Le décès de Son Altesse Royale le prince Philip, duc d'Édimbourg
Interpellation--Ajournement du débat
5 mai 2021
Conformément au préavis donné par la sénatrice Gagné le 20 avril 2021 :
Qu’elle attirera l’attention du Sénat sur la vie de feu Son Altesse Royale le prince Philip, duc d’Édimbourg.
— Honorables sénateurs, c’est avec honneur et le sourire aux lèvres que je prends la parole pour rendre hommage au prince Philip, duc d’Édimbourg, mari de la reine Elizabeth et personne ayant occupé le plus longtemps les fonctions de prince consort de toute l’histoire britannique. Si je cherche la lumière en cette période sombre, penser au duc d’Édimbourg me fait sourire.
Récemment, nous avons débattu de quelques sujets assez lourds au Sénat, alors je suis heureuse de célébrer une vie bien remplie aujourd’hui.
Au cours de ma carrière, j’ai eu la chance de rencontrer le prince Philip à quelques occasions. C’est en 1994 que je l’ai rencontré pour la première fois, et ce fut la rencontre la plus mémorable. Je peux vous dire précisément c’était à quel moment. Je l’ai rencontré à 15 h 55. J’étais à Victoria, en Colombie-Britannique, et c’était la première fois que j’étais entraîneuse lors des Jeux du Commonwealth. Ces jeux étaient dignes de mention parce que l’Afrique du Sud les avait récemment réintégrés pour marquer la fin de l’apartheid et que Hong Kong était sur le point de les quitter. Je vous raconte cela parce qu’il y avait plus de dignitaires politiques internationaux que d’habitude.
L’heure de la journée était importante parce qu’il m’incombait de soumettre la liste signée des joueurs de notre équipe pour la ronde des médailles de ces jeux. Internet et les courriels n’existaient pas encore, alors il fallait remettre la liste en main propre à un petit bureau des sports dans le village des athlètes avant 16 heures précises, sinon l’équipe était disqualifiée.
Comme je me précipitais pour les remettre à temps, je vis que la porte du bureau des sports était fermée avec une sorte de barricade. Un peu désespérée, j’ai cogné à la porte, peut-être avec un peu trop de vigueur et d’enthousiasme. Heureusement, quelqu’un m’a ouvert la porte et, en levant les yeux, j’ai vu qu’il s’agissait du duc, au travers des rayons aveuglants du soleil. Il se tenait debout, à quelques pas de moi, et avec un regard pétillant, il a dit : « Je crois que cette dame du Canada a besoin d’aide. » À ce moment, je ne savais pas que la reine, le duc et le prince Edward participaient à une tournée VIP des installations du village olympique. Je voyais devant moi une grande délégation nationale de dignitaires, tous très chics dans leurs beaux habits, contrairement à moi.
Instinctivement, j’ai eu le réflexe de me réfugier dans le coin. J’ai essayé de me ressaisir. J’ai pensé qu’il serait peut-être approprié de faire la révérence, car je cherchais un moyen de leur exprimer mon respect. En balayant la salle du regard, j’ai aperçu leur hôte, M. Robert Fergus, qui m’a reconnue heureusement. Avec un petit sourire en coin, il m’a présentée comme suit : « Mme Deacon voudrait peut-être vous parler de son expérience d’entraîneuse afin d’illustrer le rôle important de ce bureau et des bénévoles pour les Jeux du Commonwealth et les Jeux olympiques. »
J’étais un peu intimidée, mais j’ai réussi à décrire la complexité et les besoins de chaque sport, ainsi que l’importance des Jeux du Commonwealth et des nombreux bénévoles qui se dévouent pour qu’ils aient lieu. C’est alors que j’en ai appris davantage sur le grand intérêt qu’avait le duc pour le Canada, la forme physique qu’il entretenait grâce au sport, les courses d’attelage, le plein air et, sans contredit, le développement de nos jeunes.
J’ai aussi remarqué, à ce moment-là, que le duc d’Édimbourg adoptait une position particulière; il était toujours quelques pieds derrière la reine et avait souvent l’épaule gauche légèrement avancée et une jambe fléchie, peut-être pour pouvoir à la fois respecter l’espace dicté par le protocole et suivre attentivement ce qui se passait.
Nous nous sommes rencontrés de nouveau quelques jours plus tard dans un contexte plus formel, et nous avons continué notre conversation. Nous avons parlé de l’importance d’avoir enfin des athlètes paralympiques aux Jeux du Commonwealth et de la nécessité d’améliorer la diversité et l’égalité hommes-femmes dans le monde du sport. Des années ont passé depuis, mais l’une des choses que j’ai retenues de ces premières conversations, c’est que le leadership et le savoir ne se trouvent pas toujours dans la première rangée.
Les Jeux du Commonwealth et les Jeux olympiques m’ont plusieurs fois fourni l’occasion de poursuivre notre conversation. Quand les circonstances le permettaient, je m’organisais toujours, tout en respectant le protocole, pour qu’après avoir rencontré la reine, les jeunes athlètes sous ma responsabilité puissent aussi s’adresser directement au prince Philip. Il adorait discuter avec les jeunes. C’était pour lui l’occasion de décrire, avec force détails et une étincelle dans les yeux, son propre programme de mise en forme, qu’il a toujours affirmé avoir appris de l’Aviation royale canadienne des dizaines d’années plus tôt.
Ces moments de bonheur m’ont vite appris que le prince Philip accordait énormément d’importance au bien-être et à la bonne forme physique. Il ne manquait jamais une occasion d’en parler à chacune de ses visites au Canada.
Déjà en 1959, il a profité du discours qu’il devait prononcer lors de la première réunion de l’Association médicale canadienne, à l’hôtel Royal York de Toronto, pour inciter les Canadiens à prendre soin de leur corps et de leur santé mentale. Au grand désespoir de nombreux médecins dans la salle, il a décrit sans détour la santé des Canadiens et leur niveau d’activité physique et n’a pas hésité à affirmer que les deux pouvaient être grandement améliorés. Selon lui, quatre choses devaient permettre d’améliorer la situation : doter les écoles de programmes d’éducation physique en bonne et due forme; faire en sorte que tous les groupes d’âge et les couches de la société aient accès à des installations récréatives adéquates; étendre la portée du travail effectué par les organismes jeunesse afin notamment qu’ils s’adressent à d’autres groupes d’âge; créer un organisme chargé de faire la promotion des sports récréatifs auprès de la population.
C’était en 1959, mais encore aujourd’hui, ces objectifs demeurent aussi admirables que souhaitables.
Durant nos conversations, le prince Philip s’empressait souvent de faire part de sa passion et de son engagement à l’égard du Prix international du Duc d’Édimbourg. Il s’agit d’un programme que j’ai appris à bien connaître au cours de ma carrière d’enseignante. Dans ce programme, on met les étudiants au défi d’atteindre leurs objectifs dans quatre domaines : le service communautaire, les habiletés, la condition physique et le voyage d’aventure. J’ai toujours adoré entendre les étudiants employer le terme « voyage d’aventure », sachant à quel point ces mots étaient importants pour le duc d’Édimbourg.
Je me suis entretenue récemment avec une ancienne étudiante nommée Fiona, dont le voyage d’aventure fut un voyage à vélo de plusieurs jours avec sa mère dans la campagne ontarienne, en faisant du camping en cours de route — chose qu’elle n’aurait pas faite autrement. Fiona a particulièrement apprécié la souplesse du programme, qui permet aux participants de satisfaire leurs propres intérêts.
L’institut collégial Bluevale, à Kitchener, en Ontario, a intégré le Prix du Duc d’Édimbourg dans un programme scolaire intitulé Choisir d’être un leader. J’ai eu le privilège de rencontrer et d’écouter de nombreux étudiants du programme. Je suis impressionnée par leur passion et le fait qu’ils feront bouger les choses tout au long de leur vie. On peut viser l’un des trois niveaux du programme : bronze, argent ou or. L’honneur ultime était de réussir à atteindre le niveau or, ce qui donnait droit à une rencontre avec le prince Philip ou un autre membre de la famille royale.
Nous remercions le prince Philip de ses réalisations importantes, et nous n’oublierons jamais sa compassion, son dévouement envers sa famille et son sens de l’humour. Merci. Meegwetch.
Honorables sénateurs, j’ai l’honneur d’ajouter aujourd’hui ma voix à celles de tous mes collègues qui ont contribué aux nombreux hommages prononcés à l’endroit de Son Altesse Royale le prince Philip, duc d’Édimbourg, décédé le 9 avril dernier.
Il a fait preuve d’un dévouement et d’un sens du devoir tout à fait admirables. Le prince Philip est né à l’île de Corfou, sur la côte ouest de la Grèce. Comme il est le fils de la princesse Alice de Battenberg et du prince André de Grèce et du Danemark, il faisait partie de la royauté bien avant d’épouser la reine Elizabeth II, en 1947. Doué d’une grande intelligence, cet étudiant assidu qui maîtrisait trois langues — l’anglais, le français et l’allemand — a aussi été un cadet de la marine dévoué avant de devenir l’un des plus jeunes premiers lieutenants de l’histoire de la marine, à l’âge de 21 ans.
Afin de pouvoir épouser la princesse Elizabeth, il est devenu citoyen britannique naturalisé. Le prince Philip, qui a assumé ses fonctions royales avec honneur et respect, détenait plusieurs titres outre celui de duc d’Édimbourg. Il était en effet comte de Merioneth, baron de Greenwich, dans le comté de Londres, chevalier de l’Ordre de la jarretière, membre du Conseil privé et, jusqu’en 1999, membre de la Chambre des lords britannique, bien qu’il n’ait jamais siégé dans cette Chambre, par respect pour le principe de neutralité politique de la reine.
Ceux qui le connaissaient bien ont dit qu’il tolérait mal les imbéciles et qu’il avait parfois du mal à se mordre la langue. Toutefois, comme fondateur de nombreux prix et de plusieurs institutions, il célébrait avec joie et fierté les victoires et les réalisations du savoir. Au cours de sa vie royale, le prince Philip s’est impliqué dans plus de 700 organismes, soit comme mécène, soit comme président. Au moment de sa retraite en 2017, il avait plus de 22 000 événements officiels et plus de 5 500 discours à son actif.
Son mariage avec la reine Elizabeth, qui a duré 73 ans, demeure le plus long mariage royal de toute l’histoire. Son amour indéfectible et son dévouement envers sa reine témoignent de son amour et de son très grand sens du devoir. C’est tout à son honneur. Les pensées et les prières de tous les Canadiens accompagnent la famille royale et tout le peuple du Royaume-Uni.
Dans la maison de mes parents, dans une pièce consacrée aux photos, aux plaques honorifiques et aux prix du mérite que mon père a accumulés au cours de sa vie professionnelle et pour reconnaître son dévouement communautaire, il y a une photo dont mon père était particulièrement fier. Imaginez une scène d’automne illuminée par un soleil brillant, en pleine nature boisée, sur un sentier recouvert de feuilles mortes. Au milieu de la scène figure un groupe de personnes, quelques-unes bordant le sentier et admirant les passants. À la tête du groupe se trouve Son Altesse Royale le prince Philip, accompagné de sir John Daniel, alors recteur de l’Université Laurentienne, et de mon père, alors président du Conseil des gouverneurs de l’université.
Quelle était l’occasion, vous vous demandez? C’était en 1984, et ma ville natale, Sudbury, avait l’insigne honneur d’accueillir la reine Elizabeth et le prince Philip. Le jour précédent celui où a été prise la photo, le couple royal a officiellement inauguré notre formidable centre Science Nord, qui est maintenant reconnu mondialement, et a eu droit à un magnifique concert de la chorale du Collège Notre-Dame, où je suis fière d’avoir fait mes études.
Le lendemain, le duc d’Édimbourg a visité le splendide campus de l’Université Laurentienne, situé sur le territoire visé par le Traité Robinson-Huron de 1850 ainsi que sur les terres ancestrales de la nation des Atikameksheng Anishnawbek, à proximité de la Première Nation de Wahnapitae. C’est un endroit superbe qui regorge d’arbres, de buissons et d’incroyables sentiers de randonnée. Ce paysage a inspiré la création d’un arboretum que le prince a visité avec grand intérêt. À l’époque, le duc d’Édimbourg était le président international du Fonds mondial pour la nature et il a manifesté un vif intérêt à l’égard de l’information présentée à l’arboretum au sujet de la recherche en conservation et en réhabilitation des terres qui fait la renommée de Sudbury.
Mon père se souvient avec fierté que le prince s’est arrêté devant chaque panneau explicatif et qu’il a posé des questions très pertinentes, révélant ainsi sa profonde compréhension de la biologie, des sciences et de l’environnement. Il souhaitait également en savoir plus sur l’histoire de l’université et les programmes offerts et, en compagnie du président de l’université, M. Daniel, mon père, Normand Forest, a fièrement profité de l’occasion pour vanter les mérites de cette institution en plein essor, qui avait même un campus dans le Sud de la France et qui faisait véritablement la fierté de notre ville. Ainsi, la photo du duc d’Édimbourg marchant dans un sentier boisé, un jour d’octobre 1984, est toujours accrochée au mur de la maison de mes parents.
Malheureusement, chaque fois que je la regarde maintenant, cette photographie me rappelle trop de pertes. Mon père est décédé subitement en juin dernier, l’Université Laurentienne a annoncé son insolvabilité en février de cette année et Son Altesse Royale le prince Philip a quitté cette terre tout récemment, le 9 avril.
Chacune de ces pertes est douloureuse et sera regrettée à jamais.
Merci.