Projet de loi concernant l'élaboration d'un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture--Suite du débat
7 juin 2022
Honorables sénateurs, je prends la parole pour appuyer le principe sur lequel repose le projet de loi S-233 et je demande au Sénat d’avoir le courage de voter en faveur de l’étude de ce projet de loi.
Je voudrais commencer par rappeler que, contrairement à ce qui est dit dans la grande majorité des quelque 10 000 courriels reçus à propos du projet de loi S-233, ce texte n’a pas pour objet de contrôler la vie des concitoyens ni de les priver arbitrairement des précieux programmes du gouvernement. Au contraire, le projet de loi S-233 vise à trouver des solutions plus efficaces et possiblement moins coûteuses pour favoriser l’autonomie des populations les plus marginales et les plus vulnérables de notre société.
Selon moi, il y a deux raisons pour lesquelles il est important d’étudier le projet de loi S-233. La première est la quantité troublante de fausses informations à son sujet. Certains groupes génèrent et partagent en toute connaissance de cause ces fausses informations. De trop nombreux Canadiens vulnérables les croient et partagent à leur tour ces fausses informations. Ils craignent d’être privés arbitrairement de certains programmes gouvernementaux si le projet de loi S-233 était adopté.
Comme notre chère collègue la sénatrice Simons l’a très clairement expliqué sur Twitter, un Sénat non élu « [...] NE PEUT PAS obliger le gouvernement à dépenser de l’argent ». L’étude, voire l’éventuelle adoption, de ce projet de loi ne priverait pas les citoyens de leurs droits à accéder à certains programmes sociaux, tout comme cela ne permettrait pas au Forum économique mondial de contrôler notre démocratie. En fait, ce projet de loi propose d’examiner comment on pourrait simplifier les programmes et les versements d’aide sociale dans l’objectif de les améliorer, en particulier pour les Canadiens vulnérables.
Je pense qu’on peut seulement lutter contre ce fléau qu’est la désinformation avec des preuves et de la transparence. Nous pouvons être fiers de dire que les rapports du Sénat nous permettront donc de lutter contre ce fléau.
La deuxième raison pour laquelle je souhaiterais que le Sénat étudie le projet de loi S-233, c’est que je me préoccupe de plus en plus de la mauvaise habitude que le Canada a prise d’augmenter le fardeau réglementaire sans jamais le diminuer. Nous avons particulièrement une propension à instaurer des mesures réglementaires coercitives, qui maintiennent le statu quo, limitent l’innovation et créent trop souvent des programmes non viables sur le plan économique. Pour employer une expression d’affaires, ce sont des tracasseries administratives.
On oublie trop souvent que ce ne sont pas seulement les entreprises qui doivent subir le fardeau réglementaire canadien, l’un des plus lourds des pays de l’OCDE. Nous tous le devons, ainsi que les Canadiens les plus vulnérables. Voilà pourquoi je considère qu’il est important que le Sénat étudie le projet de loi S-233, afin d’attaquer de front le fléau de la désinformation et de réduire le fardeau réglementaire de même que les tracasseries administratives.
Fait intéressant, c’est le désir de réduire le fardeau réglementaire et les tracasseries administratives qui a incité un parti politique national à étudier le concept d’un revenu annuel garanti lors de son congrès d’orientation en 1969. Un compatriote de la Nouvelle-Écosse a soumis l’idée de la mise en place d’un programme simple et efficace de revenu annuel garanti en soulignant qu’un tel programme pourrait éliminer des programmes coûteux et inefficaces de soutien du revenu fondés sur des règles, qui étaient minés par des compétences fédérales, provinciales et territoriales qui se chevauchaient souvent.
Il y a plus de 50 ans, le principe sur lequel repose le projet de loi S-233 a fait l’objet de discussions et de débats lors d’un congrès d’orientation national. Le but était de remplacer le statu quo, qui s’avère inefficace, par un revenu de base calculé en fonction de la déclaration de revenus et auquel tous les Canadiens seraient admissibles dès que leur revenu annuel serait inférieur, le cas échéant, à un seuil prédéfini. Alors, qui était cette personne originaire de la Nouvelle-Écosse et quelle était son allégeance politique? Il s’agissait de l’honorable Robert Stanfield, l’ancien chef du Parti progressiste-conservateur du Canada.
Dans les faits, l’idée à l’origine du projet de loi S-233 est loin d’être nouvelle. C’est probablement l’une des premières fois où la sénatrice Pate fait la promotion d’une politique du Parti conservateur. Sénatrice Pate, j’espère que le sénateur Plett ne vous accusera pas de plagiat.
Trêve de plaisanterie, je souhaite que le projet de loi S-233 soit renvoyé à un comité afin que le Sénat étudie en profondeur la question et détermine quelles pourraient être les solutions innovatrices pour vaincre la pauvreté omniprésente. Quand Robert Stanfield disait que notre statu quo inefficient devrait être remplacé par un système plus efficace pour aider les Canadiens lorsque leur revenu tombe sous un seuil minimum prédéfini, il faisait preuve à mon avis d’une très grande vision.
Je pense que — c’est mon évaluation qui est peut-être injuste, mais qu’on me prouve que j’ai tort — notre système de soutien au revenu pour les Canadiens vulnérables et marginalisés est lourdement inefficace, en plus de comporter toutes sortes de limites et de contraintes, ce qui restreint considérablement notre capacité à permettre efficacement à ces Canadiens d’accéder au soutien dont ils ont besoin pour réussir dans la vie. En plus, ce type de soutien relève du recoupement toujours complexe des compétences du fédéral, des provinces et des municipalités, sans oublier les autorités ministérielles qui sont souvent concurrentes à l’intérieur de chaque ordre de gouvernement. Une telle situation mène tout droit à des programmes qui comportent des lacunes, qui se chevauchent et qui imposent un fardeau administratif.
Je voudrais maintenant vous faire part de quatre histoires qui m’ont poussé à appuyer l’étude du projet de loi S-233 et qui m’ont convaincu de son potentiel.
La première histoire remonte à ma jeunesse et on me l’a rappelée dernièrement. Le sort des aînés de l’Ontario qui était de plus en plus négligé au début des années 1970 a mené à quelques manigances au puissant Comité du Trésor, de l’économie et des affaires intergouvernementales de l’Assemblée législative de l’Ontario.
À l’époque, les journaux rapportaient des histoires d’aînés dont la seule source de protéines abordable était la nourriture pour chats parce que 35 % des personnes de plus de 65 ans en Ontario avaient un revenu sous le seuil de la pauvreté. Mon père, qui était un député provincial de l’Ontario à ce moment, considérait que cette situation était inacceptable comme la grande majorité était des femmes, ces mêmes femmes qui avaient traversé avec peine la Grande Crise, puis travaillé sans relâche pour assurer la survie des familles et des usines d’ici, sans parler du pays, pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Ce n’est pas mon père qui m’a parlé des manigances ayant eu lieu au comité. J’ai entendu cette histoire de la bouche du sénateur à la retraite Hugh Segal il y a environ trois ans. Lors d’une réunion du Comité du Trésor, de l’économie et des affaires intergouvernementales, sous un gouvernement minoritaire, la majorité des membres a voté en faveur de la réduction à 1 $ par année du salaire du ministre et du sous-ministre de ce qui est maintenant le ministère des Finances de l’Ontario. Leur objectif? Sensibiliser ces messieurs aux effets de la pauvreté. L’ancien sénateur Segal travaillait avec le premier ministre Bill Davis à l’époque, et il a soudainement vu un groupe de députés provinciaux très inquiets arriver à la porte de son bureau. La réaction de Hugh a été d’en apprendre davantage.
En six semaines, l’Assemblée législative de l’Ontario a adopté à l’unanimité un nouveau Supplément de revenu garanti. Quels ont été les résultats de cette initiative? En trois ans, le supplément a permis de réduire à moins de 5 % le taux de pauvreté chez les gens de plus de 65 ans.
La deuxième histoire que je souhaite vous raconter m’a aussi été relatée à la table de cuisine quand j’étais jeune. On m’a parlé du Programme expérimental manitobain de revenu annuel de base, qui a été offert de 1974 à 1979 à Dauphin, au Manitoba. L’objectif de ce programme était de donner du pouvoir aux gens pauvres au lieu de les contrôler. Il est devenu hautement politisé, et on a dû y mettre fin. Toutes les données recueillies dans le cadre de ce programme ont été enfermées dans le bureau régional de Winnipeg de Bibliothèque et Archives Canada.
Quels ont été les résultats? Eh bien, 25 ans après, une économiste spécialisée dans le domaine de la santé, Mme Evelyn Forget, a réétudié ce programme et a été en mesure d’analyser les données. L’analyse de Mme Forget a mis en lumière certaines réussites de ce projet. Le taux d’hospitalisation à Dauphin pour les accidents, les blessures et les problèmes de santé mentale ont diminué de 8,5 % chez les personnes bénéficiant du revenu de base. Les résultats scolaires des enfants de la ville se sont améliorés, et on a observé une augmentation du nombre d’inscriptions en 12e année.
Malgré cela, comme l’analyse de Mme Forget portait uniquement sur les répercussions du revenu de base sur la santé, les données étaient insuffisantes pour évaluer la relation de causalité entre le revenu de base et d’autres résultats sociaux ou économiques.
La troisième histoire dont j’aimerais vous parler se déroule aussi dans les Prairies. Il s’agit d’une importante innovation sociale qui s’appelle Logement d’abord, et qui a été mise en place et peaufinée dans la vaillante et bienveillante ville de Medicine Hat, qui se trouve dans les Prairies. En 2015, Medicine Hat est devenue la première collectivité au Canada à mettre fin à l’itinérance chronique. On entend par cela que pas plus de trois personnes ont été en situation d’itinérance chronique pendant plus de trois mois.
Le projet Logement d’abord a fonctionné parce qu’il ciblait les facteurs de risques individuels et structurels de l’itinérance — comme les maladies chroniques, les handicaps, les dépendances et la maltraitance — et qu’il était axé sur la réduction de ces risques en plus d’offrir des possibilités de bâtir des relations sociales, de gagner un revenu suffisant, et d’avoir accès à un logement abordable.
Quels ont été les résultats? De 2009 à 2014, le temps passé en détention par les participants a diminué de 67 %, tandis que le nombre de jours qu’ils ont passés à l’hôpital a diminué de 32 %. Cependant, des questions demeurent sans réponse. Par exemple, on ignore quelles économies nettes totales l’initiative Logement d’abord de Medicine Hat a permis de réaliser au cours de la période où elle était en vigueur de même que quels programmes existants ont été éliminés et quels programmes sont devenus redondants en raison de sa mise en œuvre.
La quatrième et dernière histoire que je veux vous raconter porte sur une expérience plus récente, soit le Projet pilote portant sur le revenu de base en Ontario, qui a été créé dans le cadre d’une stratégie élargie de réduction de la pauvreté à la suite des recommandations du sénateur retraité Segal. Lorsqu’il a demandé au gouvernement d’envisager la mise en œuvre d’un projet pilote, l’ancien sénateur Segal a décrit les impératifs et les interdits d’un projet pilote. J’aimerais le citer :
Le projet pilote se doit d’abord de saisir les coûts de la pauvreté, en tenant compte non seulement des prestations d’aide sociale et d’invalidité actuelles, mais également des pressions additionnelles qu’elle exerce sur notre système de santé et sur l’économie [...] en général, étant donné son incidence sur la productivité économique et les revenus existants du gouvernement.
La sénatrice Pate a examiné les résultats provisoires de ce programme lorsqu’elle a présenté le projet de loi S-233, alors je ne vais pas les répéter, malgré leur mérite. Je me contenterai de dire que je demeure très attristé que les efforts de toute une vie de l’ancien sénateur Segal en vue de mener une étude bien contrôlée sur le revenu de base garanti aient été aussi brusquement interrompus en Ontario.
En conclusion, à mon avis, le projet de loi S-233 vise à réduire les formalités administratives pour les personnes qui ont besoin de l’appui de la société, faute d’avoir pu s’établir, soit à cause de leurs choix ou de circonstances indépendantes de leur volonté.
Comme je l’ai dit, trop souvent, il est extrêmement compliqué d’obtenir de l’aide, notamment à cause de restrictions inutiles. J’imagine que peu d’entre nous auraient la patience de s’y retrouver dans le système actuel. Bien des gens se plaisent à penser que c’est une bonne chose parce qu’ils croient peut-être que c’est un désincitatif, mais je ne suis pas d’accord.
Pourquoi? Parce que je crois qu’il est possible d’avoir un système qui habilite les gens qui en ont le plus besoin plutôt qu’un système qui les contrôle. Lorsque les gens sont déjà en difficulté, pourquoi croirions-nous que l’ajout de complications administratives les aiderait à se tirer d’affaire?
J’estime également que le fardeau administratif est l’ennemi de la productivité. Qui plus est, compte tenu de mon héritage écossais, j’ai une réaction allergique quand il est question de maintenir en place un système inefficace ou peu efficace.
La croissance de la productivité canadienne continue de décliner faute d’innovation dans tous les secteurs d’activité. Les Canadiens sont laborieux, novateurs et déterminés. Cependant, un trop grand nombre de services publics sont entravés par des habitudes trop bien ancrées, non par des preuves d’efficacité.
L’OCDE prévoit maintenant que d’ici 2060, c’est le Canada qui affichera la pire performance économique des pays membres de l’organisation. Je ne veux pas en rejeter le blâme à un parti politique ou à un ordre de gouvernement en particulier. Je crois que le problème tient au fait que, culturellement, le Canada ne s’est pas engagé à innover. Il faut cesser de tolérer des excuses comme « ce n’est pas ainsi que nous faisons les choses ici ».
Ayons le courage d’innover. Il est vrai que l’innovation et le changement comportent des risques, mais ils illustrent aussi ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire.
Chers collègues, renvoyons le projet de loi S-233 au comité et demandons à celui-ci de se pencher sur la façon dont le gouvernement fédéral pourrait collaborer avec une province ou un territoire ouvert à l’idée afin de réaliser une étude bien documentée du principe qui sous-tend le projet de loi S-233. N’examinons pas seulement les coûts, mais aussi l’ensemble des programmes et des services de tous les ordres de gouvernement qui pourraient être remplacés ou éliminés, les économies qui pourraient en découler et les possibilités qui pourraient être créées.
Si nous tenons à la prospérité de nos petits-enfants, nous devons embrasser le changement et l’innovation. Nous devons éliminer les règles et les formalités administratives inutiles et river notre attention sur le résultat escompté. Si nous ne le faisons pas pour soutenir les personnes les plus vulnérables de notre société, pour qui le ferons-nous?
Merci, chers collègues.
Est-ce que le sénateur Deacon accepterait de répondre à une question?
Oui.
Ma question est la suivante : je crois, tout comme vous, qu’il est très important de donner aux gens les moyens de s’autonomiser — to empower people —, mais quel est, selon vous, le niveau de revenu que l’on devrait garantir aux personnes afin qu’elles puissent vraiment sortir de la pauvreté dans le cadre d’un programme de revenu minimum garanti?
Quels sont, selon vous, les programmes qu’il faudrait abolir et qui comportent tellement de réglementation à abolir?
Sénatrice Bellemare, voilà les questions auxquelles j’espère que nous répondrons au comité lorsque nous examinerons ce programme et constaterons tous les domaines qu’il touche, notamment les services de santé et les services paramédicaux. Dans ma propre collectivité, le service d’incendie reconnaît qu’un grand nombre des appels qu’il reçoit sont liés à des crises et à des problèmes de santé chez des personnes qui ne reçoivent pas des soins de santé appropriés.
Qui sait jusqu’où nous devrions aller et quels programmes pourraient gagner en efficacité? Cependant, d’aucuns diront, moi y compris, que la multiplicité de programmes qui existent prouve justement qu’il y a de grands gains d’efficience qui peuvent être réalisés.
Pour répondre à votre question, selon moi, c’est quelque chose qu’établirait une étude du Sénat.
Sénateur Deacon, votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Oui, si les sénateurs le souhaitent.
Est-ce d’accord, honorables sénateurs?
Merci, Sénateur Deacon, d’accepter de répondre à ma question.
Comme vous le savez, les trois partis de l’Assemblée législative de l’Île-du-Prince-Édouard, le Parti conservateur, qui forme le gouvernement, le Parti vert, qui forme l’opposition officielle, et le Parti libéral, ont tous adopté une motion demandant au gouvernement fédéral d’appuyer un projet pilote à l’Île-du-Prince-Édouard. Il s’agirait de la continuation de ce qui a été entrepris puis arrêté en Ontario, comme vous l’avez indiqué dans votre discours.
Le gouvernement fédéral, jusqu’à présent, n’a pas accepté la demande parce que, comme vous le savez, il y a deux écoles de pensée. D’un côté, l’Île-du-Prince-Édouard pense que ce projet remplacerait un nombre substantiel de programmes existants et qu’il ciblerait les personnes dont vous avez parlé dans vos observations, de l’autre, le gouvernement de la Colombie-Britannique a indiqué dans un rapport que les coûts ne seraient pas viables à long terme.
L’un de ces points de vue est évidemment erroné.
Seriez-vous d’accord avec moi pour dire que l’Allocation canadienne pour enfants, dans le cas de l’Île-du-Prince-Édouard, a eu une incidence énorme? Plus de 500 millions de dollars ont été versés à l’Île-du-Prince-Édouard au cours des quatre dernières années en prestations non imposables, dont ont bénéficié 25 000 familles et 13 000 enfants. À mon avis, un projet pilote à l’Île-du-Prince-Édouard fonctionnerait également. Partagez-vous ce point de vue?
Merci, sénateur Downe, de votre question. Je crois qu’il serait merveilleux que l’Île-du-Prince-Édouard soit la première à en bénéficier. Je suis persuadé que cela en vaut la peine et que vous avez un avantage que d’autres provinces et territoires n’ont pas : le soutien de tous les partis de votre assemblée législative. J’adorerais que cela se produise en Nouvelle-Écosse, et partout, en fait. On présume des coûts, mais on ne sait pas quels programmes et chevauchements peuvent être éliminés. On ignore les possibilités que pourrait apporter le fait de donner des moyens aux gens et de les libérer.
Comme on a pu le constater dans le passé et dans d’autres pays, lorsqu’un ménage bénéficie d’un deuxième revenu, il perd des prestations. Un des parents doit alors en quelque sorte quitter le foyer.
Si les gens ne peuvent obtenir un emploi qui leur procure un certain revenu, il faut alors examiner la façon dont les règles créent des possibilités ou y font obstacle. On ne sait rien des possibilités éventuelles.
Voilà pourquoi j’adorerais que cette initiative soit mise en œuvre à l’Île-du-Prince-Édouard; je tiens à ce qu’elle se concrétise. J’aimerais qu’on procède à une étude qui nous permettra de savoir quelles en seront les retombées, positives ou négatives, et dans quels domaines.
Je me trompe peut-être, mais en ce moment rien ne prouve que le fait de venir en aide aux gens ne permettra pas de créer de meilleures possibilités. En tout cas, rien n’indique que le statu quo offre les résultats escomptés.
Le sénateur Deacon accepterait-il de répondre à une question?
Ce serait un honneur.
Merci beaucoup. Je ne pourrais vous dire à quel point je suis d’accord avec ce que vous avez dit au sénateur Downe. À mon avis, c’était tout à fait pertinent.
Une bonne partie de ce qu’on entend comme résistance à cette idée est fondée davantage sur l’intuition que sur des données probantes. Qu’il s’agisse de projets pilotes terminés ou partiellement terminés, les données dont nous disposons montrent des effets positifs.
On nous dit que le taux effectif marginal d’imposition fera en sorte qu’il sera difficile de déterminer où les sommes sont récupérées ou à quel niveau il faudrait établir la prestation. On nous dit que la prestation dissuaderait les gens de travailler. Je pense que les données auxquelles vous avez fait allusion prouvent le contraire.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur ce que nous avons appris des données et sur la raison pour laquelle il serait utile de passer à l’étape suivante, dans le cadre d’une étude nationale réalisée en collaboration avec l’Île-du-Prince-Édouard?
Je vous remercie, sénatrice Lankin. Je peux seulement parler de mon expérience personnelle, c’est-à-dire des périodes de ma vie où je vivais de grandes difficultés. J’ai la capacité de voir les possibilités et de prendre des risques pour me sortir d’une impasse — dans la vie, il est parfois difficile de voir les options qui sont à notre portée.
À ce moment-ci, je ne saurais comment quantifier cela, mais je le crois personnellement. Je vois ce que vivent certaines personnes dans mon entourage qui, quand les circonstances deviennent très difficiles, se sentent dépassées par les événements. Elles n’arrivent pas à voir toutes les options pour s’en sortir, la prochaine étape qui pourrait nous sauter aux yeux, à vous et moi. Ces personnes n’arrivent pas à concevoir une manière différente de s’en sortir.
Dans ma collectivité, il y a des personnes qui ont eu le courage de créer de nouvelles possibilités. Invariablement, ces personnes disposaient d’un petit coussin financier qui leur a permis de prendre des risques, peu importe si cela a mené à un échec. Toutefois, j’estime que ce sont ces risques calculés qui sont essentiels pour que chaque collectivité, chaque famille et chaque personne réalise des progrès.
Je ne sais pas comment quantifier ce seuil. J’ai seulement les exemples dont je vous ai fait part. Je considère que l’initiative Logement d’abord de Medicine Hat est une source d’inspiration. Si je ne peux pas avoir une bonne nuit de sommeil, une douche matinale et un repas, comment puis-je traverser de grandes épreuves? Dire aux gens qu’ils doivent satisfaire aux critères X, Y et Z avant d’avoir accès à de telles nécessités de la vie les place dans une situation insoutenable.
Je n’ai pas la réponse, et c’est précisément pourquoi nous devons mener une étude.