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Le Code criminel—La Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi modificatif--Troisième lecture--Rejet de la motion d'amendement

17 novembre 2022


Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à propos du projet de loi C-5, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Je tiens tout d’abord à remercier le premier ministre et le ministre Lametti d’avoir eu le courage de présenter le projet de loi C-5. Comme le ministre Lametti l’a dit au comité, ce projet de loi est un bon début. Je remercie aussi le parrain du projet de loi, le sénateur Gold. Sénateur Gold, j’ai vu tous les efforts que vous avez déployés dans ce dossier; je vous en remercie grandement. Je remercie aussi les membres du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, qui ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à l’étude de cette mesure importante. Sénateurs, nous avons entendu plus de 45 témoins et tenu beaucoup, beaucoup de réunions. Le greffier du comité, Mark Palmer, et les analystes Julian Walker et Michaela Keenan-Pelletier ont aussi travaillé très fort. Je les remercie.

Honorables sénateurs, aujourd’hui, mon discours portera sur l’amendement que la sénatrice Clement propose d’apporter au projet de loi C-5. Beaucoup d’intervenants l’ont déjà commenté avec éloquence, et je souscris à leurs observations. J’appuierai l’amendement et le projet de loi C-5.

Historiquement, nous savons que les juges appliquent les principes de détermination de la peine du Code criminel en suivant les précédents. Au milieu des années 1990, cette pratique a changé. Le gouvernement libéral a introduit des peines minimales obligatoires et a retiré aux juges leur pouvoir discrétionnaire sous prétexte de lutter contre la criminalité. Sous divers gouvernements, des décideurs ont ajouté d’autres peines minimales obligatoires, de sorte que plus de 70 peines minimales obligatoires sont maintenant inscrites dans la loi. Mon bureau a d’ailleurs constaté que, si nous comptons les paragraphes comme les tribunaux ont tendance à le faire, le nombre de peines minimales obligatoires est passé à 135.

En 2008, dans l’affaire R. c. Ferguson, la cour a maintenu un seuil strict pour invalider les peines minimales obligatoires et fermer la porte aux exemptions constitutionnelles. Dès lors, la seule façon d’abroger une peine minimale obligatoire était de l’invalider en vertu de l’article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982 au lieu d’utiliser le paragraphe 24(1) de la Charte canadienne. Une étape cruciale, l’arrêt Ferguson, qui a récemment été confirmé dans l’arrêt Bissonnette, ouvrirait la voie à l’ensemble disparate et dysfonctionnel de peines minimales obligatoires dont nous sommes témoins aujourd’hui au Canada.

En 2015, dans l’affaire R. c. Nur, la Cour suprême a invalidé ses deuxième et troisième peines minimales obligatoires en près de 30 ans. Cet arrêt a été essentiel pour amorcer le changement qui est survenu dans tout le contexte des peines minimales obligatoires au Canada. Dans l’affaire R. c. Nur, la cour nous a rappelé que l’application de l’article 12 de la Charte canadienne comporte deux facettes.

Essentiellement, la Cour suprême a expliqué qu’un juge peut invalider une peine minimale obligatoire si elle est nettement démesurée par rapport à l’infraction, soit lorsqu’elle s’applique au cas dont on parle ou à des cas fictifs ou hypothétiques. Cela a été confirmé dans l’arrêt R. c. Lloyd en 2016, mais accompagné d’un avertissement. Dans la décision R. c. Lloyd, la Cour suprême a expliqué que si le Parlement ne prenait pas de mesures, les peines minimales obligatoires allaient bientôt disparaître. Au troisième paragraphe de la décision, la cour a écrit ceci :

Un autre moyen d’assurer la constitutionnalité d’une infraction qui ratisse large consiste à conférer au tribunal un pouvoir discrétionnaire résiduel qui lui permet de déterminer une peine juste et constitutionnelle dans des cas exceptionnels. Largement retenue à l’étranger, cette dernière solution établit un compromis entre le droit du Parlement d’arrêter la fourchette de peines qui convient pour une infraction et le droit constitutionnel de chacun à la protection contre les peines cruelles et inusitées.

Honorables sénateurs, c’est ce que demande l’amendement de la sénatrice Clement : des circonstances exceptionnelles.

La cour nous a demandé à nous, les parlementaires, de prendre des mesures pour offrir aux juges un pouvoir discrétionnaire accru pour garantir la stabilité du cadre actuel de justice pénale. Honorables sénateurs, nous n’avons pas écouté; nous n’avons pas pris de mesures.

Depuis l’affaire R. c. Lloyd, nous savons que les tribunaux ont invalidé bon nombre de peines minimales obligatoires dans l’ensemble des administrations du pays. Nous avons entendu parler de l’ensemble disparate de peines minimales obligatoires à l’échelle du pays. Outre les quatre peines minimales obligatoires invalidées par la Cour suprême, différentes peines minimales obligatoires sont en vigueur dans les provinces et les territoires, et certaines de ces administrations ont invalidé un plus grand nombre de ces peines que d’autres.

Honorables sénateurs, les peines minimales obligatoires sont un fouillis, et on s’attend à ce que bien d’autres de ces peines soient contestées en vertu de la Charte. Par exemple, parmi les contestations constitutionnelles du Code criminel, dont le nombre s’élevait à environ 650 en décembre 2021, le tiers d’entre elles portaient sur des peines minimales obligatoires. Rien ne nous porte à croire que les tribunaux agiront autrement. Ils continueront d’invalider des peines minimales obligatoires.

Les tribunaux canadiens exhortent sans cesse les politiciens comme nous à remédier au fouillis que nous avons créé. Parmi les 72 peines minimales obligatoires, 43 d’entre elles — j’ai bien dit 43 — ont été invalidées dans au moins une province. Parmi les 20 peines minimales obligatoires que le projet de loi C-5 vise à abolir, il s’en trouve certainement un bon nombre qui n’ont pas été contestées devant les tribunaux, et on devra encore composer avec l’ensemble disparate que j’ai mentionné, avec le fouillis que nous, les parlementaires, avons créé.

Dans sa forme actuelle, le projet de loi C-5 ne réglera pas ces problèmes. Même si le projet de loi représente une étape vers l’harmonisation de la série de peines disparate, le ministre Lametti a affirmé à maintes reprises qu’il aurait aimé en faire plus. Lorsque je lui ai demandé pourquoi il ne pouvait pas en faire plus, il a expliqué — et je comprends sa position — que nous ne pouvons pas viser la lune. Il a dit que le projet de loi C-5 est un bon premier pas.

Honorables sénateurs, les tribunaux canadiens continueront probablement à invalider des peines minimales obligatoires pour éviter des peines disproportionnées. La série de peines disparate n’en deviendra que plus déroutante. Dans sa décision récente sur l’affaire R. c. Sharma, la Cour suprême a réitéré son avertissement au paragraphe 244. La majorité a écrit ce qui suit :

L’adoption par le Parlement de sanctions plus sévères en général n’est pas le problème; le problème réside dans la façon dont il s’y prend pour le faire.

Honorables sénateurs, la façon dont nous nous y prenons n’est pas conforme à la Charte. Plutôt, nous avons refusé d’entendre les tribunaux et de voir les protections prévues dans la Constitution canadienne. Les tribunaux nous envoient un signal très clair que nous devons faire le ménage dans la série disparate de peines minimales obligatoires à l’échelle du Canada, mais nous avons fait la sourde oreille. Ne permettons pas que leur demande tombe encore une fois dans l’oreille d’un sourd. Soyons à l’écoute.

L’amendement de la sénatrice Clement répond à la demande des juges de modifier le Code criminel, tout en répondant aux préoccupations du gouvernement concernant l’élimination des peines obligatoires minimales restantes. Grâce à cet amendement, les juges pourront imposer des peines proportionnelles à l’infraction qui diffèrent des peines obligatoires minimales sans qu’on doive déclarer inconstitutionnelles les peines minimales obligatoires. Ainsi, les contrevenants n’auront pas à intenter de coûteuses contestations constitutionnelles pour faire valoir leurs droits.

Grâce à l’amendement de la sénatrice Clement, les juges pourront tenir compte des principes de détermination de la peine, des principes établis dans l’arrêt Gladue, qui prend en considération les circonstances particulières des Autochtones, ainsi que les circonstances pertinentes, le cas échéant.

Honorables sénateurs, nous ne devrions pas forcer les juges à invalider des peines minimales obligatoires quand elles enfreignent l’article 12 de la Charte. Il incombe aux juges d’évaluer la situation des prévenus et de déterminer une peine convenable pour leur réadaptation. C’est comme cela que fonctionne notre système pénal depuis des centaines d’années. Par ailleurs, les délinquants qui commettent des crimes graves se feront imposer des peines sévères.

Honorables sénateurs, lors de mon arrivée au Sénat, on m’a appris que l’une des tâches de cette assemblée est de protéger les droits des minorités et des personnes vulnérables. Dans tous les projets de lois renvoyés au Sénat par la Chambre des communes, nous devons étudier le projet de loi pour déterminer s’il protège les droits des minorités et des personnes vulnérables. Cette mesure législative est essentielle pour protéger des droits fondamentaux. Elle nous permet d’être fidèles à notre rôle.

En 2015, beaucoup d’entre nous ont abandonné leurs allégeances politiques pour devenir des sénateurs indépendants. Nous pouvons maintenant être audacieux et penser librement. Alors, faisons-le.

Quand vous voterez sur l’amendement, je vous demande respectueusement de songer à votre rôle en tant que sénateurs. Comme l’a déjà affirmé le mahatma Gandhi, la véritable valeur d’une société se mesure à la façon dont elle traite ses membres les plus vulnérables.

Merci.

L’honorable Kim Pate [ + ]

Merci, Votre Honneur, et merci, sénatrice Jaffer. Merci à tous ceux qui ont contribué au débat, et un merci tout spécial à la sénatrice Clement d’avoir proposé un amendement important et nécessaire.

Honorables sénateurs, comme nous le savons, les objectifs du gouvernement avec le projet de loi C-5 sont de lutter contre le racisme systémique et la discrimination au sein de notre système de justice pénale ainsi que de réduire les taux d’incarcération chez les Autochtones et les Noirs du Canada. J’appuie ces objectifs louables. Toutefois, sans cet amendement, le projet de loi C-5, quoique ses aspirations soient prometteuses, ne va pas suffisamment loin et ne permet pas au gouvernement d’atteindre ses propres objectifs.

Lorsqu’il a présenté le projet de loi, le ministre Lametti a été sans équivoque :

[...] trop de délinquants à faible risque et de délinquants primaires, y compris un nombre disproportionné d’Autochtones et de Canadiens noirs, sont envoyés en prison en raison de lois qui ne dissuadent pas la criminalité et ne contribuent pas à assurer la sécurité de nos communautés. De concert avec d’autres efforts déployés par le gouvernement, ces réformes représentent une étape importante dans la lutte pour éradiquer le racisme systémique et assurer un système de justice plus efficace pour tous.

Malheureusement, ce projet de loi, sans cet amendement, ne donnera pas lieu aux réformes promises. Il ne fera qu’effleurer la surface. Nous ne pouvons progresser vers un système de justice plus juste et plus équitable tant et aussi longtemps que les peines minimales obligatoires ne seront pas abrogées. À tout le moins, nous devons rétablir le pouvoir discrétionnaire des juges et permettre à ces derniers de tenir compte des circonstances justifiant une dérogation aux peines minimales obligatoires.

L’amendement proposé par la sénatrice Clement permettrait aux juges de faire leur travail et nous rapprocherait de l’éradication du racisme systémique.

Comme vous l’avez déjà entendu, la majorité des témoins, en particulier ceux représentant les communautés les plus touchées par le racisme systémique dans le système judiciaire, ont réclamé cet amendement pour corriger le projet de loi C-5.

Comme vient de le mentionner la sénatrice Jaffer, depuis que nous avons étudié le projet de loi au comité, la Cour suprême du Canada a envoyé un message clair au Parlement par la voie de sa décision dans l’affaire R. c. Sharma.

Comme l’a expliqué Jonathan Rudin, de Services juridiques autochtones :

Cette décision fait qu’il est encore plus important d’amender [...] le projet de loi C-5 pour corriger le plus de lacunes possible. La Cour a fait savoir clairement que la politique en matière de droit pénal repose maintenant presque entièrement entre les mains du Parlement. Il appartient donc au Parlement de trouver le courage de faire ce que la Commission de vérité et réconciliation lui a demandé en ce qui a trait à la réforme de la justice pénale.

L’appel à l’action no 32 de la Commission de vérité et réconciliation demandait d’abroger toutes les peines minimales obligatoires, ou du moins de permettre aux juges de déroger aux peines minimales obligatoires n’ayant pas été abrogées.

Comme l’ont également fait remarquer les anciens commissaires en chef de la Commission de vérité et réconciliation et de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, sans cet amendement, le projet de loi C-5 empêche les juges de faire leur travail en leur interdisant d’appliquer l’alinéa 718.2e) du Code criminel, aussi connu comme les principes de l’arrêt Gladue, lorsqu’ils déterminent la peine d’Autochtones et d’autres personnes racialisées.

Honorables sénateurs, il est impératif de soutenir l’amendement de la sénatrice Clement, car il offre une occasion de contrecarrer la crise de la surreprésentation des personnes noires et autochtones dans le système pénal et du recours excessif à leur incarcération.

La prochaine occasion de modifier les peines minimales obligatoires pourrait ne pas se présenter avant de nombreuses années. Pendant ce temps, trop de personnes parmi les plus marginalisées et discriminées continueront de faire face à des peines disproportionnées et injustes.

Nous devons tenir compte des conseils de notre ancien collègue, l’honorable Murray Sinclair, ainsi que de ceux de la juge Marion Buller, de la cheffe nationale Archibald et de nombreux autres experts autochtones et noirs, qui nous ont exhortés à faire preuve de courage et à corriger les lacunes fondamentales du projet de loi C-5.

Cet amendement respecte l’engagement du gouvernement envers les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation et la réforme de la justice pénale. Il est temps de corriger ce projet de loi au moyen de cet amendement.

Jonathan Rudin a expliqué clairement et éloquemment pourquoi attendre une autre mesure ne devrait même pas être considérée comme une option :

[A]ttendez. Que sont-ils censés attendre? [...] Nous avons déjà l’incarcération de masse. Nous ne pouvons pas attendre. [...] Nous devons cesser d’attendre et de prétendre que l’attente ne porte pas à conséquence, car ce n’est pas vrai. La raison pour laquelle nous, en tant que société au sens large, pouvons dire que nous pouvons attendre, c’est que nous ne subissions pas ces conséquences. Les communautés autochtones les subissent, elles. Les enfants autochtones en font les frais. Il est temps d’arrêter. Il est temps de faire ce que nous avons dit que nous allions faire lorsque la Commission de vérité et réconciliation a formulé ses recommandations. Le gouvernement et bon nombre de personnes ont accepté d’adopter les recommandations de la commission. Faisons-le enfin une fois pour toutes. Pour l’amour du ciel, il n’y a aucune raison d’attendre plus longtemps.

Contrairement à l’opinion plutôt isolée du président sortant de la section de droit pénal de l’Association du Barreau canadien, selon ses années d’expérience sur le terrain, M. Rudin est d’accord avec le sénateur Sinclair et bien d’autres personnes au sujet des nombreux avantages du pouvoir discrétionnaire des juges. Voici ce qu’il nous a dit : « Premièrement, [c’]est plus rapide que la contestation de la constitutionnalité d’une peine minimale obligatoire » sur une base individuelle tout en maintenant la loi pour le reste de la population. Et deuxièmement :

[...] les décisions des juges de première instance sont susceptibles [...] de faire l’objet d’un examen en appel. D’ici quelques années, nous aurions ainsi une solide jurisprudence sur les types de cas qui méritent le recours à une soupape de sécurité. L’introduction d’un amendement pour permettre aux juges d’avoir recours à une soupape de sécurité pour les autres peines minimales obligatoires —

 — non abrogées par le projet de loi C-5 —

 — est un pas en avant nécessaire et positif.

Je remercie les sénatrices Clement, Jaffer et Simons pour leurs explications si pertinentes et claires qui aident à comprendre comment et pourquoi les peines minimales obligatoires se traduisent par des sanctions discriminatoires touchant de façon disproportionnée les Autochtones et les personnes issues d’autres groupes racialisés.

Au cas où certains d’entre vous seraient encore perplexes, je me permets de vous faire part du témoignage d’Alain Bartleman, un représentant de l’Association du Barreau autochtone. Voici ses propos :

Les peines minimales obligatoires contribuent à cette crise en plaçant des personnes, surtout des personnes vulnérables, dans des situations où elles se sentent obligées de plaider coupable à des infractions moins graves afin d’éviter le spectre des peines minimales obligatoires, ou encore, à envisager la possibilité de lancer une série de contestations en vertu de l’article 12.

L’Association des femmes autochtones du Canada a abordé l’incidence que ce projet de loi aura sur la vie des femmes autochtones et leur famille. Je cite :

[...] lorsqu’un juge de première instance peut voir la femme autochtone qui comparaît devant lui comme une personne à part entière et tenir compte de toutes les circonstances pertinentes qui l’ont façonnée jusqu’à ce jour, c’est le genre de considérations sur lesquelles il peut légalement s’appuyer si les peines minimales obligatoires sont abrogées. Il peut adopter une approche globale à la détermination de la peine qui tient compte de façon significative des objectifs du Parlement au titre de l’alinéa 718.2e) pour réduire l’emprisonnement disproportionné en prenant en considération ces circonstances et en cherchant d’autres options que l’emprisonnement.

La témoin a ajouté que l’incidence directe de cet amendement sera « qu’il y aura moins de femmes autochtones incarcérées », s’il habilite immédiatement les juges à adopter une approche qui permette d’éviter l’emprisonnement.

L’Association des femmes autochtones, la NWAC, accueille favorablement l’idée de mettre en place plus de mécanismes afin que les juges soient en mesure de tenir compte des antécédents des femmes autochtones d’une façon holistique. La NWAC nous a aussi encouragés à adopter l’amendement proposé dans le but de faire progresser la réconciliation. À son avis :

[...] le projet de loi et l’amendement permettront aux juges d’être des juges, de faire le travail que nous leur confions et de faire progresser la réconciliation dans les salles d’audience, une fois que le Parlement et le Sénat auront favorisé la réconciliation grâce à cet amendement.

Dans le mémoire qu’elle a soumis au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, l’honorable Marion Buller, première femme des Premières Nations à devenir juge en Colombie-Britannique et commissaire en chef de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, explique que le projet de loi C-5 aura pour effet d’empêcher les juges de respecter les dispositions sur la détermination de la peine contenues dans le Code criminel et de les forcer à ne pas appliquer ces dispositions conformément à leurs obligations légales.

Elle a aussi décrit l’effet de ces mesures sur les familles autochtones :

L’incarcération de femmes entraînant la séparation d’une mère et de son enfant enfreint les droits de l’enfant prévus par la Convention relative aux droits de l’enfant.

Les femmes, les enfants, les familles et les communautés autochtones ne peuvent plus attendre — les autres groupes marginalisés non plus, et ils ne devraient pas avoir à faire d’aussi grands sacrifices parce que nous n’avons pas le courage de faire ce qui s’impose, ce qui doit être fait.

Enfin, lorsque l’honorable Murray Sinclair a pris la parole pour exprimer son appui envers cet amendement devant le comité, il nous a aidés à comprendre comment les peines minimales obligatoires ont des effets particulièrement négatifs sur les communautés autochtones et pourquoi cet amendement est nécessaire pour répondre à l’appel à l’action 32 de la Commission de vérité et réconciliation. Il nous a rappelé que celle-ci :

[...] a demandé au gouvernement fédéral de modifier le Code criminel afin de permettre aux juges de première instance, sur présentation de motifs, de déroger aux peines minimales obligatoires et aux restrictions relatives à l’utilisation des peines avec sursis [...] Cette recommandation a été largement soutenue par les organismes autochtones et noirs, les groupes de femmes et d’autres organismes experts. Les peines minimales obligatoires et les restrictions quant à l’utilisation des peines avec sursis sont utilisées plus fréquemment et de manière flagrante contre les peuples autochtones et racisés, et elles ont des effets beaucoup plus délétères sur ces groupes [...]

Il a ajouté :

J’exhorte le gouvernement à revenir sur sa décision et à mettre en œuvre l’appel à l’action 32 dans son intégralité. Nous devons laisser tomber les réponses simplistes, punitives et d’application universelle. Nous devons plutôt faire confiance à nos juges et leur permettre de faire le travail pour lequel ils ont été nommés.

Il a également expliqué précisément pourquoi il fallait à tout le moins apporter cet amendement, en disant :

Je pense qu’à défaut d’abroger toutes les dispositions relatives aux peines minimales obligatoires qui figurent actuellement dans le Code criminel, un autre amendement convenable serait de donner aux juges la compétence et le pouvoir de ne pas imposer de peines minimales obligatoires s’ils fournissent des motifs par écrit [...] Je préférerais qu’on adopte une telle approche plutôt que de chercher à apporter un amendement de fond ou à rejeter le projet de loi, car je suis persuadé qu’il y a lieu de le modifier et de le sauver si on y ajoute ce genre d’amendement.

Honorables collègues, il s’agit là non pas du point de vue d’une personne naïve ou incompétente, mais de la recommandation éclairée de l’auteur du même rapport auquel le gouvernement affirme donner suite avec le projet de loi C-5. Qui suis-je — et qui sommes-nous — pour remettre en question l’expertise et l’expérience du sénateur Sinclair en disant essentiellement qu’il a peut-être raison, mais que nous n’avons pas le courage d’aller jusque‑là?

C’est essentiellement pour cela que nous insistons. Nous refusons de laisser la peur nous empêcher de prendre des mesures audacieuses. N’allons pas commettre les mêmes erreurs que nos prédécesseurs en faisant fi des réalités entourant les pensionnats autochtones. Prenons au moins cette mesure pour remédier aux incarcérations massives qui font partie des conséquences des pensionnats autochtones.

Chers collègues, le choix aujourd’hui est simple. Est-ce que nous écoutons la majorité des témoins et des experts, ou est-ce que nous cédons à la peur? Faisons-nous preuve du courage auquel on s’attend de nous en prenant nos responsabilités pour tenter de corriger ce projet de loi, ou laissons-nous le fardeau à ceux qui supporteront le poids des conséquences que nous pourrions éviter? Aujourd’hui, chers collègues, voilà l’alternative.

J’espère que vous vous joindrez à nous alors que nous tentons, individuellement et collectivement, de corriger ce projet afin qu’il soit conforme à son objectif en appuyant cet amendement, qui constitue un petit pas dans la bonne direction. J’espère que vous voterez, tout comme nous, en faveur de cet amendement essentiel.

Meegwetch. Merci.

L’honorable Dennis Glen Patterson [ + ]

Merci, sénatrice Pate et sénatrice Jaffer, pour vos discours convaincants.

Certains craignent que cet amendement ne marque la fin des peines minimales obligatoires, et franchement, je ne suis pas sûr d’être prêt à aller aussi loin, même si je soupçonne que c’est un résultat que vous souhaitez, sénatrice Pate.

L’amendement comporte deux conditions : il doit y avoir des circonstances exceptionnelles et des raisons doivent être fournies. Mes questions sont les suivantes : est-ce un moyen d’éliminer les peines minimales obligatoires? Ou est-ce que les gens qui pensent que les peines minimales obligatoires appropriées ont encore leur place peuvent avoir l’assurance qu’un certain équilibre sera maintenu entre les deux conditions?

La sénatrice Pate [ + ]

Je vous remercie d’avoir posé cette question très importante. L’amendement n’abrogera aucune peine minimale obligatoire qui ne l’est pas déjà par le projet de loi. Les autres peines minimales obligatoires seront maintenues. L’amendement ne fait que permettre à un juge, après avoir évalué toutes les circonstances, d’appliquer les principes de détermination de la peine et d’établir si, dans des circonstances exceptionnelles, il est approprié d’imposer autre chose que la peine minimale obligatoire. Il n’abroge donc pas des peines minimales obligatoires qui ne le seraient pas déjà par le projet de loi. Il les laisse en place. Comme le ministre Lametti et le sénateur Gold l’ont dit — et je suis de leur avis —, les juges vont probablement continuer d’imposer des peines plus sévères lorsque les circonstances le justifient. Merci.

Le sénateur Patterson [ + ]

Merci.

L’honorable Pierre J. Dalphond [ + ]

Honorables sénateurs, je voudrais d’entrée de jeu remercier la sénatrice Clement d’avoir pris le relais des sénatrices Jaffer et Pate, qui proposent depuis plusieurs années l’abolition des peines minimales obligatoires. Elles ne sont d’ailleurs pas les seules à militer en ce sens.

Pour sa part, la Commission de vérité et réconciliation, présidée par notre ancien collègue l’honorable Murray Sinclair, a recommandé en 2015 de privilégier une option semblable à celle qu’a proposée la sénatrice Clement, étant donné que les peines minimales obligatoires donnaient lieu à une surreprésentation des Autochtones dans les prisons provinciales et fédérales.

L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, dont faisait partie notre collègue la sénatrice Audette, a également lancé un appel en ce sens, en demandant aux gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et je cite :

[...] d’évaluer de manière approfondie les répercussions des peines minimales obligatoires en ce qui concerne les peines prononcées et l’incarcération excessive des femmes, des filles et des personnes autochtones [...] et de prendre les mesures qui s’imposent pour remédier à leur incarcération excessive.

Le Caucus des parlementaires noirs, dont font partie les sénatrices Bernard, Clement, Gerba, Mégie et Moodie, recommande également l’abolition des peines minimales obligatoires, car il est d’avis que ces dernières ont donné lieu à une surreprésentation des groupes racisés dans les prisons et les pénitenciers. Cette position est aussi défendue par la Canadian Association of Black Lawyers.

Ce sont là des messages importants livrés par des personnes crédibles que tout gouvernement aurait tort d’ignorer.

En réponse, le gouvernement actuel a choisi d’agir non pas en abrogeant toutes les peines minimales obligatoires, mais en proposant trois mesures ciblées.

Je souligne au passage que nulle part, dans la lettre de mandat du premier ministre au ministre de la Justice, il n’est mentionné qu’il doit œuvrer à l’abrogation de toutes les peines minimales, mais qu’il doit plutôt réduire le recours à l’utilisation de ces peines et développer une stratégie de justice pour les Autochtones et une autre stratégie de justice pour les Canadiens de couleur.

Ces mesures ciblées, que le gouvernement a insérées dans le projet de loi C-5, sont les suivantes : premièrement, l’abolition de toutes les peines minimales obligatoires prévues par la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, qui étaient d’un an, dix-huit mois, deux ans ou trois ans, selon la nature de l’infraction, dont plusieurs ont été déclarées inconstitutionnelles, soit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nur, soit par des arrêts des cours d’appel de l’Alberta, de la Colombie-Britannique et du Québec.

La jurisprudence est cependant assez confuse pour ce qui est des cours supérieures et des cours provinciales, qui n’ont d’ailleurs pas le pouvoir de déclarer les dispositions inconstitutionnelles.

Deuxièmement, on propose l’abolition d’une quinzaine de peines minimales prévues au Code criminel pour des infractions associées, selon les analyses du gouvernement, à une surreprésentation des personnes autochtones et noires dans les prisons et les pénitenciers.

Troisièmement, on propose l’abrogation de la plupart des exclusions du régime d’accès aux peines à purger dans la communauté, que l’on appelle aussi les peines d’emprisonnement avec sursis.

L’ensemble de ces mesures élargira manifestement les options disponibles pour les juges en matière de détermination de la peine, y compris la possibilité d’imposer des peines d’emprisonnement moins longues et davantage de peines à purger dans la collectivité. Selon les analyses du ministère de la Justice, cela devrait réduire considérablement le taux d’incarcération des personnes autochtones et noires déclarées coupables. Cependant, seule une expérience de plusieurs années pourra nous dire si tel est le cas.

Au lieu de proposer d’éliminer toutes les peines minimales obligatoires, l’amendement à l’étude conserverait la majorité d’entre elles et ajouterait une disposition autorisant les juges à ne pas les imposer au cas par cas. Certains appellent une telle disposition une « soupape de sécurité », tandis que d’autres la qualifient d’« échappatoire ».

Au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, la sénatrice Pate a proposé une échappatoire qui aurait autorisé les juges à n’imposer aucune des peines minimales obligatoires restantes, y compris dans les cas de meurtres au premier et au deuxième degrés, si le juge estimait qu’agir ainsi serait dans l’intérêt de la justice. Il s’en est suivi un débat au cours duquel cet amendement a été rejeté par neuf voix contre quatre.

L’échappatoire dont nous sommes maintenant saisis est différente. Elle s’appliquerait seulement dans des circonstances exceptionnelles; la norme fixée est plus élevée. Comme l’a mentionné la sénatrice Clement, c’est le seuil fixé par les juges en Angleterre et au pays de Galles pour justifier l’imposition d’une peine d’emprisonnement moins longue que la peine minimale obligatoire applicable.

Au comité, un expert de renom en matière de détermination de la peine, le professeur Julian Roberts — un Canadien, en passant —, de l’Université d’Oxford, a dit de ce seuil qu’il était le plus élevé. Sachant cela, j’ajouterais que la Cour suprême du Canada considère maintenant qu’il est non seulement légal, mais légitime pour le Parlement d’étudier différentes solutions possibles concernant la politique de détermination de la peine et d’inscrire dans la loi des peines minimales obligatoires pour envoyer un message fort en matière de dissuasion et de dénonciation. Si on remonte jusqu’au premier ministre Pierre Trudeau, les gouvernements antérieurs ont tous créé des peines minimales obligatoires. Par contre, la cour a affirmé que, lorsque le Parlement met en place des peines minimales obligatoires, il doit le faire avec précaution afin d’éviter de ratisser trop large et d’enfreindre l’article 12 de la Charte canadienne des droits et libertés, qui protège tous les Canadiens contre les peines cruelles.

Récemment, dans l’arrêt Bissonnette, rendu en mai 2022, la Cour suprême est arrivée a la conclusion que les peines minimales obligatoires ne peuvent être considérées comme étant cruelles que si elles mènent à une peine grossièrement disproportionnée à la peine qui aurait été appropriée autrement. Cela dit, pour la Cour suprême, une peine minimale obligatoire de 25 ans pour un meurtre au premier degré ne constitue pas une peine cruelle.

Par ailleurs, dans l’arrêt Lloyd, une décision de la Cour suprême rendue en 2016, la juge en chef Beverley McLachlin a déclaré que pour éviter les contestations constitutionnelles des peines minimales obligatoires qui ratissent large, le Parlement devrait envisager de réduire leur portée afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux délinquants qui les méritent. Elle a également indiqué qu’une autre possibilité s’offrant au Parlement serait de mettre en place un mécanisme qui permettrait aux juges d’exempter certains délinquants pour lesquels une peine minimale obligatoire constituerait une sanction cruelle. Plus loin, elle a ajouté que dans d’autres pays, ce pouvoir discrétionnaire résiduel se limite généralement à des cas exceptionnels pour lesquels les juges peuvent être tenus de fournir des motifs justifiant le fait de ne pas appliquer les peines minimales obligatoires prévues par la loi. C’est ce que propose maintenant la sénatrice Clement.

À la lumière de tout cela, j’aimerais expliquer pourquoi je ne peux pas appuyer cette nouvelle tentative d’instaurer une clause échappatoire dans le projet de loi C-5.

Premièrement, l’échappatoire proposée est rédigée de manière à s’appliquer à toutes les peines minimales obligatoires qui subsistent, y compris pour les meurtres au premier et au deuxième degré, la haute trahison, les crimes contre l’humanité, la conduite avec facultés affaiblies causant la mort et les infractions sexuelles contre des enfants. À mon avis, dans ces cas-là, les peines minimales obligatoires sont entièrement justifiées pour envoyer un message clair de dissuasion et de dénonciation.

Soit dit en passant, au Royaume-Uni, la clause échappatoire ne s’applique pas à tous les types de meurtres.

Ici, au Canada, en 2013, la section pénale de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada, un groupe de travail qui comprend des procureurs, des avocats de la défense, des universitaires et d’autres personnes, n’a pas recommandé de supprimer les peines minimales obligatoires pour les meurtres. L’Association du Barreau canadien, qui a comparu devant notre comité sénatorial, ne l’a pas recommandé non plus. En adoptant l’amendement proposé — à supposer qu’il entre dans le cadre du projet de loi, ce dont je doute également pour les raisons évoquées par le sénateur Cotter mardi —, nous irons plus loin que n’importe quel pays dans le monde. Je ne suis pas prêt à le faire, et je ne pense pas qu’un tel changement refléterait les valeurs de la société canadienne.

Deuxièmement, l’opportunité d’ajouter une telle clause échappatoire à l’étape de la troisième lecture et de renvoyer ainsi le projet de loi C-5 à la Chambre des communes au lieu de l’envoyer à Rideau Hall pour la sanction royale repose sur l’hypothèse que la clause réduira considérablement la fréquence d’imposition de peines minimales obligatoires par les juges canadiens. Cependant, les arguments présentés au comité sénatorial indiquent le contraire. Dans une réponse écrite aux questions que j’ai posées au comité, le professeur Roberts a expliqué qu’en Angleterre, une telle clause échappatoire, en raison de son seuil très élevé, a été interprétée de façon étroite par les tribunaux d’Angleterre et du pays de Galles et utilisée par les juges chargés de la détermination de la peine dans un très petit nombre de cas seulement. Il ne s’agit donc pas d’une modification qui apportera beaucoup de changements significatifs.

Troisièmement, de nombreux témoins se sont opposés à l’adoption d’une disposition d’exception — quel que soit son contenu — parce qu’ils craignent que la discrimination systémique qui existe à l’égard des personnes racialisées, autochtones et vulnérables ne se traduise pas par une diminution du nombre de peines minimales obligatoires imposées à ces groupes par le système judiciaire. En fait, ils craignent qu’une telle clause échappatoire ait tendance à profiter aux délinquants blancs et à ceux qui ont un accès privilégié à la représentation juridique, ce qui entraînerait de nouvelles inégalités.

Cette préoccupation est logique si l’on part du principe que la surreprésentation des Autochtones et des personnes racialisées dans nos prisons est due à l’activité policière excessive, à la suraccusation, à un accès insuffisant à des avocats de la défense compétents et à la partialité du système judiciaire.

Quatrièmement, certains témoins ont souligné qu’au Canada, contrairement au Royaume-Uni où les juges n’ont pas le pouvoir constitutionnel de déclarer inconstitutionnelle une peine cruelle, nous avons l’article 12 de la Charte. Dans les cas où une peine minimale obligatoire peut entraîner une violation de l’article 12 ou de l’article 15 — le droit à l’égalité —, les juges canadiens peuvent la déclarer inconstitutionnelle et donc invalide. Cette invalidité s’appliquera à toutes les personnes exposées à cette peine minimale obligatoire, et non au cas par cas.

Comme il a été indiqué précédemment, pour éviter les contestations constitutionnelles, le Parlement a deux options : rédiger correctement les infractions et les peines individuelles ou ajouter une clause échappatoire applicable dans des circonstances exceptionnelles. Autrement dit, l’adoption de la clause échappatoire proposée offrirait une protection contre les poursuites en vertu de l’article 12 de la Charte des droits et pourrait inciter le Parlement à adopter davantage de peines minimales obligatoires, y compris la soupape de sécurité possible, ce qui est à l’opposé de l’objectif des partisans de l’amendement.

Enfin, je tiens à souligner que le ministre de la Justice et le porte‑parole du NPD en matière de justice, M. Randall Garrison, ont demandé publiquement au Sénat d’adopter le projet de loi C-5 le plus rapidement possible, car il va immédiatement permettre aux juges d’imposer des peines avec sursis lorsqu’une telle peine est plus appropriée que l’emprisonnement dans une prison provinciale. La majorité des témoins qui se sont présentés devant notre comité appuient le fait d’élargir le pouvoir discrétionnaire des juges.

Par ailleurs, à la suite de la récente décision Sharma, la Criminal Lawyers’ Association, l’Association du Barreau canadien, l’Association des avocats noirs du Canada et de nombreux universitaires et autres parties prenantes nous ont écrit, notamment dans les médias sociaux, pour nous exhorter à adopter le projet de loi C-5 sans plus attendre. Compte tenu des motifs présentés pour justifier l’amendement, je ne vois pas pourquoi nous devrions faire la sourde oreille.

Pour toutes ces raisons, chers collègues, je vous invite à voter contre cet amendement. Merci. Meegwetch.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

La sénatrice Pate souhaite poser une question. Il nous reste seulement une minute. Sénateur Dalphond, voudriez-vous répondre à une brève question?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Oui.

La sénatrice Pate [ + ]

Je vous propose quelques énoncés, et vous me direz si vous êtes d’accord.

Dans l’arrêt Luxton, la Cour suprême du Canada a reconnu le caractère constitutionnel de la peine d’emprisonnement à perpétuité puisqu’un examen est possible au bout de 15 ans comme soupape de sécurité. Dans l’arrêt Bissonnette, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

Quoi qu’il en soit, [...] l’existence d’un pouvoir discrétionnaire ne saurait sauvegarder une disposition qui permet l’infliction d’une peine cruelle et inusitée par nature.

La Cour dit aussi qu’il faut faire preuve d’humanité dans la détermination de la peine. Elle ajoute même qu’une peine d’emprisonnement à perpétuité peut être problématique. Nous savons que la majorité des femmes autochtones incarcérées, qui représentent une femme sur deux dans les pénitenciers fédéraux, ont été inculpées pour des crimes violents, souvent un meurtre commis alors qu’elles se défendaient, après avoir été victimes d’actes de violence.

Êtes-vous d’accord pour dire que ce sont les faits?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Sénateur Dalphond, il ne vous reste que 15 secondes du temps de parole qui vous est accordé.

Le sénateur Dalphond [ + ]

Il m’est impossible, en 10 secondes, de commenter la jurisprudence de la Cour suprême et de corriger les perceptions erronées des jugements.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Demandez-vous plus de temps?

Le sénateur Dalphond [ + ]

Je demanderais aux sénateurs s’ils sont prêts à m’accorder cinq minutes de plus.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Honorables sénateurs, y a-t-il une entente au sujet des cinq minutes?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

J’ai entendu un « non ».

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ + ]

Honorables sénateurs, je prends aussi la parole au sujet de l’amendement de la sénatrice Clement. Je me retrouve dans l’étrange position où je pourrais voter comme le leader du gouvernement sur un amendement, mais je vais demander pardon pour cette incartade ce soir.

Chers collègues, la version originale de cet amendement a été présentée au comité par la sénatrice Pate et elle n’incluait pas l’expression « circonstances exceptionnelles ». L’amendement de la sénatrice Pate aurait en fait annulé toutes les peines minimales obligatoires prévues dans le Code criminel.

L’amendement dont nous sommes saisis inclut l’expression « circonstances exceptionnelles », comme le fait l’article 311 de la Sentencing Act en Grande-Bretagne. Cela dit, je m’inquiète de l’application de cette disposition et je crains qu’elle ait en pratique le même effet que la version originale.

Si nous décidons d’utiliser la Grande-Bretagne comme modèle pour cette disposition, nous devons prendre en compte le contexte de son système juridique. Le sénateur Dalphond en a déjà parlé, du moins en partie. L’Angleterre et le pays de Galles ont aussi des peines d’emprisonnement à perpétuité pour les affaires les plus graves de meurtre. Ainsi, chers collègues, le Parlement britannique permet, dans certaines circonstances, qu’un juge ou même un ministre — un politicien — ordonne qu’une personne ne soit jamais admissible à une libération.

C’est toute une responsabilité pour un politicien.

C’est un système plutôt sévère qui s’écarte nettement de ce qui est considéré comme une pratique acceptable ou même constitutionnelle au Canada. Bref, si l’on veut mentionner certaines pratiques d’autres systèmes judiciaires démocratiques, on doit les examiner dans leur intégralité.

Les peines minimales obligatoires en vigueur au Canada ont été étudiées individuellement. La peine minimale a toujours été mise en place en fonction de la notion selon laquelle elle serait appropriée pour le délinquant le moins coupable ou dans les circonstances les plus exceptionnelles.

Comme l’a publié l’Institut Macdonald-Laurier dans son évaluation des peines minimales obligatoires :

Les peines minimales obligatoires reflètent la peine la plus clémente possible pour le délinquant le moins coupable. La politique qui sous-tend tout minimum à l’égard de la détermination de la peine est fonction de la réponse du Parlement à une question importante, à savoir : quelle peine serait appropriée pour la personne dont la culpabilité serait la moins contraire à la morale, mais dont le comportement correspondrait néanmoins aux éléments de l’infraction? Pour répondre à cette question, le Parlement doit effectuer une analyse nuancée et multidimensionnelle de la moralité du comportement en question.

C’est exactement ce qu’a fait le Parlement. Or, la proposition défait tout ce travail sans effectuer cette même analyse nuancée et multidimensionnelle. Ma préoccupation, c’est que cette approche risque d’avoir pour effet d’abolir complètement les peines minimales obligatoires, ce qui est l’objectif déclaré des partisans de cet amendement.

La supposition implicite, c’est que les tribunaux ont été indûment privés du pouvoir discrétionnaire des juges et que les paramètres minimaux établis par le Parlement pour certaines infractions criminelles sont inappropriés.

Certains ont mentionné le nombre de contestations constitutionnelles des peines minimales obligatoires comme si cela constituait, en soi, une mise en cause de ces peines. Je pense qu’il est utile pour nous d’examiner cette hypothèse.

Chers collègues, la simple tenue d’une contestation juridique ne signifie pas qu’une loi est illégitime. Il faut s’attendre à des contestations juridiques chaque fois que les avocats pensent qu’une telle contestation pourrait profiter à leur client. Toutefois, la simple existence d’une contestation ne signifie pas que les tribunaux soutiendront l’argument.

Évidemment, dans le cas des peines minimales obligatoires, si les avocats croient que de nombreux juges seront favorables à de tels arguments, ces peines seront contestées. Toutefois, il est clair que, si la Cour suprême du Canada a effectivement invalidé certaines dispositions relatives aux peines minimales obligatoires, elle n’a pas contesté le droit du Parlement d’imposer de telles peines. Le sénateur Dalphond l’a déjà mentionné dans son discours.

Dans l’arrêt R. c. Lloyd, la Cour suprême a déclaré :

[...] le législateur n’a pas l’obligation constitutionnelle de prévoir une exception à l’application d’une peine minimale obligatoire. Le législateur peut restreindre le pouvoir discrétionnaire du tribunal en matière de détermination de la peine. Restreindre le pouvoir discrétionnaire du tribunal est d’ailleurs l’un des objectifs principaux de l’établissement de peines minimales obligatoires, et cet objectif peut se révéler incompatible avec la création d’un mécanisme qui permettrait au tribunal d’écarter la peine minimale obligatoire dans certains cas. La question de savoir si le législateur devrait ou non prévoir un mécanisme permettant d’écarter l’infliction d’une peine minimale obligatoire et, dans l’affirmative, quelle forme ce mécanisme devrait revêtir, relève de la politique générale et du pouvoir exclusif du Parlement. Seuls la Constitution et, plus particulièrement, le droit garanti par la Charte d’être protégé contre les peines cruelles et inusitées limitent l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

La cour a fait remarquer que le Parlement pouvait réagir à certaines décisions des tribunaux concernant les peines minimales obligatoires, potentiellement en limitant leur portée afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux contrevenants qui le méritent. Ce serait tout à fait acceptable si les mesures législatives élaborées en réponse à des décisions judiciaires reflétaient le dialogue entre le Parlement et le pouvoir judiciaire qu’on envisage à l’égard des mesures nécessaires à la protection de la société et des obligations qui peuvent exister par rapport à la Charte.

Dans la publication de l’Institut Macdonald-Laurier, les auteurs disent ceci :

Ceux qui s’opposent aux peines minimales obligatoires ont tendance à se concentrer sur la façon dont ces dispositions législatives limitent la capacité des juges d’adapter la peine en fonction de la situation particulière du délinquant [...]

Les Canadiens doivent connaître les lois d’avance et adapter leur conduite en conséquence.

Cependant, sur le plan de la primauté du droit, il paraît évident, du moins, en théorie, que les peines minimales obligatoires devraient s’avérer efficaces lorsqu’il s’agit d’imposer des peines uniformes, équivalentes et proportionnelles aux délinquants déclarés coupables de la même infraction. Plutôt que d’empêcher un juge de déterminer une peine proportionnelle, la peine minimale obligatoire établit un cadre de détermination de la peine stable qui permet aux citoyens de comprendre d’avance la gravité des conséquences auxquelles ils s’exposent en commettant l’infraction visée, et ce, quel que soit le degré de responsabilité du délinquant dans une situation donnée.

Nombreux sont ceux qui ont invoqué le problème de la surreprésentation des Noirs et des Autochtones pour justifier l’abolition de ces peines. Or, nous savons que la surreprésentation est un problème social beaucoup plus complexe qui va bien au-delà des paramètres de la détermination de la peine.

L’inspecteur en chef David Bertrand, ainsi que les inspecteurs Michael Rowe et Rachel Huggins, qui ont témoigné devant le Comité des affaires juridiques, ont abordé la question de la surreprésentation dans le système correctionnel. Parmi les facteurs qui conduisent à un taux plus élevé de contacts avec la police et le système de justice pénale, ils ont nommé l’itinérance, l’abus de substances, la toxicomanie et les problèmes de santé mentale.

L’inspecteur Rowe a déclaré sans équivoque que la prévention doit être au premier plan et que :

Les peines minimales obligatoires attribuées à ces articles du Code criminel créent une condamnation juridique significative de la décision de prendre illégalement une arme à feu et reflètent la distinction importante entre les infractions impliquant des armes à feu et celles qui n’en impliquent pas.

Même si certaines personnes qui ont témoigné à propos du projet de loi C-5 étaient certainement d’avis que le gouvernement devrait abolir toutes les peines minimales obligatoires, il faut dire que le comité n’a étudié et pris en considération que la valeur d’infractions précises mentionnées dans ce projet de loi. Par exemple, Les mères contre l’alcool au volant et les responsables de l’application de la loi ont été appelés à parler de préoccupations très précises associées respectivement à la conduite avec facultés affaiblies et aux infractions liées aux armes à feu.

Dans le même ordre d’idée, nous devons entendre des témoignages pour et contre le bien-fondé de toutes les autres peines minimales obligatoires prévues dans le Code criminel avant d’envisager cette proposition radicale.

Honorables collègues, n’oublions pas quelles peines minimales obligatoires cet amendement met en jeu, à savoir le meurtre au premier degré; la haute trahison; le fait de vivre des produits de la prostitution juvénile, qui est passible d’une peine minimale de seulement cinq ans; la prise d’otage perpétrée avec une arme à feu, qui est passible d’une peine minimale obligatoire de quatre ans; et l’homicide involontaire causé par l’utilisation d’une arme à feu, qui est aussi passible d’une peine minimale de quatre ans. Il s’agit là de crimes graves, chers collègues.

Nous devons aussi nous rappeler que, au Canada, les peines minimales ne sont pas nécessairement purgées au complet derrière les barreaux. En effet, notre loi prévoit un processus de libération graduelle en fonction du comportement des délinquants dans les programmes de l’établissement ainsi que du risque qu’ils posent à la société, entre autres.

Par exemple, tout délinquant purgeant une peine d’une durée déterminée au Canada sera libéré sous surveillance obligatoire après avoir purgé les deux tiers de sa peine. De plus, ces délinquants sont habituellement admissibles à la libération conditionnelle après avoir purgé le tiers de leur peine, et à la semi-liberté, six mois avant cela. Cela signifie que même les rares délinquants qui pourraient se faire imposer une peine minimale obligatoire de cinq ans pour avoir vécu des produits de la prostitution juvénile, par exemple, seront libérés d’office 40 mois après le prononcé de leur peine, seront admissibles à la libération conditionnelle après 20 mois, et seront admissibles à la semi-liberté après seulement 14 mois.

De nombreux Canadiens considéreraient cette mesure comme extrêmement indulgente. Beaucoup, même, la considéreraient comme excessivement clémente. Je soutiens qu’il faut que le Parlement examine le bien-fondé de la libération automatique aux deux tiers de la peine, sans égard au comportement du délinquant en établissement, plutôt que nos peines minimales relativement modestes.

Les partisans de cette approche ont indiqué que 90 % des Canadiens souhaitent que le gouvernement envisage de donner aux juges la possibilité de ne pas imposer de peines minimales obligatoires. Je crois que si nous sommes honnêtes, la réalité est beaucoup plus nuancée à ce sujet. Dans les sondages, les résultats dépendent beaucoup de la façon dont une question est posée et des éléments d’information qui sont alors présentés. Je suis prêt à dire que peu de Canadiens s’opposeraient à des peines minimales obligatoires rigoureuses pour des infractions telles que les agressions sexuelles commises contre de jeunes enfants.

En 2012, le Toronto Star rapportait qu’un sondage de l’Institut Angus Reid avait révélé que 63 % des Canadiens croyaient que la peine de mort était une peine appropriée pour un meurtre. C’était en 2012, chers collègues. En 2016, un rapport préparé par Kari Glynes Elliott et Kyle Coady, de la Division de la recherche et des statistiques du ministère de la Justice, a révélé que :

[...] eu égard à certains types d’infractions, les Canadiens, les Britanniques et Américains se disent favorables, dans l’ensemble, à l’imposition de peines sévères, ou de peines minimales obligatoires dans les cas d’homicide [...]

La même source révèle également qu’au Canada, l’idée que les peines sont trop clémentes jouit d’un soutien de longue date.

Je crois donc, chers collègues, que si nous sommes honnêtes, nous reconnaîtrons que les preuves ne sont pas concluantes et qu’affirmer que la population n’appuie pas les peines sévères pour les crimes les plus odieux est plutôt trompeur.

Si l’amendement à l’étude représente une amélioration comparativement à la version présentée au comité, je crains que, en pratique, il risque d’avoir exactement le même effet.

Encore une fois, comme le dit le nom, une peine minimale représente justement un minimum, ce qui signifie qu’on l’a établie en ayant en tête le moins blâmable des délinquants reconnus coupables. Même s’il a été dit que la clause échappatoire au Royaume-Uni est rarement employée, le système judiciaire canadien est complètement différent, alors rien ne garantit que ce serait également le cas au Canada ou que cette disposition serait employée dans les mêmes circonstances.

Qui détermine ce qui est exceptionnel? Il s’agit d’une notion entièrement subjective. L’amendement aurait donc comme effet d’abolir le seuil inférieur de toutes les fourchettes des peines établies avec soin par le Parlement. C’est pour cette raison que cet amendement précis a été rejeté par le Comité de la justice de la Chambre des communes et, comme l’a souligné le sénateur Cotter, c’est probablement le même sort qui attendrait l’amendement si nous l’adoptions ici.

Si les sénateurs veulent qu’on examine les mérites des peines minimales pour certaines infractions en particulier, je crois que l’approche raisonnable serait de présenter un nouveau projet de loi. Nous pourrions recevoir des témoins et discuter des avantages et des inconvénients de ces peines en particulier. Or, ce n’est pas ce que nous avons fait, chers collègues. Les témoins que nous avons reçus ont parlé des peines visées dans le projet de loi C-5. C’est pourquoi je ne crois pas que nous soyons en mesure de tenir un débat éclairé sur la proposition à l’étude et encore moins de l’appuyer.

Chers collègues, je voterai contre cet amendement et je vous encourage tous fortement à faire de même. Merci.

La sénatrice Pate [ + ]

Accepteriez-vous de répondre à une question, sénateur Plett?

Le sénateur Plett [ + ]

Est-ce que j’ai le temps?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

C’est là la grande question.

La sénatrice Pate [ + ]

J’ai écouté attentivement votre intervention, et j’ai quelques observations à faire, puis une question à vous poser.

Lorsque vous avez parlé du fait qu’on suggérait qu’il n’était pas nécessaire de créer des exemptions, vous avez en fait cité l’opinion dissidente émise dans l’affaire Lloyd. En fait, la majorité des juges était favorable à la création d’exemptions.

Vous avez également mentionné la surveillance obligatoire qui n’existe plus depuis plus de dix ans et qui a été remplacée par une disposition législative qui permet de faire une demande, mais qui ne garantit aucune libération.

Vous êtes certainement au courant des nombreux rapports du Bureau de l’enquêteur correctionnel qui indiquent qu’en fait, la plupart des détenus, notamment les Autochtones et les Noirs, ne sont pas remis en liberté à la date prévue. En fait, ceux qui purgent les peines les plus longues, notamment les peines d’emprisonnement à perpétuité, purgent parfois une peine 10 ou 20 fois supérieure à leur période d’admissibilité.

Toutefois, ma question est la suivante : dans le cas d’une femme victime de violence — ce qui est le cas de la majorité des femmes autochtones qui purgent des peines à perpétuité, car elles étaient dans l’obligation de se défendre en raison de la violence qu’elles subissent —, en raison des nombreux problèmes que vous et le sénateur Dalphond avez habilement soulevés au sujet de la discrimination systémique, il se peut qu’elles aient besoin de s’emparer d’une arme lorsqu’elles sont en train de se faire agresser. Ce type de situation entraîne l’imposition d’une peine minimale obligatoire, et dans la plupart des cas, une accusation de meurtre au premier degré.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Avez-vous une question?

La sénatrice Pate [ + ]

Oui. Lorsque la Couronne découvre qu’il y a des antécédents de violence, elle suggère le plus souvent à l’accusé de plaider coupable. Dans les situations où c’est une femme qui réagit à la violence, seriez-vous toujours d’avis qu’un juge ne devrait pas tenir compte de cette circonstance exceptionnelle?

Le sénateur Plett [ + ]

Sénatrice Pate, la seule façon dont je peux répondre adéquatement à cette question est la suivante : la personne est assujettie aux mêmes lois, peu importe qu’elle soit Autochtone, Noire, Blanche ou d’une autre ethnie. Si elle a une bonne conduite en prison, elle sortira lorsqu’elle sera mise en liberté d’office.

Sénatrice Pate, vous ne pouvez pas me dire qu’un Autochtone incarcéré qui respecte toutes les règles sera traité différemment d’une autre personne en prison. Si vous laissez entendre, sénatrice Pate, que nous avons une loi pour les Autochtones et les Noirs et une autre loi pour les autres Canadiens, nous devrions alors nous pencher sur ce problème. Cependant, vous ne pouvez pas dire que nous devons laisser tout le monde s’en tirer facilement parce qu’une personne pourrait être laissée pour compte. Ce n’est pas ainsi qu’il faut gérer notre système de justice.

Je suis désolé si cela ne répond pas directement à votre question. Je crois fermement aux peines minimales obligatoires. Je crois fermement aux peines minimales obligatoires qui s’appliquent à tous les Canadiens et pas seulement à certains groupes.

La sénatrice Pate [ + ]

Vous avez raison, vous n’avez pas répondu à la question. Ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Bureau de l’enquêteur correctionnel, qui documente que 64 % des détenues dans les prisons de femmes à sécurité maximale sont des Autochtones. Le pourcentage est également plus élevé pour les hommes et les Noirs. Ils ont moins accès aux programmes et aux services.

Je vous le demande à nouveau : dans des circonstances exceptionnelles, ne seriez-vous pas d’accord pour dire que les personnes qui auraient été la victime si, un autre jour, elles s’étaient engagées dans un combat au corps à corps sans arme, que ces personnes auraient souvent fini par être tuées? Ne croyez-vous pas qu’elles méritent que ces circonstances soient jugées comme exceptionnelles? Je suis d’accord avec vous, quelle que soit la couleur. Cependant, il s’agit d’un enjeu particulier, car la discrimination systémique a une incidence sur les femmes autochtones et les femmes noires — celles qui ont le moins d’avantages et de soutien dans la société.

Le sénateur Plett [ + ]

Je suppose que ma réponse à votre question est que j’ai de la sympathie pour toute personne qui se trouve dans la situation que vous décrivez. Mais est-ce que je crois qu’elle devrait être traitée différemment sur le plan juridique? Non, je suis désolé, je ne le crois pas.

L’honorable Denise Batters [ + ]

Sénateur Plett, je vous remercie d’avoir souligné dans votre discours différents exemples de peines minimales obligatoires pour certains crimes et le fait qu’elles sont relativement légères. Certains des exemples que vous avez donnés concernent des crimes très graves pour lesquels les peines minimales obligatoires n’étaient que d’environ quatre ans.

Je voulais aussi attirer l’attention du Sénat sur les crimes suivants et vous demander si vous êtes d’accord avec ce qui suit. Dans tout le débat sur cet amendement, il a été à peine question du fait qu’au Canada, la peine minimale obligatoire pour un meurtre au premier degré n’est que de 25 ans — avec possibilité de libération conditionnelle par la suite — et de seulement 10 ans pour un meurtre au deuxième degré.

Compte tenu du fait que les peines minimales obligatoires sont vraiment très légères par rapport à d’autres pays, les États-Unis par exemple, seriez-vous d’accord pour dire qu’il faudrait vraiment examiner la légèreté de ces peines minimales obligatoires lorsqu’il est question de leur maintien?

Le sénateur Plett [ + ]

Oui, je suis entièrement d’accord. Merci.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Les honorables sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

À mon avis, les non l’emportent.

Son Honneur la Présidente intérimaire [ + ]

Je vois deux sénateurs se lever. Sommes-nous d’accord pour que la sonnerie retentisse pendant quinze minutes? Convoquez les sénateurs pour 17 h 12.

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