu. Cependant, c’est un pas dans la bonne direction. C’est un outil qui nous aidera à réduire le risque de violence et de morts associées aux armes à feu au Canada.
Après la fusillade à l’École Polytechnique, j’ai visité l’institut en tant que présidente de YMCA Canada. Je n’oublierai jamais comment Mme Edward, dont la fille avait été tuée, essayait d’apporter des changements pour contrer la violence liée aux armes à feu. Je ne sais pas si elle est en vie aujourd’hui, mais si vous avez vu sa douleur — et la douleur de toutes les mères qui ont perdu leur fille à l’université —, vous comprendrez pourquoi nous devons agir en tant que sénateurs. Ce projet de loi n’est pas parfait, mais c’est un début. Merci, honorables sénateurs.
Honorables sénateurs, en cette Journée nationale des peuples autochtones, je prends la parole sur le territoire des Algonquins anishinabes à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-21, qui vise à renforcer les dispositions législatives nationales actuelles en matière contrôle des armes à feu afin de bâtir un Canada plus sûr.
De nombreux collègues se souviendront du projet de loi C-71, le plus récent projet de loi relatif aux armes à feu, qui a reçu la sanction royale en 2019. Le projet de loi C-71 a augmenté les vérifications des antécédents, il a obligé les entreprises à tenir des dossiers aux points de vente concernant les armes à feu sans restriction et il a rétabli une exigence liée à l’autorisation de transport en ce qui concerne les armes à feu prohibées et à autorisation restreinte.
Aujourd’hui, j’aimerais aborder rapidement les principaux éléments de ce nouveau projet de loi relatif aux armes à feu, le projet de loi C-21, et notamment préciser ce qui n’y figure pas. Ensuite, je vais souligner quelques aspects clés que j’inviterais le comité à examiner dans son étude du projet de loi de même que quelques parties intéressées que je l’inviterais à consulter.
Honorables sénateurs, examinons les principaux éléments du projet de loi.
Premièrement, le projet de loi instaurerait un gel national des armes de poing afin de limiter le nombre d’armes de poing légales qui circulent au Canada. Ce n’est pas une interdiction; c’est un gel. On ne confisquera aucune arme de poing détenue légalement.
Deuxièmement, le projet de loi propose une nouvelle définition prospective, et non rétroactive, des caractéristiques d’une arme d’assaut.
Troisièmement, comme vous avez entendu la sénatrice Jaffer le mentionner, le projet de loi instaurerait un régime d’intervention d’urgence et de signalement préventif, le but étant de réduire et de prévenir la violence familiale, l’automutilation et le suicide au moyen d’une arme à feu.
Quatrièmement, le projet de loi prévoit un certain nombre de mesures qui visent à renforcer les contrôles aux frontières, notamment afin de lutter contre la contrebande et le trafic d’armes à feu, y compris en exigeant un permis d’armes à feu pour l’importation de munitions.
Cinquièmement, il prévoit des mesures à l’encontre des armes à feu fabriquées illégalement, également connues sous le nom d’armes fantômes. Des armes à feu sont couramment produites avec la technologie d’impression 3D, ce qui rend leur traçabilité très difficile. Cette mesure législative ajoute une nouvelle définition de « pièce d’arme à feu » et elle exige la possession d’un permis pour importer, acheter ou céder une pièce d’arme à feu prescrite.
Enfin, sixièmement, ce projet de loi établit de nouvelles infractions liées aux armes à feu et il prévoit des sanctions plus lourdes.
Précisons encore une fois que le gouvernement ne propose pas, dans ce projet de loi, d’interdire ou de confisquer les armes de chasse existantes. La nouvelle définition prospective d’« arme d’assaut » ne concerne que les armes d’épaule qui seront conçues et fabriquées après que le projet de loi C-21 aura reçu la sanction royale.
Étant donné que le sénateur Yussuff, le parrain du projet de loi, a abordé en détail ces éléments clés du projet de loi dans son intervention qui a donné le coup d’envoi de ce débat, je ne répéterai pas ce qu’il a déjà expliqué en détail.
Le document d’information technique de Sécurité publique Canada sur le projet de loi C-21 s’intitule Bâtir un Canada sécuritaire et résilient. Nous savons que le projet de loi a plus d’un objectif. Il vise à réduire et à prévenir la violence liée aux armes à feu que nous observons dans les villes et qui est souvent le fait de gangs; il vise à prévenir d’autres tragédies de masse, comme celle qui a eu lieu dans ma province en 2020 ainsi que les meurtres commis à l’École polytechnique et à la mosquée de Québec dont il a été question ce soir; et il vise à lutter contre la violence familiale, l’automutilation et le suicide.
Notre travail consistera à déterminer si le projet de loi est effectivement adapté à l’objectif. Les mesures que le projet de loi renferme contribueront-elles, et de manière efficace, à la concrétisation des résultats escomptés? Cette mesure vise à permettre au Canada de réaliser des progrès dans ces domaines essentiels, mais — pardonnez l’analogie — il ne s’agit pas d’une solution miracle. Comme pour la plupart des mesures législatives, celle-ci est censée n’être qu’une partie d’un tout beaucoup plus vaste.
Je passe maintenant à quelques grands sujets sur lesquels je recommande au comité de se pencher.
Chers collègues, nous avons entendu les sénateurs Manning et Boisvenu évoquer le fléau du féminicide et de la violence entre partenaires intimes. Plusieurs d’entre nous se sont exprimés sur l’interpellation de la sénatrice Boniface au sujet de la violence entre partenaires intimes, dont il a aussi été question ce soir.
Dans ce contexte, il est important de déterminer si le projet de loi C-21 reflète les recommandations de la Commission des pertes massives de la Nouvelle-Écosse et de l’enquête menée dans le comté de Renfrew et, le cas échéant, de quelle façon. Les mesures de signalement et d’intervention proposées répondent en partie à la recommandation C.22 de la Commission des pertes massives de la Nouvelle-Écosse et aux recommandations 56 à 62 et 70 à 72 de l’enquête menée dans le comté de Renfrew.
Il sera également nécessaire, chers collègues, de déterminer quelles restrictions sur les armes à feu sont imposées par voie réglementaire plutôt que législative. Nous savons qu’environ 1 500 armes à feu ont été interdites par voie réglementaire en mai 2020, en réponse à la tuerie en Nouvelle-Écosse et à l’affaire de violence entre partenaires intimes qui a déclenché cet horrible carnage.
Au sein du comité de la Chambre, le gouvernement a proposé des amendements au projet de loi C-21 en vue d’interdire les armes à feu en question — et d’autres — par voie législative, mais, comme nous le savons tous, il a ensuite retiré ces propositions. Par conséquent, ces amendements ne font plus partie du projet de loi.
Il m’apparaît aussi essentiel que le comité détermine où se situe le Canada par rapport à d’autres pays en ce qui concerne le contrôle des armes à feu et la violence armée. Dans le récent article du magazine Time intitulé « Canada Risks Following the Path of the U.S. on Gun Violence », les auteurs soulignent en effet que le Canada est le cinquième pays en importance au chapitre de la possession d’armes à feu et que, pour ce qui est du taux d’homicide par arme à feu, il arrive maintenant au troisième rang parmi les pays peuplés à revenu élevé, après les États-Unis et le Chili. À l’échelle internationale, le Canada se classe au neuvième rang pour son taux de suicide par arme à feu normalisé selon l’âge chez les hommes, qui correspond à plus du double de la moyenne mondiale.
Les mesures de contrôle des armes à feu du Canada sont plus sévères que celles des États-Unis, mais moins sévères comparativement à celles de certains autres pays occidentaux. Des pays comme l’Australie, le Royaume-Uni et le Japon ont mis en place des mesures de contrôle des armes à feu plus exhaustives que celles du Canada, et ces pays ont réussi à réduire les taux de décès liés aux armes à feu et les tueries de masse, comparativement au Canada. Le Royaume-Uni a interdit les armes de poing après la tuerie à l’école de Dunblane, en Écosse, en 1996. Il n’y a pas eu d’autres tueries dans des écoles, et il y a eu seulement une tuerie de masse depuis l’adoption de cette interdiction.
Des études laissent entendre qu’aux États-Unis, des lois qui permettent d’intervenir rapidement lorsqu’une personne présente un comportement alarmant ont prévenu des actes potentiels de violence. Des études menées en Indiana et au Connecticut ont permis de constater une réduction du nombre de suicides commis au moyen d’une arme à feu après la mise en œuvre de ces lois.
Aux États-Unis, les États possédant des lois permettant d’intervenir plus rapidement, des ressources adéquates et une bonne sensibilisation communautaire ont obtenu de meilleurs résultats. Toutes ces importantes données provenant de l’étranger et bien d’autres encore seront essentielles à l’examen du comité.
Il sera également essentiel que le comité écoute les points de vue des différents groupes d’intervenants clés, notamment les groupes de victimes de fusillades de masse, comme PolySeSouvient, Danforth Families for Safe Communities et le Centre culturel islamique de Québec. Ces groupes se consacrent à prévenir de futures tragédies.
Le comité devrait aussi entendre des organisations de femmes, comme #Women4GunControl, une coalition de 33 organisations féministes et de femmes, dont l’Association nationale Femmes et Droit. Ces groupes militent naturellement à ce sujet, compte tenu du fait que l’accès aux armes à feu compte parmi les cinq principaux facteurs de risque lorsque vient le moment de déterminer si une femme risque de mourir dans une situation de violence familiale.
Il pourrait être utile pour le comité d’entendre Lisa Banfield, l’épouse du tueur en série de la Nouvelle-Écosse, décrire comment elle a été soumise à un contrôle coercitif et comment elle a presque été assassinée elle aussi la nuit de cette terrible tuerie.
Il sera important d’établir des liens avec les groupes de femmes des milieux urbains et ruraux, car les risques liés aux armes à feu et les répercussions des mesures de signalement et d’intervention d’urgence ont différentes significations selon les situations. Ces groupes de femmes disent clairement que la violence armée contre les femmes doit être traitée comme un problème distinct de la violence armée et des gangs. Ces groupes de femmes veulent que nous examinions ces deux aspects.
Les groupes autochtones, comme l’Assemblée des Premières Nations, la Fédération des nations autochtones souveraines, l’Inuit Tapiriit Kanatami, le Ralliement national des Métis, l’Association des femmes autochtones du Canada, Pauktuutit, Les Femmes Michif Otipemisiwak — Women of the Métis Nation et d’autres groupes devraient être consultés et informés.
Nous savons que le projet de loi C-21 comprend une disposition qui indique spécifiquement qu’aucune des dispositions du projet de loi ne porte atteinte aux droits des peuples autochtones reconnus et confirmés au titre de l’article 35 de la Constitution. Il sera très important de trouver un juste équilibre entre les intérêts légitimes des chasseurs et les droits de tous les Canadiens, peu importe s’ils sont Autochtones ou non, de vivre dans des endroits sûrs, dans toutes les collectivités du Canada.
Il va de soi que les groupes policiers, notamment l’Association canadienne des chefs de police, la Fédération de la police nationale et l’Association des directeurs de police du Québec, devraient tous être appelés à témoigner. Ils auront des commentaires sur toutes les mesures contenues dans ce projet de loi ainsi que sur les moyens nécessaires pour les mettre en œuvre. Évidemment, le point de vue des fonctionnaires de la cour qui appliqueront les lois sur le signalement préventif sera aussi important.
Comme ce projet de loi est principalement axé sur la prévention de la contrebande et du trafic d’armes, l’Agence des services frontaliers du Canada aura des commentaires importants au sujet des mesures proposées et de sa capacité à les mettre en œuvre.
Il sera important d’entendre les défenseurs des armes à feu et les chasseurs, notamment la Coalition canadienne pour les droits aux armes à feu et l’Association canadienne pour les armes à feu.
Je vis dans une région rurale de la Nouvelle-Écosse et je sais à quel point la chasse est importante pour de nombreuses familles de ma région. La sénatrice Wallin, le sénateur Richards et la sénatrice LaBoucane-Benson nous ont parlé de l’importance de respecter les chasseurs. Je pense que ce respect suppose notamment de donner aux chasseurs des informations honnêtes sur ce qui est réellement inclus dans ce projet de loi afin qu’une discussion honnête puisse avoir lieu.
Par ailleurs, il est très important de consulter les tireurs sportifs, y compris la Fédération de tir du Canada et l’International Practical Shooting Confederation.
Le gel des armes de poing prévu dans le projet de loi C-21 ne retire pas les armes de poing aux propriétaires actuels, mais rend illégale l’acquisition d’une arme, avec des exemptions pour les participants à des compétitions olympiques et paralympiques et pour certaines personnes, comme les policiers. Les règles exactes pour déterminer qu’une personne s’entraîne pour des épreuves olympiques de tir sportif seront déterminées par règlement.
Enfin, et c’est très important, comme l’a indiqué le sénateur Kutcher dans son discours, il sera essentiel que le comité entende des spécialistes en matière de santé, de santé mentale et de prévention du suicide. Le groupe canadien Médecins pour un meilleur contrôle des armes à feu a fait valoir que le projet de loi devrait s’appuyer sur des données scientifiques en matière de santé publique.
Chers collègues, comme je suis la responsable législative du Groupe des sénateurs indépendants pour le projet de loi C-21, j’ai demandé à mon personnel de mener des recherches approfondies sur les points de vue et les positions des intervenants clés et des groupes d’experts. J’ai fait part de cette recherche à mes collègues du Groupe des sénateurs indépendants, et nous la communiquerions volontiers à toute personne intéressée dans cette enceinte. Vous n’avez qu’à nous faire signe.
Malheureusement, chers collègues, nous savons que le projet de loi fait l’objet d’une campagne de désinformation bien organisée.
Chers collègues, avant mon arrivée au Sénat, j’ai travaillé à l’Université St. Francis Xavier, en Nouvelle-Écosse, dont la devise est Quaecumque Sunt Vera — « Tout ce qui est vrai ». Comme vous le savez tous, il nous incombe, en tant que sénateurs, de chercher, de trouver et de communiquer la vérité.
Le sénateur Yussuff a déclaré dans son discours de présentation du projet de loi C-21 à l’étape de la deuxième lecture :
[...] je tiens à reconnaître [...] qu’il n’est jamais facile de discuter des armes à feu. Ce sujet est généralement fort émotif et source d’opinions bien tranchées, mais aussi de division et de polarisation, car il s’agit de vie et de mort [...] ainsi que des droits et des privilèges des Canadiens.
Chers collègues, nous ne sommes peut-être pas tous d’accord sur les meilleurs moyens d’assurer la sécurité du Canada et des Canadiens, mais je sais que nous sommes tous convaincus qu’il est de notre responsabilité de protéger les Canadiens contre la violence armée. Chers collègues, c’est l’objectif du projet de loi C-21.
Honorables sénateurs, bien que le débat à l’étape de la deuxième lecture de ce projet de loi soit essentiel — et j’ai hâte d’entendre le sénateur Plett dans quelques instants — je crois que nous sommes sur le point de renvoyer le projet de loi C-21 au comité. J’ai confiance que nos collègues du comité travailleront avec diligence à la recherche et à l’examen des éléments de preuve nécessaires pour éclairer davantage nos délibérations à savoir si ce projet de loi correspond à ses objectifs et, sinon, comment il pourrait y parvenir.
Chers collègues, remplissons notre devoir envers les Canadiens et renvoyons ce projet de loi au comité.
Merci, wela’lioq.
Dans le bon vieux temps, nous avions aussi plus de place pour nous asseoir. Cela n’a rien à voir avec la composition du Sénat, mais plutôt avec l’édifice.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi C-21. Avant de passer à l’essentiel de mes observations — et j’ai beaucoup de choses à dire —, j’aimerais faire quelques observations sur les pressions injustifiées que le gouvernement a voulu exercer sur les sénateurs pour que nous adoptions tout simplement ce projet de loi sans entendre de témoins, comme il l’a fait pour tant d’autres projets de loi.
Je trouve tout à fait inadmissible que le ministre et le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes aient, dans les dernières semaines, exercé des pressions sur le Sénat pour qu’il adopte tout simplement ce projet de loi sans discussion. Avant même que le sénateur Yussuff ou un seul autre sénateur ne prenne la parole au Sénat, le secrétaire parlementaire a publié un gazouillis disant que je devrais cesser de retarder l’étude du projet de loi.
Pour rétablir les faits, je crois qu’il est utile d’indiquer comment l’étude du projet de loi C-21 s’est déroulée.
Tout d’abord, la première lecture du projet de loi a eu lieu le 30 mai 2022. La deuxième lecture a eu lieu le 23 juin 2022, et le projet de loi a ensuite été renvoyé au comité de la Chambre. On s’est alors heurté à une foule de problèmes graves.
Comme je l’expliquerai dans mes observations, le projet de loi est le fruit d’une très mauvaise réflexion, et les problèmes qu’il comportait ont été empirés par les amendements que le gouvernement lui-même a essayé d’y apporter à la fin de l’automne 2022. Comme nous le verrons, ces amendements ont été proposés sans aucune véritable consultation préalable, et certainement sans véritable consultation auprès des peuples autochtones, pour lesquels ils auraient eu de sérieuses conséquences.
Le gouvernement a dû retirer ces amendements du projet de loi, mais je ne crois pas qu’il ait vraiment abandonné les objectifs qui les sous-tendent. J’en discuterai plus tard dans mon intervention, mais je pense qu’il est assez évident que le gouvernement tentera maintenant d’apporter d’autres changements par l’entremise de règlements et de décrets futurs, comme ils l’ont fait lorsqu’ils ont interdit, de manière arbitraire, certaines armes à feu en 2020 et qu’ils ont interdit l’année dernière, de manière tout aussi arbitraire, l’achat et la vente d’armes de poing légales appartenant à des collectionneurs et à des tireurs sportifs titulaires d’un permis, par l’entremise d’un décret.
Pour étouffer tout autre débat, le gouvernement a ensuite imposé l’attribution de temps à la Chambre, puis forcé l’adoption du projet de loi à l’étape de la troisième lecture le 18 mai 2023. Ce n’est qu’à ce moment-là que le parcours du projet de loi C-21 au Sénat a commencé. Bien que le projet de loi ait été présenté au Sénat le 18 mai, le débat n’a commencé que le 31 mai, lorsque notre collègue, le sénateur Yussuff, parrain du projet de loi, a prononcé son discours sur une période de deux jours. Or, avant même que le sénateur Yussuff ait prononcé un seul mot, le secrétaire parlementaire du leader du gouvernement m’accusait de nouveau de retarder le projet de loi.
Le ministre en a rajouté en envoyant une lettre aux leaders des différents groupes du Sénat le 8 juin, exigeant que nous adoptions le projet de loi. Le ministre a même eu l’audace d’écrire au président du Comité sénatorial de la sécurité nationale et de la défense pour lui transmettre son exigence. Chers collègues, le Sénat détermine lui-même quel comité va étudier un projet de loi du gouvernement. Le ministre a tenté de s’immiscer dans ce processus avant même que nous ayons pris une décision.
Non content d’exiger que le projet de loi soit adopté sans un débat de fond, le ministre a aussi présumé quel comité allait examiner le projet de loi. En effet, il a aussi présenté des exigences concernant la manière dont le comité devrait examiner le projet de loi. Cela constitue un degré d’ingérence sans précédent dans les affaires du Sénat et illustre le peu de respect dont le gouvernement fait preuve à l’égard du Sénat.
Depuis le 8 juin, un certain nombre de sénateurs qui ne font pas partie de l’opposition officielle se sont exprimés sur ce projet de loi, et je pense que ces sénateurs avaient tout à fait le droit de préparer leurs observations afin de pouvoir s’exprimer sur ce projet de loi. Une règle non écrite veut que le porte-parole soit généralement le dernier à prendre la parole. J’ai fait la même chose que mes collègues et j’ai passé pas mal de temps à préparer mes observations. J’ai également bénéficié d’une séance d’information en tant que porte-parole. Mes observations s’appuient également sur les recherches que mon équipe a dû effectuer sur ce projet de loi. Ce travail de recherche révèle que ce projet de loi comporte de graves lacunes, et je pense qu’il est absolument du devoir du Sénat d’entendre un large échantillon de Canadiens qui sont très préoccupés par ce projet de loi et dont les points de vue sur le sujet vont d’un bout à l’autre du spectre des idées.
À cet égard, chers collègues, je tiens à informer le gouvernement que, jusqu’à présent, l’opposition officielle n’a pas retardé l’adoption de ce projet de loi. Cependant, après avoir personnellement examiné les implications très néfastes de ce projet de loi, je tiens à dire que depuis que la dernière intervention d’un sénateur sur ce projet de loi, il y a exactement deux minutes, j’ai officiellement commencé à retarder l’étude du projet de loi C-21. Par conséquent, il n’y aura pas de question, et il faudra le faire savoir au ministre afin que lui et son secrétaire parlementaire le notent la date à leur calendrier pour s’y référer à l’avenir.
Chers collègues, le projet de loi à l’étude modifie la Loi sur les armes à feu et d’autres lois afin d’imposer de nouvelles exigences et restrictions aux propriétaires d’armes à feu légales au Canada. Il y a à l’heure actuelle au-delà de 2 millions de permis d’armes à feu au Canada et, dans presque tous les cas, les propriétaires d’armes à feu sont des membres hautement responsables de la société canadienne. Cela a toujours été le cas dans l’histoire du Canada.
Je pense qu’il faut expliquer qui sont les propriétaires d’armes à feu au Canada. Il s’agit, bien sûr, des peuples autochtones qui, depuis des siècles, utilisent les armes à feu pour assurer leur subsistance. Ce sont les chasseurs canadiens qui utilisent également des armes à feu de manière responsable depuis des siècles. Il s’agit de Canadiens des zones rurales et urbaines. Ce sont des tireurs sportifs et des collectionneurs qui utilisent des armes à feu dans des clubs à travers le pays. Ce sont des tireurs qui utilisent des pistolets dans diverses disciplines, y compris la compétition olympique.
Il s’agit de personnes comme Linda Thom, d’Ottawa, qui a remporté la médaille d’or aux Jeux olympiques de 1984 dans l’épreuve du pistolet à 25 mètres. Ce sont des gens comme Lynda Kiejko, qui a remporté deux médailles d’or aux Jeux panaméricains de 2015, également au pistolet à 25 mètres. Ils sont des milliers de Canadiens à participer à des matchs de l’International Practical Shooting Confederation dans tout le pays. Ce sont ces personnes qui seront soumises aux nouvelles restrictions proposées dans le projet de loi C-21, un projet de loi qui, selon le gouvernement, « [fait] partie d’une stratégie détaillée pour contrer la violence liée aux armes à feu et resserrer le contrôle des armes au Canada ».
Le projet de loi C-21 ne fait rien de tel. Il ne le fait pas parce qu’il n’y a en fait aucune stratégie de la part du gouvernement pour lutter contre la violence armée au Canada. Par ailleurs, non seulement ce projet de loi ne s’attaque pas à la violence armée, mais il affaiblit considérablement le contrôle des armes à feu au Canada et il pourrait même l’anéantir.
Dans mes observations d’aujourd’hui, j’examinerai la justification stratégique de ce projet de loi. Ce faisant, je devrai parler de ses nombreuses lacunes.
Deuxièmement, je discuterai de certaines des implications de ce projet de loi et, en particulier, de la manière dont je pense qu’il contribuera en fait à une augmentation de la criminalité violente dans les rues.
Troisièmement, j’aborderai ce que j’estime être les conséquences néfastes de tout cela pour le contrôle des armes à feu au Canada.
Je voudrais commencer par examiner la justification stratégique qu’invoque le gouvernement pour demander au Parlement d’adopter ce projet de loi. Au fond, je pense que ce projet de loi nous montre que les ministres qui en sont responsables ne connaissent pas grand‑chose aux armes à feu. Je pense que cette ignorance explique en grande partie les graves lacunes de ce projet de loi. Elle explique également qu’au cours de l’année qui vient de s’écouler, ce projet de loi a connu un parcours tumultueux, en dents de scie.
Cette situation est devenue particulièrement évidente à la fin de l’année passée. Une série d’amendements au projet de loi ont été proposés à la hâte, ce qui nous a clairement indiqué que les ministres eux-mêmes ne comprenaient pas les principaux enjeux. Le gouvernement prétend maintenant avoir abandonné ces amendements, mais je pense que les mauvaises idées qui les sous‑tendent demeurent au cœur du projet de loi. Il est plutôt évident que le gouvernement tentera maintenant de faire par voie de règlement ce qu’il n’a pas réussi à faire comme il le voulait au moyen de mesures législatives.
Les amendements en question, qui ont été proposés par le député libéral Paul Chiang, visaient à étendre considérablement la portée du projet de loi pour tenter d’interdire une vaste gamme de fusils de chasse. Les amendements ouvraient la porte à l’interdiction complète de toutes les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale qui étaient conçues pour recevoir un chargeur de cartouches détachable d’une capacité supérieure à cinq cartouches. La disposition aurait immédiatement visé jusqu’à 1 million d’armes à feu légales au Canada, dont la plupart étaient des armes à feu sans restriction et dont presque toutes étaient détenues par des chasseurs. Je ne crois pas que les ministres ont pensé un instant aux répercussions que de telles mesures pourraient avoir sur les chasseurs autochtones, dont un grand nombre dépendent de leur arme pour faire de la chasse de subsistance. Je ne pense pas que les ministres avaient bien compris qu’en parlant d’armes à feu semi‑automatiques, ils visaient des armes utilisées par des centaines de milliers de chasseurs canadiens.
Pour la gouverne des collègues qui ne connaissent peut-être pas bien les armes d’épaule, les carabines et les fusils de chasse, toutes ces armes sont fabriquées selon plusieurs modèles appelés mécanismes de chargement. Certaines armes à feu ont un mécanisme à pompe, où les cartouches sont introduites dans la culasse grâce à un mouvement de pompage. Certaines ont un mécanisme à levier où le même processus est accompli par un mouvement de levier. Certaines encore sont des armes à feu à verrou, où le processus est accompli — vous l’aurez deviné — grâce à un mouvement de verrou. Certaines sont des armes à feu semi-automatiques, où le processus s’accomplit automatiquement lorsqu’une cartouche précédente est déchargée.
Tous ces mécanismes peuvent être rapides, plus particulièrement quand l’arme est entre les mains d’un tireur expérimenté. Même si la croyance populaire veut que les armes semi-automatiques soient les plus rapides, ce n’est pas forcément le cas. Cela dépend en grande partie de la personne qui utilise l’arme à feu et de la façon dont celle-ci est entretenue.
Au Canada, les chargeurs des armes d’épaule semi-automatiques ne peuvent pas contenir plus de 5 cartouches. C’est le cas depuis des décennies, chers collègues. Il n’existe pas de limites semblables pour les armes munies d’un mécanisme à levier, à pompe ou à verrou. Les chargeurs de ces armes peuvent généralement contenir 10 cartouches.
Mes collègues doivent comprendre, et c’est ce qu’auraient dû faire les ministres, que les armes d’épaule semi-automatiques sont des armes de chasse très couramment utilisées. Ils auraient également dû comprendre que les chargeurs des armes semi‑automatiques sont déjà soumis à des limites plus importantes que celles imposées aux autres armes d’épaule.
Je pense que si on l’a oublié ou mal compris, c’est parce que le gouvernement n’a pas du tout mené de consultations adéquates sur ce projet de loi. Il n’a certes pas consulté les autorités autochtones au sujet de ces amendements. Nous avons souvent entendu des ministres du gouvernement actuel dire que, lorsqu’il s’agit de lois touchant les peuples autochtones, ces derniers sont toujours consultés. Or, c’est plus souvent faux que vrai.
Même si le gouvernement répète que l’adoption de la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones l’oblige à consulter les Autochtones sur les enjeux qui les touchent, cela n’a assurément pas été fait de façon systématique dans le cadre du projet de loi C-21.
Lors de la séance d’information de mon porte-parole sur le projet de loi, lorsqu’on a demandé aux fonctionnaires d’indiquer qui ils avaient consulté et comment ils ont consulté les Autochtones, ils se sont tournés vers le représentant du cabinet du ministre Mendicino pour obtenir des réponses. Les fonctionnaires du ministère ont déclaré qu’ils avaient mené des consultations sur le précédent projet de loi C-21, mort au Feuilleton, mais qu’ils n’avaient pas engagé de telles consultations avec les Autochtones avant de présenter ce projet de loi, dont les dispositions diffèrent de celles du projet de loi précédent.
Dans la foulée de la séance d’information de mon porte-parole, des fonctionnaires ont envoyé à mon bureau une liste des réunions qu’ils ont organisées avec des groupes autochtones après le dépôt du projet de loi, c’est-à-dire entre janvier et mai derniers. Or, ces réunions ont eu lieu des mois après le dépôt du projet de loi C-21, et seulement après que le public s’est opposé aux modifications du gouvernement, chers collègues.
Comme cela a été le cas à de si nombreuses occasions, consulter les Autochtones était le dernier des soucis du gouvernement. C’est un véritable affront au principe selon lequel, lorsqu’il est question des Autochtones, « rien de ce qui nous concerne ne doit se faire sans nous ».
En ce qui concerne le projet de loi C-21, les fonctionnaires n’ont pas non plus consulté d’experts indépendants en matière d’armes à feu.
Tout cela rend le projet de loi C-21 remarquablement similaire à un autre projet de loi libéral sur les armes à feu, le projet de loi C-68, qui, dans les années 1990, a instauré un registre universel des armes à feu. À l’instar de ce projet de loi antérieur, le projet de loi C-21 ne fera pratiquement rien pour améliorer la sécurité publique. Oui, il empêchera les honnêtes citoyens d’acheter ou de vendre des armes de poing légales, mais il permet toujours à ceux qui en possèdent légalement de les conserver et de les utiliser. En quoi cela améliore-t-il la sécurité publique exactement?
Le projet de loi instaurera également un régime de signalement d’urgence qui permettra aux Canadiens de poursuivre d’autres Canadiens en justice s’ils craignent que ces autres Canadiens possèdent une arme à feu et estiment qu’ils posent un risque pour autrui. Chers collègues, les Canadiens peuvent déjà appeler la police pour signaler ce genre de préoccupation, alors en quoi cela améliore-t-il la sécurité publique?
Voilà qui rend le projet de loi C-21 drôlement similaire au projet de loi C-68 des années 1990. Le projet de loi C-68 a fini part être rejeté et, en grande partie, abrogé, puisqu’on n’arrivait pas à expliquer en quoi la création, à coût énorme, d’un registre universel des armes à feu améliorerait la sécurité publique.
Chers collègues, n’oublions pas que le gouvernement Chrétien avait affirmé, à l’origine, que la création d’un registre universel des armes à feu coûterait, net, 2 millions de dollars. Or, ces coûts ont subséquemment explosé pour atteindre les 2 milliards de dollars. Lorsque le gouvernement Harper a fini par abroger le registre des armes d’épaule, les avantages de ce coûteux registre pour la sécurité publique étaient devenus impossibles à expliquer.
Comme pour le projet de loi C-68, les dispositions du projet de loi C-21 sont déjà difficiles à expliquer et à justifier, et le projet de loi n’a pas encore été adopté. En fin de compte, les Canadiens ont perdu confiance dans ce que l’on prétendait être les avantages du projet de loi C-68. La même chose se produit déjà avec le projet de loi C-21, et une fois de plus, nous avons une loi libérale qui risque de saper les fondements mêmes du contrôle des armes à feu au Canada.
Qu’est-ce que le gouvernement prétend réaliser avec ce projet de loi?
Lors de son intervention sur le projet de loi en juin 2022, le ministre Mendicino a dit que « [c’est] ainsi que nous pourrons éradiquer la violence liée aux armes à feu et protéger tous les Canadiens ».
À contrecœur, je prends le ministre au mot en lui disant que c’est effectivement son objectif et celui de son gouvernement. En ce sens, il s’agit d’une réaction émotionnelle au fléau des crimes commis avec des armes à feu. Je suis sûr que tous les sénateurs présents dans cette enceinte seraient d’accord pour dire que les crimes commis avec des armes à feu sont un fléau pour notre société, mais le ministre affirme que l’objectif de son gouvernement est d’« éradiquer » la violence liée aux armes à feu. Le mot « éradiquer » est défini comme l’action de se débarrasser d’une chose de manière aussi complète que si on l’arrachait par les racines. C’est un objectif très louable en théorie, mais la triste réalité est qu’aucun projet de loi gouvernemental ne peut espérer atteindre un objectif aussi vaste lorsqu’il s’agit d’une activité criminelle; c’est tout simplement impossible.
Nous ne savons pas si le ministre croyait vraiment ce qu’il disait, mais si c’est vraiment son objectif, alors il ne sait tout simplement pas ce qu’il fait. Nous avons d’ailleurs soulevé cette question à quelques reprises ici, au Sénat, au cours des dernières semaines.
Si nous considérons les autres projets de loi que le gouvernement a adoptés en matière de justice pénale — comme les projets de loi C-5 et C-75 —, ces projets de loi ont en fait miné la capacité des forces de l’ordre de lutter contre les crimes commis avec des armes à feu.
Dans le projet de loi C-5, le gouvernement a abrogé un certain nombre de peines obligatoires pour les crimes commis avec une arme à feu, notamment : l’utilisation d’une arme à feu ou d’une fausse arme à feu lors de la perpétration d’une infraction; la possession d’une arme à feu ou d’une arme sachant que sa possession n’est pas autorisée; la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec des munitions; la possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction; le déchargement d’une arme à feu avec une intention particulière; le vol qualifié avec une arme à feu; et l’extorsion avec une arme à feu.
Les peines obligatoires pour toutes ces infractions ont été abrogées. Bon nombre de ces dispositions avaient été mises en place non pas par le gouvernement précédent, mais par des gouvernements libéraux antérieurs.
En 1995, Allan Rock, ministre de la Justice, a déclaré ce qui suit à propos de la nécessité d’instaurer des peines minimales obligatoires pour les crimes commis avec une arme à feu :
La bonne façon d’aborder le contrôle des armes à feu au Canada est de régler efficacement la question de l’utilisation criminelle de ces armes tout en respectant l’utilisation légitime, qui est les intérêts des propriétaires qui se conforment à la loi.
[...] il faut des contrôles plus serrés aux frontières et des peines plus sévères pour la contrebande et le trafic d’armes.
[...] la peine d’emprisonnement minimum obligatoire inscrite au Code criminel dans le cas de 10 crimes graves commis au moyen d’une arme à feu, notamment le vol à main armée; le projet d’imposer une peine d’emprisonnement pour la possession d’une arme à feu volée ou obtenue par la contrebande [...]
Le ministre poursuit :
Nous devons améliorer l’efficacité de la surveillance aux frontières. Nos contrôles ne sont qu’une parodie si nous ne parvenons pas à réprimer l’entrée illégale d’armes au Canada.
Voilà ce que disait le ministre libéral de la Justice en 1995.
De toute évidence, la création du registre des armes d’épaules était une idée plutôt absurde d’Allan Rock, mais il avait tout de même raison de dire qu’il fallait empêcher le trafic d’armes et l’utilisation criminelle des armes à feu.
N’est-il pas étrange que l’actuel gouvernement libéral déclare, d’un côté, avoir pour objectif d’éliminer complètement la violence armée, mais qu’il décide, de l’autre côté, d’éliminer les peines obligatoires associées aux crimes qu’il dit vouloir éliminer?
Comme Allan Rock l’a fait valoir, dans les faits, les peines obligatoires peuvent contribuer à une réduction des crimes commis avec des armes à feu. Elles s’avèrent particulièrement utiles pour retirer de la circulation des récidivistes violents et les empêcher de commettre d’autres crimes violents. Les peines obligatoires offrent une certaine assurance que les membres de gangs et les autres criminels violents resteront emprisonnés et ne pourront pas s’en prendre aux résidants des communautés vulnérables qui sont très souvent touchées par la criminalité armée.
Pourtant, le maintien de mesures visant à mettre un terme à ce type de criminalité n’a pas été une priorité pour le gouvernement actuel dans l’élaboration de ses politiques. Au lieu de cela, ce gouvernement a décidé qu’une série de délits liés aux armes à feu ne devraient plus faire l’objet de peines obligatoires. En quoi cela est-il compatible avec la promesse du gouvernement d’éradiquer la violence armée?
Bien entendu, le gouvernement ne n’est pas arrêté au projet de loi C-5 pour proposer des mesures contradictoires. Avec le projet de loi C-75, le gouvernement a également introduit un nouveau « principe de retenue » législatif que la police et les tribunaux doivent respecter lorsqu’il s’agit d’accorder la mise en liberté sous caution. Le gouvernement a fait valoir que ces mesures précises « [...] favorisent la mise en liberté à la première occasion plutôt que la détention [...] ».
Les effets de cette politique ont été tout simplement dévastateurs, et je voudrais maintenant discuter de certains de ces effets.
En Colombie-Britannique, une étude récente a porté sur 425 audiences de mise en liberté sous caution impliquant un suspect à la fois accusé d’un crime violent et dont le dossier comportait une infraction aux conditions de mise en liberté sous caution. Dans ces 425 audiences, la Couronne n’a demandé une ordonnance de détention que pour 222 personnes, soit 52 % des cas. Cela signifie que, dans près de 50 % des cas, les criminels violents dont le dossier comportait une infraction aux conditions de mise en liberté sous caution se sont retrouvés en liberté.
Si on prend l’exemple de l’Ontario, cette province a connu une augmentation de 57 % du nombre de cas de violence grave et d’utilisation d’armes portés devant les tribunaux entre 2018 et 2021. Qui formait le gouvernement?
L’agent Greg Pierzchala, de la police provinciale de l’Ontario, a été abattu l’année dernière. Il a été assassiné par un criminel récidiviste, Randall McKenzie, et un autre homme. M. McKenzie était en liberté sous caution pour agression et possession d’armes. Il faisait également l’objet d’un mandat d’arrestation.
À l’époque où le projet de loi C-75 a été adopté, l’éradication de la violence armée était censée être l’objectif du gouvernement. Mais pour une raison ou une autre, cet objectif n’a pas eu d’incidence sur les dispositions du projet de loi C-75. Lorsque le projet de loi C-75 a été adopté, le gouvernement savait déjà que les crimes commis par des récidivistes montaient en flèche. Le projet de loi C-75 a jeté de l’huile sur le feu.
Le service de police de Toronto signale qu’au cours des deux dernières années, 17 % des personnes accusées d’homicides par balle à Toronto étaient déjà en liberté sous caution au moment de la prétendue fusillade mortelle. Réfléchissez-y, chers collègues : parmi les auteurs de fusillades mortelles à Toronto, 17 % étaient en liberté sous caution. Une fois de plus, comment l’objectif supposé du gouvernement d’éradiquer la violence armée s’accorde-t-il avec ce résultat?
Chers collègues, nous ne pouvons arriver qu’à deux conclusions possibles lorsque nous examinons de tels faits. Soit l’éradication de la violence armée n’est vraiment qu’un slogan pour ce gouvernement, soit ce gouvernement est complètement et totalement incompétent. Pour être honnête, chers collègues, il s’agit probablement d’un mélange des deux.
Le gouvernement et le ministre accordent beaucoup trop peu d’attention aux détails des politiques. À l’instar du premier ministre qui les dirige, ils croient que les slogans suffisent et que les slogans eux-mêmes déterminent et définissent les politiques. Nous avons observé cette approche à maintes reprises et elle conduit à des résultats désastreux. L’approche stratégique du gouvernement dans le projet de loi C-21 n’est que la dernière preuve en date de cette incompétence.
Dans son discours à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-21, il y a un an, le ministre a parlé de l’expérience vécue par les nombreux Canadiens touchés par la criminalité armée. Aucune parole ne pourra jamais réconforter ceux dont les proches ont été assassinés dans des actes de violence insensés, mais s’il veut réellement éradiquer la violence armée comme il le prétend, le problème est qu’il n’a absolument aucune idée de la manière d’atteindre cet objectif. C’est parce que le gouvernement actuel rejette la responsabilité des actes des criminels sur la société. C’est un gouvernement qui considère les détenteurs d’armes à feu légales comme étant le principal problème en matière de crimes commis avec des armes à feu. C’est également un gouvernement qui croit que des peines d’emprisonnement plus courtes, même pour les récidivistes violents, entraîneront une baisse de la criminalité.
Chers collègues, il s’agit d’une approche incompétente qui a contribué grandement à l’augmentation des crimes violents au cours des huit dernières années. Selon Statistique Canada, en 2021, 788 personnes ont été assassinées au Canada. Comparons ce chiffre à celui de 2013, où il n’y a eu que 509 meurtres. Certes, 509 meurtres, c’est encore beaucoup trop, mais le nombre de meurtres a augmenté de plus de 50 % à peine huit ans plus tard. De plus, en 2021, un quart de ces meurtres étaient liés à des gangs.
Les fusillades qui sont commises avec des armes à feu illégales représentent les trois quarts de tous les homicides liés aux gangs. À Winnipeg, il y a eu un record de 53 homicides en 2022. Des armes à feu ont été utilisées dans plus de 30 % des homicides à Winnipeg, mais des couteaux ont été utilisés dans environ 28 % des homicides.
Interdisez les couteaux aussi.
J’en ai parlé au ministre lorsqu’il était ici pour répondre à nos questions. Je lui ai demandé en quoi la suppression de huit peines minimales obligatoires liées à des crimes commis avec des armes à feu dans le projet de loi C-5 allait contribuer à lutter contre la hausse des crimes violents. Le ministre a fait ce que son gouvernement fait toujours : il s’est caché derrière des décisions des tribunaux et a prétendu implicitement qu’il n’avait pas le choix.
Chers collègues, voilà une réponse pathétique de la part d’un ministre et une bien maigre consolation pour les victimes de l’augmentation des crimes violents.
Voici essentiellement ce que dit le ministre :
Nous sommes désolés, mais notre gouvernement est totalement démuni. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous en prendre aux propriétaires légitimes d’armes à feu car les tribunaux ne nous permettent pas de nous en prendre aux criminels violents.
Premièrement, la réponse du ministre est erronée. Les tribunaux n’ont pas invalidé toutes les peines minimales obligatoires. En fait, la Cour suprême a confirmé le principe voulant que le Parlement puisse imposer des peines obligatoires et, dans certains cas précis, a souvent donné au gouvernement la possibilité de répondre à ses décisions.
La Cour suprême a donné une telle possibilité au gouvernement dans l’affaire R. c. Nur. Dans cette décision rendue en 2015, elle avait invalidé un aspect d’une peine minimale liée à la possession d’armes à feu.
La cour a invalidé la disposition, mais elle a quand même permis au gouvernement de modifier la loi existante. C’est exactement ce que le gouvernement Harper a fait en réponse à cette décision lorsqu’il a présenté le projet de loi C-69. Malheureusement, ce projet de loi est mort au Feuilleton avant les élections de 2015 et le gouvernement actuel a choisi de ne pas le présenter.
Si le gouvernement actuel a trop peur de prendre des mesures qui à la fois respectent les décisions de la Cour suprême et protègent les Canadiens contre les crimes commis avec des armes à feu, il devrait le dire, mais qu’il cesse de se réfugier derrière les tribunaux et de prétendre qu’il n’a pas d’autre choix que de ne rien faire. C’est une abdication de responsabilité. Il fait en sorte que de nombreuses collectivités canadiennes continueront d’être aux prises avec des crimes commis avec des armes à feu.
Deuxièmement, même si la cour offre peu d’options au gouvernement dans un cas particulier, il y a toujours le principe de suprématie parlementaire au pays.
Lorsque les crimes violents se multiplient dans les rues canadiennes, le gouvernement et le Parlement disposent d’autres outils constitutionnels et législatifs pour protéger les Canadiens. Si le gouvernement actuel n’a pas le courage d’utiliser ces outils, il mérite d’être remplacé; c’est aussi simple que cela.
Le Parlement et le gouvernement du Canada ont l’obligation de protéger les Canadiens. Lorsque le Parlement est en profond désaccord avec la Cour suprême en ce qui concerne un de ses arrêts, il devrait être prêt à agir. Il devrait y avoir au Parlement des élus prêts à intervenir. J’espère, honorables collègues, que c’est ce que nous verrons après les prochaines élections, et j’ai bon espoir que cela puisse arriver.
Nous sommes actuellement en présence d’un gouvernement qui fait exactement le contraire de ce qu’on devrait faire pour protéger les Canadiens. Nous avons amplement d’indices qui montrent que diverses mesures prises par le gouvernement, y compris des mesures législatives en matière de justice criminelle qui ont été mal conçues ainsi que les politiques libérales sur la distribution de la drogue, ont contribué de façon importante à l’augmentation considérable du nombre de crimes violents au Canada.
La triste réalité, c’est que, depuis 2015, le nombre de crimes violents au Canada a augmenté de 32 %, tandis que le nombre de meurtres liés aux gangs, dont un grand nombre sont commis avec une arme à feu, a doublé. Le projet de loi C-21 ne fera rien du tout pour contrer cette tendance.
Le gouvernement a beau dire que ce projet de loi s’inscrit dans de plus vastes efforts, je ne vois rien qui m’indique que de plus vastes efforts seront déployés. La vérité, c’est que le projet de loi C-21, comme le projet de loi C-68 avant lui, détournerait et gaspillerait des efforts et des ressources pour qu’on cible les propriétaires légitimes d’armes à feu alors que la police devrait plutôt cibler les vrais criminels.
Le directeur parlementaire du budget a estimé que la décision prise par le gouvernement en 2020 d’interdire certaines catégories d’armes à feu auparavant légales et de verser les compensations nécessaires coûtera jusqu’à 750 millions de dollars. D’autres estiment que les coûts pourraient être encore plus élevés.
Cet argent, chers collègues, devrait être utilisé pour soutenir les agents de première ligne. Au lieu de cela, ces fonds sont complètement et totalement gaspillés. Une fois de plus, on peut se demander qui le gouvernement a consulté pour élaborer ce projet de loi.
Dans ses observations sur le projet de loi, il y a un an, le ministre a affirmé :
Le projet de loi C-21 est le fruit des conseils que nous avons reçus de nombreuses circonscriptions, notamment de la part des survivants et de bien d’autres personnes.
Si le projet de loi C-21 est le fruit des conseils que le gouvernement a reçus de tant de circonscriptions, il reste néanmoins un degré remarquable d’opposition publique à ce projet de loi.
Si l’on considère ce que disent les premiers partisans du projet de loi, il ne semble pas que le gouvernement ait écouté les conseils qu’ils ont donnés. Leurs attentes ont été exagérément élevées par le gouvernement lorsque le ministre a prétendu de manière irréaliste qu’il pouvait d’une manière ou d’une autre éradiquer la violence par arme à feu. Ces groupes se sentent maintenant trahis.
Le groupe PolySeSouvient appuie le projet de loi C-21, mais il a déclaré que le premier ministre Justin Trudeau ne serait plus le bienvenu aux futures cérémonies commémoratives de la tragédie de l’École polytechnique.
Nathalie Provost, une survivante de la terrible fusillade à l’École Polytechnique, aurait déclaré ce qui suit à propos de la participation du premier ministre aux futures commémorations : « Nous ne l’inviterons pas et, s’il veut venir, nous n’accepterons pas qu’il soit là. »
Je comprends pourquoi ce groupe est en colère. Le gouvernement a promis un projet de loi qui ferait l’impossible. Puis, lorsque les attentes ont été anéanties, les gens se sont fâchés. On ne peut pas promettre des résultats inatteignables et reculer, sans s’attendre à une grande déception.
Qu’en est-il du manque de consultations de la part du gouvernement auprès des peuples autochtones? La cheffe Jessica Lazare du Conseil des Mohawks de Kahnawake a dit aux députés que l’absence de consultations approfondies avec les peuples autochtones est évidente étant donné « l’incohérence » du projet de loi.
Elle a ensuite ajouté :
Nous vous demandons de vous attaquer aux véritables problèmes à l’origine de la violence liée aux armes à feu et de ne pas empêcher les populations autochtones de préserver leur mode de vie durable qui se perpétue depuis des générations.
Nous revenons ainsi encore une fois à l’essence du problème avec le projet de loi C-21. Le gouvernement prétend que le projet de loi vise à contrer la violence liée aux armes à feu. La véritable cible, ce sont les propriétaires d’armes à feu respectueux des lois, y compris les chasseurs autochtones.
La vice-cheffe Heather Bear de la Fédération des nations autochtones souveraines a dit que le projet de loi C-21 et les modifications proposées empiètent sur les droits des Autochtones de chasser sur les terres de réserve et les territoires traditionnels. Il s’agit entre autres des dispositions du projet de loi qui ciblent les propriétaires légitimes d’armes de poing.
Le projet de loi C-21 vise à geler la vente, l’achat ou le transfert d’armes de poing légales. Cette disposition concerne plus d’un million d’armes à feu légales utilisées par des tireurs de compétition et des collectionneurs respectueux des lois depuis plus d’un siècle.
Naturellement, cette mesure n’aura aucun effet sur les gangs criminels qui s’intéressent surtout aux armes à feu illégales, qu’ils peuvent facilement se procurer de l’autre côté de la frontière. Au contraire, ce soi-disant gel des armes de poing vise ceux qui détiennent des permis d’arme à feu à autorisation restreinte pour diverses raisons légales.
Comme l’a déclaré le vice-cheffe Bear : « On utilise des armes de poing dans le Grand Nord [...] » Pourquoi? Elles sont parfois utilisées pour des raisons de sécurité, car un animal tel qu’un ours peut s’attaquer à un chasseur très rapidement, ce qui, à courte distance, rend l’utilisation d’une arme de poing plus pratique que celle d’un fusil. Le fait de disposer d’un moyen de défense comme une arme de poing peut vous sauver la vie. Or, non seulement le gouvernement n’a pas tenu compte de cet aspect lorsqu’il a rédigé le projet de loi C-21, mais il n’a pas non plus consulté ceux que ce projet de loi touchera le plus.
Il n’est donc pas surprenant qu’en décembre, les dirigeants des Premières Nations réunis à l’Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations, se soient prononcés contre le projet de loi C-21.
C’est Russell Wesley, chef de la Première Nation de Cat Lake, qui a présenté cette résolution à l’Assemblée extraordinaire des Chefs de l’Assemblée des Premières Nations, en déclarant que ce projet de loi démontrait une fois de plus que les droits des Premières Nations étaient constamment remis en question.
En ce qui concerne la consultation des Autochtones, le ministère de la Justice a déclaré ce qui suit :
Le gouvernement du Canada a l’obligation constitutionnelle de consulter les peuples autochtones lorsqu’il envisage de mettre en œuvre des mesures qui pourraient avoir des répercussions négatives sur leurs droits établis ou potentiels — ancestraux ou issus de traités. Cela a été systématiquement confirmé par les tribunaux. Le gouvernement du Canada s’est toujours efforcé de faire respecter cette obligation et a montré qu’il était résolu à prendre des mesures supplémentaires à cette fin.
Qu’est-il advenu de cet engagement? Je pense qu’il est tout à fait impératif que notre comité sénatorial prenne le temps d’entendre tous les témoins autochtones qui souhaitent être entendus lorsqu’il examinera le projet de loi.
Si le gouvernement n’entend pas consulter les Autochtones comme il l’a promis, il incombe au Sénat de le faire à sa place. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que le projet de loi soit examiné en profondeur par le comité sénatorial et pour que les Canadiens puissent être entendus et le soient.
À cet égard, je veux revenir sur la question du gel des armes de poing proposé dans le projet de loi. Le ministre a dit ceci au sujet de la disposition :
[Elle] introduirait pour la première fois un gel national sur les armes de poing. En termes très clairs, cela signifie qu’éventuellement, personne ne pourrait acheter, vendre, transférer ou importer une arme de poing au Canada.
Selon le ministre, c’est l’objectif de la disposition. Cependant, qu’est-ce que cette disposition accomplira vraiment en matière de sécurité publique? Nous savons qu’elle ne fera rien en ce qui concerne les armes de poing illégales, qui sont l’arme de prédilection des gangs criminels. Le chef de police adjoint du Service de police de Toronto, Myron Demkiw, a récemment déclaré à la Chambre des communes qu’environ 86 % des armes à feu saisies étaient des armes entrées en contrebande au Canada. Selon un récent reportage de la CBC, 90 % des crimes commis avec des armes à feu en Ontario l’ont été avec des armes à feu de contrebande.
Le chef adjoint Demkiw a été très clair au sujet de l’origine des armes de poing présentes dans les rues de Toronto, disant ceci :
Ces armes ne viennent pas de chez nous, mais d’ailleurs dans le monde. À Toronto, le problème vient des armes de poing importées des États-Unis.
Quand on l’a interrogé sur le gel proposé des armes de poing et l’autre programme de rachat des armes à feu du gouvernement, il a répondu :
Les investissements dont vous parlez ne permettront certainement pas de régler le problème des armes de poing illicites utilisées à des fins criminelles à Toronto.
Nous devons poser la question de nouveau : qui le gouvernement a-t-il écouté ou consulté? Il n’y a aucun avantage pour la sécurité publique à légiférer pour que les détenteurs de un million d’armes de poing légales puissent les conserver, sans avoir le droit de les vendre ou d’acheter de telles armes légalement. De même, l’imposition de restrictions aux tireurs au pistolet de compétition ne rend pas nos rues plus sûres.
Le gouvernement soutient que, dans de nombreuses régions du Canada, il faut lutter contre le vol d’armes à feu légales, mais le gel des achats et des ventes d’armes à feu légales, qui sont déjà strictement contrôlées, ne résout pas ce problème. Le principal problème pour une ville comme Toronto est la contrebande organisée d’armes à feu. À cet égard, le projet de loi C-21 ne fait rien du tout.
En parlant du projet de loi, le ministre a affirmé que :
Le projet de loi C-21 s’attaquera de façon très directe et intentionnelle au crime organisé. Pour accomplir cela, tout d’abord, il augmentera les peines maximales de 10 à 15 ans pour les passeurs et les trafiquants d’armes à feu illégales à la frontière. Quel est l’objet de cette déclaration d’intention? C’est d’envoyer un message très clair et très puissant à tous ceux qui participent au trafic d’armes à feu illégales, pour leur dire qu’ils risquent des peines plus sévères.
Il n’est guère surprenant que le ministre se soit trompé sur le nouveau maximum proposé. Le nouveau maximum proposé dans le projet de loi est de 14 ans, et non de 15 ans comme l’a dit le ministre. Il ne connaît pas son propre projet de loi. Il est avocat et a été procureur, mais il n’a pas compris que la peine maximale normale prévue par le Code criminel est de 14 ans, et non de 15 ans.
Quoi qu’il en soit, à quoi sert cette augmentation de la peine maximale possible?
Tout d’abord, en ce qui concerne la peine maximale actuelle de 10 ans pour la contrebande d’armes à feu, il faut être honnête : cette peine est rarement imposée par les tribunaux canadiens. J’ai demandé aux chercheurs de la Bibliothèque du Parlement combien de fois la peine maximale de 10 ans avait été imposée au cours des 20 dernières années. Les chercheurs de la bibliothèque n’ont pas trouvé un seul exemple.
À la séance d’information qui m’a été donnée du fait que je suis porte-parole pour ce projet de loi, les fonctionnaires ont admis que très peu des peines pour contrebande d’armes à feu imposées correspondent à la peine maximale prévue par la loi ou s’en rapprochent. Cela arrive, mais c’est si rare qu’il est très difficile d’en trouver des exemples, même pour eux.
Malgré ce constat, le ministre prétend que porter à 14 ans la peine maximale enverra un message fort aux instances judiciaires. Cela semble peu probable, puisque la plupart des peines d’emprisonnement imposées sont de cinq ans ou moins.
Je reconnais que certaines infractions liées aux armes à feu peuvent parfois se traduire par des peines plus sévères. À l’étape de la deuxième lecture, le sénateur Yussuff a affirmé que « les personnes condamnées [pour contrebande] purgent en moyenne huit ans de leur peine ». Je crois que le sénateur Yussuff tentait probablement de faire valoir que la peine moyenne est de huit ans, et non que les personnes condamnées purgent réellement huit ans de leur peine d’emprisonnement. En fait, purger huit années d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans est presque impossible, car tous les détenus sont libérés d’office après avoir purgé environ les deux tiers de leur peine. Ainsi, même un détenu qui se voit imposer la peine maximale de 10 ans sera libéré avant même d’avoir passé 7 ans derrière les barreaux.
Je ne crois pas non plus qu’il y ait des preuves que la peine moyenne pour la contrebande d’armes soit de huit ans. Je ne peux que répéter ce qu’affirme la Bibliothèque du Parlement. Elle n’a pu trouver aucun exemple de peine maximale imposée pour la contrebande d’armes à feu, et les fonctionnaires ont reconnu qu’il y a très peu de peines à l’extrémité supérieure de l’échelle des peines. On pourrait espérer que cette tendance change, mais, en fait, la tendance est plutôt aux peines inférieures et moyennes.
Le cas de William Rainville qui, en 2021, a tenté d’introduire en contrebande 248 pistolets de type Polymer80 Glock au Canada, illustre bien ce phénomène. Ces pistolets ont été passés en contrebande sans numéro de série. Les armes avaient une valeur marchande estimée à 1,6 million de dollars et elles étaient destinées à un usage criminel. Le contrebandier a été condamné, chers collègues, à une peine de cinq ans d’emprisonnement.
Certains rappelleront peut-être qu’il s’agit d’une peine sévère, mais elle n’est qu’au milieu de l’échelle, et le fait est que William Rainville a pu obtenir la semi-liberté après 12 mois de cette peine de 5 ans.
Chers collègues, pensez-y : 12 mois à purger pour avoir fait entrer illégalement 250 armes à feu sans numéro de série au pays. Il s’agissait clairement d’armes destinées au milieu criminel qui auraient probablement tué des gens, mais le délinquant est ressorti après 12 mois.
Pourquoi seulement 12 mois? Nous devons ici évoquer un autre projet de loi adopté sous le gouvernement actuel, le projet de loi C-83. Ce projet de loi a introduit dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition un principe voulant que tous les contrevenants doivent être incarcérés au niveau de sécurité le moins restrictif possible, dans la mesure où c’est conforme à la politique publique. Cela signifie que tant que les contrevenants se tiennent tranquilles en prison, ils sont souvent transférés à des établissements dont le niveau de sécurité est de plus en plus bas, ce qui leur permet d’accéder plus rapidement à la libération conditionnelle anticipée ou totale. Autrement dit, quelle que soit la gravité de l’infraction, si un contrevenant sait manipuler le système, il peut souvent être libéré très rapidement.
Le gouvernement a été averti que cela se produirait lorsqu’il a fait adopter le projet de loi C-83. Ces avertissements, dont ceux de notre collègue le sénateur Boisvenu, ont été ignorés.
Une autre personne, Tony N’Zoigba, savait certainement comment manipuler le système. Il a été arrêté en février 2020 après avoir traversé le fleuve Saint-Laurent à bord d’un hors-bord où se trouvait un sac de sport contenant neuf armes. Ces armes étaient manifestement destinées à un usage criminel, puisque leur cheminement avait été retracé dans le cadre d’une opération d’infiltration canado-américaine. L’intention de cet homme était de vendre ces armes à des gangs criminels ici même, à Ottawa.
Il a fait l’objet de 92 chefs d’accusation. Quelle a été sa peine? Il a été condamné à 18 mois de prison.
Quelques mois plus tard, il était en semi-liberté. Et que faisait-il? Apparemment, il tentait de conclure une autre entente en vue de faire entrer encore plus d’armes au Canada, de sorte que sa semi‑liberté a dû être suspendue.
Chers collègues, les criminels qui font de la contrebande transfrontalière d’armes à feu sont très bien organisés. Ils tirent parti des lois canadiennes laxistes, de la faiblesse des juges libéraux et du peu de mesures de contrôle en place à la frontière. Je crains que ni les mesures limitées prises par le gouvernement ni l’augmentation mineure qu’on propose d’apporter à la peine maximale — alors que les juges n’imposent jamais, ou presque, la peine maximale actuelle — n’atténuent le grave problème auquel le Canada est confronté.
Le ministre a fait valoir que le projet de loi accordait de nouveaux pouvoirs d’enquête, puisqu’il élargit la liste des infractions liées aux armes à feu. Selon lui, cela permettra à la police de faire davantage d’écoutes téléphoniques. Le gouvernement affirme également avoir investi plus d’un milliard de dollars pour lutter contre la criminalité liée aux armes à feu. Les statistiques sur l’argent dépensé ne sont toutefois pas synonymes de résultats. Le gouvernement actuel est toujours prêt à injecter de l’argent pour résoudre les problèmes, mais il n’est jamais prêt à poser des questions détaillées sur l’efficacité réelle de ses politiques.
Il faut aussi être honnête : l’argent est réparti sur de nombreuses années, dans tout le pays et entre de multiples projets. Une bonne partie de l’argent ne servira pas à soutenir les agents sur le terrain. Il est certain que les 750 millions de dollars ou plus qui sont gaspillés pour indemniser les propriétaires légitimes d’armes à feu à la suite de l’interdiction décrétée par le gouvernement en 2020 ne font absolument rien pour soutenir les services de police sur le terrain.
Le fait est que les crimes commis avec une arme à feu sont à la hausse et qu’une grande partie de ces crimes sont commis avec des armes de contrebande. Or, le ministre ne fait pas grand-chose pour remédier à ce problème. Il prétend que les agents des services frontaliers saisissent un nombre record d’armes à feu aux postes frontaliers. Cependant, quel est l’effet réel de ces saisies sur la criminalité dans les rues?
Mon bureau a fait inscrire une question au Feuilleton concernant les saisies d’armes à feu aux postes frontaliers. Nous avons demandé dans quelle mesure l’interception par l’Agence des services frontaliers du Canada d’armes illégales destinées à des gangs de rue était un succès. En réponse à cette question, le ministère de la Sécurité publique a répondu qu’en 2019, l’Agence avait saisi 713 armes à feu de toutes sources à la frontière. Cela semble impressionnant, mais en réalité, l’Agence avait également déclaré que seulement 72 de ces armes à feu étaient considérées à première vue comme des armes à feu destinées à une utilisation illicite au Canada.
En 2020, les chiffres étaient moins impressionnants. L’Agence des services frontaliers du Canada a saisi 470 armes à feu à la frontière en 2020, mais seulement 8 d’entre elles — environ 2 % de toutes les saisies d’armes à feu — ont été désignées comme des armes susceptibles d’être utilisées pour commettre un crime.
Saisir les armes de voyageurs américains qui ne se doutent de rien, qui ne connaissent pas les lois canadiennes et qui ne resteront au Canada que quelques jours ou quelques semaines n’a aucune incidence sur la criminalité dans les zones urbaines du Canada. Nous devons plutôt mettre un terme à la contrebande d’armes par des groupes organisés qui acheminent ces armes vers les gangs qui sévissent dans nos rues.
Même si le ministre parle d’investissements et d’argent dépensé, la triste réalité est la suivante, chers collègues : si nous ne disposons pas d’un nombre suffisant d’agents pour enquêter sur les réseaux de contrebande d’armes, nous ne lutterons pas sérieusement contre les crimes violents commis dans nos rues. Si nous ne disposons pas d’une police déterminée, bien financée et axée sur le renseignement, qui cible la contrebande d’armes, nous ne lutterons pas sérieusement contre les crimes violents commis dans nos rues. Si nous ne disposons pas d’un nombre suffisant d’agents de police ou d’agents frontaliers pour surveiller les frontières entre les points d’entrée, nous ne lutterons pas sérieusement contre les crimes violents commis dans nos rues. Si nous ne disposons pas d’un nombre suffisant d’agents et de procureurs de la Couronne pour exécuter les mandats d’écoute électronique et soutenir les grandes enquêtes, nous ne lutterons pas sérieusement contre les crimes violents commis dans nos rues. Enfin, si nous ne prévoyons pas de peines sévères pour la contrebande d’armes et les crimes commis avec des armes à feu, des peines qui élimineront définitivement les criminels violents de nos rues, alors nous ne lutterons tout simplement pas contre les crimes commis avec des armes à feu dans nos rues.
En toute honnêteté, le projet de loi C-21 et tous les beaux discours le concernant ne permettent rien de tout cela. Ce projet de loi vise presque exclusivement les propriétaires légitimes d’armes à feu. Il considère que c’est eux, le problème. Cette approche est particulièrement évidente dans une autre disposition du projet de loi qui porte sur le pouvoir d’intervention rapide.
Voici ce qu’a déclaré le ministre Mendicino :
Il s’agit de la violence fondée sur le sexe qui survient dans les milieux de travail, dans les collectivités, dans les résidences et en ligne. Il y a un lien entre la violence fondée sur le sexe et les armes à feu. De 2013 à 2019, le nombre d’incidents de violence fondée sur le sexe impliquant une arme à feu a augmenté de plus de 30 % et la tendance se maintient.
Le ministre semble dire que la simple existence des armes légales est un problème, mais il y a des millions d’armes à feu légales au Canada. À moins que le ministre prévoie les retirer à tous les chasseurs et tireurs sportifs, je ne vois pas comment il compte régler ce problème. Il ne va certainement pas le faire grâce aux dispositions du projet de loi C-21.
Je crois que tous les Canadiens conviennent que l’augmentation des actes de violence, parfois des séries d’attaques, que l’on constate dans notre société est profondément troublante. Ces attaques sont parfois motivées par un extrémisme idéologique ou religieux. Elles peuvent être simplement motivées par l’effondrement de la santé mentale d’un individu. Peu importe la raison, il semble y en avoir de plus en plus. Il peut s’agir d’attaques au couteau au hasard ou d’autres types d’attaques. Il peut s’agir d’attaques à la voiture-bélier ou d’attaques avec une arme à feu.
Les mesures de contrôle des armes à feu légales sont conçues pour remédier à ce problème. C’est pour cette raison que, au Canada, nous reconnaissons depuis longtemps le besoin d’instaurer des mesures de contrôle raisonnable pour encadrer les armes à feu. Il y a un vaste consensus politique en matière de délivrance de permis d’armes à feu, de la formation en matière de sécurité obligatoire et de l’entreposage sécuritaire des armes à feu. Il y a aussi un large consensus au sujet de la vérification par la police des antécédents. Les détenteurs de permis d’armes à feu au Canada doivent renouveler leur permis tous les cinq ans. Les propriétaires d’armes à feu sont continuellement soumis à des examens. Si des problèmes surviennent, les permis peuvent être suspendus et les armes à feu saisies. Il s’agit de dispositions réglementaires exhaustives, mais nous devons reconnaître qu’il ne pourra jamais y avoir de solution à toute épreuve.
Dans le projet de loi C-21, le gouvernement propose d’ajouter une nouvelle série de dispositions, des mesures de signalement préventif. Ces mesures permettront à quiconque de s’adresser aux tribunaux et de demander à un juge de saisir l’arme à feu ou de suspendre le permis d’une personne qui possède une arme à feu si cette personne représente une menace pour autrui ou elle-même. À quel point ces mesures améliorent-elles réellement la sécurité publique?
La section de la justice pénale de l’Association du Barreau canadien souligne que les policiers ont déjà le pouvoir de demander un mandat pour saisir des armes à feu dans des circonstances particulières. La loi permet à la police de saisir des armes à feu sans mandat lorsque l’obtention d’un mandat n’est pas possible ou quand une personne ne présente pas son permis ou autre autorisation.
La saisie d’une arme à feu entraîne la révocation automatique des permis et des autorisations. La personne a alors la possibilité de se faire entendre devant un tribunal. Autrement dit, une personne peut déjà déposer une plainte ou signaler une préoccupation à la police, qui aura ensuite le pouvoir d’agir.
Comme on peut le lire sur le site Web de l’Association du Barreau canadien, la Section du droit pénal de l’association croit que :
[...] la loi actuelle contient des pouvoirs suffisants pour atteindre l’objectif de saisir des armes soupçonnées d’avoir été utilisées dans un crime ou de les retirer des mains de personnes considérées comme un danger pour elles-mêmes ou pour autrui.
Il est difficile de comprendre ce qui serait accompli par l’ajout de dispositions prévoyant des pouvoirs d’intervention sont déjà en place. Une personne qui a une préoccupation sérieuse sera-t-elle plus susceptible d’appeler la police ou de prendre le temps de se présenter devant un tribunal? La réponse me semble plutôt évidente.
Il sera très important que le comité sénatorial saisi de ce projet de loi convoque des juristes et d’autres témoins pour les interroger à ce sujet. Ces problèmes sont complexes, et il faudra comprendre comment le cadre législatif actuel fonctionne et comment les nouvelles dispositions proposées pourront améliorer la sécurité publique.
Le projet de loi ne semble pas offrir de solutions concrètes à ces problèmes. À quoi sert-il vraiment? Je crois qu’il vise non pas à éradiquer la violence armée, comme le gouvernement le prétend, mais plutôt à préparer le terrain pour les prochaines mesures qui cibleront encore plus rigoureusement les propriétaires légitimes d’arme à feu. À cette fin, le gouvernement propose d’inclure dans ce projet de loi une définition plus large de ce qui constitue une arme à feu prohibée. Cette définition comprendrait maintenant toute arme à feu qui tire des munitions à percussion centrale de manière semi-automatique et qui a été conçue à l’origine avec un chargeur détachable d’une capacité de six cartouches ou plus. En principe, cela pourrait inclure plus de 1 million d’armes à feu, c’est-à-dire les armes à feu que j’ai déjà mentionnées et qui ne font pas l’objet de restrictions en ce moment.
Le gouvernement affirme que cette définition s’appliquerait de façon prospective, ce qui veut dire qu’elle ne s’appliquerait qu’aux armes à feu conçues et fabriquées à partir de la date d’entrée en vigueur de la définition. Elle n’aurait pas d’incidence sur la classification des armes à feu qui se trouvent actuellement sur le marché canadien. Dans ce cas, quel est l’avantage de cette modification pour la sécurité publique? On interdirait de nouvelles armes à feu qui sont très similaires aux anciennes et qui tirent les mêmes munitions, mais pas les armes à feu qui existent déjà, qui sont au nombre de plus d’un million.
Lorsque je dis qu’il s’agit de plus d’un million, c’est parce que personne ne connaît le chiffre exact. Ce que nous savons, c’est qu’interdire les nouvelles armes à feu qui sont exactement les mêmes que les anciennes et laisser les anciennes en circulation n’a absolument aucun sens. Le gouvernement affirme que l’objectif est de « combler une lacune réglementaire lorsque les armes à feu qui entrent sur le marché canadien peuvent être mal classées ». Il est toutefois possible d’en faire beaucoup plus, et l’intention suprême du gouvernement est démontrée dans les amendements qui ont, pour l’instant, été retirés. Cela signifie qu’il ne faut pas croire que les armes à feu détenues par les Canadiens depuis des décennies sont à l’abri d’une interdiction arbitraire. Dans les interdictions d’armes à feu que le gouvernement a introduites par décret en 2020, le gouvernement a montré qu’il est plus que disposé à introduire des interdictions d’armes à feu totalement arbitraires chaque fois que les considérations politiques suggèrent que ce serait une bonne idée.
Les Canadiens ne sont pas plus en sécurité lorsque les gouvernements prennent arbitrairement la décision politique d’interdire quelques catégories d’armes à feu simplement en raison de leur apparence, tout en laissant en circulation légale d’autres catégories d’armes à feu semblables, qui utilisent souvent exactement les mêmes munitions. Cela n’a évidemment aucun sens, mais c’est exactement ce que le gouvernement a fait en 2020.
Auparavant, le gouvernement prétendait que ses décisions relatives à l’interdiction des armes à feu seraient toujours fondées sur des faits et sur l’avis de professionnels; toutefois, cette promesse en a pris pour son rhume et la reclassification des armes à feu se fera désormais derrière des portes closes et sera assujettie à toutes sortes de pressions de la part des politiciens.
Quelles sont les implications de tout cela pour le contrôle des armes à feu au Canada? Comme cela s’est produit avec le projet de loi C-68 il y a exactement 30 ans, l’appui au contrôle des armes à feu subira probablement un coup dur. Par définition, le contrôle des armes à feu légales est axé sur les citoyens respectueux des lois. Dans l’ensemble, les propriétaires d’armes à feu au Canada ont toujours coopéré avec le contrôle des armes à feu au Canada et leur coopération est nécessaire pour maintenir un contrôle viable et efficace des armes à feu. Après tout, ce sont leurs armes à feu qui sont réglementées. Cependant, les lois doivent être perçues comme légitimes et nécessaires si l’on veut conserver la coopération de personnes les plus touchées par ces lois. Le projet de loi C-21 mine cette confiance du public. Le projet de loi est déjà perçu comme une offensive gratuite et motivée par des intérêts politiques contre les propriétaires d’armes à feu. C’est leur propriété personnelle qui est visée.
À la suite des mesures prises par le gouvernement, un million d’armes de poing détenues par des propriétaires d’armes à feu respectueux des lois ne peuvent plus être achetées ou vendues légalement. Cette décision arbitraire n’est accompagnée d’aucune compensation financière, ce qui la rend particulièrement injuste.
Les disciplines de tir sportif et les clubs d’armes de poing de tout le pays sont touchés. En ce qui a trait aux différentes disciplines de tir sportif, le gouvernement a décidé que seuls les tireurs olympiques seraient exemptés de la disposition sur l’achat et la vente des armes de poing. À quoi cela rime-t-il? Comment peut-on soutenir les compétiteurs canadiens de niveau olympique sans permettre à d’autres tireurs de pratiquer le tir sportif? Comme je l’ai déjà dit, c’est comme dire qu’on pourra seulement jouer au hockey dans la LNH, mais qu’on ne permettra à aucun hockeyeur amateur de joueur. Tous les propriétaires légitimes d’armes à feu savent que le véritable objectif est de mettre un terme à tous les sports de tir au Canada.
On nous a aussi dit qu’une autre conséquence sera que les agents de police partout au Canada, qui, très souvent, peuvent seulement s’entraîner au club d’armes à feu local, n’auront tout à coup nulle part où pratiquer le tir, à mesure que les clubs commenceront à fermer au cours des prochaines années. Quelqu’un au sein du gouvernement a-t-il pensé à cette répercussion sur la sécurité publique? Comment nos agents de police sont-ils censés pratiquer le tir si les clubs ferment?
Il n’est pas surprenant que, compte tenu de toutes les implications, les gens réagissent très négativement à ce projet de loi. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi est déjà contesté par un large éventail de Canadiens. Chers collègues, la plupart des provinces et des territoires s’y opposent également. En fait, certaines provinces sont en train d’adopter des lois visant à contrecarrer les objectifs mêmes du projet de loi C-21.
Certains sénateurs se consoleront sans doute en se disant que ce sont uniquement les gouvernements provinciaux conservateurs qui le font. Or, voici ce qu’a dit Irfan Sabir, porte-parole du NPD de l’Alberta en matière de justice, à propos de ce projet de loi :
Le programme fédéral sur les armes à feu fait l’objet de critiques légitimes, et il était absolument nécessaire de retirer et de revoir les amendements qui auraient ciblé de nombreuses armes à feu, y compris celles utilisées par les Albertains et les peuples autochtones pour la chasse.
Honorables sénateurs, c’est l’opinion des néo-démocrates de l’Alberta.
La seule correction que j’apporterais, c’est que, malheureusement, le gouvernement fédéral n’a pas abandonné ses amendements au projet de loi C-21. Il les a plutôt mis sur la glace temporairement avec la ferme intention de les présenter à nouveau sous la forme de règlements. Ces règlements seront recommandés par un comité ministériel composé exclusivement de personnes nommées par le ministre de la Sécurité publique, un homme dont la crédibilité a complètement été détruite à cause du mauvais projet de loi qu’il a présenté. Nous ne devrions pas nous étonner que ce ministre soit responsable d’autres fiascos, comme le transfèrement du tueur Paul Bernardo vers un établissement à sécurité moyenne, une affaire qui a montré son incompétence.
Honorables sénateurs, la réalité est que le gouvernement et le ministre ont mal géré l’ensemble du dossier de la justice pénale depuis le début. Leur approche pour lutter contre la violence liée aux armes à feu et aux gangs dans notre pays est malavisée. Le gouvernement devrait tout simplement repartir à neuf.
Que devrait-il faire? D’abord, il devrait admettre ses erreurs dans les projets de loi C-5, C-75 et C-83. Au sujet des conditions de libération sous caution et du projet de loi C-75, il l’a maintenant fait du bout des lèvres, mais les nouvelles mesures qu’il a proposées sont peu susceptibles de contribuer grandement à réduire la criminalité dans nos rues. En fait, tous les mauvais projets de loi que le gouvernement a adoptés doivent être complètement revus si nous voulons mettre un frein à la montée des crimes violents au Canada.
Deuxièmement, la résolution du problème de la contrebande d’armes à feu devrait devenir la priorité absolue. Nous ne pourrons jamais empêcher totalement l’entrée au Canada, à partir des États‑Unis, d’armes destinées à des fins criminelles, mais nous pouvons au moins veiller à ce qu’il soit très coûteux pour les gangs criminels de faire de la contrebande transfrontalière. Nous devons nous assurer que cela leur coûte cher sur le plan financier, et que les personnes prises en train de faire entrer en contrebande des armes dans notre pays sont retirées de nos rues, soit pour une très longue période, soit de manière permanente s’il s’agit de récidivistes. C’est le Parlement, et non les tribunaux, qui a le pouvoir de légiférer au Canada, et nous avons besoin d’un gouvernement qui est prêt à respecter ce principe important.
Troisièmement, le gouvernement doit travailler en étroite collaboration avec les communautés vulnérables. Nous avons besoin d’un gouvernement qui investit dans ces communautés et dans les jeunes, en prenant des mesures qui fonctionnent réellement.
Surtout, ces communautés, comme toutes les autres communautés canadiennes, méritent un environnement où la loi et l’ordre peuvent être tenus pour acquis et où les enfants et les jeunes peuvent grandir sans avoir peur. On a beau créer tous les programmes qu’on veut, mais si les rues autour des lieux de prestation de ces programmes ne sont pas sûres, l’incidence de ces programmes sera fort limitée.
Quatrièmement, nous avons besoin d’un gouvernement fédéral prêt à collaborer avec les provinces et non à poursuivre des objectifs qui vont à l’encontre de ceux des provinces. Autrement dit, nous avons besoin d’un gouvernement fédéral qui s’intéresse davantage à produire des résultats concrets qu’à prendre des mesures, comme le projet de loi C-21, fondées sur des slogans et ciblant les Canadiens respectueux des lois. Je comprends que les provinces ont des opinions différentes à ce sujet. Le gouvernement fédéral doit être prêt à travailler avec chacune d’elles, et non à imposer des solutions à distance.
Enfin, chers collègues — et je suis certain que vous serez heureux de l’entendre —, nous devons maintenir, au Canada, un régime de délivrance de permis d’armes à feu qui soit à la fois efficace et raisonnable. Contrairement aux États-Unis, le Canada a une longue tradition de contrôle des armes à feu à la fois responsable et raisonnable.
Pour que le contrôle des armes à feu soit efficace, il doit être perçu comme légitime. Le contrôle des armes à feu doit recevoir l’appui des propriétaires légitimes d’armes à feu. Avec ce projet de loi, le gouvernement risque de perdre cet appui. Il a fallu des années pour regagner un peu d’appui en faveur d’un régime de contrôle des armes à feu après le fiasco du registre des armes d’épaule créé par un autre gouvernement libéral il y a 30 ans. Aujourd’hui, le gouvernement a perdu cet appui. C’est pourquoi ce projet de loi est extrêmement absurde et manque de vision à long terme.
Chers collègues, toutes ces questions doivent être examinées en profondeur par le comité sénatorial qui étudiera le projet de loi. J’espère que nous ne fermerons pas la porte aux nombreux Canadiens qui souhaitent être entendus à propos de ce mauvais projet de loi. J’espère que nous ne procéderons pas comme le gouvernement l’a fait à la Chambre, puisqu’il a eu recours à l’attribution de temps et a forcé l’adoption rapide du projet de loi pendant l’étude au comité et à l’étape de la troisième lecture. Ce serait une gifle pour de nombreux Canadiens qui méritent d’être entendus. Ce serait également une trahison et une abdication complète du rôle constitutionnel du Sénat.
Je m’oppose fermement à ce projet de loi mais, si nous le renvoyons au comité, nous devons donner au comité le temps de faire son travail efficacement. Je pense que nous sommes tous d’accord avec ce principe. Cela dit, il serait préférable que le comité n’ait pas à perdre son temps à étudier ce mauvais projet de loi.
Le projet de loi C-21 ne rendra pas le Canada plus sûr. Il ne réduira aucunement la criminalité dans les rues. Les propriétaires d’armes à feu légales s’y opposent. Les peuples autochtones s’y opposent. Les provinces et les territoires s’y opposent. Il risque de détruire le contrôle des armes à feu au Canada.
Chers collègues, je vous demande instamment de rejeter ce projet de loi à l’étape de la deuxième lecture. Merci beaucoup.
Le sénateur Plett accepterait-il de répondre à une question?
Je me suis accroché au podium pendant les 30 dernières minutes. Je décline respectueusement les questions.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les oui l’emportent.
Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie?
Oui. La sonnerie retentira pendant 15 minutes.
Par conséquent, la sonnerie retentira pendant 15 minutes, et le vote aura lieu à 21 h 39. Convoquez les sénateurs.