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Le Sénat

Motion tendant à constituer un comité spécial sur le racisme systémique--Ajournement du débat

22 juin 2020


L’honorable Frances Lankin [ - ]

Conformément au préavis donné le 16 juin 2020, propose :

Qu’un comité sénatorial spécial sur le racisme systémique soit constitué afin d’examiner le racisme systémique au Canada;

Que, sans toutefois limiter son mandat, le comité soit autorisé à :

1.examiner l’étendue et la portée du racisme envers les Autochtones et les Noirs ainsi que du racisme systémique dans les institutions et agences fédérales;

2.examiner le rôle que joue le gouvernement fédéral pour éliminer le racisme envers les Autochtones et les Noirs ainsi que le racisme systémique au sein des institutions et agences fédérales et dans la société canadienne en général;

3.identifier des priorités et formuler des recommandations relatives à l’intervention du gouvernement pour lutter contre le racisme envers les Autochtones et les Noirs et contre le racisme systémique;

Que le comité soit composé de 12 membres sélectionnés par le Comité de sélection, et que 5 membres constituent le quorum;

Que le comité soit autorisé à convoquer des personnes et à réclamer des documents et des dossiers, à entendre des témoins et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont l’impression s’impose;

Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel, et tenant compte des circonstances exceptionnelles découlant de la pandémie de la COVID-19, le comité soit autorisé à se réunir par vidéoconférence ou téléconférence, s’il est techniquement possible de le faire, aux fins :

1.de l’étude autorisée par cet ordre;

2.d’une séance d’organisation en vertu de l’article 12-13 du Règlement;

3.d’élire un président ou un vice-président si l’un de ces postes devient vacant;

Que les sénateurs et témoins soient autorisés à assister par vidéoconférence ou téléconférence aux réunions du comité, que de telles réunions soient, à toute fin, considérées comme des réunions dudit comité, et que les sénateurs participant à de telles réunions soient, à toute fin, réputés présents;

Que, pour plus de certitude et sans limiter l’autorité attribuée par cet ordre, lorsque le comité se réunit par vidéoconférence ou téléconférence :

1.les membres du comité y participant soient pris en compte pour déterminer le quorum;

2.la priorité soit accordée afin d’assurer que les membres du comité soient en mesure de participer;

3.de telles réunions soient réputées se tenir dans la Cité parlementaire, peu importe l’endroit où les participants se trouvent;

4.le comité prenne toutes les précautions nécessaires en ce qui a trait aux réunions à huis clos, compte tenu des risques inhérents à de telles technologies;

Que, lorsque le comité se réunit par vidéoconférence ou téléconférence, les dispositions de l’article 14-7(2) du Règlement s’appliquent afin d’en autoriser l’enregistrement et la diffusion par tout moyen déterminé par le greffier du Sénat, et que si une réunion enregistrée ou diffusée ne peut pas être diffusée en direct, le comité soit réputé avoir tenu une réunion publique en publiant tout enregistrement dès que possible;

Qu’un préavis d’au moins 72 heures soit donné pour toute réunion du comité tenue par vidéoconférence ou téléconférence, s’il est techniquement possible de le faire;

Que le comité soit autorisé à faire rapport de façon ponctuelle, à soumettre un rapport provisoire détaillé au plus tard six mois après la tenue de la séance d’organisation du comité, et à soumettre son rapport final au plus tard six mois après le dépôt ou la présentation du rapport provisoire détaillé;

Que le comité soit autorisé à déposer ses rapports auprès du greffier du Sénat si le Sénat ne siège pas, et que les rapports soient alors réputés avoir été déposés ou présentés au Sénat;

Que le comité détienne l’autorité nécessaire pour publier ses conclusions 60 jours après avoir déposé ou présenté son rapport final.

— Honorables sénateurs, je tiens à remercier la sénatrice McPhedran, qui a renoncé à s’exprimer sur une motion présentée plus tôt pour que nous ayons le temps de débattre de cette motion. Je lui en suis très reconnaissante.

Alors que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire non cédé des Algonquins, c’est un honneur pour moi de proposer la présente motion tendant à constituer un comité spécial chargé d’examiner les mesures limitées prises au fil des ans pour combattre le racisme à l’égard des Noirs et des Autochtones, ainsi que le racisme systémique contre les personnes racialisées. Je remercie sincèrement les membres du groupe de travail des sénateurs africains de tout le travail qu’ils ont fait, avec l’apport de certains sénateurs autochtones, afin de nous permettre de discuter de ces enjeux capitaux à ce moment crucial de notre vie collective.

La sénatrice Moodie a demandé et obtenu la tenue d’un débat d’urgence, la sénatrice Mégie a proposé que le Sénat se forme en comité plénier et la sénatrice Bernard a présenté, au nom du groupe, cette initiative tendant à constituer un comité spécial. Le débat d’urgence de jeudi dernier nous a permis de débattre des tragédies qui se produisent et de discuter du rôle que cette assemblée peut et doit jouer pour y trouver des solutions possibles.

Le comité plénier, qui se tiendra jeudi, si j’ai bien compris, donne l’occasion aux sénateurs de poser des questions aux ministres sur les mesures que le gouvernement a prises ou n’a pas prises, et au Sénat de jouer son rôle qui consiste à exiger du gouvernement qu’il rende des comptes.

La troisième initiative, cette motion concernant la création d’un comité spécial, vise le moyen et le long termes. Elle est conçue pour permettre d’examiner pourquoi, après tous les rapports et innombrables recommandations, un si grand nombre de recommandations n’ont pas été mises en œuvre. Le débat sur cette motion s’étendra sur une période beaucoup plus longue et permettra, espérons-le, à nettement plus de sénateurs de participer que lors des dernières séances restreintes liées à la COVID.

Lorsque la sénatrice Bernard m’a demandé de présenter la motion, j’ai hésité, non pas parce que je ne veux pas participer à ce débat crucial, ni parce que je ne veux pas faire connaître mon point de vue. J’y tiens énormément. Mais je ne voulais pas donner l’impression que je m’appropriais de quelle manière que ce soit la direction de leur travail ou la voix de leurs communautés.

La sénatrice Bernard m’a assurée que des discussions avaient eu lieu et m’a demandé de présenter cette motion. La sénatrice Moodie m’a assurée de la même chose, tout comme le sénateur Woo. Je suis donc vraiment honorée de m’exécuter aujourd’hui.

Il ne fait aucun doute que le racisme à l’égard des Autochtones existe. Il ne fait aucun doute que le racisme à l’égard des Noirs existe. Il ne fait aucun doute que le racisme à l’égard des personnes racialisées — les Asiatiques, les musulmans et d’autres — existe. Il ne fait absolument aucun doute qu’il existe un racisme systémique au sein de nos institutions gouvernementales, de notre système de justice pénale, de notre système de soins de santé, de notre système d’éducation, dans le secteur du logement et j’en passe.

J’ai envoyé à tous les sénateurs un courriel contenant un document préparé par notre bureau qui énumère bon nombre des rapports publiés au Canada au cours des dernières décennies au sujet du racisme à l’égard des Autochtones, du racisme à l’égard des Noirs et du racisme systémique. Il ne s’agit là que de quelques-unes des études réalisées au fil des ans depuis la Confédération.

Je n’ai pas le temps d’énumérer toutes ces études afin qu’elles paraissent au compte-rendu, mais, comme je l’ai dit, je vous ai envoyé un courriel en contenant la liste à titre de référence. Je vais me contenter d’énumérer les dates de publication de ces nombreux rapports au cours des dernières décennies seulement afin que les gens qui nous écoutent comprennent à quel point elles ont été nombreuses.

Premièrement, en ce qui concerne le racisme à l’égard des Autochtones, il y a eu deux rapports en 1996, puis d’autres rapports en 2001, en 2004, en 2006, en 2009, en 2010, en 2012, en 2014 et en 2015. Il y a ensuite eu deux rapports en 2017, puis deux autres rapports en 2019.

Dans la seule province de l’Ontario, que je représente, des rapports portant sur le profilage racial ont été publiés en 1975, 1976, 1977, 1979, 1980, 1985 et 1989. En 1992, il y a eu cinq études différentes à ce sujet. En 1995, il y en a eu deux. Il y en a eu ensuite une en 2002 et deux en 2003.

Pour ce qui est des rapports portant spécifiquement sur le racisme envers les Noirs, il y en a eu deux en 2016, quatre en 2017, un en 2018, deux en 2019 et deux en 2020.

En ce qui concerne le racisme en général et le racisme systémique en particulier, de très nombreux rapports ont été publiés au fil des ans. Je n’en soulignerai que quelques-uns qui concernent la Cité parlementaire et les gens qui y ont été associés. En 2009, un comité permanent du Sénat a publié un rapport intitulé Pauvreté, logement, itinérance : Les trois fronts de la lutte contre l’exclusion. En 2018, le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes a publié un rapport intitulé Agir contre le racisme systémique et la discrimination religieuse, y compris l’islamophobie. Et cette année-ci, en 2020, le sénateur Vernon White, le sénateur Percy Downe et moi-même avons eu l’occasion de participer à la rédaction du rapport du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement pour 2019, qui a été déposé cette année à la Chambre des communes et au Sénat. L’un des chapitres est une étude de base de la diversité et de l’inclusion — les chiffres, les statistiques, les indicateurs et les programmes — dans l’appareil de la sécurité et du renseignement, soit les Forces armées canadiennes, la GRC et l’Agence des services frontaliers du Canada, pour ne nommer que ceux-là. L’étude est digne de mention parce qu’elle révèle certains problèmes de cohérence dans la collecte de données et la surveillance ainsi qu’au sein de tous les organismes.

Je vous recommande de lire l’étude. C’est la première fois que l’on mène une étude de base de ce genre sur ces organismes de sécurité et de renseignement précis. Nous savons que beaucoup de ces organismes ont eu des problèmes, notamment des poursuites judiciaires, y compris des cas notables. Je vous recommande derechef de lire l’étude.

L’objet de la motion n’est pas de déterminer une fois de plus si le racisme existe. Il existe, c’est indéniable. L’objet de la motion est de créer un comité qui peut examiner la multitude de rapports et de recommandations sur la question afin de cerner les raisons qui expliquent que l’on n’y ait souvent jamais donné suite. Quel est le problème? Quels sont les obstacles?

Le comité a pour objet de miser sur les voix qui réclament des changements immédiats et de raviver la flamme de l’action. Les gens en ont vraiment assez de la passivité. Nous faisons partie du Parlement du Canada, et il est de notre devoir d’inciter les plus hauts dirigeants du pays à agir et d’insister pour qu’ils le fassent.

La mise sur pied de ce comité est l’occasion de créer une voix unie au Sénat, en solidarité avec les Autochtones, les Noirs et les personnes racialisées qui réclament un changement réel dès maintenant.

Comme nous a prévenus notre collègue la sénatrice McCallum, il faut éviter d’associer les problèmes à l’origine du racisme avec différents groupes de personnes. Il faut comprendre les expériences qu’ils ont en commun, ainsi que les différences entre eux. Le comité devra éplucher une multitude de rapports et des centaines de recommandations pour ensuite nous demander à tous de rendre des comptes.

Tout comme vous, j’ai été témoin du traitement horrible et de la mort violente de Canadiens et d’Américains noirs, autochtones et musulmans. J’ai aussi beaucoup réfléchi aux personnes qui ont fait partie de ma vie. J’ai pensé à Dudley Laws, qui a présidé le Black Action Defense Committee. Il s’est fait connaître lorsqu’il a demandé à la police de rendre des comptes pour un certain nombre de fusillades mettant en cause de jeunes hommes noirs à Toronto dans les années 1980. Dudley est décédé des suites d’un cancer en 2011, mais ses mots et ses gestes sont toujours profondément gravés dans ma tête et mon cœur.

Je pense à Juanita Westmoreland-Traoré, la première femme noire au poste de doyenne de la faculté de droit dans une université canadienne, en 1996, et, plus tard, la première femme noire à être nommée à la Cour du Québec, en 1999. Auparavant, au début des années 1990, elle est devenue commissaire à l’équité en matière d’emploi pour la province de l’Ontario, lorsque le poste a été créé. Elle sait dire les choses aux personnes qui ont le pouvoir et nous a aidés à mettre sur pied le Secrétariat de lutte contre le racisme et à prendre des mesures pour finalement voir tous ses efforts anéantis avec le changement de gouvernement; la Loi sur l’équité en matière d’emploi abrogée; et le Secrétariat de lutte contre le racisme démantelé.

Je pense au Fonds Action jeunesse, un partenariat d’une valeur de plus de 50 millions de dollars entre le gouvernement de l’Ontario et Centraide Metro Toronto visant à donner aux quartiers de Toronto disposant de peu de services des ressources destinées aux programmes pour les jeunes Noirs après l’été du pistolet, en 2005. Je pense au secrétariat qui soutenait le Fonds Action jeunesse, dont l’effectif était composé de leaders de la communauté noire et de jeunes Noirs. Nous avions recruté « Pinball » Clemons à la présidence du conseil d’administration. Ils ont tous travaillé très fort pour essayer de donner un avenir différent à de nombreux jeunes Noirs. Il y avait tant d’espoir.

Je songe également à ma belle-fille, Lily Couchie, membre de la Première Nation anishinabe de Nipissing, qui se trouve près de chez moi. Lily travaille au North Bay Indigenous Friendship Centre, où elle gère des programmes et apporte son soutien aux personnes âgées autochtones du Nord de notre province. Chaque jour, elle rencontre des personnes qui souffrent du douloureux héritage des pensionnats, ainsi que de la perte horriblement préjudiciable de leur culture, de leur langue, de leur famille et de leurs terres. Je pense à l’expérience quotidienne du racisme qu’elle a vécue en grandissant. J’espère désespérément que ce sera différent pour mon arrière-petite-fille autochtone, et je présume que ce sera le cas. Pourquoi? Parce qu’elle a la peau claire et les cheveux blonds.

À moins que nous adoptions les changements qui s’imposent de toute urgence, la situation ne sera malheureusement pas différente pour ses cousins. Je pense à Rose Désilets, qui fait partie de notre équipe du bureau au Sénat. Son père venait de la Première Nation de Dokis, qui se trouve aussi à proximité du village où je vis. D’ailleurs, mon village porte le nom de famille du père de Rose, soit Restoule. Sa mère venait de la Première Nation de Mattagami, près de Gogama. À sa naissance à l’hôpital, Rose a été arrachée des bras de sa mère par les services de l’aide à l’enfance. Elle est une enfant de la rafle des années 1960. Elle a grandi dans une famille d’accueil aimante, puis elle a été adoptée par celle-ci, ce qui ne l’a pas protégée des longs tentacules insidieux de la discrimination. Alors que Rose avait environ cinq ans, sa mère adoptive l’a vue frotter sa peau avec une gomme à effacer après l’école. En pleurs, elle a demandé à sa mère de prendre un bain. Elle a voulu savoir pourquoi. Rose, submergée par la douleur d’une enfant qui ne connaît pas encore la signification du mot racisme, lui a répondu : « Les enfants à l’école disent que je suis sale, maman. »

Ce n’est qu’à l’adolescence qu’elle a appris qu’elle était autochtone. Ce n’est qu’à la fin de l’adolescence et au début de la vingtaine qu’elle a découvert la culture et les coutumes de ses ancêtres alors qu’elle travaillait au Centre d’amitié autochtone de Val-D’Or. De précieux moments, de nombreuses traditions et tout l’amour d’une famille lui ont été arrachés, comme pour beaucoup d’autres.

J’ai pensé à beaucoup d’autres personnes, j’ai aussi pensé à toutes les occasions qui se sont présentées au fil des ans pour apporter les changements nécessaires afin d’éliminer le fléau du racisme. J’ai réfléchi à la façon dont nous, les blancs, — et je me pointe du doigt — avons laissé tomber nos frères et sœurs de couleur. Dans ces dernières années de ma vie professionnelle, je réfléchis à la manière dont je vais me servir des privilèges relatifs qui ont façonné ma vie — en raison de la couleur de ma peau — pour trouver des solutions. Je pense à la façon dont je peux et je vais suivre l’exemple de mes collègues autochtones, noirs, asiatiques et musulmans au Sénat du Canada, ainsi que les voix de tant de manifestants unis dans les rues du Canada, des États-Unis et du monde entier. Je suis une alliée et je m’engage envers ces collègues et les jeunes qui luttent pour bâtir un avenir différent à suivre votre leadership, à me tenir à vos côtés et à élever ma voix avec la vôtre.

Je pense à une autre personne, un jeune homme que j’ai rencontré à Toronto lorsque j’étais à Centraide. Il s’appelait Junior. Enfant, il a fui une région du Congo déchirée par la guerre après avoir été témoin du massacre de sa famille. Lorsque je l’ai rencontré, il m’a dit qu’il était incroyablement heureux et reconnaissant d’être au Canada, d’être Canadien, d’avoir en grande partie grandi ici et de pouvoir rêver à son avenir. Son père lui avait toujours dit de rêver grand, car les petits rêves n’ont rien de magique.

Honorables sénateurs, pouvons-nous, ensemble, déployer tous les efforts, utiliser tous les outils dont nous disposons, y compris le comité, saisir toutes les occasions qui s’offrent à nous pour contribuer aux grands rêves dont nous parlent aujourd’hui des centaines de milliers de jeunes du monde entier? Je pense que nous leur devons au moins cela. Je vous remercie beaucoup.

Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour vous faire part de mon soutien à la motion qui vise à créer un comité spécial sur le racisme systémique. Je remercie, du fond du cœur, la sénatrice Bernard de nous avoir encouragés à mettre en œuvre cette initiative essentielle, et la sénatrice Lankin de l’avoir présentée en son nom. Je remercie tous mes collègues qui se sont exprimés sur le racisme au cours de la dernière semaine. Vos propos m’ont profondément touchée et vous m’avez inspirée à prendre la parole ce soir.

Lorsque nous sommes vulnérables, quand nous parlons de notre expérience, cela nous permet d’accomplir de grandes choses ensemble. Chaque parcours de vie, chaque histoire m’a ouvert les yeux. Toutefois, au fur et à mesure que j’entendais vos paroles, je ressentais aussi de la frustration. Le débat était important et éducatif, mais je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut des gestes concrets. Ce comité spécial sera un pas dans la bonne direction.

Il n’y a aucun doute que le racisme systémique existe au Canada, dans notre économie, dans nos centres de détention, dans notre système de santé, dans nos écoles et dans nos institutions d’enseignement. Nous le savons tous, mais pourquoi en sommes-nous encore là?

Comme cela s’est produit de trop nombreuses fois, les problèmes ont été mis en évidence. Nous sommes encore une fois très mal à l’aise par rapport à ce que nous voyons. Cependant, nous avons besoin de ressentir ce malaise. En tant que Canadienne à la peau blanche, je dois avouer que je ne me sens pas totalement à l’aise de prendre la parole aujourd’hui. Comme nombre d’entre vous qui n’ont jamais eu à se préoccuper de la couleur de leur peau, je me demande quelle pourrait être ma contribution à la discussion que nous devons avoir et aux actions qui doivent être prises à l’échelle nationale.

Je ne peux pas comprendre la souffrance des Canadiens racialisés. Dans ma vie, j’ai eu un aperçu de ce que c’est que d’être invisible, d’être prise pour cible. Je comprends ce que c’est que d’être discriminée en raison de mon sexe, mais de ma race? Non. Je n’ai aucune idée de ce que cela peut faire, au plus profond de soi.

La première fois que j’ai entendu parler des privilèges des Blancs, je me suis sentie mal à l’aise moi aussi. J’ai eu du mal à accepter que, du seul fait de ma race, j’avais des avantages que d’autres n’avaient pas et que je n’en avais jamais pris conscience.

Vous savez comme moi le nombre d’heures que nous avons dû mettre pour être là où nous en sommes. Nous avons fait des sacrifices. Nous avons tous surmonté des obstacles, et certains d’entre nous ont même vécu de véritables tragédies.

C’est difficile d’entendre parler des privilèges des Blancs. C’est difficile d’être ainsi classée en fonction de ma race, d’être identifiée comme une Blanche, parce que, pour tout vous dire, je n’en ai pas l’habitude. Or, c’est justement là que résident une bonne partie de nos privilèges : dans le fait d’ignorer complètement ce que cela fait d’être perçus comme des personnes racialisées et d’avoir à porter le fardeau qui vient avec cette catégorisation.

C’est ce constat — les privilèges des Blancs existent et il faut l’accepter — qui rend la conversation aussi importante. Voilà pourquoi la discussion doit se poursuivre et pourquoi elle doit demeurer ouverte et franche.

J’ai aussi eu du mal à accepter que, du seul fait de ma race, de mon apparence, j’ai inconsciemment alimenté un système qui est intrinsèquement désavantageux pour certains de mes amis et collègues.

C’était encore plus difficile à accepter en tant qu’ancienne surintendante de l’éducation, un rôle dans lequel j’ai fait de mon mieux pour mettre en œuvre des politiques destinées à combattre les préjugés raciaux conscients et inconscients. Nous avons engagé des agents d’équité et d’inclusion pour défendre les droits et les besoins des élèves noirs, autochtones et asiatiques. Nous avons collaboré avec des auteurs et des maisons d’édition pour faire en sorte que ces questions soient incluses dans le matériel pédagogique offert à nos jeunes élèves. Nous avons collaboré étroitement avec les services communautaires à tous les échelons pour servir les étudiants au meilleur de nos capacités.

Cependant, bien que ces approches et d’autres encore soient nécessaires et utiles, il est maintenant clair pour moi que nous ne faisions que traiter les symptômes d’un système sous-jacent qui était défectueux et qui l’est encore.

On m’a traitée de raciste. Ce fut une expérience à la fois profondément troublante et incroyablement révélatrice.

C’est arrivé après que j’eus travaillé plusieurs années auprès d’élèves du secondaire, de leurs familles et de partenaires communautaires. Je dirigeais des cercles de justice réparatrice pour traiter de conflits, de racisme, de drogues et d’incidents violents. Je croyais avoir presque tout vu.

Je suis devenue directrice d’école primaire et, le premier mois, après avoir été témoin d’une bataille entre des garçons de troisième année qui avait causé des blessures, j’ai rencontré leurs parents. Lors de la rencontre avec le troisième élève et son père, avant même que je puisse entamer la conversation, le père a pris son fils dans ses bras, il m’a regardée droit dans les yeux et il a dit : « Il n’y a pas eu de bataille. Vous êtes raciste. » Il est parti, avec son fils.

Ce fut un moment troublant pour moi et une véritable révélation. Je me disais : « Je ne suis pas raciste. Pas moi. » Au fil du temps, j’ai appris à connaître cette famille, et je me suis rendu compte qu’ils étaient exaspérés d’avoir à composer, jour après jour, avec divers degrés de racisme systémique.

À titre de directrice de l’école, je représentais ce système. Pendant longtemps, j’étais restée à l’affût de gestes ouvertement racistes, mais il s’agissait en fait de problèmes beaucoup plus profonds, comme c’est encore le cas aujourd’hui. Ne pas être raciste n’est pas suffisant si on souhaite être un allié et lutter contre le racisme systémique.

Si nous sommes conscients de ces réalités, si nous savons que les dés sont pipés et pénalisent un large éventail de Canadiens, mais que nous continuons simplement notre travail sans tenter de changer les choses, nous contribuons à maintenir ce système en place.

L’expérience que j’ai racontée fait partie de toutes ces expériences qui ont façonné mon histoire. Elles m’ont beaucoup appris, par exemple l’importance de l’empathie, l’art d’écouter pour progresser vers un terrain d’entente, et la nécessité d’aller rencontrer les gens là où ils sont, ce qui est essentiel.

En effet, mon travail et mes consultations auprès des populations autochtones m’ont appris que, pour bien les soutenir et les comprendre, il faut aller dans leurs communautés, sur leurs terres et dans leurs maisons, là où il est possible de découvrir leur vie et leurs traditions. Il faut le faire avant de tenter d’améliorer les changements envisagés. Le comité spécial proposé pourrait faciliter notre travail en ce sens.

Honorables collègues, j’admets que, à mon arrivée dans cette enceinte, j’avais de grands objectifs : contribuer à faire du Canada un meilleur pays où les gens sont plus en santé, plus optimistes et plus proches.

Pour ce faire, nous devons faire face à une réalité : le Canada a un urgent problème de racisme. Nous devons déployer les efforts nécessaires pour commencer à démanteler un système qui désavantage fortement les Canadiens racialisés. Évidemment, cela n’arrivera pas du jour au lendemain. Il faudra constamment veiller à maintenir les progrès réalisés dans le cadre de ce projet.

Cependant, on ne peut pas attendre une génération de plus. On ne peut tout simplement pas attendre. Nous devons commencer le travail dès maintenant, saisir cette occasion, poursuivre sur cette lancée et proposer des réformes qui ne tomberont pas à l’eau dès que la société sera distraite par un autre événement ou par quoi que ce soit d’autre.

Nous devons tenter de changer des structures fondamentales et voir si certaines mesures, comme la mise en place d’un revenu de base universel, peut, dans une certaine mesure, contribuer à équilibrer les choses, même de façon modeste.

Parmi les solutions possibles pour apporter du changement, nous devons envisager de revoir les peines minimales obligatoires ou de réformer le Code criminel.

Le Sénat doit tenir compte du travail de certains groupes, comme le Caucus des parlementaires noirs et le groupe de travail des sénateurs autochtones. Nous devons mettre sur pied ce comité spécial pour promouvoir le dialogue et l’action.

Le pire qui pourrait arriver si nous baissons la garde ne serait-ce qu’un instant ou une journée, c’est que nous retrouvions à une date ultérieure à répéter les mêmes lieux communs et les mêmes discours au Sénat lorsqu’une nouvelle tragédie aura mis en lumière le racisme systémique qui a cours au Canada. C’est l’occasion pour nous de jeter les bases de notre travail à long terme.

Face à ce que plusieurs d’entre vous ont affirmé au cours des derniers jours, j’ai bon espoir que le pire scénario ne se réalisera pas. Je suis impatiente de faire tout en mon pouvoir pour que le travail soit accompli, le travail commun qui nous incombe pour contribuer à la mise en œuvre des changements requis. Merci, meegwetch.

L’honorable Kim Pate [ - ]

Honorables sénateurs, j’interviens en faveur de la motion no 54, présentée par la sénatrice Bernard et la sénatrice Lankin, avec l’appui de nos collègues noirs et autochtones, d’autres membres de minorités visibles au Sénat et à l’autre endroit, qui propose la création d’un comité sénatorial spécial chargé d’examiner le racisme systémique au Canada.

Ces dernières semaines, tandis que des foules sont descendues dans la rue, risquant ainsi leur santé et leur bien-être, pour réclamer du changement, et tandis que les inégalités entre les races en matière de santé et de situation économique mises en lumière par la COVID-19 mettent en péril la survie de trop de gens, nous nous sommes réunis dans cette enceinte afin de nous engager à prendre des mesures concrètes afin de contribuer à la création d’un Canada antiraciste.

Comme l’ont très clairement expliqué les sénatrices Bernard et Lankin, les membres du Caucus des parlementaires noirs et un grand nombre d’entre vous, nous n’avons pas besoin d’autres recommandations qui resteront lettre morte dans le hansard du Sénat tandis que les injustices perdurent. Comme l’a souligné la sénatrice Lankin, nous pouvons compter sur d’innombrables rapports d’études, de commissions, d’enquêtes et sur des recommandations formulées par d’éminents spécialistes, des penseurs formidables et d’inspirants chefs de file qui dénoncent le racisme systémique et nous invitent à faire mieux.

Comme nous l’a rappelé si éloquemment le sénateur Francis cette semaine, nous devons être des alliés. Pour ce faire, nous devons faire l’effort d’apprendre, de comprendre et de passer à l’action, peu importe à quel point la tâche nous met mal à l’aise et nous paraît colossale, car, désormais, l’inaction n’est plus une option.

Ce comité spécial aura la tâche difficile, mais vraiment nécessaire de mettre à profit l’ensemble des connaissances dont nous disposons déjà en élaborant un plan pour la mise en œuvre des mesures du gouvernement fédéral qui n’ont que trop tardé et pour la supervision permanente de ce travail de mise en œuvre par le Sénat. Il s’agit, en bref, d’ouvrir la voie pour que les sénateurs travaillent ensemble à l’égalité.

Par où commencer?

Pensons, par exemple, à la mise en œuvre de l’appel à l’action visant à réduire le nombre de détenus de la Commission de vérité et réconciliation? Nous devons mettre un terme à l’incarcération massive des groupes racialisés, une des nombreuses formes occultes de l’héritage actuel du colonialisme et des politiques racistes au Canada. La déclaration de la semaine dernière du Caucus des parlementaires noirs nous invite également à nous pencher sur la surreprésentation des populations noires et autochtones dans les prisons.

Entre 1980 et 2020, la proportion de détenus autochtones dans les prisons fédérales est passée de 10 à 30 %. Il faut impérativement prendre des mesures significatives.

Nous pourrions réduire la proportion de personnes racialisées dans les prisons fédérales de 5 % par an. Cela signifierait que nous libérerions, chaque année, au moins 15 femmes autochtones, 177 hommes autochtones et 63 prisonniers noirs. Une telle mesure, selon des estimations prudentes, permettrait d’économiser environ 10 millions de dollars par an. Ce sont 10 millions de dollars que l’on pourrait investir dans la santé, notamment la santé mentale, les services prenant en compte les traumatismes et les services de traitement de la dépendance, le logement, l’éducation et d’autres aides essentielles pour les personnes libérées ainsi que pour de nombreux autres membres de la collectivité, en particulier les plus marginalisés.

Honorables sénateurs, les prisonniers sont parmi les victimes les plus vulnérables de cette crise. Même si la communauté internationale réclame que des mesures visant à dépeupler les prisons soient prises, et que des professionnels de la santé du milieu carcéral recommandent de libérer le plus de gens possible des prisons, le gouvernement a omis de suivre ces conseils, et Service correctionnel Canada a décrété un isolement au sein des prisons, imposant à la majorité des détenus des conditions d’isolement et de confinement qui vont à l’encontre du droit canadien et du droit international.

L’an dernier à pareille date, nous nous étions réunis pour décider si nous acceptions le rejet par le gouvernement de nos amendements au projet de loi C-83 concernant l’isolement. Les amendements proposés par le Sénat auraient créé d’importants mécanismes de surveillance et de reddition de comptes, en plus de favoriser le recours aux options de libération visant à réduire le nombre de détenus autochtones et noirs ainsi que le nombre de détenus ayant des problèmes de santé mentale. Maintenant plus que jamais, nous devons éviter de répéter les erreurs du passé.

Conformément aux objectifs de développement durable de l’ONU et aux déterminants sociaux de la santé, nous devons renverser et éliminer les tendances qui donnent lieu à cette honte nationale : notre racisme, nos services de santé inadéquats, notre insuffisance de logements abordables et les abus de pouvoir croissants et perturbateurs par l’État, les forces de l’ordre ou ceux qui, autrement, contrôlent la vie des personnes les plus marginalisées, depuis les services sociaux jusqu’aux services de protection de l’enfance en passant par les fournisseurs de soins de santé, les policiers et les autorités carcérales. Ces problèmes nous appartiennent tous. Pourtant, la plupart d’entre nous ici présents n’ont pas à subir les conséquences de notre inaction collective.

La Commission de vérité et réconciliation a demandé au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel pour permettre aux juges de première instance de s’éloigner des peines minimales obligatoires et des restrictions sur le recours aux peines avec sursis. Cet appel a été repris par l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et répété par le Caucus des parlementaires noirs la semaine dernière.

Une étude menée par le ministère de la Justice en 2018 et le rapport final du groupe d’experts chargé d’examiner la réforme de la détermination de la peine recommandent que le ministre de la Justice procède à de vastes réformes de la détermination de la peine, telles que le genre d’exception prévue dans le projet de loi S-208. La Cour suprême a également recommandé que de telles mesures soient prises à la lumière du nombre croissant de peines minimales obligatoires jugées inconstitutionnelles.

En raison des peines minimales obligatoires, les juges ne peuvent pas prendre en compte les circonstances d’un crime. Il en résulte une augmentation du nombre des personnes parmi les plus marginalisées dans les prisons, sans qu’on tienne compte des effets du racisme, du sexisme, de la pauvreté, des traumatismes intergénérationnels et des mauvais traitements dans les circonstances qui ont mené au comportement ou au tort causé. Les peines minimales obligatoires font fi du rôle que les préjugés systémiques et historiques ont joué dans l’incarcération massive d’Autochtones et de Noirs.

Honorables collègues, le projet de loi S-208 permettrait aux juges de tenir compte de telles circonstances au moment de déterminer la peine. J’ai hâte de travailler avec vous tous pour que ce projet de loi soit adopté.

Un autre appel à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées demandait au gouvernement fédéral d’examiner et de réformer les lois portant sur la violence sexuelle et sur la violence de la part d’un partenaire intime en tenant compte des perspectives féministes et de celles des femmes, des filles et des personnes 2ELGBTQQIA autochtones.

En 2018, le gouvernement fédéral n’a pas répondu à cet appel lorsqu’il a rejeté les amendements du Sénat au projet de loi C-51. Ces modifications visaient à protéger les victimes d’agression sexuelle contre les décisions prises par des juges qui ne comprennent pas bien la capacité de consentir, comme c’est souvent le cas. De tels amendements auraient beaucoup fait progresser cet enjeu. Le gouvernement s’est engagé à en faire davantage. Le temps est venu pour lui d’adopter les modifications demandées par les groupes de défense des femmes et les survivantes de la violence misogyne.

L’enquête sur les femmes et les filles autochtones assassinées ou portées disparues a également fait état de graves lacunes mises en lumière par l’actuelle pandémie quant au filet de sécurité socioéconomique et à la couverture du système de santé au pays. Son rapport réclame l’établissement d’un revenu de subsistance annuel garanti. Une telle initiative pourrait être une composante d’une stratégie globale visant à répondre à beaucoup des problèmes mis en évidence dans le rapport.

Honorables sénateurs, le revenu de subsistance garanti pourrait également contribuer à répondre à un des appels à l’action présentés par le Caucus des parlementaires noirs au sujet des mesures économiques pour aider les entreprises qui sont la propriété de Canadiens noirs. Le revenu de subsistance garanti contribuerait à donner aux gens les ressources et le filet de sécurité dont ils ont besoin pour innover et se lancer en affaires. Il faut aussi des ressources pour ceux qui peinent à arriver parce qu’ils n’ont pas accès à un emploi rémunéré, ainsi que pour les personnes qui occupent un emploi précaire.

Nous devons aussi tenir compte des appels lancés par les organisateurs du mouvement Black Lives Matter, qui demandent qu’on mette fin à l’exclusion et à la détention des migrants et des réfugiés fondées sur le racisme et les sentiments anti-Noirs, anti-réfugiés et islamophobes, qu’on démilitarise la police et qu’on affecte des ressources aux initiatives communautaires de soutien socioéconomique en santé et en éducation axées sur les communautés et dirigées par celles-ci et qu’on offre un soutien en immigration et plus de sécurité aux travailleurs migrants.

Honorables collègues, nous devons faire notre examen de conscience et mettre fin au racisme et au sexisme latents qui ont cours au Sénat. Depuis trop longtemps, le Sénat contribue à l’adoption de projets de loi qui ont un effet néfaste sur la vie des Autochtones et des Noirs au Canada.

Nous avons le devoir de rendre justice aux Canadiens et l’obligation d’adopter une approche féministe et critique à l’égard du racisme lorsque vient le moment d’étudier et de créer des mesures législatives. Nous devons assumer les responsabilités auxquelles nous avons manqué par le passé et nous devons nous engager à ne plus adopter de projets de loi qui risquent d’avoir des conséquences négatives démesurées pour la santé, la sécurité et le bien-être des Noirs et des peuples autochtones.

Par exemple, nous pourrions adopter le projet de loi S-214 afin de remédier aux lacunes du projet de loi C-93 et d’éliminer les obstacles associés au fait d’avoir des antécédents criminels liés au cannabis, un problème qui touche les Noirs et les peuples autochtones de façon disproportionnée. Par ailleurs, nous pourrions insister pour mettre en place le cadre de financement juridiquement contraignant qui faisait défaut lorsque nous avons adopté le projet de loi C-92. Un tel cadre aurait pu assurer un financement adéquat des services aux enfants et aux familles autochtones. Nous devons aussi adopter la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Cette Chambre a adopté un trop grand nombre de projets de loi qui renforcent le racisme et le sexisme. Maintenant, en plus de nous pencher sur les problèmes qui touchent les Noirs et les peuples autochtones, nous devons montrer que nous avons appris quelque chose en nous efforçant de créer et d’adopter des mesures législatives qui montrent que nous avons été à l’écoute.

Par ailleurs, le Caucus des parlementaires noirs parle de la nécessité de transformer la fonction publique. Je suis tout à fait d’accord, et je pense que nous devons également transformer le Parlement, y compris le personnel de cette enceinte et de l’autre endroit.

Le vendredi 19 juin, Fregine Sheehy, ancienne stagiaire parlementaire qui travaille actuellement pour notre bureau, a remporté le Prix Hales-Hurley pour son article intitulé « Where are all the Racialized Staffers? », où elle se demande pourquoi il y a si peu d’employés racialisés. Dans le cadre de son travail au sein du Programme de stage parlementaire en 2018-2019, Mme Sheehy a cherché à comprendre pourquoi les personnes travaillant dans les bureaux d’Ottawa des députés d’arrière-ban semblaient être principalement blanches. Elle a découvert que même si ces personnes jouent un rôle déterminant dans la démocratie parlementaire du pays, il n’existe pratiquement aucune information sur la composition raciale du personnel, ni sur les politiques d’embauche que les députés doivent suivre dans leurs bureaux d’Ottawa, à part pour le fait qu’il y a très peu de politiques à cet égard.

Mme Sheehy soutient que le racisme systémique a des racines profondes sur la Colline du Parlement. Par conséquent, les personnes racialisées et autochtones peuvent avoir du mal à accéder à la Colline et pourraient ne pas s’y sentir bienvenues.

Si nous souhaitons éradiquer le racisme et le sexisme au Parlement, il faut absolument offrir une formation obligatoire contre le racisme et les préjugés inconscients aux députés, aux sénateurs et à tous ceux qui travaillent dans les deux Chambres ou à proximité de celles-ci. Il faut aussi absolument obtenir des données sur la race des personnes travaillant dans les bureaux des députés et des sénateurs. Sans de tels renseignements, comment pourrons-nous savoir officiellement qui contribue à façonner les politiques et les lois canadiennes?

Honorables collègues, alors que nous nous efforçons de moderniser notre institution, l’adoption de politiques et de pratiques antiracistes pourrait nous aider à nous acquitter de nos obligations envers l’ensemble des Canadiens.

Permettez-moi de citer une aînée gangalu, dont les paroles m’ont d’abord été transmises par une fière Canadienne d’origine chinoise qui a ensuite été placée en cellule d’isolement dans un pénitencier fédéral, et qui réside actuellement dans un établissement de soins de longue durée, car elle souffre de démence et de la maladie de Parkinson. C’est là un autre sujet de préoccupation mis en lumière durant la pandémie, mais je m’éloigne du sujet.

Lorsque je lui ai demandé ce que je pouvais faire et que je lui ai promis d’agir, elle a répondu « d’accord », puis elle a cité Lilla Watson, qui a dit ceci :

Si vous êtes venus pour m’aider, vous perdez votre temps. Mais si vous êtes ici parce que votre émancipation est liée à la mienne, alors travaillons ensemble.

Chers collègues, chacun d’entre nous a la responsabilité d’éradiquer le racisme. Finissons-en avec les promesses en l’air. Montrons notre engagement à l’aide d’actions concrètes.

Meegwetch. Merci.

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