La Loi sur les douanes—La Loi sur le précontrôle (2016)
Projet de loi modificatif--Deuxième lecture--Ajournement du débat
28 avril 2022
Honorables sénateurs, le pouvoir de procéder à un examen en cas de préoccupation générale raisonnable est assorti de limites précises, ce qui assure que l’examen est de nature réglementaire et est restreint au contenu présent dans l’appareil au moment du passage à la frontière. Toutefois, il est tout aussi important que les préoccupations de l’agent soient raisonnables, dans la mesure où elles peuvent être identifiées objectivement et être vraiment examinées, ce qui correspond aux pratiques actuelles de l’ASFC.
C’est cet aspect, combiné aux nouvelles mesures de contrôle juridiquement contraignantes qui seront incluses dans le règlement, qui guiderait la conduite de l’examen. Ces mesures de contrôle visent à établir les limites appropriées entourant les examens et comprendraient des exigences précises de prise de notes ainsi que des restrictions concernant l’accès aux documents se trouvant dans l’appareil seulement, et non à ceux dans le nuage. Cela correspond encore une fois aux pratiques internes actuelles de l’ASFC.
Chers collègues, dans un monde où les téléphones intelligents sont omniprésents et où la technologie portative évolue sans cesse, cette modification législative est nécessaire pour maintenir l’intégrité de nos frontières et pour garder les Canadiens en sécurité, tout en maintenant un engagement à respecter le droit à la confidentialité des voyageurs. C’est peut-être une approche novatrice, mais elle a été élaborée avec soin, considérant le caractère unique des appareils numériques personnels et de la réglementation frontalière.
Comme c’est souvent le cas lorsqu’on s’aventure sur un nouveau terrain, ces modifications législatives risquent de présenter de nouvelles difficultés. Cela dit, l’approche établie pour ce projet de loi répond aux problèmes juridiques que la cour a cernés dans l’affaire Canfield et, plus récemment dans les causes instruites en Ontario, tout en préservant l’intégrité opérationnelle de l’agence des services frontaliers, ce qui devrait être d’une importance capitale pour tous les Canadiens.
Les modifications proposées dans ce projet de loi permettront à l’agence de continuer de remplir son mandat de protection des frontières du Canada tout en respectant le droit à la vie privée des voyageurs. On veillera aussi à harmoniser les pouvoirs d’examen des agents de l’agence et des agents de précontrôle des États-Unis, qui, dans les deux cas, sont assujettis à la Charte canadienne des droits et libertés. À mon avis, c’est une approche mesurée qui permet d’assurer l’équilibre nécessaire entre le respect de la vie privée et la sécurité.
Selon vous, qu’est-ce que ces modifications changeront concrètement pour le voyageur moyen? En toute franchise, honorables collègues, je ne crois pas que nous verrons une grande différence dans la procédure lorsque nous reviendrons au Canada après un voyage. Comme on l’a déjà mentionné, une grande partie des mesures proposées dans le projet de loi S-7 sont déjà appliquées. Ce projet de loi ne crée pas de nouveaux pouvoirs substantiels pour les agents de l’agence des services frontaliers. En fait, il vise plutôt à limiter les pouvoirs qui sont jugés inconstitutionnels et auxquels l’agence a elle-même déjà imposé des limites dans le cadre de ses politiques et de ses activités internes visant les voyageurs qui entrent au pays. Cependant, il ne faut pas croire que cela rend le projet de loi moins important.
Honorables sénateurs, la suspension de l’invalidité constitutionnelle était d’un an à l’origine, ce qui correspond à octobre dernier. Le gouvernement a demandé et obtenu une prolongation de six mois de cette suspension. Cette prolongation doit maintenant prendre fin aujourd’hui, étant donné que le tribunal a refusé de la renouveler. À partir de demain, il y aura deux régimes au pays. L’Alberta et l’Ontario devront utiliser l’alinéa 99(1)e) de la Loi sur les douanes, qui oblige les agents des services frontaliers à soupçonner, pour des motifs raisonnables, qu’il y a eu une infraction pour examiner des appareils numériques personnels, alors que partout ailleurs au pays, on pourra continuer à utiliser l’alinéa 99(1)a), comme c’est le cas depuis l’arrêt Simmons. La nécessité d’avoir des motifs raisonnables de soupçonner une infraction constitue une norme plus stricte qui nuit au mandat des agents des services frontaliers de même qu’à la sécurité publique du pays. En effet, il est plus difficile d’établir des motifs raisonnables que de fonder des soupçons sur une multiplicité d’indicateurs pointant vers une infraction, comme le font les agents des services frontaliers à l’heure actuelle.
Il est impératif que nous prenions au sérieux cette incongruité entretemps. Je vous exhorte, chers collègues, pas en tant que marraine de ce projet de loi, mais en tant que personne ayant travaillé dans le milieu de l’application de la loi pendant longtemps, à accorder la priorité d’examen au projet de loi S-7. Nous ne pouvons pas laisser cette incongruité persister une journée de plus qu’il le faut pour deux raisons. D’abord, les modules de formation des agents des services frontaliers ne peuvent pas être rédigés avant que la version définitive du projet de loi soit adoptée par le Parlement. Ensuite et par-dessus tout, chaque jour qui passe à partir de maintenant pourra servir à l’importation au Canada de matériel obscène, comme de la pornographie juvénile. À partir de demain, il sera beaucoup plus facile de le faire en passant par l’Alberta et l’Ontario. Voilà pourquoi il nous faut être prudents, efficaces, mais aussi critiques, parce que ce projet de loi cherche à faire appliquer aux points d’entrée de nouveaux critères en matière de preuves.
Faisons en sorte d’examiner ce projet de loi en fonction de ce qui est bon pour nos frontières et pour les collectivités canadiennes.
Merci. Meegwetch.
Sénatrice Boniface, de nombreux sénateurs voudraient poser des questions. Accepteriez-vous d’y répondre?
Oui, bien sûr.
Merci, sénatrice Boniface. Je comprends le raisonnement concernant les critères que le projet de loi S-7 permettra d’instaurer, mais je crains que la mise en place de ces nouveaux critères ait une incidence opérationnelle négative sur le travail important que nos agents des services frontaliers et les contrôleurs américains accomplissent quotidiennement pour protéger les frontières canadiennes et, par le fait même, tous les Canadiens. Comme vous l’avez mentionné, les frontières présentent un contexte unique comportant ses propres normes et critères relatifs à la protection des renseignements personnels, qui sont habituellement moins stricts que dans la plupart des autres contextes. Je crains toutefois que ce projet de loi rende plus difficile pour les agents des services frontaliers de fouiller des appareils numériques douteux et de détecter du matériel obscène et de la pornographe juvénile, et qu’il facilite, par le fait même, l’entrée de ce matériel épouvantable au Canada. Pouvez-vous m’assurer que la mise en place de ces critères n’aura pas d’incidence négative sur les opérations et l’efficacité des agents des services frontaliers?
Je vous remercie de la question, sénatrice Busson. Permettez-moi d’abord de dire que, ayant fait carrière dans le même domaine que vous, j’avais les mêmes préoccupations lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi.
Ce que nous savons à la suite de la décision dans l’affaire Canfield, en Alberta, c’est que la cour a laissé à la discrétion de l’Agence des services frontaliers du Canada l’établissement d’un seuil qui serait inférieur à celui qu’elle utilise en ce moment, qui est en fait plus élevé en Ontario et en Alberta, comme j’en ai parlé.
Pour l’Agence des services frontaliers du Canada, je crois qu’elle n’a d’autre choix que de répondre à cette obligation. Elle s’est montrée particulièrement adroite pour s’adapter à ce que sera ce modèle législatif. Elle a aussi commencé à penser plus précisément à la formation qui sera donnée. Pour toutes ces raisons, je suis convaincue — chose certaine, les conversations que nous avons eues avec leurs représentants m’ont aussi persuadée, et j’espère que le comité est du même avis — qu’elle est fin prête à effectuer la transition et que le processus reflétera clairement la politique qu’elle suit depuis 2019.
Sénatrice Boniface, merci d’avoir accepté de marrainer ce projet de loi. Vous êtes déjà bien occupée et nous vous sommes reconnaissants d’assumer ce rôle.
Je remarque que les modifications proposées à la Loi sur les douanes et à la Loi sur le précontrôle s’accompagneront de changements dans la réglementation, et nous savons tous, d’expérience, que la modification d’un règlement peut retarder l’application de la loi ou des modifications elles-mêmes. C’est un problème auquel nous devons souvent faire face, et je soupçonne que ce sera le cas en l’occurrence.
Que pouvez-vous nous dire concernant l’éventualité d’un retard? J’aimerais vous demander, et je crois le faire au nom de tous les sénateurs : pourriez-vous communiquer au ministre qu’il serait dans l’intérêt de toutes les parties concernées que la modification de la réglementation se fasse dans le plus bref délai?
Je vous remercie de la question. D’après les séances d’information de l’Agence des services frontaliers du Canada auxquelles j’ai assisté, le ministère travaille déjà à la modification de la réglementation. Il est tout à fait conscient que les règlements et la loi serviront mieux les agents et la population s’ils sont harmonisés. L’un de nos collègues a soulevé cette question à la séance d’information et on lui a assuré que c’est effectivement l’objectif. Comme vous le savez, et comme vous l’avez dit, la modification des règlements a tendance à traîner. Je crois que le ministère en est tout à fait conscient. J’en reparlerai à l’Agence des services frontaliers du Canada. Je crois que nos collègues qui sont membres du comité où sera renvoyé le projet de loi voudront également être rassurés à ce sujet.
Merci, sénatrice Boniface, d’accepter de répondre à ma question. Une chose me préoccupe du point de vue des libertés civiles au sujet de l’ajout de critères de « préoccupations générales raisonnables », parce qu’il n’y a aucun précédent dans la législation canadienne. Il n’y a aucune définition de ce que cela signifie en droit canadien. Aux termes de la Loi sur les douanes, pour faire l’examen du bon vieux courrier au format papier, un agent doit avoir des motifs raisonnables de douter. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés prévoit qu’une fouille ne peut être menée que si l’agent a des motifs raisonnables de le faire, et, dans l’affaire Canfield, le tribunal a parlé du critère du soupçon raisonnable.
J’ai du mal à comprendre pourquoi le gouvernement considérait qu’il était nécessaire de créer un critère de préoccupation générale raisonnable entièrement nouveau pour lequel il n’y a aucun précédent en droit canadien; à ma connaissance, il n’y aurait d’ailleurs aucun précédent dans tout le Commonwealth. Je crains que cela ouvre la porte à plus de fouilles intempestives que sous le régime réglementaire utilisé actuellement par les agents frontaliers.
Sénatrice Boniface, il vous reste 20 secondes. Souhaitiez-vous demander cinq minutes de plus? Il y a cinq autres sénateurs qui voudraient poser des questions.
Puis-je avoir cinq minutes de plus, avec le consentement de la Chambre?
Honorables sénateurs, est-ce d’accord?
Merci de votre question, sénatrice Simons. La façon dont la décision Canfield a été interprétée — j’espère en avoir parlé de façon claire — est que la cour a reconnu qu’il y aurait quelque chose d’intermédiaire entre un contrôle de routine et des motifs raisonnables. Je vous enverrai le numéro du paragraphe.
Ça va, je l’ai devant moi.
La cour a dit qu’il s’agirait d’une mesure intermédiaire. C’est un nouveau concept. Cependant, permettez-moi également de dire que si vous regardez ce qui se fait ailleurs, vous constaterez que le seuil utilisé aux États-Unis, au Royaume-Uni et en Australie est inférieur à ce qui est proposé au Canada dans le projet de loi. Comparativement à certains pays aux vues similaires, il s’agit d’un seuil plus élevé.
C’est une question importante et c’est pourquoi j’ai dit à la fin de mon discours que le comité qui a le privilège d’étudier ce projet de loi doit poser ces questions. Il s’agit d’une situation particulière à la frontière. Les dispositifs sont uniques en ce qui concerne le temps dont disposent les agents frontaliers pour les examiner et prendre leurs décisions. Je pense que l’intégration d’une partie de la responsabilité des agents est un mécanisme important qui nous aide à mettre de la viande autour de l’os. Il ne fait aucun doute que les tribunaux devront un jour se pencher sur cette question; la loi sera contestée et ils devront se pencher sur la question. J’ai bon espoir que nous serons en mesure de reconnaître la position équilibrée qu’il faut adopter dans ce dossier. J’encourage les membres du comité qui étudieront le projet de loi à poser ces questions.
Merci, sénatrice Boniface. Vous venez de dire que le seul est supérieur à celui utilisé aux États-Unis. Cela soulève des questions au sujet des accords de précontrôle que nous avons signés avec les Américains et des changements au précontrôle qui seront apportés par le projet de loi. Est-il nécessaire de négocier avec les Américains pour que cela se produise?
Je vous remercie de votre question, sénateur Woo. On a déjà discuté du sujet avec le gouvernement américain. Il comprend déjà la situation. Bien sûr, comme les Américains mènent des activités au Canada, ils doivent déjà se conformer à la Charte des droits et libertés. Par conséquent, ils sont déjà bien au fait de la situation et sont prêts à aller de l’avant.
Merci, sénatrice Boniface, d’avoir aussi bien décortiqué ce projet de loi. Je l’apprécie.
J’ai peut-être mal compris, mais lorsque vous avez parlé des nouveaux seuils que ce projet de loi prévoit établir, je crois avoir entendu le mot « comportement ». Ma question porte sur ce point, car l’évaluation d’un comportement est un geste profondément subjectif. Comment peut-on s’attendre à ce que les agents de l’ASFC jugent le comportement d’une personne de façon appropriée, et si ce comportement est l’expression d’une réelle inquiétude, d’un trouble mental quelconque ou d’une autre condition physique? J’aimerais que vous précisiez les choses.
Ces agents jouent un rôle unique et disposent d’un temps d’interaction très court. Ils font cela chaque jour. Ils ont été formés pour cela. À chaque personne qu’ils rencontrent, ils évaluent leur interaction avec cette personne et quels sont les indicateurs.
Lorsqu’ils abordent la question des appareils personnels, il se peut que les voyageurs soient envoyés à l’examen secondaire, ce qui signifie une interaction avec plus d’un agent, mais c’est ce que les agents des douanes font chaque jour. Ils font des évaluations en fonction des questions qu’ils posent et des comportements qu’ils observent. Tout comme d’autres personnes qui travaillent dans ce domaine, ils sont jugés en fonction de leur précision. Pour revenir aux appareils personnels, j’attire votre attention sur le fait que 27 % des agents — ce que j’appellerais le taux de réussite — trouvent de la contrebande dans ces appareils. Cela me porte à croire qu’ils sont très efficaces si on les compare à d’autres métiers du même genre. Ils sont très concentrés et cherchent les bonnes choses.
Le temps est écoulé, mais il reste quatre sénateurs qui souhaitent poser des questions. Sénatrice Boniface, demandez-vous cinq minutes de plus?
Je suis heureuse de continuer à répondre aux questions si le Sénat est d’accord.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, sénatrice Boniface, pour votre leadership dans ce dossier. Votre jugement et votre expérience sont très importants pour trouver le juste équilibre sur cette question. En ce qui concerne la difficulté de bien faire les choses, j’ai pensé à l’évêque Lahey. Il avait négocié un règlement pour les victimes d’agressions sexuelles dans le diocèse d’Antigonish, mais il a été arrêté à l’aéroport d’Ottawa peu après avec un ordinateur rempli de pornographie infantile qu’il importait au pays. Il a par la suite été accusé et condamné, mais cela a eu un effet dévastateur sur la communauté catholique de la Nouvelle-Écosse et la collectivité en général. Il y a eu une perte de confiance. Vous travaillez sur quelque chose de très important.
Je veux comprendre. Les agents n’ont la possibilité de consulter les données que sur le téléphone, et pas sur le nuage. À ce moment-là, ils peuvent prendre une décision. Est-ce que la prochaine décision qu’ils prendront sera de conserver l’appareil ou est-ce qu’ils saisiront d’une manière ou d’une autre les données de l’appareil? S’ils saisissent les données, comment les conservent-ils ou les détruisent-ils selon ce qui a été découvert? Pouvez-vous m’éclairer un peu à cet égard?
Il y a beaucoup de choses qui dépendent de ce qu’ils trouvent précisément et de ce qu’ils font. Un aspect important — que j’ai d’ailleurs mentionné dans mon discours — est que si on en arrivait à une enquête criminelle, comme celle dont vous parlez, cela serait normalement acheminé à une autre autorité. On conserverait la preuve — le téléphone — et on l’enverrait à l’autorité responsable de l’enquête, soit probablement à la police locale, pour que des accusations soient portées.
La différence, c’est que ce qu’on cherche initialement ce sont des infractions réglementaires sous le régime de la législation douanière. J’aurais dû le mentionner avant, mais il y a 90 lois différentes concernant les contraventions. L’aspect criminel est généralement traité par la police locale, avec laquelle on assure donc une liaison. C’est elle qui mène l’enquête criminelle, qui est distincte du travail des douaniers. Normalement, c’est ainsi que le processus fonctionne à l’échelle locale.
Je vous remercie, sénatrice Boniface, de l’important travail que vous accomplissez. J’en profite pour remercier, parallèlement, les agents de l’Agence des services frontaliers du Canada pour le travail colossal qu’ils font aux différents points d’entrée pour protéger les frontières de notre pays. Ce n’est pas une tâche facile, étant donné la multitude de personnes qui les franchissent.
Dans le document d’information, on indique que le commissaire à la vie privée n’a pas encore commenté le projet de loi. J’imagine que cela ne saurait tarder. Si des commentaires étaient formulés de manière à justifier une modification de certains aspects de cette mesure législative, le gouvernement serait-il disposé à en tenir compte — évidemment, dans le contexte où les droits relatifs à la vie privée au Canada sont très différents de ceux des États-Unis?
Sénateur Yussuff, je vous remercie de votre question. Comme il est indiqué dans le document d’information que j’ai reçu, de même que dans celui mis à la disposition des sénateurs ce matin, des discussions sont en cours depuis un certain temps avec le commissaire à la vie privée. Pour ce point en particulier, aucune discussion avec le commissaire à la vie privée n’a mené à une décision à ce jour. Cependant, j’encourage le comité — peu importe quel comité héritera de ce dossier — à inviter le commissaire à la vie privée pour connaître son point de vue et approfondir ces points de discussion. Je serais portée à croire que, à l’instar de ce que nous constatons constamment dans cette enceinte, tout le monde sera disposé à apporter des amendements. Il ne fait aucun doute que l’opinion du commissaire à la vie privée doit être prise en compte.
J’aurais quelques questions, sénatrice Boniface, si vous le permettez.
Vous avez parlé de la multiplicité des indicateurs. Comment définissez-vous la notion de « préoccupations générales raisonnables » ou, en fait, ce qui serait « inférieur à des motifs raisonnables »? À quel genre d’indicateurs ou de comportements les agents des services frontaliers sont-ils attentifs? C’est surtout le seuil le plus bas qui me préoccupe. Si je sors d’un avion après un vol de huit heures, que je suis à l’aéroport, que je n’ai pas dormi et que je suis contrarié, peut-être échevelé, et vraiment pas aussi agréable et charmant qu’à l’habitude, comment un agent des services frontaliers saura-t-il que mon état actuel ne reflète pas ma nature habituelle?
Chers collègues, nous avons déjà accordé deux prolongations de cinq minutes. Le sénateur Wells et la sénatrice McCallum souhaitent poser des questions. Sénatrice Boniface, désirez-vous demander cinq minutes de plus?
Je suis à la merci du Sénat. Peut-être pourrions-nous convenir que je répondrai aux questions du sénateur Wells et de la sénatrice McCallum, puis que nous nous arrêterons là.
Les honorables sénateurs acceptent-ils d’accorder cinq minutes de plus, au maximum?
Sénateur Wells, vous avez mentionné que vous aviez plusieurs questions. Vos questions devront être brèves pour que la sénatrice McCallum puisse poser la sienne.
Je suis d’accord. J’ai posé une question et j’attends la réponse.
Sénateur Wells, merci beaucoup de votre question, qui cadre très bien avec celle de la sénatrice Omidvar. Je précise que la « préoccupation générale raisonnable » est légiférée, mais elle n’est pas aussi rigoureuse que le « motif raisonnable ». Pour dire les choses clairement, c’est la distinction entre les deux. En fait, avant Canfield, il n’existait pas d’exigence relative à un seuil; cela faisait partie d’une fouille de routine. Je tiens à ce que ce soit clair.
Vous soulevez la même question que celle posée par la sénatrice Omidvar sur les indicateurs. Comme je l’ai dit, c’est le travail que les agents de l’ASFC font tous les jours. Par exemple, sans savoir que vous êtes le sénateur Wells, ils pourraient vous poser une question comme : « Qu’avez-vous sur vous? Qu’y a-t-il sur votre téléphone? », ce à quoi vous pourriez répondre : « Rien ». Ils pourraient ensuite vous interroger davantage pour voir s’ils peuvent obtenir des indicateurs. Ils sont à l’affût d’éléments comme l’évitement dans les réponses aux questions ou la nervosité.
Il est important de se rappeler que les agents travaillent dans cet environnement chaque jour. Ils tiennent donc compte des explications que vous fournirez ou non sur votre comportement ou sur votre apparence. Ce sont des professionnels formés pour noter ce genre de choses. La prise de notes au sujet des appareils personnels est un élément important à ranger dans les difficultés possibles, mais il faut également présumer que la répétition de cette tâche au fil du temps — à une fréquence pas particulièrement élevée, comme en témoignent les statistiques — leur permettra de peaufiner leur art. Il ne faut pas oublier que c’est ce qu’ils font chaque jour, et pas uniquement lors de cette tâche en particulier.
Vous avez mentionné que la politique appliquée par les agents de l’ASFC serait incorporée dans une loi. Évidemment, nul n’est censé ignorer la loi. Il y a plusieurs années, j’ai été intercepté à la frontière. Ils m’ont demandé mon téléphone, et je leur ai donné. Ils m’ont demandé mon mot de passe, et je leur ai fourni. Je ne connais pas la politique de l’ASFC. Le fait d’ignorer une politique est une sorte d’excuse, et je pense que cela pourrait être contesté.
Puisque le projet de loi énonce l’obligation de désactiver la connexion au réseau avant d’effectuer la fouille, pensez-vous que la loi devrait exiger des agents de faire part aux voyageurs de leur droit de désactiver la connexion? Serait-ce raisonnable d’exiger cela des agents frontaliers? Selon la politique, ils ne sont pas tenus de dire quoi que ce soit au voyageur.
Pensez-vous que ce serait raisonnable que la loi prévoie l’obligation de donner un avertissement, quelque chose comme une mise en garde Miranda, c’est-à-dire le fait de faire part de ses droits à un individu faisant l’objet de soupçons?
La question que vous posez est tellement précise que je vous demanderais de la poser aux agents de l’ASFC lorsqu’ils témoigneront devant nous. En toute franchise, je n’ai jamais été à leur place et je ne connais pas en détail toutes les étapes du processus. C’est la meilleure interprétation que j’en ai. Je vous suggère de poser la question sur toutes les étapes du processus. Vous soulevez une bonne question lorsqu’il s’agit de savoir dans quelle mesure ils doivent informer les gens. Je crois que les renseignements qu’ils vous fourniront sur leur façon de procéder seront plus instructifs que toute réponse que je pourrais vous donner.
Merci.
Votre Honneur, j’ai d’autres questions, mais je cède la parole.
Lorsque vous parlez de la difficulté de faire les choses comme il faut en tenant compte des questions juridiques concernant les peuples autochtones, cela a toujours posé problème, et c’est encore le cas, surtout avec le profilage racial. J’estime que trouver des produits de contrebande dans 27 % des cas, c’est très peu. Pendant combien de temps les agents devront-ils chercher ces sites qui sont souvent très bien protégés par des dispositifs de chiffrage? Si on veut être juste, ne pensez-vous pas que cela devrait s’appliquer à tous les Canadiens?
Sénatrice McCallum, je ne peux pas répondre de façon complète, mais je serais heureuse de faire un suivi afin, je l’espère, de répondre à votre question. Je sais que le problème du profilage racial sera une question importante lors de l’étude en comité.