Projet de loi sur l’évaluation d’impact—Projet de loi sur la Régie canadienne de l’énergie—La Loi sur la protection de la navigation
Projet de loi modificatif--Message des Communes--Motion d’adoption des amendements des Communes et de renonciation aux amendements du Sénat--Ajournement du débat
17 juin 2019
Propose :
Que, relativement au projet de loi C-69, Loi édictant la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur la Régie canadienne de l’énergie, modifiant la Loi sur la protection de la navigation et apportant des modifications corrélatives à d’autres lois, le Sénat :
a)accepte les amendements apportés par la Chambre des communes aux amendements du Sénat, y compris les amendements apportés en raison des amendements du Sénat;
b)n’insiste pas sur ses amendements auxquels la Chambre des communes n’a pas acquiescé;
Qu’un message soit transmis à la Chambre des communes pour l’en informer.
—Honorables sénateurs, je suis heureux de prendre la parole aujourd’hui au sujet du message que nous avons reçu de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-69. Le gouvernement a accepté d’entrée de jeu 62 amendements ainsi que 37 autres avec quelques modifications, pour un total de 99. C’est sans précédent. Il s’agit du plus grand nombre d’amendements du Sénat acceptés par la Chambre des communes depuis que l’on a commencé à consigner ces renseignements dans les années 1940. Cette situation témoigne clairement d’un Parlement bicaméral dynamique et d’un Sénat de plus en plus indépendant qui accomplit son travail.
Je tiens à souligner le travail exceptionnel accompli par de nombreux sénateurs dans le cadre de l’examen, du débat et des délibérations entourant ce projet de loi. Je tiens à remercier la sénatrice Galvez de son travail infatigable en tant que présidente du Comité de l’énergie et de l’environnement. Ce n’était pas une tâche facile.
De nombreux sénateurs et employés de l’Administration du Sénat ont également accompli un travail incroyable pour appuyer ces efforts. Je remercie chacun d’entre eux. Je remercie aussi les nombreux fonctionnaires et employés des cabinets ministériels de leur travail remarquable.
Qu’en est-il du porte-parole?
J’ai mentionné la contribution de beaucoup de sénateurs dans cette enceinte.
Ce message est le point d’orgue d’un travail d’élaboration d’une politique long et ardu, mais tout à fait crédible. Il a commencé par le constat que la version de 2012 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale ne donnait pas de bons résultats. Des projets essentiels n’avaient pas pu être réalisés. Nous n’avions la confiance ni des Autochtones ni du public en général, de sorte que nous étions embourbés dans des poursuites judiciaires tellement inquiétantes pour les investisseurs qu’il fallait remédier à la situation. Le gouvernement a fait ce que tout gouvernement responsable aurait fait devant ce genre de problème : il a entrepris des consultations sur une période de deux ans pour cerner les attentes des principaux acteurs et de la population canadienne en général au sujet de la mécanique d’évaluation environnementale.
À partir de là, le gouvernement a pu déterminer quels principes fondamentaux devaient être définis dans le projet de loi destiné à remplacer la version de 2012 de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale. Le cadre d’évaluation des répercussions devait protéger l’environnement, bâtir la confiance du public, donner des garanties aux investisseurs et respecter les droits et les intérêts des Autochtones.
Pour arriver à respecter ces principes, il était entendu qu’il fallait se conformer au principe directeur voulant qu’on ne puisse pas donner arbitrairement la priorité à certains intérêts plutôt qu’à d’autres. La clé de la réussite était de trouver le juste équilibre et les points de convergence permettant de concilier les divers intérêts, malgré les divergences inévitables lorsqu’il s’agit d’exploiter les ressources naturelles. Tous nos amendements ont été évalués par le gouvernement à la lumière de ces principes.
Le projet de loi C-69, qui nous a été renvoyé il y a plus d’un an, est issu de ce processus rigoureux, enrichi de l’examen effectué à la Chambre des communes. C’était déjà, à ce stade, un bon projet de loi qui contribuait beaucoup à remédier aux lacunes de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012.
J’applaudis les efforts de la ministre McKenna, qui a su mener cette tâche à bon terme. Ce n’était pas une tâche facile non plus. Je veux aussi saluer le travail des ministres Sohi et Garneau.
Les 99 amendements acceptés dans le message améliorent beaucoup ce projet de loi sur le fond, car, ensemble, ils règlent un éventail de questions soulevées par des intéressés tout au long des délibérations au Sénat, dont le pouvoir discrétionnaire du ministre, la confiance, le risque de litige, la rapidité, la participation du public, le rôle des autorités de réglementation du cycle de vie, les droits des Autochtones, les compétences des provinces et la protection des eaux navigables. Quelques exemples des amendements acceptés dans chacune de ces catégories permettront d’illustrer l’importance et la profondeur du message.
D’abord, il y a le pouvoir discrétionnaire du ministre. Les amendements réduisant le pouvoir discrétionnaire du ministre dépolitiseront le processus d’évaluation et accroîtront la confiance tout en maintenant la responsabilité politique relativement aux décisions finales. Le gouvernement a accepté un grand nombre d’amendements transférant des pouvoirs du ministre de l’Environnement à l’agence d’évaluation d’impact de manière à ce que, notamment, elle gère les délais tout au long du processus, détermine quand l’information reçue est suffisante et nomme les présidents et les membres des commissions.
L’indépendance de l’agence est renforcée par un amendement qui limite la capacité du ministre d’en diriger les activités. Celui-ci devra dorénavant collaborer directement avec le ministre des Ressources naturelles en ce qui a trait aux décisions du Cabinet concernant les projets qui impliquent la Régie canadienne de l’énergie; la Commission canadienne de sûreté nucléaire; ou les Offices des hydrocarbures extracôtiers de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse.
Ils devront aussi collaborer pour nommer des gens qui figureront sur la liste de membres potentiels de la commission. Enfin, lors des examens du comité, l’agence fera dorénavant des recommandations explicites pour aider le ministre à établir les conditions entourant le projet.
Un amendement visant l’article 9 et le pouvoir du ministre de désigner des projets qui ne seraient pas autrement désignés a été rejeté. Fait intéressant : ce pouvoir a été présenté dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Il accorde une grande flexibilité au ministre et, ce qui est tout aussi important, aux promoteurs pour faire face à des circonstances inattendues. L’expérience démontre qu’on n’a pas abusé de ce pouvoir. Il y a eu 37 demandes de désignation; seulement trois en ont été acceptées, dont deux à la demande des promoteurs et la troisième à la demande de Parcs Canada.
La certitude est tout particulièrement importante pour les promoteurs et les investisseurs; elle est accrue par un certain nombre d’amendements. La reconnaissance des retombées économiques positives des projets a été soulignée dans le libellé amendé de la partie qui définit l’objet du projet de loi.
Le libellé modifié précise que l’agence doit établir la portée des éléments à évaluer d’ici la fin de l’étape préparatoire, au début du processus. L’agence sera en mesure d’adapter les évaluations de manière à ne pas surcharger les promoteurs tout en permettant au public et aux peuples autochtones de faire entendre leurs préoccupations et de soulever toute question qui les préoccupe dans le cadre d’une évaluation.
Certains amendements réintroduisent la notion des effets importants. Cela favorise particulièrement la protection de l’environnement en mettant l’accent sur l’importance des effets environnementaux des projets et cela contribuera également à assurer l’applicabilité de la jurisprudence et, ainsi, à offrir plus de certitude aux intervenants.
Un certain nombre d’amendements ont été rejetés parce qu’ils auraient rendu facultative l’évaluation de facteurs comme les droits autochtones, l’analyse comparative entre les sexes et même les commentaires du public.
Un amendement qui exigeait l’évaluation des émissions mondiales a été rejeté parce que, par définition, il s’agirait de l’évaluation des émissions en aval. Le gouvernement a très clairement manifesté sa volonté de ne pas exiger l’évaluation des émissions en aval.
Le troisième point concerne les risques de litige. Un amendement visant à inclure une disposition privative dans la partie du projet de loi sur l’Agence canadienne d’évaluation d’impact a été rejeté. Le projet de loi C-69 renferme déjà une disposition privative visant la Régie canadienne de l’énergie, ce qui concorde avec la pratique actuellement en vigueur dans la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012, qui renferme une disposition privative pour l’Office national de l’énergie, lequel sera remplacé par la Régie canadienne de l’énergie, mais pas pour l’actuelle Agence canadienne d’évaluation environnementale. Le ministère de la Justice soutient qu’une disposition privative s’applique aux tribunaux quasi judiciaires, comme la Régie canadienne de l’énergie et l’Office national de l’énergie, parce que les tribunaux sont plus portés à s’en remettre aux tribunaux quasi judiciaires qu’aux organismes d’examen tels que l’agence d’évaluation d’impact.
Ainsi, une disposition privative ne réduirait pas la probabilité de litiges dans ce cas-ci. Toutefois, les amendements apportés à la portée des facteurs aident à atténuer les risques de litiges en indiquant clairement en début de parcours ce qui doit être considéré, dans quelle mesure et par qui. La probabilité d’une contestation judiciaire est aussi réduite par des mesures prévues dans le projet de loi qui visent à renforcer la confiance du public par de meilleures consultations avec la population et les peuples autochtones et — ce qui est crucial — par la prise en compte des droits des Autochtones à toutes les étapes du processus.
Pour ce qui est des délais, plusieurs amendements ont été acceptés afin d’accélérer le processus et le rendre plus efficace, tout en conservant la souplesse nécessaire pour s’adapter aux imprévus. Les amendements ont resserré les délais de sorte que les rapports des commissions et les recommandations de l’agence au ministre doivent être terminés dans des délais de 300 ou 600 jours. En outre, les amendements font en sorte que les commissions seront formées plus tôt dans le processus afin qu’il n’y ait aucun délai entre le moment où l’évaluation d’impact du promoteur est achevée et le lancement de l’étape de l’évaluation d’impact à proprement parler.
L’agence devra maintenant publier les raisons justifiant toute prolongation des délais imposés par la loi, notamment dans le cas des décisions prises par le Cabinet. L’agence aura de plus le pouvoir de fixer des limites pour les évaluations régionales et les évaluations stratégiques en consultation avec les provinces et territoires concernés.
Les amendements établissant un délai maximal n’ont pas été retenus. Le manque de flexibilité quant à la possibilité de prolonger le temps requis pour la prise d’une décision pourrait mener au rejet arbitraire d’un projet. Les délais beaucoup plus courts prévus par le projet de loi dans toutes les catégories d’examen et dans les règlements d’appui, en plus des amendements dont je viens de parler, assureront un processus rapide et efficace sans qu’il soit nécessaire d’établir un délai maximal.
En ce qui concerne la participation du public, le pouvoir de l’agence de s’assurer que la participation du public est significative et adéquate a été renforcé dans les amendements apportés à l’étape préparatoire, aux évaluation par l’agence, aux évaluation par les commissions et aux évaluations régionales et stratégiques. Ces amendements soulignent le pouvoir de l’agence de gérer efficacement la participation du public sans nuire à la participation étendue et significative du public essentielle pour rétablir la confiance du public.
Les amendements visant à rétablir les critères liés au droit de participation. Ces amendements iraient à l’encontre des recommandations du rapport du Comité d’experts sur la modernisation de l’Office national de l’énergie, qui a dit explicitement que ces critères ont contribué à miner la confiance du public lorsqu’ils ont été intégrés au processus de l’Office national de l’énergie, au titre de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Par ailleurs, le projet de loi précise déjà que la consultation publique doit se faire dans le respect des échéances prévues au titre de la loi sur l’évaluation d’impact. La consultation du public ne peut servir de motif à la prolongation des délais.
Soulignons par ailleurs que plus de 60 p. 100 des projets évalués au titre de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012 n’ont pas été soumis aux critères liés au droit de participation, qui s’appliquaient seulement aux évaluations de l’Office national de l’énergie.
En ce qui concerne le rôle des organismes de réglementation du cycle de vie, y compris les offices des hydrocarbures extracôtiers, certains amendements inclus dans le message permettront de tenir compte de l’expertise de ces organismes et de l’intégrer pleinement au processus tout en simplifiant certaines activités des offices des hydrocarbures extracôtiers. Les organismes de réglementation du cycle de vie comprennent la régie canadienne de l’énergie, la Commission canadienne de sûreté nucléaire et les deux offices des hydrocarbures extracôtiers.
Au moment de confier l’évaluation d’un projet à l’organisme de réglementation du cycle de vie concerné, le ministre devra consulter la direction de l’organisme en vue de fixer le mandat de la commission d’évaluation. Les membres de la régie canadienne de l’énergie, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et des deux offices des hydrocarbures extracôtiers pourront maintenant présider les commissions d’évaluation. Cependant, ils ne pourront pas être majoritaires au sein de ces commissions. Ainsi, on pourra faire une place importante à l’expertise des organismes de réglementation tout en assurant une représentation équitable au sein de la commission, afin d’assurer la confiance du public.
L’agence devra consulter les dirigeants des organismes de réglementation du cycle de vie et les offices des hydrocarbures extracôtiers pour choisir les membres des commissions. On nous a parlé du fait que les forages d’exploration en mer ne devraient plus faire l’objet d’évaluations puits par puits, comme c’est le cas actuellement selon la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 2012. Des dispositions prévoyant des exemptions à cette exigence se trouvent déjà dans le projet de règlement. Le message inclut des amendements qui ajoutent aussi cette garantie directement dans le projet de loi.
Un aspect important du message est une reconnaissance accrue des droits autochtones. On a fait remarquer que les dispositions à l’article 7 pourraient interdire aux promoteurs de conclure des ententes sur les répercussions et les avantages avec des communautés autochtones. Un amendement précisant que ces ententes ne sont pas interdites a été accepté. D’importants amendements exigeant l’évaluation des droits des femmes autochtones et la prise en compte de leurs connaissances, tous les deux proposés par la sénatrice McCallum, ont également été acceptés. Des amendements qui auraient rendu la prise en compte des droits autochtones facultative pour certains points essentiels du processus d’évaluation ont été rejetés.
Passons au rôle joué par les autres gouvernements. Le message inclut un certain nombre d’amendements qui clarifient le respect de la compétence provinciale dans le cadre de l’objectif de faire un seul examen par projet. Un amendement proposé par le sénateur Carignan a été accepté afin d’affirmer dans l’article sur l’objet que les compétences législatives des gouvernements fédéral et provinciaux seront respectées. Un autre amendement clarifie l’objectif d’harmoniser les processus d’évaluation d’impact à l’échelle du pays, en supprimant la mention additionnelle sur la promotion de l’uniformité.
On a accepté l’amendement permettant que les échéanciers de la planification précoce puissent être ajustés de 90 jours à la demande d’un autre gouvernement.
Pardon, sénateur, mais votre temps est écoulé. Demandez-vous cinq minutes de plus?
Je suis le parrain. N’ai-je pas droit à 45 minutes?
L’article 6-3(1) du Règlement prévoit 45 minutes pour le parrain d’un projet de loi aux étapes de la deuxième et de la troisième lectures. Or, nous étudions maintenant le message de la Chambre des communes. Vous disposiez de 15 minutes.
Pourrais-je avoir cinq autres minutes, s’il vous plaît?
Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Merci beaucoup. J’ai presque terminé.
Il est maintenant obligatoire, lorsqu’une évaluation régionale conjointe est entreprise avec une autre instance, que le comité réalisant l’évaluation régionale comprenne au moins une personne recommandée par l’instance en question. Des amendements qui empêchaient le gouvernement fédéral d’intervenir dans des domaines qui relèvent de sa compétence ont été rejetés, car le gouvernement fédéral a une obligation d’intervenir dans ces domaines.
La Loi sur les eaux navigables canadiennes : les amendements à cette loi aident à assurer certitude et clarté, tout en maintenant l’engagement du gouvernement à améliorer la protection des cours d’eau du Canada. Le message accepte les amendements visant à réduire le fardeau administratif pour procéder à des travaux qui n’auront manifestement aucune incidence sur la navigation. Des amendements rétablissent les dispositions antérieures relatives aux urgences, décrivant les urgences comme des événements menaçant de causer des bouleversements sociaux ou une interruption de l’acheminement des denrées, ressources ou services essentiels.
Pour plus de certitude, une disposition a été ajoutée à l’article « Définitions » du projet de loi pour affirmer que les « eaux navigables » ne signifient pas les canaux d’irrigation et les tranchées de drainage.
Des amendements qui auraient affaibli les nouvelles protections pour les eaux navigables, tels que ceux éliminant la prise en compte des utilisations futures, n’ont pas été acceptés, car ils pourraient limiter de manière inappropriée le droit d’accès du public aux cours d’eau dans le futur.
En conclusion, honorables sénateurs, le projet de loi C-69 repose sur un processus politique très crédible, qui est fondé sur de vastes consultations publiques et renforcé par un examen parlementaire approfondi. Le Sénat a fait un travail remarquable durant les délibérations intensives sur le projet de loi, qui ont duré toute l’année. Le gouvernement a écouté ce qu’on avait à lui dire et il a répondu en conséquence. C’est sans l’ombre d’un doute que je recommande que les sénateurs adoptent le message du gouvernement. Merci.
Je demande que le débat soit ajourné à mon nom.
Sénateur Plett, je crois que le sénateur Forest voulait intervenir. Accepteriez-vous qu’il parle avant que vous proposiez l’ajournement?
Eh bien, d’accord.
Honorables sénateurs et sénatrices, je voudrais simplement prendre quelques minutes pour commenter le message de l’autre endroit en réponse à nos amendements concernant le projet de loi sur l’évaluation d’impact.
Je serai bref, car, pour moi, l’important est que ce projet de loi, bien qu’il soit perfectible, soit adopté dans les plus brefs délais.
Au bout du compte, l’essentiel, pour moi, c’est de rétablir la crédibilité du processus d’évaluation environnementale, sans tarder.
Comme vous le savez, en collaboration avec le sénateur Carignan, qui siège au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, j’ai proposé un amendement afin que l’on « formalise » la participation des municipalités au processus d’évaluation d’environnementale.
Essentiellement, cet amendement aurait fait en sorte : premièrement, que le gouvernement fédéral reconnaisse la responsabilité des municipalités en matière d’aménagement du territoire et de coordination de la sécurité civile; deuxièmement, que les évaluations d’impact, les évaluations régionales et les évaluations stratégiques prennent en compte l’information fournie par les municipalités; troisièmement, que les municipalités soient consultées dès l’analyse préliminaire des projets, notamment pour faire en sorte que leurs observations fassent partie de la documentation servant de base aux consultations publiques, et pour permettre aux promoteurs de répondre aux questions soulevées par ces gouvernements de proximité que sont les municipalités.
Or, il semble que même ce seuil minimal était trop pour le gouvernement.
Je dois dire que la position du gouvernement m’étonne, car si le projet de loi C-69 a pour but de favoriser l’établissement de l’acceptabilité sociale, comment peut-il prétendre aller de l’avant sans les municipalités, qui sont des acteurs importants de cohésion sociale, en plus d’être responsables en ce qui a trait à l’aménagement du territoire et d’être les premiers répondants lorsque des sinistres se produisent?
La position du gouvernement est d’autant plus surprenante qu’elle survient moins de deux semaines après que le premier ministre a déclaré, au congrès de la Fédération canadienne des municipalités, qu’il reconnaissait les municipalités comme des partenaires et qu’il se disait prêt à travailler directement avec elles.
Pour moi et le monde municipal, il y a un malaise par rapport à ce problème. On ne peut pas dire d’un côté aux municipalités : « Vous êtes des partenaires, nous respectons vos compétences en matière d’aménagement du territoire et de sécurité publique, nous souhaitons en arriver à traiter avec vous de gouvernement à gouvernement », et, en même temps, leur dire : « Lorsque nous allons évaluer des projets qui se passent dans votre cour, sur votre territoire, prenez un numéro, attendez votre tour, vous donnerez votre avis en même temps que l’ensemble de la population, et ne vous attendez pas à ce que les promoteurs répondent à vos objections relativement à la sécurité publique et à l’aménagement du territoire. »
Bien que je sois déçu de la réponse du gouvernement, je n’insisterai pas sur ces amendements.
Bien que je sois déçu de la réponse du gouvernement, je n’insisterai pas pour faire adopter mon amendement.
Désolé.
Parfois, il faut « donner du temps au temps », comme on dit.
Pas tellement indépendant; juste un peu.
Oh oui, je le sais. Écoutez, écoutez.
Je suis certain que les élus municipaux sauront interpeller les candidats fédéraux qui frapperont à leur porte au cours de la prochaine campagne électorale. D’ailleurs, cela fait déjà partie des demandes de l’Union des municipalités du Québec en vue de la prochaine élection. Les citoyens qui s’intéressent à la question se consoleront au moins à l’idée que le Sénat a reconnu le rôle fondamental des municipalités dans notre démocratie en matière d’organisation du territoire et de sa protection.
En ce qui concerne les autres amendements proposés par le Sénat, je note que le gouvernement a fait preuve d’ouverture en acceptant, entièrement ou partiellement, 99 amendements du Sénat, notamment ceux qui limitent le pouvoir discrétionnaire du ministre. Je comprends le gouvernement d’avoir rejeté différents assouplissements qui auraient dénaturé son engagement électoral envers les Canadiens et visant à retrouver un meilleur équilibre entre le développement économique et la protection de l’environnement. Au total, j’estime que le projet de loi C-69 est une amélioration par rapport au cadre légal en vigueur actuellement. Il permet d’assurer un meilleur équilibre entre la protection de l’environnement et le développement économique. Surtout, en redonnant plus de crédibilité au processus de consultation et en favorisant la participation des Premières Nations, le projet de loi C-69 permettra, à mon avis, de mieux mesurer l’acceptabilité sociale des projets de mise en valeur des ressources, ce qui est incontournable de nos jours.
Je comprends que certains collègues, et je les respecte, ne soient pas du même avis que moi et qu’ils soient déçus de la réponse du gouvernement. En même temps, je voudrais rappeler que ce projet de loi est un engagement électoral ferme et détaillé d’un gouvernement qui a été élu par les Canadiens en 2015. Laissez-moi vous citer quelques extraits de cette plateforme électorale, et je cite :
Nous réviserons sans tarder les processus d’évaluation environnementale du Canada pour y introduire de nouveaux mécanismes plus justes visant à :
• rétablir une surveillance rigoureuse [...]
• garantir que les décisions se fondent sur des faits et sur des données scientifiques et probantes, et qu’elles servent les intérêts du public; [...]
• obliger les promoteurs de projets à choisir les meilleures technologies pour réduire les répercussions sur l’environnement. [...]
Nous ferons en sorte que les évaluations environnementales prévoient une analyse des répercussions en amont des projets ainsi que des émissions de gaz à effet de serre qu’ils généreront.
[...] nous respecterons les traditions juridiques et les perspectives autochtones [...]
Force est donc de constater que la plupart des amendements qui ont été rejetés contrevenaient à cette plateforme électorale. Si le gouvernement les avait acceptés, on aurait eu raison de l’accuser de trahir son engagement envers les Canadiens. Toutefois, les Canadiens en jugeront. Je dois dire que je suis assez à l’aise à l’idée d’appuyer le projet de loi C-69 tel que nous le voyons aujourd’hui, d’autant plus qu’il risque de faire l’objet d’un des grands enjeux de la prochaine campagne électorale et que les Canadiens et les Canadiennes auront l’occasion de se prononcer une deuxième fois. En 2015, ils ont appuyé les principes de la loi. En 2019, ils auront l’occasion d’entériner ou de rejeter le produit final.
Cela dit, j’aurais souhaité que le gouvernement fasse plus d’efforts en vue d’éviter que le processus d’évaluation d’impact impose un dédoublement des procédures d’évaluation environnementales du Québec et des provinces. Depuis mon discours à l’étape de la deuxième lecture, au moment où j’avais évoqué ce problème, le ministre de l’Environnement du Québec, Benoit Charette, a comparu devant le Comité sénatorial de l’énergie pour réclamer que le Québec soit responsable du processus d’évaluation environnementale sur son territoire. Avec le projet de loi C-69, nous sommes encore loin du principe « un projet, un seul processus d’évaluation ». Cependant, je suis sûr que, avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, il sera possible, en concluant une entente administrative, de nous rapprocher de ce principe.
Chers collègues, je vous invite à ne pas insister sur nos amendements, comme je le fais pour un amendement qui est très important pour moi. Les opinions sur le projet de loi C-69 sont très polarisées. Reconnaissons au moins qu’il pose certaines balises qui permettent de mieux concilier le développement économique et la protection de l’environnement, dans le respect des principes liés au développement durable.
Honorables sénateurs et sénatrices, permettons au gouvernement de livrer ce qu’il a promis aux Canadiens en 2015, et laissons les Canadiens et les Canadiennes juger des résultats.
Permettez que le gouvernement remplisse son engagement. Permettez que les Canadiens décident.
Afin que nous puissions réfléchir à la recommandation du sénateur Forest de ne pas insister sur des amendements, je propose l’ajournement à mon nom.
Dormez bien.