Projet de loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis
Deuxième lecture
11 juin 2019
Merci, sénatrice Simons, de l’histoire que vous venez de raconter au sujet d’Eddie Snowshoe. Elle était très touchante.
Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis.
Comme beaucoup d’entre vous le savent, mon premier vote au Sénat, que j’ai exprimé il y a 51 semaines, portait sur le message de la Chambre des communes au sujet du projet de loi C-45. Je suis ravi de me joindre au débat d’aujourd’hui, qui porte sur une mesure législative qui y est liée.
Dans son Enquête canadienne sur le cannabis de 2018, Statistique Canada a conclu que les Canadiens considèrent le cannabis comme moins dangereux que la cigarette ou l’alcool. Pourtant, la possession simple de cannabis pour usage personnel continue d’empêcher ceux qui se sont fait arrêter, accuser et condamner de passer à autre chose.
Une condamnation pour possession de cannabis stigmatise les personnes qui ont un casier judiciaire, ce qui, à son tour, peut les empêcher de trouver un logement, un emploi, voire un poste de bénévole. Les effets cumulatifs de ces obstacles peuvent créer un cycle qui devient presque impossible à briser.
Selon les recherches, la consommation de cannabis est relativement semblable entre les groupes raciaux. Statistique Canada ne fait pas rapport sur la consommation de drogues selon le statut racial, mais de nombreuses études, y compris une étude menée récemment auprès de jeunes de l’Ontario, ont révélé que la consommation de cannabis ne varie pas de façon marquée selon la race.
Il existe toutefois une différence très frappante lorsqu’on examine les arrestations pour possession de cannabis. En 2017, le Toronto Star a examiné 11 000 arrestations effectuées sur une période de 10 ans où la personne n’était pas en liberté conditionnelle ou en probation, mais où elle a été accusée de possession de jusqu’à 30 grammes de cannabis et où la police a pris note de la couleur de sa peau. Bien que les Noirs ne représentaient que 8,4 p. 100 de la population de Toronto à l’époque, 25 p. 100 des personnes arrêtées ont été identifiées comme étant noires. Le Toronto Star a noté que, comparativement aux Blancs ayant des antécédents semblables, les Noirs qui n’avaient jamais été condamnés au criminel étaient trois fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de cannabis.
Est-ce que c’est cela, la justice? Il est clair que ce n’en est pas.
Les différences ne s’arrêtent pas là. Parmi les personnes accusées de possession de cannabis, les Noirs représentaient le groupe racial le plus souvent détenu en attente d’une enquête sur le cautionnement. Plus précisément, les jeunes Noirs étaient quatre fois et demie plus susceptibles d’être détenus en attente d’une enquête sur le cautionnement que les jeunes Blancs. Est-ce que c’est cela, la justice qu’un Noir qui n’a pas de condamnations antérieures au criminel, qui a des antécédents similaires et qui a un taux de consommation similaire soit trois fois plus susceptible d’être accusé et quatre fois et demie plus susceptible d’être détenu en attente d’une enquête sur le cautionnement? Ce n’est pas ce que j’appelle de la justice.
Un examen des statistiques recueillies en 2018 au moyen de demandes d’accès à l’information a révélé des iniquités raciales semblables dans l’ensemble du pays. Comment pouvons-nous nous contenter d’un système de justice qui défavorise autant ceux qui sont déjà marginalisés?
Dans ma ville, Halifax, les données montrent que les Néo-Écossais d’origine africaine sont cinq fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de cannabis que les hommes de race blanche. Je ne peux m’empêcher de comparer cette disparité à celle énoncée dans le rapport de 2019 intitulé Street Checks Report, qui porte sur les pratiques policières à Halifax. L’auteur, Scot Wortley, de l’Université de Toronto, a découvert qu’à Halifax, les hommes néo-écossais d’origine africaine sont arrêtés par la police à un taux six fois plus élevé que les hommes de race blanche. Ce même rapport révèle que 30 p. 100 de la population masculine noire d’Halifax a été accusée d’un crime, alors que c’est le cas pour seulement 6,8 p. 100 de la population masculine de race blanche pendant la même période. Voici ce que nous pouvons lire dans le rapport :
Le fait que les hommes noirs soient si nettement surreprésentés dans les statistiques concernant les accusations à Halifax est tout à fait conforme aux allégations de la collectivité selon lesquelles les pratiques policières — y compris les contrôles de routine — ciblent les hommes noirs et contribuent à les transformer en criminels.
Dans le rapport, on prend l’exemple des arrestations pour possession de cannabis pour souligner encore plus les conséquences des préjugés raciaux dans les activités policières. Nous avons déjà établi que la consommation de cannabis est à peu près la même dans tous les groupes raciaux, mais le rapport tire la conclusion suivante :
[...] les Noirs à Halifax étaient 4,5 fois plus susceptibles d’être arrêtés pour possession de marijuana que ce que leur présence dans la population générale amènerait à prédire.
Est-ce cela, la justice — des taux de consommation semblables, mais quatre fois et demi plus de risques d’être accusé?
Cet important rapport présente un autre point crucial :
Les accusations criminelles peuvent gravement limiter les possibilités sociales et les possibilités d’éducation et d’emploi et pourraient accentuer les inégalités raciales, tellement présentes dans l’histoire de la Nouvelle-Écosse.
Cette citation souligne la nécessité du projet de loi C-93.
Quand on est d’humeur cynique, on dit que la loi et la justice ne sont que des cousins éloignés. Je ne crois pas que qui que ce soit ici est content lorsque cette allégation est corroborée par des preuves incontestables, mais les données que je viens de citer laissent penser que c’est une juste évaluation des iniquités raciales associées à la possession de cannabis à des fins de consommation personnelle.
Il incombe à cette assemblée de veiller sur ceux qui ne sont pas traités équitablement en vertu de la loi et de toujours s’efforcer de rendre nos lois plus justes. Nous savons qu’un grand nombre de Canadiens vivent une vie où tout joue contre eux dès le début. Certains de nos collègues ici ont une compréhension très personnelle de cette réalité. D’autres parmi nous, dont moi-même, ont eu la chance de voyager sur une route plus clémente.
Chers collègues, le projet de loi dont nous sommes saisis représente un petit pas en avant pour nous aider à corriger certaines de ces erreurs.
J’ai beaucoup de respect pour la sénatrice Pate. Elle travaille sans relâche depuis des années sur des questions liées à la justice et aux systèmes correctionnels. Il y a trois mois, elle a présenté son propre projet de loi pour combler certaines des lacunes de notre système de casiers judiciaires, soit le projet de loi S-258, Loi modifiant la Loi sur le casier judiciaire. Lors de la présentation de la sénatrice Pate et grâce à mes nombreuses autres interactions avec elle, y compris des discussions tenues à l’intérieur de prisons, il est devenu très évident pour moi qu’une peine ne prend pas fin une fois qu’elle a été purgée.
Je me suis demandé si, en tant que Canadiens, nous voulons vraiment un système correctionnel ou si nous préférons un système de punition qui s’accroche à l’individu, s’infiltre dans tous les aspects de sa vie et ne lâche jamais prise. J’aimerais beaucoup que nous ayons un système correctionnel qui permette aux délinquants de payer leur dette et de reconstruire leur vie pour devenir des citoyens respectueux des lois. Au lieu de cela, dans le contexte du projet de loi C-93, nous avons un système où une infraction unique et non violente devient un poids qui doit être traîné chaque minute de chaque jour pour le reste de votre vie.
Je crois à l’intention d’un système correctionnel, en particulier pour les criminels non violents. Voulons-nous que les gens puissent corriger le tir, qu’ils aient la possibilité de rebâtir leur vie et, au bout du compte, de mériter le droit de passer à autre chose après avoir commis une erreur? C’est ce que je veux, assurément. Est-ce un objectif difficile à atteindre? Absolument, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas tenter de progresser en prenant des mesures prudentes et délibérées.
La plupart d’entre nous ont grandi dans les années 1960 et 1970. Je suis prêt à parier que plus d’un d’entre nous s’est conduit d’une manière moins que parfaite au cours de cette période pour le moins intéressante. Repensez à votre propre existence ou à celle d’un être cher lorsque vous êtes tentés de juger trop sévèrement une autre personne pour une seule erreur commise.
La question dont nous sommes saisis aujourd’hui consiste à déterminer si nous sommes prêts à étudier un projet de loi qui vise à suspendre le casier judiciaire de personnes qui ont fait une chose que la moitié des Canadiens ont faite, une chose qui n’est plus illégale et qui les empêche de faire du bénévolat à l’école de leurs enfants ou d’obtenir un emploi qui les rendrait plus productifs. Cela relève du simple bon sens.
Il s’agit d’un très petit pas en avant, qui comporte peu de risque. Si la personne est déclarée coupable d’un autre crime, la suspension est révoquée et le casier est descellé, comme l’a mentionné le sénateur Dean.
Je regrette qu’il n’y ait pas de façon plus simple d’aider les personnes qui ont un casier judiciaire pour simple possession de cannabis. Pendant les travaux du comité de l’autre endroit, quelqu’un a dit qu’on devrait pouvoir simplement « appuyer sur un bouton » pour effacer ces casiers. San Francisco a adopté une méthode semblable, puisqu’on on y a utilisé un algorithme pour effacer ces condamnations. Le sénateur Dean nous a toutefois expliqué pourquoi le gouvernement libéral a décidé d’utiliser un système plus lourd, fondé sur la présentation de demandes.
Ma première année au Sénat m’a rappelé un truisme, encore et encore : la perfection est l’ennemi du progrès. Si j’accorde à ce projet de loi un appui sans réserves, ce n’est donc pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il nous permet de commencer à corriger une injustice et nous offre une voie à suivre pour continuer d’explorer des façons d’accorder plus de place à une utilisation réfléchie des pardons et des suppressions de casier judiciaire.
Quand cette mesure sera mise en œuvre, les gens concernés recueilleront sûrement des données cruciales qui nous aideront à mieux comprendre les limites du système actuel et à explorer différentes façons de gérer les suspensions et les suppressions de casier. J’espère que nous pourrons mettre ces nouveaux renseignements à profit pendant la prochaine législature, quand nous examinerons les mesures que propose la sénatrice Pate dans le projet de loi S-258.
Je crois que le projet de loi S-258 contient des mesures prometteuses pour nous aider à bâtir un système judiciaire et correctionnel conçu de manière à ce qu’on donne aux délinquants tous les moyens et les outils nécessaires pour les aider à refaire leur vie en tant que citoyens respectueux des lois. C’est d’ailleurs la mission des services correctionnels pour femmes du Service correctionnel du Canada : aider les délinquantes à refaire leur vie en tant que citoyennes respectueuses des lois. Cependant, ce n’est pas ce qui se passe actuellement.
Quoi qu’il en soit, nous sommes saisis d’un autre projet de loi, qui propose des mesures beaucoup plus modestes, mais c’est manifestement un pas en avant. J’encourage tous les honorables sénateurs à appuyer le projet de loi C-93 à l’étape de la deuxième lecture pour qu’il soit renvoyé à un comité.
Comme le sénateur Dean l’a souligné, nous avons déjà observé une différence flagrante en ce qui concerne les préjugés associés au cannabis. Essayons de venir en aide aux personnes qui ont été accusées pour possession simple de cannabis, plus particulièrement les membres de minorités raciales injustement ciblées, pour que ces gens puissent refaire leur vie. Merci.
Honorables sénateurs, il y a un peu plus d’un an, le Sénat a adopté la Loi sur le cannabis à l’étape de la troisième lecture. Comme vous vous en souviendrez sûrement, je n’ai pas appuyé la légalisation de la marijuana, et ce, pour une multitude de raisons. Il est intéressant de noter que, dimanche dernier, justement, Bloomberg News rapportait que le Canada a raté son coup avec la légalisation du cannabis et perd rapidement du terrain au profit des États-Unis.
L’article en question rapportait en effet que, selon le fondateur de l’une des premières banques d’investissement dans l’industrie du cannabis, l’absence de politiques novatrices, un fouillis de réglementations provinciales et la restriction sévère de la commercialisation et de la marque ont laissé les compagnies de cannabis canadiennes dans le sillage des Américains. Selon Neil Selfe, fondateur et directeur général d’Infor Financial Group, c’est un gâchis.
Ce n’est pas dans ma nature de dire : « Je vous l’avais dit. » Cependant, cet article m’a rappelé les préoccupations que plusieurs d’entre nous avaient soulevées dans le cadre de l’étude du projet de loi C-45 en comité.
J’ai toujours cru que la possession simple de cannabis devait être décriminalisée. C’était d’ailleurs ma position lors du débat sur la légalisation du cannabis. Maintenant que la marijuana est légale au Canada, je crois toujours qu’il est logique que les Canadiennes et les Canadiens ne soient pas injustement accablés par le fait d’avoir un casier judiciaire pour une infraction mineure de possession simple de cannabis qui, aujourd’hui, n’en est plus une.
Le projet de loi C-93, Loi prévoyant une procédure accélérée et sans frais de suspension de casier judiciaire pour la possession simple de cannabis, permettra aux Canadiens qui ont été condamnés pour possession simple de marijuana pour consommation personnelle de présenter une demande de pardon en ayant recours à un processus accéléré.
Dans le cadre de ce processus, les frais de demande, qui sont actuellement de 631 $, sont abolis; la période d’attente, qui est de cinq ans pour les infractions punissables par voie de déclaration de culpabilité par procédure sommaire et de dix ans pour les infractions punissables par mise en accusation, est abolie; certains critères subjectifs sont éliminés; et les personnes visées peuvent présenter une demande même si elles ont des amendes impayées.
Il y a fort à parier que nous connaissons tous quelqu’un qui a un dossier criminel pour possession de marijuana. Dans bien des cas, cela peut empêcher ces gens de trouver un emploi, de faire du bénévolat à l’école de leurs enfants, de trouver un logement abordable ou d’entrer aux États-Unis.
Les comités sénatoriaux qui ont étudié le projet de loi C-45 ont entendu les témoignages de Canadiens à qui on a refusé l’entrée aux États-Unis parce qu’ils avaient reconnu qu’ils avaient déjà consommé de la marijuana. Bon nombre d’entre nous, notamment les membres du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, se souviennent du cas très médiatisé de Ross Rebagliati.
M. Rebagliati a remporté l’or en planche à neige aux Jeux olympiques d’hiver de Nagano, au Japon. Depuis qu’il a admis, à l’émission animée par Jay Leno, avoir consommé de la marijuana, M. Rebagliati doit demander une dispense pour entrer aux États-Unis.
Après avoir avoué avoir consommé de la marijuana, la plupart des Canadiennes et des Canadiens obtiennent une dispense valide pour un an, puis pour deux ans, peut-être trois, et, enfin, une dispense valide pour cinq ans.
Pour sa part, M. Rebagliati s’est vu octroyer une dispense de cinq ans parce que son admission datait de 20 ans. Ross Rebagliati a besoin d’une dispense qui, depuis 20 ans, lui coûte, chaque fois, 585 dollars américains.
Certains d’entre vous se souviendront que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense avait recommandé, dans son rapport sur le projet de loi C-45, la Loi sur le cannabis, que le gouvernement présente au Parlement un plan visant à protéger les voyageurs canadiens à la frontière.
Ce plan aurait dû inclure les mesures que le gouvernement envisageait de prendre afin de minimiser l’impact du projet de loi C-45 sur la circulation des voyageurs et des marchandises à la frontière canado-américaine.
Par ailleurs, ce plan aurait expliqué l’approche que le gouvernement envisageait de prendre dans ses négociations avec les États-Unis pour faire en sorte que les voyageurs canadiens ne soient pas refusés d’entrée aux États-Unis pour avoir consommé du cannabis ou s’être livrés à toute activité qui serait devenue légale après l’entrée en vigueur du projet de loi C-45.
Or, aucun plan n’a été mis en œuvre après la légalisation de la marijuana, et, jour après jour, nous constatons les répercussions de cette omission.
Par exemple, nous avons entendu parler d’un investisseur canadien qui, après avoir voyagé à Las Vegas, au Nevada, en novembre 2018, pour assister à une conférence annuelle sur le cannabis et visiter des installations de cannabis, s’est vu infliger une interdiction d’entrée à vie aux États-Unis. Les Canadiens risquent de continuer d’éprouver des problèmes à la frontière avec les États-Unis et de faire face à une interdiction de séjour à vie parce qu’ils ont fumé de la marijuana. Cela reste une préoccupation qu’il est important de régler, à mon avis.
En ce qui a trait au projet de loi C-93, je crois que nous devons supprimer les casiers judiciaires des Canadiennes et des Canadiens qui ont été reconnus coupables de possession simple de marijuana. La suppression de ces casiers judiciaires permettrait d’éliminer des obstacles à l’emploi et au logement. C’est très important, en particulier pour les groupes marginalisés qui ont difficilement accès aux nécessités de base.
Bien que j’appuie ce projet de loi, je crains qu’il n’ait pas fait l’objet d’une réflexion suffisante. D’abord, je crois qu’il crée un processus trop bureaucratique, du fait que les demandeurs devront présenter de la documentation à la Commission canadienne des libérations conditionnelles pour obtenir la suspension de leur casier judiciaire et prouver leur admissibilité à la procédure accélérée. De plus, ils devront fournir leurs empreintes digitales afin de confirmer leur identité et pourraient se trouver dans l’obligation d’obtenir, moyennant des frais, des documents auprès de tribunaux locaux ou de services policiers.
Même si le projet de loi prévoit explicitement que la demande de suspension n’est pas assortie de frais, contrairement aux frais ordinaires de suspension de casiers judiciaires, il semble que les Canadiens seront tout de même obligés de payer des sommes d’argent à d’autres organismes.
En fait, je me préoccupe du coût du projet de loi C-93 pour les contribuables. Le ministre de la Sécurité frontalière a souligné qu’il pourrait y avoir jusqu’à 400 000 personnes qui ont un casier judiciaire pour possession simple. Par ailleurs, le gouvernement s’attend à ce que seulement 70 000 à 80 000 d’entre elles soient admissibles au programme.
Par exemple, une personne qui a un casier judiciaire pour possession simple, mais également pour un autre type d’infraction, ne serait pas admissible à ce programme, car le projet de loi C-93 vise uniquement les personnes qui ont été accusées de possession simple. Pour sa part, le ministre de la Sécurité publique a indiqué qu’il en coûterait environ 2,5 millions de dollars pour quelque 10 000 demandeurs. À mon avis, les contribuables ne devraient pas avoir à payer ces frais.
Je regarde ce que d’autres États ont mis en place. Par exemple, le programme Clear My Record, par l’entremise de Code for America, de l’État de la Californie, semble beaucoup plus novateur que ce qui est proposé dans le projet de loi C-93. Il s’agit d’un programme informatisé qui permet de supprimer rapidement des casiers judiciaires pour des infractions mineures, comme la possession simple de marijuana. C’est un outil en ligne gratuit qui aide les Californiens à s’y retrouver dans le processus compliqué en vue de faire supprimer leur casier judiciaire. Les gens peuvent remplir une brève demande en ligne, et, habituellement, en l’espace de 10 minutes, ils sont en communication avec une autorité juridique. Ce genre d’approche novatrice est un net contraste par rapport à ce qui est proposé dans le projet de loi C-93.
J’ai été déçu que le gouvernement rejette un amendement présenté par mes collègues de l’autre endroit qui aurait permis à la Commission des libérations conditionnelles du Canada de traiter électroniquement les demandes au moyen d’un système modernisé. Au lieu de cela, cette mesure forme maintenant une recommandation dans le rapport :
a. Que la Commission des libérations conditionnelles du Canada, qui a pour mandat de fournir des services rapides, efficaces et efficients, utilise la technologie afin de pouvoir mieux servir les Canadiens;
À l’ère des données électroniques, il me semble que la Commission des libérations conditionnelles du Canada devrait être en mesure de repérer les casiers qui comportent des condamnations au criminel pour possession simple de cannabis afin de faire le nécessaire. De plus, depuis que le gouvernement a présenté le projet de loi C-93, beaucoup de gens ont critiqué la mesure législative parce qu’elle ne va pas jusqu’à supprimer les casiers judiciaires. Une suspension du casier « suspend » littéralement le casier judiciaire et le conserve séparément des autres. Il ne s’agit pas de détruire pas le casier.
Le ministre conserve le pouvoir d’approuver la communication d’un casier judiciaire s’il est « convaincu que la communication sert l’administration de la justice ou est souhaitable pour la sûreté ou sécurité du Canada ou d’un État allié ou associé au Canada. »
Lors des audiences du Comité permanent de la sécurité publique et nationale de la Chambre des communes, un avocat criminaliste a déclaré que le projet de loi C-93 « comporte de graves lacunes ». Il a affirmé ceci, et je cite :
Je devrais d’abord dire que le projet de loi C-93 est mieux que rien. Cependant, « mieux que rien », c’est demander très peu au Parlement. Vous pouvez, et devez, faire mieux. Je vous recommande donc vivement d’adopter un modèle de radiation similaire à celui que prévoit la Loi sur la radiation de condamnations constituant des injustices historiques.
Selon le sénateur Dean, la radiation pourrait s’avérer problématique pour ceux qui doivent fournir une copie de leur casier judiciaire. Par exemple, un Canadien qui a un casier judiciaire pour possession de marijuana, qui se voit refuser l’entrée aux États-Unis et qui n’a pas de copie de son casier judiciaire ni les moyens de s’en procurer une parce que le casier a été radié risque d’avoir de la difficulté à demander une dispense.
Cependant, je crois qu’il faut examiner cet aspect de plus près, et je ne suis pas convaincu que le gouvernement y a accordé toute l’attention qu’il mérite.
Pour conclure, maintenant que la marijuana est légalisée, je crois que nous pouvons tous convenir qu’il est important de donner l’occasion aux gens de tourner la page sur leur ancien casier judiciaire. J’invite donc le comité qui sera chargé de faire l’étude du projet de loi C-93 à être attentif à ses failles et à y remédier dans l’intérêt fondamental des Canadiens.
Merci.
L’honorable sénateur Dean, avec l’appui de l’honorable sénatrice Bellemare, propose que le projet de loi soit lu pour la deuxième fois.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
À mon avis, les oui l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a‑t‑il entente au sujet de la sonnerie?
Le vote aura lieu à 22 h 53.
Convoquez les sénateurs.
La motion, mise aux voix, est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois :
POUR
Les honorables sénateurs
CONTRE
Les honorables sénateurs
ABSTENTION
L’honorable sénatrice