Projet de loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé
Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Débat
22 juin 2022
Propose que le projet de loi S-5, Loi modifiant la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), apportant des modifications connexes à la Loi sur les aliments et drogues et abrogeant la Loi sur la quasi-élimination du sulfonate de perfluorooctane, tel que modifié, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je prends la parole à l’étape de la troisième lecture du projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé, qui vise à moderniser la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
J’aimerais d’abord reconnaître le travail effectué par les membres du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles dans le cadre de l’étude de ce projet de loi. Nous devons également un énorme merci au personnel : la greffière, les analystes et toutes les personnes dont le soutien nous a menés au point où nous en sommes.
J’aimerais également remercier tout spécialement le sénateur Arnot, qui m’a gentiment cédé sa place au Comité de l’énergie pour que je puisse participer à l’étude de ce projet de loi dont je suis le parrain. D’ailleurs, je le félicite d’avoir fait adopter par le comité son premier amendement à un projet de loi fédéral. Je suis convaincu que ce ne sera pas son dernier.
Lorsque le ministre Guilbeault, dans sa déclaration liminaire au comité, a invité le Sénat à étudier le projet de loi et à trouver des moyens de l’améliorer, les sénateurs l’ont pris au sérieux. Vous avez tous entendu parler du nombre d’amendements qui ont été proposés par le sénateur Massiccotte. Nous avons tous découvert que moderniser une loi aussi complexe que la Loi canadienne sur la protection de l’environnement n’est pas une tâche facile.
Comme le sénateur Massicotte l’a souligné hier, le comité a apporté un certain nombre d’amendements au projet de loi. Il a également refusé certains amendements après des débats vigoureux et des délibérations réfléchies. À mon avis, le comité a exercé la diligence voulue dans ses décisions concernant les amendements à accepter et à rejeter; il a retenu ceux qu’il jugeait satisfaisants et rejeté ceux qu’il jugeait insatisfaisants.
Au cours des deux derniers mois, le comité a entendu de nombreux témoins qui ont présenté de nombreux points de vue variés. Je souligne l’intérêt et l’apport précieux de tous ceux qui ont pris du temps pour témoigner, présenter des mémoires ou communiquer avec nous pour discuter des nombreux enjeux soulevés pendant les travaux du comité. La participation de la société civile et de l’industrie à notre étude du projet de loi montre l’importance et la valeur du processus démocratique canadien.
Je suis fier d’appuyer ce projet de loi tel qu’il a été amendé et j’exhorte tous les sénateurs à voter en faveur de son adoption et à le renvoyer à l’autre endroit pour qu’il y soit étudié.
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement est l’une des pièces maîtresses de la législation du Canada en matière d’environnement. Elle protège la santé de la population et l’environnement, principalement en permettant l’intervention du gouvernement fédéral pour une vaste gamme de sources de pollution.
Beaucoup de choses ont changé depuis la dernière grande mise à jour de la loi en 1999. Les modifications proposées à la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, si elles sont adoptées, consolideront la protection des Canadiens et de leur environnement et elles donneront aux Canadiens une loi en matière de protection environnementale apte à répondre aux problèmes du XXIe siècle au moyen de mesures fondées sur les connaissances scientifiques du XXIe siècle.
Le projet de loi propose un certain nombre de modifications pour atteindre cet objectif, qui peut se résumer en deux grands thèmes. Premièrement, le projet de loi S-5 reconnaît que tous les Canadiens ont droit à un environnement sain, comme le prévoit la loi.
Pour que le droit à un environnement sain ait une véritable importance dans le contexte de la LCPE, cette reconnaissance est jumelée au devoir du gouvernement de surveiller et de protéger ce droit. La façon dont cela fonctionnera sera établie dans un cadre de mise en œuvre qui sera élaboré en collaboration avec les Canadiens dans les deux ans suivant la sanction royale du projet de loi. Ce cadre expliquera comment le droit sera considéré dans l’administration de la loi.
Grâce aux amendements apportés par le comité, le cadre de mise en œuvre précisera notamment des principes, tels que les principes de justice environnementale, qui incluent la prévention des effets nocifs qui touchent de façon disproportionnée les populations vulnérables; le principe de l’équité intergénérationnelle, qui consiste à satisfaire les besoins de la génération actuelle sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs; et le principe de non-régression, qui consiste à ne pas annuler de protections environnementales et à améliorer continuellement la santé de l’environnement et de tous les Canadiens. Les discussions sérieuses au comité montrent clairement que les sénateurs tenaient à ce que ce droit ait du poids et à ce que les directives sur l’élaboration du cadre de mise en œuvre soient claires.
Je pense que le projet de loi tient compte de ces considérations.
Deuxièmement, le projet de loi propose de moderniser l’approche canadienne en matière de gestion des produits chimiques. Il exige l’établissement de nouvelles priorités pour le Plan de gestion des produits chimiques afin d’offrir aux Canadiens un plan pluriannuel intégré et prévisible de l’évaluation des substances, ainsi que des activités et des initiatives qui soutiennent la gestion des substances. Cela inclut, mais sans s’y limiter, la cueillette d’informations, la gestion des risques, la communication des risques, la recherche et la surveillance. Il ajoute aussi un mécanisme par lequel le public peut demander qu’une substance soit évaluée.
Le projet de loi établit un régime réaliste de réglementation des substances les plus dangereuses, notamment les substances persistantes et bioaccumulables, ainsi que certaines substances cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction. Le projet de loi exige que, lorsqu’on songe à la gestion de telles substances, on accorde la priorité à leur interdiction.
Le projet de loi réoriente également la loi vers d’autres facteurs fondés sur les préoccupations émergentes des Canadiens et la croissance d’une compréhension scientifique robuste, mais encore incomplète, de l’incidence des effets cumulatifs des substances. Il élargit également la reconnaissance de la nécessité de désigner et de protéger les populations vulnérables et, à la suite des discussions du comité, les milieux vulnérables.
Le projet de loi comprend aussi maintenant plusieurs dispositions visant à éviter la substitution regrettable. Cela signifie prendre une substance qui pourrait être très toxique pour la santé humaine et la commercialiser. La plus importante de ces dispositions demeure la liste de surveillance, qui permettra d’avertir rapidement l’industrie de l’existence de substances qui, par exemple, sont dangereuses et qui pourraient être jugées toxiques au sens de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement si l’exposition à ces substances ou leur utilisation change.
Le projet de loi élimine en outre les doubles emplois entre les lois et les ministères. S’il est adopté et si les règlements appropriés sont adoptés, il supprimerait l’obligation, comme c’est actuellement le cas, de signaler, d’évaluer et de gérer les nouveaux médicaments en vertu de deux lois distinctes, par exemple, la Loi sur les aliments et drogues en ce qui concerne la sécurité, l’efficacité et la qualité d’un médicament et, simultanément, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement pour ce qui est des risques environnementaux associés aux ingrédients du médicament. Cela permettrait d’adopter une approche plus efficiente et plus efficace pour évaluer et gérer les risques des médicaments au Canada.
Enfin, le projet de loi accroît la transparence grâce à des changements au régime des renseignements commerciaux confidentiels, et il comprend maintenant des exigences de fond pour accélérer les efforts visant à remplacer, à réduire et raffiner les essais sur les animaux.
Comme je connais bien les dossiers concernant l’utilisation d’animaux dans la recherche dans le domaine de la santé, je suis particulièrement heureux que les amendements du Sénat visant ce projet de loi permettent de faire un pas de plus vers l’objectif qui consiste à éliminer les essais de substances sur les animaux dès qu’il sera scientifiquement possible de le faire.
Comme je l’ai déjà dit, le comité a entendu des témoignages vigoureux et réfléchis de la part des représentants de la société civile et de l’industrie pendant son étude du projet de loi. Nous avons entendu plus de 35 témoins et reçu de nombreux mémoires sur un large éventail de sujets, de préoccupations et de propositions de changement. Le comité a entendu des organisations autochtones, des organisations de l’industrie, des organisations non gouvernementales, des universitaires et des particuliers, qui ont tous donné leur opinion au sujet du projet de loi et de la réforme de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement en général.
Nous avons entendu des commentaires sur une variété de sujets, y compris le bien-être des animaux, l’amélioration de la transparence, l’accès du public à l’information ainsi que l’évaluation et la gestion des substances toxiques, entre autres.
Nous avons entendu des plaidoyers en faveur d’une plus grande transparence et d’un accès plus facile à l’information fournie en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement et aux renseignements commerciaux confidentiels, ainsi que de modifications au Registre de la loi afin de le rendre plus convivial.
On nous a demandé de rendre les processus d’évaluation et de gestion des risques plus spécifiques. On nous a parlé de certains défis de longue date en matière de pollution auxquels sont confrontés les peuples autochtones. On nous a dit qu’il faut prendre au sérieux la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones ainsi que nos devoirs constitutionnels, et de veiller à ce qu’ils guident la mise en œuvre de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement.
On nous a dit qu’il faut d’abord penser à la santé des gens et de l’environnement, et veiller à ce que les personnes vulnérables et les milieux vulnérables soient au haut de la liste des priorités, pas à la fin.
Le comité a adopté plusieurs amendements en lien avec ces aspects. Je vais vous présenter trois thèmes récurrents lors de nos discussions et aborder certains des amendements adoptés pour tenir compte de ces thèmes.
En premier lieu, plusieurs amendements ont pour but de mieux intégrer les droits des Autochtones et leurs points de vue. Le savoir autochtone a été explicitement reconnu dans le contexte des données scientifiques actuelles et émergentes.
Le comité s’est également penché sur les exigences en matière de consultation et de rapports. De nouvelles exigences ont été ajoutées pour mieux informer la population des mesures et des décisions prises au titre de la loi, et on a insisté sur le besoin de mettre en place un registre électronique interrogeable.
Le comité a ajouté des mesures de protection pour les animaux vertébrés en incluant des dispositions de fond au projet de loi. Celles-ci vont au-delà de l’intention énoncée dans le préambule et réorganisent l’ordre des trois R — réduire, remplacer et raffiner — de manière à ce que la priorité soit de remplacer entièrement l’utilisation des animaux vertébrés dans les essais de toxicité. Si ce n’est pas possible à l’heure actuelle, alors leur utilisation devrait être réduite ou raffinée. Autrement dit, il faut veiller au bien-être de ces animaux qui sont utilisés pour les essais.
Parmi les différents changements dans ce domaine, le comité a aussi adopté un amendement afin d’exiger que le plan des priorités de gestion des produits chimiques comporte des initiatives ou activités spécifiques visant à promouvoir l’élaboration et la mise en œuvre de méthodes de rechange pour les essais, afin que ces méthodes ne requièrent pas l’utilisation d’animaux vertébrés. Cet amendement encouragera l’élaboration et l’adoption, en temps opportun, de méthodes et stratégies de rechange scientifiquement justifiées pour l’essai et l’évaluation des substances, ce qui correspond aux mesures prises par certains de nos partenaires internationaux, dont les États-Unis et l’Union européenne.
Le comité a aussi fait plusieurs observations qui, je l’espère, pousseront le gouvernement à accroître sa capacité de mettre en œuvre ce que le projet de loi exige désormais.
L’un des amendements apportés au projet de loi S-5, à l’article 44, dit ceci :
Les ministres effectuent des recherches, des études ou des activités de surveillance afin d’appuyer le gouvernement du Canada dans ses efforts visant à protéger le droit à un environnement sain [...]
Un autre amendement remplace l’alinéa 45a) par un nouveau passage selon lequel le ministre de la Santé doit « effectuer des recherches et des études, notamment des enquêtes de biosurveillance, sur le rôle des substances dans les maladies ou troubles de la santé ».
Malheureusement, honorables sénateurs, comme nous l’avons entendu dans les témoignages, le gouvernement n’est pas en mesure, à l’heure actuelle, de fournir les services essentiels, robustes et complets de biosurveillance, de mise en banque de matériel biologique, d’études de cohortes longitudinales continues et d’analyses toxicogénomiques qui sont nécessaires pour appuyer ce que ce projet de loi préconise. De plus, le comité a appris que les activités de biosurveillance existantes ne comprennent pas actuellement une représentation appropriée des peuples autochtones. Ces deux problèmes doivent être résolus, car sans une capacité scientifique solide et complète dans tous les domaines que j’ai mentionnés, les promesses que fait le projet de loi pour améliorer la santé des gens et de l’environnement ne seront pas tenues.
De nombreux Canadiens seront attentifs à la rapidité avec laquelle évoluera la nécessité d’améliorer la capacité à effectuer ce travail scientifique essentiel et au financement et attentes en matière de développement de cette capacité scientifique que l’autre endroit pourra intégrer dans le projet de loi pour promouvoir davantage cette nécessité.
Je suis fier d’appuyer le projet de loi à l’étude et j’exhorte tous les sénateurs à voter en faveur de son adoption et de son renvoi à l’autre endroit pour examen. Cette modernisation de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement est une mesure importante prise par le gouvernement du Canada pour protéger à long terme la santé des gens et de l’environnement, et j’ai bon espoir que ce ne sera pas la dernière.
De nombreuses parties de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement ne sont pas modifiées par le projet de loi parce qu’elles ne faisaient pas partie de sa portée, mais nous espérons que, dans un avenir pas trop lointain, comme l’a dit le ministre Guilbeault lorsqu’il a témoigné au comité, nous aurons la chance de nous pencher sur d’autres parties de la loi et de continuer à l’améliorer.
J’ai hâte de suivre les débats sur le projet de loi S-5 à l’autre endroit, et j’espère que la version révisée et améliorée du projet de loi S-5 dont le Sénat est saisi aujourd’hui sera adoptée ici et envoyée à la prochaine étape du processus le plus rapidement possible.
Merci, wela’lioq.
Sénateur Kutcher, accepteriez-vous de répondre à une question?
Absolument.
Je vous remercie. Pourriez-vous nous en dire plus sur la biosurveillance en ce qui concerne les peuples autochtones, et sur le moment où, selon vous, elle se concrétisera? Autrement dit, quels aspects que nous avons étudiés seront exclus parce qu’ils ne peuvent pas se faire à l’heure actuelle?
Je vous remercie beaucoup de cette excellente question. La biosurveillance, ce qui veut dire l’étude de l’accumulation de substances dans le corps humain — que l’on peut détecter notamment dans le sang, dans les ongles, dans les cheveux et dans les tissus — est un élément essentiel de la détermination des effets des substances sur la santé humaine, non seulement à un moment précis, mais aussi sur de longues périodes.
Nous devons avoir les capacités nécessaires pour prendre de telles mesures de biosurveillance à l’égard de la population générale, mais c’est d’autant plus important pour les populations vulnérables. En ce qui concerne les gens qui vivent dans des environnements où on sait que la concentration de substances toxiques peut être plus importante, la biosurveillance nous indique tout ce que nous devons savoir à propos des effets de l’environnement sur la santé humaine. Le Canada fait actuellement de la biosurveillance, mais pas assez. Des témoins nous ont dit que les mesures de biosurveillance doivent être plus rigoureuses. Il faut inclure beaucoup plus de personnes. Il faut tenir compte des divers groupes de la population canadienne. On ne peut pas se concentrer seulement sur un groupe. Tous les groupes de la population canadienne doivent être inclus dans le processus de biosurveillance afin que l’on puisse observer les différents effets que l’environnement peut avoir sur divers groupes.
Des témoins nous ont aussi dit que les peuples autochtones ne sont pas inclus dans le processus de biosurveillance habituel et qu’ils ne sont certainement pas inclus autant qu’il le faudrait lorsqu’il s’agit de recueillir suffisamment de données pour bien comprendre les effets sur les peuples autochtones.
Étant donné que le Sénat ne peut pas inclure de mesures de financement dans ce projet de loi, nous ne pouvons que recommander vivement une amélioration considérable des capacités scientifiques du Canada et exhorter l’autre endroit à inclure des mesures à cette fin dans ce projet de loi. Je vous remercie infiniment de cette question, sénatrice McCallum.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi S-5, Loi sur le renforcement de la protection de l’environnement pour un Canada en santé. Comme vous le savez peut-être, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement a été adoptée en 1999 et elle n’a subi aucune modernisation importante depuis sa création. Dans un monde en évolution rapide, attendre 23 ans avant de mettre à jour notre régime de protection, c’est trop long. Plus de 28 000 produits chimiques sont déjà homologués pour utilisation, et plus de 600 nouveaux produits chimiques sont mis sur le marché chaque année au Canada, soit au-delà de trois fois plus qu’aux États-Unis.
Je vous encourage fortement à voter en faveur du projet de loi S-5 tel qu’il a été amendé au comité et j’aimerais profiter de cette occasion pour expliquer la manière dont la Loi nous touche tous, ainsi que les raisons pour lesquelles il est important de l’étudier et de la revoir fréquemment.
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement fournit le cadre qui dicte de quelle manière, pour quelles raisons et à quel moment il convient d’évaluer la toxicité des substances chimiques. Elle détermine s’il faut réglementer des substances et, s’il y a lieu, comment. Le projet de loi S-5 cherche à renforcer ce cadre évaluatif et réglementaire.
En 2017, le Comité permanent de l’environnement et du développement durable de la Chambre des communes avait entrepris un examen de cette loi et avait fait 87 recommandations. Seules certaines de ces recommandations ont été retenues dans l’élaboration du projet de loi S-5, notamment la prise en compte des populations vulnérables. Plusieurs recommandations formulées par le comité et des experts n’ont pas encore été incluses, comme l’obligation de justifier les demandes de confidentialité, l’évaluation des risques, l’inclusion des changements climatiques, la gestion des pesticides, les substances radioactives, les rayonnements électromagnétiques et les organismes modifiés génétiquement.
Plusieurs sénateurs ont cherché à combler ces lacunes en proposant des amendements dans le cadre de l’étude réalisée par le comité. Je remercie particulièrement les sénateurs Miville-Dechêne, McCallum, Patterson et Arnot pour leurs propositions réfléchies. Je remercie aussi le parrain du projet de loi, le sénateur Kutcher, d’avoir accepté la tâche difficile de parrainer un projet de loi aussi important et aussi complexe du point de vue technique.
Hier, le président du Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles nous a fait part des statistiques et des conclusions globales de notre travail. Je ne répéterai pas toutes ces informations, mais j’aimerais souligner que 64 amendements ont été présentés, dont 34 ont été adoptés. Je suis satisfaite, notamment, du fait que mes collègues aient appuyé 14 des amendements que j’ai proposés, dont plusieurs portaient sur la réduction du nombre d’évaluations et d’essais réalisés sur les animaux vertébrés.
Selon la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, le gouvernement doit évaluer les substances et les catégoriser en fonction de leur toxicité. Chaque année, le gouvernement du Canada évalue environ 600 nouvelles substances sur le marché canadien. Pourtant, en dépit de toutes ces substances et des milliers de nouveaux produits qui sont importés au Canada chaque année, le gouvernement ne s’est pas donné les ressources suffisantes pour réaliser des tests adéquats. Vous avez peut-être entendu la question que j’ai posée plus tôt au sénateur Gold, mais nous ne savons pas si le gouvernement compte trop sur l’industrie pour lui fournir les données scientifiques requises pour les évaluations, si les laboratoires universitaires joueront un rôle accru dans la conduite de ces tests ou si les fonctionnaires se fient aux revues de la littérature.
Une telle ambiguïté est problématique. Une revue de la littérature, quoique très utile pour avoir une vue d’ensemble, pourrait ne pas comprendre de tests effectués dans les conditions idéales pour déterminer si une substance est toxique dans l’environnement, si elle peut entraîner des effets chroniques à long terme chez les humains ou s’il existe des substances équivalentes moins toxiques, par exemple. Bien que la loi indique qu’il revient au ministre de veiller à ces évaluations, le gouvernement se fie à des données issues d’expériences conçues, réalisées, analysées et diffusées en très grande partie par l’industrie aux fins de la vente. Cette dépendance aux données fournies par l’industrie justifie des précautions supplémentaires et non en moins.
La Loi canadienne sur la protection de l’environnement mentionne à plusieurs reprises le principe de la prudence, une approche qui préconise la vigilance lorsqu’il est question de substances sur lesquelles il n’y a pas de connaissances scientifiques approfondies. C’est une approche censée lorsqu’il s’agit de substances qui ont le potentiel de détruire des écosystèmes ou d’avoir des effets durables sur la santé humaine. Malheureusement, le régime canadien de protection de l’environnement se fonde davantage sur la gestion du risque que sur la prudence.
Le projet de loi S-5 modifie le préambule de la Loi en retirant la reconnaissance de « la nécessité de procéder à la quasi-élimination des substances toxiques les plus persistantes et bioaccumulables ».
Cette phrase se trouvait dans la version initiale de la loi. Aujourd’hui, on voudrait plutôt se concentrer sur « la nécessité de limiter et de gérer les polluants ». Il ne s’agit donc pas d’une approche de précaution ou de prévention. Ce libellé envoie le mauvais message en laissant entendre qu’il n’est pas nécessaire d’éliminer les polluants : suffit de les gérer et de les limiter.
Au sujet de la prévention, le gouvernement nous a dit que seulement 25 substances de la liste des substances toxiques sont visées par des exigences liées à un plan de prévention de la pollution. On nous a affirmé qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter parce que ce ne sont pas toutes les utilisations des substances qui créent un risque. Nous devons souligner que les notions de risque élevé et de risque acceptable ne sont pas définies dans le projet de loi S-5. Sans ces limites, la gestion du risque pourrait mener à des situations où il est acceptable que les citoyens soient exposés à différents niveaux de danger, ce qui exacerberait les inégalités. Ce type de problème est évité lorsque l’accent est mis sur la prévention.
Je suis consciente que le gouvernement a proposé un amendement qui a été présenté par le sénateur Kutcher au comité pour étendre la priorité accordée aux mesures de prévention de la pollution aux deux parties de la liste des substances toxiques à l’annexe 1, plutôt qu’à la partie 2 seulement. Le comité a aussi adopté l’amendement de la sénatrice Miville-Dechêne, qui accorde le pouvoir au gouvernement, au besoin, d’exiger des plans de prévention de la pollution de tout fabricant de substances toxiques. La prévention est un des piliers d’une protection environnementale adéquate, et ces amendements renforcent le projet de loi S-5.
Le projet de loi présente également un outil qui, à mon avis, sera bon pour le régime de protection de l’environnement : la liste des substances potentiellement toxiques. Cette liste signale clairement à l’industrie qu’une substance peut devenir toxique si elle est utilisée différemment ou si une plus grande quantité de cette substance pénètre dans l’environnement. Elle mentionne également que d’autres mesures réglementaires pourraient être prises si nécessaire. Elle agit en tant que système d’alerte qui n’est pas limité aux substances liées à une nouvelle activité. Bien que certains témoins de l’industrie s’y soient opposés, je crois qu’elle sera profitable pour l’industrie en l’aidant à éviter les substances qu’elle serait autrement obligée de remplacer éventuellement.
Les attentes des citoyens à l’égard du projet de loi S-5, qui prévoit dans son préambule le droit à un environnement sain, sont élevées. Malheureusement, les Canadiens ne bénéficieront pas, en bonne et due forme, de ce droit quand le projet de loi sera adopté. À ce stade, le projet de loi donne seulement l’ordre au ministre d’élaborer et de mettre en œuvre un plan pour préciser la nature exacte de ce droit dans les deux ans suivant son entrée en vigueur.
Je suis désolé, sénatrice Galvez, mais il est maintenant 18 heures. Je m’excuse, mais je dois vous interrompre.
Conformément à l’article 3-3(1) du Règlement, je dois quitter le fauteuil jusqu’à 20 heures, à moins que nous convenions de ne pas suspendre la séance. Si vous voulez suspendre la séance, veuillez dire « suspendre ».
La séance est suspendue jusqu’à 20 heures. Sénatrice Galvez, nous vous accorderons le reste de votre temps de parole à notre retour.