Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs
Troisième lecture--Suite du débat
29 octobre 2024
Honorables sénateurs, le débat sur cet article est ajourné au nom du sénateur Housakos, et je demande le consentement du Sénat pour que, à la suite de mon intervention, le reste du temps de parole du sénateur lui soit réservé.
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Il en est ainsi ordonné.
Honorables sénateurs, je souhaite apporter mon soutien au projet de loi S-269 de la sénatrice Marty Deacon sur la publicité sur les paris sportifs.
Un récent reportage de CBC a montré combien d’événements sportifs télévisés contenaient des publicités pour des sites de jeux d’argent. Il semble que les publicités fassent désormais concurrence à la manifestation sportive proprement dite, étant donné le grand nombre de publicités diffusées. Les répercussions globales de ce phénomène dépassent l’entendement.
Pour un trop grand nombre de Canadiens, ces publicités sont plus qu’un simple désagrément qui interfère avec le simple plaisir d’assister à des épreuves sportives.
Toute personne qui souffre d’une dépendance au jeu ou qui pense pouvoir gagner facilement de l’argent risque de subir de graves préjudices financiers, non seulement pour elle-même, mais aussi pour sa famille.
À l’Île-du-Prince-Édouard, nous entendons constamment parler dans les médias d’affaires de fraudes causées par la dépendance au jeu, qui mènent à des peines d’emprisonnement.
La preuve de la dérive des paris sportifs est à portée de main; il suffit de lire un journal ou de regarder le dernier bulletin d’informations sportives. Comme l’a fait remarquer la sénatrice Marty Deacon, les paris sportifs ont généré des revenus de plusieurs milliards de dollars ces dernières années; ce qui suit souvent l’argent, c’est la corruption.
Récemment, dans les ligues majeures de baseball, un ami et employé d’un joueur a été accusé de vol, un vol commis dans le but d’alimenter ce qui ne peut être décrit que comme une grosse dépendance aux jeux d’argent sportifs.
Au basket-ball, l’entraîneur principal de l’équipe de Cleveland de la NBA a déclaré aux journalistes qu’il avait reçu des messages saugrenus au sujet de son lieu de résidence et de ses enfants d’une personne qui avait parié sur le basket-ball. Avec autant d’argent en jeu, la tentation du délit est presque irrésistible.
L’entraîneur a dit ceci :
Il est certain que c’est un jeu dangereux et une situation très délicate. Cela ajoute de la pression et détourne l’attention du jeu, ce qui peut être difficile pour les joueurs, les entraîneurs, les arbitres et toutes les personnes concernées. Je pense que nous devons vraiment faire attention au degré de proximité que nous pouvons tolérer entre cette pratique et le sport ainsi qu’à la sécurité des personnes concernées, car cela a des répercussions. Bien des parieurs ont besoin de cet argent pour payer leur facture d’électricité ou leur loyer, et cela peut provoquer différentes émotions.
Par ailleurs, compte tenu des sommes qui sont en jeu, les partisans commencent à se demander si les matchs qu’ils regardent sont truqués.
Plus tôt cette année, Jontay Porter, un joueur des Raptors de Toronto, a été exclu à vie de la National Basketball Association après une enquête de la ligue. On a conclu que M. Porter avait parié sur des matchs de la NBA, y compris un match des Raptors. Il a également divulgué à un parieur notoire des renseignements confidentiels sur sa santé, le genre de renseignements privilégiés qui peuvent avoir une incidence sur les paris et les chances de les gagner.
Ce qui est peut-être le plus grave, c’est que la NBA a constaté qu’il avait :
[...] limité sa propre participation aux matchs afin d’influencer le résultat d’un ou de plusieurs paris sur sa performance dans au moins un match des Raptors.
Dans ce cas, on a parié 80 000 dollars américains que M. Porter allait réussir moins de deux tirs de trois points lors du match des Raptors du 20 mars 2024. Pendant cette partie, il n’a pas tenté un seul tir de trois points et il a quitté la partie après quelques minutes, prétextant qu’il était malade. Ce pari a éveillé les soupçons et il a été signalé à la ligue, qui a fait enquête et a décidé d’expulser le joueur.
Chers collègues, les Canadiens se demandent combien d’autres cas de matchs truqués sont passés inaperçus. On craint sérieusement que les matchs soient truqués, non seulement par les joueurs, mais aussi par les officiels. Les « appels manqués » sont-ils vraiment manqués ou y a-t-il autre chose? Après tout, si on ne peut pas être sûr que le jeu est correct et qu’il n’est pas truqué, pourquoi prendre la peine de le regarder ou surtout de parier dessus?
Il y a beaucoup d’argent en jeu dans ces matchs. Un seul match de la LNH peut générer des millions de paris — suffisamment d’argent pour que certains considèrent leur pari comme un investissement à protéger par tous les moyens. Comme l’a déclaré l’ancien commissaire de la Ligue majeure de baseball Fay Vincent :
[…] je ne pense pas que le monde des paris sportifs sera beau à voir dans les 20 ou 30 prochaines années, parce que les sommes en jeu seront tellement énormes, et quand les sommes sont énormes, il y a souvent de la corruption.
Chers collègues, quand le Sénat a été saisi du projet de loi, l’un des principaux arguments avancés pour légaliser les paris sur une seule épreuve était qu’il visait
[…] à réglementer le pari sportif au Canada, à renforcer la protection des consommateurs afin d’assurer la sécurité des parieurs et à ramener les revenus et les recettes fiscales au pays afin qu’ils soient réinvestis dans les collectivités canadiennes.
Maintenant qu’il a force de loi, il est temps de se concentrer sur la réglementation pour protéger les parieurs. Et quelle proportion des revenus gagnés réinvestit-on dans les collectivités?
Des représentants de l’industrie du jeu nous disent souvent que le jeu est légal, mais c’est aussi le cas du tabac et du cannabis, tant qu’à y être. Cela n’exempte pas ces produits d’être visés par une réglementation stricte concernant leur vente, leur consommation et leur publicité. Après tout, il est aussi légal de conduire, mais tous les aspects entourant la conduite, qu’il s’agisse du conducteur, du véhicule ou de la route, sont soumis à diverses réglementations. Il est temps d’imposer des restrictions au sujet de la publicité sur les paris.
Bien entendu, si c’était si facile, il y en aurait déjà. Le sénateur Deacon, de l’Ontario, a cité la Charte des droits et des libertés ainsi que les batailles juridiques proactives visant à restreindre la publicité sur le tabac comme des obstacles majeurs à l’imposition de restrictions semblables au sujet de la publicité sur les paris.
Cependant, exploiter les gens et leur espoir d’un gain facile est au cœur même des paris. Après tout, « Donnez-nous votre argent, et il est fort probable que vous ne le reverrez jamais », ce n’est pas très accrocheur comme slogan. Comme on dit, c’est vous qui jouez; la maison le sait et elle sortira toujours gagnante.
La Charte place la barre très haute lorsqu’il s’agit de restreindre le droit à la liberté d’expression, mais ce droit n’est pas absolu, y compris lorsqu’il est question de publicité. Il ne s’agit pas de protéger les gens contre eux-mêmes. On ne peut légiférer contre la faiblesse humaine, mais on peut limiter la capacité des autres à profiter de cette faiblesse.
Il se pourrait bien que la Loi sur la radiodiffusion offre une solution à ce problème. En vertu de cette loi, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes « peut prendre des règlements [...] concernant la nature de la publicité et le temps d’antenne qui peut y être consacré ». Je considère que cette question est liée à « la nature de la publicité », donc cela nous offre peut-être une possibilité.
En outre, bien que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes ait déclaré qu’il « ne régit pas directement le contenu des messages publicitaires, à l’exception des messages publicitaires destinés aux enfants et des messages publicitaires relatifs aux boissons alcoolisées », le fait que des exceptions aient été autorisées dans le passé porte à croire qu’il pourrait y en avoir d’autres à l’avenir. Il pourrait même être utile de restreindre la plage horaire où ces publicités peuvent être diffusées. La campagne fructueuse pour réduire la publicité sur l’alcool peut peut-être servir de guide pour des efforts similaires dans ce domaine.
Personnellement, j’aimerais que la publicité pour les paris sportifs soit la plus restrictive possible. Ce n’est pas le but premier du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, mais c’est un élément à prendre en considération. Ce projet de loi est un premier pas important.
En jetant un coup d’œil à l’étude sur le projet de loi C-218 menée en 2021, j’ai été frappé de constater une attitude désinvolte selon laquelle les gens vont faire des paris que ce soit légal ou non, alors autant légaliser cette pratique pour pouvoir assurer une certaine surveillance. Malheureusement, si nous autorisons les publicités constantes, nous risquons d’inciter beaucoup plus de gens à faire des paris.
Récemment, alors qu’elle présentait au Sénat l’équipe d’Ottawa de la Ligue professionnelle de hockey féminin, la sénatrice Pate a mentionné qu’elle regardait la soirée du hockey avec son père tous les samedis soir. Imaginez les parents qui regardent le sport aujourd’hui et qui doivent expliquer à leurs enfants ce que signifient les publicités pour les paris. Combien de vies futures seront détruites lorsqu’ils suivront les conseils de leurs héros sportifs et commenceront à parier sur les matchs?
Étant donné que les sénateurs ont un mandat fixe, ils ont la possibilité de procéder à un examen plus détaillé des lois et de leurs répercussions, intentionnelles ou non, comparativement à leurs collègues de la Chambre des communes. À cette fin, je propose à la sénatrice Marty Deacon que le Sénat entreprenne une étude sur ce qui a été promis lorsque le Canada a légalisé les paris sportifs sur un seul match et sur ce qui s’est réellement passé. Combien d’argent a-t-on gagné? Cet argent reste-t-il au Canada? Où va-t-il? Y a-t-il eu des répercussions imprévues? C’est l’occasion d’étudier les effets de la loi que nous avons déjà adoptée.
Mais pour en revenir au sujet qui nous occupe, je pense que le projet de loi S-269 ne va pas assez loin, mais il va dans la bonne direction. C’est pourquoi je soutiens le projet de loi. Je remercie la sénatrice Deacon de l’Ontario pour son travail dans ce dossier.
Merci, chers collègues.
L’honorable sénateur accepte-t-il de répondre à une question?
Oui. J’ignorais que vous étiez ici. Merci.
Je vous remercie de parler de ce projet de loi. Certaines des observations à la fin concernant une étude me frappent particulièrement. Nous en avons longuement discuté.
L’un des points soulevés au comité, c’est que nous devrions peut‑être attendre plus longtemps afin de collecter davantage de données sur certaines villes canadiennes. Qu’en pensez-vous et croyez-vous que nous en apprenons suffisamment de choses du Canada et d’autres pays pour maintenir la pression et faire en sorte que les choses se fassent.
Merci, sénatrice Deacon. Avec le nouveau plan de salle, je n’étais pas sûr de savoir où vous vous trouviez. Je suis heureux de constater que vous êtes bien là.
Une fois encore, je tiens à vous remercier pour votre initiative dans le cadre de cette mesure. Compte tenu de votre expérience dans le domaine du sport, vous êtes bien consciente des effets de la publicité sur les paris. Je pense que nous disposons déjà de suffisamment de renseignements. Les réactions ont été vives. L’Ontario a déjà retiré les héros sportifs de ses publicités.
Cela dit, j’en ai vu une l’autre soir en regardant un match où Jamie Foxx, un acteur américain, vendait quelque chose. On peut maintenant parier sur une partie d’un match ou sur l’ensemble du match. On peut parier sur le fait que quelqu’un va marquer un point dans les 10 prochaines minutes et ainsi de suite. C’est beaucoup trop permissif.
Il n’y a rien de mal à ce que les gens désirent parier sur un match. Je vais parfois voir des courses de chevaux à Charlottetown, et je parie sur un cheval. À de rares occasions, je touche un gain, mais je ne dépense pas beaucoup d’argent là-dessus.
Cependant, je m’inquiète pour les personnes qui pourraient développer une dépendance, celles qui tentent de se libérer de leur dépendance au jeu et, surtout, les jeunes. Comme je l’ai mentionné, les publicités actuelles ont une incidence sur les jeunes. Le fait que les jeunes voient des célébrités à la télévision les inciter à parier et leur faire croire qu’ils peuvent gagner de l’argent facilement est un énorme problème. Bien sûr, lorsqu’il est question de jeux de hasard, nous entendons toujours parler d’une personne qui encaisse 4 000 $, jamais des gens qui, année après année, perdent 1 000 $ ou 5 000 $. Ils n’en parlent pas. Cela laisse croire aux gens qu’ils peuvent gagner facilement de l’argent.
Je pense que nous disposons de suffisamment de données. Nous devrions maintenant agir. Je crois que le Sénat est l’endroit le mieux placé pour le faire, car les sénateurs sont nommés à titre inamovible. Nous avons le temps qu’il faut. Cette assemblée a adopté la mesure législative, et nous savons que la Chambre des communes ne fera rien. Elle est quelque peu dysfonctionnelle en ce moment, et certains soutiendraient qu’elle l’est constamment par rapport au Sénat. Nous sommes la Chambre qui peut agir. Nous avons les gens qu’il faut. En effet, j’ai vu dans la salle certaines personnes qui possèdent une expérience dans le sport. Il y aussi des sénateurs qui ont de l’expérience en droit et en affaires. Nous avons la capacité d’entreprendre cette étude et de corriger ce problème.
J’ai une question complémentaire, si nous en avons le temps. Merci.
Voilà pour ce qui est des données. L’autre élément est la question de l’équilibre. Il y a d’une part la volonté de faire ce qu’il faut pour les jeunes en difficulté et d’autre part un modèle de réussite financière plutôt lucratif. Je me demande simplement comment vous conciliez ces deux aspects.
Je pense que l’équilibre est important, évidemment. Un des arguments que nous avons entendus à propos du cannabis quand nous l’avons légalisé était que nous devions le sortir du marché noir et le rendre plus sûr pour les personnes qui voulaient en consommer, mais je ne me souviens pas avoir vu beaucoup de publicités à la télévision invitant les personnes qui n’en avaient jamais pris à aller en acheter dans le commerce du coin. En fait, je pense que la consommation a baissé. Je pense que c’est le cas à l’Île-du-Prince-Édouard depuis la légalisation. Les gens ne se sont donc pas précipités pour essayer le cannabis. Je pense que l’on se précipite pour s’essayer aux paris, parce que, quand on regarde le match chez soi, il est facile de se dire : « Je sais ce qui va se passer. » On est un gérant d’estrade qui encourage son équipe, on pense en savoir plus que ce que l’on sait réellement, et on perd de l’argent, beaucoup d’argent, dans certains cas.