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Projet de loi sur la diffusion continue en ligne
Motion d'amendement--Débat
20 avril 2023
Par conséquent, honorables sénateurs, je propose l’amendement suivant :
Que la motion, telle que modifiée, soit modifiée à nouveau :
1. par substitution, au sous-paragraphe b), de ce qui suit :
« b) insiste sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé; »;
2.par adjonction, avant le dernier paragraphe, du nouveau paragraphe suivant :
« Que, conformément à l’article 16-3 du Règlement, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit chargé de rédiger les motifs de l’insistance du Sénat sur ses amendements; »
3.par substitution, dans le dernier paragraphe, aux mots « Qu’un message soit transmis », des mots « Que, après que le Sénat a accepté les motifs de son insistance, un message soit transmis ».
Chers collègues, j’estime que nous devons insister pour que le gouvernement prenne sérieusement en considération les arguments avancés par les témoins qui ont comparu devant le Sénat et qu’il réponde de manière appropriée aux amendements du Sénat.
Lorsque nous avons envoyé à l’autre endroit notre série d’amendements concernant le projet de loi, j’ai dit que nous allions devoir très certainement faire preuve de fermeté face à la réponse du gouvernement. Malheureusement, c’est exactement ce que nous devons faire maintenant, c’est-à-dire nous montrer fermes. J’invite tous les sénateurs à soutenir cette motion.
J’ai une question à poser au sénateur Plett, s’il l’accepte.
Oui.
Je vous remercie de votre enthousiasme. Sénateur Plett, vous avez aujourd’hui fait l’éloge des six amendements qui ont été rejetés par la Chambre des communes. Vous les avez louangés et vous avez dit que vous insistiez sur l’ensemble des amendements.
Cependant, sénateur, vous n’avez pas soutenu le projet de loi contenant ces amendements à la troisième lecture. Comment pouvez-vous nous demander d’insister sur les 26 amendements alors que vous ne les avez pas soutenus à l’étape de la troisième lecture du projet de loi?
Eh bien, j’espère que ma réponse suscitera votre enthousiasme. Le projet de loi n’allait pas assez loin. Les amendements n’ont plus. J’ai dit à maintes reprises pendant mon discours que le projet de loi demeure imparfait, même avec les amendements, mais ceux-ci permettent de l’améliorer.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet de la réponse du gouvernement aux amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-11, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion et apportant des modifications connexes et corrélatives à d’autres lois. Je vais me concentrer plus particulièrement sur le rejet par le gouvernement de l’amendement 3.
C’est probablement l’amendement le plus important que le Sénat a apporté au projet de loi C-11, et il s’appuyait sur ce que des dizaines de témoins ont dit au Comité sénatorial permanent des transports et des communications pendant plusieurs mois. De mon point de vue, cet amendement modeste et minimal donnait suite, essentiellement, à l’engagement du ministre à propos de la réglementation du contenu généré par les utilisateurs.
Lorsque le ministre a témoigné devant le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, il a affirmé ce qui suit :
Nous avons écouté les créateurs sur les médias sociaux, nous les avons écoutés, nous avons compris leurs préoccupations, et nous l’avons rétabli, avec l’exception prévue à l’article 4.2 visant le contenu commercial qui remplit les trois critères. C’est tout.
Encore et encore, le gouvernement a prétendu que l’article 4.2 ne vise que le contenu commercial. Encore et encore, les libéraux ont prétendu qu’ils avaient écouté les créateurs utilisant les réseaux sociaux. Or, la très grande majorité de ces créateurs ont rejeté cette affirmation à maintes reprises, et ils l’ont fait ouvertement devant le comité. L’amendement proposé visait simplement, à mon avis, à confirmer les propos tenus par le ministre lui-même.
À l’étape de la troisième lecture, la sénatrice Simons a dit ceci :
[...] à mon avis, l’amendement le plus important que nous avons apporté visait un passage épineux du projet de loi, le paragraphe 4.2(2), que j’aime appeler la disposition de « l’exception à l’exception ». À la suite de la controverse entourant le projet de loi C-10, le ministre du Patrimoine canadien a promis que les utilisateurs de médias sociaux ne seraient pas touchés par le projet de loi C-11 et que seuls les grands diffuseurs qui s’apparentent aux radiodiffuseurs traditionnels le seraient [...]
L’amendement que nous proposons vise à concentrer l’article 4.2 sur la cible visée, soit la musique professionnelle, sans restreindre indûment la latitude du CRTC. Enfin, ces modifications auraient pour effet de concentrer l’article 4.2 sur la musique professionnelle téléchargée par les titulaires de droits d’auteur, ou qui a été jouée en totalité ou en grande partie sur des entreprises de radiodiffusion traditionnelle.
En fait, cela signifie que les youtubeurs, les vidéos amateures ou tout autre contenu non associé à la musique professionnelle ne sont pas visés par le projet de loi C-11.
Les arguments avancés par la sénatrice Simons ayant convaincu la majorité des sénateurs du comité et du Sénat, ce dernier a adopté l’amendement.
Pourquoi le Sénat a-t-il adopté cet amendement? Il l’a fait principalement sur la base des témoignages quasi unanimes que nous avons entendus au comité sur cette question spécifique. Je voudrais passer en revue certains de ces témoignages afin que tous les sénateurs ici présents puissent comprendre ce que les témoins nous ont réellement dit.
Scott Benzie, directeur général de Digital First Canada, a déclaré au comité le 28 septembre 2022 :
[...] il nuira à des milliers de créateurs de contenu de partout au pays [...] Je vous demande [...] de modifier l’article 4.2 en le rédigeant d’une façon qui ne laisse aucun doute que le contenu produit par les utilisateurs n’est pas régi par cette loi.
Le même jour, Morghan Fortier, copropriétaire et présidente-directrice générale de Skyship Entertainment, a dit ce qui suit au comité :
La sénatrice Simons a correctement décrit l’article 4.2 comme étant l’« enfant à problèmes » de ce projet de loi [...] le CRTC nous a déjà donné son interprétation du projet de loi. Il a dit très clairement que le contenu produit par les utilisateurs est inclus dans la portée du projet de loi et qu’il obligerait les plateformes à manipuler artificiellement leurs algorithmes, de sorte que nous savons comment le gouvernement et le CRTC ont l’intention d’utiliser le projet de loi. S’ils font cela, d’autres pays suivront, et ce sera une énorme gaffe économique de la part du gouvernement.
Il est justifié d’inclure une disposition sur le contenu généré par les utilisateurs dans le projet de loi. Des milliers de petites entreprises et de créateurs numériques canadiens méritent beaucoup plus d’égards.
Jennifer Valentyne, qui a eu une brillante carrière à la télévision pendant des années jusqu’à ce que — pour reprendre ses propres mots — elle soit écartée à cause de son âge, a parlé en tant que femme d’un certain âge du sentiment libérateur de créer et de publier son propre contenu en ligne, sans avoir à craindre que des hommes en position de pouvoir pensent qu’elle est trop vieille.
Elle a dit ceci au comité :
[...] il nuira à des milliers de créateurs de contenu de partout au pays [...]
Je vous demande [...] de modifier l’article 4.2 en le rédigeant d’une façon qui ne laisse aucun doute que le contenu produit par les utilisateurs n’est pas régi par cette loi.
Nous avons entendu Oorbee Roy, une mère skateboardeuse qui publie des vidéos d’elle en skateboard alors qu’elle porte un sari. Elle a dit au comité : « Ne nous éliminez pas pour aider d’autres acteurs [...] » Elle a ensuite ajouté : « [...] si l’article 4.2 entre en vigueur tel quel, je devrai me chercher un emploi à temps plein. »
Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses personnes qui ont livré le même message au comité sénatorial. Donc, lorsque je qualifie l’amendement proposé par les sénatrices Miville-Dechêne et Simons de modeste, je veux dire exactement cela. D’autres témoins réclamaient beaucoup plus dans leurs demandes au Parlement de ne pas réglementer le contenu généré par les utilisateurs.
Le 27 septembre, Monica Auer, directrice générale du Forum for Research Policy in Communications, a dit au comité sénatorial :
[...] le projet de loi C-11 habilite le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, ou le CRTC, à réglementer le contenu téléversé par les utilisateurs et, par ricochet, à réglementer les utilisateurs, directement et indirectement. Nous proposons l’abandon complet des articles 4.1 et 4.2 proposés. Les activités des radiodiffuseurs, et non celles des utilisateurs de l’Internet, devraient être réglementées.
Ainsi, l’amendement que le Sénat a fini par adopter était un pas modeste que le gouvernement aurait facilement pu accepter, mais il ne l’a pas fait. Quel est son raisonnement à cet égard?
Le gouvernement a fait valoir que l’amendement :
[…] affecterait la capacité du gouverneur en conseil de tenir des consultations publiques et d’émettre des instructions en matière de politique à l’intention du CRTC afin d’établir la portée appropriée de la réglementation des services de médias sociaux en ce qui a trait à leur distribution d’émissions commerciales, et empêcherait le système de radiodiffusion de s’adapter aux changements technologiques au fil du temps; [...]
Comme l’a déclaré à juste titre la sénatrice Simons dans ses observations en début de semaine :
Or, la réponse écrite du gouvernement à l’amendement que nous avons proposé indique qu’il désire justement garder le pouvoir de donner au CRTC la directive de le faire, c’est-à-dire de réglementer la diffusion de contenu dans les médias sociaux.
Les témoins qui ont comparu devant notre comité sénatorial et les créateurs qui tentent de comprendre ce que signifient les articles 4.1 et 4.2 devraient tenir compte des propos de la sénatrice Simons.
Bien entendu, la sénatrice Simons ne s’est pas exprimée au nom de l’opposition. Je le comprends. C’est une sénatrice qui a été nommée par le gouvernement, et qui fait preuve d’honnêteté quant aux implications de ce projet de loi en ce qui concerne la réglementation du contenu généré par les utilisateurs. Comme la sénatrice Simons l’a reconnu, la réponse du gouvernement indique très clairement qu’il se réserve le droit de réglementer le contenu sur les médias sociaux sans qu’aucune disposition législative ne l’en empêche. Pour le gouvernement, le pouvoir discrétionnaire du CRTC prime, et ce pour une raison bien précise.
Konrad von Finckenstein, l’ancien président du CRTC, a déclaré ce qui suit au comité :
[...] il n’y a aucune intention de couvrir le contenu généré par les utilisateurs et de restreindre ainsi la liberté d’expression des Canadiens. Le contenu généré par les utilisateurs, bien qu’il soit généralement exempté, peut être assujetti à la loi par une exception à l’exemption prévue au paragraphe 4.1(2) du projet de loi. Il est clair que ce paragraphe a été conçu pour les diffuseurs hybrides, comme YouTube, mais on craint beaucoup qu’il touche d’autres diffuseurs de contenu numérique, comme on les appelle, qui produisent des programmes uniquement pour Internet, ainsi que les Canadiens ordinaires qui téléchargent des vidéos ou de la musique.
Chers collègues, compte tenu de tout cela, je dirais que nous avons le devoir de dire au gouvernement ce qui suit : les créateurs numériques canadiens méritent une certitude réglementaire. Cette certitude pour les Canadiens est bien plus importante que le pouvoir discrétionnaire du CRTC en matière de réglementation.
Le Sénat a présenté un amendement bien modeste visant à protéger le créateur moyen, en particulier les plus petits. Nous devons faire valoir ce principe dans notre réponse au gouvernement. Il est très décevant d’entendre les sénateurs se dire prêts à renoncer à cet amendement modeste, mais important, que le Sénat a proposé, parce qu’il n’y aurait rien de plus que nous puissions faire. Eh bien, je suis désolé, mais je ne suis pas de cet avis. Nous avons le contexte parfait pour permettre au Sénat de faire la démonstration réelle de sa valeur. Il n’est pas question du budget ou d’une question de confiance. Les témoignages entendus au comité qui appuient cet amendement étaient nombreux et convaincants. Je dirais que, en tant que sénateurs, nous ne pouvons pas ignorer ce que les Canadiens nous ont dit. Absolument rien du point de vue pratique ou juridique ne nous contraint à cesser de défendre notre position sur cette question.
Honorables sénateurs, un enjeu qui revêtait une importance fondamentale pour le Sénat il y a à peine quelques semaines demeure tout aussi important aujourd’hui même si le gouvernement a rejeté l’amendement. Si les sénateurs d’en face sont prêts à céder au moindre signe de résistance du gouvernement, alors c’est la preuve que la prétendue nouvelle indépendance du Sénat n’est qu’un mythe.
Je vous exhorte à écouter non pas ce que vous dicte le Cabinet du premier ministre, mais ce que vous disent les créateurs canadiens qui ont pris le temps de venir témoigner devant le comité. Les Canadiens nous regardent; ils nous regardent de près.