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Discours du Trône

Motion d'adoption de l'Adresse en réponse--Suite du débat

19 juin 2019


Honorables sénateurs, je rappelle tout d’abord que nous sommes présentement sur le territoire non cédé des Algonquins et des Anishinabes.

J’ai décidé d’intituler mon intervention « Ce qui fait que je suis moi ».

Je commencerai par vous parler de mon identité de Métis cri — une histoire que j’ai rarement eu l’occasion de raconter en détail à qui que ce soit.

Je suis un Métis cri et je viens du territoire visé par le Traité no 4, qui est aussi la terre d’origine des Métis de Saskatchewan. C’est une grande fierté pour moi de pouvoir vous raconter l’histoire de ma famille à deux jours à peine de la Journée nationale des peuples autochtones, le 21 juin. Cette journée permet d’honorer et de célébrer la culture et la contribution des Premières Nations, des Inuits et des Métis.

Il y a une vingtaine d’années, j’ai assisté à une conférence donnée par le chef Billy Diamond ici à Ottawa. Il expliquait que le nom « Indien » vient de Christophe Colomb, qui était convaincu d’avoir trouvé un raccourci vers l’Inde.

Le nom « Métis », honorables sénateurs, est un mot français qui est lui-même dérivé du mot latin signifiant « mélange » et il désigne ceux et celles qui ont des origines autochtones et euroaméricaines. Généralement, les Métis naissaient du mariage entre un Européen et une Autochtone. La majorité des Européens venus s’installer ici étaient des explorateurs, des voyageurs et des commerçants de fourrures, et bon nombre d’entre eux ont fondé une famille avec une femme des Premières Nations. Les premiers Métis sont apparus il y a près de 400 ans.

Je précise que la définition d’Autochtone dans la Constitution comprend les Premières Nations, les Inuits et les Métis. Nous, les Métis, remercions Harry Daniels, mon oncle, pour l’inclusion des Métis dans la définition de la Constitution. Par l’entremise de Jean Chrétien, il a convaincu le premier ministre Pierre Elliott Trudeau que les Métis devaient à juste titre être inclus dans la définition qu’en donne la Constitution.

Être Métis n’est pas uniquement la conséquence du colonialisme et le Métis est différent d’un membre des Premières Nations, d’un Inuit ou d’un Européen. Les Métis ont évolué comme peuple unique, issu à la fois de la culture des Premières Nations et de la culture européenne, créant une tradition unique avec ses coutumes, sa culture, sa cuisine, son habillement, sa musique, ses danses et ses communautés, réunissant ce qu’il y a de mieux dans les coutumes et la culture européennes et celles des Premières Nations.

Dès le début, les Métis ont reçu en héritage l’espoir d’une vie meilleure qui habitait leurs ancêtres européens à leur arrivée et la ténacité nécessaire pour survivre dans des climats impitoyables dont étaient dotés leurs ancêtres des Premières Nations. Si je pouvais nommer un trait commun à ces sociétés qui semblent souvent différentes en surface, c’est l’ardeur au travail de leurs membres. Cette ardeur nous vient de la conviction que nous pouvons construire notre avenir, indépendamment de notre situation.

À l’origine, le gouvernement fédéral a reconnu les Métis comme un peuple autonome, probablement parce qu’ils étaient considérés comme des traducteurs et des guides utiles ainsi que des travailleurs habiles, et qu’ils comprenaient le commerce. Cependant, étant donné que les terres habitées par les Métis ont pris de la valeur, le gouvernement a élaboré de nombreuses stratégies pour les leur enlever. Nous avons un aperçu de l’animosité que le gouvernement entretenait envers les Métis lors des négociations du Traité no 4, en 1874.

Le chef des Saulteux, Ota-Ka-Onan, l’un des principaux représentants au cours des négociations, a réprimandé le lieutenant-gouverneur Alexander Morris pour son traitement des représentants métis en lui disant ceci :

Maintenant que vous êtes ici, vous pouvez voir un mélange de Sang-Mêlé, de Cris, de Saulteux et de Stoneys, qui ne font qu’un, et vous avez été lent à prendre la main d’un Sang-Mêlé.

Le gouvernement était lui-même responsable de son animosité. Un an plus tôt, soit en 1869, le gouvernement s’était attaqué à la colonie de la rivière Rouge. Cette attaque a causé ce que beaucoup appellent la Rébellion de la rivière Rouge, mais ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. À l’inverse, les Métis appellent cet événement la résistance de la rivière Rouge. C’est là où Louis Riel, qui avait tout fait pour négocier pacifiquement la fin du conflit, est devenu un symbole d’héroïsme pour les Métis et a été vilipendé par le gouvernement.

En 1885, la colonie de Batoche, en Saskatchewan, était composée de quelque 500 Métis. Plusieurs avaient fui le Manitoba après la résistance de la rivière Rouge. Le gouvernement a constaté que la colonie des Métis créait des parcelles de terre longues et étroites à partir de la rivière, afin qu’un nombre maximal d’agriculteurs aient accès à l’eau. Le gouvernement préférait que le terrain soit divisé en longues parcelles parallèles à la rivière. Quand les Métis ont demandé de négocier pour résoudre ce différend, le gouvernement a refusé et a plutôt mené, une fois de plus, une intervention militaire contre les Métis. C’est ce qui a donné lieu à la résistance du Nord-Ouest. C’est aussi là que Louis Riel a capitulé. Le gouvernement a réussi à écraser la communauté et à détruire tout espoir d’indépendance pour les Métis.

Honorables sénateurs, le gouvernement a aussi eu recours à d’autres politiques pour contrôler l’accès des Métis à leurs terres. Ainsi, il a émis des certificats de terres et des certificats d’argent, une méthode qui lui a permis d’ouvrir l’Ouest canadien à des pionniers purement européens et de les laisser s’établir sur des terres où les Métis étaient installés depuis des générations. Les familles métisses ont dû accepter des certificats, c’est-à-dire des morceaux de papier échangeables contre une terre ou une somme d’argent. Le gouvernement s’est servi de cette méthode pour empêcher les Métis de vivre ensemble et pour donner les meilleures terres aux pionniers européens. Pire encore, les Métis se faisaient souvent voler leurs certificats ou les perdaient à cause d’une arnaque.

Bref, le gouvernement a réussi à faire des Métis un peuple sans territoire, sans traité et sans droits. Cette situation de dépendance a donné naissance au peuple des réserves routières, au début des années 1900, quand les Métis ont établi des communautés en squattant des terres, des parcs et des forêts de la Couronne. Ils étaient forcés de faire de petits boulots pour les agriculteurs à qui le gouvernement avait donné leurs terres.

Les difficultés des Métis ont connu un point tournant en 2016 grâce à la décision rendue dans l’affaire Daniels c. Canada. Les Métis et leur chef Harry Daniels, mon oncle Harry, un Indien non inscrit, ont fait valoir que les Métis étaient bel et bien des Indiens aux termes de l’article 91(24) de la Loi constitutionnelle de 1867.

L’affaire n’a pas permis aux Métis d’être inscrits, mais elle a forcé le gouvernement fédéral à négocier des règlements de revendications territoriales et à leur donner accès à des ressources en matière de programmes de santé, d’éducation et de services gouvernementaux, ainsi qu’à les indemniser relativement aux ravages causés par le système des pensionnats et la rafle des années 1960.

Ce n’est qu’un bref aperçu des 400 ans d’histoire des Métis. J’en viens maintenant à ma propre histoire, à mes propres ancêtres et à ce qui a fait de moi ce que je suis.

Comme c’est le cas pour beaucoup de Canadiens, mes ancêtres étaient répartis dans de nombreux pays et ils appartenaient à de nombreuses cultures. Mon histoire commence principalement avec les Klein, en Allemagne, les McKay, en Écosse, et les Bellegarde, en France.

Du côté des Klein, je peux remonter jusqu’à mon ancêtre à la douzième génération, qui est né en 1460 en Allemagne. Je me permets de souligner qu’à cette époque, notre nom s’épelait « Klein ». Sept générations plus tard, mon aïeul Johan Philip Klein est né en Allemagne en 1864 et est mort en Pennsylvanie, aux États-Unis, en 1739. Il a donc été le premier à venir en Amérique du Nord. Son fils né en Allemagne, Johan Adam Klein, qui est mon quinquisaïeul, s’est rendu au Québec, au Canada, où il a fondé une famille. Cela fait de moi un Canadien d’origine européenne de septième génération.

À partir du fils de Johan, mon trisaïeul Michael Klyne père, l’épellation du nom de famille est devenue Klyne. C’était il y a près de 240 ans et je n’en ai jamais découvert la raison, mais je soupçonne que sa mère, Marie Geneviève Bisson, a eu quelque chose à voir là-dedans.

Du côté des McKay, le côté patrilinéaire de ma mère, je peux remonter sur six générations, jusqu’en 1700, en Écosse. Il y a cinq générations, mon aïeul John McNab McKay et sa femme Elspeth Kennedy ont été les premiers à quitter l’Écosse pour s’installer au Canada avec leur fils né en Écosse, John Richard McKay père.

Du côté des Bellegarde, le côté matrilinéaire de ma mère, je peux remonter sur huit générations, jusqu’en 1620, en France. Mon aïeul de sept générations, Christophe Gerbault, sieur de Bellegarde, et sa femme Marguerite Lemaître ont été les premiers à venir au Canada. Tous leurs enfants sont nés au Québec.

Nombre de mères métisses, ainsi que de mères autochtones, peuplent mon arbre généalogique, des côtés patri- et matrilinéaires, à partir d’il y a 250 ans. Il y a cinq générations, Titameg Whitefish Cree, une Moskégonne, est née en 1755. D’autres sont ma grand-mère d’il y a cinq générations, Mme LaFrance, une autochtone née en 1770. Ensuite, il y a quatre générations, ma grand-mère Josephette, une Crie, est née en 1760, et mon arrière-grand-mère, Marie Anne Bellegarde, qu’on appelait affectueusement Kookum dans la Première Nation de Little Black Bear, est née il y a 157 ans, en 1862.

Dernièrement, avant de mourir, ma grand-mère rendait visite à ses sœurs visées par un traité dans la réserve où elles habitent, la réserve où elle aussi avait habité.

Le 10 septembre 1939, le Canada a décidé de participer à la Seconde Guerre mondiale et a déclaré la guerre à l’Allemagne. Moins de quatre mois plus tard, le 12 janvier 1940, mon père, Lawrence Klyne, s’enrôlait en tant que soldat du Corps royal de l’intendance de l’armée canadienne. La devise du corps était Nil Sine Labore, ce qui, en latin, signifie « pas de succès sans peine ». On aurait pu mettre la photo de mon père à côté de cette devise.

Le 23 mai 1946, devenu caporal matricule L.7453, il a été libéré du Corps royal de l’intendance de l’armée canadienne. Il avait fait partie de l’armée canadienne pendant six années, donc cinq passées à l’étranger pendant la Seconde Guerre mondiale.

Ne réussissant pas à trouver un emploi permanent dans sa vie civile après sa libération, il a décidé de s’enrôler de nouveau 16 mois plus tard, et 11 mois après la naissance de ma sœur, Julie Ann Klyne, décédée le 5 février 2015 à l’âge de 67 ans.

Mon père a bâti notre maison à Regina après la naissance de ma sœur, le 1er mars 1947. Je me rappelle qu’il m’a dit avoir payé 10 $ pour le lot et qu’il m’a raconté qu’il avait dû creuser un trou pour le sous-sol. Il a affirmé que mon oncle Wilf et lui avaient uniquement eu besoin de chevaux, d’une charrue et de deux bouteilles de vin. Grâce à l’armée, il était un excellent mécanicien et un ouvrier polyvalent, et la maison qu’il a bâtie tient encore debout 70 ans après.

Il s’est dit intéressé à servir à la base de Fort Churchill, dans l’espoir de peut-être être promu au grade de sergent, et il a obtenu cette promotion.

Le 26 novembre 1953, presque six ans après s’être enrôlé de nouveau, il s’est embarqué pour la Corée. Il est arrivé là-bas le 13 décembre 1953 pour participer à la guerre de Corée. Il est retourné en Saskatchewan le 25 janvier 1955, où il agi à titre de superviseur et d’instructeur pendant approximativement 10 ans jusqu’à sa libération de l’Armée canadienne le 10 mars 1966. Sa carrière militaire a duré 25 ans. Il a servi dans les forces actives durant la Seconde Guerre mondiale et dans la Force régulière, notamment lors de la guerre de Corée. Pendant ses années de service, il a également fait partie du Corps du Génie électrique et mécanique royal canadien. Au moment de sa retraite, il portait le titre de sergent Lawrence Klyne, SL.7453.

Voici les médailles qu’il a obtenues tout au long de sa carrière militaire : l’Étoile de 1939-1945; l’Étoile d’Italie; l’Étoile France-Allemagne; la Médaille de la Défense; la Médaille canadienne du volontaire avec une agrafe en argent; la Médaille de la guerre de 1939-1945; la Médaille du service des Nations Unies en Corée; la Médaille du couronnement de la reine Elizabeth II de 1953; la Décoration des Forces canadiennes.

En préparant mon discours, j’ai découvert qu’on lui devait deux autres médailles, dont je ferai la demande après la 42e législature. Ces deux médailles sont la Médaille canadienne de service volontaire pour la Corée et la Médaille canadienne de Corée.

À mes yeux, mon père était à la fois Clark Gable, John Wayne et G.I. Joe. Il était ferme, juste et résolu. Il n’a jamais levé la main sur moi et n’a jamais employé de langage grossier devant moi. « Sapristi » était le genre de juron qu’il employait. Cet homme n’avait qu’à vous regarder pour imposer son autorité.

Mon père a rencontré ma mère après son retour de la Deuxième Guerre mondiale. Alors qu’il rentrait d’Europe avec son copain de régiment, Alec Daniels, il lui a confié qu’à son retour au Canada, il trouverait une belle épouse et construirait une maison pour s’y installer. Alec l’a présenté à sa cousine, Alice Vera McKay, et ils se sont mariés peu après, à la maison de mes grands-parents. Mon arrière-grand-mère Kookom y était.

Ma mère a grandi à Regina Beach, en Saskatchewan, un endroit que M. Lloyd Barber aurait qualifié de communauté métisse. Elle a été membre du Service féminin de l’Armée canadienne et elle a reçu la Médaille canadienne du volontaire. C’était une mère aimante et pleine de vie. Sa force et sa persévérance n’avaient d’égal que son sens de l’humour et son esprit vif. Cuisinière fabuleuse, couturière talentueuse et maîtresse de maison extraordinaire, elle infusait tout ce qu’elle faisait de son esprit créatif et artistique.

Elle venait assurément d’une famille d’origine métisse. Mon arrière-grand-père, William Henry McKay, a reçu un certificat de terres. En échange, il a renoncé à tous ses droits territoriaux ou à ceux issus d’un traité. Il a été l’un des pionniers à s’installer à Regina Beach, plus précisément à ce qui allait devenir McKay Crossing. Mon arrière-grand-mère, Marie Anne Bellegarde, a quitté la Première Nation de Little Black Bear pour marier mon arrière-grand-père. Elle a alors perdu son statut établi par traité et, par le fait même, les droits qui lui étaient conférés. Mon grand-père, Edward McKay, est né sous un chariot à McKay Crossing en 1900.

Je tiens à rendre hommage à ma femme, Charlene, qui est la mère de mon plus jeune fils, Mack Klyne, ainsi qu’à mon aîné, Benjamin Mark Tingley, qui a été élevé par des parents adoptifs absolument merveilleux, Bill et Lily Tingley.

Charlene est une excellente partenaire de maintes façons. Elle est ma meilleure amie et une personne remarquable avec qui je partage ma vie, en plus d’être une grand-mère et une brillante femme d’affaires qui a dirigé avec brio notre entreprise primée.

Mon fils aîné, Ben, confirme mes convictions par rapport à ce qui est inné ou acquis. Non seulement il me ressemble, mais, même si nous avons été séparés pendant les 19 premières années de sa vie, il a ma voix, il parle comme moi et il a les mêmes manières que moi. Ben est marié, et j’ai deux magnifiques petits-enfants, Jack et Portia. Ben a été très bien élevé, il a reçu une bonne formation en administration des affaires, et il possède une entreprise de publicité prospère.

Mon jeune fils, Mackenzie Gordon Lawrence Klyne, est certainement sur la bonne voie en ce qui a trait à son éducation, à sa vie familiale et à son cheminement personnel. Sa créativité et sa façon de voir la vie et tout ce qu’elle peut lui offrir ont quelque chose d’inspirant. C’est un gentleman, comme son grand frère.

Honorables sénateurs, je vous remercie de votre attention. Je salue également les Canadiens qui nous écoutent à la maison, et j’espère que mon histoire leur a permis de mieux apprécier le caractère distinctif de notre grande nation et de son peuple métis.

Merci.

L’honorable Pat Duncan [ + ]

Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui dans le débat sur la réponse au discours du Trône afin de donner mon premier discours au Sénat. Ce premier discours est une occasion pour moi de donner à mes collègues un aperçu de mon parcours. Il me donne aussi l’occasion de décrire comment je me suis retrouvée ici grâce au processus révisé de nomination au Sénat, et pourquoi j’ai posé ma candidature.

Le plus important peut-être est qu’il me donne l’occasion d’exprimer ma profonde gratitude. J’ai tellement apprécié les bons mots des sénateurs Harder, Mercer, Smith et Woo à mon arrivée ici.

J’aimerais aussi remercier, puisque ce sera peut-être la dernière occasion pour le faire, la sénatrice Andreychuk. Les sénateurs se souviennent sans doute que la sénatrice Andreychuk a parrainé mon entrée dans cette auguste salle. Elle m’a aussi prodigué des conseils et du soutien et je l’ai vue servir cette assemblée et le Canada avec tant de dignité et de respect que je ne peux qu’espérer pouvoir un jour l’imiter.

Merci, sénatrice Andreychuk.

La sénatrice Duncan [ + ]

Chers collègues, je tiens également à exprimer ma sincère reconnaissance envers vous tous pour votre appui et vos encouragements, de même qu’envers le personnel des sénateurs et du Sénat. Je vous remercie tous de votre accueil chaleureux.

Dans le hansard, on peut lire les renseignements sur mon parcours qui ont été énoncés lorsque j’ai été accueillie au Sénat. D’autres bribes ont fait surface lorsque nous avons commencé à travailler ensemble. La célébration de la force aérienne par le sénateur Day a été une occasion de mentionner que mon père, originaire de Glasgow, en Écosse, était un pilote de la Royal Air Force durant la Seconde Guerre mondiale. Il a rencontré ma mère ici, à Ottawa, et ils se sont mariés peu de temps après. Colleen Bartlett était une Américaine de l’État du Maine qui s’était enrôlée dans l’armée canadienne.

En 1945, mes parents sont retournés en Grande-Bretagne et la famille s’est agrandie, mes frères et sœurs étant nés dans de petites stations de la force aérienne un peu partout en Grande-Bretagne.

La famille a immigré d’abord aux États-Unis, en 1955, puis au Canada. À son arrivée au Canada, un agent frontalier éclairé — et je ne dis pas seulement cela pour la sénatrice Simons — lui a suggéré de se rendre à Edmonton. C’est là que je me suis ajoutée à la famille. Chez nous, au souper, les discussions au sujet de l’immigration au Canada et de la politique d’immigration commencent par « n’eût été la politique d’accueil du Canada, ma famille et moi ne serions pas ici ».

En 1964, mon père a entendu l’appel de la vie publique et a déménagé au Yukon. Je dois dire qu’il a parcouru la route de l’Alaska avec l’essentiel : son premier-né, les encyclopédies et son balai de curling. La notion de servir la population et de la fonction publique — ma famille d’origine — m’a été transmise. Mon père a travaillé sur l’élaboration de la toute première loi en matière de soins de santé au Yukon. Son travail dans le domaine des soins de santé serait quelque peu remis en question dans le contexte actuel, car il croyait fermement, en tant qu’Écossais, que sa charge publique l’obligeait à traiter l’argent des contribuables avec des précautions extrêmes. Il fallait en avoir pour son argent, et il fallait rendre des comptes. C’est ce même esprit que j’ai retrouvé chez mes collègues du Comité des finances nationales, avec qui je suis vraiment heureuse d’avoir l’occasion de travailler.

Mon sens de l’engagement communautaire me vient aussi de ma mère, que ce soit en transmettant les traditions par la communauté des arts de l’aiguille, en cousant des bordages de courtepointes pour en faire don à la salle de chimiothérapie de l’hôpital général de Whitehorse — une tradition que je suis fière de perpétuer — ou en aidant l’organisation des courtepointes de la bravoure. Ma famille a également fait du bénévolat dans des clubs communautaires de curling lors de bonspiels. J’ai moi-même fait du bénévolat aux Jeux d’hiver du Canada au Yukon, j’ai été guide et commissaire provinciale des Guides du Canada, j’ai créé ma fondation. Il existe des principes auxquels tous les Canadiens croient, et je suis convaincue que ces points communs nous unissent : le traitement équitable et le respect mutuel.

Ce respect mutuel n’était pas un principe très populaire lorsque j’ai fait mon entrée sur la scène politique. Les sénateurs et les Canadiens auront entendu certaines histoires s’ils ont écouté la balladoémission No Second Chances. Mme Kate Graham, agrégée supérieure de Canada 2020, était la chef de projet. Ce projet se termine aujourd’hui, honorables collègues, et je voudrais simplement vous rappeler ceci : sur plus de 300 premiers ministres dans l’histoire du pays, seulement 12 étaient des femmes. Nous pouvons faire mieux et nous le ferons.

Parmi mes moments mémorables au sein de l’Assemblée législative du Yukon — en tant que chef du troisième parti et de l’opposition officielle, première ministre et seule membre d’un parti politique —, figurent le soutien et la conclusion de négociations en matière de revendications territoriales et la signature de l’entente sur le transfert de responsabilités avec Ottawa. Mon travail de gouvernement à gouvernement avec les Premières Nations a été un honneur et un privilège.

J’ai conservé de cette époque une note que je gardais sur mon bureau me rappelant que la simple courtoisie ne coûte rien.

Lorsque j’ai quitté la politique pour devenir fonctionnaire, j’ai fait des études sur l’administration de la justice. L’interprétation des lois est un des premiers cours de ce programme. Je me souviens m’être demandée, « comment ont-ils pu adopter cette loi? » Cela me fait penser à une disposition de la loi électorale du Canada de 1890 : « Ni les femmes, ni les idiots, ni les déséquilibrés, ni les criminels n’ont le droit de voter. »

Chers collègues, quand nous étudions des lois, je pense que nous devons constamment nous demander si elles vont résister à l’épreuve du temps.

Je m’en voudrais de ne pas saluer mes anciens collègues à l’Assemblée législative du Yukon. Le préambule de la Loi sur les accidents du travail du Yukon demande aux fonctionnaires de traiter les travailleurs, les familles et les employeurs avec dignité, respect et équité. En tant que gestionnaire, je me suis fait un point d’honneur de rappeler tous les jours aux fonctionnaires notre obligation de suivre ces principes directeurs énoncés dans la loi.

Comme bien des gens qui s’interrogent sur leur avenir, je me suis demandé ce que j’allais faire après avoir travaillé dans la fonction publique. Je souhaitais continuer de faire partie de la fonction publique. À la dernière minute, j’ai présenté une demande en vue d’être nommée sénatrice. Soyons clairs : j’ai pris à cœur le désir que le processus soit indépendant. Conformément aux exigences, ma demande a reçu l’appui de trois Yukonnais aux horizons variés qui ont contribué à divers partis politiques.

Je m’en voudrais aussi de ne pas remercier les membres de ma famille, en particulier mon mari, Daryl Berube, et nos enfants, Kristen et Craig, de leur amour et de leur soutien à l’égard de ma demande et de ma nomination.

Maintenant, je suis sénatrice. Puis-je vous présenter un projet environnemental et économique que j’aimerais voir se réaliser, objectif noble s’il en est un? Non. Honorables sénateurs, chers collègues, étant donné mon bagage, ce que je pense apporter au Sénat, c’est ma détermination à déployer tous les efforts possibles, à donner le meilleur de moi-même et à toujours me rappeler que c’est un honneur et un privilège de servir les Canadiens.

La sénatrice Duncan [ + ]

J’apporte aussi la prière de l’Assemblée législative du Yukon, qui demande au Créateur, au Grand Esprit, au chef de tous les peuples, de nous amener à prendre des décisions systématiquement judicieuses, justes et sages au nom de la population. Comme le disent certaines des Premières Nations du Yukon, mahsi cho. Chers collègues, merci.

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