
Projet de loi de crédits no 4 pour 2024-2025
Troisième lecture
17 décembre 2024
Propose que le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025, soit lu pour la troisième fois.
— Honorables sénateurs, je suis ravie d’intervenir en tant que marraine du projet de loi C-79, Loi de crédits no 4 pour 2024-2025, qui vise à faire approuver les dépenses décrites dans le Budget supplémentaire des dépenses (B).
Les projets de loi de crédits comme celui-ci sont un élément essentiel du cycle financier annuel du Parlement. Ils forment le mécanisme permettant d’approuver les fonds présentés dans les documents budgétaires et sont scrutés par les parlementaires. Une fois qu’ils ont été approuvés, les fonds sont versés aux ministères et aux agences afin que ces derniers puissent continuer à offrir les programmes et les services sur lesquels les Canadiens comptent.
Il y a quelques semaines, le 19 novembre, j’ai déposé le Budget supplémentaire des dépenses (B) pour l’exercice se terminant le 31 mars 2025. Comme d’habitude, le budget des dépenses a ensuite été renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales pour étude et rapport. Je remercie le comité de son travail.
Le budget, bien sûr, constitue le plan économique du gouvernement, mais il ne donne pas l’autorisation de dépenser des fonds. C’est pourquoi le budget des dépenses et les projets de loi de crédits connexes sont requis. Ils présentent les plans de dépenses pour chaque organisation fédérale et accordent les autorisations de dépenser.
Habituellement, le Budget principal des dépenses est préparé avant la présentation du budget, de sorte qu’il n’inclut pas les éléments annoncés dans le budget. Les Budgets supplémentaires des dépenses (A), (B) et (C) sont ensuite déposés au cours de l’année, en y incluant les dépenses supplémentaires qui n’étaient pas suffisamment élaborées au moment du dépôt du Budget principal des dépenses ou qui ont été révisées depuis.
Je prendrai le temps qu’il me reste pour vous donner un aperçu des dépenses que le gouvernement nous demande d’approuver avec ce projet de loi.
Le Budget supplémentaire des dépenses (B) présente un total de 24,8 milliards de dollars en dépenses budgétaires supplémentaires, dont 21,6 milliards de dollars doivent faire l’objet d’un vote et 3,2 milliards de dollars sont des dépenses législatives prévues. Ces dépenses prévues procurent un soutien concret aux Canadiens de diverses façons et permettent de faire avancer le travail que le gouvernement accomplit au nom des Canadiens au pays et à l’étranger.
L’une des sommes les plus importantes, soit 955,2 millions de dollars, est destinée aux Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. Ce financement permettra d’améliorer les services grâce auxquels les enfants peuvent être pris en charge dans leur communauté, ce qui suppose notamment d’améliorer l’accès à des logements sûrs et adéquats pour les enfants vivant dans les réserves.
En outre, 725 millions de dollars sont destinés à poursuivre la mise en œuvre du principe de Jordan, c’est-à-dire à fournir aux enfants des Premières Nations des produits et des services liés aux soins de santé et à l’éducation ainsi que d’autres mesures de soutien social.
Le budget des dépenses propose également un financement important pour les projets d’approvisionnement militaire afin que les forces armées disposent des ressources nécessaires pour protéger les Canadiens au pays et à l’étranger en cette période d’incertitude à l’échelle mondiale.
Ce financement comprend 659,1 millions de dollars pour le programme Formation du personnel navigant de l’avenir, qui forme des pilotes et d’autres membres d’équipage, notamment des officiers des systèmes de combat aérien et des opérateurs de détecteurs électroniques aéroportés; 561 millions de dollars pour l’achat d’aéronefs multimissions Poseidon; et 315,3 millions de dollars pour des navires de soutien interarmées, qui effectuent des tâches telles que le réapprovisionnement d’autres navires et le transport de marchandises à l’appui de missions de combat et de missions humanitaires.
Le budget des dépenses prévoit également 942,5 millions de dollars pour des programmes et des services destinés aux anciens combattants et à leurs familles. Les fonds supplémentaires sont nécessaires en raison d’une augmentation du nombre de demandes de prestations traitées ainsi que du nombre plus élevé que prévu d’anciens combattants qui optent pour un paiement forfaitaire au lieu de paiements mensuels.
Le budget des dépenses prévoit 800 millions de dollars pour rembourser aux provinces et aux territoires les coûts associés aux catastrophes naturelles. Ces fonds, offerts dans le cadre des Accords d’aide financière en cas de catastrophe, aident les provinces et les territoires lorsque les coûts d’intervention et de rétablissement dépassent ce qu’ils peuvent assumer seuls.
Le montant figurant dans le Budget supplémentaire des dépenses (B) sera utilisé notamment pour rembourser les coûts liés aux inondations survenues en Colombie-Britannique en 2021, les coûts liés à l’ouragan Fiona survenu dans les provinces de l’Atlantique en 2022, ainsi que les coûts liés aux incendies de forêt qui ont eu lieu dans les Territoires du Nord-Ouest en 2023.
Ce budget prévoit également 742,5 millions de dollars pour faire avancer le plan du gouvernement en matière de logement, qui vise à augmenter l’offre en réduisant les coûts de construction, à soutenir les Canadiens qui cherchent à louer ou à acheter un logement, et à construire davantage de logements abordables. Ces fonds seront versés à la Société canadienne d’hypothèques et de logement pour financer les initiatives suivantes : le Programme de prêts pour la construction d’appartements, qui fournit des prêts à faible taux d’intérêt aux constructeurs de logements locatifs standards, d’appartements pour personnes âgées et de logements pour étudiants; le Fonds pour le logement abordable, qui appuie la construction et la réparation de logements communautaires, de refuges, de logements de transition et de logements supervisés; et le Fonds pour accélérer la construction de logements, qui encourage une construction plus rapide des logements, en mettant l’accent sur l’aménagement du territoire local et les approbations d’aménagement.
J’ai mis l’accent sur certains des postes budgétaires les plus importants du budget des dépenses, mais il y a aussi des postes plus petits qui auront une incidence considérable sur la vie des Canadiens. Par exemple, le budget prévoit 12 millions de dollars pour Futurpreneur Canada, un organisme national à but non lucratif qui aide les entrepreneurs en herbe de moins de 40 ans à lancer une nouvelle entreprise ou à en acheter une existante. Ce montant fait partie d’un investissement total de 60 millions de dollars prévus pour cet organisme dans le budget de 2024. Futurpreneur offre des prêts sans garantie, ainsi qu’un mentorat et un accès à un réseau de soutien composé de jeunes entrepreneurs et d’experts en affaires. Je suis encouragée par le fait que l’organisme suit et publie ses propres données démographiques, qui montrent que, en 2023-2024, 42 % des entreprises soutenues étaient dirigées par des femmes, 15 % avaient été fondées par des Noirs et 5 %, par des Autochtones.
Bien entendu, lorsqu’un jeune lance une nouvelle entreprise, il crée de nouveaux emplois et renforce la vitalité et la prospérité de sa collectivité. C’est là l’objet de ce budget des dépenses, du début à la fin : investir dans les collectivités canadiennes et dans le travail que les Canadiens accomplissent chez eux et à l’étranger pour renforcer notre sécurité, notre prospérité et notre capacité à prospérer ensemble.
Je vous invite à vous joindre à moi pour approuver les investissements proposés en adoptant le projet de loi C-79. Merci. Hiy hiy.
Sénatrice LaBoucane-Benson, je pense que votre discours a duré environ six minutes. On nous a dit de nous attendre à un discours d’au moins 20 minutes. Étant donné que nous parlons de 24 milliards de dollars, pouvez-vous nous donner plus de détails sur certains des principaux éléments dans la mesure à l’étude?
Je vous remercie de votre question. Je serais ravie de vous donner des détails sur quoi que ce soit en particulier. Le livret du budget supplémentaire des dépenses (B) est très volumineux. Avez-vous une question précise, sénatrice?
Étant donné que vous n’avez pas prononcé de discours à l’étape de la deuxième lecture, car c’est la première fois que nous entendons le moindre détail sur ce projet de loi dans cette enceinte, j’aimerais avoir des détails et davantage de renseignements sur les dépenses militaires, par exemple. Je demandais des précisions sur les principales dépenses qu’englobent ce 24 milliards de dollars.
Merci pour la question. Les projets d’approvisionnement militaire, comme je l’ai mentionné, comprennent 659,1 millions de dollars pour le programme de formation du personnel navigant de l’avenir, 561 millions de dollars pour des aéronefs multimissions et 315,3 millions de dollars pour des navires de soutien interarmées. Ils comprennent également un soutien aux vétérans et à leurs familles à hauteur de 942,5 millions de dollars.
Oui, ce sont les montants exacts et les détails que vous avez lus dans votre discours. J’ai pris note de chacun d’entre eux. Pouvez-vous nous donner plus de détails sur chacun de ces montants, s’il vous plaît?
Sénatrice, je vous remercie de votre question. Je n’ai pas le budget supplémentaire des dépenses (B) sous les yeux, mais je serais heureuse de fournir de plus amples informations à votre bureau, si vous le souhaitez.
Honorables sénateurs, je prends la parole au sujet du projet de loi C-79, qui découle de l’adoption du Budget supplémentaire des dépenses (B) 2024-2025. Pour ceux d’entre nous qui ne siègent pas au Comité des finances nationales ou qui ne sont pas des experts en matière de budgets, il est utile d’expliquer ce qu’est le budget supplémentaire des dépenses de même que son objectif. Je sais que la sénatrice LaBoucane-Benson vient d’en parler, mais je vais le répéter.
Comme on peut le lire sur le site Web du Conseil du Trésor :
Pour effectuer des dépenses, le gouvernement doit recevoir l’approbation du Parlement, soit par le biais d’une loi adoptée précédemment, soit sur une base annuelle par la présentation et l’adoption de projets de loi de crédits. Avant l’introduction de chaque projet de loi de crédits, la présidente du Conseil du Trésor dépose une publication du budget (principal ou supplémentaire) des dépenses au Parlement afin de fournir des renseignements et des détails sur les autorisations de dépenser demandées.
Alors que le [b]udget principal des dépenses donne un aperçu des besoins en matière de dépenses pour l’exercice financier à venir, les [b]udgets supplémentaires des dépenses présentent des renseignements sur les besoins relatifs aux dépenses qui n’étaient pas suffisamment étoffés lors de la préparation du [b]udget principal des dépenses ou qui ont été précisés après le dépôt de celui-ci pour tenir compte de l’évolution de certains programmes et services.
Dans ce contexte, honorables sénateurs, nous comprenons l’importance que revêtent le budget supplémentaire des dépenses et le projet de loi de crédits dont nous sommes saisis, car ils permettent de fournir ou de maintenir le financement de services et de programmes essentiels dont les Premières Nations sont forcées de dépendre, non pas de leur propre fait, mais parce que divers gouvernements n’ont pas honoré les traités, faisant ainsi croire aux Canadiens qu’il s’agissait d’aides sociales.
Je note que, selon le site Web du Conseil du Trésor, le Budget supplémentaire des dépenses dont nous sommes saisis présente des dépenses budgétaires supplémentaires d’un total de 24,8 milliards de dollars. Il prévoit des mesures budgétaires essentielles spécifiquement pour les Premières Nations. J’en souligne quelques-unes : 955,2 millions de dollars pour les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations, 725 millions de dollars pour les services et les mesures de soutien en application du principe de Jordan pour les enfants des Premières Nations et 562,5 millions de dollars pour les services de santé non assurés à l’intention des Premières Nations et des Inuits. Chacun de ces programmes cible des aspects différents de l’accès aux soins et les lacunes que le gouvernement promet de combler depuis de nombreuses années.
Même si ces sommes réservées sont nécessaires pour continuer à résorber le déséquilibre en matière de santé et de services sociaux que les Premières Nations subissent toujours à l’échelle du Canada, je souhaite attirer l’attention sur un programme essentiel qui a été oublié dans ce document comme dans d’autres mesures budgétaires récentes. Il s’agit du programme Strengthening Families Maternal Child Health, qui est administré à l’échelle régionale par le Secrétariat à la santé et au développement social des Premières Nations du Manitoba. Je tiens à remercier le chef Derek Nepinak, le chef Sheldon Kent, Elizabeth Decaire et Stephanie Biswell, du Manitoba, pour leur travail, au sein de ce secrétariat, sur ce programme et d’autres dossiers critiques.
Chers collègues, nous devons affronter l’héritage affligeant du colonialisme pour les familles des Premières Nations. Les tombes anonymes des enfants des Premières Nations sont un rappel contemporain et glaçant de notre passé colonial, mais des injustices perdurent aujourd’hui : nos enfants continuent d’être emportés à une fréquence inacceptable par des causes en grande partie évitables. Le taux de mortalité infantile est trois fois plus élevé parmi les enfants des Premières Nations que parmi les enfants qui ne sont pas Autochtones. Au Manitoba, 81 % des nourrissons décédés pendant leur sommeil étaient Autochtones, étant donné que la « majorité des incidents se sont produits dans des régions défavorisées sur le plan socioéconomique, et 27 % [des décès] ont eu lieu dans des communautés des Premières Nations ». Je viens de citer le protecteur des enfants et des jeunes du Manitoba.
Honorables sénateurs, le système des pensionnats indiens a séparé les familles, ce qui a sapé les pratiques parentales traditionnelles pendant des générations, privant de ce fait les membres des Premières Nations des compétences nécessaires pour être parent. Je le sais, car je l’ai vécu. Il faut donner aux communautés les moyens non seulement de prendre en main la réappropriation de ces compétences perdues, mais aussi de se pardonner d’avoir laissé une telle atrocité frapper leurs familles, leurs groupes et leurs territoires. Cependant, c’était là l’essence même de l’assimilation. Pour apporter une contribution aussi constructive que significative, le gouvernement doit s’engager, à la lumière de sa conscientisation aux répercussions de l’assimilation sur notre rôle dans ce pays, à pérenniser un financement viable afin de garantir le succès des communautés.
Le programme Strengthening Families Maternal Child Health aide à rétablir les connaissances parentales essentielles qui ont été perdues à cause des politiques colonialistes. Cependant, le sous-investissement du gouvernement fait continuellement obstacle au succès de ses efforts, et je constate que le projet de loi de crédits qui nous est présenté, ainsi que le budget supplémentaire des dépenses (B), ne fournissent pas le financement dont ce programme a tant besoin pour continuer à prospérer. Le rétablissement des liens mère-enfant est essentiel à l’autodétermination.
Chers collègues, ce programme de santé maternelle et infantile a fait l’objet d’un avis de caducité en 2014, mais il a été sauvé grâce aux efforts de l’ancien grand chef Nepinak et de la députée Niki Ashton. Bien qu’il ait été étendu à 34 communautés en 2023-2024, il manquait 186 281 $ à son financement. Néanmoins, pour l’exercice en cours, le financement a encore été réduit, ce qui laisse un manque à gagner de 368 562 $.
Le programme de santé maternelle continue à fournir de l’aide dans 34 communautés des Premières Nations au Manitoba. Bien qu’elles aient montré qu’elles étaient prêtes, 29 autres communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès au financement communautaire nécessaire à la mise en œuvre du programme. Plutôt, on leur conseille de soumettre des propositions au titre du financement associé au principe de Jordan, ce qui prouve que le gouvernement ne comprend pas le créneau unique qu’occupe le programme de santé maternelle et infantile, sans compter que le financement des priorités prévues par le principe de Jordan s’en trouve réduit.
En l’absence du financement nécessaire pour y remédier avec succès, les mauvais résultats en matière de santé et les morbidités évitables qui affligent les enfants et les mères des Premières Nations continuent également de s’envenimer. Les enfants des Premières Nations présentent le taux le plus élevé de diabète de type 2 dans le monde. Les taux de prise en charge par les Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations demeurent disproportionnellement élevés. Au Manitoba :
Les nouveau-nés des Premières Nations sont :
6,5 [fois] plus susceptibles d’être retirés de la résidence de leurs parents biologiques
7,7 [fois] plus susceptibles de devenir des pupilles permanents de l’État avant l’âge de 5 ans
5,6 fois plus susceptibles d’être pris en charge à la naissance.
La dépression post-partum frappe davantage les femmes des Premières Nations que les autres femmes, car 12,9 % d’entre elles souffrent de dépression post-partum, comparativement à 5,6 % des femmes non autochtones.
Même si les données présentent malheureusement la réalité des mauvais résultats en matière de santé et de mortalité prématurée parmi les Premières Nations, cela a des origines coloniales. Les données n’indiquent pas que, si nos enfants tombent malades et meurent et que nos mères souffrent en silence davantage que les autres Canadiens, c’est à cause des systèmes, des politiques et des programmes en place, qui sont la cause directe de cette réalité. Cela fait longtemps que les Premières Nations sont reléguées à des environnements vulnérables à cause notamment des pensionnats autochtones, des réserves qui ne représentent qu’une fraction de leur territoire ancestral ou des enfants des Premières Nations qui sont retirés de leur foyer. Historiquement, les Premières Nations n’ont jamais reçu de soins de santé appropriés. Les effets cumulés de la vie sous ces innombrables structures coloniales et leurs incidences sont à la source des données actuelles, mais ces effets cumulés des vulnérabilités imposées aux Premières Nations ne sont pas exprimés adéquatement dans les données elles-mêmes.
Honorables sénateurs, la peur et l’appréhension des Premières Nations qui découlent de leur vécu dans le contexte du racisme anti‑autochtone les empêchent souvent de recevoir une éducation adéquate ainsi que le soutien approprié dans les établissements médicaux, ce qui cause des lacunes importantes dans les hôpitaux, les cliniques, les postes de soins infirmiers et les centres de soins de santé. Le programme de soins de santé maternelle et infantile est un exemple de programme communautaire qui est primordial pour combler ces lacunes et veiller à ce que les nourrissons vulnérables soient évalués et qu’ils reçoivent les soins essentiels. La confiance, un déterminant de la santé essentiel, prend racine dans les initiatives adaptées à la culture et menées par les communautés.
Que fait ce programme? Ce programme apporte des résultats positifs, y compris la réduction du nombre d’enfants étant confiés aux services à l’enfance et à la famille; la participation accrue des pères; l’amélioration des taux de vaccination et d’allaitement; la réduction des cas de dépression post-partum; et l’amélioration des aptitudes et de la résilience des familles. Le programme offre également de la formation aux doulas des Premières Nations pour renforcer la capacité des communautés à rétablir les cérémonies de naissance. La cérémonie de naissance a été retirée des communautés et remplacée par un processus médical. Par conséquent, les femmes, porteuses de la création et sages-femmes, ont été contraintes par le gouvernement fédéral, sur l’avis des médecins, de ne plus remplir leurs rôles traditionnels.
Dans le cadre de ce programme, un guide visant à réduire les hauts taux de mortalité infantile, intitulé Honouring our Babies : Safe Sleep Cards and Facilitator’s Guide, a récemment été publié avec la collaboration des Premières Nations. Ce guide accroît la sensibilisation sur les défis uniques comme les poêles au bois, le surpeuplement et la sécurité des surfaces de sommeil. Cependant, l’élaboration d’autres outils est retardée en raison d’un financement insuffisant, comme le Traditional Parenting Manual, un guide sur la parentalité traditionnelle, et le Breastfeeding Wellness Teachings for Mothers, Families and Communities, un guide élargi sur l’allaitement.
Chers collègues, le programme de santé maternelle et infantile offre depuis plus de 18 ans un soutien à la santé et à la parentalité qui est culturellement adapté. Il est guidé par un cadre autochtone qui prévoit une collaboration avec les aînés, les familles, les jeunes, les dirigeants et les conseils consultatifs pour discuter, comprendre et aborder les questions relatives à la santé, à la sécurité et à la nutrition des enfants, aux pratiques parentales et aux soins prénataux, au renforcement des relations au sein des familles et des communautés, au soutien en matière de santé mentale, aux pratiques linguistiques et culturelles, à une communication efficace et au développement de la littératie.
Cependant, le soutien régional offert par le programme de santé maternelle et infantile pour des familles plus fortes est compromis par des retards opérationnels attribuables à l’insuffisance des ressources. Alors que les réunions sont généralement organisées quatre fois par an pour renforcer les enseignements, elles n’ont plus lieu qu’une fois par an. Des activités clés, notamment l’assurance de la qualité, les visites de soutien par les pairs, la formation et la distribution de ressources, subissent des retards importants, ce qui nuit à l’efficacité de l’ensemble du programme.
En conclusion, honorables sénateurs, avec les pensionnats, la rafle des années 1960 et les externats, le gouvernement a rompu les liens qui nous unissent en tant que parents autochtones dans l’exercice de nos fonctions parentales. Cette rupture a des répercussions sur l’avenir de notre nation. Le programme de santé maternelle et infantile témoigne du pouvoir des solutions communautaires dans la lutte contre les disparités systémiques en matière de santé en honorant les traditions culturelles des Premières Nations.
Avec un financement et un soutien adéquats et à long terme, nous pouvons mettre fin au cycle des problèmes de santé et des décès évitables et bâtir un avenir plus sain et plus équitable pour les enfants et les familles des Premières Nations. Il ne suffit pas de déplorer le manque de financement. Il faut répondre à cet appel à l’action pour promouvoir la justice, favoriser la réconciliation et assurer la survie des enfants vulnérables en finançant ce genre de programmes essentiels qui sauvent des vies. L’éducation et l’apprentissage continu commencent à la maison, et on devrait saisir toutes les occasions d’assurer la réussite de ce programme de santé maternelle et infantile afin de soutenir l’apprentissage selon une approche adaptée à la culture.
Kinanâskomitinowow. Merci.
Honorables sénateurs, j’ai récemment eu le grand plaisir de rencontrer le chef Derek Nepinak du Manitoba et d’autres dirigeants des Premières Nations lors de la rencontre hivernale de l’Assemblée des Premières Nations, qui s’est tenue ici même, à Ottawa, afin de discuter de questions cruciales entourant le financement des initiatives de santé maternelle et infantile des Premières Nations. Je tiens à saluer et à remercier le First Nations Health and Social Secretariat of Manitoba de son travail exceptionnel et des services qu’il offre aux familles des Premières Nations du Manitoba. Je tiens également à souligner que je suis une sénatrice indépendante du Manitoba, plus précisément du territoire du Traité no 1 et de la patrie des Métis de la Rivière-Rouge.
Au Manitoba, depuis plus de 18 ans, le programme de soins de santé maternelle et infantile fournit un soutien adapté à la culture en matière de santé et de rôle parental, guidé par un cadre des Premières Nations qui repose sur la collaboration avec les aînés, les familles, les jeunes, les dirigeants et les conseils consultatifs.
Le programme de soins de santé maternelle et infantile est conçu pour soutenir et favoriser le bien-être global des enfants et des familles grâce à des relations axées sur les forces qui tirent parti de ressources actuelles fondées sur des données probantes et de pratiques traditionnelles reposant sur les connaissances de la communauté, en mettant l’accent sur la santé, la sécurité et la nutrition des enfants, les pratiques parentales et les soins prénataux, le renforcement des relations au sein des familles et des communautés, le soutien en santé mentale, les pratiques linguistiques et culturelles, la communication efficace, et le développement de la littératie.
La période qui va de la conception à l’âge de 6 ans est la plus déterminante pour le développement du cerveau, le comportement et la santé. Les effets de la santé maternelle pendant la grossesse ainsi que les expériences dans les six premières années de l’enfance déterminent le développement du cerveau à vie. De plus, l’amélioration des connaissances des jeunes adultes concernant la période qui précède la conception et la santé reproductive aide à promouvoir un bon début de grossesse.
Depuis sa création, le programme de soins de santé maternelle et infantile a donné des résultats concrets et tangibles et a amélioré la vie des enfants, des mères et des familles des Premières Nations. Ces réalisations clés comprennent la réduction des taux de mortalité infantile; la réduction du nombre d’enfants devant avoir recours aux services à l’enfance et à la famille, principalement grâce à la création d’espaces de soutien communautaires en dehors des services à l’enfance et à la famille permettant aux familles en crise d’être orientées vers une stratégie de première ligne visant à les consolider et à les garder intactes; l’augmentation de l’implication des pères et du sentiment d’appartenance; l’amélioration de la résilience des familles; et le renforcement des liens entre parents et enfants. Grâce à ce programme, davantage de familles restent unies.
Malheureusement, la question de la santé maternelle et infantile est manifestement absente du budget de 2024, de la mise à jour économique d’hier et d’autres indicateurs financiers et priorités du gouvernement en matière d’investissement, comme en témoignent les projets de loi de crédits tels que celui que nous étudions, le projet de loi C-79. Malgré des résultats quantifiables et l’amélioration des conditions de vie obtenus grâce à ce programme, ces progrès sont menacés en raison d’un sous-financement chronique.
Le chef Nepinak et les dirigeants que nous avons rencontrés nous ont donné des exemples très convaincants. Le programme fonctionne essentiellement avec le même budget depuis 2013, malgré l’élargissement de ses activités, qui ciblent un nombre croissant de communautés des Premières Nations au-delà des 14 initiales.
Les efforts précédents visant à éliminer le financement du programme au moyen de dispositions de caducité n’ont pu être contrés que grâce aux arguments solides avancés par l’ex-grand chef Nepinak. Bien que le programme ait été étendu à 34 communautés en 2023-2024, il manquait plus de 180 000 $ de financement. Le financement a encore été réduit pour le présent exercice, laissant un manque à gagner de plus de 360 000 $.
Même si elles ont démontré qu’elles étaient prêtes, 29 communautés des Premières Nations n’ont toujours pas accès à du financement communautaire. Même les propositions de financement soumises au gouvernement fédéral en vertu du principe de Jordan, qui a pour mandat de répondre aux besoins non satisfaits des enfants des Premières Nations, peu importe où ils vivent au Canada, ont été refusées jusqu’à présent. Le sous-financement de ce programme de santé efficace aura des conséquences immédiates et générationnelles pour les Premières Nations et pour l’ensemble de la nation canadienne.
Le Manitoba affiche l’un des taux les plus élevés d’enfants des Premières Nations pris en charge par les Services à l’enfance et à la famille. Il est choquant de constater que plus de 90 % des enfants pris en charge sont autochtones. Ce sont des chiffres disproportionnés.
Au Manitoba :
Les nouveau-nés des Premières Nations sont 6,5 fois plus susceptibles d’être retirés à leurs parents biologiques, 7,7 fois plus susceptibles de devenir des pupilles permanents de l’État avant l’âge de 5 ans, et 5,6 fois plus susceptibles d’être pris en charge à la naissance.
Les parents des Premières Nations se voient fréquemment retirer leurs droits parentaux, alors qu’ils n’ont pas eu accès à du soutien préventif ou à des ressources culturellement pertinentes pour affronter les problèmes systémiques qui se dressent sur leur chemin. Comme nous le savons, les Premières Nations sont surreprésentées dans le système pénal, en grande partie à cause des politiques coloniales. Cela creuse encore davantage le fossé des inégalités dans le domaine de la santé pour les Premières Nations par rapport à la population générale. Les études sont concluantes :
Les enfants nés de mères incarcérées courent un risque plus élevé de souffrir de problèmes de santé à long terme [...] Ces influences négatives peuvent augmenter la probabilité que l’enfant connaisse également l’incarcération, perpétuant ainsi un cycle de désavantages sur plusieurs générations.
Ces injustices soulignent le besoin urgent de programmes communautaires en amont qui autonomisent les familles et préviennent la prise en charge inutile d’enfants. Le sous-financement ralentit également la création et la distribution de matériel de formation communautaire sur la santé maternelle, comme des guides sur le sommeil sécuritaire, des manuels sur les méthodes parentales traditionnelles ou des guides sur l’allaitement destinés aux membres des Premières Nations, de même que la création et l’offre de programmes de formation et de soutien dont l’incidence positive sur la santé a été prouvée.
Le programme de soins de santé maternelle et infantile constitue une initiative cruciale visant à éliminer ces écarts et à offrir aux familles les ressources dont elles ont besoin pour demeurer en santé et unies.
Honorables sénateurs, le Strengthening Families Maternal Child Health Program travaille à offrir un soutien parental adapté à la culture, notamment à l’égard de techniques parentales traditionnelles, et fournit aux familles l’aide dont elles ont besoin à un moment crucial : le début de la vie de leur enfant.
On ne doit pas sous-estimer la valeur d’un véritable soutien accessible qui repose sur la confiance. De tels programmes améliorent considérablement la capacité des familles de demeurer unies, favorisent des communautés plus saines et plus résilientes et contribuent à une démocratie plus résiliente et plus inclusive au Canada.
Tandis que le gouvernement se concentre sur ses priorités financières, j’exhorte les sénateurs à attirer l’attention sur l’aide cruciale que fournit le Strengthening Families Maternal Child Health Program, notamment la prestation de services relatifs au principe de Jordan et l’exercice de pressions auprès du gouvernement afin qu’il augmente le financement des mesures de soutien régionales et qu’il étende les activités du programme à toutes les communautés participantes.
Je tiens à souligner que Landon, agent de liaison jeunesse pour le Manitoba et élève de 12e année, m’a accompagnée il y a quelques semaines pour visiter le bureau consacré au principe de Jordan à l’Assemblée des chefs du Manitoba. Nous avons passé un après-midi avec le personnel. Nous avons rencontré des parents et des familles qui étaient là pour obtenir des services. Il ne fait aucun doute, premièrement, que le principe de Jordan est inscrit dans la loi et, deuxièmement, que le gouvernement fédéral ne tient pas sa promesse. Les programmes relatifs au principe de Jordan font l’objet de retards et sont sous-financés et c’est aussi le cas des nombreux autres programmes dont j’ai parlé dans mon discours d’aujourd’hui.
C’est l’occasion pour nous, en tant que sénateurs, d’intervenir et d’honorer la mémoire du petit Jordan River Anderson de la nation crie de Norway House, qui est mort parce que les différents pouvoirs publics ont refusé de faire de sa survie leur priorité et se sont plutôt disputés pour établir qui allait régler la facture. Nous connaîtrons probablement des situations similaires si nous ne parvenons pas à résoudre le problème du sous-financement et à améliorer la coordination du financement désespérément nécessaire et entièrement justifié des programmes de santé maternelle et infantile destinés aux familles et aux enfants des Premières Nations.
Je vous remercie de votre attention. Meegwetch.
La sénatrice accepterait-elle de répondre à une question?
Oui.
Merci, sénatrice McPhedran.
Au cours des dernières minutes, vous et la sénatrice McCallum avez parlé du financement à long terme des communautés pour les familles, les prestations de maternité et les prestations pour enfants.
Je vous remercie d’avoir pris le temps de passer en revue le Budget supplémentaire des dépenses — le document le plus passionnant jamais déposé au Sénat — et de nous en parler.
Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur l’importance du financement à long terme et nous expliquer pourquoi il est inexistant et pourquoi il est important qu’il y en ait un?
Merci. J’aimerais vraiment que nous puissions expliquer pourquoi il y a un sous-financement chronique. De toute évidence, il s’agit de promesses non tenues. Le sous-financement chronique signifie non seulement que les programmes existants ne peuvent pas être maintenus adéquatement, mais aussi que les programmes qui doivent être mis en œuvre et qui sont prêts à l’être ne peuvent même pas commencer.
Les statistiques sont très claires. Nous sommes très en retard par rapport aux objectifs convenus en ce qui concerne les services aux Premières Nations et, par conséquent, la prestation de mesures pour améliorer la santé et la capacité des enfants, sans oublier, selon le principe de Jordan, les soins de santé absolument essentiels dont les enfants en situation de crise ont besoin. C’est l’idée qui sous-tend le principe de Jordan.
Le fait que nous constatons ce sous-financement chronique, y compris dans ce projet de loi, nous rappelle que la réconciliation ne se résume pas à des mots. La réconciliation, c’est agir et donner suite à des promesses qui, à l’heure actuelle, ne sont pas tenues.
Je vous remercie. Je suis un peu perplexe. Nous avons étudié le processus de l’accord signé entre le gouvernement du Canada et la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, dirigée par Cindy Blackstock. Par la suite, l’Assemblée des Premières Nations a rejeté cet accord. Toutefois, cet élément mis à part, n’avons-nous pas réglé cette question de façon appropriée? Sommes-nous encore dans l’erreur en ce qui concerne le niveau de financement?
Oui, nous sommes toujours à la traîne, oui, nous continuons à commettre l’erreur et oui, les enfants des Premières Nations et leur famille continuent à souffrir à cause de cette inaction.
Nous poursuivons le débat.
Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le projet de loi C-79, Loi portant octroi à Sa Majesté de crédits pour l’administration publique fédérale pendant l’exercice se terminant le 31 mars 2025.
Je formulerai certaines observations sur ce que nous avons entendu au comité et je vous ferai part de mes préoccupations, mais avant toute chose, je ne peux commencer cette intervention portant sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) sans dire quelques mots sur les événements d’hier.
Je fais évidemment référence à la démission de la ministre des Finances à quelques heures du dépôt de la mise à jour économique. C’est du jamais-vu. En soi, cette démission a été une véritable bombe politique, mais la lettre de démission de Mme Freeland est révélatrice du style de gouvernance du premier ministre.
À l’évidence, Mme Freeland n’était plus à l’aise dans son rôle de faire-valoir et elle a eu le courage de mettre son pied à terre; peut-être un peu trop tard, diront certains. N’a-t-elle pas elle-même signé à l’encre rouge les derniers budgets du gouvernement?
Dans sa lettre de démission, elle a écrit quelques phrases qui en disent long :
Au cours des dernières semaines, nous nous trouvions en désaccord sur la meilleure voie à suivre pour le Canada. [...]
Il faut préserver notre capacité fiscale aujourd’hui, pour que nous puissions disposer des réserves dont nous pourrions avoir besoin lors d’une guerre tarifaire. Il faut éviter les astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre et qui font douter les Canadiens que nous reconnaissons à quel point ce moment est grave.
Je sais que les Canadiennes et Canadiens reconnaîtraient et respecteraient une telle approche. Ils savent quand nous travaillons pour eux et ils savent quand nous nous concentrons sur nous-mêmes.
Chers collègues, lorsque nous affirmons que le premier ministre a perdu le contrôle, la crise qui gronde aujourd’hui au sein du gouvernement n’en est que la plus éloquente démonstration. Cependant, revenons maintenant sur l’étude que nous avons faite du Budget supplémentaire des dépenses (B).
Dans le cadre de notre étude au Comité des finances nationales, nous avons évidemment discuté du déficit anticipé. Nous ne pouvions que spéculer, car l’énoncé économique n’avait pas encore été déposé, tout comme les Comptes publics du Canada. Je reviendrai un peu plus tard sur cet aspect des choses.
Donc, en ce qui a trait au déficit, M. Giroux, directeur parlementaire du budget, a déclaré au Comité des finances qu’il s’attendait toujours à ce que le déficit de l’année dernière s’élève à près de 47 milliards de dollars. Il a toutefois précisé qu’il ne disposait pas d’informations privilégiées sur les belles surprises que le gouvernement pourrait nous réserver pour réduire ce déficit. Vous en conviendrez : la surprise d’hier fut de taille.
À titre d’exemple, il se peut que certaines réclamations contre le gouvernement aient été réduites ou qu’une partie de l’excédent de la pension de la fonction publique soit utilisée pour réduire le déficit de l’année dernière.
Quoi qu’il en soit, le déficit de 47 milliards de dollars estimé en ce moment par le directeur parlementaire du budget pour l’année dernière est supérieur au déficit de 40 milliards de dollars indiqué dans le budget d’avril.
Le déficit estimé pour cette année, comme l’indique le budget, est de 39,8 milliards de dollars. Le directeur parlementaire du budget a toutefois affirmé en octobre dernier que le déficit pour l’année en cours devrait se situer autour de 46 milliards de dollars. Cependant, l’annonce du congé de TPS et TVH aura pour effet de faire gonfler le déficit. Le directeur parlementaire du budget est donc très près de la réalité, si l’on se fie aux chiffres de l’énoncé économique déposé à l’autre endroit hier.
De surcroît, en 2024-2025, le gouvernement a estimé à 6,9 milliards de dollars les recettes supplémentaires résultant des changements apportés à l’impôt sur les gains en capital, mais le Parlement doit encore approuver cette hausse d’impôt. Si ces recettes de 6,9 milliards de dollars ne sont pas perçues au cours de l’exercice, le déficit s’en ressentira.
Voilà ce que je me préparais à vous dire à ce sujet avant la journée d’hier, mais cette fameuse mise à jour de l’énoncé économique a finalement été déposée à la Chambre des communes.
Honorables sénateurs, ce qui s’est passé hier à l’autre endroit au moment du dépôt de l’Énoncé économique de l’automne 2024 est tout simplement scandaleux. Le gouvernement, par le biais de sa leader aux Communes, a déposé l’énoncé économique, puis tous les ministres, sans exception, ont quitté leur siège, de telle sorte qu’aucun député de l’opposition n’a pu poser une seule question au gouvernement. Le gouvernement Trudeau a fait un véritable gâchis à l’autre endroit et s’est sauvé en courant sans répondre de sa mauvaise gestion aux parlementaires et aux Canadiens. Il fuit la réalité puisque, lorsqu’on prend connaissance de l’énoncé économique et des déficits de l’an dernier, ainsi que du déficit anticipé cette année, on comprend mieux la gêne de ce gouvernement et son manque de transparence.
Pensez-y : 62 milliards. C’est le déficit connu pour l’année 2023-2024. Ce montant de 62 milliards représente 22 milliards de dollars de plus que ce qu’avait promis l’ancienne ministre des Finances Chrystia Freeland dans son dernier budget déposé en avril, soit il y a huit mois seulement. C’est un écart de 50 % par rapport aux prévisions d’avril. C’est énorme. N’importe quel directeur financier qui commettrait de telles erreurs se ferait montrer la porte illico presto.
On parle maintenant d’un déficit appréhendé de 48,3 milliards de dollars pour l’exercice financier 2024-2025. Encore une fois, il s’agit d’une somme supérieure aux 39 milliards de dollars qui avaient été annoncés dans le dernier budget, comme l’indiquait le ministère des Finances dans l’énoncé économique dévoilé lundi. C’est un dérapage sur toute la ligne et c’est hautement préoccupant.
Selon Robert Asselin, premier vice-président du Conseil canadien des affaires et ancien proche collaborateur de l’ex-ministre des Finances Bill Morneau, le gouvernement Trudeau a perdu le contrôle des finances publiques. M. Asselin a dit ceci :
Le problème, c’est qu’ils sont déjà à 60 milliards de dollars de déficit au moment où les nuages noirs apparaissent : menace des tarifs américains, la nécessité d’investir en défense et le Canada qui flirte avec une récession.
À toutes fins utiles, ce gouvernement a perdu le contrôle des dépenses publiques.
Maintenant, abordons plus directement le projet de loi C-79. Ce projet de loi, le quatrième projet de loi de crédits pour l’exercice en cours, demande de faire approuver par le Parlement des dépenses supplémentaires de l’ordre de 21,6 milliards de dollars.
Cette demande s’appuie sur le Budget supplémentaire des dépenses (B), qui énonce l’objectif des nouvelles dépenses de 21,6 milliards de dollars. Le Budget supplémentaire des dépenses (B) prévoit également une augmentation des dépenses statutaires de 3,2 milliards de dollars qui ont déjà été approuvées par d’autres lois.
Si l’on inclut ces dépenses du budget supplémentaire, s’élevant à 21,6 milliards de dollars, le total des autorisations de dépenser proposées depuis le début de l’année passe à 487,4 milliards de dollars, soit 5,2 milliards de moins, si l’on compare les autorisations de dépenser cette année à ce jour avec celles de l’année dernière au même moment.
Toutefois, il ne faut pas s’imaginer que cette diminution de 5,2 milliards de dollars signifie que les dépenses seront moins élevées cette année que l’an dernier. Le gouvernement continue d’indiquer que les dépenses pour cette année s’élèveront à 534,6 milliards de dollars, ce qui était le montant prévu dans le budget d’avril. Avec ce que l’on sait maintenant, peut-on vraiment avoir confiance dans ces prévisions?
En outre, de nouvelles initiatives en matière de dépenses augmenteront encore les prévisions de dépenses cette année. Le gouvernement n’avait pas encore publié les états financiers de l’année dernière, de sorte que nous ne disposions pas d’un chiffre de dépenses fiable pour cette période avec lequel nous pourrions comparer les prévisions de dépenses de cette année.
Le fait que les Comptes publics du Canada n’aient été déposés qu’aujourd’hui, le 17 décembre, est inadmissible. Comme je l’ai mentionné précédemment, la date pour la mise à jour économique, qui est à la limite de l’automne, témoigne d’un manque de transparence qui empêche les parlementaires d’examiner la mise à jour à temps pour adopter les crédits.
En fait, si nous comparons les autorisations de dépenser de l’année dernière avec celles de cette année, nous constatons que toutes les catégories d’autorisations de dépenser ont augmenté, à l’exception des « services publics », qui ont connu une diminution de 2,4 milliards de dollars.
De manière surprenante — ou peut-être sans surprise, diront certains —, le poste « Services professionnels et spéciaux » indique une augmentation des autorisations de dépenser de 1,1 milliard de dollars.
D’ailleurs, une des observations que l’on a envisagé d’ajouter au rapport du Comité des finances nationales mentionnait que, dans le cas des effectifs fédéraux et des contrats pour des services professionnels, la taille des effectifs fédéraux était passée de 368 165 employés (équivalents temps plein) en 2018-2019 à 431 698 en 2022-2023, ce qui représente une augmentation de 17,3 %.
En 2021-2022, le gouvernement fédéral a également dépensé une somme estimée à 3 milliards de dollars en contrats pour des services professionnels, soit une augmentation de 5,8 %. Nous sommes également au courant de l’initiative du gouvernement visant à revoir certaines dépenses.
Chers collègues, avec la mise à jour présentée hier, on comprend que, pour ce gouvernement, le verbe « recentrer » est synonyme d’« augmenter ». La plus récente mesure adoptée, soit celle d’un congé de TPS pour deux mois, en est un bel exemple : il s’agit là de 1,5 à 2,7 milliards de dollars de plus sur un manque à gagner qui est financé par la dette, une mesure très discutable dont la pertinence est très loin d’avoir convaincu les experts. Même les experts du ministère des Finances s’y sont opposés, nous a appris le Globe and Mail la semaine dernière.
Les hauts fonctionnaires du Parlement sont des entités indépendantes qui relèvent directement du Parlement, et non du gouvernement ou d’un ministre fédéral. Ils exercent des fonctions qui leur sont confiées en vertu de lois bien précises et ils rendent compte à l’une ou aux deux Chambres du Parlement.
Il y a neuf hauts fonctionnaires au Parlement : le vérificateur général du Canada, le directeur général des élections, le commissaire aux langues officielles, le commissaire à l’information du Canada, le commissaire à la protection de la vie privée, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique, le commissaire au lobbying, le commissaire à l’intégrité du secteur public du Canada et le directeur parlementaire du budget.
Les mécanismes de financement diffèrent d’un haut fonctionnaire du Parlement à l’autre : certains obtiennent l’approbation directement du Parlement, tandis que d’autres doivent la demander par l’intermédiaire des ministères. Cette dernière approche risque de compromettre leur indépendance ou, du moins, de donner l’impression que celle-ci est compromise.
Comme l’illustre le témoignage de la commissaire à l’information devant le comité, et je cite :
Bien que je sois une agente indépendante du Parlement, je ne peux présenter une demande de financement directement au Parlement.
Lorsque le Commissariat a besoin d’un financement supplémentaire, je suis obligée de présenter ma demande au ministre de la Justice, qui a ses propres priorités et qui peut ou non soumettre ma demande à la ministre des Finances et, ultimement, à l’approbation du Conseil du Trésor.
Ce processus fastidieux m’oblige à solliciter des fonds auprès des mêmes institutions sur lesquelles je mène des enquêtes. En toute franchise, cela ne reflète aucunement mon indépendance.
Cette déclaration de la commissaire à l’information est hautement préoccupante. Si nous voulons des agents du Parlement vraiment indépendants du gouvernement afin de préserver leur objectivité et leur indépendance, il est crucial que l’on révise le processus d’approbation des budgets de ces entités. La question se pose donc : le gouvernement actuel souhaite-t-il avoir des agents du Parlement vraiment indépendants et efficaces?
A contrario, d’autres hauts fonctionnaires du Parlement, comme le directeur général des élections, le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et le directeur parlementaire du budget, bénéficient de mécanismes de financement indépendants intégrés dans leur loi habilitante, ce qui renforce leur autonomie. C’est ce qui devrait être la norme. Je crois donc qu’il est fondamental de revoir le modèle de financement des hauts fonctionnaires du Parlement qui ne reçoivent pas de fonds directement du Parlement, afin de mieux soutenir leur capacité à remplir leur mandat de façon indépendante et efficace, ce qui améliorera la transparence et renforcera la confiance du public à l’égard des institutions du Canada.
Par contre, quand on voit de quelle manière le gouvernement a présenté l’énoncé économique d’hier, on peut conclure qu’il ne semble absolument pas intéressé par une réelle transparence gouvernementale, et c’est très préoccupant.
Maintenant, je voudrais faire quelques remarques au sujet des dépenses de certains ministères.
Premièrement, je vais parler du ministère de la Défense nationale.
Ce ministère demande des crédits supplémentaires de 3,3 milliards de dollars, dont 1,7 milliard de dollars sont destinés aux biens d’équipement.
Comme le savent les honorables sénateurs, le gouvernement est sous pression pour augmenter les dépenses militaires afin d’atteindre l’objectif de 2 % du PIB fixé par l’OTAN. Malheureusement, ce retard du Canada dans l’atteinte de cette cible discrédite le pays sur la scène internationale.
En juillet de cette année, le gouvernement s’est engagé à atteindre cet objectif de 2 % d’ici 2032-2033.
La nouvelle politique de défense indique que les dépenses militaires atteindront 1,76 % du PIB d’ici 2029-2030, mais un rapport du directeur parlementaire du budget publié récemment contredit cette affirmation en indiquant que les dépenses militaires n’atteindront que 1,58 % du PIB d’ici 2029-2030.
Quoi qu’il en soit, le gouvernement n’a pas encore fourni de feuille de route sur la manière dont il augmentera les dépenses pour atteindre la cible de 2 %.
Lorsque ce projet de loi sera approuvé, le ministère de la Défense nationale sera autorisé à dépenser 34,6 milliards de dollars, ce qui est nettement supérieur aux 29 milliards de dollars approuvés à la même époque l’an dernier.
L’élément le plus notable est la hausse du financement des biens d’équipement, qui était de 6 milliards de dollars l’an dernier, comparativement à 9 milliards de dollars jusqu’à présent cette année. Bien que l’augmentation du financement soit un bon signe, il convient de noter que le ministère de la Défense nationale a un triste bilan pour ce qui est de dépenser les fonds qui lui sont alloués, particulièrement en ce qui a trait aux dépenses en capital en raison du lourd système d’approvisionnement.
Par exemple, en 2020-2021, le ministère a dépensé 5 milliards de dollars sur les 5,8 milliards de dollars approuvés; en 2021-2022, il a dépensé 4,6 milliards de dollars sur les 5,8 milliards de dollars approuvés; enfin, en 2022-2023, il a dépensé 4,9 milliards de dollars sur les 5,9 milliards de dollars approuvés.
Le gouvernement n’avait pas encore communiqué les dépenses pour 2023-2024, de sorte que nous ignorons pour le moment la part des 7,2 milliards de dollars qui a été approuvée et qui a effectivement été dépensée. De toute façon, le gouvernement doit encore fournir une feuille de route pour indiquer comment il atteindra cet objectif de 2 % d’ici 2032-2033. Nombreux sont ceux et celles qui craignent les répercussions que le « recentrage des dépenses publiques » du gouvernement aura sur le ministère de la Défense nationale.
À la période des questions au Sénat, le 7 novembre dernier, on a interrogé le ministre Blair sur les coupes budgétaires imminentes dans son ministère. Il a répondu qu’aucune des réductions n’aura d’incidence sur les opérations, l’entraînement ou le soutien offerts aux membres des Forces armées canadiennes. Néanmoins, la Défense nationale a subi les réductions budgétaires les plus importantes de tous les ministères : on parle de 810 millions de dollars cette année, soit 36 % du montant total du gouvernement, de 851 millions de dollars l’année prochaine et de 907 millions de dollars l’année suivante.
L’ombud de l’approvisionnement du Canada, M. Alexander Jeglic, a comparu devant le Comité sénatorial permanent des finances nationales dans le cadre de l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (B), faisant suite à l’ordre de renvoi du 26 novembre 2024. Le Bureau de l’ombud de l’approvisionnement ne demande pas de fonds dans le Budget supplémentaire des dépenses (B). M. Jeglic a comparu tout juste avant le directeur parlementaire du budget, qui était le premier témoin à cette réunion portant sur l’étude du Budget supplémentaire des dépenses (B). Le mandat de l’ombudsman de l’approvisionnement est défini dans la Loi sur le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux, laquelle prévoit que l’ombudsman doit examiner les pratiques d’acquisition des ministères fédéraux pour en évaluer l’équité, l’ouverture et la transparence, de même que présenter des recommandations pendant l’année. Les sociétés d’État ne sont pas incluses dans ce mandat.
Lors de son témoignage, l’ombudsman de l’approvisionnement a souligné l’existence d’importants problèmes systémiques au sein du système gouvernemental de marchés publics. À plusieurs reprises, il a fait part de ses préoccupations en ce qui a trait à l’état actuel des marchés publics fédéraux et a souligné que le système avait besoin d’une réforme urgente. Il a déclaré qu’on pourrait prendre ses rapports remontant à plusieurs années et les dater d’aujourd’hui, et les commentaires et préoccupations seraient toujours d’actualité.
M. Jeglic nous a également dit que ses rapports mettent en lumière des problèmes de longue date en matière de marchés publics, notamment le favoritisme à l’égard de certains soumissionnaires, la complexité des marchés publics fédéraux, le caractère trop restrictif des critères d’évaluation, le manque de documentation et les lacunes béantes dans la qualité des informations contractuelles rendues publiques par les ministères.
M. Jeglic a également parlé des examens spéciaux qu’il a menés l’année dernière. Le premier portait sur les pratiques de passation des marchés ayant conduit à l’attribution de contrats à McKinsey & Company. L’ombudsman a examiné 32 contrats attribués à McKinsey, représentant une valeur totale de 112 millions de dollars. Il a identifié de nombreux problèmes, et ceux-ci sont affichés sur le site Web de son bureau.
Le deuxième examen spécial concernait ArriveCAN, au cours duquel l’ombudsman a examiné 41 marchés liés à cette application. Les détails de l’examen ont également été publiés sur son site Web. Ils font état de certaines préoccupations sur les pratiques d’attribution de contrats qui n’étaient pas conformes à la politique du gouvernement, ce qui menaçait l’équité, l’ouverture et la transparence de la passation des marchés publics. M. Jeglic a aussi parlé de l’étude effectuée par la Chambre des communes sur l’approvisionnement en matière de défense et l’état de préparation des industries canadiennes de défense. Il a fait part de ses commentaires et de ses préoccupations dans le document d’examen des pratiques d’approvisionnement, publié en mai 2022.
Le directeur parlementaire du budget est un autre témoin important qui a été entendu dans le cadre de cette étude — et je l’ai déjà souligné en abordant les déficits actuels et anticipés. Il a publié son rapport sur le Budget supplémentaire des dépenses (B) le 20 novembre dernier et a témoigné devant notre Comité des finances nationales le 26 novembre. À cette occasion, les nombreuses questions et préoccupations abordées par le directeur parlementaire du budget ont fait l’objet de discussions. Comme je l’ai mentionné, une des préoccupations soulevées concernait le retard dans la présentation des Comptes publics du Canada de 2023-2024. Rappelons que huit mois se sont écoulés depuis la fin du dernier exercice financier.
M. Giroux a déclaré qu’on nous demande, en tant que parlementaires, d’approuver des dépenses supplémentaires de 21,6 milliards de dollars, et ce, sans que nous sachions si les ministères et agences ont eu suffisamment d’argent l’an dernier, s’ils ont dépensé tous les fonds ou s’ils étaient très proches de leur limite maximale de dépenses. Autrement dit, nous ne savons pas s’ils ont réellement besoin de ces 21,6 milliards de dollars. C’est incroyable!
Lors de son témoignage, le directeur parlementaire du budget a dit ce qui suit :
C’est un problème que nous signalons depuis plusieurs années : on vous demande à vous, les parlementaires, d’approuver des dizaines de milliards de dollars de dépenses sans avoir la moindre idée de la manière dont le gouvernement est parvenu à ses résultats et du montant de ses dépenses et de ses fonds inutilisés pour l’année qui s’est terminée il y a maintenant plus de huit mois. C’est donc un problème.
Il a également affirmé ce qui suit :
Lorsque la publication des comptes publics est retardée, les parlementaires disposent de moins de temps pour réaliser l’examen financier ex post[...]
Je précise ici, chers collègues, qu’un examen ex post, ou après‑coup, est un examen qui évalue les performances passées d’une organisation en se basant sur des données historiques. Le directeur parlementaire du budget affirmait, et je le cite à nouveau :
[...] les parlementaires disposent de moins de temps pour réaliser l’examen financier ex post et obtenir de meilleurs renseignements pour évaluer les prévisions et documents budgétaires du gouvernement, dont le présent Budget supplémentaire des dépenses.
Honorables sénateurs, je précise, pour faire suite à ce commentaire du directeur parlementaire du budget, qu’en l’absence des comptes publics, on ne peut pas faire un examen complet, puisque nous n’avons pas les informations nécessaires.
M. Giroux poursuivait en mentionnant ce qui suit :
Vous n’avez pas ces renseignements et les ministères vous demandent encore plus d’argent, mais vous ne savez pas si c’est vraiment nécessaire.
De plus, le gouvernement n’a pas encore publié les rapports sur les résultats ministériels pour 2023-2024, de sorte que nous ignorons également le rendement des ministères. Si on nous demande d’approuver l’augmentation du financement d’un ministère ou d’une agence, nous devrions connaître leurs résultats de l’année précédente.
De plus, comme nous ne disposions pas des comptes publics, nous ne savions toujours pas quel était le déficit réel de l’an dernier. Maintenant, nous savons qu’il s’élève à 62 milliards de dollars.
Avec la démission de la ministre des Finances hier, il est apparu clairement qu’il y avait des dissensions entre la ministre et le premier ministre en ce qui concerne la présentation des comptes publics. Cela explique mieux une contradiction que nous avons entendue au Comité des finances entre la vérificatrice générale du Canada et le Conseil du Trésor. En effet, le 27 novembre dernier, un fonctionnaire du Conseil du Trésor, M. Antoine Brunelle-Côté, secrétaire adjoint, Secteur de la gestion des dépenses, nous a affirmé ce qui suit en répondant à une question sur la transmission des états financiers à la vérificatrice générale :
Ma compréhension est que la vérificatrice générale a reçu un rapport et qu’on attend son avis final; le gouvernement promet de déposer le rapport en vertu de la loi avant le 31 décembre. [...]
Je vais vérifier; je crois que c’est la version finale, mais je dois vérifier cette information.
Or, lors de son témoignage devant le Comité des comptes publics de l’autre endroit le 2 décembre dernier, la vérificatrice générale du Canada a affirmé ce qui suit :
Nous n’avons pas les états finaux. Notre vérification est en cours. Nous travaillons évidemment avec plusieurs versions, mais nous n’avons pas les versions finales.
Cette situation est vraiment exceptionnelle, car les comptes publics étaient déposés précédemment de façon générale en octobre de chaque année. Depuis 2014, c’est seulement en 2015, 2019 et 2021 que les comptes publics ont été déposés au début de décembre, mais je souligne que ces trois années étaient des années électorales, ce qui a pu justifier ce retard.
Quelles sont donc les circonstances exceptionnelles qui expliquent ce retard cette année? Je crois que la démission de la ministre des Finances hier explique le sable qu’il y avait potentiellement dans l’engrenage.
Par ailleurs, une augmentation des dépenses pour les Autochtones, qui sont passées de 10,7 milliards de dollars en 2015-2016 à 31 milliards de dollars en 2022-2023, a également attiré mon attention et celle de nos collègues du Comité sénatorial permanent des finances nationales.
Les dépenses réelles pour l’année dernière ne sont pas encore disponibles, puisque, comme je l’ai mentionné précédemment, nous ne disposons pas des comptes publics, mais le directeur parlementaire du budget estime les dépenses en matière de revendications et litiges en cours pour les suivis autochtones à 74 milliards de dollars en 2023-2024 et à 45,7 milliards de dollars en 2024-2025.
M. Giroux a indiqué que les majorations au titre des dépenses pour les Autochtones ou pour les revendications autochtones s’expliquent par différents facteurs, notamment la croissance de la population autochtone, l’augmentation des services fournis à la population autochtone, ainsi que la hausse du nombre de revendications et de règlements.
Les dépenses de 74 milliards de dollars en 2023-2024 incluaient la somme de 23 milliards de dollars destinée au règlement en vertu du Programme des Services à l’enfance et à la famille des Premières Nations. La négociation de cet accord s’est étalée sur plusieurs années, et le règlement définitif a été fixé en 2023-2024.
Enfin, la croissance fulgurante de la fonction publique au sein du gouvernement fédéral a également été scrutée, car le bond dont nous sommes témoins est phénoménal. Toutefois, le niveau de service à la population ne suit manifestement pas, comme on en a eu la preuve depuis plusieurs mois. En effet, la taille de la fonction publique fédérale a considérablement augmenté ces dernières années.
D’après ses analyses et face à ce constat, le directeur parlementaire du budget s’est demandé si les dépenses liées au personnel risquaient de devenir insoutenables en l’absence de changements structurels.
M. Giroux a répondu à ce questionnement par ces mots :
Y a-t-il des mécanismes pour contrôler la croissance? Oui. Des annonces ont été faites concernant la réduction des dépenses de nombreux exercices au cours des deux dernières années. La plupart d’entre eux n’ont pas été finalisés ou ont été suspendus, voire annulés dans un cas. Il y a aussi le Conseil du Trésor du Canada, le groupe de ministres qui est chargé d’examiner les dépenses et d’approuver les chèques qui sont versés aux ministères, même si elles ont été approuvées dans les budgets ou les budgets supplémentaires des dépenses. Il y a un groupe de ministres qui est chargé d’examiner les dépenses du gouvernement, y compris les dépenses liées au personnel.
Est-ce que je pense que les choses vont changer? Ce n’est pas ce que l’histoire suggère. Au cours des dernières années, nous avons constaté à plusieurs reprises que le gouvernement avait l’intention de réduire la taille de la fonction publique l’année suivante, peu importe l’année où vous posez cette question. C’est toujours l’année prochaine. Est-ce que ce sera différent cette fois-ci? Par rapport à la même période l’an dernier, les dépenses liées au personnel ont augmenté de 8 %. Cette année sera-t-elle différente? Je ne le pense pas, même si nous entendons dire que certains contrats d’emploi occasionnel ou à durée déterminée n’ont pas été renouvelés, mais nous n’avons pas assisté à une stabilisation ou à une réduction générale de la taille de la fonction publique, certainement pas en ce qui concerne les employés permanents ou, dans le langage d’Ottawa, les employés nommés pour une période indéterminée. [...]
Je pense que la taille de la fonction publique n’est pas un problème en soi. Elle peut devenir problématique si nous augmentons la taille de la fonction publique et ne constatons pas d’amélioration correspondante des services.
Chers collègues, devant ces nombreuses lacunes, nous ne pourrons évidemment pas donner notre aval à ce projet de loi, le gouvernement n’ayant pas réussi le test de reddition de comptes, de rigueur et surtout pas de transparence minimale, comme nous en avons été témoins hier après-midi. Même la ministre des Finances et vice-première ministre, la numéro 2 du gouvernement, n’a plus confiance en ce premier ministre et en ce gouvernement. Elle qualifie même les mesures gouvernementales d’« astuces politiques coûteuses que nous ne pouvons pas nous permettre ».
Voilà donc, chers collègues, les quelques observations que je souhaitais porter à votre attention. L’étude des budgets supplémentaires des dépenses est toujours un exercice fastidieux, mais il est fondamental au chapitre de la transparence gouvernementale.
Les membres du Comité sénatorial permanent des finances nationales se sont acquittés de leur mandat avec diligence, professionnalisme et rigueur. Je les en remercie sincèrement. Heureusement, nous pouvons compter sur du personnel de soutien hors pair, que ce soit notre greffière, nos analystes et toutes les autres personnes qui travaillent pour nous faciliter la tâche.
Malheureusement, en raison de tant d’imprécisions et d’incertitudes, le projet de loi C-79 est difficile à justifier et à accepter.
Pour conclure sur une note plus positive, à vous toutes et tous, je veux vous exprimer toute ma reconnaissance. Je vous souhaite de joyeuses Fêtes avec beaucoup de plaisir, et surtout un repos bien mérité.
Je vous remercie.
Les sénateurs sont-ils prêts à se prononcer?
Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Que les sénateurs qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.
Des voix : Oui.
Son Honneur la Présidente : Que les sénateurs qui sont contre la motion veuillent bien dire non.
Des voix : Non.
Son Honneur la Présidente : À mon avis, les oui l’emportent.
Je vois deux sénateurs se lever. Y a-t-il entente au sujet de la sonnerie? Trente minutes? Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
La sonnerie retentira pendant 30 minutes, et le vote aura lieu à 14 h 36. Convoquez les sénateurs.