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Projet de loi canadienne sur les emplois durables

Deuxième lecture--Suite du débat

21 mai 2024


Honorables sénateurs, « Maintenir les emplois. Réduire les émissions de carbone. Construire l’avenir. » Tel est le slogan de Blue Green Canada, une organisation dont les membres sont des représentants de syndicats, d’organismes de protection de l’environnement et de groupes de réflexion.

Chers collègues, maintenir les emplois, réduire les émissions de carbone et construire l’avenir, c’est essentiellement le fondement du projet de loi C-50, la Loi concernant la responsabilité, la transparence et la mobilisation à l’appui de la création d’emplois durables pour les travailleurs et de la croissance économique dans une économie carboneutre — autrement dit, l’économie de l’avenir du Canada et du monde.

Tout en réduisant nos émissions de carbone et en construisant notre économie carboneutre de l’avenir, nous devons veiller à ce que les Canadiens d’un bout à l’autre du pays aient des emplois de haute qualité.

Chers collègues, il y a cinq ans, le gouvernement s’est engagé à proposer des mesures législatives visant à soutenir les travailleurs tout en optimisant la création de possibilités économiques. En février 2023, le gouvernement a publié le Plan pour des emplois durables, une version provisoire pour 2023-2025. Ce plan prévoyait 10 actions concrètes, y compris l’engagement de présenter ce projet de loi.

Le projet de loi appuie le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations unies, plus particulièrement certains objectifs de développement durable. Il s’agit de l’objectif 7 sur l’énergie abordable et propre, l’objectif 8 sur le travail décent et la croissance économique, l’objectif 9 sur l’industrie, l’innovation et les infrastructures, l’objectif 11 sur les villes et communautés durables, et l’objectif 13 sur les mesures de lutte contre les changements climatiques.

Le sénateur Yussuff, parrain éminemment qualifié du projet de loi C-50, a expliqué l’historique du projet de loi, mis en évidence ses principaux éléments et fait état du soutien apporté au projet de loi C-50 par divers milieux. Je vais vous rappeler quelques points qu’il a soulevés, car un certain temps s’est écoulé depuis.

Fondamentalement, le projet de loi concerne les travailleurs — la protection de leurs droits et de leurs intérêts, le soutien de leurs familles et le développement de leur collectivité.

Le changement climatique entraîne un changement économique. Le changement peut être bénéfique ou dévastateur. Il est essentiel de reconnaître le changement et d’avoir la volonté et les moyens de préparer l’économie et ceux qui y travaillent à l’accueillir.

Le projet de loi C-50, la loi canadienne sur les emplois durables, énonce un certain nombre de principes directeurs.

Il prévoit l’établissement d’un conseil du partenariat pour des emplois durables composé de représentants des syndicats, de l’industrie, des communautés autochtones, des organisations environnementales et d’autres experts. Il désignera les ministres responsables de la planification et de la mise en œuvre. Il prévoit la création d’un secrétariat pour les emplois durables chargé d’aider et de coordonner les actions fédérales. Il exigera la mise à jour des plans d’action tous les cinq ans.

Alors que le Canada s’emploie à aligner sa politique en matière de main-d’œuvre sur sa politique climatique, cette loi garantira aux travailleurs un siège et une voix à la table.

La sénatrice Bellemare, notre économiste attitrée, s’est également exprimée à l’étape de la deuxième lecture, approuvant les principes fondamentaux du projet de loi C-50 et soulignant son importance pour la transition du marché du travail. Toutefois, elle a soulevé des questions sur certains détails du projet de loi. Comme elle l’a dit, « le diable est dans les détails ».

Elle a demandé si le projet de loi C-50 permettra réellement d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de transition du marché du travail dans un délai raisonnable et donnera des résultats concrets en termes d’emplois durables.

La sénatrice Bellemare nous a rappelé que le système d’assurance-emploi au Canada demeure la principale source de financement des interventions du secteur public sur le marché du travail.

Elle a également fait mention d’importantes études sur l’incidence de la transition verte sur le marché du travail, études qui indiquent que la réussite dépend dans un large mesure de la capacité de la main-d’œuvre à suivre les plans établis. La sénatrice a cité un rapport de la Chambre de commerce du Canada selon lequel :

Une étude récente passant en revue 48 pays a révélé que seul un travailleur sur huit possède les compétences nécessaires à une économie carboneutre. Cette étude a également conclu qu’il existe une demande croissante de travailleurs ayant des compétences carboneutralité, et que cette demande n’est pas satisfaite par la main-d’œuvre actuelle.

La sénatrice Bellemare a affirmé que la transition verte créera de nouveaux emplois et transformera le marché de l’emploi. Elle a également fait une mise en garde en disant que l’accélération des changements climatiques et de l’évolution technologique, notamment l’intelligence artificielle et la situation démographique, a des répercussions sur l’économie canadienne.

L’amélioration des compétences jouera un rôle essentiel dans le perfectionnement de la main-d’œuvre au Canada, et l’assurance‑emploi sera l’une des principales sources de financement.

Dans ce contexte, la sénatrice Bellemare suggère que les commissaires à l’assurance-emploi siègent au Conseil du partenariat pour des emplois durables et que les représentants des syndicats et de l’industrie soient nommés pour représenter les associations de travailleurs et d’employeurs les plus représentatives, plutôt que sur une base individuelle ou personnelle.

La sénatrice a conclu son intervention à l’étape de la deuxième lecture en soulignant l’urgence d’adopter cette mesure.

Honorables collègues, compte tenu de l’urgence de ce dossier et du contexte dans lequel s’inscrit cette transition qui touche le marché du travail, je tenais à vous faire part de quelques observations qui sont pertinentes dans le cadre de notre débat sur la loi canadienne proposée sur les emplois durables et qui ont été faites par des conférenciers lors d’une séance organisée récemment par le groupe Sénateurs pour des solutions climatiques et intitulée « Pour que les lumières restent allumées — Assurer la sécurité et la stabilité énergétiques pendant et après la transition vers la carboneutralité ».

Je vais citer des extraits des interventions de deux conférenciers, Fatih Birol, directeur général de l’Agence internationale de l’énergie, et Mathieu Johnson, vice-président chargé des stratégies et du développement au sein d’Hydro-Québec.

M. Birol a donné un aperçu des indicateurs et des tendances concernant la transition mondiale vers la carboneutralité. Il a dit ceci :

L’énergie est au cœur du débat sur le climat, car 80 % des émissions qui causent les changements climatiques sont liées au secteur énergétique. Par conséquent, si nous ne réglons pas le problème dans ce secteur, nous n’aurons aucune chance d’atteindre nos objectifs climatiques.

En ce qui concerne la consommation d’énergie, le secteur de la production d’électricité est le secteur le plus important. Dans l’ensemble des centrales qui ont été construites à l’échelle mondiale en 2023, 85 % utilisent des sources d’énergie renouvelables, 5 % ont recours à l’énergie nucléaire et 10 % emploient des combustibles fossiles.

Pour ce qui est du secteur des transports, il y a 4 ans seulement, la proportion de voitures électriques vendues dans le monde était de 1 voiture sur 25. Cette année, on s’attend à une proportion d’une voiture sur cinq. Par ailleurs, les voitures électriques comptent aujourd’hui pour près de la moitié des voitures vendues en Chine.

M. Birol a ajouté ceci :

Nos chiffres indiquent que cette année, le total des investissements dans l’énergie — le pétrole et le gaz, les énergies renouvelables, le nucléaire, etc. — s’élève à environ 3 billions de dollars américains. De cette somme, 1 billion de dollars américains sont consacrés aux investissements dans les combustibles fossiles et 2 billions aux investissements dans les énergies propres. Ces derniers ont doublé au cours des 10 dernières années.

Je remarque une tendance.

Selon M. Birol, il y a trois raisons à cela :

La première est tout simplement économique : les énergies renouvelables coûtent maintenant moins cher que les combustibles fossiles. L’énergie solaire est la source d’électricité la moins chère dans la plupart des régions du monde.

La deuxième raison est la sécurité énergétique. De nombreux gouvernements [...] comprennent que l’énergie propre n’est pas seulement bonne pour l’environnement [...] Comme elle est généralement produite localement, la dépendance à l’égard d’autres pays...

 — que je ne nommerai pas —

... sera réduite, ce qui se traduira par une plus grande sécurité énergétique.

La troisième raison des investissements dans les énergies propres et de la transition rapide vers ces énergies est la politique industrielle. Aujourd’hui, en matière de fabrication d’énergie propre — panneaux solaires, éoliennes, batteries, électrolyseurs pour l’hydrogène —, un pays domine les autres : la Chine. Ce n’est pas nécessairement dû aux politiques climatiques, mais plutôt à la politique industrielle de la Chine.

M. Birol a illustré la rapidité de la transition et expliqué comment la politique industrielle et la politique climatique mondiale se sont réunies.

Notre groupe de témoins a également examiné le cas réel d’Hydro-Québec, qui est le quatrième producteur d’hydroélectricité du monde. Mathieu Johnson, qui occupe le poste de vice-président, a parlé de l’ampleur et de la portée du défi auquel son entreprise fait face dans cette transition.

Je vous fais part de quelques extraits clés. Il a dit ce qui suit :

Je commencerai par vous confier ce qui nous empêche de dormir. Historiquement, ce que les entreprises de services publics font lorsqu’elles font des prévisions, c’est qu’elles se demandent ce qui va se passer d’ici 2050, puis elles élaborent un plan d’action en fonction de ce qu’elles voient dans leur boule de cristal. C’est ce que nous faisions auparavant à Hydro-Québec. Mais si nous adoptons cette approche, nous n’atteindrons pas la neutralité carbone d’ici 2050 parce que nous nous posons la mauvaise question. Il ne s’agit pas de savoir ce qui va se passer, mais plutôt ce qui doit se passer d’ici 2050 pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés en tant que société, en commençant par le résultat et en faisant de l’ingénierie inverse pour définir les actions que nous devons entreprendre aujourd’hui. Cela pourrait changer. Les bouleversements sont nombreux. Puisqu’il y a de nouvelles technologies, le plan évoluera.

Nous devons doubler la production d’électricité au Québec pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Nous allons devoir construire, au cours des 25 prochaines années, la même capacité que nous avons construite en 80 ans. C’est dire l’ampleur du défi.

Il y aura de nouveaux projets hydroélectriques et nous allons également avoir recours à l’énergie éolienne au Québec. Au cours des 10 prochaines années uniquement, nous devrons bâtir des éoliennes sur une superficie équivalant à 15 fois celle de l’île de Montréal. C’est énorme. Relier les centrales aux consommateurs exigera la pose de 5 000 km de nouvelles lignes de transport.

Présentement, nous consacrons en moyenne 4 milliards de dollars par année aux dépenses en immobilisations. Au cours des 10 prochaines années, Hydro-Québec devra consacrer plus de 150 milliards de dollars à ces dépenses.

Notre plus grand défi...

 — pour Hydro-Québec —

... est la main-d’œuvre. Si nous n’avons pas les travailleurs requis, nous ne serons pas en mesure d’utiliser tout cet argent pour bâtir les nouveaux actifs nécessaires à l’électrification. Déjà, avec le niveau actuel des dépenses en immobilisations, nous sommes aux prises avec de graves pénuries de main‑d’œuvre.

Nous prévoyons avoir besoin de 35 000 employés uniquement pour les projets des 10 prochaines années au Québec. Lorsque notre demande sera à son maximum, nous aurons besoin de l’équivalent de 20 % de la main-d’œuvre actuelle dans le secteur de la construction au Québec.

Nous devons changer nos façons de faire.

La recette que nous utilisons depuis 80 ans ne pourra pas nous servir pour réussir au cours des 25 prochaines années.

M. Johnson a notamment souligné l’importance d’établir des liens totalement différents avec les partenaires autochtones.

L’urgence dont a parlé la sénatrice Bellemare devient tout de suite réelle lorsqu’on écoute le vice-président d’Hydro-Québec, Mathieu Johnson, décrire la portée, l’ampleur et le rythme des défis auxquels cette importante entreprise de services publics est confrontée. M. Birol s’est prononcé dans le même sens quant à la portée, à l’ampleur et au rythme à l’échelle mondiale.

Chers collègues, le Canada ne peut pas se permettre de manquer le coche. Dans le cadre de cette grande transition industrielle et syndicale historique vers un avenir carboneutre, nous pourrions même être à la barre de nouveaux projets.

De nombreux pays sont déjà plus avancés sur cette voie, ou devrais-je dire sur ce chemin pour faire référence au coche, quant à leurs efforts pour maintenir les emplois, réduire les émissions de carbone et construire l’avenir.

Honorables collègues, renvoyons le projet de loi C-50 sur la loi canadienne sur les emplois durables, au comité pour qu’il l’étudie en profondeur. Les travailleurs canadiens en ont besoin. L’industrie canadienne en a besoin. Les collectivités et les régions en ont besoin.

Chers collègues, le projet de loi C-50 est un élément essentiel de nos plans pour garantir un avenir prospère et durable aux générations futures, ici au Canada et dans le monde. Faisons-le avancer sans tarder.

Merci, wela’lioq.

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