Projet de loi sur le cadre national sur la publicité sur les paris sportifs
Deuxième lecture--Suite du débat
30 novembre 2023
Honorables sénateurs, je vais reprendre là où je m’étais arrêté pour appuyer le projet de loi S-269 présenté par la sénatrice Deacon. Je me concentrerai sur les méfaits potentiels que le projet de loi pourrait, en partie, atténuer — le problème de santé publique que pose le jeu compulsif. Je me concentrerai sur le groupe d’âge où le jeu problématique commence souvent, c’est-à-dire les jeunes.
L’hiver dernier, je regardais un match de la Ligue nationale de hockey, ou LNH, avec quelques-uns de mes petits-fils. Entre les segments de jeu vigoureux, nous avons eu droit à un déluge de publicité pour les paris sportifs en ligne. En effet, il m’a semblé que le temps consacré à l’encensement des paris sportifs en ligne a été presque égal à celui accordé au match dans son intégralité.
Au cours de l’une des nombreuses publicités vantant les mérites des jeux d’argent en ligne, l’un de mes petits-fils s’est exclamé qu’il voulait parier pour gagner des tonnes et des tonnes d’argent. Ces propos ont donné lieu à une conversation sur ce que sont les jeux d’argent, les chances de gagner et de perdre, le plaisir récréatif de faire un pari et les impacts catastrophiques sur la vie de certaines personnes qui deviennent des joueurs compulsifs.
Après avoir discuté et réfléchi, mon petit-fils a demandé : « Pourquoi Auston Matthews dirait-il que c’est bon si ce n’est pas bon? »
Chers collègues, j’ai été incapable de répondre à cette question sans entrer dans le domaine de la spéculation et de ce chant des sirènes qu’est l’appât du gain. J’ai donc simplement répondu : « Je ne le sais pas. »
Chers collègues, en grandissant, nos enfants ont besoin de héros. Ils tirent leur inspiration des héros. Leurs héros sont souvent des célébrités qui peuvent devenir leurs modèles. Nous ne pouvons qu’espérer que leurs héros soient dignes de la confiance que les jeunes leur accordent.
Honorables sénateurs, je voudrais faire la distinction entre les paris qu’on fait pour le plaisir et les problèmes de jeu. Si mon super voisin de banquette, le sénateur Boehm, et moi avions été copains à l’adolescence, nous aurions peut-être trouvé amusant de faire quelque gageure sur des choses du genre : « Est-ce que le directeur porte une moumoute? » Celui qui aurait perdu le pari aurait été déçu, mais ce n’est pas de ce genre de comportement innocent des adolescents dont je parle.
Le jeu devient un problème quand il a un impact négatif sur les activités du quotidien d’une personne, sur sa santé mentale et physique, sur ses relations ou sur son parcours scolaire ou professionnel. Les recherches — notamment celles qu’a citées la sénatrice Deacon — montrent que les problèmes de jeu prennent racine dans la décennie qui suit le début de la puberté.
Ces problèmes apparaissent à ce moment-là, mais ils persistent souvent à l’âge adulte et leurs effets pernicieux se manifestent à la fois pendant ces années et au cours des décennies qui suivent la sortie de l’adolescence. Nous savons que les adolescents, en tant que groupe, peuvent courir un plus grand risque de développer de nombreux comportements négatifs ayant des conséquences sur leur vie, telles que la dépendance au jeu. En effet, selon Gambling, Gaming and Technology Use, anciennement connu sous le nom de Problem Gambling Institute of Ontario, la proportion de joueurs compulsifs chez les jeunes de 10 à 24 ans est plus élevé que chez les adultes.
Le jeu compulsif peut avoir des effets négatifs considérables sur les jeunes; le problème prend forme dans cette tranche d’âge et ses effets négatifs se perpétuent.
Qui sont ces jeunes qui sont le plus à risque? Eh bien, honorables sénateurs, nous avons une assez bonne idée de qui ils sont. Dans le cadre d’une étude exhaustive fondée sur la population qui a été menée auprès de plus de 2 500 adolescents et qui a été publiée dans l’International Journal of Mental Health and Addiction en 2022, Edmond et ses collègues ont constaté que les joueurs compulsifs âgés de 20 ans avaient des antécédents d’hyperactivité, de problèmes de conduite, de recherche de sensations fortes et de locus de contrôle externe. Ils étaient plus susceptibles d’avoir des mères qui avaient des problèmes de jeu, signalaient moins de supervision parentale et utilisaient davantage les médias sociaux. En effet, même le jeu compulsif à risque modéré était lié à la consommation régulière de cigarettes, à des niveaux élevés de consommation de drogues illicites et à la consommation problématique d’alcool.
D’autres recherches soutiennent ces résultats, et le profil du joueur adolescent révèle une population vulnérable où le jeu compulsif s’ajoute à une foule d’autres problèmes. Il s’agit notamment de traits de personnalité, comme l’impulsivité et la recherche de sensations; de facteurs psychologiques, comme une faible estime de soi, la dépression et l’anxiété; et de facteurs familiaux, comme le fait d’avoir un parent qui est un joueur compulsif.
Tout comme les jeunes ne courent pas tous le même risque de devenir des joueurs compulsifs, les différents types de jeu ont également une incidence sur le risque de développer un problème de jeu compulsif. Selon les données du sondage sur le jeu chez les jeunes canadiens, plus de 40 % des adolescents de l’échantillon avaient fait des mises au cours des trois derniers mois, et, fait inquiétant, les jeunes qui jouaient en ligne ont obtenu un score élevé sur l’indice de gravité du jeu compulsif par rapport à ceux qui misaient dans des établissements ayant pignon sur rue. C’est la version en ligne qui pose problème.
En conséquence, chers collègues, le profil qui émerge est celui d’un adolescent déjà susceptible de connaître un parcours de vie éprouvant qui devient la cible des publicités sur le jeu en ligne. En créant un environnement qui augmente l’exposition de tous les adolescents à des messages qui encouragent le jeu en ligne, nous n’aidons pas ceux qui sont en difficulté. Cela revient à s’acharner sur eux.
Cependant, ces préoccupations prennent encore plus d’ampleur si on pose la question dans l’autre sens : « À quoi est associé le jeu compulsif à l’adolescence? » Autrement dit, on ne se demande pas quels facteurs augmentent le risque de jeu compulsif, mais plutôt quels sont les risques qui augmentent en raison du jeu compulsif chez les jeunes joueurs.
La littérature scientifique répond clairement à la question : le jeu compulsif à l’adolescence est associé à des problèmes de toxicomanie et de santé mentale, à des activités criminelles, à des difficultés scolaires, y compris l’absentéisme, à des problèmes financiers, à des relations familiales perturbées, à une augmentation des idées suicidaires et des tentatives de suicide.
Nous devons maintenant nous demander ce qui suit : que pouvons-nous faire à ce sujet? Nous savons que les jeunes sont fortement influencés par la pression des pairs et les célébrités qu’ils prennent comme modèles. Nous savons que nous sommes tous influencés par ce que font nos amis, ce qui est encore plus vrai chez les jeunes. Bien que les données scientifiques soient solides à cet égard, tous les sénateurs qui ont déjà été parents d’un adolescent, ou qui ont eux-mêmes déjà été adolescents, peuvent témoigner de cette réalité à partir de leur expérience personnelle. Les célébrités peuvent avoir des effets positifs et négatifs considérables sur les jeunes.
Des groupes d’adolescents peuvent tisser des liens d’amitié parce qu’ils veulent imiter une célébrité qui est devenue un modèle pour eux, afin d’essayer de lui ressembler, de suivre ses conseils ou même de l’aduler. Lorsqu’une célébrité s’associe à un produit ou à une activité, les jeunes qui l’admirent peuvent être influencés par cet appui.
De plus, un adolescent qui fait partie d’un groupe qui adule ou respecte une célébrité sera plus susceptible de reproduire ce que cette célébrité approuve comparativement à un autre adolescent dont les amis y sont indifférents. Même s’il existe de nombreuses caractéristiques qui peuvent accroître le retentissement de certains types de publicité sur les jeunes, il est évident que les jeunes réagissent à la publicité qui suscite leur intérêt et qui présente certaines activités comme branchées, amusantes, prestigieuses, excitantes ou « sensass », comme l’aurait dit le sénateur Boehm quand il était adolescent.
L’incidence de la publicité axée sur le style de vie sur le comportement des adolescents en est un bon exemple. La publicité axée sur le style de vie ou présentée par des célébrités qui rejoint les adolescents peut avoir une grande influence, bonne ou mauvaise, sur leur comportement.
La publicité sur le jeu en ligne qui met en évidence une célébrité ou un style de vie peut avoir un effet néfaste sur les adolescents, notamment augmenter le risque qu’ils développent un problème de jeu compulsif. Il est donc évident d’un point de vue de santé publique que limiter l’exposition à des influences négatives ou toxiques peut avoir un effet positif sur la santé physique et mentale. Par conséquent, limiter l’accès des adolescents à des publicités sur le jeu en ligne — qui misent sur l’approbation d’une célébrité ou la glorification d’un style de vie — devrait être une approche adoptée en matière de santé publique pour réduire le risque de développer une dépendance au jeu.
Monaghan et ses collègues de l’Université de Sydney, en Australie, ont étudié de manière exhaustive l’interaction complexe entre la publicité et le comportement des jeunes face aux jeux de hasard. Leur conclusion est très claire : une réglementation est nécessaire pour veiller à ce que les publicités sur les produits du jeu ne ciblent pas ou n’influencent pas indûment les enfants et les adolescents.
Non seulement la publicité sur les jeux de hasard incite les jeunes à s’adonner à cette activité, mais elle encourage leur dépendance une fois qu’ils ont commencé à jouer régulièrement.
Chers collègues, ce projet de loi est important, car il a le pouvoir de contribuer à la solution en atténuant la prévalence et les effets négatifs du jeu chez les adolescents et les adultes. Ce problème de santé publique nécessitera d’autres interventions, dont l’éducation, le dépistage précoce et le traitement, ainsi que l’application de la loi et de la réglementation, pour ne nommer que celles-là.
Honorables sénateurs, nous pouvons contribuer à régler ce problème de santé publique et il est essentiel que nous saisissions cette occasion qui nous est offerte. Je vous demande de voter en faveur du renvoi de ce projet de loi au comité, qui pourra l’étudier minutieusement afin qu’il soit bénéfique autant à des personnes que nous ne connaissons pas personnellement qu’à des personnes que nous ne connaissons que trop bien.
Dernièrement, j’ai dit à deux de mes petits-enfants, des préadolescents, que j’allais parler du jeu compulsif et des adolescents. Je leur ai demandé s’ils souhaitaient que je dise quelque chose en leur nom. Voici le message d’Avery :
Hé, les jeunes, oubliez les jeux de hasard. Même si vous pourriez gagner de l’argent, vous avez beaucoup plus de chances d’en perdre. Vos parents ne seront vraiment pas contents.
Et le message d’Oliver : « Hé, les jeunes, le jeu est une mauvaise dépendance. Il pourrait vous faire perdre tout votre argent maintenant et quand vous serez plus vieux. »
Voilà de sages conseils.
Personnellement, je préférerais que des gens comme Auston Matthews, Connor McDavid et Wayne Gretzky n’encouragent pas mes petits-enfants et leurs amis à s’adonner à des jeux de hasard.
Je termine ce discours en demandant à tous ces gens célèbres qui sont les héros de nos jeunes de se montrer prudents et de faire preuve de discernement quand ils choisissent les produits et les activités qu’ils encouragent. Leur exemple contribue grandement à façonner l’esprit de nos jeunes et, comme le dit Ben, l’oncle de Spider-Man, « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ».
Merci. Wela’lioq.
Le sénateur Kutcher accepterait-il de répondre à une question?
Bien sûr.
Sénateur Kutcher, étant donné que la saison de la LNH approche, et compte tenu de vos observations éclairées et convaincantes sur les effets permanents de ce genre de paris sur les jeunes, auriez-vous des observations à faire sur l’urgence d’adopter ce projet de loi, et croyez-vous qu’il est urgent que le Sénat se penche sur cette question?
Je vous remercie de la question. Qu’il y ait une saison de la LNH ou non, j’estime que c’est une question urgente. Je crois que nous devons nous pencher là-dessus, car les jeunes ne font pas des paris seulement sur la LNH, mais aussi sur la NBA et sur n’importe quoi en ligne. Ce projet de loi vise à s’attaquer à un vrai problème dans notre société, et si nous l’adoptons rapidement, nous pourrons vraiment faire une différence pour améliorer le sort des jeunes.