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L'apport commercial et économique des entreprises autochtones à l'économie du Canada

Interpellation--Suite du débat

26 octobre 2023


Honorables sénateurs, je prends la parole sur le territoire non cédé de la nation algonquine anishinabe pour parler de l’interpellation no 13 du sénateur Klyne qui souligne l’apport commercial et économique des entreprises autochtones à l’économie du Canada.

Voici ce qu’a dit le sénateur Klyne :

Il y a beaucoup de précieuses leçons à tirer et à mettre à profit pour réussir à accélérer la participation des Autochtones à l’économie du Canada.

Chers collègues, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a achevé son étude du projet de loi C‑29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation.

Nous savons, chers collègues, qu’avant l’arrivée des colonisateurs, les peuples autochtones avaient des économies prospères, des communautés florissantes et des structures de gouvernance dynamiques, et que la colonisation et l’assimilation, sous toutes leurs formes, ont mis fin à cette prospérité et à cette force.

Il est essentiel d’appuyer la prospérité des Autochtones en faisant progresser la réconciliation économique pour répondre à plusieurs des appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation. L’accès équitable à l’éducation, à l’emploi et aux possibilités économiques pour les Autochtones est essentiel et, bien sûr, ces efforts doivent être menés par les Autochtones eux-mêmes.

Le nouveau conseil national de réconciliation sera chargé, entre autres, de suivre les progrès de la réconciliation dans tous les secteurs au Canada, y compris la réconciliation économique.

Cependant, cette responsabilité de surveillance n’est peut-être pas si facile à assumer.

Dans un document publié plus tôt ce mois-ci et intitulé An Overview of the Indigenous Economy in Canada, la Banque du Canada souligne qu’environ 1,8 million de personnes se sont déclarées Autochtones, ce qui représente 5 % de la population canadienne. De ce nombre, 1,05 million proviennent de plus de 630 Premières Nations, et environ 30 % vivent dans une réserve et 70 % hors réserve. Il y a 624 000 Métis et 70 500 Inuits, et près de 70 % des Inuits vivent dans l’Inuit Nunangat, où ils forment la population majoritaire.

Près de 60 % de la population autochtone du Canada vit dans des régions rurales, comparativement au tiers de la population non autochtone, et le quart des Autochtones vit dans les 12 plus grandes villes du Canada.

Voici ce que dit l’article de la Banque du Canada :

Les tentatives d’évaluation de la taille de l’économie autochtone au Canada ou de ses contributions sont contrariées par des problèmes de disponibilité et de qualité des données.

Malgré ces lacunes dans les données, certaines études ont tenté de quantifier la taille ou les contributions de l’économie autochtone [...] Bien que les estimations varient grandement, il en ressort que la part du produit intérieur brut (PIB) attribuable aux peuples autochtones correspond à beaucoup moins de la moitié de leur poids démographique, ce qui en dit long sur [...] l’inégalité économique qui existe entre les populations autochtones et les populations non autochtones du Canada.

Chers collègues, la moitié, 50 %, c’est un écart considérable.

Cette situation est-elle décourageante? Oui, elle l’est. Est-elle inacceptable? Assurément. Maintenant, chers collègues, voyons quelques exemples des efforts entrepris pour combler cet écart de prospérité.

Alors que le Mois de l’histoire des Mi’kmaqs tire à sa fin, j’attire votre attention sur deux exemples fantastiques de leadership économique en provenance du territoire des Mi’kmaqs, où j’ai la chance d’habiter. Un exemple porte sur Membertou, l’autre sur Paqtnkek.

Parlons tout d’abord de la réussite de la Première Nation de Membertou, une dynamo économique bien connue établie sur l’île du Cap-Breton. Je l’ai mentionnée la semaine dernière, dans une déclaration qui rendait hommage à sœur Dorothy Moore. Vous êtes probablement nombreux à savoir que l’honorable Dan Christmas, notre ancien collègue, a joué un rôle crucial dans la réussite de sa nation.

Je tiens tout d’abord à raconter le plus récent chapitre de cette histoire en lisant les mots du chef Terry Paul qui est, je tiens à le mentionner, le titulaire d’un diplôme de leadership obtenu en 1977 à l’Institut Coady, où j’ai déjà travaillé. Dans une lettre de novembre 2020 adressée à sa collectivité, il a écrit ceci :

Chers membres de la bande de Membertou, je suis extrêmement fier d’annoncer que Membertou a effectué un achat commercial majeur qui aura des effets bénéfiques durables sur notre communauté pendant les sept prochaines générations.

L’entreprise Clearwater Seafoods a été acquise aujourd’hui par une coalition mi’kmaq, qui comprend la bande de Membertou et notre nouveau partenaire commercial, Premium Brands. Clearwater est l’une des plus grandes entreprises de fruits de mer pleinement intégrées en Amérique du Nord et est maintenant détenue par les Mi’kmaqs. C’est un jour vraiment mémorable pour notre peuple.

Il a ajouté ce qui suit :

Dans le cadre de cette acquisition, il est prévu que Membertou et une coalition de communautés mi’kmaqs participantes de l’ensemble de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve possèdent 50 % de Clearwater Seafoods et 100 % de […] ses permis.

Depuis 13 000 ans, les Mi’kmaqs pratiquent une pêche durable dans les eaux du Canada atlantique, et, aujourd’hui, en ce jour réellement porteur de changement, nous devenons propriétaires d’une entreprise faisant partie des chefs de file mondiaux dans le secteur de la pêche.

Pendant de nombreuses années, nos collectivités n’étaient pas les bienvenues dans cette grande industrie. Aujourd’hui, à nos propres conditions, nous sommes propriétaires à 50 % d’une entreprise de pêche commerciale. Tous les avantages découlant de cette propriété reviendront à nos collectivités, et avoir un siège à la table procure la capacité d’influer sur le rôle de notre peuple dans le secteur de la pêche commerciale.

Il faut comprendre que cette acquisition commerciale est distincte de l’exercice de nos droits de pêche à des fins de subsistance convenable et de nos activités de pêche commerciale en eau douce. Avec la nouvelle d’aujourd’hui, nous devenons des participants dans tous les secteurs de la pêche.

Puis, le chef Terry ajoute ceci :

Grâce à la collaboration avec nos partenaires de l’Administration financière des premières nations [...] les collectivités ont fourni un financement total de 250 millions de dollars sur plus de 30 ans. Cet investissement est unique et distinct de nos activités commerciales actuelles, et il n’a aucune incidence financière sur la capacité de Membertou de continuer à offrir tous les services nécessaires pour communauté grandissante, de quelque façon que ce soit. En fait, nous récolterons ainsi de nouveaux revenus. Nous diversifions notre portefeuille financier et nous accroissons la prospérité de Membertou pour de nombreuses années à venir.

Il conclut comme suit :

Aujourd’hui, nous gardons une place spéciale dans nos cœurs pour notre héros, Donald Marshall Junior. Nous savons qu’il serait très fier de vivre ce moment avec nous.

Wela’lioq, chef Terry Paul.

De la fierté, c’est ce que tous les membres de la Première Nation de Membertou devraient ressentir. C’est très important. Nous poursuivons des décennies d’efforts de développement économique visionnaire, méticuleux et intelligent consentis par le chef Terry, Dan Christmas et d’autres dirigeants de Membertou. Depuis l’établissement de la Membertou Development Corporation en 1989, cette Première Nation est devenue la première communauté autochtone au monde à être certifiée ISO 9001, avant d’être nommée l’entreprise la mieux gérée au Canada, comme l’a dit le chef Terry : « Auparavant, on nous considérait comme un trou perdu. Maintenant, nous sommes prospères. »

En plus de leurs pêcheries, y compris Clearwater Seafoods, la Première Nation de Membertou a un palais du commerce et des congrès, un centre informatique, une entreprise de géomatique et une entreprise de fabrication de bateaux. Elle a investi dans le domaine des jeux et du divertissement, dans un centre de sports et de bien-être ainsi que dans l’immobilier commercial. Elle a des intérêts dans un projet de production d’hydrogène vert avec de l’énergie éolienne et elle nourrit encore d’autres grandes ambitions. Chers collègues, Membertou est souvent citée à titre d’exemple de réussite que d’autres communautés pourront imiter.

Honorables collègues, le deuxième exemple de réussite en matière de développement économique au sein de la communauté mi’kmaq dont j’aimerais vous parler vient de la Première Nation qui se trouve tout près de l’endroit où je vis, soit la Première Nation de Paqtnkek, dont notre nouveau collègue, le sénateur Prosper, a été le chef pendant sept ans avant de devenir chef régional pour la Nouvelle‑Écosse et Terre‑Neuve. Honorables collègues, mercredi soir, le développement économique de la Première Nation de Paqtnkek a été célébré tant sur la côte Ouest que sur la côte Est de notre pays. Sur la côte Est, à Antigonish, le prix de l’entreprise émergente de la Chambre de commerce d’Antigonish a été remis pour la première fois à une entreprise mi’kmaq, l’entreprise Bayside Travel Centre de la Première Nation de Paqtnkek. Sur la côte Ouest, à l’hôtel Westin Bayshore de Vancouver, Rose Paul, PDG de la Bayside Development Corporation, une entreprise de la Première Nation de Paqtnkek, a reçu le Prix ​​des femmes autochtones en leadership du Conseil canadien pour l’entreprise autochtone.

Je cite le texte publié au sujet de la lauréate :

[...] Faisant figure de pionnière en développement des affaires, en négociations et en partenariats au sein de la division commerciale de la Première Nation de Paqtnkek, Rose se consacre avec détermination à sa vision qui consiste à développer le plus possible le potentiel de création d’emplois et de développement des affaires pour les membres de la Première Nation de Paqtnkek.

[...] Rose et son équipe de direction ont élaboré le tout premier accord tripartite avec les gouvernements provincial et fédéral et ils ont obtenu le site de l’échangeur autoroutier de la sortie 38B, d’une valeur de plusieurs millions de dollars, ainsi que de terres qui avaient été confisquées à la communauté après la rupture d’une entente en 1960 [...]

[...] Rose a mis sur pied une stratégie de développement économique en concluant des partenariats stratégiques, en prenant place à des tables de prise de décision et de planification de même qu’en créant des partenariats avec des entreprises dans le cadre de la réconciliation économique. La vision économique à long terme de la communauté mise essentiellement sur des partenariats stratégiques avec des entreprises, telles qu’Everwind Fuels, chef de file de l’industrie et première en son genre en Amérique du Nord. Selon Mme Paul, cette alliance permettra à la communauté de devenir « souveraine sur le plan énergétique » et d’atteindre la carboneutralité afin de lutter contre le réchauffement climatique [...]

Rose Paul reconnaît au sénateur Prosper les qualités d’un grand chef de file qui a su se retrousser les manches pour collaborer avec elle afin de promouvoir la prospérité économique de Paqtnkek.

J’ai rencontré Rose Paul pour la première fois alors qu’elle participait au programme de leadership communautaire pour les femmes autochtones de l’Institut Coady. Elle a ensuite obtenu une maîtrise en administration des affaires de l’Université du Cap‑Breton. Elle a récemment suivi un programme de leadership exécutif à Harvard.

Lorsque j’ai rencontré Rose Paul à Bayside, il y a quelques semaines, elle m’a raconté comment, depuis qu’elle est devenue responsable du développement économique en 2006, la récupération du terrain de l’autre côté de l’autoroute est devenue une priorité pour la communauté et un élément clé de sa prospérité future.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, il est maintenant 18 heures. Conformément à l’article 3‑3(1) du Règlement, je suis obligée de quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, moment où nous reprendrons nos travaux, à moins que vous souhaitiez ne pas tenir compte de l’heure.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, de ne pas tenir compte de l’heure?

Revenons à Rose Paul et à l’exemple de réussite qu’est la nation mi’kmaq Paqtnkek.

On prévoit qu’en plus de la nouvelle halte routière ultramoderne appelée Bayside Travel Centre, qui comporte une grande station-service, deux restaurants, un dépanneur, un magasin d’alcool, une boutique de souvenirs, un bureau d’information touristique de la Nouvelle‑Écosse, une aire de jeu et une aire de repos pour camionneurs, l’emplacement accueillera de nombreuses autres installations.

La nation Paqtnkek travaille également, par l’intermédiaire de Bayside Renewables, à des projets d’énergie renouvelable, dont des centrales solaires et le seul microréseau intégré du Canada atlantique, qui combinera des panneaux solaires, le stockage d’énergie dans des batteries et des bornes de recharge pour véhicules électriques directement sur place.

Tout comme Membertou, Paqtnkek a des intérêts dans l’entreprise de produits de la mer Clearwater Seafoords. Elle détient une part des capitaux propres et siège au conseil d’administration d’EverWind Fuels, une initiative en matière d’hydrogène vert. Elle s’implique auprès de Maritime Launch, le premier port spatial commercial du Canada, situé à Canso, en Nouvelle‑Écosse, et prévoit construire un centre d’affaires ainsi qu’un hôtel.

Lorsque j’ai demandé à Rose quelle est l’incidence de toute cette activité économique sur la communauté, elle m’a dit que le taux de bénéficiaires de l’aide sociale a diminué de 30 %. Plus de gens ont un emploi, et un véritable changement de paradigme — et de mentalité — s’opère chez les jeunes qui se voient maintenant saisir des occasions d’affaires ou occuper un emploi directement dans leur collectivité. Rose a dit que ces réussites se faisaient attendre depuis longtemps et qu’elles sont très importantes pour remplir la promesse de ses prédécesseurs — dont sa propre grand-mère —, leur rendre justice et honorer leurs efforts soutenus et leur vision.

Honorables sénateurs, je suis vraiment impressionnée par la directrice générale, Rose Paul, par le chef Terry Paul et par les nations mi’kmaqs de Membertou et de Paqtnkek. Ces leaders et ces communautés, comme leurs pairs de partout au Canada dont on entend parler, travaillent dur et cherchent au quotidien des façons créatives de combler le grand écart de prospérité dont nous avons parlé plus tôt. Ils le font dans l’objectif clair de réaliser la vision de leurs ancêtres et de créer des possibilités économiques et un avenir prospère et sain pour les générations à venir.

Honorables sénateurs, je vous prie de vous joindre à moi pour féliciter le chef Terry Paul et la directrice générale, Rose Paul, du leadership dont ils font preuve et de leurs nombreuses réalisations.

Wela’lioq. Merci.

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