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Le courage, la bravoure et le sacrifice d'Alexeï Navalny

Interpellation--Suite du débat

28 mai 2024


Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour joindre ma voix à celles qui saluent le courage dont a fait preuve Alexeï Navalny au cours de sa vie. Je remercie la sénatrice Omidvar d’avoir présenté cette interpellation. Elle a déjà souligné la bravoure et la détermination dont Navalny a fait preuve en luttant pour la démocratie en Russie et en révélant l’ampleur de la corruption présente depuis le début du règne de Poutine. Je veux moi aussi commémorer son héroïsme.

En raison de son opposition incessante au terrorisme autocratique de Poutine, Navalny a été victime de harcèlement et de violence, mais cela ne l’a pas découragé. Malheureusement, ses efforts pour faire de la Russie un pays meilleur et démocratique ont entraîné sa mort. J’espère que son engagement inébranlable en faveur de la justice servira d’exemple à tous ceux qui soutiennent l’Ukraine dans sa lutte constante contre la tyrannie et l’oppression russes.

La mort sordide de Navalny en tant que prisonnier politique démontre clairement les terreurs de sang-froid qui sous-tendent l’approche de Poutine à l’égard de ceux qui s’opposent à lui, qu’il s’agisse de personnes ou d’États. La mort de Navalny illustre également clairement la manière dont Poutine utilise une machine de propagande robuste, sophistiquée et implacable pour influencer le récit politique mondial. Même après la mort de Navalny, la machine de propagande de Poutine s’est employée à discréditer la personnalité de Navalny et à détourner l’attention de son héritage de lutte contre la corruption. Malheureusement, ce tsunami de propagande ne se limite pas à Alexeï Navalny. La propagande armée est également dirigée vers l’intérieur, vers les Russes de tous horizons. À l’extérieur, elle tente de déstabiliser les États démocratiques tels que notre propre pays, en provoquant des fractures sociales ouvertes, en semant la division politique et en diabolisant nos institutions démocratiques. Poutine utilise cette offensive de propagande bien orchestrée pour détourner l’attention et déformer les crimes qu’il a commis contre son propre peuple et contre l’Ukraine.

Si vous n’avez pas encore vu le film 20 Jours à Marioupol, qui a remporté un Oscar, je vous recommande fortement de le visionner. C’est un film difficile à regarder, mais il montre très bien la machine de propagande de Poutine à l’œuvre relativement à l’attaque ayant ciblé l’hôpital de Marioupol et entraîné la mort de femmes enceintes, de bébés et de nourrissons, puis ce qui a été diffusé par la suite sur les chaînes de télévision russes ainsi que les discours qui s’en sont suivis aux Nations unies.

Si cette stratégie de désinformation est moralement répugnante, il ne s’agit pas d’un nouvel outil dans l’arsenal de la Russie. Les antécédents de Poutine en matière de violence sanctionnée par l’État et de répression de la dissidence s’inscrivent dans la lignée de ses prédécesseurs. Depuis la révolution bolchévique de 1917, les dirigeants russes réduisent l’opposition au silence par les mêmes moyens : propagande, menaces, intimidation, emprisonnement arbitraire et meurtre. Sous le règne de Lénine, le KGB, alors connu sous le nom de Tchéka, s’est livré à des activités violentes sanctionnées par l’État dans le cadre d’un programme connu sous le nom de Terreur rouge, afin de consolider son contrôle politique. Des fusillades et des pendaisons massives de dissidents ont eu lieu; on estime que plus de 100 000 personnes ont été tuées au cours de cette courte période. Staline a également cherché à faire taire ceux qu’il considérait comme une menace, comme en témoignent l’assassinat ordonné de Trotski et sa tentative de supprimer le désir d’indépendance de l’Ukraine par le biais de l’Holodomor, une famine qu’il a imposée et qui a causé la mort d’environ 4 millions d’Ukrainiens.

Dans les décennies qui ont suivi la mort de Staline, différents chefs d’État russes ont continué de se servir du KGB pour faire taire leurs critiques. La multitude de cas d’intimidation, d’emprisonnements justifiés par des prétextes, de torture et d’assassinat servait à faire clairement comprendre aux dissidents qu’ils devaient rentrer dans le rang ou subir les conséquences de leur opposition au régime.

Aujourd’hui, Poutine suit les traces de ses prédécesseurs et, par son comportement, il nous montre qu’à ses yeux, la meilleure façon de traiter toute opposition est de l’éliminer.

Voyons différents cas qui sont survenus.

Anna Politkovskaïa, journaliste russe, militante des droits de la personne et auteure de plusieurs livres sur la Russie de Poutine, a été abattue d’une balle dans la tête dans l’ascenseur de son immeuble à Moscou.

Alexander Litvinenko, ancien agent secret russe devenu journaliste, a été empoisonné parce qu’il avait critiqué le Kremlin.

Boris Nemtsov, un dirigeant de l’opposition qui avait été vice-premier ministre de Boris Ieltsine, a été abattu de quatre balles dans le dos aux alentours du Kremlin.

Sergeï Skripal et sa fille, Iulia, ont tous deux été victimes d’une tentative d’empoisonnement en Angleterre. Cette tentative d’assassinat a mis en évidence le manque total d’égard de Poutine à l’endroit de la souveraineté des autres pays.

L’Ukraine est consciente de ce manque d’égard à l’endroit de la souveraineté des pays depuis bien longtemps. Les marques laissées par l’empoisonnement de Viktor Iouchtchenko sont devenues le symbole de la résistance de l’Ukraine face à un régime corrompu, ce qui n’a fait qu’accroître le soutien populaire à l’endroit de cet homme.

Les Ukrainiens se sont dressés contre Poutine. En Occident, nous devons prendre cette leçon à cœur. L’idée d’une Ukraine libre, démocratique et souveraine ne peut être éradiquée, quels que soient les efforts déployés par Poutine pour l’étouffer.

Bien qu’elle soit l’une des plus grandes puissances militaires du monde, la Russie de Poutine n’a jamais réussi à remporter les victoires militaires qu’elle avait prédites. Au lieu de cela, grâce aux efforts incroyablement efficaces des soldats et des simples citoyens de l’Ukraine, la Russie a été vaincue à répétition, encore et encore.

En constatant ses pertes militaires et le ralliement de l’Occident autour de l’Ukraine, Poutine a été contraint de modifier sa propagande pour présenter les défaites comme des victoires et intensifier ses menaces et son matraquage idéologique contre l’Occident. Comme nous le savons, il a également tendu la main à des États voyous et à des pays rebelles aux valeurs occidentales pour obtenir davantage de soutien.

L’histoire nous apprend que, dans la Russie de Poutine, l’agression et la violence, aussi bien à l’encontre de particuliers comme Alexei Navalny que d’États comme l’Ukraine, font partie intégrante de l’impérialisme autocratique du régime. Elles sont dirigées contre les dissidents de son propre peuple ainsi que contre les pays dans la sphère d’influence de l’Occident qui proposent un autre modèle politique et économique.

Comme le dit quant à lui l’historien Timothy Snyder, les régimes autocratiques tels que la Russie doivent perdre des guerres déterminantes avant de prendre le virage démocratique. Faire en sorte que l’Ukraine gagne cette guerre pourrait donc bien être la meilleure façon de démocratiser la Russie.

Maintenant, plus que jamais, il est important d’appuyer l’Ukraine sans réserve pour l’aider à remporter cette guerre. Nous pouvons honorer la mémoire de Navalny en tenant tête au régime autocratique de la Russie et en mettant un terme à son comportement agressif.

Comme je l’ai déjà dit dans cette enceinte, une fois que l’Ukraine aura gagné cette guerre, ce sera la fin de la guerre, mais si la Russie gagne cette guerre, ce sera la fin de l’Ukraine. En raison de ces enjeux incroyablement importants, nous devons accroître notre soutien militaire. Nous devons mieux aider le pays à se protéger et à prendre des mesures défensives et offensives.

Par souci pour les démocraties du monde entier et pour le droit du peuple ukrainien de défendre la souveraineté de son pays et de vivre en sécurité et en paix, j’exhorte les sénateurs à poursuivre le bon travail qu’ils ont accompli au Canada en vue d’accroître considérablement l’aide en matière de défense des droits, l’aide financière, l’aide humanitaire et surtout l’aide militaire. Nous devons saisir les actifs de la Russie et les réaffecter au profit de l’Ukraine, ce qui serait une bonne façon d’honorer la mémoire de Navalny.

D’akuju.

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