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Projet de loi modifiant certaines lois et d'autres textes en conséquence (armes à feu)

Deuxième lecture--Suite du débat

1 juin 2023


L’honorable Hassan Yussuff [ - ]

Quand je me suis réveillé ce matin, je n’arrivais pas à me rappeler où j’en étais resté hier. Puis, en chemin, je m’en suis souvenu.

Je suis certain que mon ami le sénateur Plett a hâte que je termine mon discours.

Je tiens à être clair : il n’y a aucune obligation pour les victimes de recourir à cette loi. C’était dans la partie que j’ai lue, les dispositions du projet de loi sur le signalement préventif, qui seront là pour offrir une protection supplémentaire.

Je voudrais aujourd’hui vous faire part de quelques autres statistiques pertinentes. Nous savons que plus les armes à feu sont disponibles, plus le risque d’homicide et de suicide est élevé. Les armes de poing sont les armes à feu les plus utilisées dans les homicides. Les suicides par arme à feu ont représenté 73 % de tous les décès par arme à feu au Canada entre 2000 et 2020. Au cours de cette période, quelque 11 000 personnes ont mis fin à leurs jours.

Depuis 2010, nous avons recensé près de 16 000 incidents criminels violents commis à l’aide d’armes à feu au Canada. La réduction du nombre d’armes de poing et d’armes d’assaut dans notre société permettra de faire baisser le nombre de victimes de violence par arme à feu.

J’espère que nous pourrons trouver un accord sur un autre volet important de ce projet de loi dont je voudrais parler maintenant, à savoir les mesures visant à lutter contre la contrebande et le trafic d’armes à feu.

La contrebande des armes à feu au Canada reste une menace importante pour la sécurité des Canadiens et a un effet direct sur la violence liée aux armes à feu qui sévit d’un bout à l’autre du pays. En 2021, l’Agence des services frontaliers du Canada a saisi plus de 1 100 armes à feu, soit plus du double qu’en 2020, ce qui inclut la saisie de 66 armes à feu prohibées au poste frontalier du pont Blue Water, à Sarnia, en Ontario, une des plus importantes saisies d’armes à feu dans le Sud de l’Ontario ces dernières années.

Plus récemment, l’Agence des services frontaliers du Canada a travaillé avec des partenaires afin de saisir 46 armes à feu prohibées ou à utilisation restreinte dans une halte routière à Cornwall, en Ontario.

Le projet de loi C-21 s’attaque à la contrebande et au trafic à la frontière en augmentant les peines criminelles maximales pour la contrebande et le trafic d’armes à feu, les faisant passer de 10 à 14 ans d’emprisonnement, en donnant plus d’outils aux forces de l’ordre pour enquêter sur les crimes liés aux armes à feu et en renforçant les mesures de sécurité à la frontière.

Le fait d’augmenter les peines maximales pour les infractions liées à la contrebande et au trafic d’armes à feu enverra un message aux criminels tout en indiquant aux tribunaux que le Parlement dénonce sans équivoque ces crimes.

L’Association canadienne des chefs de police a appuyé ces mesures lorsqu’il en a été question dans le cadre de l’examen du projet de loi en comité à l’autre endroit. Selon son représentant :

En ce qui concerne la contrebande et le trafic d’armes à feu, nous appuyons la mise en œuvre de nouvelles infractions liées aux armes à feu, l’intensification des contrôles frontaliers et le renforcement des sanctions pour aider à dissuader les activités criminelles et à combattre la contrebande et le trafic d’armes à feu, réduisant ainsi le risque que des armes à feu illégales se retrouvent dans les communautés canadiennes et soient utilisées pour commettre des infractions criminelles. L’[Association canadienne des chefs de police] accueille favorablement les changements qui fournissent de nouvelles autorisations et de nouveaux outils à la police pour accéder aux informations sur les détenteurs de permis dans le cadre d’enquêtes sur des personnes soupçonnées de mener des activités criminelles, comme l’achat par personne interposée et le trafic d’armes.

Cela me ramène aux amendements proposés récemment au projet de loi C-21. Ils ont été adoptés à l’autre endroit, à l’étape de l’étude en comité, et ils comprennent notamment une nouvelle définition des caractéristiques des armes à feu de style arme d’assaut ainsi que la reconnaissance et le respect des droits ancestraux ou issus des traités des peuples autochtones. Ces amendements s’appuient sur des discussions avec des intervenants partout au pays, dont des chasseurs, des piégeurs, des membres des Premières Nations, des Inuits, des Métis, des résidants des régions rurales et nordiques, et des tireurs sur cible.

Honorables collègues, dans toutes les régions du pays, vous trouverez d’habiles chasseurs expérimentés qui seront ravis de vous parler de la chasse pendant des heures et qui vous diront que c’est pour eux bien plus qu’un loisir : c’est un mode de vie qui fait partie intégrante de leur culture et qui se transmet de génération en génération.

C’est pour cela qu’à mon sens, ces plus récents amendements fournissent des précisions et des protections pour les propriétaires d’armes à feu responsables.

Le sénateur Yussuff [ - ]

De plus, ils reflètent l’important point de vue culturel des peuples autochtones de l’ensemble du pays. Le projet de loi respecte et reconnaît la place importante que la chasse occupe dans les traditions et la culture des communautés autochtones. Le gouvernement reconnaît aussi l’importance de consulter les peuples autochtones et de collaborer avec eux pour veiller à ce que les lois fédérales s’accordent avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones.

Le gouvernement se fonde sur une définition technique prospective afin d’empêcher les armes d’assaut d’entrer dans les collectivités, mais ce projet de loi comprend aussi des dispositions qui indiquent expressément et clairement qu’aucun aspect de cette définition ne doit aller à l’encontre des droits conférés aux peuples autochtones au titre de l’article 35 de la Constitution.

Par ailleurs, le gouvernement se dit toujours prêt à continuer de travailler avec les communautés autochtones et à entretenir avec elles un dialogue ouvert au sujet des conséquences imprévues que le projet de loi pourrait avoir pour les peuples autochtones. Si le projet de loi est adopté au Sénat et à la Chambre, il y aura quand même d’autres possibilités de collaboration avec les communautés autochtones.

Le gouvernement s’est engagé à continuer de prendre en considération les avis et les points de vue de divers groupes autochtones, qui seront évidemment consultés au cours du processus de réglementation et de la mise en œuvre de certaines mesures du projet de loi.

En conclusion, honorables collègues, ce projet de loi vise à assurer la sécurité de la population. Aucun d’entre nous n’est contre cela. Comme nous le savons, il n’y a pas de mesure ou de programme qui peuvent à eux seuls mettre fin à la violence armée.

Je sais que le contrôle des armes à feu ne résoudra pas à lui seul tous les problèmes liés à la violence armée, mais il s’agit d’une pièce importante du puzzle qui changera beaucoup de choses. C’est pourquoi je pense que le projet de loi C-21 n’est qu’une des nombreuses initiatives du gouvernement visant à assurer la sécurité de nos collectivités dans l’ensemble du pays. Il vise à limiter le nombre d’armes de poing en circulation en gelant la vente, l’achat et le transfert d’armes de poing. Il crée une nouvelle définition des armes d’assaut qui ne s’applique qu’aux armes nouvellement conçues et fabriquées après l’entrée en vigueur du projet de loi.

Il instaure des mesures de signalement et d’intervention d’urgence afin de réduire la violence familiale et l’automutilation liées aux armes à feu. Il fait passer de 10 à 14 ans la peine maximale encourue par les contrebandiers et trafiquants d’armes à la frontière et prévoit des mesures contre les armes fantômes qui deviennent un grave problème dans notre pays.

En revanche, ce projet de loi ne retire aucune arme aux propriétaires légaux d’armes à feu dans ce pays, qu’il s’agisse de propriétaires d’armes de poing, de chasseurs ou de tireurs sportifs. Je tiens à préciser que si vous possédez une arme de poing légale, vous pourrez la conserver après l’entrée en vigueur de ce projet de loi. Si vous possédez une arme d’épaule légale, ce projet de loi n’a aucune incidence pour vous.

Chers collègues, comme je l’ai mentionné au début de mon intervention, j’examine ce projet de loi en essayant d’établir un juste équilibre entre les privilèges et les droits. Je tiens ensuite compte des restrictions au privilège de posséder un certain type d’arme à feu et des droits des Canadiens à un pays sûr, exempt de violence armée. Je suis convaincu que le projet est bien équilibré.

Chers collègues, j’espère qu’après avoir examiné attentivement ce projet de loi, vous conviendrez qu’il est à la fois juste et équilibré et que vous soutiendrez son renvoi en comité. Je vous remercie.

L’honorable Donald Neil Plett (leader de l’opposition) [ - ]

Je me demande si le sénateur peut répondre à quelques questions.

Le sénateur Yussuff [ - ]

Avec plaisir, mon ami.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci. Je suis convaincu que, demain, M. Gerretsen écrira encore sur Twitter que je fais obstruction au projet de loi parce que j’ai eu l’audace de poser des questions à ce sujet, comme il l’a fait alors que vous n’aviez toujours pas présenté le projet de loi. Je ne sais pas quelle sera sa réaction cette fois.

Sénateur Yussuff, vous avez mentionné le nombre de décès par arme à feu et d’autres statistiques plusieurs fois. Or, vous n’avez jamais indiqué combien de ces décès étaient liés à des armes à feu légales. Je crois que personne ici ne s’oppose à la lutte contre les armes à feu illégales. Je suis pour qu’on lutte contre ces armes. Ce ne sont pas les armes à feu légales qui posent problème, ce sont les armes à feu illégales.

Vous avez parlé de faire passer les peines de 10 à 14 ans pour la contrebande. Je voudrais comprendre, sénateur Yussuff. Vous dites que le gouvernement libéral veut augmenter les peines, alors que, au moyen du projet de loi C-5, le gouvernement libéral a abrogé les peines minimales concernant les infractions commises avec une arme à feu comme les vols qualifiés commis avec une arme à feu, l’extorsion avec une arme à feu, la décharge d’une arme à feu avec une intention particulière, l’utilisation d’une arme à feu lors de la perpétration d’un crime, la possession non autorisée d’une arme à feu en toute connaissance de cause, la possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte avec munitions, la possession d’une arme obtenue lors de la perpétration d’une infraction et la décharge d’une arme à feu avec insouciance.

Si le gouvernement est déterminé à mettre fin à la criminalité commise avec des armes à feu, pourquoi abrogerait-il toutes ces peines minimales? Pourquoi n’essaierait-il pas plutôt d’augmenter ces peines plutôt que de les abroger et de cesser de s’en prendre aux propriétaires d’armes à feu respectueux des lois pour commencer à s’en prendre aux propriétaires illégitimes?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Merci de votre question, sénateur Plett.

Comme vous le savez, les tribunaux se sont prononcés sur les peines minimales. Le gouvernement en a tenu compte dans ses mesures. Mais en ce qui concerne la peine moyenne pour la contrebande et les condamnations, à l’heure actuelle, les personnes condamnées purgent en moyenne huit ans de leur peine. Comme vous le savez, et comme je l’ai dit dans mon discours, le gouvernement a signalé une nouvelle fois qu’il allait augmenter la peine pour ceux qui introduisent clandestinement des armes au pays.

Le gouvernement prend de nombreuses mesures pour lutter contre les infractions liées aux armes à feu dans les collectivités, notamment pour éviter que les jeunes prennent l’habitude de fréquenter des individus susceptibles de les pousser à commettre des infractions liées aux armes à feu. Le gouvernement a consacré beaucoup de ressources à cet effet. Il travaille dans de nombreuses localités frontalières pour mettre fin à la contrebande et sensibiliser et soutenir les policiers de première ligne pour qu’il n’y ait pas d’armes illégales au pays.

Je pense que ces efforts doivent se poursuivre aussi longtemps que nécessaire, car les criminels qui veulent faire entrer illégalement des armes à feu dans notre pays continueront à le faire. Nous devons trouver des moyens de lutter contre cela et travailler au renforcement de la loi. Ce projet de loi nous aiguille dans une certaine mesure pour que cela puisse se faire, mais, en même temps, il est question de soutenir les agents de première ligne qui font de leur mieux à nos frontières et dans d’autres régions pour pouvoir appréhender les criminels et, en fin de compte, les soumettre au système judiciaire afin qu’ils soient jugés et qu’ils purgent les peines auxquelles ils seront condamnés pour les actes qu’ils ont commis.

Le sénateur Plett [ - ]

J’aimerais poser deux questions supplémentaires, à moins que quelqu’un d’autre souhaite prendre la parole. J’ai quelques questions, mais je céderai la parole à d’autres sénateurs s’ils souhaitent également intervenir.

Sénateur Yussuff, dans votre discours, vous avez dit :

La prévalence des armes de poing au Canada ne cesse d’augmenter. Entre 2010 et 2020, le nombre d’armes de poing a augmenté de 74 % pour atteindre 1 million d’armes de poing détenues par environ 275 000 personnes dans notre pays.

Des recherches indiquent qu’il y a une corrélation entre la disponibilité des armes à feu et le nombre de crimes, d’actes de violence et d’utilisations illégitimes impliquant une arme à feu.

Sénateur Yussuff, il n’y a pas de corrélation entre l’achat légal d’armes de poing au Canada et la criminalité dans les rues canadiennes.

En ce qui concerne les armes de poing, je suis certainement favorable à ce que nous donnions aux forces de l’ordre tous les outils nécessaires. Vous et moi sommes d’accord sur ce point. Par contre, le chef de la police de Toronto, Myron Demkiw, a dit : « Elles ne proviennent pas de notre pays. Elles proviennent de l’extérieur de nos frontières. Ce qui pose problème à Toronto, ce sont les armes de poing en provenance des États-Unis. »

Comment le fait de s’en prendre aux tireurs sportifs en règle est-il censé réduire la criminalité dans les rues de Toronto?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je ne veux pas commenter le point de vue d’un agent de première ligne. Je ne connais pas le contexte de ses propos. Je respecte son opinion à cet égard.

Je pense que vous et moi sommes d’accord pour dire que de nombreuses armes de poing entrent illégalement dans notre pays à de nombreux postes frontaliers. Ce phénomène a été cerné, et le gouvernement a alloué des ressources considérables pour aider les agents de première ligne à y faire face.

En ce qui concerne les armes de poing en général et ce que le gouvernement veut faire, les municipalités dans leur ensemble et les zones urbaines ont demandé au gouvernement de prendre des mesures pour réduire le nombre d’armes à feu dans leurs collectivités. Je pense que ce projet de loi reflète dans une large mesure ce consensus dans les zones urbaines du pays, qui veulent voir une réduction du nombre d’armes à feu dans leurs collectivités. On reconnaît la présence d’armes illégales, mais aussi qu’il arrive que des armes légales finissent par causer du tort, comme dans les cas de violence familiale ou de personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale qui se servent de leurs armes de poing ou d’autres armes à feu pour se faire du mal.

Il y a des défis que nous devons reconnaître et relever en ce qui concerne l’ensemble des armes à feu. Ce projet de loi ne nuira en aucun cas aux tireurs sportifs, puisqu’il prévoit des dispositions concernant la manière dont les tireurs sportifs peuvent continuer à pratiquer leur loisir. Le projet de loi reconnaît qu’ils pourront continuer à avoir accès à leurs armes et à les utiliser pour pratiquer leur sport. Des dispositions à cet égard ont été renforcées à l’autre endroit avant que le projet de loi ne parvienne au Sénat.

L’honorable Tony Dean [ - ]

Sénateur Yussuff, je serais moi aussi inquiet si une mesure législative de ce type nuisait aux tireurs sportifs. Or, si j’ai bien compris à ma lecture initiale du projet de loi, les tireurs sportifs qui font partie de fédérations sportives ne seraient pas touchés, c’est-à-dire qu’ils seraient exemptés des exigences sur les armes de poing et les autres armes à feu s’ils font partie d’un programme de formation et d’exercices menant à des compétitions régionales, nationales ou internationales. Je veux simplement confirmer ce point.

Ensuite, je sais que bon nombre d’entre nous ont appris avec inquiétude la fin de semaine dernière la fusillade tragique qui a eu lieu en Ontario — je crois que c’était à Hamilton —, où un propriétaire canadien a abattu deux de ses locataires qui fuyaient le logement à la suite d’une dispute au sujet de la propriété. La police a dit que les témoins ont vu un jeune couple, tous les deux dans la mi-vingtaine, fuir leur maison, à Hamilton, en Ontario. Après les meurtres, le tireur s’est barricadé dans l’appartement. L’histoire tragique ne s’est pas arrêtée là : le tireur a finalement perdu la vie à la suite d’une altercation avec la police.

Ce que je veux souligner ici, c’est que nous avons appris que le tueur était propriétaire d’armes à feu et que plusieurs armes de poing et fusils ont été retrouvés dans sa maison. De plus, ces armes étaient enregistrées à son nom. En plus de répondre à ma première question, avez-vous des commentaires à ce sujet?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Je vous remercie de votre question, sénateur Dean. Il est difficile d’expliquer ce qui s’est passé à Hamilton, en Ontario. Je pense qu’en tant que parents ou que membres d’une famille, nous sommes tous bouleversés. Il s’agissait de deux jeunes personnes, apparemment dans la fleur de l’âge, qui essayaient de construire leur vie. Quoi qu’il en soit, ce sont les tribunaux qui nous en diront davantage. D’après ce qui a été communiqué jusqu’à présent, la personne qui a commis ces actes terribles possédait des armes qu’elle avait acquises légalement et pour lesquelles elle était titulaire d’un permis de port d’arme. Encore une fois, dans le contexte de la violence armée, même de bonnes personnes font parfois de mauvaises choses.

Nous espérons que les dispositions de signalement d’urgence ou préventif permettront d’éviter que de telles situations se reproduisent à l’avenir. Si quelqu’un soupçonnait quelque chose, il pourrait le signaler aux autorités et celles-ci pourraient alors intervenir en confisquant l’arme à feu ou en retirant le permis et en imposant des restrictions à l’individu. Ce n’est pas arrivé ici, alors il est difficile de prédire la suite des choses. Nous savons que dans d’autres pays, comme aux États-Unis, où des lois sur le signalement d’urgence ou préventif sont en vigueur, cela permettrait d’empêcher efficacement ce type de situation de se reproduire.

Si ce projet de loi est adopté, j’espère qu’il aidera les gens à l’avenir en leur permettant de savoir qu’il y avait des problèmes dans ce logement ou avec ce propriétaire et qu’ils auraient pu le porter à l’attention des autorités pour prévenir une tragédie. Personne ne l’a fait, mais je pense que le gouvernement s’est engagé à ce que, si le projet de loi est adopté, ces dispositions soient connues du grand public, afin que les gens sachent comment les utiliser de manière plus efficace.

En ce qui concerne les tireurs sportifs, il est essentiel que nous reconnaissions le rôle important qu’ils jouent aux Jeux olympiques et paralympiques pour le Canada. Pour ceux qui souhaitent continuer à pratiquer ce sport, je doute qu’ils soient le moindrement touchés par le projet de loi. Il y a certaines exigences qu’ils doivent respecter s’ils pratiquent ce sport légitimement et s’ils continuent à le pratiquer et à s’entraîner à l’avenir. Le projet de loi le reconnaît clairement. L’autre endroit l’a amélioré à la suite du débat qui a eu lieu et des témoignages recueillis en comité.

L’honorable Andrew Cardozo [ - ]

Je vous remercie de parrainer ce projet de loi, sénateur Yussuff.

Je tiens à vous poser des questions sur la dernière série d’amendements présentés par le gouvernement. Certains défenseurs d’une législation plus stricte sur les armes à feu étaient d’avis que le gouvernement avait édulcoré le projet de loi plus qu’ils ne s’y attendaient et plus qu’ils ne s’en réjouissaient. Que répondez-vous aux personnes qui estiment que le projet de loi, dans sa forme actuelle, n’est pas assez strict?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Merci, sénateur Cardozo, de votre question. Vous avez parfaitement raison. Le gouvernement a présenté ce projet de loi et a essayé d’obtenir l’appui de l’opposition à l’autre endroit, et il a fini par obtenir l’appui de trois partis. Certains amendements ont reçu l’appui de tous les partis de l’autre endroit. Pour renvoyer le projet de loi ici, des compromis ont donc été faits en ce qui a trait au contenu actuel du projet de loi.

D’un point de vue personnel, en lisant le projet de loi et en observant le débat sur cette question, je pense que le gouvernement a atteint un équilibre en essayant de présenter le projet de loi que les Canadiens lui demandent d’adopter depuis un certain temps. Je pense que le projet de loi est le reflet de cet équilibre. Je suis sûr que lorsque les audiences du comité commenceront, nous entendrons des personnes qui pensent que le projet de loi va trop loin et des personnes qui pensent qu’il ne va pas assez loin. En tant que sénateurs, nous aurons l’occasion d’évaluer la situation et de porter un jugement.

Pour ma part, en tant que parrain du projet de loi, je pense que celui-ci établit un équilibre, et j’espère que mes collègues s’en rendront compte non seulement dans le contexte du débat ici, mais aussi dans ce que les témoins diront lorsqu’ils viendront devant le comité.

Le sénateur Plett [ - ]

Merci. Je tiens à faire une observation sur les tireurs sportifs. Bien sûr, je vais prononcer mon propre discours à ce sujet prochainement, si le leader du gouvernement ne décide pas d’imposer l’attribution de temps pour limiter le débat sur le projet de loi avant que nous en débattions la semaine prochaine.

Je tiens à faire une observation sur les tireurs sportifs. En fait, permettre aux tireurs sportifs de continuer à pratiquer leur sport, comme le fait le projet de loi — vous avez raison —, c’est un peu comme dire que les gens peuvent jouer au hockey, mais qu’ils doivent commencer dans la ligue nationale. Les gens qui n’ont pas atteint ce niveau ne peuvent pas jouer au hockey. C’est ce que fait le projet de loi. On peut toujours avoir des tireurs olympiques, mais les amateurs ne peuvent pas s’entraîner pour atteindre ce niveau. Vous avez raison, le projet de loi aborde la question dont on veut traiter, mais il ne la règle pas. Encore une fois, le gouvernement dit : « Faites-nous confiance. Nous nous en occuperons. » Cependant, cela ne figure pas dans le projet de loi, sénateur Yussuff.

En ce moment, tel qu’il est rédigé, le projet de loi permet d’aller faire du tir sportif aux Olympiques, mais il ne permet pas de pratiquer le tir sportif en vue d’aller aux Olympiques. Combien d’athlètes vont nous représenter aux Olympiques s’ils ne peuvent pas s’entraîner?

J’ai une dernière question. Je vous remercie de votre indulgence, sénateur Yussuff. Toutefois, vous dites — et vous l’avez répété :

[...] je considère que ce projet de loi vise essentiellement à établir un juste équilibre entre le droit des Canadiens de vivre dans des collectivités sécuritaires et le privilège accordé à des Canadiens de posséder certains types ou modèles d’armes à feu pour la chasse ou le tir sportif. Trouver le juste équilibre n’est pas chose facile.

Je suis d’accord avec vous. Trouver le juste équilibre n’est pas chose facile. Toutefois, compte tenu des critiques venant de toutes parts dont ce projet de loi a été la cible, je dirais que le gouvernement a détruit un équilibre qui existait, sénateur Yussuff.

La plupart des provinces s’opposent à ce projet de loi. Les chasseurs et les tireurs sportifs s’y opposent aussi, même si vous affirmez que ces derniers pourront continuer de pratiquer leur sport. Des témoins provenant de services de police s’y sont opposés et ont déclaré qu’il ne permettra pas de retirer les armes illégales des rues. La section de droit pénal de l’Association du Barreau canadien a déclaré que les dispositions relatives au pouvoir d’intervention rapide contenues dans le projet de loi ne font que conférer des pouvoirs qui existent déjà pour saisir les armes à feu de personnes qui peuvent représenter un danger pour elles-mêmes ou pour les autres.

Par conséquent, sénateur Yussuff, que croyez-vous avoir accompli, vous ou le gouvernement, compte tenu de toute cette opposition?

Le sénateur Yussuff [ - ]

Encore une fois, je vous remercie de votre question et de vos observations.

De toute évidence, la réalité, c’est que nous ne réussirons pas à nous entendre sur le fait que ce projet de loi atteint le juste équilibre, car vous avez votre opinion sur la question, et je la respecte. Dans la même mesure, j’espère que vous respecterez mon point de vue, à savoir que de nombreux témoins, y compris des chefs de police, se sont exprimés devant le comité à propos des dispositions du projet de loi qui interdiront les armes à feu à la frontière. Ces témoins ont appuyé les dispositions en question, ils ne s’y opposent pas. Certes, j’admets que certains témoins n’étaient pas favorables à l’une ou l’autre des dispositions du projet de loi et qu’ils l’ont clairement indiqué. Toutefois, je pense qu’il serait faux de prétendre que le projet de loi n’obtient aucun appui sur un grand nombre de ses éléments de la part des témoins qui ont été entendus par le comité de l’autre endroit, dans le cadre de l’examen des dispositions.

Dans le contexte du débat entourant les armes à feu dans notre pays, comme nous l’avons constaté à l’autre endroit, il y aura toujours une certaine polarisation. Je crois qu’en tant que membres du Sénat, nous reconnaissons l’importance d’essayer de trouver le juste équilibre et de faire ce qui s’impose. Selon moi, le projet de loi atteint cet objectif. Il n’est peut-être pas parfait à tous points de vue, mais je suis convaincu que s’il est adopté et qu’il entre en vigueur, il contribuera à rendre notre pays et nos collectivités plus sûrs pour toute la population.

Il y aura toujours des personnes qui ne partagent pas ce point de vue, qui pensent qu’il ne devrait y avoir aucune restriction à la possession d’armes à feu au Canada. Quant à moi, je crois qu’il doit y en avoir quelques-unes.

J’ai eu la chance de visiter l’armurerie de la GRC au début de mon mandat, ce qui m’a permis de prendre conscience — du moins, en partie — de la complexité du travail effectué là-bas. J’en suis sorti effrayé, mais pas à cause de ce qu’on y faisait. Quand les employés m’ont montré les armes qu’ils avaient saisies à l’échelle du pays, et que j’ai eu l’occasion de les examiner, cela m’a flanqué une de ces trouilles parce que je ne parvenais pas à comprendre pourquoi quiconque voudrait posséder une de ces armes. Ce n’était pas des jouets, mais des machines créées pour tuer un nombre considérable d’êtres humains. Ces armes ont été introduites dans notre pays, puis interdites. Je sais qu’il y en a encore beaucoup qui n’ont pas été saisies.

Ce que je veux dire, sénateur, c’est que nous allons renvoyer ce projet de loi au comité. Je suis certain que vous et moi ne serons pas d’accord sur certains points et que nous serons d’accord sur d’autres. Nous reconnaissons tous que nous devons faire quelque chose pour améliorer la sécurité des Canadiens dans ce pays de diverses manières. L’interception des armes qui franchissent nos frontières est l’un de ces moyens. Mais tenter de remédier à la violence armée qui sévit dans notre pays en est une autre. Nous pouvons également veiller à ce que les jeunes ne tombent pas dans la culture des armes à feu dans notre pays.

Comme vous le savez, le gouvernement a investi des ressources considérables dans tout le pays pour travailler sur le terrain. Je pense qu’il est faux de dire que la majorité des provinces sont contre le projet de loi. Je sais que certaines provinces sont contre le projet de loi. Je vis ici en Ontario et je sais que ma province ne s’est pas prononcée contre ce projet de loi, parce que l’Ontario reconnaît que nous devons faire quelque chose pour lutter contre la violence armée dans ce pays.

Merci beaucoup pour votre question. J’attends bien sûr avec impatience que ce projet de loi soit renvoyé en comité, et je me réjouis de vous entendre à ce sujet la semaine prochaine à l’étape de la deuxième lecture.

Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-21, en particulier pour parler d’un enjeu sur lequel le projet de loi risque d’avoir un impact, mais qui n’a pas vraiment encore été abordé. Il s’agit de l’impact qu’aura le projet de loi sur le taux de suicide au Canada. J’espère que mon intervention fera en sorte que, une fois que le projet de loi aura été renvoyé au comité, ce dernier voudra obtenir l’avis d’experts de la prévention du suicide et du contrôle des armes à feu.

Chers collègues, avant de commencer, je veux souligner que les enjeux dont je vais parler peuvent être troublants pour certaines personnes. Il est question de vie ou de mort. Je parlerai de santé mentale et d’automutilation. J’incite mes collègues et tous ceux qui nous écoutent et qui vivent des difficultés ou qui ont des pensées destructrices envers eux-mêmes à aller chercher de l’aide. Demander de l’aide est un signe de force et il existe de nombreuses façons de trouver de l’aide et du soutien.

Les sénateurs connaissent bien l’importance de la prévention du suicide. Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie déposera bientôt un rapport au sujet de son étude sur l’efficacité du Cadre fédéral de prévention du suicide pour réduire le taux de suicide au Canada. De nombreux sénateurs ont parlé de l’importance de la prévention du suicide au cours du débat sur la motion relative à l’étude en question et des débats sur des projets de loi récents lors desquels la question de la prévention du suicide a été soulevée.

Je pense que nous pouvons affirmer sans risque que nos débats ont largement soutenu des mesures efficaces pour réduire les taux de suicide au Canada. La mesure de santé publique la plus efficace pour la prévention du suicide demeure la restriction des moyens, comme un meilleur contrôle de la disponibilité des armes à feu.

Le suicide touche les hommes de manière disproportionnée. Environ 75 % des Canadiens qui se suicident sont des hommes, et le suicide est trois fois plus fréquent chez les hommes que chez les femmes. Les statistiques relatives au suicide et aux armes à feu sont désolantes. De nombreuses études ont montré que les armes à feu jouent un rôle déterminant dans les suicides, en particulier chez les hommes.

L’accès à des moyens létaux comme les armes à feu dans les moments de désespoir peut rapidement transformer une pensée impulsive en une action irréversible.

Au Canada, de 2016 à 2020, 2 777 hommes se sont enlevé la vie au moyen d’une arme à feu. Au cours de la même période, 82 femmes sont décédées par des moyens semblables. Il s’agit d’un ratio d’environ 33 pour 1, soit 10 fois plus que le ratio global de suicides des hommes par rapport à ceux des femmes.

Pour mieux vous situer, si l’on considère l’ensemble des blessures mortelles causées par une arme à feu au cours de cette période, environ 70 % d’entre elles étaient liées à des suicides, et pas à des homicides, chers collègues. Parmi les décès liés aux armes à feu au Canada, 70 % sont des suicides.

Une étude récente menée en Ontario a conclu que plus des deux tiers des décès liés aux armes à feu étaient des suicides. Ces morts touchaient surtout des hommes, principalement en région rurale. En moyenne, pendant la période visée au Canada, quelque 550 hommes par année ont commis un suicide avec une arme à feu. Par comparaison, moins de 50 hommes par année meurent du cancer des testicules. Le simple fait de posséder une arme de poing est associé à des taux beaucoup plus élevés de suicide.

Une étude récente portant sur quelque 26 millions de personnes suivies sur une période de 12 ans a noté ce qui suit :

Les hommes qui étaient propriétaires d’armes de poing étaient huit fois plus susceptibles que les autres hommes de mourir de blessures par balle auto-infligées. Les femmes qui étaient propriétaires d’armes de poing étaient plus de 35 fois plus susceptibles que les autres femmes de s’enlever la vie avec une arme à feu.

En tant que législateurs qui se soucient vraiment de la prévention du suicide, nous avons la responsabilité de reconnaître, d’une part, le lien entre la possession d’armes à feu et le suicide, ainsi que, d’autre part, la nécessité de prendre des mesures décisives pour contrer ce phénomène. En reconnaissant le lien qui existe entre la possession d’armes à feu et le risque de suicide, nous avons le pouvoir de sauver des vies et de créer un environnement plus sûr pour tout le monde.

Aujourd’hui, j’aimerais insister sur la nécessité d’apporter votre appui à un projet de loi destiné à restreindre l’accès aux armes à feu. Ainsi, nous pourrions limiter les actes impulsifs et autodestructeurs qui sont fortement susceptibles de provoquer la mort. Les recherches rigoureuses sont unanimes : le fait de limiter l’accès des personnes en crise à des moyens de se donner la mort réduit le risque de suicide. L’une des stratégies de santé publique les plus efficaces pour lutter contre le suicide chez les hommes consiste à limiter l’accès aux armes à feu.

Outre la prévention du suicide, il convient de reconnaître que ce projet de loi a suscité de nombreuses autres préoccupations. Les sénateurs Plett et Yussuff ont d’ailleurs eu des échanges sur ces questions importantes.

Nous devons répondre à ces préoccupations et chercher un terrain d’entente. Trouver un juste équilibre entre l’accès responsable aux armes à feu et la prévention du suicide lié aux armes à feu est un objectif réalisable qui permettrait de respecter les droits des propriétaires d’armes à feu tout en accordant la priorité à la sécurité publique et à la sauvegarde de vies humaines.

Pour être efficace, la mise en œuvre doit reposer sur la collaboration, un dialogue franc et la volonté de trouver des solutions innovantes. Nous devons faire appel aux compétences des différents intervenants, notamment les propriétaires d’armes à feu, les professionnels de la santé mentale, les forces de l’ordre et les organisations de défense. Notre objectif doit être d’adopter une mesure législative sur les armes à feu qui soit éclairée et qui tienne compte de ces considérations complexes.

Notre étude du projet de loi C-21 nous donne l’occasion de mieux comprendre comment des interventions législatives peuvent être mises en œuvre pour atteindre l’objectif de prévenir le suicide en limitant les moyens d’action dans le contexte des armes à feu au Canada.

Selon certaines études sur les répercussions du projet de loi C-51, Loi de 1977 modifiant le droit pénal du Canada, il semblerait que cette mesure législative a réduit le nombre de suicides commis avec des armes à feu. Selon d’autres études sur les répercussions de cette mesure législative et d’autres projets de loi, c’est-à-dire le projet de loi C-17 en 1991 et le projet de loi C-68 en 1995, les résultats seraient plus nuancés.

Comme je suis conscient que tous les projets de loi portant sur le contrôle des armes à feu ne sont pas identiques, j’espère que le comité chargé d’étudier le projet de loi C-21 cherchera le moyen d’encourager le gouvernement à réaliser une analyse détaillée de l’effet du projet de loi sur les taux de suicide commis avec des armes à feu chez les hommes au Canada. Nous avons besoin de cette information. Le comité pourrait se faire un devoir de convoquer des témoins qui pourraient nous aider à comprendre ce phénomène tel qu’il se présente au Canada.

Chers collègues, alors que nous étudions le projet de loi d’un œil critique, nous devons nous pencher sur la multitude de sujets dont il traite. Comme vous, j’ai été informé des nombreuses craintes raisonnables et légitimes exprimées par de nombreux Canadiens au sujet du projet de loi C-21. Bien que j’aie lu d’innombrables courriels et lettres, personne à ma connaissance n’a soulevé la question de la relation entre les taux de suicide chez les hommes et la possession d’armes à feu dans le contexte canadien.

Je vous remercie de m’avoir permis de soulever cette question au Sénat. J’espère que le comité va envisager de convoquer des témoins qui pourront en parler de façon plus détaillée et que nous allons garder à l’esprit cette importante association tandis que nous nous pencherons sur la manière de faire progresser cette mesure législative. Merci, wela’lioq.

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