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Règlement, procédure et droits du Parlement

Sixième rapport du comité--Suite du débat

3 octobre 2024


L’honorable Diane Bellemare [ - ]

Chers collègues, j’aimerais d’abord profiter de cette occasion pour remercier tous les sénateurs, les greffiers, les analystes de la Bibliothèque du Parlement, les interprètes, les pages et tous les autres membres du personnel qui ont participé aux travaux du Comité du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement, que j’ai eu le privilège et l’honneur de présider depuis décembre 2021. Je céderai le flambeau à la sénatrice Audette, nouvelle présidente élue qui prendra le relais lorsque je quitterai le Sénat.

Comme vous le savez, les sénateurs s’acquittent de leurs responsabilités constitutionnelles à la Chambre et dans les comités. C’est en comité que s’effectue l’étude détaillée des projets de loi déposés par le gouvernement, les sénateurs et les députés. En comité, les sénateurs font également des études spéciales qui peuvent s’étaler sur quelques années et d’autres sur quelques mois. La plupart des sénateurs aiment beaucoup le travail de comité, qui s’effectue généralement dans une atmosphère détendue.

Afin de raccourcir mon discours, je me permettrai de faire référence aux comités permanents du Sénat en utilisant leur appellation familière plutôt que leur nom officiel.

Aujourd’hui, on compte 18 comités sénatoriaux permanents. Cinq sont de nature administrative et procédurale, comme le Comité de la régie interne, le Comité du Règlement, le Comité sur l’éthique, le Comité de l’audit et le Comité de sélection. Les 13 autres comités, je les qualifierais de « thématiques », parce qu’ils traitent d’un thème, comme les affaires sociales, ou d’un secteur, comme celui du transport et des communications. Ces 13 comités permanents « thématiques » se partagent l’étude de projets de loi et procèdent à des études spéciales.

Le Règlement prévoit aussi la possibilité de créer des comités spéciaux à durée limitée et des comités législatifs.

Les sénateurs siègent aussi à des comités mixtes permanents et à d’autres comités temporaires.

Précisons que les études spéciales entreprises par les comités ne sont pas des travaux de recherche académique. Elles s’appuient sur l’offre de connaissances existantes qui proviennent des milieux académiques, scientifiques, associatifs et institutionnels. Elles visent à identifier des avenues de politiques publiques pouvant améliorer le bien-être des Canadiens.

La structure et les mandats des comités permanents du Sénat n’ont pas été modifiés depuis 2002, et c’était d’ailleurs l’objet du sixième rapport : faire état de la première étape d’une nouvelle étude concernant la structure et le mandat des comités.

Le sixième rapport résume les témoignages entendus lors d’une étude spéciale entreprise au début de 2023, visant à proposer des changements de fond aux mandats des 13 comités thématiques, afin de toujours mieux répondre aux préoccupations des Canadiens.

Il fait suite au troisième rapport du comité, qui proposait des changements stylistiques et mineurs à l’article 12-7 du Règlement, afin d’harmoniser la description des mandats des comités. Ce rapport a été adopté le 12 mai 2023.

La première étape de l’étude de fond sur les mandats des comités consistait à entendre les témoignages des présidents et vice‑présidents actuels ou anciens des 13 comités permanents, que j’appelle les comités thématiques. On a demandé à ces personnes si des changements devaient être apportés à leur mandat, au nombre de membres par comité, à leur composition, à l’horaire des réunions, à leur mode de fonctionnement, à leur charge de travail, à l’efficacité de leurs travaux, ainsi qu’à la question des ordres de renvoi du Sénat. On leur a également demandé de s’exprimer sur leur capacité technique et matérielle à remplir leur mandat correctement. De plus, des témoins ont pris l’initiative de suggérer des changements de tout ordre — par exemple, dans le processus du choix des témoins et des suivis législatifs —, afin d’assurer l’indépendance et la qualité des nos travaux.

Plusieurs témoins ont dit avoir apprécié l’exercice en cours et ont suggéré que le Comité du Règlement puisse renouveler l’exercice régulier à intervalle fixe. Les greffiers du Sénat Shaila Anwar, Till Heyde et Adam Thompson ont également participé et comparu devant le comité. Je les remercie de leur témoignage réfléchi. Vous trouverez la liste exhaustive des témoins à la fin du rapport, que je vous invite à lire pour obtenir plus de détails. Cela dit, en raison de la difficulté apparente de proposer des changements consensuels aux mandats et à la structure actuels des comités permanents, les travaux sur ce sujet se sont interrompus après cette première étape.

Le défi de l’adaptation de la structure et des mandats des comités n’est pas nouveau. Plusieurs comités existent depuis la création du Sénat. À titre indicatif, parmi les comités actuels, les comités des banques, de la régie interne, du Règlement et le Comité mixte de la Bibliothèque du Parlement ont été créés en 1867, suivis quelques années plus tard par le Comité des transports. Périodiquement, le Sénat a procédé à des changements dans la structure, les noms et les mandats des comités, abolissant certains comités pour en créer d’autres.

Selon les documents consultés, depuis 1945, des changements importants ont été apportés en 1968, 1985 et 2002. Il est donc temps. Nous sommes maintenant en 2024. Selon les recherches des services de la Bibliothèque du Parlement, il semble que la réforme de 1968 a été la plus importante. Comme le résume le document intitulé La procédure du Sénat en pratique :

Certains ont été renommés, d’autres ont été créés et de larges domaines de compétence ont été définis. Après cette réorganisation, il y avait huit comités sénatoriaux permanents et trois comités mixtes permanents. Au fil des années, ce chiffre a progressivement augmenté. En 1983, la taille de la plupart des comités permanents est passée de 20 à 12 membres et le quorum a été ajusté en conséquence.

Pour résumer, après 1968, le nombre de comités a augmenté, ce qui a obligé le Sénat à réduire la taille des comités, parce que nous sommes quand même limités à 105 sénateurs qui participent aux travaux.

Depuis ma nomination au Sénat en 2012, il y a eu peu de changements importants à la structure et aux mandats des comités, à l’exception de la création de comités spéciaux temporaires, comme le Comité spécial sur la modernisation du Sénat, le Comité spécial sur l’Arctique et le Comité spécial sur le secteur de la bienfaisance.

En tant que sénatrice et présidente du comité, j’ai observé que même si le défi d’adapter les travaux des comités à l’environnement économique, social, climatique et politique actuel me semble urgent, la capacité et peut-être même la volonté ferme du Sénat à transformer ses façons de faire ne sont pas encore au rendez-vous.

Le sixième rapport ne contient aucune recommandation. Le comité s’est réuni 18 fois, et toutes ces réunions se sont déroulées en public. Vous pouvez consulter les délibérations des réunions, si vous le souhaitez.

Il n’a pas été possible d’en arriver à des consensus pour effectuer des changements, car, dans le contexte des ressources limitées du Sénat, tout changement implique généralement une réallocation des ressources existantes. Certains vivent ces changements comme des pertes, mais je demeure optimiste et je crois que des changements majeurs verront bientôt le jour.

La dernière réforme à la structure des comités date du début de l’an 2000, soit avant les percées technologiques de l’intelligence artificielle, les manifestations violentes des changements climatiques et les grands bouleversements démographiques. Dans le cadre de ces principales modifications apportées en 2002, trois comités ont été créés : le Comité des langues officielles, qui, depuis sa création en 1984, était auparavant un comité mixte, le Comité des droits de la personne et le Comité de la défense nationale et des anciens combattants. Par ailleurs, le mandat du Comité des pêches, qui existait à part entière depuis 1986, a été modifié pour y ajouter la dimension « océans ».

En 2011 — c’est juste avant mon arrivée au Sénat, mais je sais que réunions ont été importantes —, le Comité du Règlement, présidé à l’époque par le sénateur David Smith, a proposé, dans son quatrième rapport présenté au Sénat, d’autres modifications afin d’élargir la portée de certains comités et d’en moderniser les mandats. Par exemple, on y proposait de traiter le transport avec les banques, dont le mandat inclurait également le commerce international. On proposait de regrouper la défense nationale avec les affaires étrangères, de créer un comité des ressources naturelles englobant les problématiques des pêches et des océans, de l’agriculture et des forêts et de créer un nouveau comité des sciences, de la technologie et des communications. Le quatrième rapport de ce comité, publié en 2011, n’a pas été adopté.

En 2019 et pendant la pandémie, un groupe de sénateurs indépendants présidé par la regrettée sénatrice Josée Forest-Niesing s’est penché sur le travail des comités. Un sondage informel a été entrepris afin de mesurer l’appétit des sénateurs pour effectuer des changements. Les résultats ont indiqué une grande variété d’opinions.

J’aimerais maintenant partager avec vous mes réflexions sur le sujet. Les témoignages entendus au comité m’ont inspirée, ainsi que l’analyse des données concernant les heures de travail en comité. Ces données proviennent de la Bibliothèque du Parlement et des services de la Direction des comités, que je remercie, car ils m’ont aidée à structurer et à mieux comprendre le partage du travail chez les sénateurs.

Cette analyse statistique est partielle, mais elle permet d’identifier des situations problématiques qu’une analyse statistique plus large pourrait enrichir. J’ai comparé les heures de travail pour chacun des 13 comités permanents thématiques. J’ai regardé les heures totales ainsi que le temps consacré à l’étude des projets de loi et le temps consacré aux études spéciales. J’ai comparé trois différentes années : 2018-2019 — soit avant la pandémie —, 2022-2023 et 2023-2024.

Voici quelques faits saillants. Premièrement, les heures de travail varient beaucoup selon le comité. Les comités des finances, des affaires juridiques et des affaires sociales consacrent toujours beaucoup plus d’heures de travail de comité que la moyenne des autres. Deuxièmement, pour chacune de ces années, le travail législatif accapare en moyenne entre 40 et 50 % des heures de travail en comité. Toutefois, il y a d’importantes variations entre ces pourcentages selon le comité.

Les comités des finances nationales, des affaires juridiques et des affaires sociales consacrent la majeure partie de leurs travaux à l’étude de projets de loi, et à l’étude des crédits pour le Comité des finances nationales. Cela laisse peu de temps à ces trois comités pour mener des études spéciales, alors que six comités permanents consacrent une large part de leurs travaux aux études spéciales.

Ce sont les comités des droits de la personne, des langues officielles, des peuples autochtones, de l’agriculture et des forêts, des pêches et des océans et des affaires étrangères et du commerce international. J’aimerais présenter quelques commentaires en lien avec ces faits.

D’abord, la répartition différente des tâches en comité se traduira par une répartition différente des tâches pour chacun des sénateurs. Certains sénateurs feront beaucoup de travail législatif et d’autres feront surtout des études spéciales.

On peut se demander si ces constats sont particuliers aux périodes étudiées. Est-ce une situation permanente? Est-ce lié à la croissance des projets de loi publics? Peut-être devrions-nous regarder ces données de plus près? J’espère que le Comité d’examen de la réglementation pourra le faire plus tard et élargir le nombre des années étudiées.

Par ailleurs, sans vouloir porter quelque jugement que ce soit sur l’importance des mandats des divers comités, force est de constater que la portée des mandats des comités permanents varie considérablement. D’un côté, nous avons deux comités qui s’occupent de toutes les affaires juridiques et de toutes les affaires sociales qui touchent la santé, la science et la technologie ainsi que toutes les questions relatives au travail. De l’autre, certains comités ont des mandats spécifiques, comme les comités des pêches et des océans, des transports et des communications, de l’agriculture et des forêts, de la sécurité nationale, de la défense et des anciens combattants ainsi que des langues officielles. C’est inévitable dans ce contexte que l’étude des projets de loi se concentre dans les affaires juridiques et sociales. Une grande partie des projets de loi ont trait à ces domaines.

On peut alors comprendre la frustration de certains sénateurs qui aimeraient que le Sénat puisse étudier des questions plus générales et pressantes, comme l’intelligence artificielle, les problèmes liés à l’emploi — à la demande de la sénatrice Lankin —, l’immigration, le phénomène des réseaux sociaux et la polarisation économique, politique et sociale.

Que faire devant ce constat? Je pense qu’on pourrait faire mieux et j’ai quelques suggestions.

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

Sénatrice Bellemare, votre temps est écoulé. Demandez-vous quelques minutes de plus pour conclure votre discours?

La sénatrice Bellemare [ - ]

Oui. J’en ai encore pour deux minutes.

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?

La sénatrice Bellemare [ - ]

On peut faire l’exercice qui a été proposé par le sénateur MacDonald le 16 avril dernier en comité :

Cela aurait été plus facile de partir d’une page blanche. Si [...] nous avions décidé de créer tous les nouveaux comités pour la première fois, l’exercice serait beaucoup plus facile.

C’est vrai, tout le monde a applaudi quand il s’est exprimé ainsi.

Ma deuxième suggestion est d’analyser la structure et les mandats des comités dans d’autres sénats du monde. On pourrait y trouver des solutions — ou du moins des débuts de solutions.

On pourrait constater que la structure des comités dans certains sénats dans le monde prévoit, outre les comités de nature administrative et procédurale, des comités législatifs et des comités spéciaux. Ainsi, le travail législatif est concentré dans des comités qui sont prévus à cet effet et qui sont assez nombreux, et tous les sénateurs peuvent y contribuer. Les comités spéciaux font des études spéciales. Notre Règlement prévoit actuellement l’existence de tels comités, mais cette disposition est peu utilisée.

J’ai vu que sur papier, dans ces administrations, le nombre de comités spéciaux peut être très élevé. On peut avoir toutes sortes de sujets. Toutefois, ces comités ne sont pas tous activés en même temps, mais seulement quand le Sénat adopte un ordre de renvoi à cet effet pour une étude spéciale. Ces comités spéciaux sont présentés au Sénat après des discussions dans les instances de leadership.

Il faudrait voir comment cela fonctionne, d’où la nécessité d’une étude pratique en comité de ce qui se fait ailleurs.

Cependant, une chose est sûre pour moi, et je tiens à le dire et à le répéter : le Sénat est une institution très importante, et peut-être encore plus à cette époque d’incertitude et de perturbations. Le Sénat du Canada doit avoir l’ambition de se placer à l’avant-scène des débats publics sur les grands sujets de l’heure. Il peut faire de grandes choses, mais il doit travailler ou procéder autrement.

Merci. Meegwetch.

La sénatrice Bellemare accepterait-elle de répondre à une question?

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

Vous devrez demander le consentement pour obtenir plus de temps. Le consentement est-il accordé pour qu’une question soit posée à la sénatrice?

Son Honneur le Président intérimaire [ - ]

J’ai entendu un « non ». Le consentement n’est pas accordé.

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