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La Loi sur les Indiens

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Ajournement du débat

3 décembre 2025


L’honorable Michèle Audette [ + ]

Propose que le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.

[Note de la rédaction : La sénatrice Audette s’exprime en innu-aimun.]

— Honorables sénateurs, je remercie le peuple anishinabe. Merci d’accepter que je puisse caresser votre territoire tous les jours quand je chausse mes mocassins de sénatrice.

Avant de commencer, j’ai eu une grosse surprise qui m’a fait pleurer. Je ne pensais pas que mon amoureux serait là pour nous soutenir. C’est vrai, cela touche tes enfants et les miens. Tu m’as soutenue pendant l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, au moment de ce qui est arrivé à Joyce Echaquan, et surtout pendant l’étude du projet de loi S-2 depuis juin, avec toutes les lectures que j’ai dû faire. De plus, c’est toi qui me nourris tous les jours, et je te remercie de ta patience.

Sa patience, je ne sais pas comment il la gère, mais dans mon message, je vais tenter, avec beaucoup d’amour, de vous faire partager l’impatience et l’injustice que beaucoup trop de gens subissent. Bien sûr, je prends la parole aujourd’hui avec un sens — j’allais vous dire inébranlable —, un sens rempli de conviction par rapport à mes responsabilités, alors que nous abordons l’étude du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription), à l’étape de la troisième lecture, maintenant qu’il est renforcé et transformé par les amendements apportés par le Sénat.

Je tiens aussi à dire que c’est au Sénat qu’on a demandé de faire le premier examen, comme l’a si bien exprimé notre collègue la sénatrice Ringuette. Merci d’avoir soulevé ce travail important, auquel j’ai cru. J’y ai cru au moment où le projet de loi C-38 est arrivé dans l’ancien Parlement, qui semble être un ancien gouvernement aussi, mais qui est le même Parti libéral au pouvoir.

Le projet de loi S-2 est arrivé et mon message a été le même, sachant que des délais nous sont imposés par la cour, cette fois-ci par la Cour suprême de la Colombie-Britannique. Au fil du temps, les délais ont changé, ce qui était tout à fait normal pour des gens qui ont soif de justice, de réparation, car on avait enfin l’occasion et le momentum nous permettant de ramener au-devant de la scène ce que l’on répète depuis toujours, sur le fait que toutes les discriminations découlent de la Loi sur les Indiens.

De plus, l’amour que j’éprouve pour cette humaine, Mandy Gull-Masty, et la fierté que je ressens à son égard sont inébranlables. Pourtant, comme dans une famille, comme dans ma famille qui compte cinq enfants, il est rare qu’il y ait un consensus. Nous avons tous une diversité émotionnelle, intellectuelle, de débat ou de génération, et nous tentons de faire ce débat dans le respect toutes les deux.

La ministre l’a bien dit ce matin à l’Assemblée extraordinaire des Chefs, avec beaucoup de délicatesse : elle et moi avons pris deux chemins différents. J’ai aimé cela. Dans nos échanges, par respect, je lui disais que l’autre endroit est une Chambre élue — et je respecte énormément cela —, mais que cette Chambre est élue avec un début et une fin, élue en fonction d’une priorité et d’un gouvernement. Je respecte cela. Cependant, le Canada s’est donné une certaine forme de démocratie où l’on essaie de trouver un équilibre ou de porter un second regard attentif. Cette fois-ci c’est un premier regard que le Sénat a porté, pour pouvoir modifier, changer ou adopter tels quels les projets de loi qui passent dans ce portage, qui est ma vie aussi — et j’espère que la santé me permettra d’être ici encore longtemps.

Je dis merci à toutes les personnes courageuses qui sont venues parler, répéter encore une fois, revivre encore une fois ces traumatismes, qui sont palpables. Je remercie les autres personnes qui, par leur travail, leur guérison et leur responsabilisation, nous ont suggéré beaucoup de choses pour solidifier la position du Comité des peuples autochtones avec les amendements proposés.

Ce sont des Chefs qui sont venus témoigner, d’anciens Chefs, des experts, des avocats et même des femmes qui ont étudié en droit pour contester. Je fais référence à Sharon McIvor, qui compte 50 ans de lutte. J’aimerais nommer quelque chose avant de tomber dans le vif du projet de loi S-2. Nous ne sommes pas de petits silos; nous sommes des sénateurs et nous avons un grand devoir de responsabilité envers chaque projet de loi. Je ne peux pas me détacher de certains projets de loi. Je suis humaine, mais j’essaie de rester respectueuse.

Parfois, on fait des choses sans être conscient que les choses bougent vite, mais ce que j’ai ressenti officiellement, c’est que le fossé s’agrandit entre les droits des femmes autochtones et ceux qui sont reconnus ailleurs au sein de notre propre système juridique.

Cela, je le sais, je le sens et je l’ai vu. Nous l’avons vu ensemble aussi, nous en avons été témoins et même parties prenantes; je sais également que cela n’a pas été par malice ou pour mal faire. Je sais que cela se fait aussi souvent par méconnaissance. « Gardons un peuple dans l’ignorance » : voilà une vieille doctrine de pouvoir. Cette fois-ci, je ne veux pas dire qu’on va nous garder dans l’ignorance, mais quand on sait quelque chose, et c’est le moment de le partager.

Oui, le projet de loi C-5 a été adopté à toute vitesse; on va m’expliquer ceci ou cela, mais je veux vous amener vers un autre projet de loi, une autre loi qui a été adoptée. Le projet de loi C-5 fera l’objet d’un autre débat important. Quand ai-je senti qu’il y avait deux régimes constitutionnels distincts et que l’un était au détriment de l’autre? C’est ce que j’ai ressenti.

J’essaie de comprendre pourquoi le système juridique et politique, bien sûr, au Canada reconnaîtra clairement la deuxième génération à l’étranger tout en maintenant et en renforçant un mécanisme d’extinction graduel en vigueur depuis 1985, lors de la modification de la Loi sur les Indiens. On a amené cette règle de la coupure après la deuxième génération sans notre consentement.

Lorsqu’on examine le texte du projet de loi C-3 — l’ancien projet de loi C-71 avant dans l’ancien gouvernement du même parti politique, le site Web indique que :

Le 19 décembre 2023, la Cour supérieure de la justice de l’Ontario a déclaré que les dispositions clées de la limite à la première génération pour les personnes nées à l’étranger sont inconstitutionelles.

Quand j’ai vu cela, je me suis dit que c’était un argument pour nous. On ne peut pas faire deux justices; ça ne se peut pas. Plus loin sur le site Web, on lit que le gouvernement du Canada n’a pas interjeté appel de la décision, parce que l’on convenait que la loi actuelle a des conséquences inacceptables pour les Canadiens dont les enfants sont nés ailleurs. On parle de nos enfants qui sont nés ici. En tant que mère innue, mère mohawk, mère atikamekw, on n’a pas ces droits. Dites-moi pourquoi? C’est un phénomène que je ne suis pas capable d’accepter et je le l’accepterai pas.

J’ai envie de crier. Nous avons envie de crier, mais nous sommes intelligentes. Nous lisons un résumé législatif et nous voyons dans la documentation qu’on mentionne toujours dans cette loi importante le terme « Canadien perdu ». Plus loin, on mentionne :

Qu’un Canadien perdu et ses descendants, signifie toute personne née à l’étranger d’un parent canadien à la deuxième génération ou à des générations suivantes avant l’entrée en vigueur. Il faut démontrer un lien substantiel avec le Canada, un parent né à l’étranger qui devrait séjourner pour un total de 1 095 jours au Canada, avant la naissance ou l’adoption. Pour moi, c’est une évidence même, ça signifie un parent. On va dire oui d’un côté, mais on va pousser pour que ce soit non parce que je suis femme indienne en vertu de la Loi sur les Indiens.

Dans mon cœur, dans le contexte où on se retrouve aujourd’hui, je n’ai pas l’impression d’être une Indienne perdue, mais cela me confirme encore qu’il y a deux régimes constitutionnels distincts. Nous honorons et célébrons l’identité — comme l’a si bien dit la sénatrice Coyle pour le projet de loi C-3, je la remercie — , mais j’aimerais qu’on puisse aussi célébrer l’identité de nos femmes, de nos fils, de nos frères et des hommes autochtones, au lieu de poursuivre l’extinction de l’identité.

Alors, il est impératif qu’on adopte le projet de loi S-2, avec les amendements proposés par le comité. Je vais vous les énumérer de nouveau pour vous rafraîchir la mémoire. Je trouve cela important. Le projet de loi propose ce qui suit :

Rétablir l’admissibilité au statut pour les personnes et leurs descendants l’ayant perdu en raison de l’émancipation; une décision rendue dans l’affaire civile Nicholas.

Permettre aux personnes de demander leur retrait du registre des Indiens, s’ils le souhaitent. Ce n’est pas dans la décision Nicholas, mais cela a été ajouté.

Supprimer un langage désuet et offensant, notamment l’expression « Indiens mentalement incapables ». C’est bien, mais je réitère ici que ce n’est pas dans la décision Nicholas.

Permettre aux femmes automatiquement transférées dans la bande de leur mari de réintégrer leur bande d’origine.

C’est bien, on peut leur remettre ce droit. Dans les amendements que nous avons étudiés, débattus et adoptés à dix sénateurs contre un seul, le message a été sans équivoque. Les gens qui sont venus nous parler ont confirmé que nous devions agir pour éliminer les formes restantes qui découlent de la Loi sur les Indiens. Il faut absolument éliminer les dispositions d’absence de responsabilité.

L’élimination d’exclusion après la deuxième génération a brisé des familles et en brise encore aujourd’hui. D’un point de vue purement mathématique, quand on regarde comment le ministère des Affaires indiennes à une certaine époque ou Services aux Autochtones Canada aujourd’hui, effectue un calcul complexe pour faire en sorte qu’on soit émancipé, qu’on ne soit plus là et, comme l’a si bien dit Sharon McIvor ce matin à l’Assemblée des Chefs, quand il n’y aura plus d’Indiens, les terres retourneront à la Couronne.

Il y a un enjeu politique très puissant, mais qui n’est malheureusement pas dit ouvertement. Moi, je vous le dis, j’en suis témoin, je le sais. Nous avons fait une enquête nationale sur les femmes assassinées et disparues. Nous en avons vu, des preuves. Je veux aussi souligner le travail de mes collègues.

Sénateur Francis, lorsque vous étiez le président du Comité des peuples autochtones, le rapport était très clair.

La Loi sur les Indiens perpétue l’assimilation. Le nom de la Loi sur les Indiens, soit l’Acte pourvoyant à l’émancipation graduelle des Sauvages.

C’est la même loi, elle a seulement changé de nom. Premièrement, je ne suis pas une Indienne perdue. Deuxièmement, je ne suis pas une Sauvage, mais c’est quand même cette loi qui décide si oui ou non mon enfant va être reconnu. Pour moi, cela ne passe pas non plus.

Alors, les amendements proposent de supprimer les iniquités résiduelles fondées sur le sexe, d’abroger les dispositions d’absence de responsabilité, et de restaurer la règle d’admissibilité fondée sur un parent, si un parent décède. J’ai été à Maliotenam il n’y a pas longtemps et j’ai dû accompagner une mère craintive et stressée pour faire signer le père. Comment ça se fait qu’en 2025, on est obligé d’accompagner une femme pour des raisons de sécurité, elle ne peut pas y aller seule. Cela aussi est inacceptable pour moi . Une chance que la personne a apposé sa signature, mais on ne devrait pas imposer cela à des femmes qui ont mis au monde des enfants; elles ne devraient pas se retrouver devant des personnes qui ont été violentes ou peut-être absentes, par exemple.

Il y a, bien sûr, un autre amendement important, soit celui de prévoir une période de mise en œuvre de 12 mois.

Sénateur Tannas, je vous remercie infiniment d’avoir proposé cet amendement. Il est clair que vous disposez d’une expertise. Peu importe la paire de chaussures ou de mocassins que vous portez, il est clair que vous disposez aussi d’une expertise en ce qui concerne le Comité des peuples autochtones.

Il a dit au comité qu’une période de 12 mois permettrait de donner suite plus ou moins aux demandes de la ministre Gull-Masty pour terminer la consultation.

Je conviens que le gouvernement devrait poursuivre son processus de consultation. Cette consultation devrait porter sur la manière d’aider les communautés des Premières Nations à accueillir de nouveaux membres. C’est très important.

La question de la fraude a également été soulevée. Nous partageons cette préoccupation, et ce, bien au-delà de la Loi sur les Indiens. Cependant, il s’agit d’un autre sujet parce que cela touche les universités lorsque les gens présentent des demandes de financement, postulent à des emplois ou présentent leur candidature à des conseils d’administration où l’offre précise qu’on recherche des candidats issus des Premières Nations, des Métis ou des Inuits. La fraude, quand elle est présente, est un sujet dont il est important de débattre. Je conviens que nous sommes tous préoccupés par la fraude.

Les témoins veulent éliminer l’exclusion de la deuxième génération. Tout le monde est d’accord, sauf un chef de Kahnawà:ke qui ne veut même pas du projet de loi S-2. Par respect, je le dis officiellement, parce que oui, une nation, une personne s’est opposée à tout le projet de loi. La Cheffe nationale est venue nous le dire.

Elle a déclaré que bien que l’Assemblée des Premières Nations appuie la lutte à la discrimination et que le projet de loi est censé l’éliminer, elle estime également que ce projet de loi constitue une nouvelle approche fragmentaire pour lutter contre la discrimination alors que cette approche n’a jamais fonctionné : elle ne rétablit jamais la justice et n’offrira jamais de solutions durables.

Elle a ajouté que l’Assemblée des Premières Nations entérine les modifications à la Loi sur les Indiens qui abrogent la règle de l’exclusion après la deuxième génération et introduisent un régime d’octroi du statut d’Indien aux descendants directs d’un Indien inscrit ou d’une personne ayant droit à l’inscription qui pourrait être admissible à ce droit.

Je suis d’accord avec Sharon McIvor, qui a dit ce matin que vous êtes le fer de lance d’aujourd’hui et de demain dans le combat qu’elle mène depuis 50 ans, et bon nombre d’entre nous marchons à vos côtés. Merci beaucoup.

Zoe Craig-Sparrow a déclaré pendant les témoignages que l’exclusion après la deuxième génération dévaste des familles depuis 40 ans. Toutes les grandes consultations, y compris celles menées par le gouvernement fédéral, ont conclu qu’elle est discriminatoire. Nous n’avons pas besoin d’une autre décennie d’études; nous avons besoin d’agir.

La Cheffe Barbara Côté, qui représente 204 Premières Nations — un tiers de Premières Nations au Canada — a affirmé que le fait de mettre fin à l’exclusion après la deuxième génération et d’éliminer les dispositions d’absence de responsabilité n’est pas controversé dans nos communautés, mais il est urgent d’y mettre fin, et ce, depuis longtemps.

Le Chef Verreault-Paul a mentionné que ces règles d’exclusion ont brisé nos familles et qu’elles excluent nos enfants. Elles mettent en péril nos langues et nos cultures. Il ne suffit pas de rafistoler; il faut l’éliminer entièrement.

Nous en sommes la preuve, Serge et moi. Nos mères ont épousé les plus beaux Québécois. Nous sommes expulsés de la communauté. Nous ne pratiquons plus la langue innue tous les jours. Nous devons vivre à Montréal ou à Dupuis, en Abitibi, et ainsi de suite. Nous avons vécu l’effet de cette discrimination quand une femme marie un non-Indien, et plus tard les personnes qui correspondent aux paragraphes 6(1) et 6(2).

Quant aux dispositions d’absence de responsabilité, pour moi, pendant longtemps, peu importe le gouvernement au pouvoir, j’ai entendu — pendant longtemps, je vous le dis — la fonction publique, avec différents noms — Affaires indiennes, Services aux Autochtones, Relations, et cetera — me dire : « Oui, il y a de la discrimination, Michèle, mais on attend les processus judiciaires, et on changera en fonction de ces processus judiciaires. » Je me demandais dans ma naïveté si c’était comme cela que cela fonctionne, les projets de loi. J’ai appris tout de suite que non. Ce qui était évident, c’était le message qu’on me donnait chaque fois : si vous voulez contester, contestez contre vos chefs. Je n’ai pas de problème à contester contre mon chef, mais je conteste une loi fédérale, une politique fédérale désuète que vous nous avez imposée, et je dois la contester contre mon conseil de bande? Non. Pour moi, c’est important qu’on remette les choses à la bonne place.

N’oublions pas que c’est seulement depuis 2008 que les femmes autochtones peuvent déposer une plainte devant les tribunaux des droits de la personne, depuis 2007-2008. La jurisprudence est jeune pour nous. On est témoin, on sait que cela existe. Je ne pense pas qu’on devrait retarder les choses. Il est important d’adopter le projet de loi S-2 avec les modifications et de le renvoyer rapidement de l’autre côté.

La sénatrice Pate vous a très bien expliqué qu’elle n’a pas remarqué qu’il y avait des articles qui mentionnaient qu’on ne peut pas porter plainte si l’on est discriminé. Même chose avec notre grande leader, Sharon McIvor : on ne retrouve pas nulle part où, quand on viole la Charte au chapitre de l’égalité, on ne peut contester.

Je peux vous dire, par exemple, quand on se promène et on s’implique, la Commission canadienne des droits de la personne a de la difficulté lorsqu’elle reçoit des plaintes qui touchent les statuts d’Indien et l’adhésion. Tout de suite, le gouvernement fédéral interjettera appel en disant qu’elle n’a pas compétence sur cela. Encore là, on ferme des endroits où les femmes et les hommes pourraient obtenir justice. Vous comprendrez que pour moi, les tribunaux ne sont pas juste la solution, mais c’est ce qu’on nous dit de prendre. On commence à normaliser que c’est seulement les tribunaux, mais il y a une longue liste de gens, de familles et de recours collectifs qui touchent la Loi sur les Indiens et l’article 6 de la Loi sur les Indiens. Si l’on approuvait ce projet de loi avec ces amendements, beaucoup de cas dans les cours seraient réglés.

On parle de l’argent des contribuables en cour. Où va l’argent de ces femmes? Où le trouvent-elles? Il n’y a plus vraiment de Programme de contestation judiciaire, mais peut-être qu’il est revenu; tant mieux. Je vous le dis : il y a un lourd trafic de cas et de contestations judiciaires. Je veux rassurer la ministre quand elle nous dit qu’elle ne veut pas comparaître en cour. Ce n’est pas la ministre, c’est le Canada, le gouvernement. Si on a peur des amendements — parce que c’est un message que j’ai entendu, on ne veut pas comparaître en cour —, adoptons cela, parce que beaucoup de gens retireraient alors leur cause devant les tribunaux.

Cela vous dérange d’entendre 40 ans de consultations? Moi aussi, cela me dérange! J’en ai assez de répéter. Ce sont des consultations scientifiques, sociales, juridiques, académiques, imposées par des commissions d’enquête et par des experts. Toutes sortes de consultations ont été faites. Chaque fois, on a réitéré, répété, et martelé ceci : l’exclusion de la deuxième génération, elle fait mal et elle cause une grande confusion et une grande division au sein de nos familles. Dans les processus exploratoires proposés par les différents gouvernements — depuis 2011 — à la suite du projet de loi C-3, des consultations ont été lancées, et on a appelé cela un « processus exploratoire ». Je vous le garantis, rien n’a changé depuis.

La représentante spéciale Claudette Dumont Smith — une femme que j’admire — mentionne aussi qu’il ne fait aucun doute que l’iniquité la plus préoccupante qui a été soulevée tout au long du processus de collaboration était celle de la règle de l’exclusion après la deuxième génération. Le rapport du Sénat, intitulé C’est assez — un rapport ce n’est pas rien! Les consultations ont eu lieu, les preuves sont accablantes, les préjudices sont connus. C’est nous, le Parlement, qui tardons à agir. Même pendant l’enquête nationale, je me suis assurée d’ajouter un appel à la justice : l’appel 1.2(v), qui porte sur l’élimination de la discrimination fondée sur le sexe dans la Loi sur les Indiens. Ce n’est pas optionnel, c’est un impératif juridique.

Il s’agit d’un engagement national; il y a un grand débat autour de l’obligation de consulter. Vous m’avez entendue hier à cet effet : on ne négocie pas mes droits en tant que femme indienne, on ne négocie pas mes droits; je ne peux pas croire qu’on s’en va vers cela. Par contre, dans la consultation, j’adhère à 100 % au désir de cette première femme ministre crie de s’assurer que les nations soient en mesure de bien accueillir les gens, de se développer, de travailler autour de cela, mais pas sur les paragraphes 6(1) et 6(2) : sinon, on va juste répéter encore, corriger à petits pas, alors qu’elle pourrait honorer ces grands principes qui sont enchâssés dans l’article 35 par rapport à nos droits ancestraux et issus de traités. J’ai entendu fréquemment ici dans cette Chambre l’expression nation à nation.

Comment peut-on bâtir une relation réelle et honnête à partir de quelque chose de malhonnête, quelque chose qui n’est ni bien ni acceptable, c’est-à-dire à partir de cette politique que l’on appelle la Loi sur les Indiens? Nous ne pouvons pas bâtir une relation de nation à nation — une relation honnête. Cependant, si nous le faisons dans le cadre d’un traité moderne, d’un traité ou en honorant le traité déjà en place, j’honorerai cette relation chaque jour.

La beauté de l’article 35, c’est que nous savons aussi, en tant que femmes, que l’ensemble de l’article est une garantie d’égalité entre les hommes et les femmes. Ainsi, lorsque la ministre Gull-Masty adoptera une approche de nation à nation, nous lui poserons la question suivante : « Avez‑vous fait participer les femmes? Avez-vous fait participer les jeunes? » Et nous ajouterons : « Je suis sûre que vous l’avez fait, car cette obligation est écrite dans les lignes directrices fédérales sur la façon dont nous menons des consultations et prenons des mesures d’accommodement. »

Nous nous sommes battus pour cela, et les décisions des tribunaux nous ont aidés à clarifier cette obligation et à faire en sorte qu’elle soit respectée.

L’obligation de consulter, qui a été confirmée dans les décisions Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts) et Mikisew Cree First Nation c. Canada (Gouverneur général en conseil), est très claire. Cette obligation existe lorsqu’une action est susceptible d’affecter des droits ancestraux ou issus de traités.

Ce matin, l’Assemblée des Premières Nations a mentionné que la Loi sur les Indiens et la citoyenneté étaient deux enjeux totalement différents. La Loi sur les Indiens concerne les Indiens inscrits. Nous ne débattons pas de la citoyenneté. À mon avis, alors que nous avons la toute première ministre autochtone, le débat devrait porter sur ce qui suit : une relation de nation à nation et la citoyenneté, ainsi que notre façon d’honorer, de célébrer et d’accueillir de nouveau les personnes qui avaient perdu leur statut ou d’établir des liens avec elles. C’est ce qui serait, pour moi, une consultation réelle et honnête.

Je m’inquiète lorsque l’on veut élargir cette obligation de consulter à d’autres domaines, notamment à la réforme des dispositions discriminatoires de la Loi sur les Indiens. Lorsque l’on corrige des injustices constitutionnellement reconnues par les tribunaux, le Parlement exerce son devoir. C’est ce que j’essaie de faire avec conviction.

Dans la décision Nicholas c. Canada (PGC), le Canada a reconnu que l’incapacité de transmettre le statut d’Indien en raison de l’émancipation des parents constituait une atteinte injustifiable aux droits garantis par l’article 15 de la Charte en raison de la discrimination fondée sur la race et l’origine ethnique.

Même dans cette affaire, le Canada a reconnu que ces personnes avaient subi un désavantage historique et que la violation de leurs droits n’était pas justifiée.

En tant que témoins qui le vivent et qui pensent aux sept prochaines générations, on ne peut faire comme si cela n’était pas arrivé. Plusieurs rapports ont énuméré les nombreux effets psychosociaux, physiques et politiques. On pourrait tous les nommer. Ils sont là; ils sont palpables.

J’ai compris que le Sénat avait cette obligation pour les groupes minoritaires et pour les groupes de femmes et d’hommes autochtones. Lorsqu’une occasion comme celle-ci se présente, une vague d’ancêtres et de personnes vivantes le fait non seulement pour aujourd’hui, mais aussi pour les sept prochaines générations.

L’incertitude politique est vivante; elle est présente. Le budget de 2025 a été adopté tout récemment avec un écart de deux voix. Comprenez-vous pourquoi on est sensible lorsqu’on nous demande de faire confiance à la première personne autochtone qui veut apporter des changements? Ce n’est pas du tout que l’on se méfie de cette personne. Au contraire, on veut la soutenir. Cette crainte est causée par le système et par l’incertitude politique. Je ne peux qu’espérer, mais je ne peux pas ne rien faire. On a une occasion et des obligations. On doit le faire dès maintenant. Je ne crois pas que ce soit sujet à débat.

Aujourd’hui, j’ai entendu dire qu’elle ne sera peut-être plus là. Elle a mentionné cela. Je ne sais pas pourquoi les gens disent cela. Toutefois, il faut la soutenir, qu’elle soit là ou non. La discrimination est prouvée, et on a la chance, une fois pour toutes, d’y remédier au moyen du projet de loi S-2 et de ses amendements.

Je vous remercie.

L’honorable Jim Quinn [ + ]

Accepteriez-vous, sénatrice, de répondre à une question?

La sénatrice Audette [ + ]

Oui.

Le sénateur Quinn [ + ]

Je vous remercie pour les discours que vous avez prononcés, hier et aujourd’hui. Nous traversons une période très déterminante de notre histoire sur le plan de nos relations avec les Premières Nations. Ce qui me préoccupe et m’inquiète, c’est le fait que nous aurons un an pour mener des consultations, comme nous l’avons appris hier. Vous avez mentionné que le budget venait d’être adopté par seulement deux voix, mais, même dans des circonstances normales, mon expérience aux Affaires indiennes et du Nord canadien m’amène à craindre que cette année va s’écouler et que rien n’aura été fait. Les mois défileront vite et, soit les consultations n’auront pas eu lieu, soit elles n’auront pas été menées de manière approfondie et ouverte.

Est-ce que cela vous préoccupe? Dans le contexte où la marge budgétaire est très mince et où le gouvernement est minoritaire, n’est-ce pas quelque chose dont nous devrions nous préoccuper, compte tenu de notre bilan historique dans les discussions visant à faire progresser les démocraties avec lesquelles les Premières Nations ont dû composer?

La sénatrice Audette [ + ]

Je vais essayer d’utiliser les mots les plus simples possibles. Que la consultation se fasse pendant six ans, deux ans, quelques mois ou qu’elle se fasse entre plusieurs gouvernements, à mon avis, elle doit toujours se faire. C’est important. Toutefois, dans ce cas-ci, je ne peux pas accepter que l’on veuille mener des consultations sur une question de discrimination. Que le gouvernement soit majoritaire ou minoritaire, on le sait : les tribunaux l’ont confirmé et le Canada l’a confirmé avec l’arrêt Nicholas c. Canada (PGC). Il existe une discrimination et on ne respecte pas la Charte canadienne des droits et libertés. Pour moi, c’est très clair : il faut y aller avec les amendements.

Pour ce faire, on doit accélérer la conclusion de traités modernes et faciliter les revendications des Premières Nations et les processus visant à ce qu’elles puissent déterminer ce qu’est un citoyen et quelles sont leurs responsabilités, leurs droits et leur apport à la société canadienne, au lieu de dépendre sans cesse des impôts. Pour moi, et c’est très personnel, être autonome, c’est avoir des droits et des responsabilités. Ce n’est pas de rapiécer les paragraphes 6(1) ou 6(2) de la Loi sur les Indiens, mais plutôt de s’en défaire. C’est officiel : le paragraphe 6(2) de cette loi est discriminatoire.

Je vous remercie.

Honorables sénateurs, c’est sur les terres non cédées de la nation algonquine anishinabe que je prends aujourd’hui la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens (nouveaux droits à l’inscription).

Demain, le 4 décembre, je célébrerai le huitième anniversaire de ma nomination au Sénat. Je me souviens très bien de cette journée. La sénatrice Mary Jane McCallum et moi avons été assermentées en même temps. J’étais extrêmement honorée de partager ce grand rite de passage avec une femme aussi remarquable, c’est-à-dire une professionnelle de la santé accomplie qui avait mis les soins communautaires au cœur de sa pratique. Survivante des pensionnats autochtones, elle est une défenseure aussi déterminée que redoutable des droits des Autochtones.

Nous arborions toutes les deux des plumes d’aigle ce jour-là. La mienne m’avait été offerte par mon collègue, voisin et ami de la nation mi’kmaw de Paqtnkek, le sénateur PJ Prosper, qui était à l’époque le Chef régional de la Nouvelle-Écosse et de Terre-Neuve à l’Assemblée des Premières Nations. Merci, sénateur.

Chers collègues, à l’étape du rapport du Comité des peuples autochtones sur le projet de loi S-2, j’ai dit que j’ai longtemps fait partie de ce comité. Même si je n’en suis plus membre depuis le début de la nouvelle législature, j’ai assisté à certaines des réunions qu’il a consacrées à cette mesure législative, et avec l’aide de mon équipe de talent, j’ai pu en suivre l’étude de très près, ce que j’estime primordial, car il s’agit d’un projet de loi d’initiative ministérielle importante.

Chers collègues, je crois que, jusqu’ici, le débat sur le rapport du Comité des peuples autochtones au sujet du projet de loi S-2 a été rigoureux, informatif, respectueux et utile, bref qu’il s’est très bien déroulé.

Je remercie ma collègue la sénatrice Audette de son leadership, de sa sagesse et de tout ce qu’elle a apporté à ce texte à titre de marraine. Je félicite en outre la ministre Gull-Masty pour son excellent travail sur ce projet de loi de la première importance. Nous lui en sommes reconnaissants. Nos collègues du Bureau du représentant du gouvernement, les sénateurs Moreau, LaBoucane Benson et Duncan, nous ont soutenus dans notre désir de débattre jusqu’au bout de cette mesure législative, et leur contribution au débat a été des plus utile.

Il convient de féliciter les membres dévoués du Comité des peuples autochtones pour leur travail approfondi sur le projet de loi, ainsi que les autres collègues qui ont pris part à ce débat historique. Vos contributions ont mis en lumière les diverses questions dont nous devrons tenir compte pour le vote final sur le projet de loi S-2 à l’étape de troisième lecture et pour déterminer ce que nous transmettrons à la Chambre des communes.

En substance, le projet de loi initial rétablit le droit à l’inscription des personnes et de leurs descendants qui l’ont perdu à la suite de l’émancipation, souvent contre leur gré. Il donne aux membres des Premières Nations le pouvoir de faire retirer leur nom du registre des Indiens, ce que certains désirent.

Il élimine des termes offensants en remplaçant l’expression « Indien mentalement incapable » par « adulte dépendant » dans la Loi sur les Indiens et il facilite le retour des personnes, en particulier des femmes, qui souhaitent redevenir membres de la bande où elles sont nées.

Après avoir tenu 12 réunions, entendu 62 témoins différents représentant plus de la moitié des 634 Premières Nations et reçu 49 mémoires écrits, le comité a voté en faveur d’amendements au projet de loi.

En effet, la grande majorité des témoins appuyaient les dispositions initiales du projet de loi S-2, mais la majorité d’entre eux ont signalé au comité qu’il n’allait pas assez loin. Les amendements conservent les dispositions fondamentales du projet de loi initial qui sont nécessaires pour atteindre les objectifs que je viens d’exposer.

L’objectif principal des amendements est de mettre fin une fois pour toutes à la discrimination qui subsiste dans la Loi sur les Indiens, et plus particulièrement à la règle d’exclusion après la deuxième génération.

C’est ce que visait un amendement au projet de loi S-3, adopté en 2017. De nouvelles dispositions ont été ajoutées au projet de loi S-3, dans le cadre d’un amendement, concernant les consultations et les rapports.

Le paragraphe 8.1(1) stipule :

Le ministre, dans les six mois suivant la date de la sanction de la présente loi, débute les consultations et la collaboration avec les Premières Nations et les autres parties intéressées en vue d’apporter des solutions aux questions soulevées à l’égard des dispositions de la Loi sur les Indiens concernant l’inscription et l’appartenance à une bande, notamment des consultations à l’égard [...]

Il s’ensuit une énumération de questions, dont la troisième est l’exclusion après la deuxième génération. C’était en 2017.

Dans son rapport publié en 2022 et intitulé C’est assez!Finissons-en avec la discrimination quant à l’inscription au registre des Indiens, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones demande au gouvernement du Canada de présenter un projet de loi abrogeant le paragraphe 6(2) de la Loi sur les Indiens, pour mettre fin à la règle discriminatoire d’exclusion après la deuxième génération. Donc, le premier rapport a été publié en 2017 et le deuxième, en 2022.

Chers collègues, nous avons beaucoup entendu parler de la nécessité de donner à la ministre et au gouvernement le temps et la latitude nécessaires pour mener à bien la consultation prévue par la Constitution sur la question de l’exclusion après la deuxième génération, qui est en cours.

Un autre amendement au projet de loi S-2 que ma collègue vient de mentionner, qui a été adopté par le comité et par le Sénat — puisque celui-ci a adopté le rapport hier — est conçu pour régler la question.

Le quatrième amendement au projet de loi S-2 propose d’inclure dans la disposition d’entrée en vigueur un délai de 12 mois à l’égard des autres amendements. On a convenu de proposer cet amendement afin de donner à la ministre le temps de terminer le travail de consultation et de présenter un projet de loi distinct qui pourrait répondre à toute autre préoccupation.

Honorables sénateurs, comme d’autres ici présents, après avoir écouté attentivement le discours que le sénateur Moreau a fait la semaine dernière au sujet du rapport du comité, j’ai communiqué, au cours de la fin de semaine dernière, avec d’anciens collègues du Sénat mentionnés par le sénateur Moreau, soit l’honorable Lillian Dyck et l’honorable Dan Christmas. Nous avons eu de bonnes discussions.

Chers collègues, je sais que chacun d’entre nous prend très au sérieux sa responsabilité de légiférer, de représenter, d’étudier et d’examiner.

Quand j’ai commencé à préparer mes observations, j’avais en tête la personnification allégorique de la Justice, ou Justitia, qui pèse le pour et le contre avec la balance qu’elle tient dans sa main droite.

Je trouvais cette image fort à propos, car je tentais alors de soupeser les divers arguments et témoignages pour et contre l’adoption du projet de loi S-2 et des amendements proposés pour l’améliorer.

Honorables sénateurs, je vais prendre quelques minutes pour expliquer ce que j’ai placé sur chacun des deux plateaux de cette balance de la justice. Évidemment, ce n’est pas une liste exhaustive.

Voici les arguments contre l’adoption du projet de loi amendé et pour l’adoption du projet de loi S-2 dans sa forme originale.

Premièrement, nous devons faire en sorte que l’on puisse mener les consultations exigées par la Constitution. Le Sénat doit s’acquitter de son obligation constitutionnelle.

Deuxièmement, les amendements proposés par le comité dépassent la portée du projet de loi.

Troisièmement, la Chambre des communes rejettera probablement les amendements. Par conséquent, nous ne devrions pas perdre de temps parce que la date limite imposée par le tribunal approche à grands pas et les gens attendent le projet de loi.

Quatrièmement, au lieu d’amender le projet de loi, le Sénat devrait demander fermement à la ministre de veiller à ce que les consultations aboutissent rapidement et de collaborer sans délai à l’élaboration d’un projet de loi visant à régler le problème de l’exclusion après la deuxième génération.

Cinquièmement, nous devrions accepter le processus et le calendrier présentés dans la lettre de la ministre Gull-Masty et espérer que les préoccupations ciblées par les amendements seront traitées dans un délai raisonnable par le gouvernement.

Ces arguments correspondent tous à un seul plateau de la balance. Je suis sûre qu’il y en a d’autres.

Pour ce qui est de l’autre plateau — les arguments en faveur de l’adoption du projet de loi S-2 tel que modifié —, je présenterai les éléments suivants.

Premièrement, on ne peut pas mettre fin à la discrimination de manière progressive. Ce type d’approche n’a pas fonctionné, n’est-ce pas?

Deuxièmement, les obligations découlant de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones créent une exigence législative : il faut veiller à ce que toutes les lois du Canada soient conformes à cette déclaration. Ses articles font référence au droit à la nationalité et au droit d’appartenir à une communauté ou à une nation autochtone. Le projet de loi amendé serait conforme à la déclaration.

Troisièmement, nos devoirs et rôles constitutionnels à titre de sénateurs nous exhortent à examiner avec soin les projets de loi, à proposer des façons de les améliorer et à corriger les erreurs qui s’y glissent, à défendre les intérêts des régions et à faire entendre le point de vue des groupes sous-représentés comme les peuples autochtones.

Quatrièmement, nous devons éliminer de toute urgence le système d’inscription à deux critères — appartenance et avantages — si nous voulons mettre un terme aux préjudices qui sont aujourd’hui imposés à de nombreuses générations, à commencer par les torts quotidiens que subissent les enfants, entre autres, et le danger d’extinction aussi réel que documenté pour les Premières Nations.

Cinquièmement, toutes les lois doivent respecter les droits à l’égalité garantis par l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, ce qui ne sera pas le cas du projet de loi S-2 si on ne l’amende pas.

Sixièmement, les consultations ne sont rien d’autre qu’une tactique dilatoire. Quoiqu’en disent les politiciens, on nous a appris que jamais une consultation sur l’inscription des Indiens n’avait donné lieu à une modification législative de la Loi sur les Indiens. Jusqu’à présent, ni les appels à la modification du projet de loi S-3 qui ont été lancés en 2017 et en 2022 ni le rapport C’est assez! du Comité des peuples autochtones sur les recours contre la discrimination associée à l’exclusion après la deuxième génération n’ont donné de résultats.

La semaine dernière, j’ai parlé du grave problème de confiance et de suivi pendant mon échange avec le sénateur Moreau. Chers collègues, si on pouvait voir la balance de la Justice, je crois qu’elle pencherait du côté de l’adoption de la version du projet de loi amendée par le comité, car le Sénat exprimerait ainsi le désir qu’il a de mettre fin de manière juste, rapide et décisive à la discrimination inhérente à la Loi sur les Indiens.

Chers collègues, je respecterai évidemment toute conclusion à laquelle vous parviendrez après avoir pesé ces arguments et considéré les faits. Cependant, j’espère sincèrement que nous franchirons ensemble cette étape importante pour remédier aux injustices flagrantes dont nous avons entendu parler et qui causent un grand tort aux enfants, aux parents, aux communautés et aux nations autochtones, et, franchement, à notre nation, le Canada.

Honorables collègues, nous vivons un moment historique. Il est d’une importance cruciale pour nos relations, la réconciliation, la justice et, n’ayons pas peur des mots, la dignité humaine.

Wela’lioq, merci.

L’honorable Tony Ince [ + ]

Sénatrice Coyle, acceptez-vous de répondre à une question?

Le sénateur Ince [ + ]

Merci, sénatrice Coyle. Vous vous êtes très bien exprimée.

Ma question s’adresse non seulement à vous, mais aussi à mes collègues : n’est-ce pas simplement une question de droits de la personne?

Je remercie mon compatriote néo-écossais de sa question.

Évidemment que c’est une question de droits de la personne — elle n’a rien de « simple », mais c’est une question de droits de la personne. On parle d’une solution qui a été proposée dans le cadre d’une étude très approfondie du comité et qui a été mise aux voix hier dans cette enceinte. Or, il semble que la volonté de mes collègues rejoigne la mienne : nous voulons remédier à la situation une fois pour toutes.

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