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Projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère

Deuxième lecture

17 juin 2024


L’honorable Tony Dean [ + ]

Propose que le projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, soit lu pour la deuxième fois.

 — Honorables sénateurs, aujourd’hui, je suis heureux de prendre la parole en tant que parrain du projet de loi C-70, Loi concernant la lutte contre l’ingérence étrangère, qui a reçu un rare appui unanime à l’autre endroit.

Au cours des derniers mois, nous avons appris que l’ingérence étrangère constitue l’une des plus grandes menaces à la société canadienne, à notre prospérité économique et notre souveraineté. D’ailleurs, nous l’avons entendu la semaine dernière à notre séance du Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants.

Chers collègues, dans sa forme actuelle, ce projet de loi amorce le processus de fournir aux forces de l’ordre et aux services de renseignement les outils et les pouvoirs accrus dont ils ont besoin afin de renforcer notre capacité de détecter et de neutraliser l’ingérence étrangère de manière à mettre fin aux menaces qu’elle représente pour notre sécurité nationale. De plus, il veille à assurer la surveillance et la transparence appropriées.

Chers collègues, le Canada n’est pas à l’abri de ce danger. En effet, nous sommes une cible idéale. Nous savons qu’un nombre croissant d’acteurs étrangers ont conçu et mis en œuvre des programmes consacrés à l’influence trompeuse en ligne et hors ligne dans le cadre de leurs stratégies pour nuire au Canada.

En 2019, avant une élection générale, le gouvernement avait annoncé le plan pour protéger la démocratie canadienne. Parmi les mesures comprises dans ce plan, il y a le Protocole public en cas d’incident électoral majeur, le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections, l’Initiative de citoyenne numérique, le Mécanisme de réponse rapide du G7 et la Déclaration du Canada sur l’intégrité électorale en ligne. Ces mesures ont été mises en place pour les élections de 2019 dans le but de lutter contre toute tentative d’ingérence étrangère.

Plus tard, en 2022, les médias parlaient des fuites du Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, selon lesquelles la Chine se serait livrée à de l’ingérence étrangère lors des élections de 2019 et de 2021. À ce stade, il est devenu évident que les mesures mises en place étaient insuffisantes pour nous protéger contre l’ingérence de puissances étrangères lors des élections. C’est ce qui a poussé des comités de la Chambre des communes à étudier l’ingérence étrangère.

En mars 2023, le premier ministre a annoncé qu’il y aurait un certain nombre d’examens indépendants. On a demandé à l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement d’examiner la transmission des renseignements entre les agences de sécurité nationale et les décideurs lors des quarante-troisième et quarante-quatrième élections générales. Cet examen était axé sur la production et la diffusion d’information sur l’ingérence étrangère, y compris la manière dont elle était communiquée au sein du gouvernement.

Les principales recommandations de ce rapport sont les suivantes : rendre explicites les seuils et les pratiques du SCRS en matière de communication et de diffusion du renseignement concernant l’ingérence politique, ce qui comprendrait les niveaux pertinents de fiabilité, de corroboration, de contextualisation et de caractérisation nécessaires pour qu’il soit communiqué; énoncer clairement la tolérance au risque du SCRS afin de prendre des mesures contre les menaces d’ingérence politique; énoncer clairement toute exigence ou procédure particulière qui s’appliquerait durant les périodes électorales ou préélectorales, le cas échéant, y compris des procédures particulières pour la diffusion en temps opportun du renseignement sur l’ingérence politique étrangère; et examiner les meilleures pratiques des partenaires internationaux, y compris le Groupe des cinq, en ce qui concerne les enquêtes et la communication du renseignement sur l’ingérence politique étrangère.

Le premier ministre a également demandé que le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement « effectu[e] un examen pour évaluer l’état de l’ingérence étrangère dans les processus électoraux fédéraux » en ce qui a trait aux :

[...] tentatives d’ingérence étrangère qui ont eu lieu lors des 43e et 44e élections générales fédérales, y compris leurs répercussions possibles sur la démocratie et les institutions canadiennes.

Le Comité a publié son rapport sur l’ingérence étrangère au début du mois de juin. Trois de nos collègues sénateurs sont membres de ce comité.

S’appuyant sur son rapport de 2019, qui était hautement instructif, le Comité a conclu ce qui suit :

Des États étrangers ont recours à des mesures d’ingérence sophistiquées et omniprésentes qui ciblent particulièrement les processus et institutions démocratiques du Canada; qui sont employées avant, pendant et après les élections; et qui visent tous les ordres de gouvernement. Ces activités continuent de faire peser une menace considérable sur la sécurité nationale et l’intégrité globale de la démocratie du Canada [...]

Le rapport du Comité indique que les principales tactiques employées sont les suivantes : influencer secrètement l’opinion et la position des électeurs, des communautés ethnoculturelles et des parlementaires; tirer parti des relations avec des Canadiens influents; exploiter les vulnérabilités décelées dans les modalités de gouvernance et d’administration des partis politiques; utiliser des cyberoutils dans l’atteinte d’objectifs précis; et exploiter les médias traditionnels, les réseaux sociaux et d’autres moyens numériques pour certaines activités d’ingérence étrangère.

Ces activités d’ingérence ont été menées par des diplomates étrangers, des agents des services de renseignement, des mandataires et des collaborateurs agissant au nom de l’État et ciblant tous les ordres de gouvernement, des groupes de la société civile, des communautés ethnoculturelles, des gens d’affaires et des journalistes.

À l’automne 2023, le gouvernement a lancé la Commission sur l’ingérence étrangère pour répondre aux préoccupations concernant l’ingérence étrangère lors des deux dernières élections. La commission a entendu directement des témoins dire que des acteurs étatiques étrangers surveillent, intimident et harcèlent des personnes dans de nombreuses communautés à travers le Canada, en particulier des membres de diverses diasporas. Des membres de ces communautés ont témoigné de leur expérience de l’ingérence étrangère ou de celle d’autres personnes, notamment de menaces à leur encontre ou à l’encontre de leur famille restée dans leur pays d’origine.

Enfin, le gouvernement a organisé des consultations publiques pour guider la création d’un registre pour la transparence en matière d’influence étrangère au Canada, ainsi que des consultations distinctes portant sur d’éventuelles modifications de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, du Code criminel, de la Loi sur la protection de l’information et de la Loi sur la preuve au Canada.

Chers collègues, nous sommes aux prises avec des défis juridiques, politiques et opérationnels, ainsi qu’à des défis en matière de sécurité nationale, très clairs, pressants et imminents, et nous devons agir.

C’est ce que propose le projet de loi C-70, qui renforcerait la capacité du Canada à détecter et à contrer l’ingérence étrangère et permettrait de mieux protéger les citoyens contre les menaces posées par toute influence étrangère malveillante.

L’un des éléments centraux de ce projet de loi est la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère, qui prévoit la création d’un registre. Le registre, comme il est énoncé à l’article 9 de la partie 4 du projet de loi, serait administré et appliqué par un commissaire à la transparence en matière d’influence étrangère, un titulaire indépendant nommé par le gouverneur en conseil, ce qui, soit dit en passant, le distingue de ses homologues australiens et britanniques.

Le paragraphe 9(2) exigerait que le gouvernement consulte, avant de nommer le commissaire, les leaders et les facilitateurs des partis ou des groupes parlementaires reconnus au Sénat, le chef de l’opposition à la Chambre des communes et le chef de chaque parti comptant au moins 12 députés dans cette chambre.

Cette disposition a été renforcée au cours de l’étude du comité de la Chambre des communes, où un amendement du NPD, approuvé à l’unanimité par le comité, a prévu que le commissaire soit approuvé par résolution du Sénat et de la Chambre des communes. Cet amendement renforce l’indépendance du commissaire tout en garantissant que le commissaire relève du ministère de la Sécurité publique et de la Protection civile, au sein de l’appareil gouvernemental.

Le projet de loi définit les arrangements d’influence étrangère, à l’article 2 de la partie 4, comme des activités au titre desquelles :

[...] une personne s’engage à exercer, sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui, l’une ou l’autre des activités ci-après à l’égard d’un processus politique ou gouvernemental au Canada [...]

a) communiquer avec le titulaire d’une charge publique;

b) communiquer ou diffuser ou faire communiquer ou diffuser par quelque moyen que ce soit, notamment les médias sociaux, des renseignements relatifs au processus politique ou gouvernemental;

c) distribuer de l’argent ou des objets de valeur, fournir des services ou mettre à disposition des installations.

Cette définition est essentielle dans la mesure où certaines informations relatives à un « arrangement » seraient divulguées dans le registre. Les catégories d’informations à divulguer seraient définies par voie de règlement.

Pour conclure à l’existence d’un arrangement, il faudrait trois choses : que la personne agisse sous l’autorité d’un commettant étranger ou en association avec lui; que la personne exerce au moins une des activités d’influence étrangère énumérées dans la définition; que l’activité soit exercée à l’égard d’un processus politique ou gouvernemental au Canada.

En outre, le projet de loi définit « commettant étranger » ainsi :

L’entité économique étrangère, l’entité étrangère, l’État étranger ou la puissance étrangère, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information.‍

Cette définition est large et vise à englober les différentes manières dont les gouvernements étrangers détiennent le pouvoir.

Comme il est précisé à l’article 3 de la partie 4, le projet de loi a pour objet d’accroître la transparence à l’égard des efforts déployés par des acteurs étrangers pour s’ingérer dans nos processus politiques ou gouvernementaux ainsi qu’à y sensibiliser davantage le public.

En vertu du paragraphe 5(1) de la partie 4 :

Toute personne qui conclut un arrangement avec un commettant étranger est tenue, dans les quatorze jours suivant la date de la conclusion de l’arrangement, de fournir au commissaire les renseignements précisés par règlement.

La fenêtre pour communiquer les renseignements est de 14 jours, de façon à ce que la personne ait suffisamment de temps pour finaliser son arrangement et prendre les mesures nécessaires pour s’enregistrer.

Le projet de loi n’a pas pour objectif d’interdire la conclusion d’arrangements avec des commettants étrangers au Canada; il vise uniquement à faire en sorte que ces arrangements et les détails les entourant soient conclus en toute transparence.

Des amendements ont été proposés par le gouvernement pendant l’étude du comité de la Chambre des communes pour ajouter des dispositions transitoires visant à inclure les arrangements préexistants dans la portée de la loi et à assurer l’application de la loi aux arrangements avec des commettants étrangers visant des processus politiques ou gouvernementaux provinciaux, territoriaux ou autochtones. L’information concernant ces arrangements devrait être communiquée dans les 60 jours après l’entrée en vigueur de la loi.

La présence de sanctions administratives pécuniaires dans le projet de loi renforce la capacité du commissaire à exiger la conformité à la loi et dissuade les acteurs qui pourraient être tentés de trouver des moyens de se soustraire à leurs obligations en matière d’enregistrement.

L’article 23 de la partie 4 porte sur les infractions aux paragraphes 5(1) et 5(2) ou à l’article 7; cependant, au lieu de sanctions administratives pécuniaires, il prévoit que le commissaire aura la possibilité de traiter ces violations comme des infractions criminelles, sur lesquelles le service de police compétent pourra faire enquête.

Il est important de noter que les Canadiens pourront également consulter le registre en ligne pour voir si une personne ou une organisation avec laquelle ils sont entrés en contact est enregistrée comme une personne ou une organisation agissant sur l’ordre d’un commettant étranger ou en collaboration avec lui, ou si le commissaire lui a imposé une sanction pour ne pas avoir respecté ses obligations en matière d’enregistrement.

Enfin, un autre amendement présenté par le Bloc québécois a modifié la disposition relative à l’examen parlementaire quinquennal obligatoire et a reçu l’appui unanime des membres du comité. Grâce à cette nouvelle modification, la Loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère sera désormais examinée pendant la première année qui suivra des élections générales fédérales. Ainsi, les dispositions de cette loi resteront à jour par rapport aux menaces émergentes et aux défis que celles-ci posent.

Chers collègues, nous savons qu’il existe des formes légales et légitimes d’interaction avec des acteurs étrangers, y compris le lobbying, la défense des droits et des intérêts et les activités diplomatiques ordinaires. Ce projet de loi ne vise pas à limiter ces activités. Toutefois, nous savons également que des acteurs étrangers mènent des activités de façon non transparente en vue d’influencer nos processus politiques ou gouvernementaux. Ce projet de loi harmonisera nos pratiques avec les pratiques exemplaires internationales et celles de nos alliés du Groupe des cinq, dont la plupart ont mis en place leurs propres registres pour contrer l’influence étrangère malveillante.

Chers collègues, le registre serait une première étape importante pour répondre à la menace de l’ingérence étrangère, mais l’ingérence étrangère est une menace complexe pour la sécurité nationale qui nécessite une approche à multiples facettes. Comme je l’ai mentionné, le projet de loi C-70 contient également des modifications à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, au Code criminel, à la Loi sur la protection de l’information et à la Loi sur la preuve au Canada.

Examinons tout d’abord les dispositions de la partie 2 de la Loi sur la protection de l’information.

Les modifications apportées à la Loi sur la protection de l’information permettraient de mieux faire face aux risques d’ingérence étrangère au Canada et de garantir que les activités hostiles subreptices ou trompeuses — comme celles qui visent nos processus démocratiques, notamment la nomination des candidats politiques — soient érigées en infractions criminelles. Elles permettraient également de mieux lutter contre les menaces ou les violences transnationales commises par des États étrangers et par ceux qui travaillent en leur nom pour intimider les personnes qui vivent au Canada et leurs familles, où qu’elles se trouvent.

Le projet de loi modifie la Loi sur la protection de l’information en créant trois nouvelles infractions relatives à l’ingérence étrangère et en modifiant les infractions existantes relatives à l’intimidation, aux menaces et à la violence afin de les rendre plus adaptées aux menaces modernes. Voici les trois nouvelles infractions : commettre un acte d’ingérence étrangère d’ordre général pour une entité étrangère, commettre un acte criminel pour une entité étrangère ou commettre un acte d’ingérence politique pour une entité étrangère.

La première nouvelle infraction d’ingérence étrangère est d’ordre général : lorsqu’une personne a sciemment une conduite subreptice ou trompeuse — ou omet d’accomplir quelque chose — sur l’ordre d’une entité étrangère, en collaboration avec elle ou pour son profit. Un exemple de cette infraction serait de faciliter sciemment l’entrée au Canada d’agents d’une entité étrangère qui prétendent être des touristes.

Deuxièmement, le projet de loi créerait une infraction distincte pour quiconque commet un acte criminel sur l’ordre d’une entité étrangère, en collaboration avec elle ou pour son profit. Par exemple, ce serait le cas d’une personne qui corrompt — la corruption est déjà une infraction prévue dans le Code criminel — un représentant canadien au profit d’un État étranger qu’elle soutient.

Troisièmement, le projet de loi érigerait en infraction le fait d’avoir une conduite subreptice ou trompeuse, sur l’ordre d’une entité étrangère ou en collaboration avec elle, en vue d’influencer un processus politique ou gouvernemental du Canada, ou l’exercice d’un droit démocratique au Canada. En guise d’exemple, pensons à quelqu’un qui, sur l’ordre d’une entité étrangère, crée une grande quantité de fausses cartes de membre d’un parti dans le but d’influencer le résultat d’un vote sur la direction du parti.

Enfin, comme je l’ai mentionné, le projet de loi modifierait l’infraction actuelle prévue à l’article 20 de la Loi sur la protection de l’information pour se concentrer sur l’intimidation, les menaces ou la violence exercées au nom d’un État étranger ou en collaboration avec lui. Il élimine le besoin de prouver que l’acte avait pour but de nuire aux intérêts canadiens ou d’accroître la capacité d’un État étranger à le faire. Voici un exemple d’infraction prévue à l’article 20 : une personne qui se trouve au Canada et qui travaille pour le compte d’un État étranger menace de faire du mal à des proches d’un citoyen canadien qui vivent sur le territoire de l’État étranger si ce dernier ne cesse pas de critiquer l’État étranger en question.

Le projet de loi crée également dans la Loi sur la protection de l’information une nouvelle infraction qui englobe les menaces ou la violence exercées au nom d’une entité étrangère à l’extérieur du Canada dans des circonstances limitées.

Toutes les infractions proposées seraient passibles d’une peine maximale d’emprisonnement à perpétuité.

Le projet de loi prévoit également de faire passer de deux ans à cinq ans d’emprisonnement la peine pour l’accomplissement d’actes préparatoires, soit les actes accomplis en préparation de la perpétration des infractions les plus graves prévues dans la Loi sur la protection de l’information. Les juges chargés de déterminer la peine seront toujours liés par les principes de la proportionnalité, mais ces changements reflètent la gravité du caractère criminel lié à l’ingérence étrangère.

Je passe maintenant aux modifications apportées au Code criminel. Le projet de loi moderniserait l’infraction de sabotage existante dans le Code criminel et il ajouterait deux nouvelles infractions associées concernant les infrastructures essentielles et la fabrication, la possession ou la distribution de dispositifs conçus pour être utilisés à des fins de sabotage, comme les robots et les logiciels malveillants. Cette modernisation veillera à ce que l’infraction soit adaptée au contexte actuel de la menace et qu’elle inclut les actes commis en préparation de l’espionnage économique.

Chers collègues, cette disposition a été amendée pendant l’étude du comité de la Chambre des communes afin d’étendre sa portée aux infrastructures essentielles qui sont à l’étape de la construction et qui ne sont pas encore opérationnelles.

Cette extension des dispositions prévue à l’article 61 est importante, car il est possible d’entraver la construction ou l’installation d’infrastructures essentielles dans l’intention de nuire au Canada. Par exemple, entraver l’installation d’un système d’approvisionnement en eau en cas d’urgence pourrait constituer un tel acte.

Le projet de loi préciserait également que les activités de revendication, de protestation ou de manifestation d’un désaccord ne constituent pas un acte de sabotage si la personne n’a pas l’intention de commettre un sabotage. Voici un extrait de l’énoncé concernant la Charte, déposé par le gouvernement :

Les infractions proposées étant passibles d’emprisonnement, elles mettent en jeu le droit à la liberté garanti à l’article 7 de la Charte et doivent donc être conformes aux principes de justice fondamentale. Comme elles pourraient avoir une incidence sur les personnes prenant part à des revendications ou à des protestations, elles peuvent également mettre en jeu la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique prévues aux alinéas 2b) et 2c) de la Charte. Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des infractions de sabotage proposées avec la Charte.

Le champ d’application des infractions de sabotage proposées serait adapté à l’objectif législatif de protéger les intérêts canadiens importants et les infrastructures essentielles contre les préjudices graves. L’infraction de sabotage principale et l’infraction de sabotage d’infrastructures essentielles comporteraient toutes deux un élément d’intention coupable strict, qui exigerait l’intention de causer l’un des préjudices graves précisés. Les activités légitimes de revendication, de protestation ou de manifestation d’un désaccord où il n’y a aucune intention de causer les préjudices précisés ne seraient pas visées par les infractions. L’infraction complémentaire de fabrication, de possession, de vente ou de distribution d’un dispositif en vue de la commission d’une infraction de sabotage vise uniquement les dispositifs conçus expressément pour faciliter une infraction de sabotage. Ces trois infractions préservent le pouvoir discrétionnaire conféré au juge de première instance d’infliger une peine appropriée.

Chers collègues, outre les protections prévues par la Charte pour les manifestations et la liberté d’expression, le projet de loi contient une disposition de précision qui stipule que l’infraction de sabotage ne s’applique pas à une personne qui prend part à des revendications, à des protestations ou à des manifestations d’un désaccord et qui n’avait pas l’intention de causer des dommages à des infrastructures essentielles. En outre, pour qu’une accusation soit portée en vertu de cette infraction, le procureur général doit donner son accord, ce qui ajoute un niveau de responsabilité supplémentaire.

Chers collègues, je passe maintenant aux modifications proposées à la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, ou Loi sur le SCRS.

Dans le projet de loi, des modifications ciblées à la Loi sur le SCRS permettraient au gouvernement d’être mieux équipé pour renforcer la résilience et contrer les menaces modernes auxquelles le Canada est confronté de nos jours.

Bien qu’elle ait déjà été modifiée, la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité a été adoptée en 1984, à une époque où l’utilisation répandue et le développement de la technologie numérique étaient embryonnaires. Aujourd’hui, comme vous le savez, les technologies numériques font partie de tous les aspects du quotidien.

Les innovations technologiques rendent plus difficiles la détection et l’identification des auteurs de menaces, y compris ceux qui se livrent à des activités d’ingérence étrangère. Ces innovations ont offert aux auteurs de menaces de nouveaux outils pour s’ingérer dans la société et les institutions canadiennes, en particulier dans l’espace virtuel.

Le SCRS doit donc pouvoir fonctionner dans un monde numérique qui évolue constamment et rapidement. C’est pourquoi la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité fait l’objet de quelques modifications importantes, notamment pour donner au service le pouvoir de recueillir, depuis le Canada, des renseignements étrangers de l’extérieur du Canada. Il s’agit d’un ajout important aux pouvoirs du SCRS. De nouvelles dispositions relatives aux mandats et aux ordonnances facilitent la tenue des enquêtes par le SCRS. Un autre changement concerne l’utilisation et le partage d’ensembles de données, qui sont précisés d’une manière qui tient certainement compte du rapport de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement du 27 mars 2024. Il est important de noter que de nouveaux pouvoirs permettraient au SCRS de transmettre des renseignements sensibles à des partenaires de tous les ordres de gouvernement, du milieu universitaire et du secteur privé, ce que des gens réclament depuis longtemps.

Premièrement, les décisions des tribunaux ont clairement établi que le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, ne peut pas recueillir des renseignements étrangers de l’intérieur du Canada lorsque l’information se trouve à l’extérieur du pays. Cette limitation géographique restreint la collecte de renseignements étrangers d’une manière qui n’aurait pas pu être prévue en 1984, étant donné que l’information est aujourd’hui largement numérique et sans frontières. Les informations électroniques qui étaient auparavant recueillies à l’appui des affaires étrangères ou de la défense nationale du Canada se trouvent aujourd’hui fréquemment en dehors de nos frontières. Les modifications visent à éclaircir le pouvoir du SCRS de recueillir de l’intérieur du Canada des renseignements étrangers qui se trouvent à l’extérieur du pays, tout en maintenant les autres limites prévues à l’origine par le Parlement.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit plusieurs nouveaux pouvoirs pour aider le SCRS à enquêter sur l’ingérence étrangère. L’article 37 introduit les ordonnances de préservation et de communication. Bien qu’il s’agisse d’éléments nouveaux dans la Loi sur le SCRS, les ordonnances de préservation et de communication ne sont pas en elles-mêmes de nouveaux outils. Les modifications proposées s’inspirent d’ordonnances auxquelles ont couramment recours les organismes canadiens d’application de la loi et de renseignement et d’autres démocraties.

Pour une ordonnance de préservation, le SCRS peut demander qu’une ordonnance soit rendue pour préserver une information, un document ou un objet. Le seuil proposé pour l’obtention d’une ordonnance de préservation est celui des soupçons raisonnables. Le dépôt d’une telle demande ne nécessite pas l’approbation préalable du ministre, car le SCRS ne pourrait pas recueillir d’informations, de dossiers, de documents ou d’objets. Toutefois, on doit informer le ministre lorsqu’une demande d’ordonnance de préservation est présentée.

Dans l’éventualité où la Cour fédérale accorderait une ordonnance de préservation, le SCRS serait quand même tenu, selon les nouvelles dispositions, de retourner devant la Cour, après avoir obtenu l’approbation du ministre, pour démontrer qu’il a des motifs raisonnables de croire qu’une ordonnance de communication ou un mandat est nécessaire pour obtenir les renseignements, les fichiers, les documents ou tous les autres éléments préservés.

Par conséquent, il y aurait encore des critères rigoureux à respecter avant que le SCRS puisse recueillir des renseignements, et il y aurait des mesures de protection et de surveillance supplémentaires qui seraient prises par le ministre, la cour, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement et l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement.

Par exemple, si le SCRS recevait de l’information concernant le numéro de téléphone d’une personne qui présente un risque d’ingérence étrangère, le projet de loi permettrait d’obtenir rapidement une ordonnance de préservation de la Cour fédérale afin que le registre des appels téléphoniques et les messages textes liés à cette personne qui présente un risque d’ingérence étrangère ne soient pas détruits. On pourrait ensuite demander une ordonnance de communication de la cour pour obtenir les messages ainsi que l’identité de l’abonné.

Ainsi, honorables collègues, le SCRS pourrait plus efficacement détecter des acteurs et des activités qui présentent des risques d’ingérence étrangère, faire enquête à ce sujet et, au besoin, prendre des mesures pour contrer ces menaces.

Deuxièmement, à l’article 39, le projet de loi propose un nouveau mandat à usage unique qui ressemble beaucoup à un mandat de perquisition pour les forces de l’ordre. Contrairement à un mandat normal, il s’agirait d’un outil dont le SCRS pourrait disposer sans avoir épuisé les autres méthodes d’enquête, comme le recrutement de sources ou la conduite d’entretiens. Le SCRS pourrait ainsi obtenir des renseignements importants plus tôt dans une enquête. Ces amendements permettraient de continuer à respecter les droits et libertés fondamentaux des Canadiens, avec de solides mesures d’examen, de contrôle et de transparence toujours en place et inchangées.

Pour se procurer un mandat d’obtention d’information, le SCRS serait toujours tenu de satisfaire à toutes les autres exigences fondamentales des demandes de mandat normales, y compris l’obtention de l’approbation ministérielle, et de démontrer à la Cour fédérale qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le mandat est nécessaire et qu’il contribuera à l’enquête. La cour doit également être informée de toutes les demandes de mandat antérieures concernant le même objet d’enquête.

Cette exigence permettrait à la cour de savoir combien de fois ce nouveau pouvoir octroyé par mandat a été accordé précédemment à l’égard du même objet d’enquête.

Ces propositions reflètent les attentes élevées des Canadiens en matière de protection de la vie privée, y compris les protections prévues par la Charte canadienne des droits et libertés.

Troisièmement, il y a la capacité d’utiliser et de partager des ensembles de données. La loi définit un ensemble de données comme un ensemble d’informations qui est sauvegardé sous la forme d’un fichier numérique, qui porte sur un sujet commun, et qui ne pose pas de menace directe et immédiate envers la sécurité du Canada. Toutefois, le SCRS peut recueillir l’ensemble de données s’il peut démontrer que ce dernier est pertinent dans le cadre de l’exercice des fonctions qui lui sont conférées.

Le seuil de conservation d’un ensemble de données étranger qui est considéré comme un ensemble de données canadien est plus élevé : le SCRS doit prouver qu’il est probable que la conservation de cet ensemble l’aidera dans l’exercice de ses fonctions. Les changements proposés aux régimes d’ensembles de données visent à clarifier l’application de l’ensemble de données et à permettre une plus grande souplesse dans l’évaluation et la conservation des ensembles de données, en prolongeant la période d’évaluation initiale de 90 à 100 jours, ce qui tient compte, par exemple, des exigences de déchiffrement, de traduction et d’évaluation.

Quatrièmement, les nouvelles dispositions relatives à l’autorisation de communication, qui se trouvent à l’article 34 du projet de loi, contribueront à renforcer la résilience aux menaces.

Au moment de l’adoption de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, la sécurité nationale relevait principalement du gouvernement fédéral, où l’espionnage et l’ingérence étrangère visaient la technologie militaire et les institutions du gouvernement fédéral. C’est pourquoi le SCRS est autorisé à recueillir, conserver et fournir au gouvernement fédéral les renseignements nécessaires à la prise de décisions visant à protéger la sécurité nationale du Canada.

Aujourd’hui, les menaces qui pèsent sur la sécurité du Canada, y compris l’ingérence étrangère, touchent tous les ordres de gouvernement et tous les secteurs de la société, y compris les collectivités canadiennes, les gouvernements provinciaux, les administrations municipales, les universités, les médias et les entreprises privées.

L’expertise et les informations du SCRS sont de plus en plus pertinentes pour des acteurs qui ne font pas partie du gouvernement fédéral, et ces partenaires se tournent de plus en plus vers le SCRS pour obtenir plus d’informations de nature à les aider à mieux comprendre les menaces, à les reconnaître et à faire preuve de résilience à leur égard. Il s’agit d’un changement très important du régime du SCRS.

Cette disposition a été modifiée au cours de l’étude à la Chambre des communes pour ajouter une exception afin que le SCRS puisse communiquer à une personne des renseignements personnels la concernant. Cet amendement, qui a reçu l’appui de tous les partis, permettrait au SCRS d’être plus franc et transparent avec les Canadiens en communiquant des renseignements sur les menaces et les vulnérabilités particulières qui les concernent.

Par exemple, chers collègues, sans cet amendement, le SCRS ne pourrait pas dire à un sénateur que son adresse de courriel personnelle a été découverte sur le Web caché, dans un forum dont on sait qu’il est utilisé par des acteurs étatiques hostiles. Cela a maintenant été corrigé.

Grâce à un amendement à l’étape du rapport à l’autre endroit, ces nouvelles exceptions valent également pour les personnes morales et les entités.

Pour que ce nouveau pouvoir de communication puisse être exercé, il faudrait que les informations que le SCRS cherche à communiquer soient également communiquées, le cas échéant, au ministère ou à l’organisme fédéral qui exerce des fonctions pour lesquelles elles sont pertinentes. Les informations communiquées au titre de cette disposition ne peuvent pas contenir de renseignements personnels d’un citoyen canadien, d’un résident permanent ou d’une personne au Canada ni contenir le nom d’une entité canadienne ou d’une personne morale constituée sous le régime d’une loi fédérale ou provinciale.

Le SCRS peut toutefois divulguer des renseignements qu’il détient sur des États étrangers ou des entités non canadiennes qui représentent une menace pour la sécurité nationale du Canada.

Dans les cas où la divulgation de renseignements personnels ou la mention du nom d’une entité canadienne serait essentielle dans l’intérêt public, le ministre déciderait si la divulgation l’emporte sur l’intrusion potentielle dans la vie privée.

Enfin, le gouvernement a prévu un examen parlementaire quinquennal de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. À l’heure actuelle, le Parlement n’est pas tenu par la loi de réexaminer régulièrement la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité. L’article 44 prévoit un mécanisme d’examen parlementaire de cette loi tous les cinq ans afin de s’assurer qu’elle est adaptée aux nouvelles technologies et à l’évolution des menaces pesant sur la sécurité nationale, de même qu’afin d’exercer une surveillance supplémentaire des pouvoirs du service.

En conclusion, chers collègues, les Canadiens expriment très clairement ce dont ils ont besoin pour se sentir en sécurité et mieux protégés contre les menaces d’ingérence étrangère. Ils disent que notre pays a besoin d’un registre sur l’ingérence étrangère. Ils disent qu’ils ont besoin de renseignements qui les aideront à comprendre cette menace et à y faire face. En particulier, les scientifiques, les universités, les entreprises, les municipalités et les autres entités qui traitent fréquemment avec des commettants étrangers ont besoin de lignes directrices sur la manière de procéder en toute transparence. Surtout, les Canadiens nous disent qu’il faut agir rapidement pour que cette mesure soit mise en place avant les prochaines élections.

Au cours de l’étude préalable effectuée par le Sénat, l’ancien directeur du SCRS Richard Fadden a déclaré :

Retarder le projet de loi C-70 au point où il ne sera pas en vigueur avant les prochaines élections équivaudrait à faire un cadeau à nos adversaires.

Katherine Leung, conseillère en politique, au sein de l’organisme Hong Kong Watch, a déclaré ceci :

Ce projet de loi donnerait au Canada un cadre beaucoup plus solide pour lutter contre l’ingérence étrangère que ce qui existe actuellement. Ce nouveau cadre doit être en place avant les prochaines élections.

Honorables sénateurs, l’ingérence étrangère sape la confiance du public envers les gouvernements, les fonctionnaires, ainsi que les institutions et les processus démocratiques. Les Canadiens ont besoin des outils nécessaires pour être en mesure de se rendre compte que des puissances étrangères tentent de les influencer, de les intimider ou d’intimider leur famille, chez eux. Il faut leur fournir ces outils.

Chers collègues, je recommande au Sénat de traiter rapidement le projet de loi proposé, mais, comme toujours, je m’en remets à votre grande expérience. Merci.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénateur Dean, accepteriez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Dean [ + ]

Oui.

L’honorable Salma Ataullahjan [ + ]

Sénateur Dean, je vous remercie de votre discours sur le projet de loi C-70. J’ai entendu des intervenants qui craignent que nous soyons trop pressés d’apporter des changements à nos mesures législatives sur la sécurité nationale, ce qui pourrait avoir une incidence sur les libertés civiles des Canadiens. Je suis préoccupée par l’utilisation du terme « intimidation », à l’article 53. Il n’y a aucune définition claire, et pourtant, quiconque violerait cette disposition pourrait recevoir une peine d’emprisonnement à perpétuité. Pourriez-vous envisager de retirer le terme « intimidation » de l’article 53 ou encore de modifier cet article de manière à y inclure une définition précise du mot « intimidation »?

Le sénateur Dean [ + ]

Je n’ai pas, pour le moment, d’opinion claire à ce sujet. Je ne sais pas quelle est celle du gouvernement, mais je sais que ce point soulève des préoccupations. Je suis persuadé, madame la sénatrice, que les mécanismes de contrôle prévus dans le projet de loi et la surveillance qui sera associée à ces nouvelles dispositions permettront de trouver un juste équilibre, de manière à protéger les Canadiens contre l’ingérence étrangère tout en évitant qu’ils ne subissent des répercussions négatives imprévues.

La sénatrice Ataullahjan [ + ]

Sénateur Dean, accepteriez-vous de répondre à une question? J’ai également des inquiétudes à propos de l’élargissement des dispositions d’inadmissibilité de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. La nouvelle disposition laisse entendre que le ministre aura la capacité d’intervenir en fonction des relations internationales. Est-ce à dire que les relations internationales du Canada auraient préséance sur les défenseurs des droits de la personne? À titre d’exemple, est-ce que des militants rohingyas ou ouïghours seraient exclus des dispositions prévues par la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés?

Le sénateur Dean [ + ]

Non, je ne crois pas que ce serait le cas, sénatrice Ataullahjan.

L’honorable David Richards [ + ]

Nous avons parlé l’autre jour de l’assurance-médicaments. L’enjeu qui me préoccupait alors, c’est que les deux tiers des Canadiens n’ont pas de médecin, ce qui nuit à tout ce processus. J’ai des préoccupations semblables à propos du projet de loi à l’étude. Le problème qui pourrait se poser, c’est que nous n’ayons pas de ressources suffisantes — dans la GRC, le SCRS ou tout autre organisme canadien — pour assurer une mise en œuvre efficace des procédures prévues. Y a-t-il eu des discussions à ce sujet? Je sais qu’il y a eu des discussions, car j’y étais. Quelle est votre opinion sur ce point?

Le sénateur Dean [ + ]

Sénateur Richards, les ressources jouent toujours un rôle essentiel dans la réussite des interventions et des modifications législatives. Nous en sommes conscients, et c’est un point qui est soulevé périodiquement.

Je crois que l’on a posé cette question exacte aux représentants de la GRC au Comité de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants, et, selon mon souvenir, ils ont dit aux membres du comité qu’ils se sentaient suffisamment bien outillés pour assurer le maintien de l’ordre et l’application des dispositions de ce projet de loi. Je ne doute pas que, si des ressources supplémentaires sont nécessaires, compte tenu de la priorité que le gouvernement accorde à ce projet de loi, ces ressources seront mobilisées afin de garantir le succès des dispositions très importantes de ce projet de loi.

Merci beaucoup, sénateur Dean, d’avoir parrainé ce projet de loi très important et d’avoir organisé la séance d’information très complète à laquelle nous avons assisté juste avant de venir dans cette enceinte.

Si j’ai bien compris, il s’agit d’une modernisation de notre boîte à outils. C’est ainsi que la mesure a été décrite. J’ai entendu dire qu’il était compliqué de comprendre toutes les parties de ce projet.

Ma question ne porte pas tant sur le contenu du projet de loi, mais plutôt sur votre dernier point, à savoir que les Canadiens nous demandent d’adopter ce projet de loi rapidement. Supposons que nous l’adoptions, que doit-il se passer entre le moment de son adoption et celui de la mise en œuvre des différentes dispositions qui rend la chose si pressante cette semaine?

Nous voulons qu’il soit mis en place avant les prochaines élections. Avec un peu de chance, ce ne sera pas avant l’automne 2025. Que doit-il donc se passer d’ici là, et cela prendra-t-il vraiment tout ce temps? Il serait important que nous le sachions.

Le sénateur Dean [ + ]

D’abord, à la lumière de mes connaissances des processus gouvernementaux, je peux dire que j’ai vu des projets de loi beaucoup moins complexes et d’une portée beaucoup moins grande pour lesquels il a fallu plus de temps que celui dont on dispose pour ce projet de loi-ci.

Je le dirai simplement : le gouvernement aimerait que ces mesures soient en place avant les prochaines élections, et les Canadiens aussi. Les fonctionnaires de divers ministères devront travailler très fort pour élaborer les mécanismes et établir l’architecture. Il faudra nommer du personnel et le commissaire comme le prévoit la Loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère. Ce processus de recrutement devra être lancé. Je présume que ce sera une priorité pour le gouvernement.

De plus, le gouvernement doit aussi élaborer les règlements. Je suis certain qu’il y aura des consultations sur le sujet. Je doute que, si le projet de loi est adopté, tout soit déjà ficelé et que nous n’en entendions plus parler jusqu’à ce que le tout soit annoncé d’un seul coup.

Je pense que nous avons ici, dans certains cas, de nouvelles dispositions et, dans de nombreux cas, des dispositions existantes sur lesquelles nous nous appuyons. Tout n’est pas entièrement nouveau. Il y a quelques nouveaux pouvoirs dans ce projet de loi. Ils sont importants, mais ils reposent sur les fondements de notre système juridique actuel et sur les fondements du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui, je le suppose, voudra également apporter sa contribution.

Il s’agira d’un travail qui mobilisera beaucoup de monde. Je pense que les consultations se poursuivront au fur et à mesure de l’élaboration des règlements. Je suppose que les sénateurs voudront également avoir un œil sur ce processus, voir comment il se développe et peut-être être informés des progrès accomplis par le gouvernement dans la mise en place des différents éléments de cette architecture.

C’est un travail considérable, certes, mais c’est ce que font les gouvernements. Je suis persuadé que les mécanismes dont il est question ici, dont beaucoup existent déjà, peuvent être mis en place avant les prochaines élections, mais il faudrait pour cela que nous agissions avec empressement.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Il ne reste au sénateur que 30 secondes. Si votre question est brève, sénateur Quinn, vous pouvez la poser.

L’honorable Jim Quinn [ + ]

Le sénateur accepterait-il de répondre à une brève question? Pour faire suite à la question de la sénatrice Coyle, je crois comprendre que le projet a été présenté à l’autre endroit le 4 juin. Il y a un processus à suivre là-bas. Combien de jours le comité a-t-il passés à l’examiner?

Le sénateur Dean [ + ]

Vous parlez du comité sénatorial?

Le sénateur Quinn [ + ]

La séance d’information m’a donné l’impression que c’était compliqué. Dans quelle mesure le comité de la Chambre a-t-il mené un examen approfondi?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Sénateur Dean, vous devrez demander plus de temps pour répondre à la question. Demandez‑vous plus de temps?

Le sénateur Dean [ + ]

Oui, Votre Honneur.

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

Le sénateur Dean [ + ]

Je n’ai pas les informations de la Chambre des communes sous les yeux. Je peux vous dire que le Comité de la sécurité et de la défense a entendu 36 témoins qui représentaient 26 organisations dans le cadre de plusieurs audiences et qu’en général, de nombreux témoins étaient favorables à l’adoption rapide du projet de loi.

L’honorable Yuen Pau Woo [ + ]

Il y a à peine 2 heures, 20 de nos collègues se trouvaient au 1, rue Wellington pour assister à une séance d’information technique sur le projet de loi C-70. C’est moins du quart de notre effectif de sénateurs. Je suis maintenant devant vous, pressé de prononcer un discours après avoir participé à cette séance d’information à court préavis, sans préparation adéquate. Néanmoins, j’aimerais faire quelques observations officielles.

La première chose, qui devrait être évidente étant donné mon préambule, c’est que nous précipitons l’adoption de ce projet de loi. Il ne fait aucun doute que cette hâte n’est pas digne de la Chambre haute. Je pense qu’il est juste de dire que lors de la séance d’information technique, de nombreuses questions n’ont pas été posées par manque de temps, et que de nombreuses réponses données étaient, de l’avis de certains d’entre nous, insatisfaisantes.

Chers collègues, habituellement, l’objectif de la deuxième lecture est de discuter du principe du projet de loi. Permettez-moi de dire, tout d’abord, que je soutiens le principe du projet de loi, mais on discute du principe en vue de renvoyer le projet de loi à un comité où on pourra en étudier attentivement les détails et où on pourra en examiner minutieusement les défauts et, éventuellement, les corriger. Au lieu de cela, comme vous le savez tous, nous avons une étude préalable, qui a eu lieu la semaine dernière, également de manière précipitée, et lorsque le Comité de la sécurité nationale et de la défense se réunira demain, à 8 heures, soit dit en passant, pour ceux d’entre vous qui sont intéressés, il passera directement à l’examen article par article. En gros, nous sautons de la deuxième lecture à l’examen article par article, puis, vraisemblablement, à un vote en troisième lecture d’ici jeudi.

Chers collègues, nous prenons moins de temps pour examiner cet important projet de loi que nous n’en avons pris pour les projets de loi antiterroristes des trois dernières décennies, en 2001, en 2012, en 2015, en 2019, qui ont tous été adoptés assez rapidement dans le feu de l’action et qui comportaient des lacunes. Certains d’entre eux ont dû être corrigés quelques années plus tard.

Vous vous souvenez peut-être, par exemple, des amendements de 2019 à l’ancien projet de loi C-51, le projet de loi antiterroriste.

Il est probable que le projet de loi C-70 soit adopté à l’étape de la troisième lecture et devienne loi avant la pause estivale, malgré ses lacunes. Dans les prochaines années, nous aurons peut-être la possibilité de corriger certaines de ces lacunes, mais, d’ici là, ceux qui en paieront le prix, ce sont les personnes et les organisations qui seront prises au piège par l’ensemble de mesures trop vaste et trop rigoureux qui est proposé dans le projet de loi C-70.

Avant de donner seulement un aperçu des lacunes que je vois dans ce projet de loi, je me permets de parler de mon expérience dans ce domaine. Pratiquement depuis mon arrivée au Sénat, à la fin de 2016, je travaille à lutter contre l’ingérence étrangère au Canada et sur la Colline du Parlement.

En 2018, soit bien avant toute cette histoire, bien avant les fuites dans les médias, et bien avant les discussions fébriles entourant l’ingérence étrangère à grande échelle, j’ai organisé, dans l’édifice du Centre, un atelier destiné aux parlementaires qui portait sur l’ingérence étrangère chinoise au Canada. J’ai fait cela parce que, même à l’époque, je savais que c’était une question très délicate, et on commençait déjà à l’instrumentaliser, surtout aux États-Unis, où bon nombre d’activités de lutte contre l’ingérence étrangère visaient la Chine et les Chinois aux États-Unis, et que cela avait pour effet de stigmatiser des gens et de les traiter de façon discriminatoire, sous prétexte qu’il était urgent d’agir dans l’intérêt de la sécurité nationale.

J’espérais à l’époque que nous pourrions avoir une discussion adulte sur l’ingérence étrangère afin d’éviter les excès dans lesquels je pense que nous commençons à verser. J’ai échoué parce qu’aujourd’hui, nous nous trouvons dans un environnement fébrile où il semblerait qu’il y ait un soutien écrasant, voire unanime, pour un projet de loi sur la lutte contre l’ingérence étrangère qui présente des défauts manifestes qui nous ont été signalés par diverses sources de la société civile, du monde universitaire et des Canadiens ordinaires.

Comme certains d’entre vous le savent, j’ai également participé à l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère. Je suis un intervenant officiel et j’ai eu l’occasion de prendre connaissance de l’information qui a été mise à notre disposition. J’ai également participé à la consultation publique qui a conduit au projet de loi C-70 sur l’élaboration d’un registre visant la transparence en matière d’influence étrangère, que nous avons maintenant dans ce projet de loi. J’ai présenté des mémoires officiels à l’Enquête publique sur l’ingérence étrangère pour exprimer mon inquiétude quant à la qualité des renseignements et au fait que les conséquences du fanatisme à l’égard de l’ingérence étrangère n’ont pas été prises en compte, bien qu’elle porte atteinte à la liberté d’expression des communautés de la diaspora, y compris pendant les élections.

Permettez-moi à présent d’aborder un certain nombre de défauts que je vois dans le projet de loi et que, je l’espère, d’autres relèveront et que nous pourrons envisager d’améliorer. Il ne s’agit que de quelques exemples.

La première porte sur la Loi sur la protection de l’information, où il y a une nouvelle infraction liée à l’ingérence dans les affaires politiques. Je conviens qu’il est nécessaire de mettre fin à l’ingérence de commettants étrangers dans les affaires politiques, mais il y a une disposition spéciale où il y a une infraction liée à la préparation de l’acte d’ingérence dans les affaires politiques. Elle prévoit que quiconque accomplit un acte en vue ou en préparation de la perpétration d’une infraction — l’infraction étant l’ingérence dans les affaires politiques — commet cette infraction.

Dans cette disposition, nous copions l’exemple australien, où il y a aussi une disposition contre la préparation et la planification d’un acte d’ingérence étrangère, et les Australiens ont eu leur première déclaration de culpabilité l’année dernière. Permettez-moi de vous raconter ce qu’il s’est passé.

Un Australien d’origine vietnamienne a été condamné à deux ans de prison pour avoir préparé ou planifié un acte d’ingérence étrangère. Quel était cet acte? Il a organisé une collecte de fonds pendant la COVID et il a recueilli de l’argent auprès des Vietnamiens et de la communauté indo-sino-australienne pour acheter de l’équipement de protection individuelle et d’autres fournitures médicales, et il a donné cet argent à un hôpital. À l’occasion de la cérémonie où le don a été fait, il a invité un responsable politique — je pense qu’il était ministre en fonction à l’époque — à venir tenir avec lui sur la scène un chèque géant de 25 000 dollars australiens. On s’est servi de cela comme preuve que cet Australien d’origine vietnamienne préparait le ministre en vue d’un acte futur d’ingérence étrangère.

Pensez-y. Le régime australien appartient à l’Australie et celle-ci a le droit d’agir comme elle le veut, mais si nous empruntons cette direction, le fait, pour une personne, de forger une relation avec un politicien ou un fonctionnaire susceptible de gravir les échelons dans un avenir plus ou moins rapproché constituerait en soi un crime, puisque ce serait considéré comme un acte en vue ou en préparation de la perpétration d’ingérence étrangère. Voilà qui me donne des frissons dans le dos.

Passons maintenant à la partie 4 du projet de loi, qui édicterait la loi sur la transparence et la responsabilité en matière d’influence étrangère. D’abord, permettez-moi de préciser ce qui me plaît dans ce projet de loi. Je me suis exprimé à l’étape des consultations et j’ai activement participé au débat public. Il y a beaucoup d’éléments qui me plaisent dans le projet de loi. D’ailleurs, des suggestions venant de moi et de nombreuses autres personnes y ont été intégrées.

Premièrement, j’aime que le projet de loi ne vise aucun pays en particulier. Aucune publication officielle n’est nécessaire.

Deuxièmement, il n’essaie pas d’utiliser le registre pour résoudre le problème très réel de la répression transnationale. Dans les projets de loi d’initiative parlementaire portant sur un registre des agents d’influence étrangers que nous avons vus précédemment à la Chambre des communes et au Sénat, on propose l’idée qu’un registre peut en quelque sorte mettre un terme aux actes d’ingérence étrangère malveillants, en particulier les actes les plus ignobles, à savoir la répression des Canadiens par des gouvernements étrangers au moyen de menaces et de mesures d’intimidation.

Le projet de loi n’essaie pas de faire cela. Il crée plutôt une nouvelle catégorie distincte d’infractions criminelles liées à la répression et à l’intimidation proprement dites. Le mot « intimidation » me préoccupe, mais je pense que c’est le bon moyen de traiter les actes criminels plutôt que d’utiliser le registre comme moyen de rechange.

J’aime également le fait que le registre ne se sert pas du concept d’entité apparentée, qui est un terme tellement large et vague qu’il peut englober à peu près toute personne associée à une organisation qui est liée d’une manière ou d’une autre à une puissance étrangère. Il utilise plutôt le terme « arrangements ». J’ai recommandé l’idée d’utiliser le mot « arrangements », mais j’aurais préféré que l’on se concentre sur les arrangements concrets parce qu’ils sont tangibles — un contrat, une contrepartie, un voyage à Taïwan, par exemple, en Israël, en Chine ou au Mexique. C’est un arrangement concret. Le libellé indique plutôt « des arrangements » ou « en collaboration avec ». J’ai de très sérieuses inquiétudes à ce sujet. Que signifie « en collaboration avec »? Le meilleur indice se trouve dans le document de consultation qui a été publié par le ministère de la Sécurité publique en préparation du projet de loi et qui contient une étude de cas de ce qu’on veut dire, selon moi. Voici l’étude de cas en question.

Imaginons qu’un universitaire rencontre un commettant étranger. Il peut s’agir d’un diplomate; c’est quelqu’un qui représente un autre gouvernement. Ces deux personnes ont une ou plusieurs conversations. Peu après, l’universitaire rédige un article d’opinion en faveur de la position du pays étranger sur une question donnée. Il se peut que l’universitaire donne également des conférences sur le campus en faveur de la position de ce gouvernement. Cet exemple est décrit dans le document de consultation comme un acte d’ingérence étrangère malveillante, et je suis d’avis que l’intention du projet de loi et l’utilisation du terme « en collaboration avec » viseraient les actes de cet universitaire.

Toutefois, chers collègues, si un universitaire rencontre un représentant étranger et qu’il exprime un point de vue qui est étroitement aligné avec le gouvernement étranger, comment savons‑nous que le représentant étranger...

Votre Honneur, puis-je avoir cinq minutes de plus?

Son Honneur la Présidente [ + ]

Le consentement est-il accordé?

Le sénateur Woo [ + ]

Merci, chers collègues.

Comment savoir si l’universitaire ne partageait pas déjà cette opinion?

Permettez-moi de vous démontrer pourquoi c’est si problématique. Nous aurons très bientôt à déterminer si nous devrions imposer des droits de douane aux véhicules électriques chinois. Certains d’entre vous savent que les États-Unis ont imposé des droits de douane de 100 % aux véhicules électriques chinois. Les Européens leur ont aussi imposé des droits de douane, mais moins élevés. Il y a déjà un débat en cours au pays afin de déterminer si nous devrions emboîter le pas. Je sais que les fabricants automobiles et d’autres groupes de pression discutent avec des parties prenantes aux États-Unis, y compris certains États, afin de promouvoir l’idée que nous devrions imposer des droits de douane semblables pour une bonne raison : protéger notre industrie.

En même temps, d’autres voix s’élèvent au pays pour dire que nous ne devrions pas imposer de droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois parce que cela va à l’encontre de nos intérêts dans la lutte contre les changements climatiques. Je ne vais pas aller jusqu’à dire qui a raison ou qui a tort, mais pensez-vous qu’une personne qui plaide en faveur de droits de douane de 100 % sous l’influence d’une entité associée à un État américain sera traitée de la même manière qu’une personne qui plaide contre des droits de douane de 100 % et qui pourrait avoir des liens avec une entité chinoise ou asiatique? J’en doute. Je ne sais pas. Voilà le genre de questions que nous devrions poser.

Chers collègues, il y a encore beaucoup de choses à dire, mais ce projet de loi comporte des lacunes majeures. L’une d’elles, c’est qu’il ne tient pas compte des acteurs non étatiques. Comme vous avez peut-être remarqué, le projet de loi érige en infraction l’ingérence dans la gouvernance des institutions d’enseignement. Toutefois, la majeure partie de l’ingérence étrangère qui vise nos institutions d’enseignement ne provient pas des États, mais plutôt de groupes religieux et de militants qui s’intéressent à l’égalité des genres, aux droits génésiques, aux armes à feu et ainsi de suite. On peut en penser ce qu’on en veut, mais ces groupes sont les entités qui seront les plus actives pour essayer d’influer sur la gouvernance de nos établissements d’enseignement, et ce projet de loi n’en tient pas compte.

Il reste tellement d’autres aspects à examiner, mais permettez‑moi de dire que l’ingérence étrangère est un problème grave. Nous ne devrions pas tolérer l’ingérence étrangère. Je comprends la nature délicate de ce débat. Je sais aussi que personne ne veut être associé au mauvais camp, mais un mauvais projet de loi ne nous aidera pas à combattre l’ingérence étrangère. Nous devons absolument éviter que la portée de ce projet de loi soit si large qu’il mette à risque les droits fondamentaux, notamment en menant à la stigmatisation des personnes et des groupes qui sont considérés comme étant dans le mauvais camp.

Nous n’avons pas soumis ce projet de loi à l’examen minutieux nécessaire. Je crains que nous regrettions d’agir à la hâte. J’en aurai plus long à dire à l’étape de la troisième lecture du projet de loi. Je vous remercie de votre attention.

L’honorable Leo Housakos [ + ]

Honorables sénateurs, par où commencer? Le projet de loi dont nous sommes saisis se fait attendre — pour des motifs inutiles, déraisonnables et cyniques — depuis longtemps.

Même si j’appuie ce projet de loi et son adoption rapide, beaucoup d’entre vous n’aimeront pas ce que j’ai à dire sur le bilan du gouvernement et du Sénat en matière de lutte contre l’ingérence étrangère.

Je ne doute pas qu’on m’accusera de partisanerie dans mes observations, mais il n’y a pas de plus grande partisanerie que celle dont fait preuve le gouvernement Trudeau — et beaucoup d’entre vous — en ce qui concerne les efforts des conservateurs pour lutter contre l’ingérence étrangère et la répression transnationale, en particulier par la création d’un registre des agents étrangers.

Commençons par là, chers collègues. Commençons par le projet de loi S-237.

J’ai déposé ce projet de loi en février 2022. Cela fait plus de deux ans, et il a été relégué aux oubliettes. À une exception près, aucun d’entre vous n’a trouvé l’ingérence étrangère suffisamment intéressante ou pressante pour prononcer un mot relativement à ce projet de loi. Votre opinion est-elle favorable, positive ou neutre? Devrait-on l’amender? Faut-il le défendre et le faire adopter?

Je n’ai rien entendu de la part du sénateur Woo, qui, plus tôt, a fait part de sa grande inquiétude au sujet de l’ingérence étrangère. Il n’est pas intervenu pour parler du projet de loi S-237. Serait-ce parce que beaucoup d’entre vous ont reçu des appels du Cabinet du premier ministre ou d’un ministre leur disant de ne pas le faire? Probablement pas, mais je suis sûr d’une chose : aucun d’entre vous n’a reçu d’appel du gouvernement ou du leader du gouvernement vous demandant de faire avancer le projet de loi parce qu’il était d’une telle importance pour la sécurité nationale et que l’ingérence étrangère ne serait pas tolérée.

Il y a deux possibilités pour expliquer l’absence d’intérêt envers le projet de loi. Peut-être que le gouvernement a simplement pensé qu’il n’y avait pas de problème avec l’ingérence étrangère et continué comme si de rien n’était. Ou alors, pour des raisons partisanes, il n’a pas voulu débattre d’une question sérieuse soulevée par l’opposition officielle. Quoi qu’il en soit, chers collègues, votre silence et celui du gouvernement sur ce projet de loi en disent long.

Le seul collègue qui a véritablement fait preuve d’indépendance sur la question, qui a exprimé des inquiétudes sincères au sujet de l’ingérence étrangère et de la répression transnationale et qui a choisi de prendre la parole selon ses principes, c’est l’honorable David Adams Richards. Je l’en remercie.

Cela dit, je m’en voudrais de ne pas aussi souligner que ce projet de loi était le successeur d’un projet de loi d’initiative parlementaire présenté par l’ancien député conservateur Kenny Chiu au cours de la législature précédente. En fait, c’est à lui qu’il faut attribuer tout le mérite, même si le gouvernement refuse de le reconnaître en ce moment. M. Chiu est devenu une victime de l’ingérence étrangère qu’il tentait de dénoncer et de combattre.

Lors des élections qui ont suivi la présentation de son projet de loi, M. Chiu a été la cible d’une vigoureuse campagne de désinformation, dirigée par le régime communiste de Pékin et propagée par des individus agissant en son nom en sol canadien. La campagne a été principalement menée au moyen d’applications de médias sociaux contrôlées par Pékin et de médias de langue chinoise infiltrés par Pékin, ici même, notamment en Colombie‑Britannique.

La désinformation a été utilisée pour susciter la peur chez les Canadiens d’origine chinoise en invoquant un chapitre très sombre de l’histoire canadienne, une désinformation à laquelle l’opposant libéral de M. Chiu, l’actuel député Parm Bains, a contribué avec plaisir.

Dans les derniers jours de la campagne électorale de 2021, M. Bains, un ancien employé politique libéral, a été cité par un média qu’on soupçonne avoir des liens étroits avec le régime communiste chinois. Il aurait dit qu’il croyait que le projet de loi de M. Chiu était discriminatoire. Le même jour, le magazine a exprimé publiquement son appui à M. Bains, exhortant les lecteurs dans cette circonscription où une bonne partie des habitants sont d’origine chinoise à voter pour lui et pour le premier ministre Justin Trudeau.

L’histoire ne s’est pas arrêtée là, selon le journaliste d’enquête Sam Cooper, qui a écrit ceci dans « The Bureau » :

L’un des dirigeants de la communauté chinoise qui a fait campagne pour M. Bains avec l’association CCGV a tellement de pouvoir dans la diaspora de Vancouver qu’il a ensuite été reconnu personnellement lors d’une réunion avec le président Xi Jinping et des cadres du département du Travail du Front uni de Pékin, après l’ouverture par la GRC d’une enquête sur l’implication présumée de son groupe dans les postes de police chinois au Canada.

L’article de M. Cooper rapporte également que M. Bains a été vu dans une vidéo où il faisait écho aux allégations de racisme et de sinophobie formulées par Pékin à l’encontre de M. Chiu et d’Erin O’Toole, l’ancien chef conservateur.

Est-ce que cela vous semble familier, chers collègues? C’est normal, car il s’agit des mêmes accusations bidon que Pékin porte constamment contre moi dans des entrevues, des événements publics et privés et ici même, dans cette enceinte. Il n’y a rien de nouveau. Par ailleurs, les arguments de Pékin ont été répétés au Sénat, lorsque nous avons été réprimandés et que l’on nous a dit que le Canada était mal placé pour parler du génocide perpétré contre les Ouïghours à cause de notre histoire avec les pensionnats autochtones. Si vous remarquez une tendance, c’est qu’il y en a une.

Il y a tant de défenseurs des droits de la personne au Sénat et tant de personnes qui s’inquiètent de la montée de l’islamophobie, mais qui, collectivement, ne se préoccupent pas suffisamment de l’éradication des musulmans par Pékin pour la condamner en tant que génocide. Combien d’entre vous ont rencontré des Ouïghours ici au Canada ces dernières années, chers collègues? Combien d’entre vous ont écouté leurs récits déchirants concernant l’arrestation de leurs proches et leur placement forcé dans des camps de détention dans la région du Xinjiang? Combien d’entre vous ont entendu leurs récits au sujet des appels téléphoniques qu’ils reçoivent ici au Canada de la part des autorités de la République populaire de Chine ou de gens au Canada qui agissent au nom de la république, qui leur disent que leur mère est morte, que leurs frères sont tous morts, qui les menacent et leur disent de cesser de parler du génocide, faute de quoi d’autres membres de leur famille mourront? Nous avons entendu des témoignages ici même, dans un comité sénatorial.

C’est le genre de répression, de menaces et d’intimidation transnationales qui se produisent ici même, en sol canadien, et que mon projet de loi et celui de M. Chiu visent à combattre. Cette mesure législative n’était pas raciste. La motivation qui la sous-tend n’était pas raciste. Au contraire, ce sont les Canadiens d’origine chinoise eux-mêmes qui nous supplient de les aider depuis des années.

C’est ce que j’entends aussi dans le cadre de mon travail avec Hong Kong Watch. C’est la raison pour laquelle je me suis engagé auprès de cet organisme et que je suis son travail. J’ai rencontré des Hongkongais au Canada qui ont peur de montrer leur visage ou d’utiliser leur nom au complet par crainte de répercussions de la part de Pékin, particulièrement depuis que le régime communiste a mis en œuvre sa loi draconienne sur la sécurité nationale à Hong Kong.

Les voyous communistes de Pékin sont loin d’être les seuls à se livrer à ces activités en sol canadien. J’ai aussi rencontré des Canadiens d’origine iranienne qui m’ont raconté qu’ils se sentent menacés, ici au Canada, par des représentants du régime iranien malveillant, notamment par des membres du Corps des gardiens de la révolution islamique. Il y a aussi des Canadiens d’origine cubaine qui craignent pour la sécurité de leurs proches à Cuba chaque fois qu’ils prennent la parole, ici au Canada, pour défendre la liberté. Nous voyons également des tentatives de perturbation provenant de Poutine, notamment sous forme de comptes de médias sociaux et de financement de manifestations comme celles qui ont lieu actuellement sur les campus universitaires d’un océan à l’autre.

En parlant de Poutine et de Cuba, comment les Canadiens d’origine cubaine doivent-ils se sentir quand le Canada envoie un de ses navires de guerre mouiller à côté d’un navire de guerre russe, pour souligner nos relations bilatérales de longue date avec le régime communiste cubain? C’est la dernière bêtise en date de ce gouvernement qui prétend lutter contre l’autoritarisme et prendre au sérieux la menace de l’ingérence étrangère. Au cours de la fin de semaine, nous avons appris qu’un navire de guerre canadien avait été envoyé pour jeter l’ancre à Cuba aux côtés d’un navire de guerre russe, en signe d’amitié avec le régime communiste de Cuba. Merveilleux.

Le pire, c’est que quand notre ministre des Affaires étrangères a été interrogée à ce sujet lors d’une entrevue télévisée en fin de semaine, elle a répondu qu’elle n’était pas au courant. N’est-ce pas là quelque chose que notre ministre des Affaires étrangères devrait savoir, surtout s’il s’agissait d’une activité bien planifiée, comme l’a affirmé le ministre Blair depuis? Il s’agit de la même ministre qui disait ignorer que son personnel avait participé à une réception à l’ambassade de Russie peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Il s’agit du même ministère — Affaires mondiales Canada — dont nous savons maintenant, grâce à un article du Globe and Mail dont les faits ont été confirmés par le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, qu’il avait été averti à de nombreuses reprises de l’action suspecte d’un diplomate chinois ici au Canada. Il a fallu que le Globe and Mail nous l’apprenne.

Ils ont affirmé que le SCRS ne comprenait pas bien ce qui constitue des activités diplomatiques normales. Or, je dirais que ces fonctionnaires et le gouvernement Trudeau ne comprennent pas bien en quoi consiste l’ingérence étrangère. Vous n’avez pas à me croire sur parole; l’absence de critères d’intervention communs est un problème qui est souligné dans le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Nous en avons parlé au Comité sénatorial de la défense. Alors que les autres pays et partenaires du Groupe des cinq ont mis en place des lois et donné à leurs services de sécurité nationale le pouvoir de prendre des mesures, au Canada, nous sommes encore en train de débattre de la définition de l’ingérence étrangère. Voilà où nous en sommes en 2024.

On parle du même diplomate qui a finalement été expulsé du Canada, mais seulement après qu’une personne au SCRS l’ait dénoncé. C’est à ce moment-là qu’Affaires mondiales Canada est intervenu. Malgré cela, la fin de semaine dernière, à la télévision, la ministre Joly a eu le culot de dire à Vassy Kapelos que le Canada est le pays du G7 le plus « proactif » en matière de lutte contre l’ingérence étrangère. Honorables collègues, je suis tombé en bas de ma chaise en l’entendant dire « proactif ».

Le Canada est devenu la risée des alliés du Groupe des cinq sur le plan de la lutte contre l’ingérence étrangère. Ils nous devancent non seulement dans la mise en œuvre des mesures incluses dans ce projet de loi concernant le partage des renseignements, mais aussi dans l’établissement de registres d’agents étrangers. Nous sommes les derniers à nous y mettre, et Mme Joly pense que nous sommes les plus proactifs parce que nous menons actuellement une enquête publique sur l’ingérence étrangère, à laquelle le gouvernement a été contraint de participer. Nous avons la commission Hogue, malgré tous les efforts de Justin Trudeau pour éviter de demander la tenue d’une enquête, et cette ministre veut la présenter comme une mesure du succès du gouvernement. Encore une fois, le gouvernement et les libéraux disent toutes les bonnes choses, puis font tout le contraire, et ils rejettent ensuite le blâme sur tout le monde, sauf sur eux.

Le gouvernement Trudeau a, au mieux, accumulé les fiascos retentissants chaque fois qu’il a été confronté à la menace de l’ingérence étrangère, en particulier dans nos élections, et dans certains cas, il a volontairement fermé les yeux parce que l’ingérence étrangère lui était politiquement bénéfique.

Non seulement Mélanie Joly et Affaires mondiales n’ont pas tenu compte des avertissements du SCRS, mais aussi le premier ministre, le Cabinet du premier ministre, de hauts responsables du Parti libéral et l’équipe de la campagne libérale. Ils ont tous fermé les yeux, ils n’ont rien fait pour empêcher l’ingérence dans nos institutions démocratiques, et quand la vérité a commencé à se faire jour, ils ont menti en prétendant ne rien savoir. Au lieu d’intervenir, ils se sont attachés à trouver qui avait divulgué les renseignements. Parce que nous voulons trouver la source des fuites — le vrai problème, ce sont les gens qui disent la vérité.

Quand des rapports ont commencé à faire surface indiquant que le SCRS avait informé Justin Trudeau de l’ingérence de Pékin dans les deux élections fédérales précédentes, celui-ci s’est rabattu sur une de ses expressions favorites. Il a affirmé que le récit du Globe and Mail était faux. Il a assuré à maintes reprises, y compris à la Chambre des communes, qu’il ne savait rien et même qu’il n’avait pas été informé par le SCRS. Il découvrait lui aussi les faits. Il a nié à maintes reprises qu’il était au courant.

En mars 2023, quand on lui a demandé de but en blanc dans une entrevue à la télévision :

Saviez-vous qu’il y avait eu de l’ingérence dans ces élections, pas avant, mais au cours de cette campagne? Avez-vous été informé qu’il y avait eu de l’ingérence?

La réponse du premier ministre à cette question très simple a été : « Nous avons mis sur pied un groupe d’experts pour que cette question puisse être examinée. »

Il a formé un groupe d’experts pour faire quoi? Lui dire ce qu’il y avait dans sa propre tête? Il est le premier ministre. En matière de sécurité nationale, il est l’ultime responsable.

En avril, lors de l’enquête publique, la commissaire a contraint par la honte le premier ministre à dire enfin la vérité. Il a été révélé que le SCRS a donné au Cabinet du premier ministre au moins 34 séances d’information sur l’ingérence étrangère entre juin 2018 et décembre 2022, et que le premier ministre lui-même a été personnellement informé à au moins 3 reprises au cours de cette période. C’est ce qui est ressorti de l’enquête publique. Je n’invente rien. Ce sont les faits, sénateur Gold. Le SCRS a attiré l’attention du premier ministre sur de l’ingérence étrangère dans les élections de 2018 et de 2019 et a offert des recommandations pour en prémunir le Canada aux futures élections.

Depuis, deux projets de loi ont été présentés à la Chambre des communes. Un projet de loi amasse la poussière, et il a fallu une enquête publique pour que le premier ministre admette la vérité. Notre premier ministre n’a tenu compte d’aucune des recommandations. Il n’a rien fait de l’information qui lui a été fournie au cours de ces séances d’information.

De plus, il a continué de mentir à propos de ces séances d’information. Il a menti aux Canadiens, et il a menti au Parlement. M. Trudeau a tenté de prétendre que l’information ne lui était pas parvenue. Lors de son témoignage dans le cadre de l’enquête Hogue, il a affirmé qu’il ne lisait pas beaucoup — quelle surprise! — et que la seule façon de s’assurer qu’il était au courant de quelque chose était de le lui dire verbalement. Pourtant, à une précédente comparution devant un comité de la Chambre des communes, la cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, avait déclaré que M. Trudeau lisait tous les documents qu’on lui remettait. Bel exemple de la main gauche qui ne sait pas ce que fait la main droite.

Quoi qu’il en soit, il s’agit de 34 occasions manquées de faire quelque chose au sujet de l’ingérence étrangère, et Justin Trudeau a plutôt choisi de faire fi des avertissements.

En décembre 2019 et 2020 et de nouveau en février 2022, le premier ministre a été informé de l’ingérence électorale, et on lui a demandé d’approuver des mesures pour lutter contre elle lors des futures élections. À ces trois occasions, il a refusé de le faire. Il a également reçu trois rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement faisant état de préoccupations relatives à l’ingérence étrangère, mais il n’a rien fait pour y donner suite. On peut difficilement dire que c’est le comportement d’une personne proactive.

De plus, grâce à la juge Hogue, nous savons maintenant que le premier ministre a été mis au courant de l’ingérence de Pékin dans la nomination du député libéral Han Dong à Toronto et qu’il a sciemment choisi de ne rien faire à ce sujet parce que, comme il l’a lui-même admis à la juge, il ne voulait pas perdre cette circonscription. C’est le premier ministre qui l’a dit, chers collègues, et personne d’autre. Le premier ministre a fait passer ses propres intérêts électoraux avant les intérêts de la démocratie canadienne. Il a fait passer ses intérêts politiques et sa soif de pouvoir avant la sécurité nationale et l’intégrité de nos élections. C’est vraiment le comble pour quelqu’un qui accuse constamment les autres de miner la confiance dans nos institutions démocratiques.

Monsieur Trudeau n’a pas non plus donné suite à des renseignements selon lesquels un diplomate chinois se trouvant au Canada aurait ciblé le député Michael Chong, y compris au moyen de menaces envers sa famille à Hong Kong. Il s’agit du diplomate dont j’ai parlé il y a un instant, celui contre lequel le Service canadien du renseignement de sécurité a mis en garde Affaires mondiales Canada à maintes reprises, pour ensuite se faire rabrouer par la ministre des Affaires étrangères.

Le dernier rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement confirme ce qui a été rapporté dans le Globe and Mail l’an dernier, à savoir qu’Affaires mondiales Canada n’a pas tenu compte de ces avertissements répétés. Pendant ce temps, les propos tenus par le premier ministre l’automne dernier trahissent son omission d’agir à l’égard de ces renseignements lorsqu’il en a eu l’occasion pour la première fois. Le premier ministre a dit qu’il a ordonné la tenue d’une enquête sur cette affaire dès qu’elle a été rendue publique, et non pas lorsqu’il en a été informé pour la première fois deux ans plus tôt. Il a demandé l’enquête seulement après que l’affaire a été rendue publique.

Soit dit en passant, ces menaces à l’endroit du député Chong et de sa famille sont arrivées au moment où la Chambre débattait d’une motion visant à reconnaître le génocide des Ouïghours. C’était une motion semblable à celle qui a été honteusement rejetée ici au Sénat. L’ambassadeur de la Chine au Canada de l’époque avait déjà mis les sénateurs en garde contre de telles motions. La raison pour laquelle il l’a fait alors qu’il était dans ma ville, Montréal, ne m’a pas échappé : il s’agissait d’un événement public.

L’ingérence de Pékin n’a pas fonctionné à la Chambre — même si, je vous le rappelle, le gouvernement n’a pas voté en faveur de la motion —, mais elle a parfaitement fonctionné dans cette enceinte, la seule Chambre de tous les pays démocratiques occidentaux à avoir refusé de reconnaître la situation du peuple ouïghour. Ce fut un jour honteux pour notre institution et une décision que je n’arrive toujours pas à comprendre.

Une autre motion qui a été adoptée à la Chambre des communes non pas une, mais bien deux fois, demandait au gouvernement de déclarer que le Corps des Gardiens de la révolution islamique est une organisation terroriste. La première motion a été adoptée il y a six ans, et la deuxième pendant la session actuelle. Les libéraux de Trudeau continuent de refuser de donner suite à l’une ou l’autre des motions. Ce gouvernement ne refuse pas simplement d’inscrire le Corps des Gardiens de la révolution islamique sur la liste des organisations terroristes; il a permis à des membres de cette secte meurtrière de venir au Canada pour, par exemple, donner des conférences dans nos universités. Qu’est-ce qui pourrait mal tourner?

Pour commencer, le régime pernicieux de l’Iran est le plus grand commanditaire du terrorisme d’État, et vous pouvez être assurés qu’il est impliqué dans certaines des manifestations pro-Hamas qui ont eu lieu sur nos campus universitaires et dans nos rues au cours des derniers mois. Pourquoi notre gouvernement ne pose-t-il pas de questions au sujet de ces liens, et surtout de la provenance du financement?

Puisqu’on parle de poser des questions, vous souvenez-vous de toutes les questions que nous avions sur le licenciement de deux scientifiques du Laboratoire national de microbiologie à Winnipeg, des scientifiques qui, on le sait maintenant, travaillaient intentionnellement pour servir les intérêts du Parti communiste chinois, et non ceux du Canada? Le gouvernement Trudeau était-il proactif lorsqu’il a, pendant plusieurs années, fait tout ce qui était en son pouvoir pour empêcher les Canadiens d’apprendre la vérité sur ce qui s’est passé dans ce laboratoire? Ce n’est que dernièrement que nous avons appris la vérité parce que, une fois de plus, l’opposition l’a cherchée sans relâche. Le gouvernement Trudeau a essayé aussi longtemps que possible d’étouffer l’affaire, tout d’abord en invoquant des préoccupations en matière de protection de la vie privée et de sécurité afin d’éviter quatre motions du Parlement et de ses comités exigeant le dépôt de documents pertinents. En fin de compte, le Parlement a déclaré le président de l’Agence de la santé publique du Canada coupable d’outrage au Parlement, puis Justin Trudeau a poursuivi le Parlement en justice. Pensez-y : le premier ministre a fait appel à la Cour fédérale pour bloquer un ordre du Parlement.

Cette tactique cynique démontre non seulement le manque de sérieux de Justin Trudeau en matière d’ingérence étrangère, mais constitue un exemple de plus du mépris qu’il affiche à l’égard de la suprématie du Parlement. Il voulait que les tribunaux, le pouvoir judiciaire, s’ingèrent dans le privilège du pouvoir législatif. C’est vraiment une situation qui aurait pu causer des dommages énormes au système parlementaire et à la démocratie canadienne.

C’est dire jusqu’où il est prêt à aller, non pas pour lutter contre l’ingérence étrangère, mais pour dissimuler l’inaction de son gouvernement dans ce dossier.

La Cour n’a pas eu à se prononcer, puisque le premier ministre a jugé bon de dissoudre le Parlement. C’est finalement un comité spécial composé de quatre députés et de trois anciens juges qui a finalement pris la décision de divulguer les documents pertinents. Ce faisant, ils ont déclaré que, bien qu’un certain degré de secret soit justifié en ce qui concerne certains documents du SCRS, la plupart des documents avaient été retenus par le gouvernement dans le but de protéger l’organisation contre l’embarras, plus que pour des raisons légitimes de sécurité nationale.

Le gouvernement Trudeau utilise maintenant la même stratégie dans le cas de l’enquête Hogue sur l’ingérence étrangère. Il caviarde lourdement ou retient complètement tous les documents pertinents du Cabinet que le ministre de la Sécurité publique, Dominic Leblanc, a proposés à la commission d’enquête en septembre dernier, peu importe à quel point ils sont sensibles ou pas.

Encore une fois, les libéraux tiennent de beaux discours mais font le contraire.

Je rappelle que le premier ministre peut lever la confidentialité des délibérations du Cabinet et qu’il devrait la lever, comme il l’a promis. Il a le pouvoir de le faire, tout comme pour le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.

Justin Trudeau est le seul à pouvoir divulguer le rapport non caviardé, ou des parties de celui-ci, y compris les noms de tout parlementaire soupçonné d’avoir été impliqué, sciemment ou involontairement, dans une affaire d’ingérence étrangère. Les Canadiens et les parlementaires, quelle que soit leur allégeance politique, méritent d’être informés. Au lieu de cela, les chefs des partis arrivés en quatrième et cinquième position font des déclarations publiques qui ne font que brouiller les pistes sur ce que contient ou ne contient pas le rapport. Entre Elizabeth May et Jagmeet Singh, les Canadiens n’y comprennent plus rien.

En passant, chers collègues, il y a deux choses que le comité a entendues au cours de l’étude du projet de loi C-70 et qui doivent être consignées ici. Premièrement, les affirmations selon lesquelles les allégations contre les parlementaires ne peuvent être discutées parce qu’elles font l’objet d’une enquête de la GRC sont bidon. Deuxièmement, il n’y a probablement pas de mécanisme dans le Code criminel pour enquêter sur ces allégations, parce que ce que l’on décrit ne satisfait probablement pas aux critères très élevés de ce qui constitue la trahison.

Le témoignage a rendu d’autant plus clair le fait que les allégations devront être traitées par une autre mesure, telle que la publication des noms des parlementaires impliqués. Les parlementaires sont des hommes politiques, et la responsabilité politique existe au sein du Parlement. C’est là que nous allons au fond de la responsabilité politique.

Cependant, une fois de plus, le gouvernement Trudeau dit une chose et fait le contraire. Après avoir d’abord semblé accepter d’envoyer le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement à la juge Hogue pour qu’elle enquête sur les allégations concernant des parlementaires — des députés et des sénateurs nommés publiquement — qu’elle croit impliqués, le ministre LeBlanc a rechigné lors de sa comparution devant le comité sénatorial lorsqu’on lui a demandé si les documents pertinents allaient être remis. Il s’agissait d’une question bien précise du sénateur Carignan, je crois. Il a simplement tergiversé; il n’a pas donné de réponse claire.

Pendant ce temps, au cours de la fin de semaine, la ministre des Affaires étrangères a décidé de brouiller les cartes à son tour. Elle ne sait pas que le Canada a déployé un navire de guerre aux côtés des Russes à Cuba, mais elle n’a pas hésité à dire à Vassy Kapelos qu’aucun membre du caucus libéral n’était visé par le rapport. C’est étrange, car lorsqu’on a posé la question au premier ministre lors du G7 au cours de la fin de semaine, à savoir si des libéraux figuraient sur la liste, il a refusé de répondre. Soit la ministre des Affaires étrangères est mêlée, comme d’habitude, et le premier ministre a recommencé à ne pas lire ses notes d’information, soit ils ne sont pas honnêtes. Je leur accorde bien sûr le bénéfice du doute.

Cependant, le premier ministre a bel et bien fait comprendre aux Canadiens et aux médias, lors du Sommet du G7, qu’il met en doute le travail du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR. Il a fait écho aux propos du ministre de la Sécurité publique, Dominic LeBlanc, en déclarant qu’il n’approuvait pas l’interprétation de l’ingérence étrangère qu’a faite le comité et qu’il avait indiqué clairement à ses membres les problèmes que lui posait leur travail. Il est bien question du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, un organisme dont nous parlons tous et dans lequel nous avons tous beaucoup confiance, à l’exception du premier ministre, de toute évidence.

Pourquoi ce type se pose-t-il toujours en autorité suprême sur tout et en vient-il à critiquer et à dénigrer le travail de tous ceux qui ne sont pas d’accord avec lui, même s’il s’agit de ses propres experts triés sur le volet? Rappelons-nous ce que M. Trudeau a dit à propos de ce comité des parlementaires en mars 2023 :

[…] Le CPSNR est bien placé pour examiner les tentatives d’ingérence étrangère qui ont eu lieu lors des 43e et 44e élections générales fédérales, y compris leurs répercussions possibles sur la démocratie et les institutions canadiennes […]

C’est une chose un jour, mais c’en est une autre le lendemain.

Je vais vous rappeler ce que le leader du gouvernement au Sénat — notre collègue le sénateur Gold — a dit il y a moins de deux semaines à propos du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Dans son dernier rapport, il a souligné la valeur du travail du comité et a dit que le gouvernement l’en remerciait. Sénateur Gold, vous devriez envoyer une petite note au premier ministre Trudeau parce que vous n’êtes pas sur la même longueur d’onde, mais pas du tout.

M. Trudeau remettra aussi en question l’enquête menée par la juge Hogue lorsqu’elle se terminera. Savez-vous quel travail il ne remet pas en question? Il n’a pas remis en question le travail du rapporteur spécial indépendant sur l’ingérence étrangère qu’il a nommé : un ami de la famille, l’ancien gouverneur général David Johnston. Le fait que M. Harper a tout de même nommé un ami très proche de la famille Trudeau montre son absence de partisanerie dans ces dossiers. Il est malheureux que M. Trudeau et M. Johnston n’en fassent pas autant.

Bref, la ministre Joly et le premier ministre Trudeau aiment citer le rapporteur spécial comme un autre exemple illustrant que le Canada est le pays le plus proactif du G7 en ce qui concerne la lutte contre l’ingérence étrangère. Comme vous vous en souviendrez, nommer le rapporteur spécial était la réponse initiale du gouvernement Trudeau aux appels des conservateurs pour une enquête publique et un registre des agents étrangers. Le rapporteur spécial allait régler tous les problèmes.

Le gouvernement Trudeau n’a jamais voulu rendre des comptes ou prendre au sérieux l’ingérence étrangère, chers collègues. Il voulait tergiverser. Il voulait causer des retards. Le rapporteur spécial n’a même pas parlé au député libéral Han Dong, qui était au centre des allégations d’ingérence électorale. Le 6 juin 2023, le rapporteur a admis devant un comité de la Chambre qu’il n’avait même pas accès aux renseignements que le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, a fournis à l’ex-chef conservateur Erin O’Toole dans le cadre d’une séance d’information. Le rapporteur a dit : « Les informations que nous avons étudiées [...] sont celles qui étaient disponibles au moment de notre examen. »

Plus tard dans la journée, lors d’une entrevue accordée à David Cochrane de CBC, il a dit : « Il y avait un océan d’informations à traiter; nous avons pu examiner l’équivalent d’un très grand lac. » Pourtant, après tout cela, le rapporteur s’est exclamé : « Il n’y a rien à voir, les amis! Poursuivez votre chemin. Le Canada est l’incarnation de la sécurité nationale. »

Le lendemain de cette entrevue à la CBC, mon collègue le sénateur Plett a posé la question suivante au sénateur Gold lors de la période des questions : « [...] qui a sélectionné les informations du SCRS sur lesquelles le rapporteur a fondé son rapport? » Aucune réponse n’a été donnée, mais nous connaissons tous la réponse. Nous savons d’où proviennent les informations. Quel désastre total, quel gaspillage de temps et d’argent des contribuables, et quelle mascarade. Les Canadiens méritent mieux.

Au bout du compte, Justin Trudeau est la seule personne qui, grâce aux renseignements de sécurité qu’il a obtenus, a le pouvoir de dire la vérité aux Canadiens au sujet de l’ingérence étrangère dans les élections ou au Parlement. Les diverses institutions qui sont reconnues pour être très poreuses sont infiltrées par des régimes qui n’ont aucun respect pour la démocratie, la liberté, la primauté du droit et les droits de la personne. Le premier ministre dit qu’il est important que les Canadiens aient confiance dans notre capacité de défendre les institutions démocratiques canadiennes. C’est l’excuse qu’il utilise pour ne pas divulguer les noms des parlementaires énoncés dans le rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. En fait, son manque de transparence et de franchise a l’effet contraire, chers collègues. Quand tous les parlementaires font l’objet de suspicion, comment les Canadiens peuvent-ils avoir confiance en nous ou dans nos institutions?

Je comprends que la divulgation de ces noms aura des conséquences qu’il faut prendre en considération, tant en ce qui a trait aux sources qui ont fourni l’information aux services de renseignement qu’en ce qui a trait aux principes de la primauté du droit. Cependant, en quoi le premier ministre se préoccupait-il de la protection des sources et de la primauté du droit l’an dernier, quand il a accusé à brûle-pourpoint à la Chambre des communes le gouvernement de l’Inde d’être impliqué dans le meurtre d’un Britanno-Colombien, en juin dernier — sans offrir aucune preuve? Son seul argument à l’intention des Canadiens était : « Croyez-moi. J’ai vu, et je crois. »

Quant au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et les renseignements, il a remis au premier ministre trois rapports faisant état de préoccupations concernant l’ingérence étrangère. De même, le SCRS a fourni plusieurs rapports sur l’ingérence étrangère, assortis de recommandations visant à se prémunir contre ce type d’ingérence. Ces comptes rendus et ces rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et les renseignements remontent à 2018. Cela fait six ans, et ce n’est que maintenant que nous envisageons d’adopter un projet de loi à ce sujet. Comme pour tout le reste, le gouvernement agit à toute vitesse, à la hâte. Après tout, il n’a eu que neuf ans pour réfléchir à la question. Il n’y a pas de quoi être fier, sénateur Gold. Ce n’est pas une utilisation valable des compétences et de la bonne volonté des parlementaires, et surtout des sénateurs. Pour ce qui est du gouvernement, on ne dirait pas qu’il est impatient de mener la lutte contre l’ingérence étrangère.

Malgré l’histoire révisionniste de Justin Trudeau — pas plus tard qu’en fin de semaine, il a dit aux médias qu’il avait fait des choses contre lesquelles le gouvernement Harper s’était battu —, la vérité, c’est que la première chose que le gouvernement a faite lorsqu’il est arrivé au pouvoir a été d’abroger une loi sur l’ingérence étrangère d’un gouvernement précédent, l’ancien projet de loi C-51. Cette loi était la première étape. On avait recensé des problèmes en 2013 et en 2014. Le projet de loi C-51 était le premier pas, en 2015, en vue de renforcer nos lois sur la sécurité nationale, et c’était un précurseur de ce qui allait ensuite devenir un registre des agents de l’étranger.

Je vais vous dire ce qui s’est passé, chers collègues. La première chose que le gouvernement a faite en arrivant au pouvoir a été d’abroger le projet de loi. Il l’a remanié, il l’a abrogé, puis il a présenté le projet de loi C-59, qui lui a enlevé tout son mordant. Allez le lire. Lisez le projet de loi C-51, puis lisez le projet de loi C-59 remanié. Le sénateur Gold était le parrain de ce projet de loi. C’est la première chose que le gouvernement a faite. Il a ensuite passé les neuf années suivantes à faire tout ce qu’il pouvait pour contrer les tentatives des conservateurs de lutter contre l’ingérence étrangère et la répression transnationale, notamment en nous lançant des accusations de racisme et de sectarisme. Des députés libéraux ont même allègrement propagé de fausses informations et des théories du complot en ligne.

Nous étudions ce projet de loi aujourd’hui simplement parce que le gouvernement a épuisé tous les moyens à sa disposition pour éviter d’en arriver là. Il a tergiversé comme jamais auparavant, essentiellement pour éviter d’établir un registre des agents étrangers. D’ailleurs, je ne suis pas encore sûr que ce registre sera créé, car, à vrai dire, je ne suis pas aussi optimiste que le sénateur Dean. J’ai un peu de difficulté à croire que les fonctionnaires seront en mesure de le créer en 12 mois, avant les prochaines élections. C’est ce qui préoccupe la plupart des parlementaires qui devront faire face à la population canadienne lors des prochaines élections générales, ceux d’entre nous qui veulent des élections justes et libres de toute ingérence de la part d’entités étrangères. J’espère qu’il y aura assez de bonne volonté de la part du gouvernement et des fonctionnaires pour qu’on puisse créer le registre.

Honorables collègues, je vais appuyer ce projet de loi, même si on l’a présenté à la hâte et qu’on a retardé le processus sans cesse. Au bout du compte, nous savons tous que le gouvernement s’est empressé de proposer cette solution à la suite de la publication d’un rapport préliminaire accablant dans lequel la juge Hogue a indiqué que le gouvernement se traîne les pieds dans le dossier de la lutte contre l’ingérence étrangère. Comme toujours, il a fait les choses à la hâte pour pouvoir faire croire aux gens qu’il a fait quelque chose et pour prendre des mesures avant les prochaines élections.

C’est toujours mieux que la solution de rechange. Je continue de croire que ce projet de loi n’est qu’une première étape. Je suis convaincu que le prochain gouvernement prendra au sérieux la sécurité nationale et l’ingérence étrangère et qu’il ajoutera toutes les mesures qu’il faut à ce projet de loi, y compris les outils et les ressources pour la GRC et le SCRS, de manière à ce que les services de police du pays puissent communiquer entre eux et lutter contre la menace sérieuse qui pèse sur notre démocratie et, surtout, sur le peuple canadien.

J’ai commencé à m’intéresser à l’ingérence étrangère il y a de nombreuses années pour une raison simple. Des Canadiens d’origine cubaine sont venus à mon bureau. J’ai reçu des Hongkongais et des Canadiens d’origine chinoise et persane. Ils sont venus à mon bureau les uns après les autres, me racontant d’horribles histoires d’intimidation et de menaces de la part de gouvernements étrangers à l’encontre de citoyens canadiens. Voilà ce qu’est l’ingérence étrangère : il s’agit de régimes comme la Chine, l’Iran, Cuba, la Russie et la Türkiye qui croient pouvoir intimider les gens dans leur pays et, malheureusement, ils le peuvent, et nos moyens d’action sont limités. Toutefois, lorsque ces pays viennent sur notre sol et s’en prennent à des Canadiens simplement parce qu’ils sont originaires de ces pays et qu’ils les intimident, eux et leurs familles, au profit de ces dictatures impitoyables, il y a un sérieux problème.

Peu m’importe qui est le premier ministre ou quel parti forme le gouvernement. Ce n’est pas une question de politique. Il est question de l’essence même de la citoyenneté canadienne et de ce qui nous a tous amenés ici. Je l’ai dit mille fois : nous sommes tous des immigrants au Canada et nous venons tous ici pour la liberté, la démocratie et la primauté du droit. C’est ce que nous disent les gens: ils immigrent dans un pays qui respecte les droits de la personne. En tant que parlementaires, nous devrions nous battre pour cela par-dessus tout, à tout prix.

Merci chers collègues. J’appuie ce projet de loi, et faisons en sorte qu’il soit adopté.

L’honorable Marilou McPhedran [ + ]

Je me demande si l’honorable sénateur Housakos accepterait de répondre à une question.

Le sénateur Housakos [ + ]

Bien sûr.

La sénatrice McPhedran [ + ]

Sénateur Housakos, je suis perplexe et j’espère que vous pourrez m’aider à mieux comprendre. Vous nous avez présenté une analyse impressionnante de tout ce qui cloche dans ce projet de loi et, à la fin de votre discours, vous avez indiqué que vous êtes favorable à son adoption rapide. Est-ce que cela comprendrait l’étude article par article demain, puis le renvoi à la Chambre pour un vote presque instantané? Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?

Le sénateur Housakos [ + ]

Sénatrice McPhedran, je ne sais pas à quel moment vous avez cru entendre qu’il y a beaucoup de dispositions qui clochent dans ce projet de loi. C’est un pas de géant par rapport à la situation actuelle, c’est-à-dire l’absence totale de projet de loi et de mécanisme de lutte contre l’ingérence étrangère. Deux élections successives ont eu lieu. Divers rapports et diverses sources de renseignements nous en ont parlé. Malheureusement, c’est au premier ministre qu’ils communiquent cette information. En effet, lorsqu’il s’agit de sécurité nationale et des mesures à prendre à ce sujet, tous les chemins mènent au bureau du premier ministre, et ce, en raison des lacunes dans les mécanismes de reddition de comptes du Parlement.

Des élections auront lieu bientôt, soit dans 12 mois, et nous devons, de la manière la plus crédible qui soit, fournir à Élections Canada, à la GRC, au SCRS et à tous les organismes concernés les outils nécessaires. Avant toute chose, ce projet de loi a un effet dissuasif, car nous modifions enfin le Code criminel afin d’exclure les acteurs étrangers. Voyons les choses en face : nous savons ce qu’est l’ingérence étrangère, nous le savons tous. Si vous venez au Canada et tentez de vous immiscer dans notre démocratie et nos institutions et de leur nuire, il y a un prix à payer.

Y a-t-il des éléments du projet de loi que je souhaiterais voir renforcés? Oui, et nous les renforcerons en temps opportun. Aurais‑je préféré que cette mesure soit débattue il y a deux ans, lorsque j’ai déposé mon projet de loi? Quand on regarde mon projet de loi S-237, on constate qu’il est semblable à la mesure à l’étude, à quelques exceptions près; certains éléments de mon projet de loi sont plus forts, d’autres plus faibles. Aurais-je préféré que le gouvernement se montre intéressé il y a deux ans et quatre mois, qu’il s’empare du projet de loi, l’amende, en débatte et le renforce jusqu’à ce que tous les sénateurs en soient satisfaits, de sorte que nous ne serions pas ici, maintenant, à adopter cette mesure à la dernière minute avant l’ajournement d’été? C’est décidément ce que j’aurais préféré. C’est un point dont vous pourriez discuter avec le leader du gouvernement et avec les sénateurs et les autres personnes qui n’ont jamais voulu discuter de ce dossier avant la semaine dernière et qui ont choisi d’attendre à la dernière minute.

Il est important pour la démocratie et pour toutes les personnes qui ont appelé à l’aide au cours de la dernière décennie — les Canadiens qui ont ressenti l’ingérence exercée par Pékin et Téhéran — de montrer que le projet de loi est sérieux et qu’il s’attaque au problème. C’est pourquoi je pense que le projet de loi est parfait en tant que première étape. Toutes les imperfections qui doivent être corrigées peuvent l’être au fil du temps. Cependant, retarder le projet de loi enverrait un message terrible à tous les acteurs terribles qui tentent d’infiltrer la démocratie canadienne et qui l’ont déjà fait.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?

Des voix : D’accord.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois.)

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