Projet de loi sur le logement et l'épicerie à prix abordable
Projet de loi modificatif--Troisième lecture
14 décembre 2023
Propose que le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, soit lu pour la troisième fois.
Honorables collègues, « le capitalisme sans concurrence, c’est de l’exploitation ».
Cette déclaration décrit un pilier central de la politique économique du président Joe Biden. Il a ajouté ceci : « Sans une saine concurrence, les grands joueurs peuvent changer tout ce qu’ils veulent, exiger n’importe quel prix et traiter les gens comme ils le veulent. »
Ceux d’entre nous qui prennent l’avion chaque semaine vivent avec les effets de cette réalité.
En revanche, les marchés concurrentiels obligent les entreprises à innover pour faire de meilleures offres et attirer plus de clients. Une concurrence robuste sur les marchés encourage les entreprises à investir davantage et à être plus efficaces, novatrices et productives. La concurrence permet d’offrir de meilleurs produits à meilleur prix à la clientèle. Les marchés concurrentiels encouragent donc les entreprises à devenir de meilleurs concurrents à l’échelle mondiale.
Au Canada, les investissements et la productivité des entreprises sont en baisse constante depuis plus de 20 ans. On s’entend de plus en plus pour dire que c’est en grande partie à cause de nos lois et de nos politiques désuètes en matière de concurrence.
C’est pourquoi je suis ravi, honorables collègues, de prendre la parole aujourd’hui à l’étape de la troisième lecture du projet de loi C-56, Loi sur le logement et l’épicerie à prix abordable. Je suis heureux que le gouvernement donne suite à son engagement initial du budget de 2022 en ce qui a trait aux réformes stratégiques en matière de concurrence. Le projet de loi C-56 propose d’apporter aux lois canadiennes en matière de concurrence les réformes les plus importantes depuis les années 1980. Il mettra en place des mesures visant à rendre les logements plus abordables et à accroître la concurrence dans l’ensemble de l’économie, y compris dans le secteur de l’alimentation.
Cependant, j’aimerais d’abord prendre le temps de vous expliquer pourquoi je m’intéresse autant aux réformes visant les lois et les politiques du Canada en matière de concurrence.
Lorsqu’elle a été promulguée en 1985, la Loi sur la concurrence avait pour objectif :
[...] de préserver et de favoriser la concurrence au Canada dans le but de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne, d’améliorer les chances de participation canadienne aux marchés mondiaux tout en tenant simultanément compte du rôle de la concurrence étrangère au Canada, d’assurer à la petite et à la moyenne entreprise une chance honnête de participer à l’économie canadienne, de même que dans le but d’assurer aux consommateurs des prix compétitifs et un choix dans les produits.
Cet objectif reste d’actualité. Le problème, cependant, c’est que les réalités du marché ont fondamentalement changé au cours des 38 années qui ont suivi, de sorte que de nombreuses parties du projet de loi ne sont plus adaptées. La Loi sur la concurrence date d’une époque où l’on considérait qu’encourager les grandes entreprises locales était une priorité économique nationale.
Cette croyance a été complètement discréditée par les faits, mais elle perdure dans la Loi sur la concurrence.
Par exemple, en raison de la manière dont nous gérons la concurrence dans le secteur des télécommunications, 85 % de Canadiens qui possèdent un téléphone intelligent paient des factures de télécommunications parmi les plus élevées du monde. Permettez‑moi de vous présenter quelques-unes des inégalités qui en résultent.
J’utilise beaucoup mon téléphone intelligent du Sénat. Je ne suis probablement pas le seul. Il ne m’en coûte que 30 $ par mois grâce à l’accord que les organismes fédéraux ont conclu avec Bell Canada.
En revanche, mon téléphone personnel me coûte environ 90 $ par mois, à peu près trois fois plus que mon téléphone du Sénat. Je suis absolument certain d’une chose : Bell ne proposerait jamais cette offre à 30 $ par mois si elle n’était pas rentable.
Ainsi, ceux qui peuvent payer le plus paient le moins, et ceux qui peuvent payer le moins paient le plus. Bell peut s’offrir le luxe d’imposer à ses clients des pratiques de prix discriminatoires parce que nos lois et politiques sur la concurrence protègent les oligopoles contre une forte concurrence, même contre des concurrents canadiens. Si vous pensez que la situation est mauvaise ici dans le Sud du Canada, je vous suggère de parler à l’un des trois sénateurs qui représentent les territoires.
J’aimerais maintenant vous parler d’une récente fusion dans l’industrie pour étayer mon point de vue. Au cours des 18 derniers mois, nous avons été témoins d’une consolidation à grande échelle en temps réel, quand Rogers a fait l’acquisition de Shaw pour 26 milliards de dollars.
Lorsqu’il s’est rendu compte que ce projet d’acquisition risquait de consolider davantage le marché, le commissaire de la concurrence, Matthew Boswell, a osé contester la fusion et défendre les intérêts des consommateurs canadiens. Soudainement, alors que les représentants du Bureau, de Rogers et de Shaw se préparaient à comparaître devant le tribunal, Rogers s’est engagée à vendre la division sans fil de Shaw, Freedom Mobile. Rogers a fait le pari qu’elle pouvait déterminer par elle-même la solution aux effets anticoncurrentiels qu’aurait cette fusion. Elle a gagné ce pari.
Rogers avait reçu deux offres crédibles pour Freedom Mobile et, fait étonnant, le conseil d’administration de Rogers a accepté l’offre qui était inférieure de plus d’un milliard de dollars à l’offre spontanée d’un concurrent plus solide et totalement indépendant. Jamais le conseil d’administration de Rogers n’aurait accepté un milliard de dollars de moins sur cette vente d’actifs s’il n’avait pas la certitude que le prix de vente réduit produirait en fin de compte des rendements beaucoup plus élevés, à long terme, parce que l’actif était vendu à un concurrent plus faible.
Quel qu’ait été son raisonnement, Rogers a exploité la faiblesse des lois canadiennes en matière de concurrence. Cette faiblesse lui a permis de choisir audacieusement et publiquement son propre concurrent pour remédier à ce que beaucoup estimaient être une fusion anticoncurrentielle.
Finalement, en janvier dernier, le tribunal s’est prononcé en faveur de la poursuite de la fusion. Puis, en août, le tribunal est allé jusqu’à déterminer que les contribuables canadiens devaient payer environ 13 millions de dollars à Rogers et à Shaw parce que selon lui, le commissaire de la concurrence du Canada avait été trop agressif dans sa contestation de la fusion en vertu de la loi actuelle sur la concurrence.
Chers collègues, nos oligopoles profitent constamment des lois et des politiques héritées du passé dans l’ensemble du gouvernement. Ce problème ne se limite pas aux secteurs de l’épicerie et des télécommunications, loin de là.
Bon nombre des oligopoles au Canada sont aujourd’hui tellement dominants qu’ils peuvent se contenter de servir les intérêts des actionnaires sans se soucier des intérêts des consommateurs. En effet, l’état général de la concurrence au Canada est tel que notre pays impose désormais l’un des fardeaux réglementaires les plus lourds de l’OCDE. Paradoxalement, se conformer aux règlements fédéraux, provinciaux et municipaux au Canada coûte tellement que les règlements qui devaient initialement protéger les citoyens protègent désormais bien mieux les intérêts des oligopoles. La lourdeur et la complexité de la réglementation canadienne représentent un frein à l’arrivée de nouveaux joueurs innovants.
Au Comité sénatorial des banques, je demande toujours aux économistes des grandes banques canadiennes quelle est l’importance de la concurrence. Ironiquement, ils répondent toujours qu’une saine concurrence est cruciale pour favoriser l’innovation, la productivité et la prospérité au Canada. Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, parle quant à lui toujours de la saine concurrence comme étant un allié essentiel dans la lutte contre l’inflation.
Chers collègues, je vous ai déjà dit qu’il était impossible de rendre une entreprise sensible aux besoins des consommateurs au moyen de la réglementation; seule la concurrence peut y arriver. Nous avons désespérément besoin d’un changement de cap si nous voulons assurer la prospérité future du pays.
Je vais arrêter de prêcher afin d’aborder directement les éléments qui concernent la concurrence dans le projet de loi C-56.
En novembre 2022, Innovation, Sciences et Développement économique Canada a lancé une consultation sur l’avenir de la politique de la concurrence au Canada. Cette consultation publique, à laquelle ont participé plus de 130 intervenants sélectionnés et plus de 400 membres du grand public, a suscité un intérêt considérable. En tout, plus d’une centaine de propositions de réforme de la politique de la concurrence ont été formulées. Des tables rondes et des rencontres individuelles ont également été organisées avec les parties prenantes.
En septembre, les résultats de cette consultation ont été publiés dans un rapport intitulé Ce que nous avons entendu, et les modifications apportées à la Loi sur la concurrence dans le cadre du projet de loi C-56 découlent toutes de cette consultation. Bien que ces modifications intègrent des éléments supplémentaires découlant d’une entente avec le NPD, elles correspondent toutes au rapport de consultation.
Voici en quoi consistent ces modifications. Premièrement, le Bureau de la concurrence aura le pouvoir d’entreprendre des études de marché afin de se pencher sur les déficiences susceptibles d’être causées par un manque de concurrence. Il importe de souligner que le Bureau de la concurrence n’est pas le seul à pouvoir exiger la production d’informations sur les entreprises concernées. Avant que cette modification ne soit apportée, le Bureau de la concurrence, lorsqu’il menait une étude de marché, ne pouvait que demander poliment aux entreprises concernées de lui fournir des renseignements qui n’étaient pas accessibles au public.
On peut se demander comment ce principe pourrait fonctionner dans le cadre d’une enquête policière, par exemple.
Ce manque de pouvoir était illogique et allait totalement à l’encontre des pratiques observées dans les pays comparables au nôtre.
Pour tout dire, dans le mémoire qu’ils ont présenté lors de la consultation canadienne, le procureur général adjoint Jonathan Kanter, qui est responsable de l’application des lois antitrust aux États-Unis, et la déléguée commerciale fédérale Lina Khan ont écrit ceci :
Le Bureau de la concurrence, comme la [Federal Trade Commission], a le pouvoir de réaliser des études de marché. Contrairement au Bureau de la concurrence, la [Federal Trade Commission] dispose toutefois d’un pouvoir d’assignation, ce qui l’aide à mener ce genre d’étude.
Ils poursuivent ainsi :
Ces études permettent à la Federal Trade Commission de recueillir de l’information et des documents en dehors du cadre d’application de la loi et elles peuvent contribuer à recenser et à analyser les tendances et les problèmes qui risquent d’avoir un effet sur la concurrence [...]
Le Comité des finances de la Chambre a adopté un amendement qui élargit les pouvoirs du commissaire à la concurrence, qui peut désormais lancer des études de marché sans attendre une directive du ministre. Il s’agit d’un changement important, mais le mandat de ces études devra tout de même être rédigé en coordination avec le ministre et approuvé par celui-ci.
Deuxièmement, la défense fondée sur les gains en efficience sera éliminée. Le Canada faisait bande à part dans ce dossier. Cette défense empêche la contestation des fusions anticoncurrentielles devant les tribunaux si les parties en cause réussissent à établir, même hypothétiquement, que la fusion envisagée pourrait se traduire par des gains d’efficience. Or, elles ne sont aucunement tenues de réaliser les gains en question. Cette pratique n’est autorisée dans aucun autre État.
Troisièmement, les modifications élargissent la portée des dispositions sur la collaboration entre concurrents afin d’inclure la collaboration entre parties qui ne sont pas directement en concurrence. Nous en avons un exemple direct dans le domaine de l’alimentation.
Selon les règles actuelles, un épicier propriétaire d’un centre commercial peut empêcher un concurrent d’ouvrir un magasin rival à proximité. Pire encore, les obligations contractuelles peuvent demeurer en vigueur après la fermeture de l’épicerie, ce qui crée un désert alimentaire. Ces modifications permettraient au Bureau de la concurrence d’engager des poursuites relativement à cette pratique.
Quatrièmement, le Bureau de la concurrence pourra poursuivre les grandes sociétés qui abusent de leur position dominante pour se livrer à des actes anticoncurrentiels, comme d’écraser les petits joueurs. La modification ajoute « [...] l’imposition directe ou indirecte de prix de vente excessifs et injustes » à une liste d’agissements :
[destinés] à avoir un effet négatif visant l’exclusion, l’éviction ou la mise au pas d’un concurrent, ou à nuire à la concurrence [...].
Certains ont interprété cette modification comme plaçant le Bureau de la concurrence dans une position inconfortable pour ce qui est d’imposer des contrôles de prix, mais le préambule prévient ce risque.
Enfin, les sanctions administratives pécuniaires pour les agissements anticoncurrentiels passent de 10 millions de dollars à 25 millions de dollars — et de 15 millions de dollars à 35 millions de dollars pour toute ordonnance subséquente. Il est généralement entendu que les gros joueurs considèrent les sanctions actuelles comme entrant dans les frais généraux. L’exemple récent le plus troublant est la sanction imposée à Facebook pour sa tromperie commerciale dans l’affaire Cambridge Analytica. Au Canada, la sanction maximale pour une telle infraction ne pourrait dépasser 10 millions de dollars, alors qu’aux États-Unis, cette infraction a donné lieu à l’imposition d’une sanction de 5 milliards de dollars par le gouvernement américain.
Certains se sont dit préoccupés par le caractère fragmentaire de ces modifications. C’est de bonne guerre. Quoi qu’il en soit, j’appuie pleinement ces changements importants, mais j’ai hâte d’examiner de plus près ceux qui sont inclus dans le projet de loi C-59.
Chers collègues, la concurrence n’est pas seulement une question de bas prix. Elle est aussi le fait d’une société libre, équitable et démocratique. Lorsque des monopoles émergent, les gouvernements sont contraints d’élaborer des règlements pour lutter contre leurs méfaits. Ces règlements s’enracinent de sorte qu’il est plus difficile pour les nouveaux venus d’avoir un effet sur le marché, ce qui renforce le monopole.
À défaut d’autre chose, n’oubliez pas la vérité suivante : il est impossible de réglementer une entreprise de telle façon qu’elle devienne centrée sur les consommateurs. Seule une forte concurrence peut y parvenir.
Si nous voulons que le Canada sorte du marasme généralisé de la faible productivité et des règlements contraignants, nous devons réformer nos lois sur la concurrence. Le projet de loi C-56 constitue une première étape importante. Les modifications qu’il apporte sont cruciales et largement appuyées par les leaders d’opinion et le Bureau de la concurrence. Il s’agit vraiment du début d’un changement générationnel.
Merci, chers collègues.
Le sénateur Deacon accepterait-il de répondre à une question?
Certainement. Merci.
Hier, j’ai posé la question suivante au commissaire de la concurrence : le projet de loi C-56 et les modifications à la Loi sur la concurrence entraîneront-ils une réduction du prix des aliments au cours des prochains mois ou de la prochaine année? Il m’a répondu que non, mais que, à long terme, les modifications à la Loi sur la concurrence apporteront de bonnes choses.
L’autre aspect de la question est que le bureau de la concurrence savait que depuis une décennie les épiceries procédaient à des fusions, limitant ainsi la concurrence. Alors, il a publié différents rapports. Rien n’a été fait.
Je m’interroge sur le lien avec la Loi sur le lobbying. Pouvez‑vous nous parler de l’incidence de la Loi sur le lobbying et du fait que les oligopoles prennent de plus en plus d’ampleur au Canada? Merci.
Sénateur Deacon, votre temps de parole est écoulé. Demandez-vous la permission de répondre à la question?
J’aimerais avoir cinq minutes de plus, s’il plaît au Sénat. Je crois que je n’aurai même pas besoin de tout ce temps.
Le consentement est‑il accordé, sénateur?
Ma foi, merci de votre affabilité, sénateur Plett.
Il s’agit d’une question importante, sénatrice Galvez. Qui peut avoir accès, combien doit-on payer pour retenir les services de lobbyistes? Voilà la question à se poser. Il faut faire valoir les bons arguments et il est aussi important de faire appel à des avocats hors de prix pour monter son dossier. Les nouvelles entreprises qui dérangent n’ont ni le temps, ni les ressources, ni l’expérience pour mener ce genre de combat.
Souvent, la voix la plus forte, la mieux branchée et la plus puissante est celle qui sait se faire entendre. Le message des autres passe moins bien.
Ce qu’il faut retenir, c’est que certains des changements que le projet de loi C-56 apporte à la Loi sur la concurrence feront en sorte que, de plus en plus, les règles ne seront plus automatiquement à l’avantage des oligopoles. J’ai espoir que nous continuerons à voir des changements et que les oligopoles devront commencer à se battre pour attirer des clients. Ils ne pourront plus utiliser la lourdeur réglementaire pour en faire une barrière de protection. Les grandes sociétés aiment les règlements parce qu’ils les protègent contre les petits nouveaux qui innovent. Leurs vastes assises financières leur permettent en outre de mieux absorber le coût des règlements.
À mon avis, il s’agit d’un excellent point de départ, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire avant que la concurrence soit plus vigoureuse au Canada.
En ce qui concerne ce que le commissaire a dit au sujet de l’effet sur les prix en particulier, le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a été très clair : il s’agit d’une aide très importante dans la lutte à long terme pour maintenir les prix bas et lutter contre l’inflation. La question ne se réglera pas du jour au lendemain, loin de là, mais cette mesure nous aidera certainement tous à long terme. J’espère que ma réponse est utile. Merci.
Chers collègues, je voudrais intervenir aujourd’hui sur le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence.
Sachez tout d’abord que je n’ai pas l’intention d’apporter quelque amendement que ce soit à ce projet de loi. Sachez également que je serai très bref, car je suis en faveur des initiatives que contient le projet de loi. Vous vous demandez sans doute alors pourquoi je prends la parole. C’est parce que je veux dénoncer haut et fort dans cette Chambre le peu de temps qui a été alloué à l’étude de ce projet de loi.
Cela n’a rien de personnel à l’endroit du représentant du gouvernement au Sénat ou du président du Comité des finances nationales, l’honorable sénateur Mockler. Au contraire. En tant que membre du comité directeur, le sénateur Mockler m’a avisé dès lundi midi que nous aurions de la difficulté à analyser et à adopter ce projet de loi avant notre ajournement pour le temps des Fêtes, à moins de prendre des mesures exceptionnelles, comme la tenue d’un comité plénier — une première en 10 ans, selon mes recherches, pour un projet de loi de nature économique.
J’avoue que je ne connaissais pas cette procédure exceptionnelle, honorables sénateurs. À l’instar de mes deux collègues du Groupe des sénateurs canadiens, je suis resté sur mon appétit, compte tenu des trois minutes et demie qui ont été allouées à chacun d’entre nous pour questionner deux ministres qui ont des responsabilités dans le secteur économique.
Permettez-moi de saluer et remercier publiquement le leader du Groupe des sénateurs canadiens pour avoir insisté, au début de la semaine, pour que le Comité sénatorial permanent des finances nationales tienne une séance spéciale immédiatement après le comité plénier, afin d’entendre quelques témoins sur ce projet de loi.
Je lève mon chapeau à notre greffière, Mme Mireille Aubé, et à ses deux analystes, qui ont réussi, en moins de 24 heures d’avis, à obtenir la participation de quatre témoins à notre comité hier après‑midi.
Honorables sénateurs et sénatrices, sachez que ce projet de loi a été adopté en première lecture à l’autre endroit le 21 septembre dernier et que le Sénat l’a reçu lundi soir cette semaine. Je me permets de souligner que le Comité des finances de l’autre Chambre a pu y consacrer plus de huit heures de son temps et a entendu neuf témoins. À première vue, cela doit sans doute vous rassurer.
Or, sachez que l’Association du Barreau canadien, dont le mémoire — que j’ai entre les mains — a été déposé et compte une trentaine de pages et 19 recommandations, n’a pas été en mesure de témoigner.
Qui plus est, lors de l’étude article par article au comité de l’autre endroit, quatre amendements ont été présentés et adoptés. Cela me semble une preuve évidente que cette première réforme en 35 ans de la Loi sur la concurrence contenue dans ce projet de loi aurait sans doute mérité un second examen un peu plus attentif dans cette Chambre.
Honorables sénateurs, vous percevez sans doute un peu de colère ou, du moins, une certaine frustration intellectuelle en tant que sénateur membre de cette Chambre haute dite de second examen attentif.
Cette semaine, je n’ai pas senti que nous faisions partie d’un système parlementaire bicaméral composé de deux Chambres. J’ai plutôt eu l’impression de siéger au sous-sol de la Chambre basse de l’autre endroit et d’être traité comme un parlementaire de seconde classe. C’est comme si quelqu’un, quelque part, avait oublié que nous sommes des sénateurs qui ont sans doute des convictions politiques différentes, mais qui ont aussi un dénominateur commun, soit le souhait de bien faire les choses, en toute transparence, pour le mieux-être de l’ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
Je tiens à remercier mes collègues du comité directeur du Comité des finances nationales, qui ont accepté de relever quelque peu le ton dans l’observation qui a été présentée hier soir. Habituellement, au Comité des finances nationales, on utilise des mots feutrés, polis et courtois. Cette fois, on a haussé un peu le ton en mentionnant que l’on trouvait méprisant que le comité ait eu aussi peu de temps pour analyser le projet de loi.
Honorables sénateurs, je conclus, mais sachez que, malheureusement, je crois bien avoir attrapé le vilain mal de gorge du sénateur Carignan, de sorte que je vais m’arrêter ici et que je ne pourrai sans doute pas répondre à vos questions. Merci.
J’avais une question. Est-ce que je peux vous demander, cher collègue, de reconsidérer cela?
Ce sera la seule question à laquelle je répondrai, et ce, par respect pour le sénateur Gold.
Merci, cher collègue. C’est très important que nous, au Sénat, ayons le temps d’étudier les projets de loi comme il se doit. C’est la façon de procéder et c’est toujours ce que je souhaite, même s’il arrive parfois qu’un projet de loi arrive bien tard dans notre programme législatif.
Ma question est la suivante, cher collègue : saviez-vous que mon bureau a suggéré que le Comité des finances nationales fasse une étude préalable de ce projet de loi, à laquelle auraient participé... Excusez-moi, je vais recommencer.
Puisque le projet de loi était à l’autre endroit et puisqu’on ignorait exactement quand le Sénat allait le recevoir, mais que c’était une priorité pour le gouvernement et les Canadiens, saviez‑vous que mon bureau a suggéré de faire une étude préalable à laquelle auraient participé les deux ministres? Le Comité des finances était prêt à les recevoir mardi matin, mais un certain nombre de dirigeants — les leaders — ont refusé. Pas tous, mais assez pour que nous n’obtenions pas le consensus requis pour mettre cette étude préalable en place, compte tenu du calendrier. Êtes-vous au courant que c’est —
Sénateur Gold, veuillez poser votre question.
Êtes-vous au courant que le bureau du représentant du gouvernement a suggéré que le comité réalise une étude préalable, qui aurait permis d’avoir plus de temps pour étudier ce projet de loi et pour en débattre, si la proposition avait été acceptée? Malheureusement, elle n’a pas été acceptée.
Honorables sénateurs, je n’étais pas au courant de toutes ces tractations ou négociations entre les leaders. En tout respect, je vous remercie de partager cette information avec nous. On le voit souvent dans le cas des projets de loi d’exécution du budget : le Comité des finances nationales fait souvent des études préalables, car il a la possibilité de siéger pratiquement n’importe quand.
J’ai donc été très surpris qu’on n’utilise pas cette approche qu’on utilise normalement pour les projets de loi d’exécution du budget. Évidemment, j’étais frustré au plan intellectuel. On parle de la Loi sur la concurrence; on ne rit pas, c’est un enjeu très sérieux. Le sénateur Deacon, notre spécialiste, qui ne siège malheureusement pas au Comité des finances nationales ni au Comité des banques... On n’a pas pu scinder le projet de loi en deux, envoyer les dispositions ayant trait à la concurrence au Comité des banques et de l’économie, qui les aurait étudiées attentivement, et étudier les dispositions sur la taxe sur l’accise au Comité des finances nationales. Il nous arrive de séparer les choses quand nous examinons les projets de loi d’exécution du budget. Nous n’avons même pas eu cette chance.
C’est la première fois que je vis cela. Je ne pense pas être le seul à éprouver cette frustration. En même temps, les Canadiens ont besoin d’un soulagement et on le comprend. Je voulais juste le mentionner, en toute impartialité politique, parce que je pense que, peu importe nos convictions, nous sommes là pour améliorer le sort des Canadiens.
Vous savez, j’ai un seul engagement en dehors du Sénat, et c’est un engagement bénévole : je suis président du conseil d’administration du Collège des administrateurs de sociétés. La saine gouvernance au sein des entreprises, c’est très important à mes yeux. Ce que nous avons vu cette semaine, ce ne sont pas de bonnes pratiques, mais de mauvaises pratiques.
Je n’étais pas au courant de cela, mais je fais appel aux quatre leaders. S’il vous plaît, la prochaine fois, pendant vos arbitrages — je comprends, j’ai travaillé en politique pendant trois ans et demi et je sais ce que cela peut présenter —, quand il s’agit de projets de loi de ce genre, organisez-vous pour autoriser la réalisation d’une étude préalable. On en a besoin.
Je vais faire une prédiction. Lorsque je vois le mémoire de l’Association du Barreau canadien, qui compte une trentaine de pages et 19 recommandations, il est bien évident qu’il y aura des amendements apportés à cette loi au cours des prochains mois. Des choses vont se passer. On n’a pas fait cet examen. Vraiment, nous n’avons pas été traités comme des parlementaires de la Chambre haute; nous avons été maltraités.
Comme je l’ai dit dans mon préambule, sénateur Gold, ce n’est rien de personnel à votre égard ni à l’égard du président du Comité des finances nationales. On était, comme on dit en anglais, en damage control et on a dû composer avec les décisions qui ont été prises.
Honorables sénatrices et sénateurs, jamais en 12 ans, soit depuis que je siège au Sénat, je ne me suis senti aussi méprisé, insulté et victime d’un total manque de respect pour ma fonction et celle que nous occupons tous.
Hier, nous avons tenu une séance de comité de quelques heures, avec six témoins qui ont donné de piètres informations : voilà le résultat de l’examen d’un projet de loi que je qualifierais de « garroché » — excusez l’expression.
Certains diront que ce projet de loi est important pour les Canadiennes et les Canadiens, et j’en conviens.
Pourquoi alors ce gouvernement s’est-il autant traîné les pieds? Qu’est-ce qui justifie que nous ayons reçu ce projet de loi un 13 décembre, à quelques heures de l’ajournement des Fêtes? L’urgence invoquée ne justifie en rien le renoncement à nos obligations de sénateurs, comme celles d’examiner sérieusement les lois, de les modifier si nécessaire et, surtout, de bien représenter les intérêts des Canadiens et des Canadiennes de nos régions respectives.
J’aimerais établir un parallèle avec le projet de loi C-21. Pendant un mois, le comité a tenu trois réunions par semaine et entendu deux, trois et même quatre groupes de témoins par réunion. Comme par hasard, tous les amendements proposés — même les plus pertinents — visant à mieux protéger nos concitoyens ont été défaits au comité et dans cette Chambre.
Je vais aller plus loin : ce gouvernement a un historique peu reluisant en ce qui concerne la qualité de ses textes de loi. Ce n’est pas moi qui le dis; la Cour suprême l’a notamment rappelé pour le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, pour lequel les amendements proposés au Sénat auraient fait gagner temps et argent aux Canadiens.
On appelle le Sénat la Chambre haute. J’ai peur que l’empressement à remplir les commandes politiques du gouvernement en place nous rabaisse dangereusement quand ce même gouvernement nous empêche de faire sérieusement ce pour quoi nous avons été nommés. J’ai souvent entendu dire que nous sommes une Chambre de réflexion; il n’y en a pas eu beaucoup sur le projet de loi C-56, avec moins de 90 minutes de travail.
On dit que le Sénat est une Chambre de second examen; je peux vous dire qu’on n’a pas examiné trop longtemps. On dit surtout que le Sénat est une Chambre indépendante; puis-je vous dire que cette appellation m’oblige à reconsidérer ce qualificatif? Je crois aussi sincèrement que plusieurs de mes collègues devraient faire la même chose.
Nos trois dernières semaines au Parlement n’ont pas été faciles. Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas en faveur de l’adoption du projet de loi C-56, mais je ne voterai pas non plus contre le projet de loi; je vais m’abstenir. Je vais faire mieux que cela, je vais prendre une pause-café pour ne pas voir ce que je n’ai pas envie de cautionner.
Je vous remercie.
Honorables sénateurs, pour l’édification de tous ici présents : il a été fait mention d’une étude préalable et du rejet de cette idée. Pour que tout le monde comprenne bien, le projet de loi est arrivé au Sénat lundi; la suggestion d’une étude préalable a été faite mardi; nous sommes maintenant jeudi. Pendant ce laps de temps, les ministres sont venus ici et tout le monde a donné son accord. Nous avons demandé au Comité des finances nationales de tenir une audience et de convoquer autant de témoins que possible, d’écouter les préoccupations et de nous fournir un rapport, ce qu’il a fait avec brio.
La réponse à ce problème n’était pas de procéder à une étude préalable mardi et mercredi. À mon humble avis, la réponse à ce problème était que nous, par l’intermédiaire du leader du gouvernement, donnions des indications à la Chambre des communes sur le moment où elle devrait nous soumettre les projets de loi si elle veut qu’ils soient adoptés dans un certain délai.
Cela s’est déjà fait sans heurts. Nous avons déjà entendu parler, dans plusieurs discours, de la sénatrice Carstairs, qui tenait tête à ses maîtres à la Chambre des communes et leur disait : « Si vous ne nous présentez pas un projet de loi avant telle date, ne comptez pas sur nous pour l’adopter à la hâte. » C’est de cette manière que l’on résoudra ce problème, et non pas en proposant une étude préalable un mardi et un résultat différent de ce que nous voyons ici un jeudi. Merci.
Honorables sénateurs, je saisis la balle au bond pour commencer mon discours sur le projet de loi C-56. Toutefois, je vais revenir à la partie 1 et parler de la teneur du projet de loi.
Ce projet de loi comporte deux volets : la partie 1 et la partie 2. J’aborderai chacune d’elles séparément. Elles sont distinctes, mais pas dépourvues de lien, car elles ont l’objectif commun de régler les problèmes d’abordabilité qui affectent les Canadiens. Je vais examiner chaque partie séparément.
La première partie modifie la Loi sur la taxe d’accise afin de mettre en œuvre une bonification temporaire intitulée « Remboursement de la TPS pour immeubles d’habitation locatifs neufs relativement aux logements neufs construits spécialement pour la location ». En effet, la partie 1 du projet de loi C-56 fait passer de 36 à 100 % le remboursement de la TPS pour les logements à vocation locative. De plus, elle supprime les seuils de réduction progressive du remboursement de la TPS pour les logements neufs destinés au marché locatif, comme les immeubles d’appartements, les logements pour étudiants et les résidences pour personnes âgées.
Les fonctionnaires interrogés nous ont dit que, parce que ce projet de loi est très court et qu’il comporte très peu d’information, les détails viendront plus tard dans le règlement d’application. Ils ont néanmoins fourni l’information suivante, même si elle ne se trouve ni dans la loi ni dans le règlement.
Pour commencer, le remboursement de la TPS sur les logements locatifs vaut pour les immeubles comportant au moins quatre logements privés ou pour les résidences comptant au moins 10 chambres individuelles. Parmi les logements d’un même immeuble, 90 % doivent être destinés à la location à long terme. Le remboursement de la TPS ne s’appliquera pas aux condos de luxe ni aux logements locatifs qui seront ensuite utilisés pour de la location à court terme. Le remboursement de la TPS s’appliquera également aux rénovations suffisamment substantielles pour transformer un immeuble existant en un nouvel ensemble de logements locatifs.
Bien que ces renseignements nous aient été communiqués par les fonctionnaires, le règlement d’application doit encore être autorisé et publié dans la Gazette. Nous venons de voir à quel point le Comité des finances nationales a consacré peu de temps à ce dossier. Cette information, nous avons dû chercher pour l’obtenir, elle ne nous a pas été fournie directement par les fonctionnaires.
Le projet de loi C-56 précise que le programme de remboursement de la TPS sur les logements locatifs durera 12 ans, soit jusqu’en 2035. Plus précisément, le remboursement s’appliquera aux projets qui ont débuté le ou après le 14 septembre de cette année, ce qui correspond à la date où cette mesure a été annoncée, et avant le 31 décembre 2030, à condition que les projets soient terminés d’ici 2035.
Selon la mise à jour économique de l’automne, le coût estimé de ce programme sera de 4,5 milliards de dollars au cours des six prochaines années, en commençant par 5 millions de dollars cette année jusqu’à environ 1,5 milliard de dollars en 2028-2029, la sixième année du programme. Aucune autre estimation n’a été fournie pour les sept années suivantes du programme, qui s’étendraient de 2029-2030 à 2036.
Selon le projet de loi C-56, le programme se poursuivra jusqu’au 31 décembre 2035, de sorte que le coût estimé pour ces sept années n’est pas divulgué. En fait, il n’est mentionné nulle part.
Lors d’une récente réunion du Comité sénatorial permanent des finances nationales, Mme Lisa Williams, première vice-présidente des programmes de logement à la Société canadienne d’hypothèques et de logement, la SCHL, nous a dit que le Canada devra construire 5,8 millions de logements d’ici 2030 pour atteindre le seuil d’accessibilité. Elle a souligné qu’il s’agirait de 3,5 millions de logements de plus que ce que le pays est déjà censé construire. Cependant, M. Bob Dugan, économiste en chef à la SCHL, nous a dit que l’organisme n’avait pas eu le temps d’évaluer l’incidence précise du programme de remboursement de la TPS sur la construction de nouveaux logements locatifs. Autrement dit, le gouvernement ne sait pas combien de logements pourront être construits avec les 4,5 milliards de dollars.
La ministre Freeland nous a dit hier, en comité plénier, que l’un des plus grands experts en matière de logement au Canada a estimé que de 200 000 à 300 000 logements seront construits avec les 4,5 milliards de dollars. Cependant, il est intéressant de souligner que la ministre cite une estimation fournie par une personne de l’extérieur du gouvernement. Ce n’est pas l’estimation du gouvernement, parce que le gouvernement n’a pas encore estimé ni évalué les répercussions de ce programme de logement.
À la réunion du 23 novembre du Comité sénatorial permanent des banques, le ministre du Logement, Sean Fraser, a déclaré que l’énoncé économique de l’automne ne comprenait pas de stratégie précise en matière de logement, ce qui est incroyable, car ce programme s’élève à 4,5 milliards de dollars, et la SCHL et d’autres ministères consacrent déjà des milliards de dollars au logement. Pourtant, il n’y a pas de stratégie en matière de logement.
Il a ajouté ce qui suit :
Nous travaillons à l’élaboration d’un plan global qui comprendra une série de mesures fédérales destinées à résoudre la crise nationale du logement.
Honorables sénateurs, on a estimé le programme de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs à 4,5 milliards de dollars au cours des six prochaines années. De plus, comme je l’ai déjà indiqué, il n’y a eu aucune évaluation de l’impact du programme sur le parc locatif, en particulier sur le nombre de logements qui seront construits.
En outre, après les six premières années, le programme sera maintenu pendant sept autres années, pour un total de 13 ans, sans que le gouvernement ne fournisse la moindre estimation de coûts pour les sept dernières années.
De plus, la réglementation qui régit les détails du programme de remboursement pour immeubles d’habitation locatifs n’a toujours pas été rendue publique. Comment peut-on s’attendre à ce que les partenaires du secteur privé répondent présents et participent à un programme dont les détails ne sont pas encore disponibles?
Avant de parler de la partie 2 du projet de loi, je voudrais simplement récapituler les problèmes liés au remboursement de la TPS/TVH pour immeubles d’habitation locatifs neufs, qui, en ce qui me concerne, n’ont pas été réglés.
Tout d’abord, il n’y a eu aucune évaluation des impacts sur le logement du programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs et il n’y a pas non plus d’estimation du nombre de logements qui seront construits. Il n’y a qu’une estimation partielle du coût du programme, soit 4,5 milliards de dollars pour les 6 premières années de ce programme de 13 ans. Il n’y a pas d’estimation pour les 7 années suivantes.
Le gouvernement n’a pas de plan pour le logement, bien qu’il ait dépensé des milliards de dollars pour des initiatives dans ce domaine. Les règlements nécessaires pour préciser les modalités du programme n’ont pas encore été publiés.
Enfin, le gouvernement n’a pas encore indiqué si les initiatives en matière de logement qui ont débuté avant l’annonce du programme, mais qui répondent à ses exigences pourraient bénéficier du remboursement de la TPS pour les logements locatifs neufs.
Passons maintenant à la partie 2 du projet de loi. Le sénateur Deacon l’a passé en revue de manière assez approfondie. Je ne vais donc pas répéter certains des points qu’il a abordés. La partie 2 modifiera la Loi sur la concurrence. Je suis très à l’aise d’examiner la première partie du projet de loi étant donné mon bagage en finance. Pour ce qui est de fouiller la Loi sur la concurrence, j’ai une certaine expérience, puisque je suis membre du Comité des banques, mais disons que la Loi sur la concurrence n’est pas vraiment mon domaine de prédilection. Je la trouve très complexe.
La partie 2, c’est-à-dire la deuxième partie du projet de loi C-56, va modifier la Loi sur la concurrence et il propose un certain nombre de modifications. Certaines modifications ont déjà été incluses l’année dernière dans le budget. Je sais qu’il y en aura d’autres. Le gouvernement envisage depuis un certain temps de modifier la Loi sur la concurrence.
En novembre dernier, le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie a lancé une consultation sur l’avenir de la stratégie du Canada en matière de concurrence. Cette consultation est considérée comme une étape majeure dans les efforts du gouvernement pour donner un coup de jeune à la Loi sur la concurrence. La période de consultation publique s’est achevée le 31 mars dernier, et cette consultation a suscité un vif intérêt.
Le gouvernement a indiqué qu’il avait reçu plus de 130 mémoires émanant d’intervenants identifiés, ainsi que plus de 400 réponses du grand public. Comme l’a dit la sénatrice Deacon, les mémoires ont soulevé plus de 100 propositions de réforme potentielles, et parmi les intervenants, on retrouvait des experts universitaires, des avocats, des syndicats, des groupes de consommateurs, des entreprises et leurs associations, et tutti quanti.
Le site Web du gouvernement contient un résumé de 48 pages de ce que le gouvernement a entendu au cours de la période de consultation. Il est donc évident que la politique sur la concurrence du gouvernement suscite un grand intérêt.
Les amendements à la Loi sur la concurrence inclus dans le projet de loi C-56 semblent également avoir été prévus. Nous en avons reçu certains dans le projet de loi d’exécution du budget, d’autres maintenant, et je pense qu’il y en a encore d’autres dans le projet de loi C-59. Nous les recevons donc par étapes. J’espère que nous pourrons avoir une vue d’ensemble.
Honorables sénateurs, nous savons tous combien il est difficile pour les entreprises d’investir au Canada. De nombreuses études ont été menées sur le sujet, y compris une l’année dernière par le Comité sénatorial des banques. Un groupe de sénateurs, sous la direction du sénateur Harder, a publié le rapport sur la prospérité, et nous avons examiné cette question lors de la préparation du rapport sur la prospérité.
Le Conseil sur la politique de la concurrence de l’Institut C.D. Howe a publié le mois dernier un rapport concernant la Loi sur la concurrence du Canada. Dans ce rapport, la majorité des membres du conseil a appuyé le sentiment exprimé par le Bureau de la concurrence en 2018 selon lequel l’application du droit de la concurrence :
[…] doit trouver le juste équilibre entre les mesures destinées à prévenir les comportements réellement anticoncurrentiels et une application excessive qui freine l’innovation et entrave la dynamique concurrentielle.
Autrement dit, le gouvernement se doit de bien faire les choses.
Le mois dernier, le Comité des finances de la Chambre des communes a tenu plusieurs réunions pour discuter du projet de loi C-56. Je savais que nous allions recevoir le projet de loi; j’ai donc écouté ce qui s’y disait. Le comité a eu l’occasion d’entendre de nombreux témoins, dont la ministre des Finances et le ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie. Le comité s’est réuni pendant deux heures. Il a entendu de nombreux fonctionnaires, ainsi que des témoins ne faisant pas partie du gouvernement.
Le comité à l’autre endroit a pu étudier le projet de loi en profondeur, en débattre, en discuter et y proposer des amendements, et il y a eu de longs débats. J’ai lu des pages et des pages de comptes rendus. D’ailleurs, de nombreux amendements ont été apportés au projet de loi à l’autre endroit. Il y a eu des amendements à l’autre endroit.
Le Sénat, quant à lui, a eu droit à une séance d’une heure du comité plénier et à un groupe de témoins au Comité des finances nationales reçu lors d’une réunion organisée rapidement, à la dernière minute. Nous n’avons eu ni le temps ni l’occasion d’étudier le projet de loi en profondeur ou d’en débattre comme les députés ont pu le faire à l’autre endroit. J’avais l’impression qu’on me demandait d’approuver le projet de loi les yeux fermés.
Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales ont longuement discuté de cette question à huis clos, hier, et nous avons ajouté une observation à notre rapport sur ce projet de loi. Plus précisément, dans le rapport sur le projet de loi C-56, le Comité sénatorial permanent des finances nationales indique ceci :
Votre comité appuie les mesures contenues dans le projet de loi C-56 concernant la bonification du remboursement de la taxe sur les produits et services pour immeubles d’habitation locatifs neufs et les modifications de la Loi sur la concurrence. Cependant, il est méprisant que votre comité ait reçu un temps très limité pour son étude du projet de loi. Par conséquent, il n’a pu étudier soigneusement le projet de loi et remplir ses devoirs correctement.
Même si le sénateur Deacon a déjà parlé de plusieurs des modifications proposées dans le projet de loi C-56, je tiens à en mentionner brièvement quelques-unes.
Selon le site Web du gouvernement, le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant d’application de la loi qui protège la concurrence et en fait la promotion au bénéfice des consommateurs et des entreprises du Canada. Dirigé par le commissaire de la concurrence, le Bureau de la concurrence administre et applique la Loi sur la concurrence.
Avant son amendement à l’autre endroit, l’article 3 du projet de loi proposait de modifier l’article 10 de la Loi sur la concurrence en y ajoutant un nouvel article. Cet article aurait permis au ministre de l’Innovation, des Sciences et de l’Industrie d’ordonner au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie si cela est dans l’intérêt public.
Lorsque cette disposition initiale du projet de loi C-56 a été amendée à l’autre endroit, un autre paragraphe a été ajouté pour permettre au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie. Toutefois, certains membres du Comité sénatorial des finances nationales — dont moi, mais je n’étais pas la seule — craignaient que l’article permettant au ministre d’ordonner au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou dans une industrie ne porte atteinte à l’indépendance du commissaire de la concurrence.
L’article 3 prévoit également que le ministre et le commissaire se consultent sur la faisabilité et le coût de l’enquête, sur le processus de préparation et de publication du mandat et sur les commentaires du public à son sujet, mais ce faisant, on risque de compromettre l’indépendance du Bureau de la concurrence et du commissaire de la concurrence.
Les articles 4, 5, 6, 7 et 11 du projet de loi modifieront plusieurs articles de l’actuelle Loi sur la concurrence afin d’y inclure l’article 10.1 proposé. Il est important de reconnaître que ces modifications étendent les pouvoirs d’enquête et d’exécution du commissaire, en plus d’augmenter la participation du ministre dans les activités du Bureau de la concurrence. Je me demande même si le Bureau de la concurrence ne devrait pas devenir une division du ministère, puisqu’il semble être attiré dans le giron du ministère.
De nombreux intervenants consultés sur l’avenir de la politique de concurrence du Canada ont estimé qu’une loi autorisant les transactions anticoncurrentielles compromettait l’objectif central de la politique de concurrence. L’article 92 de la Loi sur la concurrence s’oppose aux fusionnements anticoncurrentiels s’ils ont généré ou s’ils sont susceptibles de générer des gains en efficience suffisamment importants pour compenser les effets de l’atteinte à la concurrence, et si l’ordonnance entrave la réalisation probable de ces gains d’efficacité. Cet article de la Loi sur la concurrence a été abrogé.
Les témoins qui comparaissent devant les comités sénatoriaux permanents pendant l’étude des projets de loi émanant du gouvernement se plaignent souvent de l’insuffisance des consultations avec les parties prenantes, et le projet de loi C-56 n’y fait pas exception. Entre le 17 novembre 2022 et le 31 mars 2023, le gouvernement a entrepris des consultations publiques avec les parties prenantes et les citoyens sur l’avenir de la politique de concurrence au Canada. Le 20 septembre, le gouvernement a publié un résumé des consultations sur son site Web. Malheureusement, la première lecture du projet de loi C-56 a eu lieu le lendemain, le 21 septembre. Il n’y a eu ni consultations ni discussion avec les parties prenantes sur les modifications qui auraient une incidence sur elles. Il n’y a pas eu de consultation.
Ce problème a été soulevé par plusieurs sénateurs qui ont assisté à la séance d’information sur le projet de loi C-56 organisée mardi dernier par des représentants du gouvernement. C’est un aspect qui a également été soulevé par Matthew Holmes, premier vice-président des politiques et des relations gouvernementales de la Chambre de commerce du Canada, lors de la séance du Comité des finances d’hier.
M. Holmes a indiqué que la Chambre de commerce du Canada reconnaissait la nécessité de renforcer la concurrence au Canada. Cependant, il a ajouté ceci :
[La Chambre de commerce du Canada] est très préoccupée par la manière dont des modifications ont été apportées à plusieurs reprises dans le cadre de projets de loi d’exécution du budget, de projets de loi omnibus, ou d’autres mesures législatives comme le projet de loi C-56, sans ce que le milieu des affaires canadien ou les experts universitaires du domaine du droit concerné ne soient véritablement consultés.
D’après lui, il est presque absurde de parler de quelques changements dans le projet de loi C-56 alors que d’autres changements sont proposés dans le projet de loi C-59, qui est actuellement à l’étude à la Chambre des communes. Il a ajouté que cette approche, intentionnellement ou non, manque de transparence et obscurcit le véritable plan pour l’avenir des lois en matière de concurrence au Canada. Il a dit que, au final, l’approche rendra la situation plus difficile, plus coûteuse et plus risquée pour les entreprises.
En ce qui concerne les pouvoirs d’étude de marché qui sont prévus dans le projet de loi, M. Holmes a indiqué que la Chambre de commerce du Canada voudrait que la procédure établie et les lignes directrices soient plus approfondies pour l’industrie de manière à ce qu’il n’y ait aucun doute sur la façon de mener ces études de marché.
Le représentant des membres de la Chambre de commerce du Canada a par ailleurs précisé que nombre d’entre eux, dans bien des secteurs, gardent le silence sur cette question parce qu’ils estiment qu’elle est politisée. Voici ce qu’il a dit :
Ils ont l’impression qu’un vaste groupe de secteurs sont couramment convoqués devant les parlementaires et réprimandés [...] Cela crée un environnement qui peut devenir très toxique pour les entreprises. Ce qui nous préoccupe, c’est l’incertitude quant à la façon dont cette information peut être utilisée, communiquée ou diffusée dans la sphère publique à l’avenir.
De nouveaux pouvoirs sont prévus pour enquêter sur un marché, avec la possibilité d’ordonner la communication de renseignements. Or, nous ne savons pas quelle surveillance sera exercée sur ces renseignements. Qui s’en occupera, et selon quels paramètres? Quelles seront les règles? Quelles sont les normes d’accès aux renseignements commerciaux de nature exclusive susceptibles d’être utilisés à mauvais escient par des concurrents subséquemment?
Bref, en ce qui a trait aux modifications de la Loi sur la concurrence, notamment dans la partie 2 du projet de loi, la consultation n’a pas été adéquate.
De plus, le Sénat, et plus particulièrement le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel le projet de loi C-56 a été renvoyé, n’a pas eu suffisamment de temps pour l’étudier adéquatement et évaluer les répercussions des amendements proposés. En ce qui concerne la partie 1 du projet de loi, le gouvernement met en œuvre le programme de remboursement de la TPS pour les immeubles d’habitation locatifs, programme qui devrait coûter 4,5 milliards de dollars sans qu’un plan adéquat ait été établi. Hier, la ministre des Finances a pris une copie de l’énoncé économique de l’automne et a dit que c’était le plan du gouvernement en matière de logement. Honorables sénateurs, l’énoncé économique de l’automne n’est pas un plan pour résoudre la crise du logement.
Lors d’une réunion récente du Comité sénatorial des banques, le ministre du Logement a indiqué clairement, en réponse à une question de la présidente du comité sur la crise du logement, « qu’aucune stratégie précise [n’avait] été définie » dans l’énoncé économique de l’automne.
Le ministre a dit également ceci :
Nous travaillons à l’élaboration d’un plan global qui comprendra une série de mesures fédérales destinées à résoudre la crise nationale du logement.
Il n’y a pas de plan pour un programme coûtant 4,5 milliards de dollars.
En conclusion, même si ce projet de loi m’inspire beaucoup d’inquiétudes, je ne peux pas voter contre une mesure législative visant à aider les Canadiens durant une crise croissante de l’abordabilité. Je vais donc l’appuyer.
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)