
PÉRIODE DES QUESTIONS — Les relations Couronne-Autochtones
La directive sur la résolution des différends
27 février 2020
Honorables sénateurs, ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat.
Comme vous le savez, sénateur Gold, en 1997, la Cour suprême du Canada a donné raison aux chefs wet’suwet’en dans une décision transformatrice. Cette décision, la décision Delgamuukw, a établi les droits de propriété des Autochtones sur leurs terres non cédées. Autrement dit, les juges de la Cour suprême ont déclaré que des nations comme celle des Wet’suwet’en détiennent toujours des droits ancestraux non éteints sur leurs terres. La cour a également déclaré qu’un autre procès était nécessaire pour déterminer la portée de ce jugement relativement aux terres des Wet’suwet’en. Autrement dit, les juges ont dit qu’une nouvelle procédure judiciaire était nécessaire pour concilier les droits de propriété des Wet’suwet’en et ceux de la Couronne.
Toutefois, selon des documents récemment obtenus grâce à une demande d’accès à l’information, les gouvernements fédéral et provincial ont fait des pieds et des mains pour empêcher qu’une telle procédure soit lancée. Par conséquent, 25 ans plus tard, cet événement tant attendu n’a toujours pas eu lieu, et c’est pourquoi nous nous retrouvons aujourd’hui aux prises avec cette situation aussi tendue entre les Wet’suwet’en, le gouvernement de la Colombie-Britannique, la GRC, les promoteurs du projet de GNL Coastal GasLink et le gouvernement fédéral.
Il est possible de parvenir à une entente avec les Wet’suwet’en sans devoir recourir aux tribunaux grâce à une directive ministérielle du gouvernement en matière de litiges. Cette directive souligne l’importance de résoudre les conflits de manière rapide et concertée afin de réduire le recours aux tribunaux.
Est-ce que le premier ministre et la ministre Bennett vont publiquement assurer à la population canadienne que le gouvernement va immédiatement invoquer la directive ministérielle sur les litiges afin que le pays puisse résoudre cette situation sans devoir s’adresser aux tribunaux, et ainsi rassurer les Canadiens et le reste du monde que le gouvernement du Canada respecte la primauté du droit, y compris la décision Delgamuukw?
Merci beaucoup pour cette importante question. La réponse la plus précise que je puisse donner pour le moment est que nous devons attendre, au moins pendant un jour ou deux, les résultats des discussions qui se déroulent sous les meilleurs auspices aujourd’hui. Je pense qu’en tant que médiateur accrédité et en dépit de ma formation juridique, éviter les tribunaux et régler ces questions de nation à nation est — et doit être — l’approche à privilégier. Je suis convaincu que c’est la solution que préconiseraient toutes les parties prenantes.
J’espère que nous serons tous bientôt informés des résultats de ces discussions, mais, à ce stade, je ne peux pas engager le gouvernement. Je pense d’ailleurs que ce serait inopportun, car celui-ci vient seulement d’entamer des discussions avec les chefs héréditaires.
Je vous remercie. On vient d’annoncer que les réunions ont lieu aujourd’hui et probablement demain. Il est évidemment trop tard pour intenter des poursuites, qui prendraient probablement des mois, voire des années. Il faudra donc trouver une autre solution.
Le gouvernement du Canada, par le truchement de la ministre des Relations Couronne-Autochtones et du premier ministre, acceptera-t-il le recours aux traditions juridiques des Wet’suwet’en dans le cadre des négociations? En d’autres termes, le Canada respectera-t-il la primauté du droit des Wet’suwet’en lors des négociations que la ministre Bennett mène et mènera avec ceux-ci?
C’est une excellente question. Je vous en remercie. Je serai très bref en rappelant simplement au Sénat — et la chose n’est pas forcément bien connue — que dans le droit constitutionnel canadien, le droit autochtone est considéré comme en faisant partie. Les tribunaux ont été clairs à ce sujet. Je suis convaincu que les ministres et le gouvernement du Canada le comprennent et qu’ils utiliseront toute la gamme des instruments juridiques et des traditions dans les discussions qui auront lieu de nation à nation sur ces enjeux cruciaux.
J’espère que vous le leur rappellerez.
Je n’y manquerai pas.